Séance du 1er décembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires étrangères et la coopération : I. - Affaires étrangères.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons examiner le premier budget unique résultant de l'intégration des crédits de la coopération dans le budget du ministère des affaires étrangères. Ce budget unique est la traduction de la réforme du dispositif de la coopération qui a été décidée par le Gouvernement le 4 février dernier.
Cette réforme, qui est une conséquence, logique pour certains mais pas pour tous au sein du Sénat, de l'extension des interventions du ministère de la coopération au-delà des pays du champ traditionnel, s'inscrit dans un mouvement de modernisation du ministère des affaires étrangères.
Après quatre années consécutives de baisse, le budget des affaires étrangères est à nouveau présenté en diminution pour 1999. Cette baisse de 0,7 % du budget unique recouvre, à structures constantes, une hausse de 2,5 % des crédits des affaires étrangères et une baisse de 7 % des crédits de la coopération. Mon collègue Michel Charasse commentera demain ces derniers.
Pour avoir une vue complète de l'action extérieure de la France, il faut regrouper l'ensemble des crédits qui concourent à celle-ci et qui sont répartis en vingt-huit sections budgétaires. Je me garderai bien de les énumérer ce soir ; je vous renvoie donc à mon rapport écrit.
Il faut noter que la part relative des crédits directement gérés par le ministère des affaires étrangères continue de diminuer par rapport à la part des crédits qui relèvent du ministère de l'économie et des finances à travers le budget des charges communes et les comptes spéciaux du Trésor et qui s'élèvent à un peu plus de 17 milliards de francs, soit près de 35 % de nos crédits d'action extérieure.
Je suis donc conduit, monsieur le ministre, à m'interroger sur le rôle du ministère des finances dans la conduite de la politique extérieure de la France et sur le contrôle que vous pouvez exercer sur les actions de ce ministère.
Ayant l'immense honneur de siéger, avec mon collègue, M. Michel Charasse, au sein du conseil de surveillance de l'Agence française de développement, je constate que le représentant du Trésor siège en face du directeur général, alors que le représentant de vote ministère est confiné dans un coin de table obscur. Voilà qui me semble peu convenable, et qui est hautement symbolique. Je laisse à Michel Charasse le soin de développer ces points demain soir.
L'intégration des crédits de la coopération ne se traduit pas dans l'immédiat par des économies d'échelle. Au contraire, les crédits de fonctionnement du titre III progressent de 4,5 %. Cette augmentation des crédits de fonctionnement inclut une mesure nouvelle de 23,5 millions de francs pour entamer la remise à niveau des salaires des résidents dans les services à l'étranger. Je le constate avec satisfaction, monsieur le ministre, car, l'an dernier, j'avais souligné avec beaucoup de force la sous-rémunération chronique du personnel résident. Celle-ci se traduisait par un flux permanent de démissions, qui désorganisait le fonctionnement des services. Notre collègue Yves Tavernier a souligné ce point à l'Assemblée nationale. Il faut poursuivre l'effort qui a été entrepris, notamment dans les services délivrant les visas.
S'agissant des « bons points », je constate qu'un coup d'arrêt a été donné en 1999 à la baisse des contributions volontaires aux dépenses internationales. Les crédits correspondants sont passés de près de 700 millions de francs en 1993 à 228 millions de francs, soit une baisse de 67 %. Pour 1999, une mesure nouvelle de 50 millions de francs met un terme à ce mouvement d'érosion.
Il faut souligner en effet que les contributions volontaires aux dépenses internationales ont, au fil des années, fait office de variable d'ajustement du budget des affaires étrangères, ce qui n'a pas été sans inconvénient pour notre présence et notre action dans ces organismes internationaux. D'une certaine manière, à travers les donations d'un des organismes, nous avions des retours sur un certain nombre d'actions.
En tout cas, cette inflexion que nous pouvons saluer doit, à nos yeux, être considérée non pas comme définitive mais simplement comme un premier pas vers le retour des contributions volontaires à un niveau plus conforme à la place de la France et à son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies.
Je sais que vous avez défini le rôle de l'action audiovisuelle extérieure comme la « priorité des priorités » de votre budget. Les subventions aux opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure augmentent de 7,5 % et dépasseront ainsi le seuil symbolique du milliard de francs pour s'établir à 1,039 milliard de francs. Cette augmentation sensible des crédits s'accompagne de leur redéploiement.
Ainsi CFI, punie de quelques facéties moyen-orientales, a été recentrée sur sa mission initiale de banque de programmes et, par conséquent, ne concurrencera plus TV 5 dans les régions du monde où elle était diffusée en réception directe.
De son côté, RFI dégagera une économie de 80 millions de francs en abandonnant une partie de ses diffusions en ondes courtes. Cette technique de diffusion est en effet obsolète, mais elle doit être maintenue là où il n'existe pas d'autres moyens d'atteindre notre public.
Toutefois, le véritable objectif que vous cherchez à atteindre est de rendre TV 5 plus attractive. Vous avez d'ailleurs confié à M. Stock une mission en ce sens. La programmation future de TV 5 devrait comporter un plus grand nombre d'émissions de qualité qui sont certes plus coûteuses, mais qui ont l'avantage de bénéficier de rediffusions multiples. Il est bien évidemment souhaitable de trouver une solution satisfaisante pour le journal télévisé, tout en donnant une place aux informations régionales et internationales.
Il est bien évident que la communauté française souhaite des informations en provenance directe de la France. Il faut trouver un équilibre entre l'image que nous voulons donner de notre pays à l'extérieur et la façon dont certains événements sont parfois rapportés chez nous. Il faut parvenir à définir une formule capable de satisfaire des intérêts souvent contradictoires.
Et puis, monsieur le ministre, vous avez raison de soutenir le secteur privé, car il faut favoriser l'exportation des programmes des producteurs français et subventionner l'accès aux satellites, sinon de l'ensemble, du moins du plus grand nombre de chaînes françaises.
Monsieur le ministre, la commission des finances porte un intérêt tout particulier à l'enseignement français à l'étranger.
L'an dernier, les 275 établissements recensés ont scolarisé près de 65 000 élèves français et 93 000 élèves étrangers. Ce réseau éducatif contribue à la vitalité de la francophonie et à la formation d'élites locales avec lesquelles, plus tard, nous serons en relation.
Et puis, nos compatriotes hésitent moins à s'expatrier, s'ils savent qu'ils peuvent trouver sur place des structures capables d'assurer à leurs enfants un enseignement de qualité.
Le financement du réseau de l'enseignement français à l'étranger doit faire face à trois défis.
Le premier est le redéploiement du réseau des établissements en fonction des nouvelles priorités internationales.
Le deuxième défi est l'entretien ou l'agrandissement des installations existantes. A cet égard, je déplore que les crédits de paiement correspondants baissent de 30 % par rapport à 1998 alors qu'il y a beaucoup à faire. Je pense, en particulier, au lycée français de Moscou qui ne pourra pas passer un hiver de plus sans chauffage, à moins de sombrer dans la décrépitude.
Un véritable problème se pose pour les établissements simplement conventionnés avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, car le coût des investissements reste, pour l'essentiel, à la charge des comités locaux de gestion. Ce mode de financement est structurellement inadapté car il aboutit à faire prendre à des Français qui s'établissent à l'étranger pour des durées limitées et qui choisissent généralement d'habiter près des écoles françaises des décisions lourdes de conséquences financières et qui engagent leur avenir.
Je crois qu'il y a là un problème majeur, et je profite de votre présence, monsieur le ministre, pour vous dire à quel point je suis préoccupé par la situation du lycée français de Bangkok qui ne serait pas ouvert cinq minutes de plus en France car il ne répond à aucune norme de sécurité.
Le troisième défi est la hausse constante des droits d'écolage qui résulte, pour partie, du mode d'investissements. Ces droits peuvent atteindre 30 000 à 40 000 francs par an, voire 47 000 francs pour les terminales à Singapour. Il en résulte bien évidemment une sélection par l'argent des élites locales désireuses de scolariser leurs enfants dans les établissements français mais aussi l'exclusion de certaines familles françaises, qui, en dépit des bourses, ne peuvent pas assumer ces droits.
Monsieur le ministre, je pense que l'augmentation des bourses, à laquelle vous avez procédé pendant deux années consécutives, est une bonne mesure car elle permet d'aider un certain nombre de familles françaises. Mais il reviendrait moins cher, tant pour l'Etat que pour ces familles, d'intervenir de manière beaucoup plus efficace au niveau des investissements, ce qui se traduirait par une baisse sensible des coût d'écolage. Je crois qu'il y aurait matière à réflexion en ce domaine.
Il faut également attirer les jeunes étrangers vers notre pays. Je salue, comme il se doit, la création de l'agence Edufrance sur laquelle M. Allègre a donné hier soir de nombreuses indications. Je n'y reviendrai donc pas.
Le dernier sujet que j'évoquerai concerne la maîtrise des dépenses immobilières. Le ministère des affaires étrangères dispose d'un patrimoine exceptionnel. Les 368 services à l'étranger constituent un parc immobilier particulièrement vaste dont les contours exacts ne sont pas encore bien connus.
Je souhaite donc que la mission du patrimoine que vous avez créée puisse mener à bien l'inventaire de notre patrimoine tant immobilier que mobilier et que l'obligation faite aux chefs de poste de tenir à jour un inventaire soit clairement rappelée et, surtout, bien respectée afin que les ânes familiers de certaines maîtresses de maison ne viennent plus brouter les tapis de l'Etat. (Sourires.)
Certaines opérations immobilières récentes me semblent obéir non pas à une stricte rationalité fonctionnelle, mais à une volonté de marquer symboliquement la continuité de la présence de la France. Je ne me prononcerai pas sur l'opportunité de ces opérations car elles relèvent du chef de l'Etat et du Gouvernement. Toutefois, s'agissant, en particulier, de l'ambassade de Berlin, je pense qu'il est impératif de respecter les 325 millions de francs qui ont été initialement prévus.
Actuellement, notre réseau est arrivé à maturité, à part quelques exceptions, comme le campus diplomatique de Pékin. Il s'agit maintenant beaucoup plus d'opérations d'entretien et de rénovation que d'investissement. Une programmation pluriannuelle des travaux est donc indispensable. Il ne serait pas de bonne gestion de ne pas mettre à profit la baisse des marchés immobiliers en Asie pour acquérir, dans des conditions actuellement très favorables, des réserves foncières dont nous aurons besoin à l'avenir pour l'implantation de nos lycées.
Vous avez créé un comité de politique immobilière, et c'est pas conséquent à vous, monsieur le ministre, qu'il appartiendra de prendre directement les décisions importantes en la matière. Je crois que c'est une bonne chose, tout comme la recherche d'économies engagée grâce à la révision des procédures de marchés publics et à la maîtrise des surcoûts liés à la sécurité, qui est une préoccupation que partagent tous mes collègues, en particulier ceux qui représentent les Français de l'étranger. Je vous renvoie, dans mon rapport écrit, à un contrôle sur pièces et sur place que j'avais réalisé à propos de la cellule décoration de votre ministère. Vous avez supprimé cette cellule et créé la mission du patrimoine.
Je ferai une dernière suggestion à ce sujet. Notre patrimoine comprend des palais prestigieux et des monuments historiques, tels que le Palais Farnèse ou le Palais d'Abrantès. Or, ces édifices sont très souvent réclamés par des entreprises souhaitant y organiser des manifestations. Je pense personnellement qu'ils pourraient leur être ouverts à titre onéreux : les contributions des entreprises bénéficiaires pourraient alors être recueillies par une fondation ad hoc, instaurée pour concourir à l'entretien du patrimoine du ministère.
Monsieur le ministre, la crise économique mondiale a créé un contexte politique nouveau. Le monétarisme et les lois du marché ne prennent pas en compte les réactions des hommes. La recherche d'une voie de développement plus juste, plus humaine et plus fraternelle se dessine donc. Patrie des droits de l'homme, la France doit offrir une alternative à la pensée unique anglo-saxonne.
Malgré votre détermination, monsieur le ministre, votre budget ne permettra pas de répondre totalement à ces aspirations et à ces attentes. Cependant, ne souhaitant pas vous priver des crédits indispensables, la commission des finances invite la Haute Assemblée à voter ce projet de budget, tout en incitant le Gouvernement à doter, pour le prochain millénaire, notre action extérieure de moyens plus appropriés et plus significatifs. (Applaudissements sur les travées du RPR des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Guy Penne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à M. le rapporteur spécial, je ne ménagerai pas le suspense et je vous dirai d'emblée que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a décidé, le 18 novembre dernier, de donner un avis favorable à l'adoption du projet de budget des affaires étrangères pour l'année 1999. Ce budget - cela a déjà été dit - traduit dans les faits la fusion des affaires étrangères et de la coopération, annoncée en février 1998.
Vous dire que ce vote reflète un enthousiasme délirant de la commission serait fortement exagéré. En effet, ce projet de budget est caractérisé par une baisse des crédits destinés à la coopération et au développement, baisse que nous avons jugée inquiétante compte tenu de la crise sévère que traversent les pays ayant vocation à être les destinataires de ces moyens.
La commission des affaires étrangères a également estimé préoccupante la poursuite, en 1999, du schéma pluriannuel de réduction des effectifs du ministère des affaires étrangères, réduction qui aurait dû, en théorie, s'interrompre à la fin de cette année.
Telle qu'elle est conduite, cette déflation des effectifs concerne tout particulièrement les personnels de catégorie C, qui contribuent au fonctionnement des postes consulaires. Entre 1994 et 1998 auront ainsi été supprimés 456 emplois de catégorie C à l'étranger. Il est probable que la déflation prévue pour 1999 atteindra un seuil critique, ce qui compromettra l'aptitude des postes consulaires à remplir dans de bonnes conditions les missions qui leur incombent. Cela impose de manière particulièrement urgente une réflexion sur l'avenir de notre réseau consulaire.
Ce réseau se caractérise, en effet, non seulement par son exceptionnelle densité, mais aussi par l'extrême diversité des fonctions assurées par les consulats, Je rappelle dans mon rapport écrit que ceux-ci remplissent les missions qui reviennent, sur le territoire national, aux mairies, aux préfectures ainsi qu'à certains ministères. La diversité de ces missions est sans équivalent dans les autres réseaux consulaires.
Or la baisse des effectifs affectés aux consulats est allée de pair avec la fermeture, au demeurant imparable, de nombreux postes consulaires, sans que les postes maintenus aient bénéficié de véritables compensations équilibrées en personnels.
Il résulte de cette situation de sérieuses difficultés, notamment dans le domaine de l'instruction des demandes de visas. Ces difficultés ne sont pas sans conséquences sur l'image de notre pays à l'étranger.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées demande donc instamment que les mesures de déflation des effectifs prévues pour 1999 ne soient pas poursuivies en 2000.
J'ajouterai que, au cours du débat qui s'est instauré en commission sur l'avenir du réseau consulaire, nous avons estimé - c'est une proposition, monsieur le ministre - qu'il serait très probablement utile de rendre obligatoire au moins une affectation consulaire dans le cursus diplomatique, même si ces postes « de terrain » sont moins prestigieux que certaines affectations à vocation politique. Il nous est apparu, en effet, que l'importance particulière du travail accompli par les postes consulaires français, travail qui requiert une compétence souvent très technique, devrait être connue de tous les secrétaires des affaires étrangères. Une telle mesure pourrait correspondre à votre souci, par ailleurs fort opportun, monsieur le ministre, de développer la « culture de gestion » des membres du corps diplomatique.
Nos débats en commission ont porté aussi sur le réseau diplomatique. Nous nous sommes notamment interrogés sur la signification de la décision relative à la réouverture, en 1999, de l'ambassade de France, à Kingston, en Jamaïque, fermée en 1996. Les motifs qui justifient cette réouverture sont probablement aussi fondés que ceux qui ont conduit à la fermeture de ce poste, voilà deux ans. Il nous a toutefois paru que les décisions concernant les dimensions futures du réseau diplomatique et consulaire devaient impérativement s'inscrire dans un plan à moyen, voire à long terme, au lieu d'obéir aux considérations du moment.
En effet, comment justifier les moyens considérables affectés à la construction et à l'aménagement de nos postes diplomatiques, si ceux-ci doivent être fermés très peu de temps après ? A quoi bon consacrer 16 millions de francs à la reconstruction de notre ambassade à Kigali s'il doit apparaître très prochainement que nous pouvons nous passer d'une ambassade au Rwanda ?
J'en viens maintenant à la gestion du patrimoine immobilier qui vient d'être évoquée par M. le rapporteur spécial.
La commission des affaires étrangères examine toujours avec beaucoup d'intérêt les crédits inscrits au titre V du budget des affaires étrangères ; ceux-ci ne nous semblent pas disproportionnés, compte tenu de l'importance de ce patrimoine, à bien des égards exceptionnel.
Il nous paraît regrettable, en revanche, que les proportions atteintes par les devis de certaines opérations de prestige affectent les moyens susceptibles d'être consacrés à d'autres opérations qui, bien que beaucoup moins prestigieuses, n'en sont pas moins nécessaires et urgentes. Parmi ces opérations, je citerai la construction de salles d'attente adaptées pour les consulats les plus sollicités,...
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. André Dulait, rapporteur pour avis. ... ou la réalisation des indispensables réparations dans certaines écoles où la sécurité des élèves ne paraît plus assurée dans les meilleures conditions.
Dans ce contexte, les nouvelles orientations que vous avez définies à l'égard de la gestion des crédits destinés à l'immobilier paraissent extrêmement bienvenues, monsieur le ministre, et nous en suivrons l'application avec le plus grand intérêt. Je déplore, pour ma part, que l'inertie propre à ce type de dépenses nous empêche de constater très rapidement les effets bénéfiques de votre gestion rigoureuse.
En dépit des défaillances du projet de budget des affaires étrangères, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a relevé avec satisfaction certaines évolutions favorables traduites par ce projet de budget. Ces évolutions concernent bien plus - il faut le souligner - la dotation hors coopération que l'ensemble du budget rénové.
Ainsi, la hausse des contributions volontaires aux organisations internationales pourrait permettre à la France de retrouver un niveau de contribution à certains programmes et fonds des Nations unies conforme à nos engagements internationaux. On peut, à ce titre, songer au Fonds d'affectation volontaire au déminage, géré par les Nations unies, et auquel notre pays à dû renoncer à contribuer, en 1998.
La reprise relative des crédits destinés à l'assistance et à la solidarité avec les Français de l'étranger constitue une autre évolution favorable, même si tous les crédits inscrits aux chapitres concernés ne sont pas véritablement destinés à la solidarité avec nos compatriotes établis à l'étranger.
Enfin, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s'inquiète des retards pris par l'élaboration du projet de loi relatif aux volontariats à l'étranger, alors même que le nouveau système doit être opérationnel en 2002, quand sera suspendu le service national obligatoire. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous exposer les contours du futur volontariat à l'étranger et nous en dire plus sur les échéances législatives importantes qui nous attendent à cet égard ?
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc souhaité, en donnant un avis favorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères prévus pour 1999, donner acte au Gouvernement des efforts traduits par ce projet de budget, notamment à l'égard des contributions volontaires aux organisations internationales et dans le domaine de l'assistance aux Français de l'étranger, même s'il s'agit là d'efforts relatifs par rapport aux besoins.
La commission des affaires étrangères a néanmoins décidé d'assortir cette approbation des vives réserves que lui inspirent tant une déflation des effectifs fort mal venue que la baisse des moyens destinés à la coopération au développement qui pourrait mal augurer, si elle se confirmait à l'avenir, de la « fusion » des affaires étrangères et de la coopération. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget des relations culturelles extérieures pour 1999 s'inscrit dans un contexte original à double titre.
En premier lieu, l'année prochaine, la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, la DGRCST n'existera plus. Elles sera remplacée, comme cela a déjà été indiqué, par la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID.
En second lieu, en 1998, pour la première fois depuis cinq ans et pour sa dernière année d'existence, la « DG » n'a pas subi de régulation budgétaire. Nous avons tous ici suffisamment critiqué le procédé pour ne pas nous réjouir qu'il soit mis enfin un terme - espérons-le pour longtemps - à cette pratique budgétaire qui fragilisait nos actions à l'étranger.
Sur le plan proprement budgétaire, le mot « reconduction » suffit à qualifier les dotations affectées aux actions de coopération culturelle, scientifique et technique identifiées dans le cadre du nouveau budget fusionné.
Le titre III, relatif aux rémunérations et au fonctionnement, augmente de 6,8 %. Cette hausse apparente ne peut masquer la relative stabilisation des moyens réels d'action ; elle est en effet imputable à deux causes principales : l'effet change-prix lié notamment à un niveau élevé du dollar et la hausse du point d'indice de la fonction publique. En revanche, la subvention à l'AEFE intègre aussi une mesure nouvelle importante de 20 millions de francs au bénéfice des bourses scolaires pour les enfants français scolarisés dans le réseau.
Les crédits d'intervention du titre IV, qui mesurent la réelle capacité d'action internationale dans le domaine qui nous intéresse, restent stables en francs courants. Ce qui peut, à la longue, paraître préoccupant, c'est l'évolution relative de chacun des titres III et IV dans le budget global. Si les crédits d'intervention représentaient 66 % du budget en 1994, ils ne comptent plus que 59 % aujourd'hui, témoignant de capacités d'action réduites dans un réseau culturel dont les besoins de fonctionnement viennent prélever toujours plus de ressources. Enfin, la diminution des capacités d'investissements posera à la longue un réel problème d'entretien de notre patrimoine à l'étranger.
Je crois utile de signaler l'intérêt des ressources extrabudgétaires pour l'action culturelle. Une enquête a démontré que les financements extérieurs concourant à notre action culturelle et scientifique extérieure ont atteint plus de 4 milliards de francs pour une mise de fonds, par nos ambassades, de 3 milliards de francs, soit 58 % de la mise initiale publique française. Cette recherche de financement extérieur correspond à une évolution nécessaire de notre mode d'action culturelle, scientifique et technique dans le monde.
S'agissant à présent des priorités d'action retenues pour 1999, les mesures nouvelles, obtenues par redéploiement, c'est-à-dire par des économies dans d'autres domaines de l'action culturelle extérieure, permettent de dégager trois priorités principales pour 1999 et au-delà.
Première priorité, il s'agit de placer l'audiovisuel extérieur en ordre de marche.
Le 30 avril dernier, vous avez présenté, monsieur le ministre, un plan de modernisation de notre action audiovisuelle extérieure qui s'articule autour de trois orientations majeures : l'accroissement de la part des programmes français dans les chaînes de télévision étrangères, par une meilleure aide financière aux exportateurs de programmes ; la participation de chaînes françaises dans des bouquets satellitaires étrangers, qui sera aidée de façon dégressive par des financements publics ; enfin, la clarification des missions souvent jugées concurrentes de TV 5 et de Canal France International, CFI.
Sous la direction d'une présidence désormais commune aux deux sociétés, CFI se consacrera essentiellement à sa fonction originelle de banque de programmes pour télévisions étrangères. TV 5 deviendra, en revanche, avec davantage de moyens, la chaîne francophone de référence.
