Séance du 7 décembre 1998







M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-148 rectifié, MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Delong, Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann, Trégouët et Leclerc proposent d'insérer, avant l'article 64 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 80 quinquies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont exonérées les prestations en espèces versées, à compter de l'année 1999, dans le cadre de l'assurance maternité, aux femmes bénéficiant d'un congé de maternité. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° II-152, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 64 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter de l'imposition des revenus de 1999, les dispositions de l'article 7 de la loi de finances pour 1997 (n° 96-1181 du 30 décembre 1996) sont abrogées.
« II. - Le taux prévu au 2 de l'article 200 A du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Leclerc, pour défendre l'amendement n° II-148 rectifié.
M. Dominique Leclerc. Cet amendement tend à exonérer de l'impôt sur le revenu les prestations versées à compter de l'année 1999 aux femmes en congé de maternité. Ces prestations sont soumises à l'impôt sur le revenu selon les règles applicables aux traitements et aux salaires selon l'article 80 quinquies du code général des impôts.
Cet amendement tend à favoriser la famille.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° II-152.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Notre groupe a déposé en première partie de la loi de finances un amendement identique portant sur une question qui est loin d'être sans importance, la fiscalisation des congés maternité.
Lors de la discussion de la loi de finances pour 1997, nous avions déposé un amendement de suppression d'un article qui portait précisément sur la prise en compte, dans l'assiette du revenu imposable, de ces allocations.
Je rappelle que notre opposition de principe était liée à notre refus de voir appliquer une réforme de l'impôt sur le revenu dont les effets étaient pour le moins discutables.
En tout état de cause, on observait alors que le gouvernement de l'époque, celui de M. Juppé, nous invitait à réduire les taux et donc le rendement de l'impôt sur le revenu pour les plus hauts revenus au détriment des retraités et des mères de famille notamment.
On organisait donc avec cette réforme de l'impôt sur le revenu une sorte de solidarité nationale inverse qui consistait à alléger l'impôt des plus hauts revenus en stabilisant, voire en aggravant, l'impôt des plus modestes.
Une telle démarche était pour le moins marquée par des considérations idéologiques que nous ne pouvions, alors, que combattre.
Nous observons d'ailleurs avec intérêt que la majorité sénatoriale semble avoir en partie tiré les leçons de l'aventure, puisque, si elle s'obstine à nous proposer un retour au barème de l'impôt sur le revenu tel qu'il était en 1997, elle nous invite aussi, avec l'amendement n° II-148 rectifié, à rendre non imposables les allocations de congé maternité.
Nous avons évidemment un petit désaccord sur les moyens de financer l'opération que nous invitons le Sénat à mettre en oeuvre. Il n'en demeure pas moins que nous apprécions comme il se doit la démarche.
Pour en revenir au sujet qui nous préoccupe, force est de constater que les motivations qui nous ont guidées voilà deux ans pour rejeter l'imposition des allocations maternité conservent à notre avis toute leur valeur aujourd'hui.
Nous sommes ainsi cohérents avec notre refus de principe quant à la réforme de l'impôt sur le revenu de 1997, dont nous avons dit qu'elle devait fondamentalement porter sur l'assiette de l'impôt et non sur les taux. Nous agissons aussi parce que, de plus, le maintien des dispositions de l'article 7 de la loi de 1997 présente un risque réel d'inégalité devant l'impôt.
Un autre risque est celui de voir les femmes salariées du secteur privé ne pas recourir au congé maternité, du fait de son caractère imposable.
Trop nombreuses sont, en effet, aujourd'hui, les femmes qui renoncent à ce droit et qui travaillent effectivement jusqu'au dernier moment, c'est-à-dire, souvent, jusqu'à quelques jours de l'accouchement.
Il convient de mettre un terme à ces inégalités et de voter cet amendement de bon sens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission comprend les préoccupations et le souci des auteurs de ces deux amendements, que, bien sûr, elle partage dans une large mesure.
Nous souhaiterions que la présentation de ces amendements soit perçue par le Gouvernement comme un signal en faveur d'une politique de la famille.
Il est important de tenir compte de la situation concrète des familles, et c'est ce à quoi vous invitent ces deux amendements.
La commission des finances souhaite cependant entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, ces deux amendements reprennent des amendements qui ont été déjà discutés en première partie. Je vais donc vous apporter la même réponse que celle que j'avais faite à ce moment-là.
Les indemnités journalières de maternité se substituent à un salaire d'activité. C'est le cas pour les femmes qui travaillent dans le secteur public et, depuis la loi de finances de 1997, celles qui travaillent dans le secteur privé.
Mme Beaudeau a évoqué le principe de l'égalité devant l'impôt. Etant un remplacement de salaires, ces indemnités sont imposables comme telles, et il ne serait pas juste que les femmes de la fonction publique connaissent une fiscalité plus lourde que les femmes qui travaillent dans le secteur privé.
C'est pourquoi je demande le rejet de ces deux amendements.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est d'avis de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'amendement n° II-148 rectifié.
Elle est défavorable à l'amendement n° II-152 compte tenu de la nature du gage.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-148 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 64 A, et l'amendement n° II-152 n'a plus d'objet.
Par amendement n° II-151, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 64 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le sixième alinéa, il est inséré dans l'article 83 du code général des impôts un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« ... les cotisations versées aux sociétés mutualistes ».
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 980 bis du code général des impôts, les mots : "n'est pas" sont remplacés par le mot : "est". »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement de notre groupe a déjà été déposé en première partie et porte sur la question de la prise en compte des cotisations mutualistes versées par les salariés et les retraités dans l'assiette de l'impôt sur le revenu.
Nous devons d'ailleurs, à ce propos, rappeler quelques points qui nous semblent importants.
Le principal, dans cette affaire, est que la situation des salariés est assez nettement différente de celle qui est vécue par les non-salariés.
Nous ne remettrons pas en cause le fait que l'article 154 bis du code général des impôts permette aux non-salariés, exploitants individuels, de bénéficier d'une déductibilité fiscale des cotisations mutualistes qu'ils acquittent soit de façon volontaire soit de manière collective au travers d'un contrat.
Mais nous estimons que cette situation doit être étendue aux salariés et aux retraités, et cela de manière universelle.
Nous y voyons plusieurs raisons.
La moindre n'est pas le fait que trop de familles, pour des raisons diverses, n'ont pas aujourd'hui de couverture santé complémentaire, ce qui ne manque pas de générer des problèmes particuliers, notamment lorsque la consultation médicale, retardée, engendre, en fin de course, des soins plus importants et plus coûteux pour les intéressés.
Et chacun sait que lorsque ces frais sont plus importants, c'est bien souvent la collectivité, au travers notamment de l'aide médicale, qui prend en charge le surcoût.
Notre proposition tend donc à permettre un exercice plus complet et plus équilibré du droit à la santé pour tous.
La seconde vertu que nous estimons induite par notre proposition est de favoriser d'une certaine manière la relance des valeurs de solidarité, fondement de l'action du mouvement mutualiste.
La meilleure preuve de ces valeurs nous est d'ailleurs fournie par le mouvement mutualiste lui-même, sachant par exemple que les cotisations des chômeurs sont, dans un grand nombre de sociétés mutualistes, réduites pour tenir compte de la faiblesse des revenus des personnes concernées.
Au moment où l'on va discuter de l'assurance maladie universelle, où le débat sur le pacte civil de solidarité porte également sur cette question du droit à la santé, où nous sommes en pleine phase d'application de la loi contre les exclusions, notre amendement prévoit donc une mesure forte, simple, équilibrée et répondant à de véritables besoins.
J'ajouterai, brièvement, pour conclure, que les contrats de couverture complémentaire devraient, de notre point de vue, être pris en compte par les services sociaux locaux, en vue de permettre l'affiliation des personnes qui en sont dépourvues.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, nous avons examiné un amendement n° I-100, qui était identique à celui-ci.
Nous comprenons les motivations du groupe qui a déposé cet amendement, mais, comme nous l'avions souligné, son adoption ferait courir au budget de l'Etat un risque important de perte de ressources.
En outre, il n'est pas évident de considérer que la déductibilité des cotisations devrait tenir compte du statut de l'organisme prestataire, et la distinction qui est proposée nous semble pouvoir faire l'objet d'une divergence d'interprétation du point de vue constitutionnel.
Enfin, le gage proposé dans cet amendement ne semble pas acceptable à la commission.
Pour l'ensemble de ces raisons, elle vous suggère donc un vote défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je répondrai à M. Foucaud que le Gouvernement est, comme lui et ses collègues du groupe qui ont déposé cet amendement, particulièrement attaché au mouvement mutualiste. En ce sens, le Gouvernement comprend l'appel lancé par M. Foucaud.
