Séance du 18 décembre 1998






LOI DE FINANCES POUR 1999

Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 1999, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 137, 199-1999). [Rapport n° 138 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes arrivés au dernier stade, peut-être, de cette discussion budgétaire pour 1999.
Chacun ici se souvient de la démarche que nous avons voulu faire prévaloir au Sénat et qui tendait en premier lieu à stabiliser la dette publique en utilisant les dividendes de l'excellente conjoncture de 1998.
M. Michel Moreigne. ... de l'excellente gestion !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette démarche visait également à bien montrer, par une initiative aussi pédagogique que possible, qu'il n'est pas raisonnable de faire reposer sur la seule conjoncture, aléatoire par nature, la réduction du déficit.
Nous avons voulu illustrer ces propos tout au long de l'examen du projet de la loi de finances et mettre en garde contre l'alourdissement des charges de structure de l'Etat, qui sont des charges pérennes, alors que les résultats flatteurs en termes de recettes de 1998 sont issus d'une conjoncture donnée à un moment donné et sont, par nature, aléatoires.
Notre démarche, ainsi rappelée très brièvement, a rencontré, comme il était logique et normal, l'opposition de la majorité de l'Assemblée nationale. Celle-ci a effectué une analyse différente de la nôtre, et c'est bien son droit. Toutefois, lors de la nouvelle lecture au Palais-Bourbon - j'en ai lu le compte rendu analytique avec soin - notre démarche a fait l'objet - vous nous en aviez déjà donné quelques signes ici même, monsieur le secrétaire d'Etat - d'une véritable caricature de votre part.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Oh !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, vous n'avez pas hésité à parler d'acharnement, de massacre, de satanisation des dépenses,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est un péché ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... alors que, vous le savez très bien, tout cela est excessif et que, pour notre part, nous nous sommes soigneusement gardés de tout excès.
Ainsi, les réductions de dépenses, pour un montant de 26 milliards de francs, auxquelles nous avons procédé conduisent non pas à réduire les dépenses mais simplement à diminuer leur taux de progression.
Puisque les approches, en termes de stratégie budgétaire, sont très difficilement conciliables entre le Sénat et l'Assemblée nationale, je vous proposerai dans quelques instants, mes chers collègues, une motion tendant à opposer la question préalable, qui devrait nous permettre d'acter notre désaccord de fond.
Auparavant, je voudrais passer rapidement en revue le projet de loi de finances en son état actuel, après son nouvel examen par l'Assemblée nationale.
Initialement, le projet de loi de finances comptait quatre-vingt-trois articles. L'Assemblée nationale en a inséré, en première lecture, quarante-quatre. Le Sénat a adopté, en première lecture, cent soixante-sept amendements.
Au terme de notre premier examen, nous avons constaté qu'entre l'Assemblée nationale et le Sénat il y avait divergence ou désaccord sur quatre-vingt-six articles, qui ont été examinés par la commission mixte paritaire, laquelle s'est réunie le 10 décembre dernier.
Comme vous le savez, cette commission mixte paritaire a débouché rapidement sur un constat de désaccord, pour les raisons de stratégie générale et budgétaire que j'ai rappelées. Toutefois, vous aurez peut-être remarqué que le texte résultant de la nouvelle lecture par l'Assemblée nationale comporte un certain nombre d'éléments qui ne sont pas éloignés de nos votes, ou même qui en reprennent les acquis.
Je souhaite brièvement rappeler les principaux désaccords et les points d'accord, complet ou partiel.
Désaccord, bien entendu, sur la stratégie générale, mais je n'y reviens pas ; désaccord en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, puisque l'Assemblée nationale a réduit le plafond de l'avantage procuré part le quotient familial ; désaccord sur l'article 2 ter que nous avions voté et qui exonérait les associations d'aide à domicile à but non lucratif du paiement de la taxe sur les salaires ; désaccord en ce qui concerne l'impôt de solidarité sur la fortune, puisque le plafonnement par rapport aux revenus a été rétabli, puisque la nouvelle procédure de contrôle des dettes déclarées a été validée, ainsi que le durcissement de l'imposition des loueurs de meublés ; désaccord sur l'article 16, l'Assemblée nationale ayant rétabli dans sa version initiale l'imposition des plus-values constatées - en fait, des plus-values latentes - sur les participations substantielles ; désaccord, plus surprenant, sur la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, l'Assemblée nationale ayant rétabli le rapport initial entre le gazole et le super carburant sans plomb ; désaccord sur la TVA, puisque la plupart de nos avancées ont été rejetées, qu'il s'agisse de la TVA sur les travaux aidés par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat ou de la TVA au taux réduit pour la réalisation de casernes de gendarmerie ; désaccord pour l'application du taux réduit à certaines utilisations d'installations sportives, bien que, avec M. Lachenaud, nous nous soyons efforcés de parvenir à une rédaction bien « bornée » et spécifique, et je pense que, sur le plan technique, on ne peut que regretter un tel désaccord ; de façon plus politique, désaccord sur l'impôt sur les sociétés, puisque l'Assemblée nationale a rétabli l'article 28, qui réduit l'avoir fiscal entre sociétés, et l'article 28 ter, qui rétablit une taxe pour frais et charges sur les remontées de dividendes entre filles et mères.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale n'a rien retenu des propositions du Sénat sur la taxe professionnelle, sinon une demande de rapport.
Elle a supprimé l'article 29 bis , qui exonérait les titulaires de minima sociaux de taxe foncière sur les propriétés bâties et résultait d'un amendement émanant du groupe communiste républicain et citoyen voté par le Sénat.
L'Assemblée nationale a rétabli l'article 30, relatif à la taxe générale sur les activités polluantes, qui, selon nous, est une redoutable machine fiscale, représentant une menace pour le système de financement des agences de l'eau. Elle a également rétabli la taxe de l'aviation civile.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a rétabli le prélèvement de 5 milliards de francs sur les fonds propres des caisses d'épargne.
En ce qui concerne les finances locales, l'Assemblée nationale, je dois le reconnaître, a bien lutté sur le contrat de stabilité et de croissance, en essayant d'obtenir un intéressement à la croissance un peu meilleur ; mais le Gouvernement ne l'a pas suivie ; il continue à mettre en oeuvre, à mon avis, insidieusement, une politique de recentralisation.
L'examen des articles de la deuxième partie de la loi de finances a fait ressortir des approches complètement différentes.
L'Assemblée nationale est revenue à son texte initial en supprimant, par exemple, l'exonération des prestations maternité d'impôt sur le revenu. Ce n'est pas une mesure très sociale, monsieur le secrétaire d'Etat, alors que vous n'avez que ce mot à la bouche !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'Assemblée nationale a même refusé un rapport qui était demandé à la Cour des comptes par l'article 64 AE.