Le nouveau président a déjà élaboré un plan d'enrichissement des programmes, prévoyant notamment davantage de films, davantage d'actualités internationales, davantage de sports. La technique de numérisation permettra de mieux adapter les programmes aux téléspectateurs potentiels. Enfin, l'introduction de la publicité devrait apporter des ressources nouvelles.
Deuxième priorité, il s'agit de promouvoir notre enseignement supérieur et son ouverture accrue aux étudiants étrangers.
Trop d'étudiants francophones et même, pour certains, anciens élèves des écoles de notre réseau, vont parfaire leur formation supérieure aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, ou encore en Australie. La France se trouve donc progressivement marginalisée dans la formation supérieure des élites étrangères. Il s'agit d'inverser la tendance, et ce par deux moyens complémentaires.
Premier moyen, la création de bourses d'excellence de longue durée au sein d'universités et de grandes écoles, et la réorientation du domaine de ces bourses, davantage axé sur la gestion ou les sciences de l'entreprise et de l'administration, jusqu'à présent marginales dans l'offre française où prédominent les sciences sociales et humaines.
Second moyen, pour les étudiants qui, à leurs propres frais, poursuivent des études supérieures à l'étranger, il s'agit de promouvoir activement notre offre de formation supérieure. L'enjeu est de taille puisqu'on estime chaque année à 1 500 000 le nombre d'étudiants poursuivant ou complétant leurs études supérieures à l'étranger.
Troisième priorité, il s'agit de conforter l'enseignement français à l'étranger.
Avec une donation qui avoisine les 2 milliards de francs, l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, voit sa dotation augmentée de 5,6 % par rapport à 1998. Une mesure nouvelle importante de 20 millions de francs fait passer la dotation des bourses scolaires à 217 millions de francs pour 1999. Comme l'an passé, soixante-trois postes d'« expatriés » sont transformés en postes de « résidents », l'économie réalisée étant recyclée par la création de soixante-dix postes de résidents supplémentaires au profit des établissements du réseau. Dans des conditions budgétaires contraignantes, ces mesures permettent d'éviter de trop affecter le fonctionnement du réseau.
Mes chers collègues, je crois que ces trois priorités ont le mérite de toucher à l'essentiel : la défense et la promotion de la langue, des images et du savoir français.
Une fois ces priorités tracées, les moyens humains et budgétaires doivent être au rendez-vous. La stabilisation de la dotation est rassurante après tant d'années de réductions. En revanche, la perspective de l'extinction progressive des postes de coopérants du service national est bien préoccupante. A terme, ce sont 1 200 personnes qui viendront à manquer au réseau culturel et 450 qui feront défaut à notre enseignement à l'étranger, sans qu'aucun dispositif de substitution soit en vue à ce jour.
Monsieur le ministre, pourriez-vous répondre à cette préoccupation, qui est également la vôtre ? Nous sommes en effet impatients de débattre d'un projet de loi sur le volontariat international permettant d'assurer une transition qui, sinon, sera douloureuse. Au bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à voter un projet de budget qui entend mettre en oeuvre des priorités claires. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles, scientifiques et techniques. Monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles du Sénat a eu la satisfaction de trouver parmi les quatre axes prioritaires que vous avez définis pour 1999 deux actions relevant du budget de l'action culturelle, scientifique et technique extérieure : il s'agit, d'une part, de la mise en place d'un nouveau plan d'action pour l'audiovisuel extérieur et, d'autre part, de l'éducation et de la solidarité à l'égard des Français établis à l'étranger.
L'évolution des crédits de l'actuelle DGRCST, la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, montre que les choix financiers confirment bien les orientations politiques. Ces crédits augmenteront en effet de 2,46 % en 1999, contre 0,49 % en 1998.
J'en viens maintenant à la réforme de l'audiovisuel extérieur, pour laquelle une enveloppe de 130 millions de francs de mesures nouvelles va permettre de mettre en oeuvre la réforme que vous avez annoncée en avril dernier, monsieur le ministre, et dont les premiers éléments commencent à se mettre en place.
J'en rappelle la philosophie et les trois axes.
La présence la plus large possible des images françaises dans le monde est aujourd'hui un enjeu autant économique que culturel, Au-delà de l'influence de notre culture, nous savons bien que la bataille mondiale des images a des retombées indirectes sur l'ensemble des secteurs économiques et directes sur nos industries de programmes.
Les trois axes de votre réforme sont connus : d'abord, des aides directes à l'exportation de programmes, principalement par le financement de l'association d'exportateurs TVFI, qui bénéficiera de 18 millions de francs cette année, contre 9,2 millions de francs en 1998 ; ensuite, une aide au transport satellitaire de chaînes françaises pour les inciter à s'internationaliser, avec une ligne dotée en 1999 de 93,4 millions de francs ; enfin et surtout, une rationalisation des champs et des modes d'interventions des deux principaux opérateurs télévisuels TV5 et CFI et le renforcement de TV5 grâce à 80 millions de francs de mesures nouvelles.
La commission des affaires culturelles a salué cette réforme, dont le premier mérite est d'avoir mis fin à une situation d'attente qui, de rapports en annonces jamais suivis d'effet, menaçait de s'éterniser.
J'évoquerai néanmoins quelques-unes des questions qui méritent d'être approfondies dans l'année qui vient.
La rationalisation des organismes est le premier point intéressant du plan de réforme. La création d'une présidence commune de TV5 et CFI devrait faciliter la cohérence des actions et des moyens. Mais tout est-il réglé pour autant ?
Deux points restent, à mon avis, à approfondir.
D'une part, il conviendrait d'améliorer la collaboration entre RFI et TV5 en matière d'information.
D'autre part, je crois nécessaire de réfléchir à l'articulation des missions de Canal France International et de la SOFIRAD, en particulier en ce qui concerne le rôle d'ensemblier des programmes ou des chaînes françaises pour les bouquets satellitaires étrangers.
Le renforcement de l'adossement de TV5 aux sociétés de l'audiovisuel intérieur - second élément fort du plan de réforme - n'est pas sans ambiguïté et ne suffit pas forcément à résoudre les questions de programmes, en particulier les problèmes que pose l'acquisition des droits de diffusion internationaux par les chaînes publiques. En effet, la réforme annoncée de l'audiovisuel public préparée par Mme Catherine Trautmann, en renforçant la séparation producteurs-diffuseurs, devrait aboutir à rendre aux producteurs la maîtrise des droits sur leurs programmes.
Je pense personnellement que les montants consacrés à l'achat de droits par TV5 devront être augmentés sensiblement dans les prochaines années si l'on souhaite que cette chaîne puisse réellement présenter ce qu'il y a de mieux dans la production française.
A cet égard, je crois qu'il faut saluer et encourager l'éclatement de l'antenne de TV5 en cinq programmes régionalisés, entrepris par M. Patrick Imhaus et poursuivi par M. Jean Stock et qui devrait être déterminant pour l'audience de cette chaîne sur chacun des cinq continents.
Un dernier mot pour vous dire, monsieur le ministre, que nous serons très attentifs à ce que la collaboration entre RFI et TV5 se mette réellement en place et aboutisse à un renforcement et à une amélioration de l'information sur TV5.
En ce qui concerne l'exportation des programmes français, je note une difficulté, qui n'est pas nouvelle. Je veux parler du difficile partage entre zones de diffusion culturelle et zones commerciales. S'il est nécessaire d'assurer la présence de nos programmes, y compris dans les pays non solvables, il n'en reste pas moins vrai que la liste des pays dits de diffusion culturelle semble aujourd'hui poser de nombreux problèmes à nos exportateurs, qui se trouvent souvent en concurrence avec des programmes français donnés gratuitement par Canal France International. Après avoir remarqué que ce qui est gratuit est souvent dévalorisé aux yeux du bénéficiaire, et plutôt que de miser sur des ajustements de plus en plus difficiles de cette liste à l'heure de la diffusion continentale via les opérateurs satellitaires, ne vaudrait-il pas mieux envisager d'aider les télévisions de ces pays à acquérir nos programmes ? Après tout, nous aidons bien ces mêmes pays à nous acheter des Airbus ou des TGV !
J'en termine avec l'aide au transport des chaînes françaises par satellite, autre point fort de votre programme qui devrait favoriser l'accroissement de l'offre d'images françaises à l'étranger.
Je crois cependant qu'à terme le principal problème sera l'acquisition des droits d'exploitation internationale des programmes plus que la diffusion technique, dont les coûts décroissent.
Mon temps de parole s'écoulant trop vite, je ne dirai qu'un mot de l'enseignement français à l'étranger, pour me réjouir de la mesure nouvelle de 20 millions de francs qui est destinée aux bourses scolaires. Cela devrait, selon l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, permettre de réduire dans la plupart des cas la charge maximale des dépenses scolaires à quelque 20 % du revenu disponible des familles.
Je voudrais néanmoins mentionner le problème des frais de scolarité dans les établissements français à l'étranger. Le coût des études et l'insuffisance du nombre de places sont l'objet de plaintes récurrentes dans un certain nombre de pays, notamment dans ceux où notre influence était importante comme le Maghreb et le Machrek.
Je ne voudrais pas terminer sans évoquer le nouveau dispositif de bourses d'excellence, nommé programme Eiffel, destiné à la formation d'étudiants étrangers en France. Ce programme devrait constituer le point de départ d'un grand programme de 1 000 bourses en l'an 2000.
Je tiens à saluer cette initiative, qui marque une prise de conscience de l'importance de l'accueil en France des étudiants étrangers. J'espère que les moyens suivront les prochaines années et que notre politique de visa sera en harmonie avec cette volonté d'accueil.
Au terme de cet examen trop rapide, je rappelle que la commission des affaires culturelles a prononcé un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action culturelle, scientifique et technique pour 1999. Et je vous invite, mes chers collègues, à en faire autant. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a, malgré ses réserves, approuvé le budget du ministère des affaires étrangères pour 1999, qui constitue le premier budget unique résultant de l'intégration des moyens de la coopération dans l'ensemble du ministère des affaires étrangères.
Elle l'a fait en conformité avec la démarche voulue par le Sénat et, singulièrement, par sa commission des finances, à l'égard du projet de loi de finances dans son ensemble.
Elle l'a fait aussi compte tenu des éléments de continuité et de quelques priorités raisonnables qui apparaissent dans l'affectation des crédits, pourtant décevants, accordés aux affaires étrangères pour 1999.
Mais elle ne l'a pas fait sans exprimer de sérieuses inquiétudes, qui touchent à la fois aux conditions de mise en oeuvre de la réforme de notre dispositif de coopération, à des préoccupations d'ordre financier et, au-delà, à des interrogations politiques portant sur certaines orientations diplomatiques.
Le projet de budget qui nous est présenté a été élaboré sous une double contrainte, à savoir la contribution exigée du ministère des affaires étrangères à l'effort de réduction des déficits publics et la mise en oeuvre de la réforme des moyens de notre coopération.
Cette réforme, annoncée le 4 février dernier, est le fruit d'une longue réflexion engagée par les précédents gouvernements et se traduit par la fusion des crédits des affaires étrangères et de ceux de la coopération, ce qui justifie le vote unique auquel nous procéderons demain.
Nous approuvons les objectifs affichés de simplification, de cohérence et d'efficacité, et nous ne contestons pas les grandes lignes de l'architecture proposée dans la mesure où elle vise à moderniser des outils de coopération anciens et à remédier, au moins partiellement, à la confusion des intervenants en la matière.
Nous devons cependant être vigilants - et nous le serons - pour éviter toute dérive de la signification de cette réforme. Cette dérive transformerait cette adaptation souhaitable de nos moyens en une dissimulation d'un repli politique ou d'un désengagement de la France en Afrique.
Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez pour 1999 ne dissipe pas véritablement cette inquiétude : la quasi-reconduction des crédits affichée occulte en effet, pour les anciens services de la coopération, une forte baisse de 7,7 %.
Les évolutions nécessaires doivent être décidées en toute connaissance de cause. C'est pourquoi je réitère aujourd'hui le souhait, déjà formulé à cette tribune, que le Gouvernement établisse et transmette au Parlement un document de synthèse évaluant, pays par pays, le poids de notre aide au développement. Seule une telle information nous permettra d'apprécier tout à la fois les évolutions constatées et les redéploiements nécessaires.
Nous suivrons également avec la plus grande attention les conditions pratiques de mise en oeuvre de cette réforme d'envergure. Nous mesurons la complexité d'une évolution qui suppose tout à la fois l'intégration des services de la rue Monsieur avec ceux du Quai d'Orsay, la fusion - très délicate - de certains corps administratifs, l'harmonisation des statuts des personnels, la transformation des missions d'aide et de coopération en services effectivement placés sous l'autorité des ambassadeurs et, enfin, l'évolution de la Caisse française de développement.
Nous mesurons aussi le degré de dévouement et de mobilisation que cette profonde réforme impose à des personnels dont les appréhensions sont compréhensibles et dont je tiens à saluer, du haut de cette tribune, la compétence et la qualité.
La deuxième série de difficultés mises en lumière par le présent budget est naturellement d'ordre financier.
Ministère « non prioritaire » pour le Gouvernement, hélas ! le Quai d'Orsay se voit en effet dans l'obligation de contribuer à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. Les crédits de paiement dont disposera en 1999 le ministère des affaires étrangères élargi diminueront de 0,7 % par rapport à 1998. Le budget du département sera ainsi, pour la cinquième année consécutive, en diminution.
Notre inquiétude est grande devant cette distorsion croissante entre des ambitions toujours réaffirmées et des moyens sans cesse réduits.
Je ne conteste pas, d'ailleurs, que la réforme de notre dispositif de coopération doive être source de nouvelles économies ; c'est l'un de ses objets. Mais ces économies ont-elles été évaluées avec précision ? Faute de quoi, elles risquent de résulter de décisions arbitraires, voire abusives, qui fragiliseraient une réforme délicate et affaibliraient encore un ministère déjà démuni.
Je ne conteste pas davantage certaines priorités financières retenues par le Gouvernement pour 1999. Mais je regrette que les moyens de garantir la place de la France dans le monde ne figurent pas dans ces priorités. Et je redis aujourd'hui que nous devons prendre garde à priver, insidieusement mais de manière irréversible, notre pays des moyens nécessaires à une action internationale efficace et à sa présence effective dans le monde.
Dans ce cadre financier très contraint, le projet de budget que vous nous présentez met néanmoins l'accent sur certains points conformes aux voeux exprimés l'an passé par notre commission : c'est le cas de l'audiovisuel extérieur dont les dotations - M. Chaumont l'a rappelé - franchissent le cap symbolique du milliard de francs ; le redressement amorcé des contributions volontaires de la France aux organisations internationales est également nécessaire à notre influence au sein du système multilatéral international ; enfin, un effort particulier est consenti en faveur des Français à l'étranger, notamment pour les bourses scolaires.
Nous vous donnons acte de ces inflexions sectorielles qui devront être poursuivies dans les prochaines années. Mais je souligne aussi, parmi les actions indispensables, monsieur le ministre - j'insiste beaucoup sur ce point - la dimension essentielle qui doit s'attacher à la sécurité de nos postes diplomatiques et consulaires.
Plusieurs autres questions importantes restent posées.
En ce qui concerne, d'abord, les effectifs de votre ministère, de nouvelles suppressions nettes de 120 emplois viennent s'ajouter aux efforts importants consentis ces dernières années.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment vous estimez pouvoir corriger les déséquilibres qui ne manqueront pas d'apparaître et, en particulier, faire évoluer notre réseau diplomatique et consulaire en Europe ?
S'agissant des assistants techniques, où situez-vous le seuil en deçà duquel la baisse de leurs effectifs remettrait inéluctablement en cause les instruments de notre politique de coopération ?
Enfin, où en est, monsieur le ministre - la question vous a déjà été posée - ce fameux projet de loi serpent de mer instituant le volontariat international qui devait être présenté au Parlement cette année et qui demeure tout à fait nécessaire - sans être forcément suffisant - pour compenser la disparition du service national de coopération ?
Mais la question la plus déterminante pour l'avenir est peut-être de remettre véritablement le Quai d'Orsay au centre de l'action extérieure de la France.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Je sais que telle est votre volonté, monsieur le ministre. Mais comment comptez-vous vous y prendre, alors même que le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui ne représente qu'une part encore modeste de l'ensemble des crédits consacrés à l'action extérieure de la France et que, dans le domaine économique, les moyens consacrés à l'action extérieure par le ministère de l'économie et des finances ont été, cette année encore, supérieurs à ceux du quai d'Orsay ?
Cette nécessaire coordination interministérielle doit enfin être mise au service - c'est bien là l'essentiel - de l'action diplomatique de la France dans un monde de plus en plus concurrentiel, marqué par la mondialisation. Comment défendre, dans ce monde intégré où les frontières s'effacent, nos intérêts et nos valeurs, nos entreprises et notre culture ?
Je n'évoquerai pas ici, faute de temps, l'importance maintenue de nos solidarités traditionnelles, en Afrique, en Méditerranée ou dans l'espace francophone, ni le rôle nouveau que nous devons jouer, en Asie ou en Amérique latine, avec les autres parties du monde multipolaire dont nous souhaitons favoriser l'émergence.
Permettez-moi de souligner seulement deux points qui doivent, je crois, figurer au coeur de notre action internationale dans la prochaine période.
Le premier objectif est évidemment de faire de l'Union européenne l'un des pôles majeurs de ce nouveau monde en gestation et d'assurer l'influence française la plus forte possible dans une construction européenne achevée, car - c'est ma conviction - l'Europe est aujourd'hui le seul cadre où peut se reconstituer une souveraineté bousculée et amoindrie dans un monde globalisé.
Notre objectif doit être de faire en sorte que l'Europe, la France notamment, sorte renforcée des décisions cruciales qui doivent être prochainement prises.
Je n'en citerai que quelques exemples.
Le passage à l'euro constituera un événement historique dont je ne suis pas sûr que les Européens mesurent bien toute la signification et la puissance de l'effet intégrateur qu'il recèle.
Les négociations sur l'Agenda 2000 auront à résoudre de considérables difficultés où nos intérêts sont directement mis en cause.
Nous devons aussi relancer et mener à bien, ce qui ne sera pas le plus aisé, cette fameuse réforme institutionnelle qui a échoué à Amsterdam et qui demeure indispensable avant tout nouvel élargissement. Les négociations d'élargissement elles-mêmes seront - nous le savons bien - longues et difficiles.
Nous devons enfin définir des solutions appropriées dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité : de la désignation de « M. PESC » à la coopération militaire entre Européens, nous devons doter enfin l'Europe des moyens d'agir sur la scène internationale.
Sur tous ces points, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser surtout ce soir, comment se présente aujourd'hui à vos yeux la relation franco-allemande qui reste, je le crois, déterminante pour proposer à nos partenaires européens des chemins nouveaux permettant de renforcer notre entente et notre coopération ?
L'autre objectif essentiel de notre action internationale doit être de contribuer à l'émergence d'une société internationale plus harmonieuse et mieux organisée.
Tout a ainsi été dit sur les origines, le déroulement et la propagation de la crise financière asiatique. Je ne suis pas sûr que nous en ayons pour autant tiré les enseignements indispensables. Le contraste demeure flagrant entre l'accélération et la puissance d'un phénomène de mondialisation auquel rien ne semble résister et la faiblesse ou l'inadéquation des organes de régulation internationaux. Y rémédier passe bien sûr par le renforcement du système des Nations unies, lourd, contesté et dont la réforme semble bel et bien enlisée. Cela passe aussi - et c'est sans doute le plus urgent - par l'indispensable renforcement du système financier international. Il faut enfin, plus généralement, renforcer les mécanismes nécessaires de règlement des différends.
Dans cette recherche d'un nouvel ordre mondial mieux régulé, la France a, chacun en convient, un rôle singulier à jouer. Mais nous n'avons pas le droit à l'erreur car la position de notre pays est à la fois éminente et fragile, dans un monde incertain où de nouvelles puissances s'affirment. C'est pourquoi nous devons impérativement lui donner, quelles que soient les contraintes budgétaires, les moyens indispensables pour assurer notre présence dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées socialistes et du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 41 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 12 minutes.
La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Monsieur le ministre, vous revenez du sommet de Potsdam dont l'atmosphère chaleureuse et les orientations augurent bien l'avenir de l'Europe, et en particulier de l'Europe sociale.
Ces avancées marquent un nouveau succès pour la diplomatie française, dont l'action au cours des derniers mois a été marquée du sceau de la réussite, alors même que de sérieuses crises soulignaient l'instabilité de notre monde et la fragilité de ses équilibres.
Dans ce contexte troublé, l'action diplomatique se doit de traduire l'expression d'objectifs politiques clairs qui concourent à l'identité de notre pays, à condition bien sûr d'en avoir les moyens.
Le projet de budget que nous examinons aujourd'hui, s'il n'est pas le budget de reconquête de nos moyens extérieurs que nous aurions pu, comme vous-même, monsieur le ministre, appeler de nos voeux permet cependant de garantir la continuité et, à certains égards, la consolidation de l'action internationale de la France.
Nous soutenons bien sûr la rénovation de l'outil diplomatique que vous conduisez.
La fusion des affaires étrangères et de la coopération est désormais en cours. Ce budget en sera la première expression. Et nous savons bien qu'il s'agit non pas d'un simple réaménagement administratif, mais d'une réorientation politique destinée à respecter la souveraineté des Etats et à nouer avec eux un véritable partenariat.
La modernisation du ministère des affaires étrangères est engagée, elle répond à une double exigence d'adaptation et d'efficacité.
Dans le débat de ce soir, il faut - au-delà des chiffres - avoir une vision de l'influence que doit jouer notre pays. Or ce budget assure la présence sur la scène internationale de la diplomatie française, qui a pris toutes ses responsabilités au cours de l'année écoulée pour agir dans le sens de la démocratie et de la solidarité.
Il faut enfin - et c'est sans doute l'essentiel - que la diplomatie soit l'expression d'une volonté politique.
Le vote de ce budget offre au groupe socialiste l'occasion d'exprimer sa grande satisfaction devant les réussites de la diplomatie française.
C'est le moment de parler de grandeur et de servitude : servitude d'un petit budget, mais aussi grandeur nécessaire d'une politique adaptée à la fois au temps et à nos ambitions nationales et européennes.
Au-delà des chiffres, nous voulons souligner les résultats.
A écouter les orateurs, il est clair que ce budget a beaucoup de défauts. Je n'entends d'ailleurs parler que de ses défauts ; pourtant tout le monde le vote. Quelle peut en être l'explication ?
Pourquoi souligner les défauts de ce budget alors que le vote sera, sinon unanime - je ne le sais pas - du moins largement positif ? La raison est simple : avec un budget insuffisant, vous avez mené, monsieur le ministre, vous-même, le Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République, une politique qui nous donne satisfaction et qui a eu des résultats importants.
La volonté du Gouvernement et de la diplomatie française s'est affirmée sur les principaux dossiers internationaux.
Cette volonté s'est affirmée face à la crise financière. Et j'observe, pour m'en féliciter, que le Gouvernement français s'est montré, sur ce dossier, particulièrement offensif.
