Séance du 4 février 1999







M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, en charge également de la protection des consommateurs. Elle concerne les frais bancaires attachés aux paiements transfrontaliers en euros, que nous pouvons désormais effectuer depuis le 4 janvier dernier.
Le gouvernement français s'est résolument engagé dans cette étape fondamentale pour la construction européenne qu'est la création de la monnaie unique.
Des actions de sensibilisation se multiplient, notamment sur nos chaînes télévisées, afin de nous préparer au basculement définitif, qui aura lieu en 2002.
Les commerces s'initient au double affichage des prix et nous pouvons régler nos achats en euros, grâce à des cartes bancaires ou des chéquiers spécifiques. (M. Loridant brandit un chéquier libellé en euros).
Les opérations d'achat de devises étrangères sont déjà censées bénéficier de l'effet euro en raison de l'élimination des coûts de change.
On nous vante les mérites du paiement en euros de nos achats effectués chez nos voisins européens, lors de séjours touristiques par exemple. Or de plus en plus de témoignages sur les pratiques de certaines banques nous parviennent et nous laissent perplexes. Les associations de consommateurs s'en font d'ailleurs l'écho : toutes attestent une lourde facturation des opérations effectuées par chèque, par carte bancaire ou par virement.
Ainsi, le gérant d'un camping de mon département souhaite proposer pour la prochaine saison des paiements en euros à l'intention de sa clientèle européenne. Renseignements pris auprès de sa banque, on l'a informé qu'il lui en coûterait au moins 55 francs par chèque libellé en euros.
M. Emmanuel Hamel. Cela coûte cher, l'euro ! (Sourires.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Dans un quotidien, une autre banque affirme : « Oui, votre chéquier en euros est déconseillé à l'étranger ! »
M. Emmanuel Hamel. Déconseillé ! (Nouveaux sourires.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Reconnaissons que tous ces messages contradictoires ont de quoi troubler !
La Commission européenne a certes élaboré, en avril dernier, un code de bonne conduite, mais les opérations effectuées à l'étranger, en particulier le paiement de petites sommes, demeurent particulièrement onéreuses.
La mise en oeuvre de l'euro ne repose pas sur les seuls marchés financiers. Sa réussite passe également par la facilité avec laquelle les citoyens vont se l'approprier.
Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous indiquer quelles initiatives entend prendre le Gouvernement, aux plans tant national qu'européen, pour mieux encadrer ces tarifications pénalisantes qui risquent de dissuader les consommateurs et les commerçants ? (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Emmanuel Hamel. Pénalisantes, vous l'avez dit !
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Madame la sénatrice, l'euro est une réussite collective. Il faut donc qu'il profite à tous.
J'ai constaté comme vous que la tarification des transactions en euros était élevée, notamment pour les petits montants. C'est, pour Dominique Strauss-Kahn et moi, un sujet important de préoccupation.
Nous avons donc saisi toutes les banques et la Banque de France pour leur demander de travailler rapidement et efficacement - nous en sommes certains - dans trois domaines.
Le premier domaine est l'amélioration des systèmes de paiement pour les transactions de petit montant. Le temps des systèmes informatiques réservés aux transactions de gros montant est révolu. Il faut que nous ayons un système conforme aux exigences de l'union monétaire. Le comité économique et financier de l'Union européenne, présidé par le directeur du Trésor, M. Jean Lemierre, doit examiner cette question prochainement, et vous serez informé des résultats.
Il convient aussi de travailler à l'amélioration de la transparence des tarifs. Grâce à l'écart entre les cours d'achat et de vente lors des opérations de change, les banques pouvaient jusqu'à présent se faire rémunérer sans que le consommateur sache exactement ce qu'il payait. Il faut expliquer ce qu'étaient les tarifs avant l'euro et ce qu'ils sont après.
Enfin, troisième domaine d'intervention, il faut travailler à la définition d'un partenariat mutuellement profitable entre les banques et leurs clients. C'est l'objet de la mission que Dominique Strauss-Kahn et moi avons confiée en septembre dernier à Benoît Jolivet, président du comité des usagers du Conseil national du crédit et du titre.
Un groupe de travail qui réunit toutes les parties prenantes a été créé. Il appartient aux banques et aux consommateurs de trouver le bon équilibre par la négociation. Nous leur avons laissé jusqu'à la fin du mois prochain. Nous attendons que ces négociations soient terminées pour prendre les décisions qui s'imposent.
Les banques supportent des coûts et rendent des services. Il est normal qu'elles soient rémunérées pour cela. Encore faut-il que cela ne s'exerce pas au détriment des consommateurs, notamment des plus défavorisés d'entre eux, qui sont les premiers concernés par les transactions de petit montant, en particulier ceux qui habitent dans les régions transfrontalières.
Le Gouvernement veillera à ce que les travaux du groupe Jolivet respectent cette exigence de solidarité ; sinon, l'euro ne sera pas la monnaie de tous ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. De toute manière, l'euro ne durera pas !

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