Le Gouvernement entend d'ailleurs, avec sa majorité, mettre en place une couverture maladie universelle selon le schéma qui a été défini par le député M. Jean-Claude Boulard dans le rapport que ce dernier a remis au Premier ministre. Un projet de loi devrait être soumis au Parlement au début de l'an prochain.
Cette couverture maladie universelle est destinée à cette minorité de la population qui représente peut-être 12 %, soit environ 7 millions de personnes, en particulier ces jeunes et ces chômeurs auxquels vous avez fait allusion, et qui n'a pas de protection sociale complémentaire. Le Gouvernement s'oriente donc en priorité dans cette direction.
La démarche que vous suggérez vise par définition - puisqu'il s'agit de réduire le revenu imposable - des contribuables qui sont imposables et qui donc n'appartiennent pas à cette partie de la population française particulièrement démunie.
En la matière, il faut garder nos capacités d'intervention financière pour mettre en place, par priorité, cette couverture maladie universelle.
En résumé, j'ai entendu l'appel que vous lancez par le biais de cet amendement pour soutenir le mouvement mutualiste, qui a une très forte spécificité et une grande importance dans la vie sociale française. Sur le principe qui consiste à développer une couverture sociale supplémentaire, je suis d'accord, mais cette dernière doit concerner par priorité les Français les plus démunis dont je parlais, et non les contribuables imposables.
Pour ces raisons, je suggère que vous retiriez cet amendement. Dans le cas contraire, j'en demanderai le rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-151.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. J'avais déposé un amendement identique lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, et je voudrais insister sur les raisons qui ont incité notre groupe à le déposer de nouveau.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans un certain nombre de nos communes, que ce soit des communes de banlieue ou des communes rurales, une fraction importante de la population ayant certes des revenus, mais des revenus modestes, ne cotise pas à une assurance maladie complémentaire. Les dépenses induites auxquelles ces familles ne peuvent pas faire face sont donc prises en charge soit par les centres communaux d'action sociale, soit, au final, par les départements, qui sont chargés de la gestion de l'aide sociale. Voilà pour le premier élément.
Le deuxième élément tient au fait que le mouvement mutualiste, monsieur le secrétaire d'Etat, est bien implanté dans notre pays et qu'il est nécessaire de défendre sa spécificité, particulièrement à l'heure de la construction européenne où la tendance est de tout harmoniser, de tout encadrer par des règles qui ne tiennent compte ni de la spécificité ni de l'esprit de solidarité qui anime les mutualistes. Or, les mutuelles, en l'occurrence, sont souvent amenées, de fait, à déroger à leurs règles pour venir en aide aux chômeurs ou aux salariés de condition modeste.
Enfin, troisième élément, je prendrai l'exemple de ma commune. Sur 600 agents communaux, seulement la moitié d'entre eux cotisent à une caisse d'assurance maladie complémentaire. Environ 300 salariés ne bénéficient donc pas d'une couverture complémentaire. La commune a été obligée, comme elle en a le droit, de prendre en charge une partie des cotisations pour inciter ces salariés à adhérer à une mutuelle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu de l'esprit du gouvernement de Lionel Jospin et du dialogue franc et direct qui existe entre les membres de la majorité plurielle, il me semble que cet amendement est parfaitement recevable.
Nous avons bien compris que le rapport de M. Boulard est important et qu'il aura des conséquences positives dans ce domaine, mais je ne suis pas sûr qu'elles portent sur cette frange de salariés modestes qui, certes, étant imposables, ne sont pas considérés comme des démunis, mais qui ont peu de moyens et qui auraient besoin de cette couverture complémentaire.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre groupe maintient cet amendement, que nous vous invitons à voter. Ce serait faire preuve d'un esprit de solidarité, puisqu'il vise à aider les salariés les plus modestes et contribue à rendre d'actualité le progrès social dans notre pays.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Après Paul Loridant, je voudrais revenir sur cette question, afin que nous nous comprenions bien sur cette mesure que nous vous demandons de voter.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez raison quand vous dites que, pour bénéficier de cette réduction d'imposition sur le revenu, les familles doivent être imposables et qu'il faut réserver la couverture maladie universelle à celles et à ceux qui, jusqu'à ce jour, n'en bénéficient pas. Mais je n'ai pas l'impression que nous parlons de la même chose.
Parmi les plus bas revenus, de nombreuses familles ne cotisent pas à une mutuelle. Ce sont donc elles qui, bien souvent - M. Loridant vient de le dire - frappent aux portes des bureaux d'aide sociale parce qu'elles ne peuvent pas payer le ticket modérateur, c'est-à-dire la partie qui reste à leur charge pour les médicaments, la visite du médecin, l'hôpital. Cette situation dure depuis bien longtemps !
Si l'on peut permettre une première prise en charge de ces familles qui, certes, ont des revenus et qui cotisent à une mutuelle, cela redonnera de l'espoir à ceux qui ont les plus bas salaires. C'est important non seulement pour les personnes concernées, mais aussi pour les bureaux d'aide sociale.
Je ne connais pas le coût d'une telle mesure, ni le manque de recettes qui en résulterait pour l'Etat, mais une étude devrait être faite à partir des demandes qui émanent des bureaux d'aide sociale.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mme Beaudeau a très bien posé le problème.
Il y a, d'une part, des familles qui n'ont pas les moyens de payer les 20 % à 30 % que représente le ticket modérateur, et c'est pour elles que la couverture maladie universelle est prévue. C'est une des priorités du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.
Il y a, d'autre part, des salariés qui, comme M. Loridant l'a très bien dit, gagnent leur vie, mais de façon modeste, et éprouvent des difficultés pour cotiser à une mutuelle alors qu'ils paient relativement peu d'impôts sur le revenu.
Si les premières constituent une priorité, la mesure que vous souhaitez voir appliquer aux seconds, madame Beaudeau, mesure très onéreuse, revêt un caractère moins prioritaire.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-151, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-104, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, avant l'article 64 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa du a du 5 de l'article 158 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« A compter de l'imposition des revenus de 1999, les pensions et retraites font l'objet d'un abattement de 10 % qui ne peut excéder 20 000 francs. Ce plafond est applicable au montant total des pensions et retraites perçues par les membres du foyer fiscal. Il est révisé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. »
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du A ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° II-153, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 64 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter de l'imposition des revenus de 1999, les dispositions des articles 6 et 92 de la loi de finances pour 1997 (n° 96-1181 du 30 décembre 1996) sont abrogées.
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 199 decies B du code général des impôts, le taux : "15 %" est remplacé par le taux : "10 %". »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° II-104.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement prévoit, comme je l'avais indiqué lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, de donner un coup d'arrêt au processus de réduction de l'abattement de 10 % applicable aux pensions et retraites, qui résulte de l'application des articles 6 et 92 de la loi de finances pour 1997.
En fait, les retraités et les pensionnés souffrent, ainsi que nombre d'intervenants l'ont fait remarquer lors des débats tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, d'une certaine incohérence de l'attitude du Gouvernement, qui stoppe le processus d'allégement du barème de l'impôt sur le revenu tout en poursuivant la réduction et le démantèlement de certains avantages fiscaux.
Pour les retraités, qui constituent une catégorie sociale à laquelle nous sommes, bien sûr, particulièrement attentifs, la situation est injuste dans la mesure où ils ne bénéficient plus du relèvement programmé du seuil d'imposition, prévu par la réforme de 1997 portant sur l'impôt sur le revenu, et où ils sont frappés par une réduction considérable du plafond de l'abattement de 10 % sur le revenu.
On peut rappeler que cet abattement, égal à 31 900 francs en 1995, devait être réduit progressivement à 12 000 francs pour les revenus de l'année 2000, ce qui représente une division par trois, relevant de 20 000 francs le revenu imposable.
Un certain nombre d'entre nous se sont émus de la situation et ont déposé, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, des amendements visant à rétablir les niveaux d'abattement antérieurs.
La diminution qui se produirait si nous ne faisions rien interviendrait alors que les retraités sont déjà touchés, et durement, par la modification du régime de la contribution sociale généralisée.
La commission des finances avait approuvé l'esprit des amendements proposés en ce sens lors de l'examen de la première partie, mais elle avait demandé à leurs auteurs de se rallier à un amendement sur la deuxième partie : c'est celui que je vous propose maintenant, mes chers collègues, et qui est identique à celui que l'Assemblée nationale avait adopté, sur l'initiative de la commission des finances, mais qui avait été supprimé en seconde délibération.
Le Gouvernement avait alors fait valoir que la mesure était prématurée. Il s'était engagé à la prendre en considération, un peu plus tard, à l'issue de l'examen des perspectives financières des retraites confié par le Premier ministre au commissaire au Plan, M. Charpin.