Cette crise est grave ; elle est mondiale. Partie de Thaïlande en 1997, elle s'est étendue à l'Asie, à la Russie, à l'Amérique latine. Les pays industrialisés, pour le moment épargnés, doivent rester vigilants.
Cette crise a en outre une signification : elle sanctionne les dérives du libéralisme sauvage, qui, en combinant dérèglements économiques et défaillance politique, en laissant les excès spéculatifs s'emballer, la logique de rendement financier s'imposer, a créé une situation d'extrême vulnérabilité des marchés émergents.
Enfin, la crise appelle des réponses à l'échelle globale. Elle exige que la communauté internationale réagisse de manière solidaire et réaffirme la primauté du politique sur l'économique. Il ne s'agit naturellement ni de refuser l'économie de marché, ni de rejeter la mondialisation, mais de les maîtriser, de les orienter vers la justice et la solidarité.
Le Gouvernement français a avancé des idées et des propositions qui demanderont encore des efforts avant de s'imposer, nous le savons.
Il s'agit, d'abord, d'un nouveau code international pour édifier une architecture mondiale des changes, afin d'allier les atouts d'une monnaie stable et la souplesse d'une monnaie ajustable à partir de zones monétaires puissantes.
Il s'agit, ensuite, d'un conseil de sécurité économique afin de prévenir les menaces résultant de phénomènes économiques, monétaires et financiers non maîtrisés.
La volonté du Gouvernement s'est affirmée face aux ravages du cyclone Mitch en Amérique centrale. Notre Gouvernement, en accord avec le Président de la République, a immédiatement préconisé l'annulation de la dette des pays sinistrés et une mobilisation intense pour l'aide à la reconstruction, dans le souci que la restauration des économies affaiblies, voire anéanties, par ce drame aille de pair avec un développement équitable et des politiques efficaces de lutte contre la pauvreté.
La volonté du Gouvernement s'est aussi affirmée dans la part prise au sein des instances internationales pour la résolution des tensions ou des conflits qui déchirent certaines régions.
La France a ainsi appuyé les efforts pour la relance du processus de paix au Moyen-Orient, qui ont abouti à la rencontre de Wye Plantation. Et j'ai suffisamment déploré ici même par le passé l'aveuglement du Premier ministre israélien pour me féliciter aujourd'hui de l'accord intervenu entre Benyamin Netanyahu et Yasser Arafat, grâce notamment au soutien du parti travailliste, à ce qui, je l'espère, constitue un tournant de la politique israélienne.
On verra la suite. En tout cas, la France a toujours été prête à soutenir les accords d'Oslo et à vouloir la paix.
Elle a participé au groupe de contact sur le Kosovo et elle s'est associée aux mesures prises sous l'égide de l'OSCE et de l'OTAN, au point de se trouver en première ligne dans le dispositif militaire qui constitue un premier pas vers une politique étrangère et de sécurité commune européenne que vous avez largement définie.
La France a appelé l'Irak à l'obligation de respecter ses engagements pour pouvoir se réinsérer dans la communauté internationale, sans craindre d'ailleurs de ne pas s'aligner sur une politique américaine qui risquait de s'emballer. Il y fallait quelque courage.
Elle a, de plus, appelé devant les Nations unies à une conférence pour la paix dans la région africaine des grands lacs, sous l'égide de l'OUA et de l'ONU, avec la participation active des pays de la région. Et j'espère que les engagements pris par les différents pays belligérants lors du sommet franco-africain aboutiront rapidement à la conclusion d'un accord négocié, conformément aux propositions du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. L'appel de notre pays a été entendu. J'espère qu'il sera effectivement suivi d'effets.
Cet appel, votre appel, a été entendu en France, monsieur le ministre. J'espère que nous aurons le plaisir de voir le sommet franco-africain de Paris déboucher sur des résultats positifs. En tout cas, la France était encore au premier rang.
Enfin le Gouvernement - et vous-même au premier rang, monsieur le ministre - a marqué sa volonté de réformer notre dispositif de coopération, ce que nous souhaitons tous.
Je n'insisterai pas sur ce débat, puisque nous y reviendrons ultérieurement, sinon pour dire combien je partage la conviction de notre gouvernement sur la nécessaire mutation de notre politique africaine.
Il s'agit de respecter les évolutions de l'Afrique tout en préservant les liens privilégiés et la solidarité avec nos partenaires.
L'Afrique change, l'alternance et le multipartisme sont, dans un certain nombre de pays, devenus réalité, et notre présence doit s'adapter à ces progrès en réorientant les initiatives vers la démocratisation et l'ouverture au monde de nos partenaires.
Nous devons cependant continuer de soutenir fermement les efforts de développement des pays les plus défavorisés, car le risque qu'une partie de la planète demeure exclue du progrès, et par là même de la démocratie, reste préoccupant.
Je m'interroge comme vous - et c'est un problème difficile - sur les liens que nous pourrions développer entre migrations de populations et développement. Je ne pense pas seulement aux actions de formations en faveur des migrants qui veulent retourner dans leur pays d'origine, et pour lesquels Mme Martine Aubry a déjà présenté des propositions. Il me semble plus important encore de s'interroger sur l'aide à la mise en place dans les pays d'un certain nombre d'actions de formation à destination des hommes et des femmes susceptibles de migrer.
C'est difficile, et tant que l'on n'aura pas fait cet effort - et vous êtes décidé à le faire - nous aurons de graves difficultés sur notre propre territoire.
Je suis convaincu que nous n'éluderons pas ces enjeux essentiels, qui pourraient sans doute être pris en compte dans la négociation engagée pour la définition de la prochaine Convention de Lomé.
Enfin, et je dirai presque surtout, je parlerai de l'Europe, qui est notre famille.
La diplomatie n'a rien négligé pour exprimer une volonté de réorienter la politique européenne.
L'Europe apparaît aujourd'hui à bien des égards privilégiée. Certes, elle n'est pas définitivement à l'abri des perturbations financières ni sortie des difficultés du chômage de masse qui frappe ses pays, mais elle bénéficie de l'impulsion politique nouvelle donnée par les gouvernements sociaux-démocrates.
La monnaie unique semble tenir ses promesses. A un mois du lancement de l'euro, ce n'est pas un hasard si la secousse financière épargne pour le moment les pays de l'Union européenne. Les socialistes ont toujours soutenu qu'une monnaie unique serait un gage de stabilité, à ce jour les faits leur ont donné raison.
Nous avons aussi constamment voulu que la construction européenne dépasse le cadre économique et s'édifie sur des fondements politiques et des priorités sociales. A cet égard, le récent sommet de Portschach a marqué un tournant et la réapparition d'une tendance keynesienne.
La volonté commune des Quinze de coordonner leurs politiques économiques au service de la croissance et de l'emploi est un événement majeur dans une Europe qui, jusqu'ici, n'avait pas suffisamment cherché à s'unir pour résorber le chômage et pour que l'euro soit non pas seulement une étape économique, mais la voie ouverte à un progrès politique et social durable.
Dans sa déclaration de politique générale, le 19 juin 1997, Lionel Jospin évoquait le triple message de la France dans sa politique internationale : agir en faveur des droits de l'homme et de la démocratie, s'engager pour la paix, accroître coopération pour le développement.
Monsieur le ministre, grâce à l'action que vous menez, ce message est bien celui que la France adresse au reste du monde. C'est un message de justice et de paix, auquel le groupe socialiste s'associe avec détermination, en accordant son soutien total au projet de budget que vous nous présentez ce soir, plus d'ailleurs pour la politique qu'il représente pour le montant des crédits qui lui sont alloués. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français de métropole ont une vue souvent déformée, voire inexacte de notre expatriation dans le monde. Beaucoup ne savent pas que cette expatriation est extrêmement faible et, à la lecture de reportages réalisés par des journalistes en quête de sensationnel, ils pensent que les expatriés français ont de larges moyens, qu'ils soient des chercheurs d'or ayant réussi, ou des représentants de grandes entreprises françaises ou étrangères bénéficiant d'un niveau de vie élevé.
Vous qui voyagez partout dans le monde, monsieur le ministre, et qui rencontrez les Français expatriés, vous savez fort bien que la réalité est différente et que, si quelques-uns de nos compatriotes - et bravo pour eux - ont réussi leur carrière à l'étranger comme certains la réussissent en France, nombreux sont ceux qui ont de graves difficultés pour mener une existence décente dans les pays qui les accueillent.
Il est vrai que cette situation est plus fréquente dans certaines parties du monde, mais il n'est pas exagéré de dire qu'une paupérisation croissante des communautés françaises à l'étranger est en marche. Je le constate depuis des années, et vous savez que j'ai alerté vos prédécesseurs et vous-même sur l'évolution de cette situation. Vous y avez été attentif et avez été convaincu, puisque le Gouvernement a confié une mission sur la paupérisation des communautés françaises de l'étranger, dont nous attendons avec intérêt le résultat.
Ce constat établi, il est bien clair que le fonds d'action sociale, qui a été créé au sein de votre ministère en 1977, sous le gouvernement de M. Raymond Barre, est bien le pivot principal de l'aide que nous pouvons apporter à nos compatriotes en difficulté, et que c'est par ce fonds que doivent transiter les aides aux plus défavorisés. Contrairement à la vue réductrice de certains, ce n'est pas une caisse d'assurance volontaire ne couvrant que 8 % de nos compatriotes expatriés - ou tout autre organisme privé - qui peut, seule, assurer cet effort de justice sociale qui incombe à la nation tout entière, comme c'est le cas en métropole.
C'est votre ministère, expression de la France à l'extérieur, qui doit matériellement, mettre en oeuvre cette politique.
Depuis 1977, je suis avec une attention particulière l'évolution de la ligne budgétaire qui est réservée; au sein de votre département ministériel aux crédits d'assistance aux Français de l'étranger, ce que nous appelons « le fonds d'action sociale » au ministère des affaires étrangères.
Au titre du Sénat, je siège depuis sa création à la commission permanente pour la protection des Français de l'étranger, qui est chargée de répartir ces crédits entre ceux qui sont les plus défavorisés, qu'ils soient âgés ou handicapés, ce qui me permet de constater que, malheureusement, la plupart du temps, ces crédits ne suffisent pas à couvrir les besoins réels de nos compatriotes.
J'en veux pour preuve la dernière réunion de cette commission permanente, qui s'est tenue en février 1998, et au cours de laquelle nous n'avons pu que reconduire les allocations de solidarité et les allocations « handicapé » sur la base des taux de 1997, les crédits d'assistance au titre de 1998 ayant eux-mêmes fait l'objet d'une simple reconduction sur la base de l'année précédente, ce qui, concrètement, aboutit à une baisse en francs constants. En outre, depuis deux ans, ces crédits n'étaient pas affectés de l'effet change-prix et donc ne bénéficiaient pas de la compensation pour perte au change, ce qui constitue une perte d'environ 1 million à 2 millions de francs.
Aussi ai-je été sensible, monsieur le ministre, aux propos tenus en septembre dernier par M. Lionel Jospin, lors de l'ouverture de la cinquante et unième assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger, propos dont j'ai pris acte avec satisfaction puisque le Premier ministre nous a alors annoncé une hausse de 7 millions de francs en faveur de l'action sociale de votre ministère pour les Français de l'étranger, ce qui représente une augmentation de 10 % par rapport à l'an passé.
J'ai noté que cette hausse était bien traduite dans le projet de loi de finances pour 1999 puisqu'un peu plus de 7,6 millions de francs supplémentaires sont affectés au chapitre 46-94-11, qui concerne l'assistance à l'étranger. Il semblerait qu'une compensation pour perte au change d'environ 4 millions de francs soit également prévue.
On ne peut donc que se réjouir de ces mesures budgétaires, qui seront appréciées par nos compatriotes expatriés, mais qui, loin de rester exceptionnelles, doivent constituer une premier pas vers le plan quinquennal que je suggère depuis plusieurs années et qui devrait permettre, à l'issue de ces cinq années, non seulement l'apporter une aide décente aux expatriés les plus défavorisés, mais également d'assurer le coût de leur couverture maladie auprès de la caisse des Français de l'étranger, dont le conseil d'administration est prêt à faire un effort exceptionnel vis-à-vis des allocataires de votre ministère en les assurant dans la catégorie la moins coûteuse mais qui ouvre des droits à prestations identiques à ceux des autres catégories, alors qu'il s'agit d'une population à très grand risque.
En effet, les crédits d'assistance pour 1999, certes en hausse de 6,4 millions de francs - puisque 1,2 million de francs sur les 7,6 millions de francs dont nous avons parlé iront à la formation professionnelle - permettront tout juste de réactualiser l'ensemble des taux de base des allocations de solidarité et des allocations « handicapé », et donc d'effectuer un simple rattrapage par rapport aux deux dernières années. En effet, malgré la bonne volonté et l'attention que porte la direction des Français de l'étranger à ce dossier crucial, il ne sera guère possible - je le crains - d'aller plus loin, compte tenu des demandes croissantes que nos postes enregistrent, en particulier en ce qui concerne les aides temporaires et occasionnelles, lesquelles demeurent souvent le seul moyen de secourir nos compatriotes.
Cela reste donc insuffisant, d'autant que des efforts sont nécessaires, notamment pour les enfants français handicapés vivant à l'étranger, pour lesquels l'allocation forfaitaire minimale mensuelle n'a jamais fait l'objet d'aucune revalorisation.
Or, dans certains cas, ces enfants souffrent de handicap lourd et le montant de l'allocation ne correspond plus aux frais exigés par leur état. C'est, vous le savez, l'objet d'une question écrite que je vous ai adressée récemment et dans laquelle je souhaite qu'une étude soit menée afin de définir une allocation différenciée en fonction du degré de handicap.
J'espère, monsieur le ministre, que vous voudrez bien suivre cette nouvelle suggestion et que vous m'apporterez bientôt des informations sur ce sujet.
Il est donc souhaitable, monsieur le ministre, que l'effort budgétaire entrepris pour 1999 se poursuive encore pendant quelques années - quatre à cinq ans - de façon que nos postes à l'étranger et la commission permanente pour la protection sociale des français de l'étranger du ministère des affaires étrangères ne soient plus obligés d'appliquer de façon restrictive les critères d'attribution des allocations, mais que tout au contraire la France fasse preuve, à l'égard de ses nationaux vivant hors de France; de la même solidarité dont elle fait preuve sur le territoire national envers les plus démunis, quelle que soit leur nationalité, en leur assurant non seulement un revenu minimum, mais également une couverture maladie. Avant de terminer mon intervention, je voudrais évoquer une décision qui a beaucoup ému nos compatriotes résidant dans l'Union européenne, ainsi que leurs représentants au Conseil supérieur des Français de l'étranger : je veux parler de la suppression sur trois ans des aides accordées au titre du fonds d'action sociale lorsque les allocataires vivent dans un pays membre de l'Union européenne.
Juridiquement, s'agissant d'aides non contributives et conformément à la législation européenne, c'est au pays de résidence d'attribuer des aides équivalentes au minimum vieillesse ou aux allocations « handicapé ».
Certes, nous avons un grand respect pour la législation européenne, mais son application ne doit pas aboutir à pénaliser ceux de nos compatriotes qui ont choisi de « vivre l'Europe » en s'installant dans un pays de l'Union européenne.
A l'heure de l'harmonisation européenne, il est inconcevable qu'un Français résidant en Espagne, en Grèce ou encore en Italie perçoive soit pour lui-même, soit pour son enfant handicapé des aides inférieures à celles qu'il percevrait s'il demeurait en France ; ou alors on ne respecte plus l'esprit de libre circulation européenne.
Jusqu'à présent, votre ministère a toujours servi aux Français âgés nécessiteux ou handicapés résidant en Europe les allocations prévues, depuis 1977, pour les aider. Aujourd'hui, il a décidé leur suppression sur trois ans et, dès à présent, ces allocations ont subi une baisse d'un tiers de leur taux, ce qui provoque de grandes difficultés pour de nombreux compatriotes dont la situation est déjà précaire. C'est une situation que nous ne pouvons admettre car il s'agirait alors d'une nouvelle discrimination à l'égard de ceux qui ont choisi de vivre hors de France, mais au sein de l'Union européenne.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de prendre, dès à présent, des mesures afin de revenir sur cette décision ou, à tout le moins, d'instituer un mécanisme de compensation au sein du fonds d'action sociale afin que les Français expatriés dans les pays de l'Union européenne continuent à percevoir des allocations de solidarité ou des allocations « handicapé » qui leur permettent de vivre décemment dans ces pays, c'est-à-dire des allocations du même montant que celles qui sont versées dans notre pays.
Vous savez, monsieur le ministre, l'importance que revêtent les crédits d'assistance pour les Français qui vivent à l'étranger. Ces crédits sont l'expression de la solidarité que nous devons à nos compatriotes expatriés, au même titre que le RMI ou le minimum vieillesse qui sont versés sur le territoire national. C'est pourquoi je suis très attentif à ce qu'ils puissent en bénéficier. Il faut donc poursuivre l'effort de redressement entrepris cette année qui, pour être réellement apprécié de nos compatriotes, n'en constitue pas moins qu'une première étape. Monsieur le ministre, en matière d'action sociale en faveur de nos compatriotes expatriés, je constate que votre projet de budget traduit une première étape positive, mais vous comprendrez que j'attende avec une vigilante attention la poursuite de ce qui est entrepris. S'il en était ainsi, enfin nous verrions poindre une solution en matière de couverture sociale de nos compatriotes français expatriés les plus défavorisés, ce qui constitue pour nous une priorité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, à l'occasion de la discussion du projet de budget des affaires étrangères, j'évoque la situation diplomatique, économique et sociale de l'Irak.
En effet, monsieur le ministre, j'ai l'honneur de présider, au sein de notre Haute Assemblée, le groupe d'amitié France-Irak.
Depuis la création de ce groupe d'amitié au début des années quatre-vingt, je me suis rendu, avec mes collègues, à plusieurs reprises en République d'Irak, où j'ai eu l'honneur de rencontrer nos collègues parlementaires irakiens, les ministres et le chef de l'Etat de ce pays.
Que l'on me comprenne bien, monsieur le ministre, il n'est pas dans mon intention de défendre ou de me faire l'interprète des plus hautes autorités irakiennes, dont chacun sait que le comportement - et nous l'avons vérifié récemment - est parfois marqué du sceau de l'incohérence, voire de la provocation.
Aussi, mon propos tendra-t-il à effectuer un constat sur la situation de ce pays, huit ans après la fin du conflit dit « de la guerre du Golfe ».
Depuis huit ans, cet Etat républicain et laïque est placé sous embargo, tenu à l'écart de la communauté internationale au point que nos deux pays ne sont représentés respectivement que par des « sections d'intérêts ». Est-ce concevable, mes chers collègues, huit ans après un conflit qui, certes, violait les lois internationales et constituait une atteinte à l'intégrité d'un pays indépendant, le Koweït, qui - quoi qu'en ait dit l'Irak en son temps - n'est plus la douzième province de l'Irak ?
Même après la Seconde Guerre mondiale, qui a vu la défaite de l'Allemagne nazie et la destruction massive de cet Etat impérialiste, les pays de l'Alliance se sont attachés très rapidement à remettre sur pied l'économie allemande.
En 1945-1946, il n'a pas été question d'embargo. Au contraire, après que l'Allemagne se fut punie elle-même par ses morts et des destructions, il n'a été question que de reconstruire ce pays.
Or, que se passe-t-il en Irak ? Ce pays est frappé par un embargo quasi total, certes décidé par les Nations unies, mais appliqué de façon aveugle aux dépens de la population : le peuple irakien subit en effet les conséquences de l'embargo à la fois sur le plan alimentaire et sur le plan sanitaire.
Je n'oublie pas que les Nations unies ont adopté la résolution 986, dite « pétrole contre nourriture », qui permet à l'Irak de vendre pour 5,2 milliards de dollars de pétrole afin de subvenir à ses besoins les plus urgents, notamment dans les domaines de l'alimentation et de la santé.
Cependant, paradoxe, l'Irak ne parvient pas à vendre cette quantité de pétrole, car l'embargo le place dans l'impossibilité de remettre en service son appareil de production et de transport du pétrole parce que les pièces mécaniques, en particulier les tuyaux d'oléoducs, sont visés par l'embargo.
Mes chers collègues, certains d'entre nous se sont rendus récemment dans ce pays ou s'y rendront en mission au début de l'année prochaine.
Ceux qui, comme moi, y sont allés, ont constaté l'extrême dénuement d'une population sous-alimentée. La ration alimentaire de nombreux enfants est de 30 % à 40 % inférieure aux normes de la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture ; des bébés décèdent en grand nombre dans les maternités, faute de recevoir les soins médicaux ou chirurgicaux et les médicaments indispensables.
Non seulement l'embargo constitue une grave atteinte à l'honneur et à l'indépendance d'un Etat internationalement reconnu, mais il affame une population et il aboutit à un accroissement considérable de la mortalité des plus défavorisés ou des plus faibles, en particulier des jeunes enfants.
Je n'ignore pas que l'embargo a été décidé par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies prise en son temps à l'unanimité des pays membres, dont la France.
Je sais, monsieur le ministre, qu'au cours des années récentes la position de notre pays vis-à-vis de l'embargo, et plus généralement de l'Irak, a sensiblement évolué puisqu'il est maintenant favorable à une levée par étapes du dispositif de l'embargo.
Toutefois, il faut bien comprendre que le maintien de l'embargo et la persistance d'un contrôle à la fois tatillon et attentatoire à la dignité nationale irakienne, effectué par la commission spéciale de l'ONU, l'UNSCOM, sont en réalité le résultat de l'influence prépondérante, au sein des Nations unies, des Américains, qui, par l'intermédiaire de l'organisation internationale, font prévaloir leurs propres intérêts.
Il faut, pour les Etats-Unis qui ne sont plus dans la situation de la guerre froide, continuer à avoir un ennemi identifié et diabolisé : pour l'heure, c'est l'Irak.
Les Etats-Unis et son président font du reste un usage habile de la situation irakienne lorsqu'il s'agit pour M. Clinton de détourner l'attention de ses concitoyens sur les scandales qui le touchent.
Il est avéré que l'Irak ne dispose plus d'un armement atomique, chimique et bactériologique qui constituerait une menace pour cette région du monde. M. Richard Butler, chef de l'UNSCOM, a lui-même admis que l'Irak était à 95 % désarmé. L'Agence internationale de l'armement atomique a confirmé ces diagnostics, s'agissant de l'armement nucléaire.
Là encore, monsieur le ministre, il est temps de mettre un terme à ces pratiques qui ont abouti à la crise de ce printemps, dite des « sites présidentiels » et qui n'a été réglée que par l'intervention énergique du Président de la République française, M. Jacques Chirac, et par l'abnégation du négociateur du secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Anann.
La crise la plus récente, au cours de laquelle les autorités irakiennes ont, voilà quelques jours, refusé les contrôles de l'UNSCOM, relève d'une démarche quelque peu irrationnelle que vous avez, monsieur le ministre, dénoncée et que l'opinion publique française n'a pas comprise, même si, dans l'ensemble, elle est favorable à la levée de l'embargo qui endeuille ce pays.
