Séance du 2 décembre 1998







M. le président. « Art. 23. - I. - Il est inséré, après l'article L. 512-2 du code de la santé publique, un article L. 512-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 512-3 . - Le pharmacien ne peut délivrer un médicament ou produit autre que celui qui a été prescrit qu'avec l'accord exprès et préalable du prescripteur, sauf en cas d'urgence et dans l'intérêt du patient.
« Toutefois, il peut délivrer par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique à condition que le prescripteur n'ait pas exclu cette possibilité, pour des raisons particulières tenant au patient, par une mention expresse portée sur la prescription, et sous réserve, en ce qui concerne les spécialités figurant sur la liste prévue à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, que cette substitution s'effectue dans les conditions prévues par l'article L. 162-16 de ce code.
« Lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique, il doit inscrire le nom de la spécialité qu'il a délivrée.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »
« II. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique est remplacée par les deux phrases ainsi rédigées :
« Sans préjudice des dispositions des articles L. 611-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, la spécialité générique d'une spécialité de référence est définie comme celle qui a la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées. La spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un groupe générique. »
« III. - L'article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'infraction, dans les conditions prévues au b, n'est pas constituée en cas d'exercice par un pharmacien de la faculté de substitution prévue à l'article L. 512-3 du code de la santé publique. »
« IV. - Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le pharmacien d'officine délivre, en application du deuxième alinéa de l'article L. 512-3 du code de la santé publique, une spécialité figurant sur la liste prévue à l'article L. 162-17 autre que celle qui a été prescrite, cette substitution ne doit pas entraîner une dépense supplémentaire pour l'assurance maladie supérieure à un montant ou à un pourcentage déterminé par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et du budget.
« En cas d'inobservation de cette condition, le pharmacien verse à l'organisme de prise en charge, après qu'il a été mis en mesure de présenter ses observations écrites, et si, après réception de celles-ci, l'organisme maintient la demande, une somme correspondant à la dépense supplémentaire mentionnée à l'alinéa précédent, qui ne peut toutefois être inférieure à un montant forfaitaire défini par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et du budget.
« Pour son recouvrement, ce versement est assimilé à une cotisation de sécurité sociale. »
« V. - Les dispositions de l'article L. 365-1 du code de la santé publique sont également applicables aux pharmaciens.
« VI. - 1. Le premier alinéa de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : "Ce plafond est porté à 10,74 % du prix fabricant hors taxes pour les spécialités génériques définies au premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique."
« 2. Le deuxième alinéa de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Les infractions aux dispositions prévues au présent article sont passibles des sanctions pénales applicables aux infractions mentionnées à l'article L. 162-38. Les dispositions du titre VI de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence sont applicables à ces mêmes infractions. »
Je suis saisi de trois amendements présentés par M. Descours, au nom de la commission.
L'amendement n° 30 vise à rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-3 du code de la santé publique :
« Lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique, il fait mention expresse sur l'ordonnance du générique délivré et appose son nom et sa signature. »
L'amendement n° 31 tend à rédiger comme suit les deux phrases proposées par le paragraphe II de l'article 23 pour remplacer la première phrase du premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique :
« Sans préjudice du droit relatif à la protection de la propriété industrielle et commerciale, on entend par spécialité générique d'une autre spécialité autorisée depuis au moins dix ans en France ou dans un autre pays membre des Communautés européennes selon les dispositions communautaires en vigueur et commercialisée en France, appelée spécialité de référence, une spécialité qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. La spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un groupe générique. »
L'amendement n° 32 a pour objet de compléter le paragraphe VI de l'article 23 par un alinéa ainsi rédigé :
« 3. L'annexe prévue au b du II de l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale présente un bilan sommaire du contrôle de l'application des dispositions de l'article L. 138-9 du même code. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces trois amendements.
M. Charles Descours, rapporteur. Ces trois amendements, rédigés sur l'initiative de M. Claude Huriet, tendent à apporter une précision à propos du droit de substitution au profit du pharmacien.
L'amendement n° 30 vise à améliorer la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. Il a pour objet de préciser que le pharmacien mentionne sur l'ordonnance le nom de la spécialité qu'il a délivrée dans le cas d'une substitution par un générique.
Mais cet amendement prévoit aussi que le pharmacien, pour des questions de responsabilité, devra apposer son nom et sa signature sur l'ordonnance. Ce point nous paraît très important, car si nous ne prenons pas ces précautions, des problèmes de responsabilité se poseront, y compris sur le plan pénal. Cet amendement devrait pouvoir faire l'objet d'un consensus avec l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 31 prévoit, quant à lui, d'améliorer la définition des médicaments génériques, en faisant référence aux protections conférées au titre du code de la propriété intellectuelle et de l'autorisation de mise sur le marché.
M. le secrétaire d'Etat nous avait dit, lors de la première lecture, qu'il était prêt à largement diffuser la définition des médicaments génériques, afin d'éviter qu'ils ne soient confondus avec des équivalents thérapeutiques ou avec des médicaments moins chers, ce qui n'a rien à voir, contrairement à ce que feint de croire tel ou tel organisme de remboursement.