En ce qui concerne la loi Pons, elle a fait un pas dans notre sens, puisque le dispositif a été prorogé jusqu'en 2002 - nous demandions qu'il le soit jusqu'en 2005. Mais c'est, me semble-t-il, un peu mieux qu'en première lecture.
Elle a rétabli sa rédaction sur le crédit d'impôt recherche, qui avait été rendu plus avantageux par le Sénat.
Elle a refusé notre initiative tendant à réduire la taxation sur les stock options. C'est étonnant, parce que, au moment même où l'Assemblée nationale se livrait à ce vote - à votre invite, en réalité - ...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Oh !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... la presse économique se faisait l'écho du projet de loi que le Gouvernement se prépare à adopter au début de l'année 1999 concernant le financement de l'innovation.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce sont des rumeurs !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Que je sache, M. Strauss-Kahn n'a pas démenti ce qui a été publié à ce sujet dans la presse, monsieur le secrétaire d'Etat ! Or l'un des premiers effets de ce projet de loi sera d'abaisser, comme nous le demandions, la taxation des stock options à 26 %. Il s'agit très exactement des termes de l'amendement que nous avions voté ici au Sénat, sur l'initiative de la commission des finances ! Vérité à Matignon, erreur au Palais du Luxembourg ?
En ce qui me concerne, monsieur le secrétaire d'Etat, je regrette que l'on ne parvienne pas, sur des sujets qui ne sont finalement que techniques, à trouver les voies de l'objectivité et que l'on en reste, de votre fait, à des jeux exagérément politiciens.
L'Assemblée nationale a également rejeté l'extension du crédit d'impôt-formation à la formation des chefs d'entreprise.
Elle n'a pas souhaité établir - mais il faudra le faire - la neutralité fiscale en ce qui concerne les sociétés anonymes et les SARL pour ce qui est des droits d'enregistrement sur les cessions de parts, qui continuent à pénaliser le fonctionnement et la fluidité du tissu économique.
L'Assemblée nationale a rétabli de manière surprenante un article 69 quater créant une taxe locale sur les activités saisonnières, que je persiste à considérer singulièrement, inapplicable et inopportune.
L'Assemblée nationale, en matière de procédure fiscale, a supprimé l'indexation que nous proposions du taux d'intérêt de retard sur le taux d'intérêt légal.
En ce qui concerne la TVA, toujours en seconde partie, l'« amendement chocolat » n'a pas eu de chance, de même que nous avons dû constater que l'Assemblée nationale a refusé notre proposition permettant aux regroupements de communes de déposer des dossiers de demande de subvention au nom de communes membres ayant délégué leur compétence en matière de voirie. C'était pourtant une approche technique qui aurait pu être retenue !
L'Assemblée nationale n'a pas souhaité réduire de moitié, comme nous le voulions, la majoration des contributions des agriculteurs au Fonds national de garantie des calamités agricoles. Merci pour les agriculteurs !
En ce qui concerne les articles rattachés, l'Assemblée nationale a rejeté l'article 75 AA, qui était dû à l'initiative de notre collègue Michel Charasse et qui, rattaché aux crédits de la coopération, prévoyait une approbation du comité directeur du fonds d'aide et de coopération pour la mise en oeuvre de projets partiellement financés par lui.
L'Assemblée nationale a rétabli l'article concernant le congé de fin d'activité des fonctionnaires, l'article rattaché aux crédits de l'emploi sur l'aide à l'embauche des apprentis, l'article rattaché aux crédits de la solidarité interdisant le cumul des exonérations de cotisations familiales avec la réduction de cotisations sociales sur les bas salaires.
Enfin, l'Assemblée nationale a rétabli la taxe d'aéroport et, sur un point qui avait été très controversé dans l'une et l'autre assemblée - l'interconnexion des fichiers social et fiscal - elle en est revenue au principe de cette interconnexion, tout en s'efforçant de délimiter son application de manière un peu plus rigoureuse que dans la première version du texte de la loi de finances. Nous verrons ce que le Conseil constitutionnel pensera de cette disposition !
J'en arrive aux accords, parce que, après avoir dit le négatif, je vais terminer par le positif.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ah !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les accords complets sont en effet positifs, même si les accords partiels le sont un peu moins ; mais je vais en dresser un rapide inventaire.
Pami les dispositions que l'Assemblée nationale a reprises à son compte et qui résultent de nos travaux, figurent l'article 5 bis, relatif à l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés, l'article 7 bis, opérant une coordination entre la loi de lutte contre les exclusions et le code général des impôts, l'article 22 ter, prévoyant le recours à un décret en Conseil d'Etat sur un point particulier d'application du taux réduit de TVA, l'article 22 sexies, prévoyant un rapport sur les obligations communautaires en matière de TVA. Mais il s'agit là de dispositions spécifiques, sinon de dispositions de détail.
L'Assemblée nationale a cependant suivi le Sénat sur des sujets plus substantiels, telles l'extension de l'augmentation des taux de réduction des droits de donation à tous les donateurs pour l'année 1999, mesure significative, ou l'exonération de droits de mutation à titre gratuit des contrats d'assurance vie souscrits au profit d'enfants handicapés, mesure sociale bienvenue.
L'Assemblée nationale a supprimé, par coordination, l'article 25 relatif à la fiscalité des tabacs.
Le Sénat a également rencontré l'assentiment de l'Assemblée nationale sur certains dossiers relatifs aux collectivités locales, notamment sur la possibilité d'opter pour la TVA ou les droits de mutation à titre onéreux pour les terrains à bâtir cédés par lesdites collectivités locales. Nous avions beaucoup discuté de cette disposition et, finalement, c'est la vision du Sénat - résultant d'ailleurs des travaux en séance - qui a prévalu. Cela prouve, monsieur le secrétaire d'Etat, que de temps en temps il faut faire confiance aux parlementaires, notamment aux sénateurs, pour améliorer certains dispositifs et les rendre applicables, car ils ne l'étaient pas.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est un grand principe !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Qui polémique là ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non ! C'est la réalité, monsieur le secrétaire d'Etat ! Laissez donc libre cours à votre tempérament naturellement ouvert et confiant et faites-nous plus souvent confiance !
L'Assemblée nationale a adopté l'article 40 bis, relatif à la compensation de pertes de dotation de compensation de la taxe professionnelle, dans le sens que nous souhaitions. Elle y a ajouté une compensation pour les communes les plus défavorisées parmi celles qui sont éligibles à la dotation de solidarité rurale.
L'Assemblée nationale a adopté les articles 41 ter et 41 quater relatifs au fonds de compensation de la TVA concernant l'éligibilité des syndicats mixtes et des travaux réalisés, monsieur Moreigne, sur des biens de section.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Voilà !
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est une grande avancée !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En seconde partie, l'Assemblée nationale a voté conforme une demande de rapport sur les réductions d'impôt. Nous lirons ce rapport avec une grande attention !