Il est donc temps, monsieur le ministre, que les pays qui éprouvent une sympathie pour l'Irak et ont noué des rapports d'amitié de longue date avec ce pays obtiennent du grand allié américain le démembrement, par paliers, de l'embargo et la fin des contrôles intempestifs exercés par l'UNSCOM.
Il y va aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, de notre intérêt.
En effet, depuis la mise en oeuvre de la résolution « pétrole contre nourriture », la France est le premier fournisseur de l'Irak, ainsi que cela a été confirmé récemment lors de la foire de Bagdad. Il assure 13 % des importations irakiennes.
Certes, me dira-t-on, l'Irak n'est pas un pays démocratique. Mais, mes chers collègues, pouvez-vous me citer dans cette région du monde, et à l'exception d'Israël, un exemple de pays démocratique ?
La Syrie l'est-elle ? Son voisin, le Liban, n'est-il pas une démocratie de façade dès lors que son président doit en fait son élection à l'influence syrienne ? Et que dire des pétro-monarchies du Golfe, où la société, enfermée dans une vision archaïque de l'islam, en est encore à un stade moyenâgeux, où les dirigeants construisent des palais grâce à la manne pétrolière et où la charia est appliquée avec la plus grande sévérité ?
Ces pays n'ont pas de tradition démocratique. Il est parfaitement inapproprié de comparer la situation politique de nos Etats occidentaux avec celle du Proche-Orient et du Moyen-Orient.
S'agissant des pétro-marchés, il est bien clair que l'intérêt de ces pays est le maintien de l'embargo sur les ventes de pétrole de l'Irak, premier ou deuxième producteur pétrolier du monde. En effet, pendant que l'Irak ne peut plus exporter que des quantités minimes de pétrole, alors même que le prix du baril s'établit au niveau d'avant la première crise pétrolière, les pays du Golfe et même l'Iran se réjouissent qu'un pays exportateur potentiel majeur soit éliminé du marché pétrolier. Il est temps, monsieur le ministre, que vous utilisiez votre influence, jointe à celle du chef de l'Etat et du Premier ministre, afin que les Nations unies reconsidèrent leur position vis-à-vis de la République d'Irak et la réintègrent à part entière au sein de la communauté internationale.
Voilà, monsieur le ministre, en vous priant d'excuser ce ton de gravité, les propos que je me devais de tenir sur ce point. Je sais qu'ils sont partagés par au moins trente-cinq de mes collègues, membres du groupe d'amitié France-Irak de notre assemblée.
Un hebdomadaire ne titrait-il pas cette semaine encore, concernant l'Irak : « Les obus et le cancer » ?
Monsieur le ministre, je voudrais à présent appeler votre attention sur la situation du plus pauvre des pays d'Europe, qui recherche désespérément depuis 1991 un minimum de stabilité : l'Albanie.
Depuis la chute en 1991, du régime communiste marxiste-léniniste et isolationniste, la situation politique albanaise n'a guère connu d'apaisement.
Elu à la présidence de la République, M. Sali Berisha, démocrate centriste, a vu sa présidence s'interrompre dans un bain de sang au printemps de 1997, à la suite du scandale du système financier dit des « pyramides », qui avait transformé l'économie albanaise en économie de casino.
A la suite des élections législatives, le socialiste Fatos Nano est devenu Premier ministre. Il a été remplacé voilà quelque temps par un autre socialiste, ex-communiste, M. Pandeli Majko, qui est le plus jeune chef d'Etat européen puisqu'il n'est âgé que de trente et un ans.
Je voudrais, mes chers collègues, attirer votre attention sur la situation désespérée que connaît ce pays, du point de vue tant économique que social.
Ainsi, l'approvisionnement en eau n'est assuré que quelques heures par jour dans la capitale, Tirana, dont la population a doublé en cinq ans.
L'afflux de populations rurales entraîne en outre une profonde anarchie dans la croissance urbaine albanaise. Aucune règle d'urbanisme ne s'applique, et de grands bâtiments ou des bidonvilles s'édifient chaque jour sur des terrains vacants.
Le réseau routier nord-sud, principal axe du pays, est dans un tel état de délabrement que la route entre Shkodra et Evora, qui traverse Tirana, ne se parcourt qu'à la vitesse moyenne de quarante kilomètres à l'heure.
Le dimanche 22 novembre, les électeurs albanais ont été appelés à voter pour adopter par référendum une nouvelle constitution, afin de combler le vide institutionnel entraîné par le fait que, jusqu'à présent, c'était la constituion de l'époque d'Enver Hodja qui restait en vigueur. Cette constitution a été votée par plus de 93 % des électeurs. Il y a lieu de signaler que, en dépit de la présence de 150 observateurs de l'OSCE, l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe, ces consultations électorales se sont déroulées dans un climat de terreur et de trucage, chaque formation politique sachant qu'elle peut impunément manipuler les élections.
Il est en outre particulièrement surprenant que la liste électorale ait comporté les noms de 600 000 Albanais qui vivent ou travaillent à l'étranger.
On peut cependant se féliciter que la nouvelle constitution albanaise ait été rédigée en concertation avec le Conseil de l'Europe, qui en a inspiré les termes en ce qui concerne les droits de l'homme et la protection des libertés fondamentales.
L'analyse de ce texte montre toutefois que sa nouvelle rédaction ne modifie pas véritablement l'équilibre des pouvoirs entre le Gouvernement, le Premier ministre et le Parlement, qui est monocaméral.
Rappelons que, en 1995, 54 % des Albanais avaient voté non à un premier projet de constitution présenté par l'ancien président, M. Sali Berisha, à présent dans l'opposition.
Mes chers collègues, telle est la situation préoccupante de ce petit pays dont les retards économiques et la grande pauvreté expliquent les tentatives désespérées de certains de ses ressortissants pour gagner l'Italie en traversant, dans des conditions terriblement périlleuses, le détroit d'Otrante.
Je conclurai en signalant combien est dangereuse la situation d'un pays où presque chaque habitant dispose d'une arme de guerre volée dans les armureries militaires lors des émeutes de 1997. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Bécart applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le ministre, l'agrégation des services de la coopération à ceux des affaires étrangères constitue pour le département, me semble-t-il, l'événement majeur de cette année 1998, en tout cas en ce qui concerne la vie interne de votre ministère.
Je ne peux que me féliciter de cette heureuse initiative, ayant été en d'autres temps, de par mes responsabilités, à même de juger la complexité et parfois l'inefficacité de la construction précédente. L'action extérieure de la France sera désormais homogène et plus compréhensible.
S'agissant de l'évolution globale du budget, la légère diminution des crédits par rapport à 1998 n'est pas de nature à compromettre, me semble-t-il, le fonctionnement et le volume des interventions du ministère.
Mes chers collègues, parce qu'une réflexion comptable ne traduit pas à elle seule la politique internationale et aussi parce que le budget des affaires étrangères n'est pas l'unique source de financement de l'action extérieure de la France - le ministère de l'économie et des finances y consacre une somme quasi identique - je souhaiterais profiter de l'occasion qui nous est offerte ce soir pour élargir le débat.
Dans le domaine des relations internationales, deux grandes mutations sont à l'oeuvre : le passage de l'ordre bipolaire à un monde multipolaire et la mondialisation économique, la seconde étant d'ailleurs favorisée par la première.
Cette évolution doit naturellement nous amener à nous interroger sur la place et le rôle de la France. Pour ma part, je souhaiterais insister sur la nécessité de réfléchir à nos priorités stratégiques.
La tenue du XXe sommet franco-africain ces derniers jours à Paris confirme bien que notre premier cercle de solidarité demeure la zone Afrique. Les crédits consacrés à l'aide publique au développement ainsi que ceux qui sont attribués à la francophonie traduisent d'ailleurs clairement ce choix.
Sans remettre en cause ces liens, fondés sur une histoire commune dont découlent des devoirs absolus, il me semblerait néanmoins opportun que nous puissions nous intéresser davantage aujourd'hui à une zone que nous avons, à tort, un peu trop délaissée. Je veux parler de l'Amérique latine, qui vient de souffrir de désordres financiers importants et, plus grave encore, dont une partie vient de subir un véritable cataclysme.
Bien au-delà de ces événements qui, pour être dramatiques, n'en restent pas moins ponctuels, plusieurs raisons fondamentales militent en faveur d'une intensification de nos relations avec le continent centre et sud-américain.
En 1985, lors d'une visite officielle au Brésil, François-Mitterrand déclarait : « Depuis la France antarctique au XVIe siècle, la France équinoxiale au XVIIe siècle, nos relations ont toujours été exemptes de dépendance comme de domination. Elles se place sous le signe du respect mutuel que se doivent les peuples libres et égaux en droit. »
C'est vrai, nos relations avec l'ensemble des pays d'Amérique latine n'ont effectivement jamais été de nature conflictuelle. Nous avons en commun une culture de latinité, qui engendre une sympathie réciproque et une compréhension spontanée. Ce constat, à lui seul, pourrait suffire. Il existe pourtant d'autres facteurs essentiels qui vont dans le sens d'un approfondissement de nos relations
Aujourd'hui, pour la plupart issus d'élections libres, les pays d'Amérique latine offrent des garanties sur le plan de la légitimité démocratique. En effet, les dictatures, illustrées dans l'actualité par le sort du triste Pinochet et longtemps la plaie de cette région du monde, ont fort heureusement quasiment disparu.
Ce changement politique s'est accompagné, souvent, d'un développement économique remarquable. Faisant le choix de l'intégration économique régionale, les pays d'Amérique latine ont connu, ces dernières années, des taux de croissance importants et constituent un marché potentiel de 470 millions d'habitants que la France aurait tort de négliger.
Il est vrai que nos échanges économiques avec cette zone sont relativement faibles, puisque notre pays n'y réalise que 2 % de ses échanges commerciaux, alors que, l'année dernière, la région a connu un taux de croissance de son PIB de 5,7 %.
C'est néanmoins avec satisfaction que l'on observe, ces dernières années, une évolution positive. Profitant de l'ouverture commerciale des pays émergents et de leur fort taux de croissance, la France augmente le volume de ses échanges depuis le début des années quatre-vingt-dix. A titre d'exemple, les échanges commerciaux avec le Brésil sont passés de 12 milliards de dollars en 1992 à 20,7 milliards de dollars en 1997.
L'Argentine, deuxième débouché régional pour nos exportations, a connu une croissance économique nous permettant de doubler nos échanges entre 1990 et 1997.
Outre cette tendance favorable, j'ajouterai que nous devons reconsidérer cette zone sans la moindre hésitation, tout simplement parce que ces pays sont eux-mêmes très demandeurs. Longtemps gênés par l'amicale pression exercée par les Etats-Unis, les pays d'Amérique du Sud cherchent à diversifier leurs partenaires et, dans ce but, ils souhaitent se rapprocher du vieux continent.
Grâce au Mercosur, l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay ont su créer une dynamique qu'ils entendent consolider en pratiquant un régionalisme ouvert dont l'Europe - et naturellement la France - pourrait profiter.
Bien entendu, le renforcement de nos liens présente, sur le plan économique, des difficultés et des risques qu'il convient de garder à l'esprit.
Les premières négociations menées sur le projet de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur et le Chili ne se sont pas déroulées sans mal, en raison de nos susceptibilités légitimes sur les problèmes agricoles : pour la France, une libéralisation sans condition poserait des problèmes pour le secteur de la banane, une filière très concurrentielle entre l'Amérique centrale et les Antilles françaises.
Par ailleurs, les taux de croissance élevés ne mettent pas les pays émergents à l'abri d'un effondrement brutal. Les derniers soubresauts des marchés boursiers pourraient contrarier leur croissance. Si la fuite des capitaux spéculatifs n'avait pas été ralentie par la prompte réaction du G7 et la gestion intelligente de la crise par le Brésil, les pays d'Amérique latine auraient été privés des moyens de financer leur avenir.
Enfin, ces pays souffrent de graves difficultés sociales liées à un développement effectué à marche forcée. Même pour les plus dynamiques d'entre eux, la pauvreté est un véritable fléau.
Ces problèmes importants étant rappelés, ils ne doivent pas pour autant constituer un obstacle vis-à-vis de ces partenaires, d'abord parce que notre rôle est aussi d'y répondre de façon désintéressée.
Encourager les entreprises françaises à investir est une démarche qui n'est pas incompatible avec la préservation d'une aide de coopération. D'ailleurs, la France continue à oeuvrer fortement dans ce sens, notamment par le biais de la coopération scientifique et technique, ainsi que par l'intermédiaire de l'aide communautaire européenne. Récemment, le Gouvernement français a fait preuve d'un sens de la solidarité exemplaire en annulant, de façon unilatérale, l'ensemble des dettes des quatre pays d'Amérique centrale qui ont été touchés par le cyclone Mitch.
Enfin, avant de conclure, je souhaite faire allusion à la dimension culturelle.
La France a noué dans ce domaine des liens d'une excellente qualité. Ils sont particulièrement développés en Argentine et au Brésil, où les réseaux de l'Alliance française sont les plus anciens.
Néanmoins, à l'heure où la mondialisation favorise le monolinguisme, nous devons rester très vigilants quant à l'utilisation du français, car la langue, au-delà de son essence culturelle, est un instrument politique dans les relations extérieures qu'il convient de défendre.
L'année dernière, le Sommet de Hanoï avait évoqué la possibilité d'un élargissement de la communauté francophone. Sans méconnaître le risque de dispersion des acquis et de dilution des valeurs de la francophonie, évoqué par mon collègue rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, il serait souhaitable que le VIIIe sommet réponde, d'une façon ou d'une autre, aux pays qui ont le français en partage et qui souhaitent donc légitimement être associés aux institutions internationales de la francophonie.
Mes chers collègues, d'un monde bipolaire nous sommes passés à un monde multipolaire, dans lequel des nouveaux réseaux de relations doivent se créer et s'intensifier.
Depuis la fin des années quatre-vingt, cette région a confirmé ses possibilités économiques et effectué sa transition démocratique, offrant ainsi au monde la possibilité de nouvelles solidarités.
Dans cette perspective, je crois que la France et, bien entendu, l'Europe doivent jouer un rôle majeur. Il s'agit non pas, bien sûr, d'exercer par nostalgie une quelconque influence condescendante, mais, à tous les niveaux - politique, culturel et économique - d'engager un dialogue d'égal à égal et de tracer, ensemble, un futur harmonieux et prospère.
C'est ce que je souhaitais dire, monsieur le ministre, à l'occasion de ce débat budgétaire. Toutefois, pour en revenir à l'essentiel, les radicaux de gauche voteront, bien entendu, ce projet de budget non seulement parce qu'ils l'approuvent, mais également parce qu'ils soutiennent la politique extérieure de la France que conduit le Gouvernement. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « nous sommes probablement parvenus à une sorte de point limite. La poursuite de réduction d'emplois appellerait inévitablement des décisions ». Tels sont, monsieur le ministre, les propos que vous avez tenus le 2 novembre dernier à l'Assemblée nationale, lors de la présentation du premier budget commun « affaires étrangères et coopération » suite à la fusion de ces deux administrations, qui devrait prendre effet prochainement. Je me suis permis de reprendre ces deux phrases, parce qu'elles révèlent mieux que n'importe quel chiffre la situation dans laquelle vous estimez vous trouver.
En effet, il a été décidé de vous priver encore de moyens qui, pourtant, vous sont nécessaires pour mener à bien la politique de la France et la gestion de votre ministère. Le traitement réservé au budget des affaires étrangères ne semble pas, en effet, figurer parmi les priorités du Gouvernement.
Avec un montant de 20,77 milliards de francs pour 1999, le projet de budget des affaires étrangères apparaît en diminution de 0,7 % par rapport à 1998.
La baisse de 10 % des crédits d'investissement ne peut qu'affecter notre action extérieure. Comment peut-il en être autrement ?
Ce projet de budget prévoit, pour 1999, la suppression de cent trente emplois, alors qu'en application du plan d'adaptation des réseaux le Gouvernement avait promis que les effectifs seraient stabilisés cette année.
Ne sommes-nous pas en train de saboter nous-mêmes notre force de frappe diplomatique ? Ne sommes-nous pas censés nous donner tous les moyens financiers et humains, afin de tisser des liens de confiance avec nos partenaires et, ainsi, contribuer au rayonnement culturel et économique de la France ?
Quant aux moyens de la coopération, ils sont sacrifiés à l'image du budget du commerce extérieur qui, lui, baisse de 47 % en crédits de paiement. Le budget de la coopération est amputé de 500 millions de francs, soit une baisse de 7 %.
Il est troublant de constater que les crédits connaissent des réductions importantes, alors même que le champ de la coopération connaît une extension sans précédent.
De plus, une décision telle que celle qui concerne la suppression de cent soixante-dix postes de coopérants en Afrique ne va-t-elle pas aboutir à remettre en cause le maintien d'une forte présence humaine, qui constituerait le gage du maintien d'une expérience de terrain et d'une utilisation satisfaisante de l'aide apportée ?
En effet, comme l'a rappelé Mme Brisepierre dans son rapport pour avis, la place de l'Afrique dans le monde doit s'apprécier au regard des perspectives démographiques : en 2025, le continent africain pourrait compter 1,25 milliard d'habitants, soit 18 % de la population mondiale.
Dès lors, pourquoi gâcher les atouts dont nous disposons sur ce continent, notamment la présence d'une communauté française de cent cinquante mille personnes ?
En outre, pour ce qui est de la diminution spectaculaire des contributions internationales volontaires, elle risque d'avoir un effet boomerang et de porter atteinte, à très court terme, au crédit international de la France, cette dernière pouvant se trouver exclue des conseils d'administration des organisations concernées.
Cette évolution va à l'encontre des aspirations du Président de la République. En effet, ce dernier a pour ambition de faire jouer à la France son rôle de grande puissance sur la scène internationale, comme il le démontre pour la défense de nos intérêts économiques lors de chacun de ses déplacements à l'étranger.
Ainsi qu'il l'a dit à maintes reprises, nous devons travailler pour la paix, le désarmement, contre la prolifération nucléaire, bactériologique ou chimique, pour la prévention des conflits et pour la solution politique des crises.
La France détient le deuxième réseau diplomatique et consulaire mondial. Quel intérêt avons-nous à réduire le budget de ces deux ministères quand on connaît les défis que nous avons à relever ? En effet, les Américains ont déjà profité, et le feront encore, de notre « désengagement » en Afrique.
Comme l'a rappelé notre collègue Paulette Brisepierre, « nous devons définir des priorités géographiques fortes et estimer que l'Afrique doit demeurer l'axe fondamental de notre politique de coopération ».
Cependant, nous ne devons pas pour autant oublier les anciens pays de l'ex-URSS. En effet, la part de marché de la France dans ces pays se situe entre 1 et 3 %, soit deux à cinq fois moins que l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Italie.
Il faut que la France ait les moyens de reconquérir l'Afrique et de séduire les pays de l'Est. Nous devons garder à l'esprit que nous appartenons à l'Europe et que son destin est le nôtre. Mais que représente l'Europe aujourd'hui aux yeux des Américains ? La préparation et la négociation des accords de Wye Plantation nous donnent la réponse.
Ces accords ont été signés sans nous, alors que la contribution totale de l'Union européenne pour le processus de paix au Proche-Orient s'élève à 11 milliards de francs. Nous sommes le principal soutien financier de ce processus ; Israël et les Etats-Unis ont un peu trop tendance à l'oublier.
Pour toutes ces raisons, notre présence et notre engagement à l'étranger doivent être à l'abri de toute ambiguïté, y compris matérielle et humaine.
L'idée de consulats européens dans les pays tiers avait été avancée. Cela réduirait-il les coûts ? Comment de telles « cohabitations » peuvent-elles être organisées ? Autant de questions, monsieur le ministre, auxquelles je souhaiterais que vous apportiez des réponses.
La France doit tenir son rôle de grande puissance et, pour cela, son rayonnement ne peut souffrir d'être « voilé ».
Aujourd'hui, quelle doit être l'ambition de la France ?
La France doit faire en sorte que l'Union européenne soit, dans tous les domaines, un acteur majeur du xxie siècle, parce qu'une Europe unifiée, démocratique et pacifique peut contribuer, de façon décisive, à l'équilibre du monde.
C'est ainsi que la France pourra préserver son influence et réaffirmer son rôle de pays moteur de la construction européenne.
Aujourd'hui, la France est redevenue le deuxième donneur d'aides publiques au développement, derrière le Japon.
Nous devons nous battre pour que cette aide soit maintenue, notamment sur des continents tels que l'Afrique, car tous les pays africains connaissent peu ou prou une progression de la démocratie, de la bonne gouvernance et du développement.
Il ne faut pas abandonner l'Afrique maintenant ; il faut, au contraire, l'encourager à poursuivre ses réformes. Le dernier sommet des pays africains qui s'est tenu à Paris a démontré notre rayonnement et notre compréhension de la spécificité africaine.
Au siècle prochain, les relations entre les nations dépasseront de plus en plus les relations entre les Etats. Nous devons être prêts à affronter tous les enjeux et les défis qui se présenteront et ainsi, d'une part, ne pas décevoir notre peuple et, d'autre part, tenter de conserver l'estime et le respect que tous nos partenaires nous portent.
Selon M. le Président de la République, une grande politique étrangère s'appuie sur plusieurs réalités, comme l'importance stratégique d'un pays, son histoire, sa culture, son poids et son dynamisme économiques, sa force militaire, son aptitude à avoir une vision claire de l'avenir et de ses objectifs.
Mais aujourd'hui, plus encore qu'hier, il n'y a pas de grande politique étrangère sans la volonté et la capacité de comprendre les peuples, de prendre en compte leurs aspirations et de faire partager au plus grand nombre ses analyses et ses ambitions.
Aussi, comme l'a dit M. le Président de la République à Mexico le 12 novembre dernier : « Aujourd'hui, nous devons apporter notre contribution à la reconstruction de l'ordre mondial... Nous vivons un vrai changement d'époque, l'ordre bipolaire a disparu. Le monde s'ouvre, mais il redevient incertain et instable, comme il le fut si souvent dans l'histoire... Il y a une sagesse éternelle des peuples. Par-delà les temps, les sociétés humaines, hantées par leur devenir, partagent une même aspiration à l'équilibre et à l'harmonie. Cet équilibre, nous l'établirons demain en organisant un monde multipolaire, en nouant de nouvelles relations entre les grandes régions, entre puissances installées et puissances émergentes, en élaborant ensemble des règles communes contre l'arbitraire et la loi du plus fort.
« Nous connaissons tous en France les mots de Benetto Juarez inscrits au fronton du congrès de l'Union mexicaine : "La paix, c'est la reconnaissance du droit de l'autre." C'est vrai à l'intérieur des Etats. Unissons nos efforts pour que cela soit vrai, aussi, dans les relations entre les Etats. »
Voilà la véritable définition de la mission de notre pays.