Cet amendement avait donc été adopté en première lecture dans un souci de précision, et nous souhaitons que le Sénat confirme ce vote.
S'agissant, enfin, de l'amendement n° 32, nous sommes attachés à ce que le Parlement soit informé des conditions d'application des dispositions du code de la sécurité sociale relatives au plafonnement des remises. Ce n'est pas aux responsables de la santé que je vais expliquer à quel point ce problème est complexe, mais comme il existe actuellement deux taux maximaux de remise, un taux général et un taux spécifique pour les médicaments génériques, le Parlement voudrait être informé chaque année de l'application de ces deux taux.
Enfin, j'avais envisagé de déposer un autre amendement mais j'y ai renoncé. Dans la mesure où le droit de substitution est total et général, il apparaît que, même si le médecin prescrit un médicament non remboursable, le pharmacien peut substituer à celui-ci un médicament générique remboursable. Il paraît que ce cas de figure existe ; c'est un professeur en pharmacie qui me l'a signalé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 30 et 31, mais il émet, en revanche, un avis favorable sur l'amendement n° 32.
S'agissant de la dernière question posée par M. le rapporteur, je procéderai à une petite enquête, car je ne pense pas qu'on puisse substituer à un médicament non remboursable un médicament générique remboursable. Si tel était le cas, je me trouverais dans une situation curieuse qu'il conviendrait d'étudier. En tout cas, je n'en connais aucun exemple.
M. Charles Descours, rapporteur. Ce n'est pas bon pour les comptes de la sécurité sociale !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. En effet !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 30.
M. Francis Giraud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud. L'article 23 met en place un droit de substitution qui va poser aux professionnels de santé de multiples problèmes de responsabilité.
La prévention de tout risque contentieux exige donc de clarifier les règles présidant à la substitution, mécanisme que, par ailleurs, j'approuve.
Mais le médecin prescrit. Il est le seul à pouvoir autoriser ou non de manière formelle la substitution. Sa démarche doit être positive et son autorisation ne peut être donnée « par défaut ».
La relation « médecin-patient » est le moment privilégié permettant d'obtenir l'adhésion du patient à son traitement. Pour prévenir le doute et la confusion, pour éviter la diminution de l'observance du traitement, pour conserver la confiance du patient en son médecin, le mécanisme ultérieur de substitution ne doit pas altérer cette relation.
L'Allemagne est souvent citée en exemple en matière de développement de l'utilisation des génériques, laquelle atteint, là-bas, 20 %. Or, dans ce pays de l'Union européenne, le médecin indique clairement, sur l'ordonnance, son accord pour la substitution ou, s'il ne la souhaite pas, pour des raisons tenant au patient, il raye cette mention lorsqu'elle est préimprimée sur le modèle d'ordonnance. Cette démarche est positive.
Eu égard aux résultats obtenus en Allemagne, cette attitude ne peut en aucun cas aller à l'encontre du développement souhaitable des génériques, mais elle conserve au médecin le contrôle de la prescription, clarifie ses responsabilités, évite d'opposer deux professions et de susciter le doute et la confusion dans l'esprit du patient. Pourquoi ne pourrions-nous pas faire de même en France ?
Médecin des hôpitaux publics depuis de très nombreuses années, je considère que rien, pas même un texte, ne pourra modifier la responsabilité des médecins quant à leurs prescriptions. (MM. Gournac et Leclerc applaudissent.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. Avant de vous donner la parole, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous signale que l'Assistance publique de Marseille rendra hommage au professeur Giraud, qui vient de prendre sa retraite. C'est notamment lui qui a formé le professeur Jean-François Mattei qui, de temps à autre, vous interpelle à l'Assemblée nationale ! (Sourires.)
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je m'associe volontiers à cet hommage. Mais j'indique, en même temps, qu'à l'Assistance publique, justement, cette pratique de la substitution fonctionne depuis des années et nul ne s'en plaint. Dès lors, monsieur le sénateur, je ne vois pas pourquoi on citerait en exemple ce qui fonctionne si bien tout en faisant le contraire en ville ! La substitution fonctionne parce que les pharmaciens des hôpitaux sont très responsables : ils recourent à cette pratique et tout le monde s'en trouve bien.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 31.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je veux faire part au Gouvernement de notre embarras. Nous avons, en commission, voté l'amendement n° 31. Or, vous le savez, nous tenons chaque fois que nous le pouvons - et c'est fréquent - à soutenir le Gouvernement.
Peut-être M. le secrétaire d'Etat pourrait-il expliciter davantage les raisons pour lesquelles le Gouvernement est hostile à cet amendement, qui, nous semble-t-il, donne une définition assez complète et pertinente de ce qu'est un médicament générique et que nous ne verrions donc pas d'inconvénient à adopter.
Nous sommes prêts, bien sûr, à revoir notre position si le Gouvernement nous démontre qu'il n'a pas sa place dans ce texte ou, plus largement, qu'il ne correspond pas à la définition qu'il entend donner des médicaments génériques.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 31 entraînerait, s'il était adopté, une confusion entre la définition des génériques et la protection administrative des données. Cette protection est d'ores et déjà prévue et n'est pas remise en cause ici. Mais, surtout, monsieur le sénateur, la condition selon laquelle, par cet amendement, la spécialité de référence devrait être commercialisée au moment où cette qualification lui est reconnue ne correspond pas à la réalité.
En effet, il arrive que la spécialité à laquelle le générique est comparé ait été mais ne soit plus commercialisée en France au moment de l'inscription du générique dans le répertoire idoine. C'est d'ailleurs ce qui est prévu dans l'actuel article R. 5143-8 du code de la sécurité sociale. Je réitère donc l'avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 23, modifié.

(L'article 23 est adopté.)

Article 24