L'Assemblée nationale a finalement accepté la suppression de l'article 69 bis, inséré par elle en première lecture et qui autorisait les communes et leurs groupements à revenir sur l'exonération trentenaire de taxe foncière sur les propriétés non bâties des terrains reboisés.
L'Assemblée nationale a accepté la modernisation de la rédaction de l'obligation des paiements par d'autres moyens que les règlements en espèces.
L'Assemblée nationale a également accepté la restriction des échanges d'information entre les administrations fiscales et sociales.
L'Assemblée nationale a aussi accepté l'amélioration de l'exonération facultative de taxe professionnelle des salles de cinéma.
L'Assemblée nationale a accepté, monsieur le secrétaire d'Etat, le « jaune » budgétaire sur les retraites de la fonction publique. Nous le lirons avec une attention encore plus grande que tout le reste, car toutes les informations qui circulent actuellement vont nous inciter à être d'une extrême vigilance sur ce sujet.
L'Assemblée nationale n'a, par ailleurs, modifié que marginalement quelques articles amendés ou insérés dans le texte par le Sénat.
Il en va ainsi de la redevance sur les concessions de mines d'hydrocarbures à Saint-Pierre-et-Miquelon - article 36 bis - ou encore du maintien de l'abattement spécifique de l'impôt sur le revenu pour les personnes percevant une retraite de moins de 20 000 francs. Cette dernière disposition a constitué un point important de la discussion budgétaire, sur lequel le Sénat et l'Assemblée nationale se sont exprimés de la même voix et ont pu enfin peser sur une vision un peu trop rigide du Gouvernement.
En ce qui concerne la loi Pons, le Sénat avait prévu de rendre automatique l'agrément de l'administration fiscale dans certaines conditions. L'Assemblée nationale l'a accepté.
Enfin, sur l'article 81, rattaché aux crédits de l'emploi et relatif à la réduction des charges sur les bas salaires, là aussi un point significatif de notre débat, l'Assemblée nationale s'est largement rapprochée du Sénat.
Enfin - je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir me pardonner cet inventaire, mais je crois qu'il est nécessaire de le faire à la fin de la discussion budgétaire - quels sont les accords partiels qui sont intervenus ?
A l'article 5, le régime des micro-entreprises a été maintenu, mais l'Assemblée nationale a quelque peu assoupli l'irrévocabilité de l'option pour ce régime.
A l'article 10, relatif à l'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune des biens dont la propriété est démembrée, l'Assemblée nationale a décidé d'exclure du nouveau mode de taxation les dons à des organismes sans but lucratif. Cette mesure vise en particulier les fondations et résulte d'un amendement de M. Chérioux. L'Assemblée nationale a d'ailleurs également accepté de dénaturer une grande partie de l'objectif initial du Gouvernement en supprimant la rétroactivité de ce dispositif. De la même façon, elle a exclu les salariés « impatriés » du dispositif modifiant les règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit. Cet apport significatif du Sénat a été pris en compte.
Venons-en au régime des droits de succession en Corse, qui a fait l'objet d'une intéressante discussion en première lecture. Un mixage a été réalisé entre la version de l'Assemblée nationale et celle du Sénat ; nous verrons quelle en sera l'applicabilité sur le terrain mais, en termes de procédure parlementaire, il faut constater que le bicamérisme a été particulièrement fécond à ce sujet.
Le champ d'application de la taxe sur les bureaux et les locaux commerciaux en Ile-de-France a été modifié. Nous n'avons pas obtenu la suppression de l'élargissement de l'assiette que nous souhaitions, et si la mesure finalement adoptée représente quand même un mal, c'est un moindre mal : les commerces seront exonérés en deçà de 2 500 mètres carrés et les locaux de stockage en deçà de 5 000 mètres carrés. La région d'Ile-de-France devra toutefois trouver 200 millions de francs. Cette position est à mi-chemin du texte voté en première lecture par l'Assemblée nationale et de celui qui a été adopté par le Sénat.
Sur l'article 27, relatif aux droits de mutation à titre onéreux, l'Assemblée nationale a maintenu - c'est important - l'exonération des sociétés cotées et elle a exonéré les sociétés d'HLM.
Sur l'article 40, relatif à l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, l'Assemblée nationale s'est battue, mais elle n'a pas été entendue par le Gouvernement, ce qui est bien dommage.
A propos de l'article 66, relatif à la réduction d'impôt en faveur de l'innovation, l'Assemblée nationale a retenu un seul de nos amendements tendant à neutraliser les participations des établissements publics à caractère scientifique et technologique dans les entreprises.
L'Assemblée nationale a également fait un pas très significatif sur le régime d'aide à la construction, puisqu'elle a retenu notre proposition en augmentant à 65 % sur quinze ans - au lieu de 50 % sur neuf ans tel que prévu initialement - le taux d'amortissement pour les logements neufs, ce qui renforce l'efficacité du dispositif Besson. Si le Sénat n'avait pas été très largement convaincu à ce sujet sur de nombreuses travées, nous n'aurions pas pu obtenir ce résultat.
Enfin, l'utilisation du NIR, le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, par l'administration fiscale a été quelque peu délimitée.
Par ailleurs - et j'en arrive à ma conclusion - l'Assemblée nationale est parfois revenue à sa rédaction, mais sous le bénéfice d'engagements du Gouvernement pouvant donner satisfaction au Sénat.
Il en est ainsi de l'article 44 bis A, supprimé par l'Assemblée nationale, relatif à la déduction pour investissement outre-mer en cas de prise de participation dans des productions audiovisuelles et cinématographiques, le Gouvernement s'étant engagé à mettre en place un dispositif de même nature.
De la même façon, le secrétaire d'Etat au budget a confirmé que toutes les opérations couvertes par les contrats multi-matériaux de traitement des déchets faisant l'objet d'un tri sélectif étaient bien comprises dans le champ d'application du taux réduit de la TVA, à l'exception, en aval, des produits issus de ces traitements, taxés dans leur catégorie chacun en ce qui les concerne.
Toutefois, s'agissant d'un point qui était essentiel pour nous, à savoir l'application du taux réduit de TVA aux installations de valorisation énergétique, M. le secrétaire d'Etat a été très clair et très net dans son interprétation en nous disant que le taux réduit de TVA s'appliquerait dès lors que l'on était dans le cadre d'un accord avec un organisme conventionné, au sens où nous l'avons entendu tout au long de la discussion de l'article 21.
L'Assemblée nationale, même si elle a rejeté, dans l'immédiat, la décentralisation de la taxe professionnelle de France Télécom, a obtenu du Gouvernement l'engagement qu'il inviterait les différents partenaires à se concerter avec lui sur ce sujet.
Compte tenu de tout ce qui a été dit dans la discussion budgétaire, monsieur le secrétaire d'Etat, la question de la taxe professionnelle de France Télécom devra être concrètement traitée - et résolue ! - en 1999. Les collectivités territoriales le demandent, France Télécom le demande. C'est un besoin né de l'ouverture à la concurrence. Vous n'échapperez pas à une telle réforme. Il vous faudra entendre ces voix quasi unanimes et ne pas être un frein à la définition d'un nouveau système.