Comme je l'ai rappelé antérieurement, la sagesse est l'un des ingrédients de la réussite. Aussi, monsieur le ministre, le groupe du Rassemblement pour la République jouera cette carte et votera ce budget, parce que nous savons qu'il faut réussir une mondialisation maîtrisée au bénéfice et non au détriment de tous et ainsi rapprocher les grands acteurs du monde de demain. La France y prendra sa part dans la voie tracée par M. le Président de la République. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget regroupé des ministères des affaires étrangères et de la coopération pour 1999 est, une fois encore, décevant, puisqu'il est en réduction par rapport au total des budgets antérieurs. Ainsi, le ministère des affaires étrangères continue de « rapetisser ». Cette tendance confirme, hélas ! les orientations précédentes, puisque les crédits du seul budget des affaires étrangères avaient déjà diminué de 3 % de 1997 à 1998.
Au regard du budget de l'Etat, qui s'établit à 1 623 milliards de francs, le budget des affaires étrangères et de la coopération ne représente que 20 milliards de francs, soit à peine 1,2 % de la totalité des dépenses publiques. C'est une goutte d'eau si l'on considère les enjeux actuels de la mondialisation.
Nous entendons beaucoup parler de globalisation. Le Gouvernement a intégré ce concept dans ses discours, mais quelle en a été jusqu'à présent la traduction budgétaire ? On assiste, en réalité, à une diminution récurrente des crédits et des personnels dans ces deux secteurs. Dans ces conditions, pourra-t-on, monsieur le ministre, ne serait-ce que maintenir la position de la France dans le monde ?
Du point de vue politique, la France possède heureusement depuis très longtemps un vaste réseau diplomatique et consulaire de qualité. Notre tradition ancestrale de véritable diplomatie mondiale, avec les moyens d'action correspondants, nous a permis jusqu'à présent de garder une place prépondérante grâce à une bonne organisation et à un corps de fonctionnaires de haute qualité.
De fait, l'étendue de notre réseau français, presque équivalente à celle des Etats-Unis d'Amérique, dépasse celle de tous nos autres partenaires, et ses excellents services couvrent des domaines de plus en plus nombreux.
Le prestige de la France dans le monde est ainsi considérable, comme viennent de le prouver les récents événements du mois dernier. La visite d'Etat de M. le Président de la République au Mexique et au Guatemala, renouvelant le voyage historique du général de Gaulle en 1964, s'est faite dans un style plus moderne.
Ainsi, les bains de foule, les allocutions au peuple depuis le balcon du palais présidentiel sur le Zocalo la mano en la mano, les échanges avec les étudiants de l'Université autonome de Mexico ont été remplacés par la signature d'accords économiques et par de nombreux contrats de partenariat fort prometteurs, ainsi que par la très brillante exposition d'Edufrance, à laquelle participaient une centaine d'universités et de grandes écoles françaises.
Tout récemment, le vingtième sommet élargi franco-africain, qui s'est tenu à Paris, a confirmé la relation attentive de la France à ce continent et son implication dans la recherche d'une solution de paix dans la zone des Grands Lacs. Le 10 décembre prochain, le cinquantième anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme constituera une autre célébration dont notre pays pourra justement s'enorgueillir.
Paraphrasant André Frossard, je ne m'excuse donc pas d'être français, et je suis loin d'en avoir honte, surtout lorsque je me déplace à l'étranger.
Mais le monde moderne est devenu très mouvant, et la gestation du nouvel ordre mondial oblige notre pays à une vigilance accrue pour y maintenir la place qui lui revient, dans l'Union européenne en particulier. La France, qui a été à l'origine de sa création, doit poursuivre son action pour que le succès de la première phase, économique hier et monétaire aujourd'hui, soit bien suivie par une seconde phase politique qui lui donnera toute sa véritable puissance.
Or c'est à ce moment crucial, monsieur le ministre, que la marge de manoeuvre de votre ministère est réduite avec la stagnation de votre médiocre budget, d'autant plus qu'il s'agit non pas d'atteindre un budget colossal, mais seulement de pouvoir continuer à bien assumer les tâches qui vous incombent. Par exemple, une augmentation provisoire de 20 % du budget actuel, durant la période de transition que nous traversons, représenterait, en valeur absolue, moins d'un quart de point du budget général : autant dire un epsilon ! Je regrette, monsieur le ministre, que l'équilibre entre les différents budgets de l'Etat ne puisse jamais être modifié, de façon même transitoire, lorsque la situation le réclame. La position de la France comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies l'oblige, du reste, à reconsidérer à la hausse les contributions volontaires, en constante diminution ces dernières années. Leur montant en valeur absolue sont aussi extrêmement modestes eu égard aux enjeux : 48 millions de francs au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 47 millions de francs à l'UNICEF, 4 millions de francs à l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel et 1,6 million de francs à l'Organisation mondiale de la santé. Des réévaluations sont nécessaires pour le rayonnement de notre pays.
Par ailleurs, la réduction de vos effectifs devient préoccupante. Alors que les autres ministères, en particulier celui de l'éducation nationale, voyaient leurs effectifs augmenter durant les dernières années, ceux des affaires étrangères ont été amputés. Cette évolution négative a été constante, puisqu'elle était d'environ 1 % chaque année : 117 emplois ont été supprimés en 1998 et 119 le seront en 1999.
Ces réductions ont des répercussions particulièrement fâcheuses dans les consulats, dont la charge de travail s'aggrave constamment. Le remplacement du personnel titulaire par des recrutés locaux, dont à peine un cinquième possède la nationalité française, entraîne une baisse regrettable de la qualité des services de votre ministère.
Puisqu'on ne peut augmenter votre budget, monsieur le ministre, recherchons le moyen de transférer certaines dépenses qui vous incombent actuellement à d'autres ministères.
Je pense, en particulier, à l'enseignement français à l'étranger et aux frais du personnel titulaire, détaché du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie qui assure l'enseignement dans les établissements français à l'étranger. Il s'agit de personnel recruté et titulaire de ce ministère, personnel qui exerce ses fonctions pédagogiques à l'étranger dans des conditions tout à fait similaires à celles de la métropole pour les programmes, les disciplines et la durée des cours dispensés en langue française.
L'avancement et les affectations de ce personnel sont décidés par l'éducation nationale ; ce personnel se considère, du reste, comme entièrement dépendant de l'éducation nationale qui gère leurs carrières, et ses conditions de paiement sont absolument calquées sur celles du ministère de l'éducation nationale.
Lors de la création de l'Agence, la tutelle a été attribuée aux deux seuls ministères des affaires étrangères et de la coopération, celle de l'éducation nationale ayant disparu pour éviter l'alourdissement du système. A un moment où les deux ministères des affaires étrangères et de la coopération se restructurent en une seul entité, pourquoi ne pas rétablir, monsieur le ministre, une cotutelle avec le ministère de l'éducation nationale ?
Si la charge financière de ces enseignants titulaires représente, pour les deux anciens ministères pauvres, une charge non négligeable - elle est légèrement inférieure à 10 % de son budget - le ministère de l'éducation nationale et son budget record, puisqu'il s'établit à près de 400 millions de francs en 1999, pourraient facilement l'intégrer avec quelques dotations supplémentaires. Il semble cependant que l'éducation nationale demande, dans ce cas, le plein contrôle de ce corps enseignant, ce qui n'est pas totalement possible pour des raisons de souveraineté.
En effet, l'éducation relève du domaine national, et nos établissements français à l'étranger doivent se soumettre strictement aux lois et aux règlements du pays d'accueil, même si des dérogations sur certains points particuliers sont obtenues à travers des accords bilatéraux qui permettent le bon fonctionnement de ces établissements.
Il est donc nécessaire que le ministère des affaires étrangères conserve l'administration générale de ce personnel expatrié. Ce point est important pour éviter des divergences d'application d'habitudes, admises en France mais souvent inapplicables à l'étranger, du personnel enseignant très attaché à son statut corporatiste. Quelle est votre position à ce sujet, monsieur le ministre ?
Je ne reviendrai pas sur l'excellent travail réalisé par l'Agence et les très bons résultats pédagogiques des établissements dont elle a la charge, tant au baccalauréat qu'au concours général. Ces établissements constituent, avec les Alliances françaises, les centres importants de la francophonie à l'étranger.
De plus, il convient de tenir compte de l'insuffisance du nombre des Français établis hors de France. Il faut donc scolariser au maximum les enfants français à l'étranger. Cette préoccupation oblige à prévoir l'accroissement des bourses françaises pour le règlement des frais de scolarité de nos établissements payants à l'étranger ; en effet, le phénomène d'assimilation de nos compatriotes par leur pays d'accueil amène un nivellement progressif de leurs revenus avec ceux de ces pays, correspondant en général à un abaissement. L'Agence a dû définir des critères particulièrement judicieux pour l'octroi de ces bourses. Ces critères sont bien appliqués actuellement.
Je signale également que les crédits de l'Agence pour l'agrandissement ou la construction de nouvelles écoles à l'étranger sont nettement insuffisants. Un système de prêts à travers l'association nationale des établissements français à l'étranger permet d'y remédier.
Une formule analogue pourrait être retenue pour la construction ou l'achat d'ambassades et de consulats, qui font l'objet de locations. La pérennité de leurs besoins immobiliers permet, en effet, des amortissements à long terme, et les taux actuels d'intérêt sont favorables. Dans le cas de l'association nationale des écoles françaises de l'étranger, la Caisse des dépôts et consignations facilite l'octroi de ces prêts.
Enfin, l'enseignement français à l'étranger a beaucoup bénéficié des coopérants du service national. Près de cinq cents enseignants sont recrutés chaque année par l'Agence suivant cette formule qui disparaîtra en 2002.
Un projet de loi, annoncé depuis la suppression du service militaire en octobre 1997 et tendant à mettre en place des volontaires à l'international, a été sans cesse retardé. Afin d'éviter la rupture de recrutement et de pouvoir expérimenter le nouveau système, il est souhaitable que le Parlement soit saisi au plus tôt du projet de loi annoncé.
Il est à craindre que le nombre de ces volontaires ne soit inférieur à celui des coopérants, car il n'y aura plus d'alternative entre caserne ou stage à l'étranger. A tout le moins, il est à craindre que les meilleurs éléments trouvant plus facilement un emploi à la fin de leurs études, la qualité des futurs volontaires ne s'en ressente.
La concurrence à l'étranger qui est déjà sévère se durcira, avec la mise en place de l'euro en janvier prochain, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union européenne. Or, indépendamment des coopérants du service national de l'Agence, le ministère recrutait habituellement pour d'autres besoins, tels que les postes diplomatiques et consulaires ou les centres culturels, près d'un millier d'autres candidats. Pour cette raison, nous insistons sur l'intérêt de présenter au plus tôt le projet de loi attendu.
Je terminerai en évoquant l'audiovisuel à l'extérieur, dont l'importance est croissante et pour lequel notre pays est en retard. De nouvelles orientations ont été définies, en avril dernier, en faveur notamment de l'exportation de programmes sous-titrés pour leur diffusion dans les chaînes étrangères qui ont une grande audience auprès des ressortissants de ces pays. Au moment où la France vient de prendre une position ferme contre l'Accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI, préconisé par l'OCDE, il est en effet judicieux d'encourager l'exportation des programmes français et européens. Quel montant de crédits sera consacré à ce secteur, monsieur le ministre ?
Je terminerai cette intervention en vous remerciant pour les augmentations des bourses scolaires destinées aux élèves français à l'étranger, ainsi que pour les aides sociales. Monsieur le ministre, je voterai votre projet de budget, en regrettant vivement, cependant, qu'il ne prenne pas assez en compte la mondialisation et le développement de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année, en raison de la réforme de l'organisation du ministère des affaires étrangères, le projet de budget de ce dernier intègre les crédits de la coopération.
Au-delà de l'étude des masses budgétaires, cette intervention me permettra d'exprimer quelques réflexions et interrogations sur les grandes orientations de la politique étrangère de notre pays.
En cette fin de deuxième millénaire, marqué, dans ses dernières décennies, par des massacres massifs de population en majorité civiles, par la mondialisation d'une économie ultralibérale et l'émergence hégémonique d'une grande puissance, nous ne pouvons esquiver une interrogation sur le sens des actions diplomatiques de notre politique étrangère.
Pour 1999, le projet de budget des affaires étrangères et de la coopération se caractérise - bien des intervenants l'ont dit avant moi - par une baisse légère de 0,7 % ; les crédits s'élèveront, cette année, à 20,78 milliards de francs, contre 20,92 milliards de francs en 1998. Il y aura donc une contraction des dépenses programmées. Il nous faut cependant noter que les crédits afférents aux affaires étrangères, hors coopération, sont en légère progression, puisqu'ils atteignent 14,8 milliards de francs au lieu de 14,3 milliards de francs. Cette stabilisation se double cependant d'une nouvelle suppression de postes.
Nous voulons marquer de nouveau notre inquiétude sur ces restrictions budgétaires qui se traduisent, pour notre réseau diplomatique et consulaire, par une baisse des moyens de gestion et des effectifs. En effet, comment maintenir les missions de ce réseau à la hauteur des objectifs de notre politique étrangère, avec des effectifs décroissants et des moyens réduits ?
Durant la période 1994-1998, le nombre d'emplois supprimés était de 610. Pour 1999, ce nombre est de 143. Certes, il y a un léger ralentissement des réductions d'emplois, mais cette baisse quantitative en personnel risque d'entraîner des effets qualitatifs pour notre présence à l'étranger.
Sur le terrain, les personnels se retrouvent avec une charge de travail croissante et travaillent dans des conditions souvent difficiles. Malgré leurs compétences et leur dévouement, comment peuvent-ils concrètement répondre aux demandes croissantes dans les consulats et préserver une qualité d'accueil et de service à nos compatriotes et aux populations locales ? Comment, dans ces conditions, garantir un service public satisfaisant, reflet de l'image de la France auprès des populations locales ?
Il nous faut désormais inverser cette tendance, mettre fin à ces réductions et être attentifs aux besoins légitimes qui s'expriment. La présence d'un maillage diplomatique serré et de qualité n'est pas étrangère au rayonnement international de notre pays dans le domaine politique, culturel, mais aussi économique.
Je voudrais maintenant formuler quelques réflexions sur notre politique étrangère. Nous partageons les grands objectifs affichés par M. le Premier ministre, concernant notamment la promotion des droits de l'homme et de la démocratie, la défense de la paix par l'action diplomatique au niveau tant bilatéral que multilatéral, la coopération pour le développement.
Si l'activité diplomatique requiert pour son efficacité la confidentialité dans certaines actions, nous souhaitons cependant une information et une intervention plus fortes des citoyens, de l'opinion publique et de l'ensemble de la société civile. Le monde est devenu un grand village et l'évolution des problèmes de ce dernier ne peut nous laisser insensibles.
La situation en Irak en est une illustration. La France, avec d'autres pays, dans le cadre des organisations internationales, s'est engagée pour éviter une nouvelle intervention militaire.
Nous condamnons fermement le régime de Saddam Hussein et nous nous prononçons clairement, dans ce pays comme dans d'autres, pour l'application des résolutions de l'Organisation des Nations unies. Mais des bombardements massifs réclamés par certains auraient signifié, pour le peuple irakien, encore plus de vies humaines détruites, plus de souffrances, sans apporter de solutions efficaces aux problèmes posés. Voyons l'injustice de l'embargo : au lieu d'inquiéter le dictateur irakien, il soumet tout un peuple à des conditions d'existence intolérables. L'embargo devrait être levé, car la population irakienne connaît une mortalité infantile anormalement élevée, une pénurie de médicaments et la propagation de maladies, sans parler de la sous-nutrition. L'Irak est un pays où, aujourd'hui, les droits humains élémentaires ne sont pas respectés. Aider les Irakiens, ce n'est pas aider Saddam Hussein, au contraire.
A propos de ce pays, une question très préoccupante se pose. Ayant dû arrêter à la dernière limite leurs bombardiers, il semblerait que les Etats-Unis ne s'embarrasseront plus, à la prochaine crise, de l'avis, voire des hésitations de certains et frapperont l'Irak sans autre sommation. Si cela était, les conséquences en seraient, en tous points, extrêmement graves.
Une telle action, complètement dissociée d'un avis du Conseil de sécurité, conforterait l'idée que leur seule décision a force de loi et qu'ils peuvent frapper en toute impunité ceux qu'ils désignent comme l'adversaire à abattre.
Que deviendraient alors les efforts de tous ceux qui veulent construire un véritable droit international, fondé sur la justice et le respect de la dignité des peuples ? Notre pays n'a-t-il pas, avec d'autres, le devoir de souligner ce danger et d'oeuvrer pour le prévenir ? Je ne peux pas me résoudre à penser qu'il nous soit impossible de convaincre de la folie d'une telle décision. La France ne serait pas isolée dans une telle initiative. Elle trouverait le soutien de gouvernements, de responsables politiques, mais aussi d'opinions publiques dans différents pays, y compris aux Etats-Unis.
Le Proche-Orient est une autre zone sensible. L'accord intérimaire de Wye Plantation, signé le 23 octobre dernier, peut permettre, malgré ses contradictions, une relance du processus de paix.
Après un blocage durant plusieurs années par le gouvernement de M. Netanyahu, cet accord peut être un espoir pour les partisans de la paix qui restent cependant d'une extrême vigilance. Ces derniers sont en droit de se demander pourquoi cet accord serait appliqué, alors que les accords d'Oslo ou d'Hébron ne l'ont pas été par le gouvernement Netanyahu.
Les Etats-Unis sont les parrains de cet accord et doivent donc veiller à son application. Mais l'intervention de la France et de l'Union européenne est aussi souhaitée par les partisans de la paix, qu'ils soient Israéliens ou Palestiniens.
En effet, la France et l'Union européenne contribuent concrètement à l'aide au développement en finançant, en particulier, des écoles, des hôpitaux et des emplois pour les Palestiniens. Mais, monsieur le ministre, quelle est l'efficacité de cette contribution européenne si les accords ne sont pas appliqués ?
Certes, l'aéroport de Gaza a été enfin ouvert. Si ce fait nouveau représente un véritable désenclavement incontestablement positif, quel est pourtant, aujourd'hui, le devenir du port qui devait être construit ?
Dans le même temps, le gouvernement israélien intensifie la colonisation en violation des accords internationaux. L'expansion des colonies juives est largement organisée en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et à Jérusalem. Dans cette ville même, la volonté politique planificatrice refuse aux Palestiniens les permis de construire, détruit leurs maisons et leur supprime, à la moindre occasion, les permis de résidence.
Ainsi se met en place un véritable plan de transformation de la ville en la vidant d'une très grande partie de sa population palestinienne. De tels agissements vont-ils dans le sens de la paix ? Je ne le pense pas.
Les partisans de la paix se tournent vers la France et vers l'Union européenne pour demander une intervention en concertation avec les Etats-Unis afin de mettre un terme à de tels comportements. Il en va de l'efficacité de toute action de coopération mais, plus fondamentalement, de l'équilibre de cette région.
La paix durable ne pourra se construire sans la justice et le respect du peuple palestinien et du peuple israélien. L'Union européenne peut-elle accepter ce paradoxe de participer financièrement au développement économique du Proche-Orient en ignorant totalement les violations des engagements internationaux ?
La meilleure prévention des conflits réside dans la correction des déséquilibres économiques et donc dans la coopération pour un réel développement. Tel est l'autre point que je souhaite aborder.
Prenons l'exemple de l'Algérie. Nous souhaitons de toutes nos forces la fin de la violence meurtrière dans ce pays et l'amélioration des conditions de vie quotidienne des Algériens. Aujourd'hui, le chômage touche 80 % des jeunes et les problèmes de logement deviennent insolubles dans les grandes villes.
Il est particulièrement important pour la population algérienne, dans la situation actuelle, de développer de manière accentuée la coopération entre nos deux pays. Si nous ne sommes pas plus présents, d'autres prendront la place que nous n'occupons pas.
La chute du cours du pétrole, le poids de la dette, les plans d'ajustement du Fonds monétaire international pèsent considérablement sur le développement de l'Algérie. L'actualité est d'ailleurs marquée par de nombreux mouvements sociaux dus aux licenciements, résultat de cette logique financière libérale.
La France et l'Union européenne peuvent contribuer davantage à la coopération avec l'Algérie. L'histoire nous lie trop étroitement à ce pays pour ne pas souhaiter développer plus fortement nos relations, dans le respect de la souveraineté et de la construction démocratique des institutions. Construire ensemble des perspectives de développement pour l'avenir de la jeunesse algérienne nous semble être la meilleure réponse pour combattre toutes les forces du passé.
Un autre pays connaît également une situation critique : la Russie.
La France ne peut évidemment pas rester indifférente à la crise financière, politique et sociale en Russie. Il est indispensable d'aider ce pays, compte tenu des exigences d'une situation dont les conséquences, désormais, débordent largement les frontières de cet Etat et interpellent l'Europe et la communauté internationale.
Comme l'a exprimé Robert Hue dans sa lettre au président Chirac, le 1er septembre dernier, je considère que l'intérêt de la France est de ne pas « faire siennes les conditions drastiques mises par les institutions financières internationales à l'octroi des crédits nécessaires au gouvernement russe ». Il me semble que notre pays se doit de prendre l'initiative d'une révision des critères de l'attribution de l'aide. Comme nos deux collègues députés MM. Jean-Louis Bianco et René André le soulignent à l'issue de leur mission à Moscou, le 8 septembre dernier, les solutions libérales ont eu peu de prise dans l'économie russe, et tous deux proposent fort justement une aide publique.
Notre pays peut, dans ce domaine, jouer un rôle actif. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éléments d'information ?
Je formulerai simplement quelques remarques sur l'Afrique, car mon collègue Jean-Luc Bécart développera plus largement ce point dans son intervention.
La France, qui vient d'accueillir le 20e sommet franco-africain, peut se féliciter de l'adoption d'un cessez-le-feu pour l'Afrique des Grands Lacs. L'espoir d'un retour à la paix dans cette région est peut-être revenu, mais, là encore, le développement économique est la base d'un véritable essor du continent.
Nous devons, je crois, adopter une autre logique Nord-Sud, afin d'aider ce continent immense.
Toutefois, il ne suffit pas d'apporter des aides financières, encore faut-il être attentif à leur utilisation. L'exemple de la Bosnie-Herzégovine est, de ce point de vue, significatif. L'aide internationale à la Bosnie pour sa reconstruction et le fonctionnement de ses institutions est importante. Elle est, depuis quelque temps, conditionnée par le degré d'application des accords de Dayton, notamment avec le retour des réfugiés et le développement des privatisations.
Les insuffisances sont criantes et il est question de détournements et de corruption. C'est un problème très préoccupant !
Le Gouvernement dispose-t-il des moyens de contrôler les diverses formes de sa participation à l'indispensable effort de reconstruction de la vie dans cet Etat ?
En conclusion, je souhaite rappeler que les dangers qui menacent la paix et la stabilité du monde s'appellent sous-développement, misère, conséquences de la mondialisation économique libérale, atteintes aux droits de l'homme.
Les solutions à ces problèmes sont loin de relever du simple domaine militaire. Elles demandent d'autres choix, d'autres priorités et de nouveaux moyens. La France a prouvé sa capacité à jouer un rôle reconnu et attendu par la communauté internationale. Elle a su, dans la période récente - et vous y avez contribué, monsieur le ministre - prendre des initiatives, pour éviter l'usage de la force et animer une diplomatie au service du règlement politique des conflits.