Nous avons d'ailleurs été informés, monsieur le secrétaire d'Etat, des premières perspectives économiques et démographiques transmises par M. Charpin aux partenaires sociaux. On ne peut qu'apprécier l'ouverture d'esprit qui a présidé à leur élaboration puisque l'on y trouve même le calcul de ce que produirait un allongement de la durée de la vie active, c'est-à-dire un âge un peu plus tardif de départ en retraite.
Mes chers collègues, considérant qu'il convient de rassurer les retraités d'aujourd'hui, il vous est proposé, à travers cet amendement n° II-104, de prévoir le gel de l'abattement de 10 % sur les retraites et les pensions, et ce dès le présent projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-104 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. le rapporteur général s'est montré très clair dans son exposé ; je voudrais, toutefois, insister sur un point.
Ce qui fait l'objet de notre débat, ce ne sont pas les impôts que les retraités vont payer en 1999 sur le revenu de 1998, car, dans ce cas, le plafond de l'abattement est de 20 000 francs ; soit dit en passant, l'abattement de 10 % joue sur des retraites de l'ordre de 200 000 francs, ce qui commence à être relativement confortable !
Ce qui est en cause, c'est le niveau de l'abattement dont bénéficieraient les retraités en l'an 2000 sur le revenu de 1999. En quelque sorte, monsieur le rapporteur général, vous voulez prendre une décision un an avant l'échéance normale, c'est-à-dire l'automne 1999, lorsque nous examinerons le budget de l'an 2000.
Le point de vue du Gouvernement est, me semble-t-il, plein de bon sens.
Il estime préférable de remettre la décision sur ces questions importantes à l'automne 1999, d'autant que - et avec la grande honnêteté qui vous caractérise, vous l'avez rappelé - le commissaire au Plan, M. Charpin, s'est vu confier une mission par le Premier ministre. Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de réflexions de cabinet comme celles dont on avait l'habitude antérieurement : à la demande du Premier ministre, le commissaire au Plan a ouvert une vaste concertation à échéance du mois de mars 1999, dans l'objectif précis de consolider les régimes de retraite par répartition. Il faut noter, là encore, la différence de méthode employée par rapport à celles qui étaient utilisées lors de travaux menés antérieurement...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne crois pas !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est donc pas hostile sur le fond. Il considère simplement que l'amendement est prématuré.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Prenons un peu d'avance !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'en demande donc le rejet.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° II-153.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet amendement n° II-153 ressemble à un amendement que nous avions déposé lors de la discussion de la première partie de la loi de finances et qui portait sur l'abattement de 10 % applicable aux pensions et retraites en matière d'assiette de l'impôt sur le revenu.
C'était un élément parmi d'autres de la réforme Juppé : les articles 6 et 92 de la loi de finances pour 1997 prévoyaient, en effet, que le plafond de l'abattement de 10 % accordé aux retraités serait progressivement réduit pour atteindre, en fin de réforme, la somme de 12 000 francs.
Je rappelle que l'essentiel des retraités de notre pays dispose de ressources modestes, les pensions moyennes étant encore d'un niveau relativement faible.
On connaît les raisons qui ont conduit à ces processus.
La principale réside, à notre avis, dans le fait que les pensionnés et retraités sont souvent des femmes seules qui n'ont pas, lorsqu'elles ont travaillé, cumulé suffisamment d'années de travail pour disposer d'une pension très importante et qui, souvent, ne bénéficient que de la pension de réversion de leur conjoint décédé.
Au demeurant, dans le courant des années quatre-vingt, le niveau moyen des pensions a commencé de s'élever du fait de l'arrivée à l'âge de la retraite de salariés ayant accompli la totalité des annuités correspondant à la retraite à taux plein.
Le processus de majoration du montant des retraites est d'ailleurs aujourd'hui profondément remis en question, du fait de l'existence des conditions de revalorisation des retraites fixées en 1993 par la « réforme Balladur », qui les a déconnectées de la progression des salaires pour les lier à celle des prix, hors tabac.
Cette déperdition du pouvoir d'achat des retraites, dont on rappellera à l'occasion qu'elles participent aujourd'hui, pour plus de 20 %, à l'assiette de l'impôt sur le revenu, ajoutée au processus d'alourdissement relatif de l'impôt par réduction du plafond des 10 %, a été particulièrement mal vécue par les retraités eux-mêmes.
Comme nombre d'entre nous, j'écoutais hier soir sur une chaîne de télévision M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui a dû répondre à diverses questions posées par des téléspectateurs au sujet des retraites et de ce déplafonnement.
Ce plafond ne concerne pour l'heure qu'un nombre réduit de retraités, puisqu'il s'impute sur des retraites d'un montant annuel de 200 000 francs.
Nous ne pouvons cependant pas, monsieur le secrétaire d'Etat, admettre cet argument pour au moins une raison de fond.
L'essentiel des retraites aujourd'hui versées procède des régimes par répartition, qu'ils soient de base ou complémentaires.
Les pensions et retraites versées sont donc, dans les faits, des salaires différés et sont encore aujourd'hui, au travers de la solidarité intergénérationnelle, alimentées par des prélèvements très majoritairement assis sur les salaires.
Il n'est donc pas scandaleux à mon sens, que se maintienne une situation qui continue d'assimiler ces pensions et retraites aux traitements et salaires, qui bénéficient aujourd'hui tant des 10 % de frais professionnels que des 20 % forfaitaires.
Je ne reviendrai pas non plus sur les motivations qui avaient conduit en 1970, lors de la mise en oeuvre de la réforme de l'impôt sur le revenu, à opter pour ce mode de calcul.
Toujours est-il que rien ne justifie qu'un traitement différencié soit appliqué aux pensionnés et retraités d'aujourd'hui, qui ont été, bien entendu, les salariés d'hier.
C'est en ce sens que nous souhaitons que ces articles 6 et 92 de la loi de finances de 1997 soient abrogés et que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement par scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-153 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a un objectif analogue à celui que j'ai défendu voilà un instant. Toutefois, la commission considère que la version du groupe communiste républicain et citoyen est moins réaliste que la sienne.
De plus, elle a estimé que le gage qui y est prévu n'est pas acceptable.
Telles sont les raisons pour lesquelles elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-153 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mme Beaudeau a insisté, à juste titre, sur les pensions modestes, sur les revenus relativement faibles, sur les femmes seules qui ont cotisé pendant une période incomplète. Comme vous l'avez dit, madame, tous ces retraités ne sont pas concernés par le plafond de 20 000 francs, qui correspond à une retraite annuelle de 200 000 francs. Peu de personnes parmi celles que vous considérez opportunément comme prioritaires sont concernées par ce plafond.
Je tiens à rappeler également que la hausse des prix ayant été inférieure aux prévisions en 1998 ; ce qui est une bonne chose, les retraités ont bénéficié, de façon mécanique si je peux dire, d'un gain de pouvoir d'achat de l'ordre de 0,5 %, ce qui représente en quelque sorte une participation à la croissance.
Votre amendement, madame Beaudeau, est prématuré dans la mesure où c'est dans un an qu'il conviendra d'examiner la question de l'impôt payé en l'an 2000 sur les pensions de retraite versées en 1999. Quoi qu'il en soit le souci de justice sociale que vous avez exprimé à juste titre est déjà satisfait par le plafond de 20 000 francs.
Dans ces conditions, je me permets de vous suggérer le retrait de votre amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-104.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je partage pleinement la préoccupation qui sous-tend l'amendement de la commission des finances. Celle-ci entend en effet soustraire les retraités à l'épée de Damoclès qu'ils ont l'impression de voir planer sur leur situation au regard de l'impôt sur le revenu.
Je suis, pour ma part, convaincu qu'il n'est pas bon de les amener à éprouver ce sentiment d'insécurité.
Vous disiez, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut traiter de cette affaire en temps utile, c'est-à-dire l'année prochaine, mais « en temps utile » n'a pas la même signification pour le Gouvernement ou les services fiscaux et pour les assujettis.
Vous avez rappelé que le plafond de 20 000 francs correspondait à un revenu de 200 000 francs, ce qui n'est, certes, pas négligeable. Mais il y a bon nombre de couples de retraités qui atteignent ce niveau de revenu.
Il se trouve que, en général, à moins d'être très prévoyant, on paie son impôt au titre des revenus de l'année précédente grâce à ses revenus de l'année en cours, et les retraités n'échappent pas à cette règle. Tout se passe très bien tant que les revenus arrivent normalement. Mais, dans un couple, il peut y avoir un décès, et chacun sait que les retraités sont tout de même plus « mortels » que les gens en activité !
Pour un couple de retraités, il peut donc être effectivement inquiétant de penser que l'impôt devra éventuellement être payé avec ce qu'il restera au conjoint survivant.
Je crois que, en cette matière, il faut aussi savoir faire preuve de psychologie. On fait beaucoup de logique et de mathématiques, mais la psychologie fait trop souvent défaut dans l'appréciation des situations fiscales. Or, que vous le vouliez ou non, les assujettis fonctionnent avec des réflexes psychologiques.
Voilà pourquoi je voterai avec beaucoup de conviction l'amendement n° II-104.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-104, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 64 A, et l'amendement n° II-153 n'a plus d'objet.
Par amendement n° II-103 rectifié, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, avant l'article 64 A, un article additionnel ainsi rédigé :