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif nouveau relatif à la dotation de solidarité urbaine et destiné à éviter que certaines communes ne soient à la fois bénéficiaires et contributrices de la DSU. Le Sénat aurait pu faire sienne cette mesure.
Je souhaite conclure sur une note d'espoir.
Sur deux sujets au moins, l'Assemblée nationale a rejeté les propositions du Sénat non pour des motifs de fond mais pour leur caractère prématuré, ce qui laisse à penser que nos analyses sont bonnes et que, un jour ou l'autre, plus ou moins proche, le Gouvernement nous donnera raison.
Il s'agit - j'y ai déjà fait allusion - de l'article 64 bis A, qui prévoit l'allégement de la fiscalité sur les stock options et de l'article 66 sur les avantages fiscaux en faveur de l'innovation, à propos desquels le Sénat souhaitait assouplir les conditions d'appréciation des modalités de détention majoritaire du capital des sociétés non cotées par des personnes physiques. Nous aurons l'occasion d'y revenir lorsque le Sénat examinera le projet de MM. Allègre et Strauss-Kahn sur le financement de l'innovation, dont la commission des finances se saisira sans nul doute pour avis afin d'exprimer la continuité de ses positions en la matière.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'en ai terminé de cet exposé, dont la longueur peut-être excessive n'est due qu'à ma volonté d'acter devant notre assemblée les conditions dans lesquelles s'achève ce cycle budgétaire et de montrer que, même s'il y a opposition politique entre les deux assemblées, on peut, sur un certain nombre de sujets, travailler dans l'intérêt général et viser les meilleures rédactions techniques possible.
Le Sénat, même s'il est invité par la commission des finances à voter la question préalable, a joué le jeu de l'ouverture et de la concertation. Il s'est efforcé de faire fonctionner à plein les avantages du bicamérisme.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette discussion budgétaire a été tout à fait passionnante. Si ce budget n'est pas celui que la majorité sénatoriale aurait voulu voir adopté pour 1999, les choses se sont néanmoins passées en toute clarté et nos débats auront été, j'en suis persuadé, très utiles pour l'avenir, pour la compréhension de tout ce qui va se passer dans les mois et dans les années qui viennent. (Applaudissements sur les travées du RPR).
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'Etat, vouloir réduire davantage que vous proposez de le faire le déficit budgétaire n'est pas critiquable en soi. C'est une option que la majorité sénatoriale a considérée comme plus respectueuse des générations futures. C'est une option raisonnable, car 14 milliards de francs, rapportés à 236 milliards de francs, ce n'est pas révolutionnaire ; c'est même une option qui tient compte des contraintes puisque 14 milliards de francs, comparés aux dépenses de l'Etat, c'est vraiment très faible.
Dès lors, l'écart entre la ligne fixée par le Gouvernement et celle que préfère le Sénat ne mérite ni indignité ni excès d'honneur.
Etait-il, de ce fait, approprié de qualifier, comme vous l'avez fait à l'Assemblée nationale, la conception du Sénat de « rétrograde » ? Pour être franc, je n'en suis pas sûr ! D'autant que, lorsque l'on pose trop fermement des principes, on prend le risque de devoir jouer avec, de les accommoder, voire de devenir incohérent ou d'être en contradiction avec soi-même.
Ainsi, j'ai été frappé par le fait que vous ayez refusé d'améliorer la loi Pons, alors que c'était, à mon avis, indispensable pour la Polynésie, compte tenu du devenir du Centre d'expérimentation du Pacifique, et que, dans le même temps, vous ayez amélioré le dispositif en faveur des villages de vacance en métropole. Où est la logique ? Pourquoi ne pas soutenir le développement touristique dans un territoire d'outre-mer qui en a impérativement besoin pour son avenir, et le favoriser dans l'hexagone ? Je n'ai pas trouvé la réponse à cette question.
De même, vous avez évoqué, à propos du dispositif dit Besson, des considérations sociales ou morales ; mais dans le même temps vous avez accepté d'améliorer le dispositif en faveur des résidences de vacances. Là encore, peut-être convient-il de préciser la logique sociale !
Toujours pour des raisons prétendument sociales, vous avez refusé de diminuer la pression fiscale de l'impôt sur le revenu pour tous les Français, mais vous avez estimé que le régime dérogatoire en faveur des footballeurs était plutôt utile. Je ne sais ce que les Français en penseront !
Pour des raisons qualifiées de morales, vous avez accepté de maintenir les SOFICA, les sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, et même de les adapter aux spécificités de l'outre-mer, mais, dans le même temps, vous avez supprimé les quirats. Encore une fois, où est la logique ? S'agit-il de favoriser les gros investisseurs qui opèrent dans l'audiovisuel au détriment de ceux qui investissent dans la construction navale ou l'hôtellerie ?
Je pourrais citer d'autres exemples. Je ne le ferai pas, de crainte de paraître polémique, ce qui n'est pas dans ma nature. J'indiquerai simplement que nous avons parfois eu le sentiment que la dialectique l'emportait sur l'ouverture et la volonté de trouver des solutions qui correspondent aux besoins de notre pays.
Un autre budget est-il possible ? Oui, et ce quel que soit le gouvernement.
Lorsque les majorités des deux assemblées coïncident, l'action du Sénat s'exprime sous la forme d'une pression qui peut être forte - elle l'a souvent été - sur le Gouvernement, au point que ce dernier soit conduit à demander une deuxième délibération. Cette pression s'exerce également sur l'Assemblée nationale ainsi qu'en commission mixte paritaire.
Mais, lorsque les deux majorités ne coïncident pas, le Sénat se heurte, pour tracer la ligne budgétaire qui a sa préférence, aux contraintes très exigeantes de l'ordonnance organique de 1959.
Ainsi, les très faibles réductions de crédits, ou plutôt, pour être exact, les limitations d'augmentation, en l'espèce, ne pouvaient s'appliquer que sur 7 % du budget puisque 93 % des dépenses sont « sanctuarisées » dans ce que nous appelons tous les « services votés », ce qui a pu parfois donner à nos discussions un côté quelque peu surréaliste.
A chaque fois que le manichéisme à prévalu dans nos échanges, nous n'avons pas pu ouvrir véritablement le débat.
Si la conjoncture, selon les uns, la sagesse, selon les autres, exigent que l'on n'augmente pas les dépenses, sur quoi pouvons-vous faire porter l'effort, étant entendu qu'empêcher le Sénat de jouer son rôle réduit le champ de la démocratie ?
M'adressant aux membres de la commission des finances, mais aussi à l'ensemble de mes collègues du Sénat, je dirai que l'année 1999 devra être consacrée à un travail plus approfondi sur les dépenses. Ce sera l'année du contrôle !