Nous vous apportons notre soutien et le groupe communiste républicain et citoyen votera votre budget. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à souscrire aux propos élogieux de M. Mauroy face aux succès obtenus depuis un an par la diplomatie française.
Faute de temps, je me limiterai au seul point de vue de l'élue des Français établis à l'étranger, reportant même à la discussion sur la coopération mes remarques relatives à la diplomatie culturelle et à la coopération internationale.
Monsieur le ministre, nous sommes très satisfaits des deux priorités dont nous avons bénéficié dans ce budget : 10 % d'augmentation des crédits de bourses scolaires, 10 % d'augmentation des crédits d'aide sociale.
Nous vous en sommes d'autant plus reconnaissants que, dans le cadre d'un budget qui continue à se restreindre, ces augmentations n'ont pu être réalisées que par redéploiement. Nous sommes très conscients des sacrifices accomplis en contrepartie sur d'autres postes.
Sachez que ces augmentations représentent une bouffée d'oxygène pour les familles qui ne peuvent plus faire face à l'augmentation des droits de scolarité dans les écoles du réseau de l'AEFE, ainsi que pour les Français les plus démunis que nos consulats ne pouvaient plus secourir ces dernières années.
J'appelle votre attention sur la nécessité de poursuivre cette politique au cours des prochaines années, car la situation était si dégradée qu'un plan de remise à niveau pluriannuel s'impose.
Les satisfactions exprimées, il me faut vous faire part de nos inquiétudes.
Vous avez su, avec ténacité et pugnacité, obtenir que le programme initial des réductions budgétaires les plus préjudiciables à ce ministère soit abandonné. Il n'en reste pas moins que le budget des affaires étrangères continue à être, d'année en année, la victime privilégiée de restrictions qui pèsent d'autant plus lourd qu'elles se cumulent.
Au total, le ministère des affaires étrangères se voit privé des personnels, des équipements et des crédits d'intervention nécessaires au plein accomplissement de ses multiples fonctions.
La capacité des consulats à accomplir leurs missions est en cause. Après l'hémorragie d'agents d'exécution des cinq dernières années - et qui va continuer cette année - les deux tiers des consulats préservent encore les moyens de dispenser aux usagers l'essentiel du service public : locaux accueillants et bien équipés, personnel compétent en nombre suffisant. Bruxelles, Tel-Aviv, Barcelone, Sydney... le monde développé est bien servi ! En revanche, les petits postes, et même de grands postes situés en Afrique et en Amérique latine, n'ont plus assez de personnel compétent pour remplir leur mission envers une population qui s'accroît, dans des locaux parfois inadaptés ou mal équipés. Je citerai à cet égard Tananarive, Abidjan, Dakar, Jérusalem, Buenos Aires. Et combien de petits postes sont réduits à la quasi-cessation de fonctionnement, faute de personnel et de compétences techniques, comme à Tamatave ou à Diégo-Suarez...
De cet état de fait, les Français établis dans les pays pauvres sont les premières victimes, mais aussi les demandeurs de visas, ce qui nuit à l'exécution de l'excellente réforme que vous avez engagée, monsieur le ministre.
Et je ne voudrais pas que l'on se figure qu'un redéploiement de l'Europe vers le reste du monde suffirait à rétablir la situation. En effet, l'expatriation française fait exploser le nombre des immatriculés dans l'Union européenne, et les services consulaires y restent aussi nécessaires qu'ailleurs, en matière tant d'état civil que d'aide sociale.
Il est regrettable, sur ce point, que la référence à la législation européenne ait conduit vos services à engager voilà deux mois une réforme précipitée de l'aide sociale consulaire en Europe.
Dans une première version, on annonçait sa suppression en trois ans. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger s'en est ému, et je vous ai alerté sur ce sujet par un courrier circonstancié, le 3 novembre dernier.
Comment pourrions-nous accepter une telle perspective ? Monsieur le ministre, j'espère que vous donnerez des instructions pour que cette démarche soit rectifiée après consultation du CSFE et de la commission permanente d'aide sociale.
Permettez-moi quelques remarques, enfin, sur la politique du personnel.
Des progrès ont été réalisés et je salue l'unification du régime d'indemnités familiales. Je crains cependant que, dans le cadre de la réforme des statuts, les spécificités du métier de diplomate ne soient pas assez valorisées. Quand aurons-nous une école de la diplomatie, avec une véritable formation aux diverses fonctions, et une politique de gestion du personnel inspirée par l'utilisation des compétences plus que par la référence dominante au corps et au grade ?
Je terminerai sur la situation des 5 700 agents recrutés locaux, dont 1 200 Français. Je rappellerai d'abord que 2 200 d'entre eux remplissent des missions administratives normalement dévolues aux fonctionnaires. Nous attendons les conclusions du rapport Amyot, que nous vous remercions d'avoir commandé. Mais, dans le cadre de ce budget, les postes pourront-ils améliorer la condition des personnels précaires pourtant indispensables à leur fonctionnement ?
On pourrait déjà, à coût nul, mettre fin à l'arbitraire dans les recrutements et dans les licenciements et faire que tel recruté local ne puisse plus être licencié sur le fondement d'accusations infamantes et sans procédure contradictoire. Or, sans crédits, comment revoir les grilles de salaire, garantir enfin une assurance maladie, une assurance vieillesse, une assurance chômage ? M. le Premier ministre a fait remarquer, récemment, que la précarité ! sociale commençait dans l'entreprise. Mais l'Etat employeur, lui aussi, organise la précarité !
Au total, ce sont les personnels du bas de la pyramide qui paient la plus lourde contribution aux restrictions budgétaires. C'est pourquoi il me paraît inacceptable que l'avant-projet de loi sur les agents de l'Etat élimine, par son article 2, tous les contractuels de votre ministère en poste à l'étranger, quelle que soit leur fonction, du bénéfice d'un contrat de droit public.
Au contraire, cette loi devrait être l'occasion de mettre en place des normes justes, adaptables à la diversité des situations, pour les agents qui concourent à la mission de service public du ministère des affaires étrangères. N'acceptons plus que la précarité, pour les Français à l'étranger, commence au sein même des postes diplomatiques.
Nous savons pouvoir compter sur vous, monsieur le ministre, pour que les orientations générales du Gouvernement - lutte pour l'emploi, lutte contre la précarité et la pauvreté - continuent à inspirer et orientent avec vigueur la politique de votre ministère envers ses agents et envers toutes les catégories de Français à l'étranger. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand. C'est sur le Conseil supérieur des Français de l'étranger que je veux, monsieur le ministre, profiter de ce moment privilégié qu'est l'examen du budget de votre ministère pour attirer et retenir votre bienveillante attention.
Je souhaiterais à la fois connaître votre sentiment sur quelques idées destinées à accroître son efficacité, et m'assurer que les crédits prévus sont suffisants pour entreprendre sa nécessaire évolution.
Créé il y a cinquante ans pour « défendre les intérêts des Français expatriés », le Conseil supérieur des Français de l'étranger, le CSFE, est une institution irremplaçable dont le bilan est largement positif.
Il a, depuis sa naissance, heureusement évolué, et il faut à ce sujet saluer les actions très positives entreprises par son secrétariat général au sein de la direction des Français de l'étranger, en particulier en ce qui concerne l'utilisation des nouvelles technologies, qui s'est traduite par l'ouverture d'un site Internet inauguré en septembre dernier par M. le président de la République.
Mais, après un demi-siècle d'existence, il faut adapter le CSFE aux enjeux du moment, redéfinir sa mission en l'élargissant et faire évoluer son organisation et son fonctionnement afin de lui permettre d'assurer plus efficacement l'intégralité de son nouveau rôle.
Il faut, tout d'abord, redéfinir sa mission en l'élargissant. Outre la défense des Français expatriés, qui doit rester son rôle de base, il devrait se voir expressément chargé de participer au développement de cette communauté des Français établis hors de France, à son identification et à son animation.
En clair, il devrait être l'inspirateur et, oserais-je dire, l'aiguillon de la politique de l'expatriation dont nous avons besoin.
Je voudrais vous rassurer, mes chers collègues, je ne suis pas en train de prêcher en faveur de la fuite des cerveaux. Je constate simplement, comme chacun peut le faire, que notre présence et notre rayonnement dans le monde sont étroitement liés à la richesse et au dynamisme de nos communautés expatriées. Je regrette que, comme vous le savez, nous soyons beaucoup moins nombreux que nos grands concurrents à nous installer hors de nos frontières.
Qui, mieux que les délégués au CSFE, Français appartenant à tous les milieux socioprofessionnels et vivant à l'étranger, pourrait contribuer à cette politique volontariste destinée à créer des emplois français hors de France, à assurer l'identification de tous les réseaux d'influence en faveur de notre pays ainsi constitués et à les animer ?
Mais il nous faut, en même temps, donner au CSFE les moyens d'une plus grande efficacité.
Pour cela, il me paraît que, sans bouleversements majeurs, un certain nombre de mesures, en général peu onéreuses, parfois à coût nul, devraient être engagées.
Première mesure : le CSFE souffre gravement d'un manque de suivi dans son action. Entre l'assemblée plénière annuelle, les trois réunions du bureau permanent et les rares réunions de commission que son budget autorise à ces occasions, il ne se passe rien ou presque. Ainsi, les actions engagées font long feu, deviennent obsolètes faute d'adaptation à l'évolution de la situation et, un an plus tard, le CSFE apprend avec tristesse qu'il n'a pu être répondu favorablement à un voeu... que certains, d'ailleurs, ont déjà oublié.
Alors, pourquoi ne pas lui affecter des administrateurs permanents, deux, par exemple, un pour deux commission permanentes ? En liaison constante avec les présidents, les rapporteurs ou tout membre désigné ad hoc par la commission, ils assureraient le suivi des actions engagées à travers les voeux, avis et motions formulés et prépareraient des travaux féconds pour les prochaines réunions.
Deuxième mesure : même si, lors des auditions en commission, le dialogue s'établit naturellement avec les représentants des administrations concernées et si des contacts bilatéraux prolongent souvent officieusement ces entretiens, il serait souhaitable qu'il soit officiellement dit que le contact direct avec ses interlocuteurs finaux est la manière naturelle de travailler du CSFE.
De même, si le dialogue avec les fonctionnaires représentant l'administration est indispensable, la nature des préoccupations exprimées et des sujets débattus est telle qu'il paraîtrait normal que les responsables politiques des ministères soient, chaque fois que nécessaire, appelés à participer aux travaux des commissions.
Troisième mesure : sur le terrain, même si, nous le savons, les circonstances sont extraordinairement diverses d'un pays à l'autre, ne devrait-on pas rendre systématiques des réunions à intervalles réguliers entre nos chefs de mission diplomatiques et consulaires, entourés de leurs principaux collaborateurs, et les membres du CSFE ?
Loin de constituer une perte de temps, bien compris et bien dirigés, ces entretiens permettraient d'évoquer sérieusement tous les problèmes de nos compatriotes résidant dans le pays. Les délégués, sollicités par nos postes, feraient également remonter toutes les informations et les suggestions utiles à nos intérêts, valorisées par leur connaissance du terrain et de l'environnement.
Quatrième mesure : tout comme le CSFE, ses membres ont grand besoin de se voir mieux reconnus. Vous le savez, monsieur le ministre, il est temps de les doter de ce statut qui leur donnera les moyens d'accomplir leur mission devenue plus large, et donc encore plus fondamentale pour le développement de notre présence dans le monde.
Enfin, pour bien semer, pour rayonner et être entendu, le CSFE a besoin d'être connu en France et à l'étranger. Il doit mieux communiquer. Il faut l'encourager et le soutenir dans les initiatives en cours destinées à sensibiliser les médias à son rôle et à son action.
Telles sont, monsieur le ministre, brièvement esquissées, les pistes sur lesquelles nous voudrions rapidement avancer avec vos services.
Le contexte de mondialisation rend aujourd'hui le CSFE particulièrement important pour la France.
Le moment est venu de lui donner sa forme moderne, de le doter d'une nouvelle personnalité et de lui confier une mission ambitieuse à la mesure de la foi qui anime ses membres. Il faut leur faire confiance !
Nous savons que son président - que vous êtes - partage cette ambition. Alors, il nous faut sans tarder engager ces mesures et faire en sorte que le projet de budget que nous examinons aujourd'hui ne puisse en aucun cas être un obstacle à cette première étape.
Merci, monsieur le ministre, de m'avoir écouté. Nous avons besoin de votre soutien. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget des affaires étrangères annonce-t-il une nouvelle orientation ?
En effet, la fusion du budget des affaires étrangères et de la coopération résulte peut-être d'un souci d'économie par la fusion de deux structures faisant souvent double emploi, générant parfois des problèmes hiérarchiques qui nuisent à la cohérence de l'action extérieure de la France, mais ce budget semble surtout indiquer que les affaires étrangères font passer les objectifs économiques de notre diplomatie avant l'héritage de l'Histoire.
C'est un changement profond.
Monsieur le ministre, doit-on considérer cette réforme comme la première étape d'une révolution culturelle qui aurait pour axe majeur de confier à votre ministère la totale responsabilité de l'action extérieure ?
En effet, comme l'a rappelé le rapporteur spécial, M. Chaumont, le ministère de l'économie et des finances dispose aujourd'hui de moyens supérieurs aux vôtres pour mener son action extérieure.
Je voudrais espérer une inversion de la baisse quasi ininterrompue de votre budget depuis le début des années quatre-vingt - baisse de 0,5 % l'an dernier, baisse de 0,7 % cette année calculée sur le total des deux dotations - et ne retenir que l'augmentation de 2,2 % du budget affaires étrangères stricto sensu. Je viens de dire « espérer » car l'orientation budgétaire des affaires étrangères au cours de ces quinze dernières années est significative : si on prend la base 100, les effectifs du Quai d'Orsay se situent aujourd'hui à 95 tandis que l'ensemble de la fonction publique est passé à 115.
Cette évolution des effectifs ne tient aucun compte de l'évolution du monde. La disparition des blocs donne plus d'autonomie aux diplomaties et l'augmentation du nombre de pays aurait dû entraîner une augmentation notable du budget des affaires étrangères sur cette période.
Je retiendrai dans ce projet de budget les efforts financiers consentis en faveur de la coopération culturelle scientifique et technique, notamment les 55 millions de francs consacrés à un dispositif de bourses d'excellence et à la promotion de formations supérieures françaises. Cette décision contribuera à faire cesser l'érosion de l'apprentissage de la langue française dans le monde, incitant peut-être les jeunes générations à découvrir la littérature française directement dans sa langue d'origine et non par l'intermédiaire d'une traduction anglaise, comme c'est, hélas ! trop souvent le cas.
S'agissant de la politique audiovisuelle de la France, je soulignerai que 130 millions de francs alloués c'est mieux, mais c'est peu. C'est un début de résistance à une vision du monde qui passe presque exclusivement par le filtre anglo-saxon de CNN, NBC ou de la BBC.
Monsieur le ministre, si la fusion des budgets de la coopération et des affaires étrangères a aussi pour origine la volonté de faire primer l'économique sur notre histoire, vous vous devez de réviser les clefs de répartition des bourses.
Aujourd'hui, 50 % des étudiants étrangers en France sont africains, 12 % sont asiatiques. Est-ce le bon équilibre, en faisant la part de l'histoire et de l'économie ? Si l'on note que le pourcentage des étudiants asiatiques baisse, n'est-il pas indispensable de faire un effort considérable en faveur de cette région pour que l'axe économique et culturel du monde ne bascule pas définitivement vers le Pacifique ? Comme je le rappelais dans mon intervention sur le budget du commerce extérieur, les Etats-Unis, dans le même temps, accueillent cette année 20 000 étudiants chinois.
En ce qui concerne les bourses, le message de la France envers les étudiants étrangers est déjà très brouillé par la multiplicité d'intervenants publics - autres ministères, collectivités locales, CNRS, ENA, notamment - sans compter les intervenants privés.
Il est donc regrettable que la stratégie envers les quelque 25 000 bénéficiaires des bourses du gouvernement français, qui dépendent directement de votre ministère, ne soit pas claire. Les ministères des affaires étrangères et de la coopération ont jusqu'à présent adopté des stratégies opposées : la coopération a voulu aider au développement des pays d'origine des bénéficiaires, alors que, depuis 1994, le ministère des affaires étrangères a opté pour une conception offensive et économique de la politique des bourses. Par ailleurs, le nombre de bourses attribuées par le ministre de la coopération a augmenté, tandis que le nombre de celles qui sont accordées par le ministère des affaires étrangères a diminué.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer en nous confirmant que, dans le cadre de cette fusion, la logique du Quai d'Orsay l'emportera pour servir notre économie dans des pays à fort potentiel ?
Un véritable redéploiement géographique permettrait d'adapter la répartition aux mutations économiques. A l'exception des pays d'Europe centrale et orientale, les PECO, qui ont vu quadrupler le nombre de bourses attribuées à leurs ressortissants en dix ans, l'inertie est la caractéristique majeure de cette répartition. Par exemple, la part des bourses accordées aux pays d'Asie n'a pas progressé sur cette même période.
Ensuite, il s'agirait de remettre à plat la répartition des boursiers par discipline, les sciences humaines représentant plus de 40 % des formations, tandis que l'informatique n'entre que pour 1 % dans les formations suivies. Cela ne contribue pas à donner une image moderne de notre pays !
Enfin, le système des bourses publiques exige une évaluation et un suivi qui n'existent pas ; évaluation nécessaire, car près de 700 millions de francs sont investis annuellement sur des fonds publics ; suivi indispensable, car près de 25 000 jeunes retournent ensuite dans leur pays sans qu'on sache ce qu'ils deviennent. C'est là, monsieur le ministre, une politique à fonds perdus ! Ne serait-il pas possible de transmettre le nom de ces boursiers, avec leur autorisation, aux services du commerce extérieur, de manière qu'ils servent de relais économiques une fois de retour dans leur pays ?
Je parlerai également des jeunes Français qui souhaitent acquérir une expérience à l'étranger. Pour ouvrir la France au monde, pour augmenter ses chances de s'intégrer dans la mondialisation, pour mieux contrebalancer les incidences de la suppression du service national, pour servir de futures têtes de pont à l'économie française, ne peut-on imaginer la création d'un Peace corps à la française, système qui a permis à 150 000 jeunes Américains, hommes et femmes, de servir leur pays dans 132 pays du monde ?
La présence de citoyens français hors de nos frontières est un vecteur indispensable à notre économie. Nous saluons donc l'augmentation de 5,4 % destinés aux Français de l'étranger.
M. Hubert Durand-Chastel. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, j'ai souligné les tendances positives de votre budget, mais ces tendances ne permettent pas de définir quelle est votre stratégie. Après une trop longue période de diète, votre budget est encore convalescent. Vous ne pouvez mener toutes les actions que vous souhaiteriez entreprendre. Vous êtes condamné à choisir. Pour être la plus efficace possible, votre stratégie doit être en phase avec les aspirations des pays où elle veut s'appliquer. Par la qualité des hommes, par son image, la France peut se permettre de ne pas mettre totalement sa diplomatie au service de son économie. Il est important aussi qu'elle apparaisse désintéressée dans certaines situations, mais la convergence des intérêts politiques et économiques constitue évidemment un élément déterminant.
L'axe géopolitique allant de la Caspienne au Moyen-Orient rassemble ces éléments.
Nos amis américains ont du mal à apparaître impartiaux, voulant maintenir leurs liens privilégiés avec Israël et contrôler les hydrocarbures arabes. Engagez une politique arabe qui, depuis vingt ans, n'est qu'ébauchée. L'iran est, encore pour un temps, en dehors de la sphère économique américaine ; votre récente visite dans ce pays a été un pas important. Mais nous sommes encore trop timorés envers ce pays sans lequel le problème du Moyen-Orient ne pourra se régler, pays clef par ses richesses économiques et parce qu'il offre une sortie naturelle à celles de la Caspienne.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Dans cette zone, nous sommes loin derrière les Etats-Unis et nos amis de l'Union européenne pour ce qui est de la présence économique, alors que cette zone est très prometteuse. Nous sommes peu actifs politiquement dans ce carrefour de peuples, de langues et de religions, à fortes incertitudes. Ainsi, aucun ministre de notre pays ne s'est jamais rendu au Turkménistan et en Ouzbékistan depuis leur indépendance ! Les pays de la Caspienne ne veulent pas passer de la dépendance soviétique à l'hégémonie américaine. Nous y avons un rôle important à jouer et notre présence y est souhaitée.
Monsieur le ministre, vous menez une politique sereine. Vous avez convaincu M. le secrétaire d'Etat au budget d'augmenter, certes modestement, vos crédits. Vous m'avez convaincu de le voter.
M. le président. La parole est à M. Del Picchia M. Robert Del Picchia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nouveau dans cette assemblée, je ne tenterai pas une analyse de la politique extérieure de la France, mais je me suis imposé une très courte réflexion.
Qu'est-ce qui fait l'importance d'une grande nation ? Pour les Etats-Unis, c'est certainement la puissance militaire ; pour la Russie d'aujourd'hui, la puissance géographique ; pour la Chine, la puissance démographique ; pour le Japon et l'Allemagne, la puissance économique. Et pour la France ? A mon humble avis, ce sont trois éléments différents, mais complémentaires : la puissance nucléaire, l'appartenance au Conseil de sécurité, qui découle d'ailleurs du premier élément, et, surtout, sa politique étrangère et de coopération, qui implique son rayonnement dans le monde et la francophonie.
Le XXe sommet France-Afrique vient de confirmer superbement ce rôle. La France était le seul pays au monde à pouvoir réunir presque tous les pays africains au plus haut niveau.
Si l'un de ces trois facteurs devait disparaître ou perdre de son importance, on pourrait craindre que la France ne soit, non plus parmi les grands, mais parmi les moyens, tout simplement. Or la tendance budgétaire semble aller dans cette direction.
Cela explique, monsieur le ministre, l'attention que nous portons à ce projet de budget et à votre action diplomatique.
S'agissant de votre action diplomatique, tout le monde le reconnaît, on doit vous accorder une bonne note. M. le Président de la République lui-même loue votre action positive.
Si toutefois nous félicitons le ministre, il en va tout différemment du budget. Même si on peut noter des points plutôt positifs dans ce projet de loi de finances, on constate des lacunes importantes qui nous inquiètent et des questions qui restent en suspens en raison, pensons-nous, des crédits insuffisants.
A cette heure avancée de la nuit, je ne reviendrai pas sur les chiffres. Les points ont été évoqués mais, comme on dit, il faut enfoncer le clou. Je poserai donc quelques questions.
La double question qui se pose concernant les effectifs est la suivante : est-ce le manque de crédits qui vous fait supprimer ces emplois et, plus important encore, est-ce que ce seront bien les dernières suppressions ?
En ce qui concerne le volontariat international, monsieur le ministre, nous aimerions bien connaître rapidement le contenu du projet de loi, afin que les membres du Parlement puissent s'en saisir et que les membres du CFSE donnent leur avis.