REVENUS DE 1999


REVENUS DE 2000

REVENUS DE 2001

REVENUS DE 2002







Tranches


Taux

Tranches

Taux

Tranches

Taux

Tranches

Taux
Supérieure à 28 523 F et inférieure ou égale à 52 009 F. 9,5 % Supérieure à 30 743 F et inférieure ou égale à 52 009 F. 8,5 % Supérieure à 33 561 F et inférieure ou égale à 52 009 F. 7,5 % Supérieure à 41 490 F et inférieure ou égale à 52 009 F. 7 %
Supérieure à 52 009 F et inférieure ou égale à 91 537 F. 23 % Supérieure à 52 009 F et inférieure ou égale à 91 537 F. 22 % Supérieure à 52 009 F et inférieure ou égale à 91 537 F. 21 % Supérieure à 52 009 F et inférieure ou égale à 91 537 F. 20 %
Supérieure à 91 537 F et inférieure ou égale à 139 365 F. 32 % Supérieure à 91 537 F et inférieure ou égale à 126 255 F. 31 % Supérieure à 91 537 F et inférieure ou égale à 115 271 F. 29 % Supérieure à 91 537 F et inférieure ou égale à 104 266 F. 28 %
Supérieure à 139 365 F et inférieure ou égale à 217 823 F. 41 % Supérieure à 126 255 F et inférieure ou égale à 193 563 F. 39 % Supérieure à 115 271 F et inférieure ou égale à 171 120 F. 37 % Supérieure à 104 266 F et inférieure ou égale à 148 223 F. 35 %
Supérieure à 217 823 F et inférieure ou égale à 283 892 F. 46 % Supérieure à 193 563 F et inférieure ou égale à 270 369 F. 44 % Supérieure à 171 120 F et inférieure ou égale à 256 845 F. 43 % Supérieure à 148 223 F et inférieure ou égale à 241 174 F. 41 %
Supérieure à 283 892 F. 52 % Supérieure à 270 369 F. 50 % Supérieure à 256 845 F. 48,5 % Supérieure à 241 174 F. 47 %