Nous devrons procéder à l'examen en détail des services votés, et je réfléchis dès à présent, monsieur le secrétaire d'Etat, à la tenue de débats contradictoires au sein de la commission des finances, auxquels participeraient, outre vous-même, les ministres dits « dépensiers », voire des magistrats de la Cour des comptes,...
M. Jean-Philippe Lachenaud. Excellente idée !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... au titre non pas du jugement mais du contrôle, l'idée étant que le Parlement ne limite pas ses investigations à 7 % des crédits budgétaires.
Dans les budgets, les marges de manoeuvre doivent être mieux localisées, après quoi il appartiendra au Parlement de savoir s'il veut les utiliser et à quoi il veut les utiliser. Cela donnera de la clarté et de l'intérêt au débat budgétaire.
L'expérience montre qu'en cours d'année des économies sont toujours possibles, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous faites des redéploiements, vous annulez certains crédits, vous en ouvrez d'autres. Cela veut donc dire que ceux que vous présentez au moment de l'examen du projet de budget n'ont rien de sacré. Dès lors, chaque fois qu'il vous est proposé de les modifier dans le débat budgétaire, c'est non pas une insulte faite à votre proposition budgétaire, mais simplement un moyen d'atteindre les objectifs que nous nous fixons les uns et les autres.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est pour vous aider, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Que le Gouvernement présente son budget comme le seul exercice possible n'est donc pas très dynamique. Personne ne peut d'ailleurs revendiquer le monopole de l'imagination, et des variantes sont toujours possibles. Encore faut-il que les règles qui nous régissent nous permettent de les présenter.
Il faut ouvrir franchement le débat devant la nation, sauf à accomplir, lors des discussions budgétaires, des exercices un peu formels qui ne font pas progresser le pays et qui, en tout cas, ne le mettront pas en état de relever le défi de la concurrence.
En conclusion, mes chers collègues, alors que nous sommes à moins de quinze jours de la naissance...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Du petit Jésus ! (Rires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... de l'euro, je veux dire à M. le secrétaire d'Etat que nous souhaitons bonne chance à la France et aux Français, que nous formons des voeux pour leur succès.
Nous continuerons à oeuvrer pour que l'appareil de l'Etat devienne le plus performant possible, pour que son rapport coût/efficacité soit le meilleur de la zone euro.
Cela légitime le débat budgétaire, l'écoute de chacun, la considération pour les idées des uns et des autres.
J'ai le sentiment que ce que nous devons faire, tous ensemble, c'est exprimer une immense volonté de réforme. Tel est, en tout cas, l'esprit de la commission des finances, et vous pouvez compter sur elle, monsieur le secrétaire d'Etat, pour qu'en 1999 l'esprit de réforme souffle sur le budget et permette à la France de réussir. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 1999 vous est présenté aujourd'hui pour un ultime examen.
En première lecture, l'Assemblée nationale avait amélioré le texte initial du Gouvernement en redéployant près de 5 milliards de francs, notamment pour procéder à des allégements supplémentaires d'impôts pesant sur les ménages.
La Haute Assemblée, qui a longuement étudié ce budget en première lecture, a procédé différemment. D'une part, elle a modifié très substantiellement les grands équilibres du budget - c'est un choix politique, et le Gouvernement le respecte - d'autre part - c'est le point qui nous sépare le plus, monsieur Lambert - elle a réalisé des économies de 28 milliards de francs, selon des critères précis, non pas techniques, à mon avis, mais politiques. En effet, ces économies ont été « ciblées » sur des budgets prioritaires non seulement pour le Gouvernement mais également, me semble-t-il, pour la nation ; ce sont les budgets de l'éducation, de la recherche, de l'emploi, de la solidarité.
S'agissant de la fiscalité, le Sénat a procédé à des allégements d'impôt ciblés sur des revenus plutôt élevés, des patrimoines plutôt massifs et des entreprises plutôt de grande taille.
Vous expliquez, monsieur Lambert, que vous ne pouvez faire autrement du fait que 93 % du budget de l'Etat sont des services votés et donc des crédits inamovibles.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Intouchables !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je me permets de vous faire remarquer, de façon très courtoise, que les mesures d'économies peuvent porter sur les services votés. Je vous en donne un seul exemple : dans le projet de budget présenté par le Gouvernement, nous avons fait des économies sur les crédits de fonctionnement du budget de la défense, qui sont des services votés.
Vous pouviez donc faire des coupes dans les services votés d'un certain nombre de budgets que vous pouviez considérer comme étant moins prioritaires. Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler l'an prochain.
Vous avez donc effectué des coupes claires dans des budgets qui n'ont pas été choisis pour des raisons techniques mais qui l'ont été, et je respecte entièrement la position de la majorité sénatoriale, même si je ne la partage pas...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous ferons mieux l'année prochaine ! Nous « couperons » mieux !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Que vous fassiez mieux l'année prochaine, monsieur le rapporteur général, je n'en doute pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous affûtons nos couteaux ! (Sourires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez fait un travail important de remodelage des grandes masses du budget selon des priorités en matière de dépenses et de recettes qui ne sont pas celles du Gouvernement, ce qui est votre droit le plus strict.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue aux grandes lignes du budget de progrès qui lui avait été soumis, mais elle a tenu compte - M. le rapporteur général a bien voulu le souligner dans son exposé - sur plusieurs points de certaines contributions de la Haute Assemblée.
Les dépenses essentielles - essentielles pour le pays, essentielles pour le Gouvernement, essentielles pour la majorité qui le soutient - ont été rétablies.
Les priorités en ce qui concerne l'emploi, le soutien de la croissance, la solidarité, la lutte contre l'exclusion, l'éducation, la recherche, qui constituent véritablement les investissements d'avenir pour le dynamisme de notre économie et la cohésion de notre société, ont été rétablies.
Les allégements d'impôts en faveur de l'emploi et de la justice sociale, la réforme de la fiscalité environnementale, ont été restaurés.
Le déficit budgétaire a été ramené à son niveau initial, soit 236,6 milliards de francs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est-à-dire qu'il a gonflé !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Par rapport à votre proposition, mais il est resté nettement en dessous du déficit de 1998, dont nous avons l'occasion, par ailleurs, de constater que nous l'avons abaissé par rapport à la prévision, ce qui, monsieur Marini, n'était pas systématiquement la règle entre 1993 et 1997 !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais ne regardez pas sans cesse le passé, cela ne nous intéresse plus !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ecoutez, il est difficile de regarder l'avenir, quoique moi-même et de nombreux amis pensions que l'avenir sera meilleur que le passé !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous l'espérons tous !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Regardons quelles améliorations ont été apportées, en nouvelle lecture, à l'Assemblée nationale.
Je voudrais insister particulièrement sur un sujet qui est cher à la Haute Assemblée, je veux parler des collectivités locales.