De notre point de vue, bien sûr, nous approuvons les dispositions en faveur des Français de l'étranger pour l'assistance et la solidarité et éprouvons, bien sûr, de l'inquiétude, bien sûr, après l'annonce d'une incompatibilité avec le règlement européen du versement de ces allocations de solidarité.
Une étude a bien montré que cette allocation serait bien conforme à la réglementation européenne. Monsieur le ministre, nous aimerions une clarification et la confirmation que l'augmentation de 11,37 % sera bien maintenue en volume d'aides, car nous avons eu beaucoup de mal à accepter de voir abandonner les allocations de solidarité versées aux Français nécessiteux et handicapés qui résident à l'étranger.
Parallèlement, il est fort regrettable d'enregistrer une baisse de 24 % des crédits destinés à la sécurité des Français dans le monde. Cette tendance est tout à fait contraire au développement des conflits et de l'insécurité dans le monde.
Expliquez-nous, monsieur le ministre, comment vous voulez assurer cette sécurité avec un budget amputé d'un quart de ses moyens ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, une des conditions à l'expatriation et un des atouts majeurs de la présence française à l'étranger, c'est l'enseignement du français à l'étranger. Il est le meilleur du monde, chacun le reconnaît.
L'effort de l'Etat est appréciable, la dotation à l'AEFE est de 2 milliards de francs, mais rappelons que les parents d'élèves paient leur part, ce que l'on oublie peut-être. Leur contribution est aussi importante que celle de l'Etat, soit 1,9 milliard cette année.
Peu de Français en métropole savent que, contrairement à ce qui se passe sur le territoire national, les écoles françaises à l'étranger sont aussi payantes pour les élèves français, les frais de scolarité s'élevant en moyenne de 10 000 francs à 12 000 francs par enfant et par an.
Il est vrai, monsieur le ministre, que vous nous annoncez deux mesures positives.
Il s'agit d'abord de l'augmentation de 5,49 % de la dotation à l'Agence et, ensuite, de l'augmentation de 20 millions de francs des bourses scolaires, qui est la plus importante après celle d'Alain Juppé : 50 millions de francs.
On applaudit certes, mais on remarque, pour le premier point, que l'augmentation des crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger est pratiquement épongée par ce que l'on appelle les frais fixes, c'est-à-dire les revalorisations de salaires et les ajustements.
Quant aux bourses, on applaudit aussi, mais l'augmentation de l'enveloppe ne suffira pas, vous le savez, à rattraper la demande en raison de l'augmentation sensible du nombre de boursiers, qui est passé de 13 000 en 1993 à plus de 18 000 en 1998.
Malgré les efforts consentis, monsieur le ministre, et bien que l'on nous affirme régulièrement qu'aucun enfant français à l'étranger ne doit être exclu de l'enseignement pour raison financière, nous sommes obligés de constater que ce n'est toujours pas le cas. En effet, trop souvent, des familles à revenu modeste gagnent trop pour bénéficier des bourses, mais pas assez pour payer le lycée.
Par ailleurs, lorsque l'on parle d'exclusion pour raisons financières, il faut se poser la question : que va-t-il se passer à l'avenir ? Il y a de plus en plus d'enfants français dans les écoles à l'étranger et l'on ne peut pas augmenter le nombre de ces écoles indéfiniment. Ne faudra-t-il pas ouvrir une réflexion à ce sujet ?
Mais, pour ce qui concerne l'Agence, nous éprouvons une autre inquiétude, monsieur le ministre : le peu de moyens et la faiblesse des dépenses d'investissement sont extrêmement regrettables parce que nos écoles à l'étranger ont besoin d'être entretenues et rénovées, certaines sont en effet en triste état. C'était le cas récemment à Damas, et c'est toujours le cas à Bangkok.
L'Agence est-elle condamnée à gérer indéfiniment la pénurie ? Les parents d'élèves participent, bien sûr, mais cela ne fait qu'augmenter les frais de scolarité et crée d'autres problèmes.
Je terminerai mon intervention en évoquant l'audiovisuel. Les crédits qui lui sont consacrés représentent 10,68 % de votre budget. On est satisfait avec les 130 millions de francs.
Il est toutefois très regrettable que ces mesures nouvelles proviennent en partie d'économies sur RFI, qui, malgré les critiques de certains, reste un vecteur important pour le réseau mondial de la présence française à l'étranger et de la francophonie.
Sur ces 130 millions, on nous dit que l'on va soutenir l'exportation de programmes audiovisuels, aider le transport satellitaire et améliorer les programmes de TV 5.
Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que, pour le domaine satellitaire, l'horizon est plutôt bouché. Aujourd'hui, l'impact de l'audiovisuel extérieur est très limité. En effet, à l'extérieur de notre pays, on ne peut suivre les programmes de télévision française que contre paiement soit par câble, soit en payant le décryptage des bouquets satellites et en achetant des paraboles plus grandes.
On peut dès lors se demander s'il ne serait pas préférable de financer un support satellitaire libre comme le font tous les autres pays. Qu'on ne mette pas en avant les droits à verser aux ayants droit. Des pays comme la Pologne, Chypre, le Portugal ou la Norvège le font. Ces pays ne sont pourtant pas plus riches que la France.
Enfin, et ce sera mon dernier autre regret, ces objectifs pour l'audiovisuel extérieur manquent quelque peu de vision et d'engagement pour l'avenir.
A l'heure où les chaînes de télévision vont s'installer sur Internet, si nous voulons lutter contre les films américains, il est urgent de penser à installer une chaîne publique française sur ce nouveau média, afin à notre tour d'envahir culturellement les Etats-Unis, à un coût peu élevé. Cela serait certainement beaucoup plus efficace pour les prochaines années.
Ne nous le cachons pas, monsieur le ministre, s'agissant de l'audiovisuel extérieur, nous avons tous manqué le développement de la télévision satellitaire.
De grâce, ne faisons pas la même erreur pour le multimédia, et c'est un ancien responsable du secteur audio-visuel qui vous le dit.
Voilà, monsieur le ministre, toute une série de questions pour lesquelles les Français de l'étranger attendent des réponses.
Je conclurai en disant tout simplement que l'approbation de ce projet de loi de finances est plus liée à votre politique étrangère, à la politique étrangère ambitieuse de l'Etat qu'aux moyens mis en oeuvre pour sa réussite. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le ministre, dans mon rapport pour avis, je vous avais fait part de mes appréciations concernant l'action culturelle extérieure de la France. Je souhaiterais maintenant vous présenter quelques remarques complémentaires sur l'ensemble de votre budget.
Sur le plan des principes, on entend peu de critiques sur votre volonté de globaliser l'action extérieure de la France par la fusion du ministère des affaires étrangères et celui de la coopération. Cependant, ce nouvel instrument, rénové et élargi, ne peut être efficace que s'il peut disposer de crédits suffisants. Or, force est de constater que, depuis 1992, la part du budget des affaires étrangères dans le budget de l'Etat ne cesse de diminuer, puisque, de 1,68 % en 1992, elle n'est plus que de 1,28 % pour 1999, ce qui entraîne, pour 1999, la suppression de cent quarante-trois emplois au titre des affaires étrangères, et treize au titre de la coopération. Ainsi, depuis 1992, plus de huit cents emplois auront été supprimés au ministère des affaires étrangères !
Il est dangereux de laisser se poursuivre cette décroissance des moyens. Moins d'effectifs, moins de crédits sont affectés à notre diplomatie. Et tous les ans, la même question revient sur les ambitions légitimes et affichées de notre diplomatie, contrées par les moyens en diminution consacrés au ministère des affaires étrangères.
Les sollicitations extérieures augmentent. Les crises internationales dans lesquelles la France agit se multiplient. La concurrence économique nous oblige à redoubler nos efforts sur les marchés étrangers. Les tâches liées au développement prennent une ampleur inédite. N'oublions pas à ce propos la défense et la diffusion de notre langue et de notre culture.
Votre oeuvre réformatrice ne pourra être complète sans une modification du rôle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie dans la politique extérieure de la France. L'action économique extérieure ne peut-elle être rattachée au ministère qui a la charge de la politique extérieure de la France ? Une meilleure coordination de tous les moyens financiers et humains qui concourent au rayonnement culturel, économique et politique de la France, est-ce une utopie ?
En outre, beaucoup d'agents du ministère des affaires étrangères, et plus encore ceux de la coopération, exerçaient leurs tâches sur des bases géographiques. Or la fusion va entraîner pour eux de grands efforts de réadaption, puisque les critères seront maintenant ceux du « métier ». Cette transformation des habitudes et les nouvelles adaptations auraient dû plutôt s'accompagner d'une augmentation du nombre de vos agents, ainsi que de moyens plus importants pour assurer leur indispensable recyclage.
Vous n'êtes pas non plus en mesure d'appliquer un certain nombre de textes gouvernementaux. Par exemple, la titularisation au titre de la loi Perben des agents administratifs recrutés locaux à l'étranger. Sur 5 530 recrutés locaux du ministère des affaires étrangères, 2 200 exercent des fonctions administratives, et, parmi eux, 1 200 sont français. Il n'est pas possible de négliger les personnels locaux, qui représentent désormais 75 % des agents d'exécution dans les postes, contre 22 % de titulaires et 4 % de contractuels. Dans son raport annuel, l'inspection générale a d'ailleurs estimé que l'emploi des recrutés locaux était « une bombe à retardement ». Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ?
Il n'est pas certain qu'une décision de déconcentration des moyens et des responsabilité en matière de recrutement local, confiée aux ambassadeurs afin de décharger l'administration centrale, n'apparaisse pas à la limite comme une fuite déplorable. Nous attendons avec beaucoup d'intérêt le rapport de M. Amiot sur le recrutement et la gestion des personnels locaux. Pouvez-vous nous dire quand ce rapport vous sera remis, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, les sénateurs représentant les Français à l'étranger regardent avec beaucoup d'attention le fonctionnement du service central de l'état civil à Nantes. La modernisation s'effectue, mais le manque d'agents reste très important. Les évaluations sur la numérisation de masse des actes, prévue à partir de mars 1999, étaient de 100 000 par an pour l'Algérie, alors que le service enregistre déjà 138 000 demandes. Un recours plus nombreux à des vacataires sera donc indispensable.
Enfin pensez-vous que votre budget puisse vous permettre d'appliquer la circulaire du Premier ministre à ses ministres, du 3 juin 1998, relative à la préparation des programmes pluriannuels de modernisation des administrations ?
Je vous rappellerai le point 4 de cette circulaire de M. Jospin, qui « vous invite à développer une gestion des ressources humaines qui aille au-delà d'une simple administration du personnel pour mieux répondre aux besoins des services, favoriser l'initiative et la prise de responsabilité, et aussi mieux répondre aux aspirations des agents. Chaque ministère se dotera, d'une part, des outils de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences et, d'autre part, d'une capacité de conseils aux agents ». Monsieur le ministre, comment comptez-vous faire pour satisfaire les désirs exprimés par M. Jospin dans sa circulaire ?
La réforme administrative s'accompagnera, ainsi que M. le Premier ministre l'a annoncé au mois de février dernier, de la définition d'une zone de solidarité prioritaire et non plus sur le seul précarré. Mais on comprend que, à l'occasion du sommet Afrique-France, ainsi que le titrait un quotidien, « les chefs d'Etat africains se bousculent à Paris quand la France sort de son précarré ».
Les contours de la zone de sécurité prioritaire ne sont pas connus, et je pense qu'il aurait été plus habile de votre part d'avoir attendu que la conférence soit terminée, le principe étant qu'elle devrait comprendre les pays les moins développés en termes de revenus et n'ayant pas accès au marché des capitaux.
Là encore, nous assistons à une différence de conception fondamentale entre le ministère des affaires étrangères et Bercy.
D'après ce que je peux supposer, vous souhaiteriez l'élargir à un maximum de pays pour affermir le rayonnement de la France, et Bercy souhaite au contraire en limiter le nombre.
J'aurais pu aussi vous interroger sur la situation et l'avenir de quelques établissements. Je pourrais me livrer à une simple énumération, mais les problèmes sont très différents suivant les cas : problèmes de construction, de fonctionnement, ou de terrain. Je citerai donc simplement le cas des établissements de Moscou, de Rome, d'Ankara, de Milan, de Tananarive, de Hong Kong.
Voilà, monsieur le ministre, les questions que j'ai souhaité vous poser et qui prouvent combien je partage vraiment très sincèrement vos soucis. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année restera dans l'histoire de notre organisation diplomatique comme celle de l'intégration du ministère de la coopération au sein du ministère des affaires étrangères. Il est donc quelque peu paradoxal que l'organisation du travail parlementaire et ses retards nous amènent à débattre, aujourd'hui, des crédits consacrés aux affaires étrangères et, demain soir seulement, de ceux de la coopération et de la francophonie.
Rapporteur pour avis des crédits de la francophonie, j'avais décidé d'intervenir aussi dans le présent débat afin de m'attacher à développer, à titre personnel, quelques réflexions qui me semblent complémentaires de l'examen du budget que je suis chargé de rapporter.
Première remarque, nous sommes fiers de l'importance de notre réseau diplomatique et consulaire, dont nous rappelons à l'envi qu'il est le deuxième du monde. Cela traduit notre volonté d'être des acteurs majeurs de la vie internationale, présents et actifs partout.
Mais il ne faudrait pas que cette affirmation trouve bientôt sa limite dans la lente mais constante décroissance des moyens du ministère, car telle est bien la réalité.
Je ne le dis pas par souci de critique. Cette lente érosion des moyens est une constante dont nous portons tous la responsabilité. Mais il faut regretter que la France ne donne pas à votre ministère des moyens en rapport avec les ambitions mondiales qui lui sont assignées. Je le dis non pas pour critiquer, je le répète, mais pour aider, si cela est possible, dans les négociations à mener avec un ministère de l'économie et des finances qui sait trop bien, hélas ! que les diplomates, eux, se mettent rarement en grève.
Vous me permettrez d'évoquer ici plus particulièrement notre diplomatie culturelle. Elle est une spécificité française, une tradition au service du rayonnement de notre langue et de notre culture.
Nous avons, certes, un réseau incomparable de centres culturels et d'instituts ; nous avons des conseillers et des attachés culturels et linguistiques partout. Mais ce réseau voit ses effectifs diminuer année après année. Ainsi, la DGRCST a perdu 180 postes entre 1996 et 1998. Et qu'adviendra-t-il en 2002, quand nous ne pourrons plus compter sur les 1 200 CFN, qui vont maintenant relever de la nouvelle direction générale de la coopération internationale du développement, et sur les 450 CFN de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger ?
Faut-il aussi évoquer ici le désarroi d'attachés culturels et linguistiques qui voient fondre les crédits dont ils disposent et s'interrogent sur les actions qu'il leur sera encore possible de mener ? Il faut que cette tradition française, la diplomatie culturelle, dispose des moyens de son efficacité. Cette nécessité, monsieur le ministre, nous voulons vous aider à la faire prévaloir.
Cette année encore, il m'a été donné d'être membre de la délégation française à l'ONU. J'en ai profité pour me renseigner sur notre présence culturelle, si nécessaire, bien sûr, à New York. Nous disposons en cette ville d'un remarquable institut, et Mme Trautmann a pu, en octobre, inaugurer une très belle bibliothèque qui nous fait honneur et qui a pu être réalisée à l'aide de fonds collectés auprès d'entreprises implantées aux Etats-Unis. Mais, par définition, un tel équipement ne concerne évidemment qu'une élite.
En revanche, notre présence sur les ondes ou les images est très insuffisante. RFI n'a pu conserver les créneaux horaires intéressants dont elle avait un moment disposés. Quant aux chaînes de télévision, nous n'y sommes pas présents, et cela dans la première agglomération du monde, où vivent des dizaines de milliers de francophones et où siège l'ONU.
Quant à faire des études en français à New York, c'est évidemment possible grâce à l'excellent lycée français. Mais il faut disposer de solides moyens financiers. C'est ainsi que les enfants des diplomates francophones à l'ONU, à l'exception de quelques privilégiés qui obtiennent des bourses de la francophonie, doivent se résigner à s'inscrire dans des établissements anglophones.
Comment, après cela, demander aux diplomates représentant souvent des pays pauvres de défendre la francophonie dans les instances internationales ? Ce problème est irritant ; il n'est pas nouveau et est reposé chaque année sans qu'une solution soit véritablement trouvée.
L'évolution est bien lente aussi dans le domaine de l'audiovisuel francophone. MM. les rapporteurs en ont bien parlé. Dans mes déplacements, je constate, comme chacun d'entre nous peut le faire, que les chaînes francophones sont peu nombreuses même dans les pays phares de la francophonie, tel le Liban. Et la comparaison, je ne dirai pas avec CNN, mais avec BBC World Service ne nous est guère favorable !
Je souhaite donc ardemment que nous puissions enfin, l'an prochain, constater des progrès significatifs dans un domaine qui est évidemment essentiel.
Je ferai encore une remarque sur les contributions volontaires.
La France, à la différence des Etats-Unis, paie ses contributions obligatoires. Elle est même un exemple, et les difficultés de votre budget vous ont obligé, monsieur le ministre, comme vos prédécesseurs, à limiter les contributions volontaires versées par notre pays. Cela affecte, ou affectera bientôt notre place et notre audience dans certains organes des Nations unies où nos représentants disposent d'une place actuellement très supérieure à l'état actuel de notre participation financière.
A juste titre, M. André Dulait, dans son rapport, évoque comme point fort de politique étrangère, le renforcement des solidarités créées par l'histoire.
Ces solidarités créées par l'histoire s'expriment d'abord par notre action en faveur de la francophonie et la constitution progressive de ce que M. Boutros Boutros-Ghali propose d'appeler l'organisation internationale de la francophonie.
De sommets en conférences ministérielles - la prochaine conférence s'ouvre après-demain à Bucarest -, cette dimension de notre présence au monde se structure et se renforce.
Mais la France, au travers de son opinion publique, de ses médias et d'une partie de ses élites, donne souvent l'impression de demeurer sceptique, et nos amis africains ou québécois s'inquiètent : la France croit-elle vraiment à la francophonie ?
C'est pour combattre cette interrogation par un acte fort que des sénateurs appartenant à tous les groupes de cette assemblée ont demandé au Gouvernement, à l'occasion de la révision de la Constitution nécessitée par le traité d'Amsterdam, d'inscrire dans la Constitution la participation de la France à la francophonie.
La géographie nous situe en Europe. Nous en tirons les conséquences, y compris en modifiant la Constitution.
Mais l'histoire nous ouvre sur le monde tout entier en nous donnant sur tous les continents des liens privilégiés d'amitié et de coopération.
J'espère vivement, monsieur le ministre, que le Gouvernement répondra à une demande émanant de tous les groupes de cet hémicycle et qui témoigne simplement de la volonté de voir notre pays rester, plus que jamais, présent et ouvert sur le monde. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà des chiffres, jamais totalement satisfaisants et que chacun maniera à sa convenance, les utilisant à l'appui de sa démonstration en faveur - ou non - de l'adoption du projet de budget pour 1999, il y a, tout aussi importantes, les orientations liées à la rénovation du ministère des affaires étrangères.
Conséquence logique de l'importante réforme décidée par le Gouvernement de M. Lionel Jospin, le projet de budget pour 1999 est marqué par la fusion des affaires étrangères et de la coopération. Mais la réforme du ministère ne se résume pas à tirer les conséquences de cette fusion, elle va au-delà.
Tout d'abord, vous avez su éviter, et ce n'était pas acquis d'avance, le piège qui aurait consisté à juxtaposer les structures existantes dans chacun des deux ministères concernés.
La Haute Assemblée ne peut que se réjouir de votre sagesse.
La réorganisation de la direction générale de l'administration fait partie de cette nécessaire rénovation, que vous avez engagée afin de sortir de ce qu'il convient d'appeler un certain immobilisme dans lequel se complaît trop souvent le ministère des affaires étrangères.
Ainsi, l'ancienne sous-direction des moyens et services devient sous-direction de la déconcentration.
L'objectif que vous lui fixez est d'accompagner la globalisation des crédits de fonctionnement des postes diplomatiques.
Les dépenses globalisées, qui représentent désormais 65 % des crédits de fonctionnement des ambassades et consulats, pourraient être étendues aux dépenses liées au recrutement local, ainsi qu'aux frais de représentation. Ces derniers ne seraient donc plus versés en complément des rémunérations.
Si la globalisation d'un plus grand nombre de dépenses doit contribuer à une rationalisation de celles-ci, si elle doit permettre de mieux définir les priorités, nous ne pouvons que nous réjouir de cette évolution.
Selon moi, la globalisation doit démontrer sa capacité à mettre un frein aux dérives qui peuvent être observées ça et là, c'est-à-dire à dépenser mieux. En effet, pour avoir pu constater, moi-même, le train de vie luxueux de certaines de nos ambassades, je voudrais souligner ce qu'il peut exister de choquant à voir le faste des représentations diplomatiques côtoyer, dans certains pays, la misère des peuples dont elles sont les hôtes.
L'image de la France n'a rien à gagner à laisser se perpétrer de telles dérives.
Dans un autre domaine, vous avez souhaité engager, monsieur le ministre, une réflexion sur la politique immobilière du ministère des affaires étrangères.
Cette réflexion s'avère indispensable au regard de certaines opérations immobilières de prestige dont le bien-fondé reste à démontrer, comme l'a justement souligné notre collège André Dulait dans son rapport.
Outre leur aspect certainement démesuré, on ne peut ignorer qu'elles se font au détriment d'opérations urgentes de rénovation ou de travaux de simple sécurité.
L'exemple de la future ambassade de France à Berlin est, à ce titre, particulièrement significatif.
Il souligne le caractère urgent d'un plan d'adaptation de notre réseau diplomatique à partir duquel nos choix, en matière immobilière, trouveraient leur fondement.
Le moment est venu de dessiner une nouvelle carte diplomatique et consulaire de la France.
A l'heure de la construction européenne, il convient de s'interroger sur la nécessité de conserver, dans des pays de l'Union européenne comme l'Allemagne, l'Italie ou le Royaume-Uni, une aussi forte présence diplomatique, tant en personnels qu'en immeubles.
Le redéploiement d'une partie des moyens humains de l'Europe occidentale vers d'autres zones où une présence renforcée s'avère nécessaire - Asie, Amérique latine - est une priorité.
Même si je n'ignore pas les réticences en la matière, peut-être serait-il bon également de relancer la réflexion avec nos partenaires européens pour une mise en commun de certains de nos moyens en matière de représentation diplomatique ?
L'élaboration d'un plan global d'adaptation de notre réseau diplomatique, le deuxième réseau du monde, doit être la traduction d'une vision à la fois plus ambitieuse, plus dynamique et plus novatrice de la place de la France dans le monde.
Elle doit également traduire la volonté du ministère d'assurer une gestion plus rigoureuse des deniers publics.
Avant de conclure, je voudrais souligner avec satisfaction certaines orientations de ce budget qui me semblent particulièrement positives.
Je citerai notamment l'augmentation de 22 % des contributions volontaires aux organisations internationales.