« I. - A l'article 197 du code général des impôts, il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. - Pour l'imposition des revenus des années 1999, 2000, 2001 et 2002, en ce qui concerne les contribuables visés à l'article 4 B, il est fait application des règles suivantes pour le calcul de l'impôt sur le revenu :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu les taux de :
« 2. Les dispositions du 3 du I sont applicables.
« 3. Le montant de l'impôt résultant de l'application des dispositions précédentes est diminué, dans la limite de son montant, de la différence entre :
« - 2 580 F et son montant, pour l'imposition des revenus de 1999 ;
« - 1 900 F et son montant, pour l'imposition des revenus de 2000 ;
« - 1 220 F et son montant, pour l'imposition des revenus de 2001.
« 4. Les dispositions du 5 du I sont applicables.
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur cet amendement, qu'elle juge très important, la commission des finances demandera au Sénat de se prononcer par scrutin public.
Il tend, en effet, à renouer avec la baisse du barème de l'impôt sur le revenu : ce que l'Allemagne va faire, il faut que la France continue à le faire.
La baisse de la pression fiscale est nécessaire, au même titre que la baisse des charges, en particulier celles qui affectent les bas salaires. Ce sont deux grands combats à mener, l'un relevant de la loi de finances, l'autre de la loi de financement de la sécurité sociale.
Le régime de l'impôt sur le revenu doit être réformé. Le Gouvernement en est convenu, mais il ne le fait pas. C'est pour l'inciter à aller plus vite et à effectuer un certain nombre de remises en cause que nous vous convions, mes chers collègues, à voter cet amendement de principe.
En l'occurrence, ainsi que cela a été annoncé lors de la discussion de la première partie, notre amendement vise à reprendre le processus de diminution de l'impôt engagé en application de l'article 81 de la loi de finances pour 1997. Ce plan, je le rappelle, s'étalait sur cinq ans. La première étape a été franchie ; le reste du chemin est encore à faire.
Pour des raisons d'équilibre budgétaire, il n'a pas été possible à la commission des finances d'appliquer la reprise de ce processus aux revenus de 1998.
Cette réforme, qui doit refléter une volonté politique d'abaisser les prélèvements obligatoires, tend à la fois à alléger les taux et à relever le seuil de la première tranche d'imposition, ce qui doit permettre d'exonérer une plus large part de la population, tout en rendant le système moins dissuasif, notamment pour les cadres.
Si le Sénat adoptait cet amendement et s'il était effectivement appliqué, cela se traduirait, dès 1999, par une baisse de un point pour la première tranche et de deux points pour la tranche supérieure.
La réforme dont il s'agit doit être replacée dans son contexte.
D'une part, l'abaissement des taux doit être compensée, dans notre esprit, par l'élimination des niches fiscales, c'est-à-dire des différentes déductions professionnelles. A notre sens, cette élimination est légitime à condition qu'elle soit mise en oeuvre dans la perspective globale que nous proposons. Il nous paraît préférable d'avoir des taux nominaux plus faibles avec moins d'exceptions plutôt que d'afficher des taux élevés mais compensés dans bien des situations particulières par de multiples possibilités d'échapper à l'impôt ou d'en atténuer la charge grâce à diverses déductions ou à des mécanismes d'incitation spécifiques.
D'autre part, il est évident que cet amendement, dont le gage a une portée quelque peu symbolique, ne se conçoit que dans le cadre d'une politique de maîtrise de la dépense publique. Une telle politique est le seul gage possible des allégements d'impôts.
J'insiste, mes chers collègues, sur la cohérence d'ensemble de cette approche, tant du côté des recettes que du côté des dépenses. C'est elle qui a présidé à l'élaboration de ce budget alternatif de responsabilité et de confiance qui vous a été soumis par la commission des finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. Marini s'est référé au modèle allemand. En soi, cela ne me choque nullement. Ce qui me paraît choquant, c'est de ne pas prendre en considération la volonté commune à la France et à l'Allemagne - je parle de l'Allemagne de M. Schroder et non pas de celle de M. Kohl, pour laquelle certains ici avaient peut-être plus de sympathie - de baisser les impôts qui pèsent sur les ménages, et notamment sur la consommation des ménages.
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Kohl aurait fait plus !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Peut-être mais, malheureusement, il n'est plus là pour exaucer vos souhaits !
En Allemagne, le produit de la TVA et celui de l'impôt sur le revenu sont équivalents. Le gouvernement allemand a donc décidé de faire porter la baisse plutôt sur l'impôt sur le revenu. En France, vous le savez fort bien, monsieur le rapporteur général, l'impôt sur le revenu représente 350 milliards de francs,...
M. Jean Chérioux. Plus la CSG !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... contre 800 milliards de francs pour la TVA. Par conséquent, le Gouvernement et la majorité qui le soutient ont décidé de faire porter l'accent principalement sur la TVA : la diminution représente environ 12 milliards de francs sur 1998 et 1999, ce qui, par parenthèse, équivaut à une tranche du plan allemand sur trois ans.
Nous, nous avons fait le choix de diminuer l'impôt qui est le plus injuste et qui affecte le plus la consommation.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous proposez, monsieur le rapporteur général, de revenir à la baisse de l'impôt sur le revenu.
Cette idée d'abaisser, en 1999, d'un point toutes les tranches et de deux points la tranche supérieure est, de mon point de vue, assez étrange. En fait, la réforme que vous proposez est identique à celle de M. Juppé qui, sous couvert de diminuer l'impôt sur le revenu, cherchait principalement à diminuer l'impôt sur le revenu de ceux qui en paient le plus.
Vous avez parlé de niches. Je n'ai pas eu le sentiment que vous aviez, en matière d'impôts sur le revenu, supprimé des niches. Mais peut-être cela apparaîtra-t-il dans la suite du débat. Pour l'heure, j'ai plutôt le sentiment que vous avez infléchi la fiscalité dans un sens favorable aux revenus importants et aux gros patrimoines.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une vision caricaturale, et vous le savez bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il existe effectivement, monsieur le rapporteur général, deux politiques. A cet égard, votre budget est vraiment un budget alternatif. Il sacrifie 26 milliards de francs de dépenses que nous jugeons essentielles : près de 11 milliards de francs de dépenses en faveur de l'emploi, 5 milliards de francs au titre de l'éducation nationale, 2,5 milliards de francs au titre de la la solidarité, 1,9 milliard de francs au titre de l'environnement, 1 milliard de francs au titre de la recherche, ce qui, me semble-t-il, est vraiment regarder l'avenir dans le rétroviseur...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous ferez la même chose avec des annulations de crédits l'année prochaine !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Bref, vous gagez une baisse de fiscalité sur les revenus les plus élevés par des coupes dans les budgets qui sont essentiels au regard de la solidarité ou de l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-103 rectifié.
M. Bernard Angels. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Cet amendement constitue, pour ainsi dire, le fer de lance de la politique fiscale de la majorité sénatoriale. Il mérite donc qu'on l'examine avec attention.
C'est une reprise de la réforme Juppé, amorcée en 1997, et dont le financement n'était d'ailleurs pas prévu.
L'amendement n° II-103 engage donc une baisse du barème sur quatre ans. Cela appelle quelques commentaires.
Il convient d'abord de souligner que le choix d'une baisse de l'impôt sur le revenu est mauvais, et ce pour deux raisons.
Chacun le sait, il s'agit d'un impôt direct, progressif et donc juste. Pourquoi le baisser alors que notre système fiscal pêche déjà par le trop grand poids de la fiscalité indirecte ?
De plus, il ne faut pas l'oublier, un Français sur deux - les ménages les plus modestes - n'est pas redevable de cet impôt. Dès lors, se trouve exclue du bénéfice de la baisse de cet impôt la moitié la plus modeste de la population de notre pays.
M. Jean-Pierre Plancade. Exactement !
M. Bernard Angels. Le choix d'une baisse de l'impôt sur le revenu par le moyen d'une révision du barème est également mauvais, car il entraîne de facto des baisses d'impôt d'autant plus importantes que les revenus sont élevés.
Mais ce n'est pas tout !
Le détail du dispositif en lui-même est injuste en ce qu'il fait la part trop belle aux revenus élevés.
Nous avons fait des calculs pour évaluer les conséquences de la mise en oeuvre de la proposition de M. le rapporteur général. L'analyse montre tout d'abord, comme je l'ai déjà dit, que choisir d'abaisser les taux d'imposition revient à accorder des réductions d'impôts d'autant plus importantes que les revenus sont élevés.
Par ailleurs, la baisse des taux marginaux est différenciée selon les tranches : elle est de 1 % pour les basses tranches et de 2 % pour les hautes tranches.
Enfin - et c'est là où votre proposition est intéressante et très novatrice, monsieur le rapporteur général - votre amendement prévoit de bloquer pour les basses tranches, mais surtout d'abaisser pour les autres tranches, les seuils d'imposition. D'ordinaire, les gouvernements les indexent sur l'inflation pour ne pas engendrer des augmentations d'impôt mécaniques. Or vous proposez ici de faire tout le contraire, puisqu'il s'agit d'abaisser les seuils, de les désindexer, si je puis dire, et c'est la première fois qu'une telle méthode est choisie.
Cela mérite d'être relevé. Ce détail est important et implique un double mécanisme : une réduction des taux marginaux, mais également une baisse ou un blocage des seuils, ce qui conduit à remarquer que la baisse des taux, en tout cas telle qu'annoncée, est virtuelle.
Nous n'avons pas à notre disposition les outils informatiques propres à nous donner les résultats concrets de cet amendement sur l'impôt dû. Néanmoins, ce qui paraît évident, c'est que les revenus moyens ainsi que les bas revenus ne profiteront pas de la réforme telle qu'elle est affichée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas exact !
M. Bernard Angels. Je fais remarquer au passage que la décote sera supprimée.
Les très hauts revenus, ceux qui sont très au-delà de la dernière tranche d'imposition, supporteront également le reprofilage des tranches, mais ils bénéficieront, eux, de la baisse de leur taux marginal ; il sera réduit comme promis.
A titre d'exemple, et j'en terminerai là, un revenu mensuel net de 12 000 francs est taxé aujourd'hui au taux marginal de 33 % pour un célibataire. Avec votre réforme, il serait imposé en 2003 à 35 %, parce que celle-ci le ferait passer, à terme, dans une tranche supérieure.
En revanche, un revenu mensuel net de 35 000 francs, taxé aujourd'hui à la tranche maximale de 54 %, serait, lui, imposé au taux marginal de 47 % en 2003.
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Jean-Pierre Plancade. Voilà l'explication !
M. Bernard Angels. En conclusion, si vous dénoncez dans vos discours, mes chers collègues, l'impôt sur le revenu comme pénalisant pour l'effort et l'initiative, dans vos actes, vous n'allégez vraiment l'impôt que sur les revenus les plus importants. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite apporter quelques éléments d'appréciation supplémentaires, notamment à la suite de l'intervention de M. Angels.
