Séance du 25 mars 1999







M. le président. « Art. 5 bis . - Des schémas interrégionaux d'aménagement et de développement du territoire peuvent être élaborés, à l'initiative de l'Etat ou des régions concernées, pour des territoires qui justifient une approche globale et concertée de leur aménagement et de leur développement. Ils sont élaborés parallèlement et en cohérence avec les schémas régionaux. Leur mise en oeuvre est assurée par des conventions conclues entre l'Etat et les régions concernées ou par les contrats de plan Etat-régions. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 274, M. Le Cam, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 231 rectifié, Mme Bardou, MM. Althapé, Barnier, Besse, Faure, Ferrand, Hérisson, Jarlier, Michel Mercier, Ostermann et Jourdain proposent de rédiger comme suit l'article 5 bis :
« Pour les territoires qui justifient une approche globale et concertée de leur aménagement et de leur développement, des conventions interrégionales peuvent être conclues entre l'Etat et les régions concernées.
« Ces conventions sont élaborées et conclues dans les mêmes conditions que les contrats de plan prévus à l'article 11 de la loi n° 82-65 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, et pour une durée identique.
« Lorsqu'il existe des schémas interrégionaux d'aménagement et de développement du territoire élaborés, à l'initiative de l'Etat ou des régions concernées, les conventions interrégionales permettent la mise en oeuvre des schémas. »
Par amendement n° 36, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent, dans la première phrase de l'article 5 bis, de remplacer les mots : « , à l'initiative de l'Etat ou des régions concernées, » par les mots : « à l'initiative des régions concernées ».
Par amendement n° 146, M. Vasselle propose de compléter in fine l'article 5 bis par les mots : « ou des contrats de plan locaux entre régions et départements ».
Enfin, par amendement n° 37, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent de compléter l'article 5 bis par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces schémas interrégionaux d'aménagement et de développement du territoire doivent être cohérents avec les politiques de coopération interrégionale mises en place par l'Union européenne. »
La parole est à M. Le Cam, pour présenter l'amendement n° 274.
M. Gérard Le Cam. Derrière cet article 5 bis , défendu par la droite à l'Assemblée nationale et renforcé ici par la majorité sénatoriale au travers des amendements n°s 36 et 37, se profile, dans la logique des amendements adoptés précédemment, une véritable Europe des régions dans laquelle les Etats seraient marginalisés, bien que vous vous en soyez défendu hier soir, monsieur le rapporteur.
Il s'agit en effet, avec cet article 5 bis, de préparer et de généraliser un cadre juridique en vue de la reconstruction de pays autour de quelques grandes régions qui dépassent les frontières administratives aujourd'hui reconnues.
Que l'Etat passe des conventions avec certaines régions de montagne ou du littoral présentant des préoccupations semblables peut être nécessaire, à condition toutefois d'associer à la démarche les départements, les élus locaux et les acteurs socio-économiques et associatifs.
En revanche, entériner par la loi un dispositif conçu à l'origine au cas par cas, dans des circonstances bien déterminées, afin de l'ériger en système sans fixer par ailleurs aucune règle, aucune condition, aucun objectif précis - et pour cause, puisque l'Etat est écarté de l'élaboration du schéma interrégional par l'amendement n° 36 - nous paraît annoncer les plus grands périls.
La consécration par la loi de ce type de démarche revient en quelque sorte à décharger l'Etat de ses prérogatives en matière d'aménagement du territoire. Cela ne peut que contribuer à éloigner plus encore les citoyens et les élus du terrain des choix et des projets qui les concernent.
Il est précisé, en outre, que ces schémas interrégionaux seraient élaborés parallèlement et en cohérence avec les SRADT, et non pas sur la base des schémas régionaux. C'est dire si les SRADT seraient finalement voués à se fondre à leur tour dans un schéma plus vaste et aux contours plus diffus.
Enfin, que deviendraient les départements dans le cadre de ces schémas interrégionaux ? Seraient-ils seulement consultés ? Seraient-ils même seulement informés ?
Le moins que l'on puisse dire, c'est que cet article 5 bis est flou, ambigu et laisse la porte ouverte à toutes les dérives que la majorité sénatoriale veut aggraver.
Nous demandons donc la suppression de cet article et nous voterons contre les amendements n°s 36 et 37 de la commission spéciale, qui, loin d'atténuer la portée de l'article, veut au contraire le prolonger dans une perspective d'Europe fédérale.
M. le président. La parole est à Mme Bardou, pour défendre l'amendement n° 231 rectifié.
Mme Janine Bardou. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l'article 5 bis afin de ne pas conditionner l'établissement d'une convention interrégionale à l'existence préalable d'un schéma interrégional.
Alors même que la nécessité de pouvoir envisager dans les contrats de plan une prise en considération adéquate des territoires présentant un caractère transrégional marqué - littoral, montagne, par exemple - apparaît comme une évidence, il serait dommageable que des conventions interrégionales ne puissent, ici ou là, être établies du fait de l'absence formelle de schémas interrégionaux.