L'Assemblée nationale a étendu la compensation intégrale de la perte de dotation de compensation de taxe professionnelle qui avait été mise en place antérieurement - dans le prolongement du plan Juppé - aux communes rurales bénéficiant de la dotation de solidarité rurale et qui ont un faible potentiel fiscal ; elles seront assurées d'un apport de l'Etat constant et non pas fléchissant. Cela vaut pour 20 000 communes rurales, non pas pauvres, mais ayant des ressources limitées. Sur ce point, l'Assemblée nationale a fait un excellent travail.
A la fin d'un débat budgétaire, il est bon de regrouper les acquis sur un sujet. Au total, voici ce que le projet de budget pour 1999 apporte aux collectivités locales : un dispositif d'indexation de l'enveloppe normée des transferts de l'Etat aux collectivités locales sur la base de 20 % de la croissance du produit intérieur brut, en plus de l'inflation - avec le pacte de stabilité Juppé, c'était 0 % d'indexation ! - la dotation de solidarité urbaine a été, hors enveloppe, majorée de 500 millions de francs ; les transferts de l'Etat ont été préservés des pertes de la dotation de compensation de la taxe professionnelle pour les communes urbaines éligibles à la dotation de solidarité urbaine, pour les communes rurales dites bourgs-centres et pour les communes rurales ayant un faible potentiel fiscal.
En matière de collectivités locales, non seulement il y a des ressources supplémentaires mais celles-ci sont clairement orientées vers les communes et les collectivités qui en ont le plus besoin.
Au total, près de 2 milliards de francs de moyens supplémentaires ont été remis à la disposition des communes par rapport à ce qu'aurait représenté le prolongement du pacte de stabilité du plan Juppé. Si l'on rapporte ces 2 milliards de francs supplémentaires à l'enveloppe normée, cela reviendrait à la majorer du fruit de l'inflation et de l'équivalent de 40 % du taux de croissance de l'année prochaine. C'est donc un beau résultat.
Toujours en ce qui concerne les collectivités locales, les critères d'éligibilité au fonds de compensation de la TVA ont été élargis - l'Assemblée nationale avait déjà admis ce principe, et Dieu sait que les collectivités l'attendaient depuis fort longtemps ! - aux investissements réalisés par les collectivités locales sur des biens appartenant à des tiers dans le cadre de la lutte contre les risques naturels. En clair, les collectivités locales pourront se faire rembourser la TVA si elles font des travaux d'aménagement des berges de torrents qui sont nécessaires à la prévention des inondations, même si elles le font sur des terrains qui appartiennent à des particuliers ou à l'Etat. Cela a également été étendu aux travaux réalisés par certains syndicats mixtes - je remercie M. Marini d'avoir, à ce propos, rendu hommage à M. Moreigne - et aux travaux de réhabilitation réalisés sur des biens de section, biens qui sont peu connus à Paris mais qui sont des éléments essentiels du patrimoine de notre pays.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tant mieux pour les chapelles et les calvaires !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Voilà un exemple du concours appréciable que la Haute Assemblée a apporté à nos dispositions et qui a été unanimement salué.
Sur le plan fiscal, l'Assemblée nationale a également tenu compte des améliorations apportées par le Sénat.
M. Marini a fait une longue litanie des suggestions sénatoriales qui n'ont pas été reprises ; mais il a eu l'honnêteté, que chacun lui connaît, de souligner les points sur lesquels l'Assemblée nationale a tenu compte des propositions sénatoriales.
Au nom du Gouvernement, je salue aussi le fait qu'en ce qui concerne le nouveau régime des donations, en ce qui concerne la TVA sur les terrains à bâtir, ce sont les propositions du Sénat qui ont amélioré le texte initial, et elles ont été votées conformes par l'Assemblée nationale.
J'insisterai particulièrement sur le fait que le débat sur le régime des droits de succession en Corse a conduit l'Assemblée nationale, tout en amendant l'article adopté par le Sénat, à en garder, me semble-t-il, l'essentiel. Je rappelle que c'est sur l'initiative de M. Michel Charasse et avec le soutien de l'ensemble des forces politiques qui sont représentées au sein de la Haute Assemblée que cette amélioration du régime des droits de succession en Corse pour les rapprocher du droit commun national a été possible.
Tout cela montre que, lorsque le Gouvernement écoute, lorsque les deux assemblées travaillent bien, on peut aboutir à un dialogue républicain de qualité dont résultent de significatives améliorations du budget de l'Etat.
Je veux ajouter un mot au sujet du numéro d'inscription au répertoire national des personnes physiques pour souligner que, là encore, l'Assemblée nationale a fait progresser le débat.
Nous avons eu dans cet hémicycle un débat riche et approfondi en première lecture sur cette disposition. Je crois que les enseignements de ce débat se retrouvent dans les modifications très substantielles qui ont été apportées par l'Assemblée nationale au texte initialement déposé par un parlementaire. Il me semble que nous sommes maintenant parvenus, et j'en rends hommage à la Haute Assemblée, à un dispositif équilibré entre le principe constitutionnel de lutte contre la fraude fiscale et le nécessaire maintien des garanties pour les libertés individuelles.
Le fait que le secret professionnel ait été renforcé, que sa violation soit assortie de sanctions beaucoup plus élevées, le fait de prévoir que la Commission nationale de l'informatique et des libertés sera consultée pour mettre au point le décret en Conseil d'Etat qui sera nécessaire pour appliquer la disposition inscrite dans le budget, le fait que la CNIL puisse enjoindre l'autorité administrative de détruire le fichier en cas de grande difficulté nationale, tous ces éléments me paraissent constituer une garantie tout à fait fondamentale, de nature à apaiser les réticences que votre commission des finances avait pu émettre sur la première rédaction du texte issue de l'Assemblée nationale.
Certaines modifications ont été effectuées par l'Assemblée nationale, à la demande du Gouvernement. Il a ainsi été procédé à des adaptations techniques en matière de TVA pour les bailleurs privés de logements sociaux, de cotisation minimale de taxe professionnelle et de taxe générale sur les activités polluantes.
A ce stade, je tiens à répondre à ce qui m'a semblé être des approximations, voire de légères inexactitudes, dans les propos qu'à tenus M. le rapporteur général.
Vous avez dit que nous avions rétabli la fiscalisation des indemnités de maternité. Vous savez fort bien, monsieur le rapporteur général, que cette mesure était inscrite dans la loi de finances pour l'année 1997, votée par la précédente majorité.
S'agissant de la loi Pons, vous avez évoqué la date de 2002. La disposition qui visait à repousser l'échéance de cette loi figurait dans le texte de première lecture de l'Assemblée nationale.
S'agissant des stocks options, sur lesquelles vous avez tenu quelques propos où j'ai senti poindre quelque ironie, je voudrais insister sur le fait que les dispositions que le Gouvernement envisage pour les améliorer devraient figurer dans le projet de loi sur l'innovation. Il n'est pas exclu que, parmi les mesures envisagées, le Gouvernement demande que la liste nominative des bénéficiaires des stock options soit publiée pour que ce bénéfice fiscal puisse clairement apparaître.