Lorsqu'on compare la fiscalité directe et la fiscalité indirecte, il faut, s'agissant de la fiscalité directe, considérer non seulement l'impôt sur le revenu, mais aussi - il convient de le rappeler - la CSG, qui a très sensiblement alourdi les prélèvements obligatoires sur les particuliers.
De la même façon, lorsqu'on évoque, comme l'a fait tout à l'heure M. le secrétaire d'Etat, la TVA, c'est-à-dire l'impôt indirect, dont le rendement est en effet tout à fait considérable, il faut se référer non seulement aux intentions ou aux paroles, mais aussi aux actes.
Certes, nous avons bien vu, monsieur le secrétaire d'Etat, que figurent dans le projet de loi de finances que nous examinons quelques petites mesures ciblées grâce auxquelles vous avez atténué la charge de la TVA, notamment sur les contrats EDF - GDF ; nous en avons parlé. Le coût de cette mesure atteint 4 milliards de francs, mais, au bout du compte, cela représente environ 100 francs par famille concernée ; l'effet de cette disposition est donc très peu visible pour un enjeu budgétaire considérable.
Quant aux deux points supplémentaires de TVA instaurés en 1995, que vous regrettez et que nous regrettons tous, vous êtes bien heureux d'en faire bénéficier les caisses de l'Etat. Vous ne les avez pas remis en cause, parce que vous n'en avez pas la possibilité !
Alors, ne nous dites pas que votre priorité est de réduire la TVA, car vous ne le faites pas, pas plus, bien entendu, que vous ne réduisez l'impôt sur le revenu !
Pour en revenir à l'impôt sur le revenu et aux arguments techniques avancés par notre collègue M. Angels, je souhaite lui dire que je tiens à sa disposition - je ne vais pas en faire la lecture in extenso - une excellente fiche de simulation par tranche.
Ainsi, si l'on prend l'exemple du contribuable bénéficiant d'une part - il s'agit de la situation la plus simple - avec 120 000 francs de revenu annuel, l'impôt sur le revenu issu du projet de loi de finances s'élève à 21 563 francs ; l'impôt qui serait payable selon notre système s'établirait à 20 430 francs, soit un gain de 1 133 francs. La fiche de calcul est, naturellement, à la disposition de M. Angels et je pense qu'il connaît trop bien les services de la commission des finances pour mettre en doute leur probité intellectuelle.
Si nous considérons un contribuable imposé pour une part et bénéficiant d'un revenu de 300 000 francs, l'impôt sur le revenu s'élèverait, selon le projet du Gouvernement, à 99 238 francs et, selon notre dispositif, à 97 563 francs, soit un gain de 1 675 francs. Un calcul arithmétique simple montre que l'avantage relatif est sensiblement plus faible pour 300 000 francs de revenu annuel que pour 120 000 francs de revenu annuel.
Mes chers collègues, je pense avoir fait la démonstration que la réforme du barème de l'impôt sur le revenu bénéficierait notamment, et substantiellement, aux plus bas revenus, s'agissant bien entendu des contribuables qui sont imposables à l'impôt sur le revenu. En effet, il est un point sur lequel vous n'avez pas insisté : si le seuil de la première tranche est relevé, plus nombreux seront les contribuables qui se trouveront hors du champ de l'impôt sur le revenu et qui bénéficieront, naturellement, à plein de la réforme.
Par conséquent, je ne pense pas que l'on puisse dire que cette réforme aurait pour effet d'entraîner une régression sociale. Elle complèterait harmonieusement notre système fiscal, mais, bien entendu, elle devrait être accompagnée de bien d'autres dispositions pour que l'on se situe dans une politique fiscale cohérente.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je dois avouer que, lorsque j'entends nos collègues de gauche et M. le secrétaire d'Etat aborder ce problème de la taxation des revenus, je suis un peu étonné : on a l'impression qu'une partie de cette assemblée veut aider les riches et qu'elle s'en prend toujours à ceux qui n'ont pas beaucoup d'argent, alors que le problème ne se pose pas du tout en ces termes.
Tout à l'heure, M. le secrétaire d'Etat s'est livré à des comparaisons. Comme l'a très justement montré M. le rapporteur général, lorsqu'on considère la fiscalité directe dans notre pays, il faut également tenir compte de la CSG, qui finance en grande partie le budget de la sécurité sociale. Pour connaître la charge exacte de l'imposition directe dans notre pays, il faut donc additionner l'impôt sur le revenu et la CSG : l'imposition est pratiquement doublée. C'est une première chose !
Par ailleurs, on ne fait jamais allusion au taux marginal d'imposition. Or il s'agit d'un problème important. En effet, dans notre pays, ce taux marginal est trop élevé. Nous sommes même les champions en Europe ! Si l'on ajoute à la tranche de 54 % de l'impôt sur le revenu les 10 % de la CSG, nous obtenons un prélèvement de près des deux tiers ! Ce dernier n'est pas incitatif sur le plan économique, que vous le vouliez ou non ! Souhaitez-vous que nous nous trouvions dans une situation analogue à celle qu'a connue l'Angleterre avec les travaillistes au lendemain de la guerre, où le prélèvement atteignait 19 shillings 6 pence par livre, c'est-à-dire 97,5 % ?
Les Anglais ont vu ce que cela leur a coûté sur le plan économique. M. Blair a su retenir les leçons de l'histoire ! Regardons un peu ce qui se passe au-delà de nos frontières et évitons ces positions démagogiques qui tendent à opposer les riches et les pauvres.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pourtant, cela existe !
M. Jean Chérioux. Le problème sous-jacent est celui de l'économie de la France et son intérêt n'est pas d'avoir un taux marginal à 66 % ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais il y a des riches et des pauvres, monsieur Chérioux !
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans la logique de cet amendement, je pense, selon le dicton populaire, qu'il vaut mieux être riche et en bonne santé que l'inverse.
Nous ne croyons pas, pour ce qui nous concerne, qu'il soit de bonne politique de persévérer dans la voie d'une réduction du produit de l'impôt sur le revenu et que les marges éventuelles de réduction des prélèvements obligatoires, qui seraient dégagées par la croissance et la relance de l'activité économique, seront consacrées à d'autres priorités qu'à celle d'alléger la contribution des plus fortunés au financement de la charge publique.
Nous nous interrogeons presque, dans les faits, sur la valeur constitutionnelle de cet amendement au regard des principes fondateurs de notre régime républicain, notamment de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont la philosophie nous paraît quelque peu pervertie.
Nous ne croyons pas, chers collègues de la majorité sénatoriale, que l'impôt sur le revenu ait besoin de cette évolution. En revanche, nous nous interrogeons sur son défaut essentiel, qui est bien connu : notre impôt sur le revenu - outil indispensable de redistribution - n'est pas représentatif de la réalité du revenu des ménages. Pour plus de 85 %, son assiette est, en effet, fondée sur les traitements - salaires, pensions et retraites - tandis que les revenus du capital, qui constituent 11 à 12 % des revenus des ménages, et parfois plus dès lors que l'on s'élève dans la hiérarchie des situations personnelles, n'en constituent encore que 3 %.
C'est là que réside la source de la principale évolution en matière d'impôt sur le revenu : celle du traitement équilibré de l'ensemble des composantes du revenu des ménages, seule source future d'une évolution et d'une variation des taux.
Nous serions alors placés dans les hypothèses suivantes : soit accroître le produit de l'impôt sur le revenu et en tirer parti pour alléger d'autres impôts - je pense en particulier à la TVA - soit maintenir un produit fiscal constant en rendant la répartition de la charge plus équilibrée entre les contribuables.
Par conséquent, nous ne voterons pas l'amendement n° II-103 rectifié de la commission des finances.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je souhaite faire part de mon étonnement : une fois de plus, des arguments qui datent de la fin du xixe siècle ou du début du xxe siècle sont développés, à savoir que l'impôt sur le revenu progressif serait le plus juste. Cela demande à être démontré !
Nous devrions faire un effort d'imagination, faute de quoi nous tomberons dans le plus pur conservatisme fiscal, ce qui est régulièrement le cas.
C'est pourquoi je trouve bienvenue la proposition de M. le rapporteur général : elle nous permet de repenser un héritage dépassé en matière de conception fiscale.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Bernard Angels. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Vous ne m'avez pas convaincu, monsieur le rapporteur général, loin de là ! Toutefois, ne voulant pas alourdir le débat, je vous donne rendez-vous en commission des finances pour approfondir cette question.
Le double mécanisme que vous proposez tend à restaurer la baisse des taux marginaux et le blocage ou l'abaissement des seuils. Cette mesure ne sera pas adoptée par l'Assemblée nationale, mais il est intéressant, sur le plan intellectuel, d'aller jusqu'au bout de votre raisonnement : elle conduirait à des changements de tranches et pénaliserait, que vous le vouliez ou non, les classes moyennes.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. M. Gélard a placé les débats dans un contexte historique. Pour ma part, j'essaie de me projeter dans l'avenir et je me demande ce que pourront penser, dans dix, quinze ou vingt ans, ceux qui regarderont à la loupe nos travaux, l'année où les onze pays de l'Union européenne se dotent d'une monnaire unique.
Ne nous déchirons pas sur des questions aussi dogmatiques ! Désormais, notre pays connaît une compétition extrêmement vive avec ses voisins alliés.
En réalité, les impôts - tous les impôts - sont trop élevés dans notre pays, parce que nous dépensons trop !
Alors, ne nous battons pas à l'infini sur la question de savoir quels sont ceux qui doivent être baissés de façon impérative et draconienne et quels sont ceux qui devraient être maintenus à leur niveau. Si nous voulons être compétitifs, mes chers collègues, il faudra, vous le verrez, les baisser tous !
Commençons par diminuer la dépense publique ; c'est la proposition du rapporteur général.
M. Bernard Angels. C'est la nôtre aussi !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Continuons par la baisse de l'impôt ; c'est aussi la proposition du rapporteur général. A l'heure où les territoires sont en compétition, le fait de pouvoir maintenir ou d'attirer sur le nôtre tous ceux qui ont la capacité mais aussi la volonté de créer, de développer notre pays et de favoriser l'emploi est essentiel pour notre avenir. Aussi, ne les découragez pas, ne les décourageons pas. Il s'agit, encore une fois, d'une question de niveau. A partir d'un certain seuil, le redevable estime que, franchement, on a abusé de ce qui est tolérable à ses yeux et il cherche à s'installer ailleurs.
Si nous pouvons longuement discourir sur le caractère injuste de la TVA, il n'en demeure pas moins, mes chers collègues, qu'elle reste le seul impôt à ma connaissance, sous réserve d'un complément d'information, à frapper d'un même taux tous les produits, quel que soit leur lieu de fabrication.
Si nous voulons nous priver de cette arme qui nous permet de frapper les productions extérieures, disons-le franchement. Mais, dans un premier temps, ce n'est peut-être pas ce qui est le plus urgent. En effet, ce que nos concitoyens attendent de nous ce n'est pas tant que nous punissions celui qui a un revenu élevé mais que nous procurions un emploi à celui qui n'en a pas. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je veux ajouter ma voix à ce débat de bonne qualité sur l'impôt sur le revenu et sur la TVA.
Monsieur le rapporteur général, vous avez mentionné - je n'évoquerai pas le ton de votre propos, parce qu'il n'est pas dans mes intentions de vous prêter un ton qui ne soit pas le vôtre - les 100 ou les 130 francs de réduction de TVA sur les abonnements EDF-GDF. Il est clair qu'une réduction de 130 francs pour toutes les familles reviendrait, pour vous, au même qu'une baisse de l'impôt sur le revenu de 1 300 francs pour 10 % des familles ou qu'une diminution de l'impôt sur le revenu de 13 000 francs pour 1 % des familles.