La présente rédaction donne une base législative aux conventions interrégionales telles qu'elles sont explicitement prévues dans la circulaire du Premier ministre du 31 juillet 1998. Elle permet de les élaborer et de les établir dans les mêmes conditions que les contrats de plan Etat-régions afin que toutes les garanties qui s'attachent à cette procédure s'appliquent également auxdites conventions, et ce tout en en faisant l'instrument privilégié de mise en oeuvre des schémas interrégionaux, là où ces derniers auront été développés.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 36.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il s'agit, par l'amendement n° 36, de réserver, dans un souci de cohérence, aux seules régions la possibilité d'élaborer des schémas interrégionaux.
Quant à l'amendement n° 37 - monsieur le président, je me permets de le défendre dès maintenant - il vise à réaffirmer l'insertion des schémas interrégionaux dans l'espace européen, à l'image de ce qui existe pour les schémas régionaux.
Je tiens à dire sout de suite également, monsieur le président, que je serai amené à émettre un avis favorable sur l'amendement n° 231 rectifié, mais que cet avis sera soumis à l'introduction dans cet amendement des modifications contenues dans les amendements n°s 36 et 37.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 146.
M. Alain Vasselle. Cet amendement vise à offrir la possibilité - même si cela se produit dans les faits, il est préférable, à mon sens, de le prévoir dans la loi - d'ouvrir un droit aux différents partenaires, régions et départements, de mettre en place des contrats de plan locaux entre régions et départements dans le cadre de l'approche des contrats de plans interrégionaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 274, 231 rectifié et 146 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 274 parce qu'elle est favorable à la mise en place de schémas interrégionaux, qui nous apparaissent comme une nécessité et qui sont déjà, parfois, des réalités.
L'amendement n° 231 rectifié de Mme Bardou réécrit l'article 5 bis en prévoyant la conclusion de conventions interrégionales entre l'Etat et les régions concernées s'intégrant, le cas échéant, dans les schémas interrégionaux qui pourraient préexister. Nous y sommes favorables, comme je l'ai dit, monsieur le président, sous réserve de la prise en compte du contenu des amendements n°s 36 et 37.
L'amendement n° 36 pourrait devenir un sous-amendement ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 231 rectifié, remplacer les mots : "à l'initiative de l'Etat ou des régions concernées" par les mots : "à l'initiative des régions concernées". »
L'amendement n° 37, qui deviendrait également un sous-amendement, serait ainsi conçu :
« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 231 rectifié par un alinéa ainsi rédigé : "Ces schémas interrégionaux d'aménagement et de développement du territoire doivent être cohérents avec les politiques de coopération interrégionale mises en place par l'Union européenne". »
J'en viens à l'amendement n° 146 de M. Vasselle.
La commission s'est interrogée sur l'opportunité de permettre à des contrats entre régions et départements de mettre en oeuvre les schémas interrégionaux. Nous avons trouvé un équilibre entre régions et départements. Le moment ne nous semble pas venu de le modifier.
Voilà pourquoi la commission spéciale, après avoir pris en compte un certain nombre d'exemples qui traduisent cette réalité concrète, n'a pas souhaité l'inscrire dans le texte et n'a pas pu émettre un avis favorable sur l'amendement de M. Vasselle.
M. le président. Madame Bardou, accepteriez-vous de rectifier votre amendement de façon à prendre en compte les modifications proposées par M. le rapporteur ?
Mme Janine Bardou. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 231 rectifié bis , déposé par Mme Bardou, MM. Althapé, Barnier, Besse, Faure, Ferrand, Hérisson, Jarlier, Michel Mercier, Ostermann et Jourdain, et visant à rédiger comme suit l'article 5 bis :
« Pour les territoires qui justifient une approche globale et concertée de leur aménagement et de leur développement, des conventions interrégionales peuvent être conclues entre l'Etat et les régions concernées.
« Ces conventions sont élaborées et conclues dans les mêmes conditions que les contrats de plan prévus à l'article 11 de la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, et pour une durée identique.
« Lorsqu'il existe des schémas interrégionaux d'aménagement et de développement du territoire élaborés à l'initiative des régions concernées, les conventions interrégionales permettent la mise en oeuvre des schémas.
« Ces schémas interrégionaux d'aménagement et de développement du territoire doivent être cohérents avec les politiques de coopération interrégionale mises en place par l'Union européenne. »
En conséquence, les amendements n°s 36 et 37 n'ont plus d'objet.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 274, 231 rectifié bis et 146 ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il me semble que l'article 5 bis n'a pas vocation à restreindre le champ d'utilisation de conventions interrégionales. Il rappelle qu'il s'agit de l'un des modes de mise en oeuvre des schémas interrégionaux.
Dans le cadre de leur libre administration, les collectivités ont la faculté de passer des conventions sur des sujets d'intérêt commun. Il ne paraît pas nécessaire d'asseoir ces conventions sur une base législative particulière. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 231 rectifié bis.
J'ai bien noté que le texte de l'amendement n° 36 était désormais intégré dans le nouvel amendement n° 231 rectifié bis. Le Gouvernement était favorable à cet amendement tout en ayant bien conscience qu'il précise que ce sont les régions concernées qui doivent prendre l'initiative de l'élaboration de ces schémas, alors qu'en d'autres moments nous serons amenés à réaffirmer le rôle de l'Etat.