M. Philippe Marini rapporteur général. Pourquoi pas ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. En la matière, monsieur le rapporteur général nous considérons - mais nous pouvons nous rejoindre sur ce point - que les stock options, comme nous l'avons montré à propos des entreprises récemment créées, sont un moyen de favoriser le démarrage d'entreprises et non un moyen de rémunérer, à fiscalité ou à cotisations sociales allégées, tel ou tel dirigeant d'entreprise.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est exactement ce que nous avons dit !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'évoquerai enfin la taxe sur les bureaux en Ile-de-France, sujet sur lequel nous avons longtemps discuté en première lecture au Sénat.
J'avais alors pris l'engagement de tenir compte de vos propositions sur ce sujet. Les observations faites par les sénateurs, de droite comme de gauche, ont été retenues par le Gouvernement, puisqu'une nouvelle rédaction de l'article 26, qui s'inspire directement des suggestions de M. Angels et du groupe socialiste du Sénat, me semble avoir permis d'aboutir à un meilleur équilibre.
En effet, les taux de la taxe instituée sur les locaux commerciaux et sur les locaux de stockage ont été très sensiblement abaissés, alors que les seuils à partir desquels cette taxe s'applique ont été, je le rappelle, nettement relevés : à 2 500 mètres carrés pour le commerce et à 5 000 mètres carrés pour les locaux de stockage. En contrepartie, la taxe sur les bureaux a été légèrement majorée.
Là encore, nous avons recherché un meilleur équilibre et nous y sommes parvenus grâce à un excellent débat parlementaire.
En conclusion, monsieur le président, le budget qui a été élaboré au terme de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale me paraît constituer une excellente synthèse, tant politique que technique, de l'ensemble des travaux qui nous ont occupés tout au long de l'automne.
Il est clair - et je respecte évidemment vos opinions, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, ainsi que celles de la majorité sénatoriale - que nous n'avons pas les mêmes valeurs, ce qui me paraît constituer une excellente illustration du débat démocratique. Nous avons eu un débat républicain, qui a clairement fait apparaître ce qu'était un budget de droite et ce qu'était un budget de gauche.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Avec les dispositions en faveur des footballeurs, ce serait un budget de gauche ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ne revenez pas systématiquement, monsieur le président de la commission, sur le fait que les groupes qui composent la majorité ont voulu, lors du débat sur le collectif au Sénat, apporter un témoignage de gratitude à des hommes, à des citoyens français de toutes origines, qui ont porté l'image de notre pays au plus haut niveau mondial !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je vous donnerai les noms et les montants !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous auriez pu accepter les exonérations de taxe foncière !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, on ne doit pas « chipoter » avec la gloire.
M. Alain Lambert, secrétaire d'Etat. Pas de problème.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je voudrais terminer mon intervention par des propos qui seront en convergence avec ceux de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission. C'est peut-être la période qui le veut, je parle de l'avènement de l'euro, qui approche et qui devrait nous exalter tous. Nous avons eu un dialogue républicain de grande qualité et, personnellement, au nom du Gouvernement, je tiens à m'en féliciter. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à ce stade du débat sur le projet de loi de finances pour 1999, je souhaiterais vous livrer quelques observations.
Je présenterai d'abord une remarque d'ordre général.
Depuis quelques semaines, vous vous efforcez, mes chers collègues de la majorité, d'interpréter dans un sens inquiétant les effets de la crise internationale sur les prévisions de croissance du Gouvernement, et donc sur la situation de notre pays dans un avenir proche.
Il n'est pas question pour nous de minimiser les effets de cette crise. Cependant, il ne faut pas oublier, mes chers collègues, que le principal moteur de la relance aujourd'hui - vous le savez pourtant bien - c'est la demande intérieure, qui est dopée par une consommation des ménages meilleure que jamais.
Dois-je vous rappeler que le moral des ménages se maintient toujours à un niveau très élevé, aujourd'hui comme il y a quelques semaines ou quelques mois ?
Ce résultat n'est pas étonnant en soi, quand on le rapproche de la progression du pouvoir d'achat des ménages. Celui-ci a atteint un niveau inégalé depuis douze ans, comme l'INSEE l'a rappelé il y a quelques jours à peine, un niveau conforté par un taux d'inflation proche de zéro et par une baisse des taux d'intérêt.
N'oubliez pas, par ailleurs, que les anticipations économiques sont toujours promptes à s'exercer dans un sens négatif, pour peu qu'on les y encourage.
Ma deuxième remarque concerne nos débats.
La majorité a décidé hier en commission des finances de déposer une question préalable, et j'avoue que votre position se comprend, mes chers collègues. De votre point de vue, en tout cas, elle est cohérente. A quoi sert, en effet, de défaire ce que l'Assemblée nationale a décidé en nouvelle lecture voilà quelques heures, puisque vous vous inscrivez dans une autre logique, déjà défendue lors de la présentation de votre budget dit « alternatif » ?
Je ne reviendrai pas non plus sur ce sujet, parce que je me suis largement exprimé en première lecture.
Ainsi, cette motion de procédure, qui a toute sa valeur symbolique, permettra à chacun d'entre nous de montrer aux Français, s'il en était besoin, que nos deux projets sont bien antinomiques et qu'il n'y a plus lieu d'en débattre aujourd'hui.
Cette motion de procédure, outre le fait qu'elle nous évite des débats inutiles, montre clairement la différence qui existe entre vos choix et les nôtres.
Je me livrerai maintenant à quelques commentaires sur le texte qui nous parvient en nouvelle lecture.
Tout d'abord, j'ai plaisir à me féliciter de l'adoption conforme de nombreuses dispositions adoptées au Sénat.
Je veux naturellement parler des amendements votés sur notre propre initiative, mais également des dispositions dont nous n'étions pas forcément les instigateurs mais qui ont été le résultat d'une réflexion en commun.
Cela montre que la tradition d'écoute mutuelle qui honore le Sénat peut permettre, pour peu qu'on le veuille bien, et au-delà de nos divergences politiques, d'effectuer un travail législatif véritablement constructif.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Bernard Angels. Je me féliciterai également de ce que certaines questions soulevées ici même au sujet de dispositions pouvant poser des problèmes aient pu être résolues à l'Assemblée nationale.
Je veux parler, bien entendu, de la taxe sur les bureaux, à propos de laquelle nos collègues députés semblent avoir su trouver, avec l'aide du Gouvernement, une réponse conforme à nos souhaits et à nos propositions. Nous serons vigilants et, l'année prochaine, nous évoquerons de nouveau cette question, comme s'y est engagé le Gouvernement.