Deux logiques s'affrontent en la matière. La première réside dans les diminutions d'impôts, qui ont, par définition, un champ très large mais qui, compte tenu des moyens dont nous disposons, ne peuvent pas être considérables. Les 12 milliards de francs de TVA, dont je peux vous rappeler le détail si vous le souhaitez, sont de ce type.
La seconde logique consiste à engager ce que vous appelez des « réformes visibles », qui, bien évidemment, le sont pour ceux qui en bénéficient, parce que, pour eux, la baisse d'impôt est relativement substantielle.
M. Jean Chérioux. On ne peut pas abaisser les impôts de ceux qui n'en paient pas !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. La TVA est payée par tout le monde, monsieur Chérioux ! Vous avez d'ailleurs judicieusement fait remarquer qu'il y avait la contribution sociale généralisée. Si l'on additionne les 350 milliards de francs d'impôt sur le revenu et les 350 milliards de francs de la CGS, nous sommes en dessous des 800 milliards de francs de TVA.
M. Jean Chérioux. Cela se rapproche !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Effectivement ! Plus la baisse de la TVA sera ciblée, plus les deux chiffres pourront un jour converger !
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez employé un ton très juste pour parler des créateurs d'entreprise. Mais qui a majoré les prélèvements sur les bons de souscription ? C'est le gouvernement précédent, dont le ministre des finances était l'un de vos membres.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est le Parlement qui vote la loi !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Certes !
Mais qui a inventé la CGS sur ce type de rémunération des créateurs d'entreprise ? C'est le gouvernement précédent.
Nous nous sommes attachés à ce que les créateurs d'entreprise, c'est-à-dire ceux qui dirigent les entreprises qui ont moins de quatorze ans d'existence, puissent développer leur activité sans être soumis à une fiscalité spécifique.
Puisque vous vous êtes placé sur ce terrain, permettez-moi de vous recommander la lecture de L'Espoir économique. Dans cet ouvrage, M. Lebret montre qu'il est encore possible de créer des entreprises dans notre pays et il cite un certain nombre de réussites. In fine, il compare la France avec certains pays étrangers, s'agissant des facteurs propices à la création. Nous sommes en tête dans un seul domaine, celui du prélèvement réalisé par l'impôt sur le revenu et la CSG. Il reste à un Français qui gagne 100 francs, 66 % en moyenne après prélèvements. Dans les autres pays, les taux sont moins élevés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très tendancieux !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je cite mes sources, monsieur le rapporteur général.
Aussi, ne dites pas que l'impôt sur le revenu est écrasant en France alors que son produit est plus faible que dans d'autres pays et que, à l'évidence, il ne nous handicape pas dans la concurrence internationale. Nous avons d'autres handicaps contre lesquels nous pouvons essayer de lutter ensemble.
M. Gélard a fait allusion aux débats qui se sont tenus à la fin du xixe siècle et au début du xxe. En effet, sans vouloir me prendre pour le fantôme de Joseph Caillaux, j'avais l'impression d'assister aux débats qui ont précédé la mise en place de l'impôt sur le revenu et au cours desquels certains mettaient en avant son aspect anti-économique et antisocial.
L'impôt sur le revenu existe en France, comme dans tous les pays étrangers où il est souvent plus élevé. Je ne veux pas rouvrir ce type de débat.
Tels sont les éléments de réponse que je souhaitais apporter. Bien évidemment, je ne répondrai pas aux intervenants qui se sont prononcés contre l'amendement n° II-103 rectifié, puisque je partage leur analyse. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Mes chers collègues, je me souviens très bien de l'époque où nous étions, sans doute nombreux sur ces bancs, étudiants, et où l'on nous disait : « L'impôt qui est juste, c'est l'impôt direct et l'impôt injuste, l'impôt indirect. »
L'histoire très récente a montré qu'à force de réduire l'impôt sur le revenu, on en est arrivé à un déséquilibre fatal de la fiscalité, déséquilibre tel qu'il a fallu trouver un substitut, un complément qui a été la CSG, laquelle est aussi une autre forme d'impôt sur le revenu : bref, après avoir réduit encore et encore, on a ajouté 100 milliards de francs de plus et la CSG est née.
Mais nous n'aurions certainement pas eu besoin d'une cotisation aussi généralisée si nous avions eu un impôt sur le revenu normal. En outre, nous n'aurions pas aujourd'hui les difficultés que nous avons à réduire la TVA, notamment le taux de 20,6 %, si nous avions un impôt sur le revenu plus juste et moins modeste dans son rendement.
Nous savons bien que l'amendement n° II-103 rectifié de la commission des finances - c'est une position politique de principe - sera adopté tout à l'heure. Nous savons aussi qu'il sera rejeté ailleurs parce qu'il est irréaliste, qu'il ne correspond pas à la politique poursuivie par le Gouvernement et que le gage - bien sûr, il en faut un, et M. le rapporteur général a respecté la procédure - si cet amendement était adopté, conduirait à doubler ou à tripler les taxes sur le tabac, et je ne parle pas en tant que fumeur.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est embêtant pour les cigarettes !
M. Jean Chérioux. Surtout pour les cigares !
M. Michel Charasse. Je me demande si l'on peut continuer à prélever des sommes aussi énormes sur la fiscalité pesant sur le tabac, et si ce n'est pas un faux gage.
Je ne suis pas certain que le bicamérisme puisse fonctionner longtemps dans cet esprit. Certes, notre assemblée jouit - et c'est heureux - de la liberté de déposer des amendements, de débattre et de voter. Mais nous savons bien qu'elle n'a pas le dernier mot dans la navette et que, si nous allons trop loin, nous risquons de la faire passer pour un cénacle incontournable - il faut y venir, puisque la navette le veut ainsi - mais qui se situe un peu en dehors des réalités.
Il faudra bien un jour mener une réflexion un peu plus approfondie. L'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la contribution « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Or on ne cesse de s'en éloigner. C'est, pourtant, l'un des fondements de la République. Certes, me direz-vous, c'est un exemple parmi d'autres.
Pourtant, la République est menacée tous les jours par ceux qui piétinent ses principes, les petits et les grands, par ceux qui se réfugient derrière les principes lorsqu'ils les protègent, mais qui tournent systématiquement le dos à ceux qui sont rigoureux et qui sanctionnent, et par les groupes qui rêvent tous de s'emparer du pouvoir pour décider enfin à la place des autorités élues.
A trop continuer dans cette voie, nous finirons par conduire les citoyens à se demander si, finalement, la rue et la révolte ne restent pas les meilleures institutions pour régler les problèmes de la société. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous êtes trop pessimiste !
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. M. Charasse vient de décrire le contexte dans lequel s'inscrit notre débat. Nous savons bien qu'une navette va s'instaurer entre l'Assemblée nationale et le Sénat et que ce dernier fait en quelque sorte un baroud d'honneur ou pose des jalons pour d'éventuelles suites. Mais, dans la mesure où l'on a invoqué les débats précédant la création de l'impôt progressif sur le revenu à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, je ne peux pas ne pas invoquer Joseph Caillaux.
M. Hubert Haenel. Ah ! toujours lui.
M. Paul Loridant. Eh, oui ! Dans la mesure où la majorité sénatoriale prétend ne jamais faire d'idéologie,...
M. Hubert Haenel. Pourquoi, vous n'en faites jamais ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On fait de la politique.
M. Paul Loridant. ... dans la mesure où il est question de l'impôt sur le revenu, nous en revenons au débat qui a beaucoup occupé, effectivement, les assemblées parlementaires au début du xxe siècle.
Joseph Caillaux qui n'était pas un homme de gauche, vous le savez bien, mes chers collègues, s'est battu bec et ongles pendant de nombreuses années pour faire adopter l'impôt progressif sur le revenu...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'était à quel taux ?
M. Paul Loridant. ... à tel point qu'une partie de l'opinion publique française et une partie de la droite, disons-le clairement, lui a voué une haine qui l'a suivi jusqu'à la fin de sa carrière politique...
M. Michel Charasse. Jusqu'à la Haute Cour !
M. Paul Loridant. ... et qui perdure encore aujourd'hui. Oui, disons-le clairement, les impôts directs, en France, comparés à ceux qui existent dans un certain nombre d'Etats européens, notamment du Nord, sont insuffisants. Oui, l'impôt indirect, la TVA est trop élevée en France.
C'est dans cette voie qu'il faut s'engager.
Oui, le groupe communiste républicain et citoyen demande au Gouvernement de baisser beaucoup plus rapidement le taux de la TVA. C'est la bonne voie...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr !
M. Paul Loridant. ... car c'est un impôt qui est payé par des personnes de condition beaucoup plus modeste. De ce fait, mes chers collègues, l'amendement n° I-103 rectifié est totalement inacceptable, car il ne va pas dans le sens de l'histoire...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le grand mot est lâché !
M. Paul Loridant. ... et de l'équité fiscale dans notre pays. Je dirais même qu'il est contraire à l'esprit de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Contraire à l'histoire marxiste !
M. Christian Bonnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Je veux juste rappeler qu'il est un problème qui n'est jamais évoqué : c'est celui du nombre de Français qui paient l'impôt sur le revenu.
M. Patrice Gélard. Voilà !
M. Christian Bonnet. Il est vraisemblable qu'une erreur a été commise par des gouvernements de sensibilités totalement différentes, sinon opposées, mais, aujourd'hui, seuls 50 % des Français paient l'impôt sur le revenu. Il y a peut-être là un potentiel qu'il faudra un jour avoir le courage d'exploiter.
M. Roland Courteau. Ah !
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je veux répondre brièvement à nos collègues socialistes à propos du taux marginal des tranches les plus imposées. J'ai bien entendu les arguments touchant à l'équité, qui voudraient que le taux marginal soit élevé. Mais encore faudrait-il que ce taux s'applique à tous. En effet, un impôt doit être égal pour tous. Or, manifestement, vous n'êtes pas capable d'appliquer ce principe pour les tranches supérieures. Quand il y a un déficit budgétaire, l'Etat verse des intérêts, à hauteur de 236 milliards de francs. Or, appliquez-vous le taux marginal à ceux qui perçoivent ces intérêts ? Pas du tout !
Pierre Bérégovoy mais aussi peut-être Michel Charasse ont dû réduire très largement, en leur temps, la fiscalité sur le revenu des obligations puisque nous appliquons non pas le taux marginal, mais un prélèvement libératoire à 20 %.
Dès lors comment peut-on défendre dans certains cas le maintien d'un taux très élevé et appliquer un taux plus bas pour les prélèvements libératoires lorsque cela arrange l'Etat ou que cela favorise certains placements ? Il faudrait une logique, et celle-ci consisterait dans une égalisation du taux.
M. Jean Chérioux. La logique, ce sont les faits !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-103 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 46:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 220
Contre 99