En effet, M. Larcher, qui connaît bien le terrain, sait qu'il pourrait être difficile, par exemple, d'élaborer un schéma interrégional du Grand Bassin parisien ; il suffirait qu'une région ne joue pas le jeu ou ne souhaite pas s'insérer dans cette dynamique pour freiner une démarche que chacun souhaite.
Le Gouvernement est également favorable à la modification contenue dans l'amendement n° 37, sous réserve d'une nouvelle modification. En effet, vous le savez, la coopération interrégionale n'est pas une politique communautaire au sens plein du terme mais une action d'accompagnement incitative qui repose sur un partenariat local ; elle n'a pas de valeur prescriptive ou directive, son ampleur en fait néanmoins un moyen important d'action. Le Gouvernement la met en oeuvre en élaborant une stratégie unique de l'Etat pour les contrats de plan Etat-région et pour les documents uniques de programmation. Aussi la rédaction suivante me semblerait plus appropriée : « Ces schémas interrégionaux d'aménagement et de développement du territoire prennent en compte les démarches de coopération interrégionale européenne ».
J'en viens à l'amendement n° 274, défendu par M. Le Cam.
Le texte du projet de loi prévoit que le schéma interrégional peut être élaboré sur l'initiative des régions, qu'il doit être compatible avec les schémas de service et les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire, qui constituent bien l'ossature de la politique de planification nationale.
Par rapport aux schémas régionaux, ces schémas interrégionaux favorisent la cohérence et le dialogue nécessaires, en matière d'aménagement et de développement sur des espaces qui correspondent à des enjeux communs.
De même, la prise en compte par ces schémas interrégionaux des démarches de coopération interrégionale européenne participe de l'intention de favoriser le dialogue, la coopération, l'échange d'expériences entre les régions appartenant à des espaces dont les enjeux et les destins sont liés - les espaces périphériques de l'Ouest, les espaces correspondant à des massifs - dans le cadre des politiques mises en oeuvre par l'Union.
La France devrait-elle s'interdire de bénéficier de programmes comme INTERREG 2 C, qui intéressent nos régions de la façade atlantique ou méditerranéenne et celles de la diagonale continentale ? La France devrait-elle s'interdire de mettre en oeuvre des actions de lutte contre les inondations dans le bassin Rhin-Meuse ou en Méditerranée ? Je ne le pense pas.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Enfin, comme la commission, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 146.
M. le président. Monsieur le rapporteur, que pense la commission de la modification proposée par Mme le ministre ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission spéciale souhaite demander à Mme Bardou si, à la lumière des propos de Mme le ministre, elle accepterait de nouveau de modifier son texte de façon que le dernier paragraphe soit rédigé de la manière suivante :
« Ces schémas interrégionaux d'aménagement et de développement du territoire prennent en compte les démarches de coopération interrégionale mises en place par l'Union européenne. »
M. le président. Madame Bardou, êtes-vous d'accord avec la rectification proposée par M. le rapporteur ?
Mme Janine Bardou. Bien que cette proposition modifie quelque peu l'esprit de l'amendement que j'ai déposé, je l'accepte.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 231 rectifié ter, présenté par Mme Bardou, MM. Althapé, Barnier, Besse, Faure, Ferrand, Hérisson, Jarlier, Michel Mercier, Ostermann et Jourdain, et tendant à rédiger comme suit l'article 5 bis :
« Pour les territoires qui justifient une approche globale et concertée de leur aménagement et de leur développement, des conventions interrégionales peuvent être conclues entre l'Etat et les régions concernées.
« Ces conventions sont élaborées et conclues dans les mêmes conditions que les contrats de plan prévus à l'article 11 de la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, et pour une durée identique.
« Lorsqu'il existe des schémas interrégionaux d'aménagement et de développement du territoire élaborés à l'initiative des régions concernées, les conventions interrégionales permettent la mise en oeuvre des schémas.
« Ces schémas interrégionaux d'aménagement et de développement du territoire prennent en compte les démarches de coopération interrégionale mises en place par l'Union européenne. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'ai la faiblesse de préférer la rédaction initiale. Par conséquent, j'émets un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 274.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Mon explication de vote vaudra pour l'ensemble des amendements présentés sur l'article 5 bis.
Pour ce qui est de l'amendement n° 274, nous y sommes défavorables, ce pour une raison très simple : nous sommes partisans d'intégrer notre aménagement du territoire dans l'Union européenne.
S'agissant de l'amendement n° 231 rectifié ter, nous voterons contre puisque le Gouvernement n'est pas satisfait de la nouvelle rédaction.
Nous sommes plutôt favorables à l'amendement n° 36 et favorables à l'amendement n° 37.
Enfin, nous sommes radicalement opposés à l'amendement n° 146.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 274, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 231 rectifié ter, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 bis est ainsi rédigé et l'amendement n° 146 n'a plus d'objet.

Article additionnel après l'article 5 bis