Je veux parler également des améliorations qui ont été enfin apportées à l'article concernant le répertoire national d'identification. Au sein de mon groupe - je pense notamment à mon collègue Michel Charasse, qui a largement oeuvré ici dans le sens de cette amélioration - nous sommes tout particulièrement sensibles aux amendements qui ont été votés avant-hier sur cette disposition. Ces améliorations permettent le renforcement du secret professionnel : des peines et sanctions sont prévues en cas de violation et un rôle accru est conféré à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, en amont comme en aval, afin que des mesures puissent être prises en cas de menaces pour les libertés individuelles.
Je ne peux achever ce bref exposé sans revenir sur le seul point de désaccord qui nous oppose : je veux parler, monsieur le secrétaire d'Etat, du nouveau régime des micro-entreprises. Je ne reviendrai pas sur le fond, vous connaissez ma position. Je regrette très sincèrement, monsieur le secrétaire d'Etat, de n'avoir réussi à vous convaincre.
Après ces nombreuses semaines passées ensemble, je souhaite conclure en soulignant le plaisir que j'ai eu de participer à un débat parfois contradictoire, mais toujours courtois.
J'ai particulièrement apprécié l'attention apportée à nos propositions non seulement par M. le secrétaire d'Etat au budget, mais également par le rapporteur général, ainsi que par le président de la commission des finances. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici réunis pour discuter à nouveau du projet de loi de finances pour 1999, après l'échec de la commission mixte paritaire.
Comme chacun aura pu le constater, la plupart des mesures que la majorité de notre Haute Assemblée a cru devoir ajouter au texte initial ont été balayées par la nouvelle lecture, rendant à peu près inopérante la démarche purement idéologique de contre-budget dans laquelle elle s'était enferrée.
Cela motive, entre autres, le dépôt de la motion tendant à opposer la question préalable au texte voté mercredi par l'Assemblée nationale, dont on conçoit qu'il n'ait pas l'heur de plaire à tous ceux qui habillent de rigueur et de sagesse leur conception de la gestion des comptes publics alors qu'il ne s'agit, le plus souvent, que de défense des intérêts des plus riches et d'allégement des obligations des entreprises à l'égard de la collectivité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette situation n'est pas nouvelle et elle se reproduira sans doute encore assez fréquemment avant que l'on finisse par se poser la question essentielle.
Cette question, c'est de savoir en quoi et au nom de quoi le Sénat, devenu laboratoire d'idées de l'opposition parlemetaire - même si quelques-unes de ces idées sont un peu anciennes - se permet de remettre en question les aspirations majoritairement exprimées par nos concitoyens au printemps 1997.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela peut changer !
Mme Marie-Claude Beaudeau. La volonté de changements, de véritables changements structurels, profonds, la volonté de lutter contre les exclusions et les inégalités sociales, sont-elles à ce point contestables que la majorité du Sénat soit ainsi conduite, aussi régulièrement, à s'enfermer dans son discours ?
Pour autant, il demeure indispensable, de notre point de vue, que la loi de finances traduise plus profondément encore, monsieur le secrétaire d'Etat, cette volonté de changement.
Nous avons, lors de la discussion, ici, au Sénat, formulé des propositions, avancé des idées, développé une argumentation sur le contenu que nous souhaitons voir donner à la réforme fiscale.
Nous sommes d'ailleurs quelque peu déçus que certaines de ces idées n'aient pas été finalement retenues.
J'en veux pour illustration la question de l'exonération de taxe foncière pour les chômeurs « en fin de droits » - quelle expression ! - et les allocataires du revenu minimum d'insertion.
On a argué que cette opération coûterait 400 millions de francs, ce qui paraissait pour le moins excessif.
Dois-je rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'Etat allège la taxe professionnelle des entreprises de 35 milliards de francs avec les 16 %, de 37 milliards de francs avec le plafonnement à la valeur ajoutée et de près de 10 milliards de francs au gracieux et au contentieux ? Et ce sans compter le fait que, une fois payée la taxe professionnelle, son montant est déductible de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu ?
Il est encore temps de se reprendre sur cette question, ne serait-ce que pour épargner à quelques-uns de nos compatriotes la démarche parfois humiliante qui consiste à venir demander un dégrèvement gracieux d'une taxe qu'ils ne sont pas en mesure de payer.
Pour le reste, je me permettrai de souligner ici l'intéressante série de mesures prises dans la lutte contre la fraude fiscale.
Je dois cependant relever en la matière, une fois de plus, les inquiétudes que ne peut manquer de soulever l'article 70 septies, relatif au croisement des fichiers sociaux et fiscaux.
On nous dit que certaines garanties ont été apportées par la récriture du texte. Je ne suis pas convaincue que nous puissions éviter certaines difficultés dans les années à venir sur ce sujet.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Conseil constitutionnel tranchera.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Sur le fond, nous sommes d'ailleurs persuadés que la lutte contre la fraude fiscale passe plutôt par un renforcement des moyens humains mis à disposition pour la combattre que par des mesures apparemment techniques mais porteuses de dangers pour les libertés individuelles.
Ces observations ne peuvent cependant nous faire oublier l'essentiel : en quoi ce projet de loi de finances est-il ou non porteur des changements que nos concitoyens attendent.
Au regard de l'évolution des dépenses publiques, je ne reviendrai pas sur la démarche de la majorité du Sénat, qui a concurremment allégé les impôts des plus riches - je pense à l'impôt de solidarité sur la fortune - et réduit les budgets sociaux, ce qui traduit une conception déroutante de la justice sociale !
Ce qui a été voté - et les débats d'hier l'ont encore montré - nous place devant une contradiction forte qu'il faudra bien résoudre : peut-on répondre aux aspirations collectives en s'enfermant dans le schéma d'une politique budgétaire encadrée par les contraintes européennes ?
Il faudra résoudre cette contradiction en procédant, demain, à des choix différents de ce qu'ils sont encore trop souvent aujourd'hui ; je pense notamment à la politique d'aide aux entreprises, que la situation économique générale et les résultats financiers de celles-ci ne justifient plus tout à fait.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la coloration de gauche des choix de ce budget aurait donc mérité d'être encore un peu plus marquée.
Mais nous aurons sans doute encore l'occasion d'y revenir et d'en débattre de nouveau.
Nous attendons toujours une véritable réforme de l'impôt sur le revenu, qui mette enfin à contribution les revenus du capital ; nous attendons une véritable réforme de l'impôt sur les sociétés, qui lui rende toutes ses vertus.
Nous prenons acte des avancées opérées quant à l'imposition sur la fortune, le débat restant toutefois ouvert sur la question des actifs professionnels.
Enfin, nous souhaitons que des avancées soient effectuées sur la fiscalité indirecte, dont le poids excessif est un frein à la croissance et à la persistance de la croissance.
Evidemment, vous l'avez compris, nous ne voterons pas la motion opposant la question préalable présentée par la majorité de droite du Sénat.
M. le président. La discussion générale est close.

Question préalable