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 64 A.
Par amendement n° II-154, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 64 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 4. A compter de l'imposition des ressources de 1999, le montant de l'impôt résultant de l'application des dispositions précédentes est supprimé, dans la limite de son montant, de la différence entre les sommes figurant au tableau ci-joint et son montant :

1999


2000

2001

2002
3 500 F 4 000 F 4 500 F

5 000 F





« II. - Le taux prévu au 2 de l'article 200 A du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Avec cet amendement, qui porte sur la décote, nous sommes, une fois encore, assez nettement en contradiction avec la majorité sénatoriale, s'agissant des correctifs éventuels à apporter à l'application du barème de l'impôt sur le revenu.
On sait en effet qu'existe, depuis un certain nombre d'années, un dispositif de décote du montant de l'impôt dû pour les contribuables les plus modestes. Les imperfections du barème de notre impôt sur le revenu sont effectivement assez connues.
Malgré les apparences, certains contribuables peuvent être imposés alors qu'ils ne disposent pas de revenus salariaux très importants.
Ainsi, un smicard, pour peu qu'il soit seul et sans enfant, doit acquitter l'impôt alors même qu'un couple plus fortuné et qui, par optimisation fiscale, a pu diversifier ses placements financiers, pourra être libéré de toute obligation fiscale. C'est là un des multiples paradoxes de notre système fiscal.
C'est cette situation pour le moins étonnante que le dispositif de décote a tendu à corriger, en attendant toutefois une réforme plus complète et plus globale de l'architecture générale de l'impôt sur le revenu. Dans la logique de la réforme Juppé, la décote était appelée à disparaître, cette disparition étant compensée, selon les initiateurs de cette réforme, par l'allègement des taux d'imposition. Nous avions donc là une parfaite illustration du principe de compensation propre à l'imposition des revenus les plus modestes, tandis que les revenus les plus élevés, auxquels la décote ne s'applique pas, bénéficiaient, eux, de la baisse des taux du barème progressif. La réforme en question étant abandonnée, le présent projet de loi de finances a rendu en partie ses vertus initiales au système de la décote. Pour autant, il nous semble nécessaire que soit effectivement programmés au cours des prochaine années une prorogation de ce dispositif de décote et un renforcement de son efficacité. C'est l'objet de cet amendement, que nous vous invitons à adopter, mes chers collègues, et qui vise à relever le seuil d'application de la décote selon les modalités que nous préconisons.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je note une divergence d'approche générale entre le groupe communiste républicain et citoyen et la majorité de la commission. En effet, il préfère laisser en l'état le seuil de la première tranche et alimenter la décote, alors que la commission, à l'inverse, a choisi de relever le seuil d'imposition et de supprimer la décote. Aussi, la commission ne peut qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. La décote a été créée pour amortir, principalement pour les contribuables célibataires de condition modeste, les effets du barème progressif. Donc, la décote et le barème de l'impôt sur le revenu doivent évoluer de pair. Aussi, je suis défavorable à cet amendement car son coût, qu'il est difficile de chiffrer, serait très important.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-154, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° II-143, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Piras, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 64 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le 1er octobre 1999, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l'application des dispositions en matière d'impôt sur le revenu relatives aux réductions d'impôt. Ce rapport indiquera notamment, par déciles de cotisation d'impôt, avant la prise en compte de ces réductions d'impôt et l'imputation de l'avoir fiscal, le coût pour l'Etat de chacune de ces réductions, ainsi que le nombre de contribuables bénéficiaires de ces réductions. Il indiquera également la part que représente, en moyenne, ces réductions d'impôt par rapport aux cotisations d'impôt dues avant la prise en compte de ces réductions. »
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Depuis plusieurs années, le groupe socialiste présente un amendement visant à limiter la portée de l'ensemble des réductions d'impôt en proportion de l'impôt dû.
En effet, il ne nous paraît pas normal de voter chaque année le barème de l'impôt sur le revenu si, finalement, les contribuables situés dans les tranches les plus élevées de ce barème, parce qu'ils ont les moyens d'effectuer des dépenses éligibles à ces réductions d'impôt, paient in fine moins, beaucoup moins que ce qu'ils devraient.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Gérard Miquel. Le barème de l'impôt sur le revenu ne doit pas être réel pour certains et virtuel pour d'autres. Ce n'est pas là un principe de justice fiscale.
C'est pourquoi, dans la perspective de la discussion budgétaire de l'année prochaine, il nous semble nécessaire de faire le point de l'impact de l'ensemble des réductions d'impôt, qui représentent, je le rappelle, plus de 30 milliards de francs, soit 10 % de l'impôt sur le revenu.
Le document sur l'évaluation des voies et moyens donne à chaque parlementaire la possibilité d'apprécier ce que coûtent ces dépenses fiscales. Il convient qu'il sache également le nombre de contribuables qui en bénéficient et où ils se situent dans l'échelle des revenus. Il serait intéressant de connaître l'impôt que ces contribuables paieraient sans ces avantages, et l'incidence, au total, que ces derniers prennent dans l'impôt qu'ils ont à payer.
Nous persistons à penser, en effet, corrélativement aux mesures que prend le Gouvernement pour, au cas par cas, réformer les niches fiscales, qu'il est nécessaire de raisonner globalement et d'envisager le moyen de prévoir un plafonnement total de ces avantages, moyennant un abattement à la base.
MM. Roland Courteau et Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaite bénéficier d'un maximum d'informations de la part du Gouvernement. Aussi une demande de rapport ciblée sur les questions dont il s'agit ne peut-elle que lui être sympathique.
Notre système d'imposition se caractérise, cela a été dit tout à l'heure, par la coexistence de taux marginaux d'imposition très élevés et de multiples possibilités de déductions. Les deux vont ensemble.
Le poids de l'impôt est très élevé. Le fait qu'existent ces taux très lourds de prélèvement permet la mise en place de politiques incitatives pour apporter des avantages très significatifs à telle ou telle catégorie de contribuables. On ne répétera jamais assez que le grand nombre de déductions n'est que l'enfant de taux trop élevés du prélèvement fiscal.
A partir de cette constatation, il paraît utile de demander au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 1er octobre 1999, un rapport sur le coût fiscal des différentes réductions d'impôt. Nous disposerons ainsi de précisions supplémentaires par rapport au document sur l'évaluation des voies et moyens. La commission des finances, qui souhaite entendre votre avis, monsieur le secrétaire d'Etat, accueille avec intérêt l'initiative de nos collègues du groupe socialiste.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. le Gouvernement est favorable à la meilleure information possible de la Haute Assemblée.
Je rappellerai qu'un rapport répondant précisément à cette vocation a été déposé à la fin de l'année dernière sur ce sujet. Si vous demandez un nouveau rapport, c'est soit parce que le premier rapport était incomplet, soit parce que vous considérez que des évolutions ont eu lieu depuis. Le rapport établi l'an dernier comporte, me semble-t-il, suffisamment d'éléments pour nourrir la réflexion.
Cela étant, si le groupe socialiste souhaite un nouveau bilan sur l'impact d'un certain nombre de réductions d'impôt, le Gouvernement ne s'y oppose pas. Aussi, il s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-143.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. A en juger d'après les arguments qui ont été avancés tout à l'heure et qui relèvent d'un égalitarisme primaire, il ne me paraît pas inutile que ce rapport soit établi.
Il est affligeant de constater la méconnaissance totale que manifestent certains de nos collègues à l'égard de ce que peut être une politique incitative, qui est à la fois très utile pour l'économie de notre pays et sur le plan de la solidarité. Je pense à toutes les oeuvres qui en bénéficient. Je voterai cet amendement des deux mains, si j'ose dire, en espérant qu'il éclaire lesdits collègues.
M. Yves Fréville. je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je suis favorable à cet amendement parce que je ne suis nullement opposé à un plafonnement de tous ces avantages.
Cependant, sur le plan technique, je me permets d'apporter une précision. Toute la difficulté pour la mise en oeuvre d'un plafonnement provient de l'existence conjointe de réductions d'impôt et de déductions du revenu imposable. C'est pourquoi on n'a jamais réussi à mettre au point un dispositif d'ensemble.
Je souhaite qu'il soit bien compris - c'est une question d'interprétation, qui ne nécessite pas un sous-amendement formel - que la notion de réductions d'impôt recouvre non seulement celles-ci au sens strict, mais également les déductions du revenu imposable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-143, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 64 A.
Par amendement n° II-147 rectifié, M. Fréville et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, avant l'article 64 A, un article additionnel ainsi rédigé :
Il est inséré dans le code des juridictions financières, après l'article L. 132-2, un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Chaque année, la Cour des comptes remet au Parlement un rapport sur l'évolution du produit des impôts visés au II de l'article 1er de la loi de finances pour 1986. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je souhaite que soient renforcés le contrôle et l'information du Parlement sur quelque 500 milliards de francs de recettes fiscales qui ne sont pas budgétisés. C'est une somme considérable ; elle est en voie d'augmentation puisque ces recettes, qui s'élevaient à 200 milliards de francs en 1995, sont passées à près de 487 milliards de francs en 1998, et le chiffre pour 1999 n'est pas connu.
En fait, nous sommes bien informés pour toutes les recettes qui figurent dans le budget, qu'il s'agisse des recettes du budget général ou des taxes qui figurent dans les comptes d'affectation spéciale. Nous disposons également d'un rapport sur les quelque 4,5 milliards de francs de taxes parafiscales.
Cependant, chaque année, nous votons le renouvellement d'impôts dont le produit est affecté à des organismes divers et à des objets variés. Or nous n'avons, en ce domaine, qu'une seule information - et encore, depuis 1986 seulement ! - c'est le fascicule sur l'évaluation des voies et moyens, qui contient une liste de ces impôts.
Le principal est, bien évidemment, la CSG, avec ses 350 milliards de francs, monsieur le secrétaire d'Etat l'a rappelé tout à l'heure. Mais il y a 150 milliards de francs d'autres impôts, comme la taxe sur les assurances automobiles, la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, etc., dont le total ne figure pas dans les « Voies et moyens », fascicule dont nous ne connaissons même pas l'estimation pour l'année en cours. En vertu de quoi on nous demande, dans l'article 1er du projet de loi de finances, d'avaliser le renouvellement pour l'année de tous ces impôts !
Je pense que nos concitoyens seraient très étonnés de connaître les conditions dans lesquelles nous nous prononçons sur quelque 500 milliards de francs en un seul vote. Aussi serait-il tout à fait opportun, à mon avis - d'ailleurs M. le secrétaire d'Etat, en évoquant la coordination de la CSG et de l'impôt sur le revenu, y faisait indirectement allusion - que le Parlement soit mieux informé en ce domaine. Or c'est la Cour des comptes, qui, en vertu de l'article 47 de la Constitution, est chargée d'informer le Parlement.
Si d'autres solutions existent, je suis prêt à les accepter. Mais je trouve absolument étonnant que, du fait du développement de cette énorme masse d'impôts, nous n'ayons pas d'information. J'ai entendu M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie déclarer, dans la discussion générale, que les prélèvements obligatoires cessaient de croître. J'ai essayé de le vérifier, mais n'ai pu y parvenir avec les documents budgétaires dont nous disposons.
Voilà pourquoi la Cour des comptes doit, à mon avis, effectuer un meilleur contrôle de la législation fiscale en général, et plus particulièrement de ce type d'impôt, qui échappe jusqu'à présent à tout contrôle.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Michel Charasse. Excellent amendement !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a pour auteur l'un des meilleures orfèvres, dans cet hémicycle, en méthodologie budgétaire et en finances publiques.
M. Hubert Haenel. Il y a aussi M. Charasse !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances, très attentive à sa proposition qui vise à ce que, chaque année, la Cour des comptes remette au Parlement un rapport sur l'évolution du produit des impôts affectés aux établissements publics et à divers organismes, a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je répondrai à M. Fréville, qui est un fin lecteur des documents budgétaires et fiscaux, que de nombreuses informations sont déjà fournies, notamment dans le fascicule « Voies et moyens », dans le rapport économique et financier, dans le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques, qui comprend des chiffres sur les prélèvements en termes de comptabilité nationale. En outre, la Cour des comptes produit dans des délais beaucoup plus rapides que par le passé un rapport annuel sur l'exécution de la loi de finances ; elle rédige également un rapport sur la sécurité sociale. Enfin, le conseil des impôts, présidé par le premier président de la Cour des comptes, publie chaque année un rapport thématique important.
Par conséquent, monsieur Fréville, considérant que trop d'information tue l'information, je pense que le champ de ce rapport supplémentaire devrait être plus circonscrit. Il faudrait donc que vous précisiez ce que vous souhaitez véritablement. En effet, s'il s'agit d'être informé sur l'ensemble des prélèvements obligatoires, les éléments figurent dans la comptabilité nationale, dont vous êtes un lecteur particulièrement averti.
Compte tenu du fait qu'il existe déjà de nombreuses informations et qu'il faut être expert pour mettre bout à bout des éléments qui sont effectivement inclus dans divers documents, je vous invite, au nom de la simplification, à retirer votre amendement ; sinon, sans aucune agressivité, je demanderai son rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-147 rectifié.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, je ferai deux réponses à M. le secrétaire d'Etat.
Tout d'abord, le champ d'application de mon amendement est parfaitement défini : il s'agit d'une liste d'impôts qui est précisée dans l'article 1er de la loi de finances pour 1986.
Par ailleurs, j'ai bien entendu étudié la comptabilité nationale, notamment les tableaux expliquant les passages de la comptabilité publique à la comptabilité nationale, sans y retrouver toutes les indications qui m'étaient nécessaires.
Il résulte de l'absence de contrôle réel de l'affectation - selon leur objet - de ces impôts un trou dans notre dispositif : en cherchant bien dans les différentes annexes fournies, vous ne trouverez pas, par exemple, de renseignements sur le rendement de la C3S ou sur la taxe sur les primes d'assurance automobile !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-147 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 64 A.

Article 64 A