Cette augmentation devrait permettre de conforter l'influence de la France dans les organismes internationaux dépendants des Nations unies et d'y préserver le rayonnement de notre pays.
Un autre aspect positif consiste en la priorité donnée au soutien de nos compatriotes résidant à l'étranger, qu'il s'agisse de la dotation d'assistance ou encore des bourses d'étude.
J'ajouterai au crédit de ce budget l'amélioration des moyens de fonctionnement du service central de l'état civil basé à Nantes, ainsi que la mise en oeuvre du plan pour l'audiovisuel extérieur.
Pour conclure, je dirai que votre action personnelle, monsieur le ministre, depuis votre nomination au Quai d'Orsay, témoigne d'une volonté sans faille de donner une dynamique nouvelle à l'action de la France dans le monde par la définition de priorités clairement identifiées.
Vous vous êtes doté, pour cela, d'un outil que vous avez rénové et dont vous poursuivez la rénovation.
Dans ces conditions, les sénateurs socialistes soutiendront votre action en votant le budget que vous nous soumettez. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec beaucoup d'attention vos interventions, et je ne dis pas cela par courtoisie. En effet, toutes les remarques que j'ai entendues témoignent de l'intérêt que vous portez toujours à notre diplomatie, aux conditions de fonctionnement et aux moyens de l'administration des affaires étrangères. J'ai relevé dans vos propos nombre d'observations que je pourrais tout à fait reprendre à mon compte.
Vous avez tous souligné qu'il s'agissait du premier budget unique « affaires étrangères-coopération », en application de la réforme annoncée en février dernier par le Premier ministre.
Je vous présente ce premier budget unique même si le débat sur les crédits de la coopération et de l'aide au développement aura lieu demain, compte tenu des modifications intervenues dans l'organisation de vos travaux.
J'ai noté les appréciations générales que vous portez sur ce budget, les aspects positifs dont certains se félicitent, comme les faiblesses que d'autres, parfois les mêmes, soulignent, et que je reconnais et j'assume.
Je suis néanmoins convaincu que ce projet de budget me permettra de soutenir notre action, de relayer notre influence dans le monde et de poursuivre la réforme de notre outil diplomatique dont, vous le savez, j'ai fait un objectif prioritaire de mon action à la tête du ministère des affaires étrangères.
Tout en répondant à vos principales observations, je soulignerai d'abord comment notre diplomatie tient compte des réalités du monde d'aujourd'hui pour agir plus efficacement. J'expliquerai ensuite le sens des réformes que je mène et je présenterai enfin le budget de mon ministère pour l'année qui vient.
Je me limiterai à résumer nos objectifs, car vous les connaissez bien.
En temps de crise comme dans les moments ordinaires - ils sont d'ailleurs peu nombreux - nous agissons pour que notre diplomatie, contribue à la sécurité présente et à venir de notre pays pour qu'elle prévienne ou contrebalance dans le monde les évolutions stratégiques, économiques ou culturelles qui pourraient être défavorables à nos intérêts et que, au contraire, elle soutienne ces derniers, pour qu'elle favorise la mise en oeuvre dans le monde de nos conceptions et de nos idées, qu'elle nous assure, dans une Europe de plus en plus large, une influence toujours déterminante. Ce sont là des objectifs permanents que nous visons en Europe comme en Méditerranée, en Afrique, au Proche-Orient ou dans les Amériques, que nous déclinons en matière diplomatique comme dans tous les domaines, qui nous inspirent dans les sommets internationaux comme dans les visites ou les rencontres bilatérales.
Pour atteindre ces objectifs, comment tenir compte des caractéristiques du monde de 1998, de sa globalité, de l'interdépendance, du poids des Etats-Unis si particulier dans la phase actuelle ? Parce que ce monde est global, chacun d'entre vous l'a souligné, que notre pays est une puissance d'influence mondiale, et qu'elles sont peu nombreuses dans cette catégorie - six ou sept au maximum - que nos intérêts sont partout, notre diplomatie doit l'être aussi. C'est le sens des nombreux voyages ou contacts du Président de la République, du Premier ministre ou de moi-même, de Charles Josselin et de Pierre Moscovici. Nous avons des relations étroites et régulières avec plusieurs dizaines de pays. Certains - Allemagne, autres membres de l'Union européenne, Etats-Unis - sont des partenaires de tous les jours.
Vous voyez d'ailleurs, dans certaines périodes, telle la période actuelle, se succéder les rencontres bilatérales - La Rochelle, Potsdam, Saint-Malo, Vienne - qui illustrent cette réalité quotidienne.
Au-delà, aucun des 184 Etats autres que la France ne peut être négligé. Chacun d'eux dispose un jour ou l'autre d'une voix, d'une influence, d'un rôle. C'est ainsi que nous avons relancé notre diplomatie dans toutes les enceintes multilatérales, qu'il s'agisse d'institutions comme le Conseil de sécurité ou de réunions ad hoc comme le Groupe de contact.
Tout se négociant en permanence au sein de ce monde global, nous devons prêter attention à tout. C'est le rôle du ministère des affaires, étrangères qui est plus indispensable que jamais. Il doit veiller aux risques, saisir les opportunités, conduire ou en tout cas suivre toutes les négociations et surveiller leurs interactions.
Ne pouvant être exhaustif, je me bornerai à citer quelques-unes des négociations qui auront, dans les mois ou les années à venir, une importance décisive pour nous.
Tout d'abord, nous avons entamé des négociations délicates avec nos partenaires européens, sur le financement de l'Union européenne pour les années 2000-2006, ce que, en langage médiatique, on appelle l'Agenda 2000.
Nous voulons limiter les dépenses, maintenir le budget de l'Union dans les limites de 1,27 %, continuer à consacrer à la politique agricole commune une part de ce budget suffisante pour que l'agriculture remplisse ses diverses fonctions et disposer de moyens adéquats pour mener la politique des fonds structurels. Il s'agira de trouver, si possible sous la présidence allemande, qui commence au début de l'année 1999, un arrangement équitable entre les Quinze. Chaque pays devra naturellement y contribuer. Nous n'en sommes qu'aux débuts de la négociation.
Par ailleurs, nos partenaires de l'Union connaissent notre détermination, qui est tout à fait nette, à réformer les institutions européennes avant tout nouvel élargissement, faute de quoi l'Union à vingt, vingt-cinq ou trente - ce sont maintenant des chiffres que l'on est obligé d'envisager - se paralyserait immanquablement, avant de se dissoudre.
Cette approche, qui a été partagée aussitôt après le résultat - réel mais insuffisant - d'Amsterdam par la Belgique et par l'Italie, l'est maintenant également assez largement par l'Allemagne.
Ces réformes institutionnelles indispensables peuvent être accomplies avant que s'achèvent les négociations d'élargissement ; bien sûr, on ne connaît pas la date de leur aboutissement, qui ne saurait être fixée à l'avance par un décret arbitraire, mais il est possible de se référer à la durée moyenne des négociations d'élargissement qui ont eu lieu dans le passé.
A l'heure actuelle, de nouvelles négociations ont débuté avec six des pays candidats à l'adhésion. Pour que cet élargissement soit réussi, elles devront être très sérieusement menées. Il convient qu'elles ne soient pas bâclées pour des raisons politiques. Il faut au contraire envisager les problèmes de façon exhaustive afin qu'aucun ne surgisse ultérieurement. L'adhésion doit intervenir quand ces pays sont prêts à accomplir cette démarche et que nous-mêmes sommes prêts à les accueillir.
Au sein du conseil « affaires générales », Pierre Moscovici et moi-même y veillerons chaque mois et à l'occasion de chaque réunion.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la négociation de l'AMI. Nous nous en sommes retirés et avons obligé la Commission à reconsidérer les négociations sur un nouveau marché transatlantique, dont le commisaire Leon Brittan avait lancé l'idée en grande partie de son propre chef. Nous avons obtenu satisfaction.
Néanmoins, nous allons bientôt devoir définir, toujours avec nos partenaires européens, ce que sera la politique de l'Union quand, dans un an, débutera, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, une nouvelle période de négociations sur des sujets aussi sensibles que l'agriculture, l'audiovisuel, les services et la société de l'information. Chacune de ces négociations comportera pour nous des risques, bien sûr, mais aussi pour notre économie, des chances énormes. Tout dépend de la façon dont les négociations seront menées.
Dans un autre domaine, nous allons commencer à débattre, dans les prochains jours, avec les Etats-Unis et nos autres alliés au sein de l'OTAN, du « concept stratégique » qui sera adopté pour le cinquantenaire de l'Organisation, en avril prochain, à Washington.
A cet égard, notre objectif est double. Ce concept doit d'abord respecter la Charte des Nations unies ; il ne doit pas entraver l'éveil de l'identité européenne en matière de défense et de sécurité. L'Alliance doit par ailleurs conserver un objet et une zone de compétence précis.
Ce sont des questions dont nous débattons en ce moment même avec nos partenaires britanniques. Demain, mon collègue Alain Richard et moi-même rencontrerons nos homologues britanniques pour explorer plus avant les récentes ouvertures britanniques et pour savoir jusqu'à quel point la Grande-Bretagne a changé de position sur cette question de défense européenne. Depuis des années, la France multiplie les initiatives. Or celles-ci n'ont pu être concrétisées du fait de l'absence de soutien de la part, notamment, de ce partenaire important. Le sommet franco-britannique de Saint-Malo nous permettra de voir quelles suites peuvent être éventuellement données aux récentes ouvertures de M. Tony Blair.
Dans le monde actuel, les Etats-Unis ont un poids prédominant, dont les manifestations sont multiples. Cette « hyperpuissance » - expression que j'emploie souvent pour bien montrer qu'il s'agit d'autre chose que des grandes puissances du passé ou des superpuissances de l'époque de la guerre froide - a une activité, une compétence qui s'étendent à tous les domaines : économie, technologie, défense, culture de masse, production d'images, mais aussi formation des élites.
Parce que les Etats-Unis sont nos amis et nos alliés, nous devons être prêts à soutenir leurs efforts chaque fois que cela est justifié. C'est ce que nous avons fait pour la relance du processus de négociation au Proche-Orient dans la phase où celui-ci était bloqué. Nous devons être prêts également à travailler avec eux, comme nous le faisons au sein du Groupe de contact sur le Kosovo. Et nous devons être prêts à débattre, franchement, comme nous le faisons également, sur des situations compliquées telles que celle de l'Irak.
Mais parce qu'ils sont aussi une hyperpuissance portée à l'hégémonisme ou à l'unilatéralisme - surtout leurs assemblées, mais aussi parfois leur exécutif - et qu'ils perdent parfois de vue ce qu'est un partenaire ou un allié, nous devons également être capables de leur résister sur des sujets tels que le commerce international, l'autonomie de décision, la diversité culturelle ou l'OTAN.
En ayant à l'esprit ces contraintes et ces nécessités, et tout en visant nos objectifs de fond, nous avons fait face aux principaux événements de l'année écoulée.
Ainsi, s'agissant de l'Irak - et je voudrais répondre sur ce point à Mme Bidard-Reydet ainsi qu'à M. Mathieu - malgré les graves incidents récents, nous ne renonçons pas à rechercher une issue d'avenir qui respecte les résolutions. Mais il faut absolument que l'Irak se conforme enfin à toutes ses obligations pour que l'on puisse passer au contrôle à long terme ; je le dis avec gravité, et vous comprenez pourquoi.
En Iran, tout en restant prudents, nous accompagnons les évolutions nouvelles.
Au Proche-Orient, nous n'avons pas cessé d'agir pour le déblocage du processus de paix, tout en appelant à un plus grand engagement américain. Nous avons donc soutenu les efforts de Mme Albright, salué l'engagement du président Clinton et les résultats obtenus à Wye Plantation, où, au bout du compte, aussi bien M. Netanyahu que M. Arafat auront fait preuve de courage politique.
Nous entendons maintenant accompagner de manière active, du côté israélien comme du côté palestinien, un processus de paix relancé mais encore très fragile. Nous voulons également être attentifs et disponibles durant les négociations sur le statut final.
Nous n'oublions, dans ce contexte nouveau, ni la Syrie ni le Liban.
Après les essais indiens et pakistanais, il y a quelques mois, nous avions agi pour préserver le traité de non-prolifération et convaincre ces pays importants d'emprunter une autre voie par des moyens moins arrogants et moins contre-productifs que les sanctions, leur préférant le dialogue politique.
En Afrique, nous avons poursuivi l'adaptation de notre nouvelle politique, qui respecte les engagements et les amitiés de la France mais proscrit les ingérences et tend à développer nos liens avec tout le continent sans nous laisser décourager par les drames qu'il connaît.
Le succès récent du xxe sommet Afrique-France, puisque c'est ainsi que nous l'appelons maintenant, en traitant notamment de la sécurité, a témoigné de la confiance des Etats africains à l'égard du seul pays occidental capable de susciter un tel regroupement.
S'agissant de la Russie, s'impose une lucidité plus grande que celle qui a eu cours ces dernières années. Il nous faudra accompagner encore longtemps le redressement de ce pays. Soyons conscients - et mieux vaut tard que jamais - qu'on ne peut plaquer brusquement sur les décombres de l'URSS une économie de marché et une société moderne que, partout ailleurs, on a mis des décennies, pour ne pas dire des siècles, à édifier.
Aujourd'hui, naturellement, la priorité va à l'accord avec le FMI que le gouvernement russe a besoin de trouver.
Mais, au-delà, il faut que la Russie reconstruise un Etat qui permettra à une économie moderne, réellement saine, de se développer dans des conditions différentes de celles qui accablent les Russes aujourd'hui.
Aux Russes, comme à nous Français et Européens, qui souhaitons les aider utilement, de trouver le chemin de ce processus.
Au Kosovo - et là encore, pour répondre à Mme Bidard-Reydet en liaison et en entente constantes avec nos partenaires du Conseil de sécurité, du Groupe de contact, de l'Union européenne, de l'OTAN et de l'OSCE, nous nous sommes mobilisés pour arracher aux autorités de Belgrade, en combinant tous les moyens de persuasion et de pression, l'engagement d'une autonomie substantielle pour le Kosovo et pour convaincre les Kosovars d'accepter cette solution. Nous avons avancé, mais nous sommes encore loin du but.
Une mission de vérification s'installe sur place en ce moment même ; son numéro deux est un diplomate français. Une force d'extraction va s'établir d'ici peu en Macédoine, et la France agit comme nation-cadre.
Cette combinaison d'actions vise à obtenir un règlement politique de la crise. A cet égard, malheureusement, on piétine encore. La relance de la négociation pour trouver une solution politique est urgente ; c'est une question de persévérance, mais il est indispensable que nous ayons progressé avant le retour du printemps.
J'en viens à l'Union européenne.
Au-delà des négociations entamées et à réussir et des ratifications à accomplir pour pouvoir aller de l'avant, l'enjeu est tout simplement de reprendre le contrôle politique de son évolution et la maîtrise des décisions qui s'y prennent, afin qu'elle apporte sur tous les plans aux citoyens de ses Etats membres des raisons de continuer à souhaiter son développement.
Nous ferons tout, dans les temps qui viennent, à travers la relance franco-allemande, évidente au sommet de Potsdam d'hier et de ce matin, pour que l'Union retrouve son rayonnement et son élan.
Ce monde est instable, ainsi que beaucoup d'entre vous, notamment Pierre Mauroy, l'ont montré tout à l'heure. Ce monde global est aussi très concurrentiel. Aucune situation acquise, si illustre soit-elle, n'y est protégée des remises en cause. Il est instable et perturbé, comme le prouvent les quelque trente guerres ou crises graves qui mettent aujourd'hui aux prises plus de cinquante Etats, ainsi que les rebondissements intercontinentaux de la crise financière.
Dans le même temps, il est clair que les organes de régulation mondiale - Conseil de sécurité, FMI, G 8 - peinent à accomplir leur tâche.
Notre diplomatie doit donc plus que jamais anticiper, inventer, proposer. C'est bien parce qu'elles sont conscientes de tous ces enjeux, de la gravité de ce moment, et pas uniquement en raison de la cohabitation et de la Constitution, que les autorités françaises ont à coeur de parler d'une même voix, même si c'est par plusieurs bouches, celle du Président de la République, celles du Premier ministre et des ministres compétents, à commencer par le ministre des affaires étrangères.
La France, disais-je, parle et propose d'une même voix. Cette cohérence est sans prix pour défendre dans ce monde nos intérêts, nos valeurs, nos idées.
Permettez-moi de puiser quelques exemples dans l'actualité des mois écoulés.
J'ai proposé au nom de la France, après les essais indiens et pakistanais, la négociation d'un traité universel d'interdiction des matières fissiles à usage militaire, pour montrer que la démarche en vue du désarmement n'était pas frappée, pour l'essentiel, par les essais de ces deux pays. Cette idée a progressé.
Le Président de la République a lancé, et j'ai repris devant l'ONU, l'idée de négociation d'une convention universelle contre le financement du terrorisme, idée qui progresse également.
Le ministre des finances a proposé à nos partenaires européens un mémorandum contre l'instabilité financière internationale, sujet que le Président de la République avait eu l'occasion d'aborder, et lui-même a saisi ses partenaires du G 8. Il a lancé, à Zurich, l'idée d'un code de la route pour la bonne circulation des capitaux.
Ne pouvant prétendre à l'exhaustivité, je citerai encore pour mémoire plusieurs propositions présidentielles ou gouvernementale, concernant l'Europe, sa réorientation sociale, la coordination des politiques économiques, la représentation extérieure de l'euro - à cet égard, une solution de compromis vient d'être trouvée - l'intégration progressive de l'UEO dans l'Union européenne, sujet dont nous parlons avec les Britanniques et les Allemands et qui est plus d'actualité que jamais.
Je n'aurai garde d'oublier, sur un autre plan, le rôle décisif que le Gouvernement a joué pour qu'aboutisse, en juin dernier, la conférence de Rome sur la création d'une cour pénale internationale.
S'agissant de l'actualité la plus récente et concernant l'Afrique des grands lacs, nous avons remis au coeur de la réflexion l'idée d'une conférence pour la paix dans cette partie du continent. Nous avions d'ailleurs été les premiers à dire, avant que les protagonistes ne reconnaissent la réalité de leur propre engagement, que ce n'était pas la crise d'un pays, la République démocratique du Congo, mais que c'était une guerre régionale, mettant aux prises six ou sept pays.
Dans ce monde tel qu'il est, la France doit conduire une diplomatie moderne, vigilante, anticipatrice, qui soit à la fois une diplomatie globale et une diplomatie du mouvement. Cette conception guide et doit continuer à guider l'action de modernisation de notre outil diplomatique, que je souhaite maintenant brièvement évoquer, en abordant successivement la réforme en cours, les moyens dont je dispose et le budget.
Comme vous le savez, nous avons commencé par la réforme de la coopération, attendue depuis de nombreuses années, différée dans le passé, pour de multiples raisons, annoncée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale de juin 1997, arrêtée dans ses principes au début du mois de février 1998. Depuis lors, Charles Josselin et moi-même travaillons sans relâche à sa mise en oeuvre ; il aura l'occasion, dès demain, de l'évoquer plus en détail.
Cependant, il m'a semblé déceler, dans les interventions de la plupart de ceux qui se sont exprimés à ce sujet, un large assentiment s'agissant des objectifs, ce qui constitue pour nous un encouragement précieux. Demain, vous aurez l'occasion d'examiner plus en détail les modalités d'application de cette réforme.
Je me contenterai donc de mettre l'accent sur deux points essentiels.
Le premier est que nous mettons en place, à cette occasion, une organisation administrative profondément rénovée. Au début du mois de janvier prochain, une nouvelle entité, la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, verra le jour.
Dans ce sigle, selon l'acception qui est la nôtre, le mot « coopération » englobe toutes les formes de notre présence et de notre action à l'étranger, y compris la dimension à proprement parler culturelle.
Pour en revenir à l'organisation, sans doute aurions-nous pu nous contenter de juxtaposer les structures de l'ancien ministère de la coopération et celles du ministère des affaires étrangères. A la limite, cela aurait été plus facile et plus commode. Mais nous aurions alors laissé passer l'occasion de procéder à une vraie réforme et laissé perdurer des redondances inutiles. Un certain nombre d'analystes, et sans doute cette assemblée, n'auraient pas tardé à regretter l'occasion manquée.
Nous avons retenu un schéma plus ambitieux, qui consiste à associer dans un même ensemble les multiples fonctions de coopération internationale aujourd'hui assurée par la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques et celles d'aide au développement portées par les services de la rue Monsieur, sans pour autant compromettre l'identité de chacune d'entre elles, puisque, à l'intérieur de cette grande DGCID, les services seront réorganisés autour de métiers qui, au contraire, vont pouvoir s'exprimer avec plus de force que dans un mode d'organisation qui était auparavant géographique.
Nous en attendons, comme vous avez été nombreux à le souligner, une rationalisation de notre dispositif de coopération, une clarification de nos modes d'intervention et une définition plus lisible de nos priorités d'action. J'ai constaté, au travers de vos interventions, notamment dans les encouragements de M. Guy Penne et de M. Roujas, combien vous partagiez ce souci de cohérence et d'efficacité qui nous a guidés.
J'en arrive au second point que je tiens à souligner et par là même je répondrai aux préoccupations émises, entre autres, par le président de la commission des affaires étrangères, M. de Villepin. Cette réforme de la coopération n'est en rien synonyme de distanciation vis-à-vis de nos partenaires traditionnels, en premier lieu africains.
Certes, dans le même temps, notre politique africaine est en mutation. En effet, comme nous, l'Afrique et les Africains évoluent ; on l'a vu encore à l'occasion de cette rencontre de Paris. Par conséquent, nous devons adapter notre présence, notre influence, notre assistance à la modernité africaine, tout en restant bien entendu fidèles à nos amis et en élargissant nos relations à l'ensemble du continent.
Le message contenu dans cette politique me paraît aujourd'hui beaucoup mieux compris, puisque cette rencontre de Paris, par son succès, par son élargissement, a bien démontré que cette évolution ne se faisait pas au détriment de la fidélité. Notre solidarité - nous aurons l'occasion d'en parler - ne se relâchera pas.
Je reviens à l'adaptation des structures du ministère des affaires étrangères, pour souligner qu'elle ne concerne pas uniquement l'ancienne direction générale.
L'idée générale, que j'ai retrouvée fort pertinemment décrite dans plusieurs de vos rapports budgétaires, est de simplifier nos structures d'administration centrale, de raccourcir, autant que faire se peut, les différentes chaînes hiérarchiques et de clarifier les diverses fonctions et missions exercées à Paris, notamment tout ce qui relève de l'administration et de la gestion.
Cette adaptation de nos structures centrales devra trouver son prolongement sur le terrain, dans le réseau de l'Etat à l'étranger. Je reprendrai à cet égard bien volontiers la formule de l'un d'entre vous pour qui la réforme ne saurait être uniquement parisienne. La carte de nos implantations à l'étranger doit évoluer, tout simplement parce que le monde change et que, par conséquent, la localisation à l'étranger de nos entreprises et de nos compatriotes se modifie. Il nous appartient d'en tenir compte et de procéder à des ouvertures de postes, à des fermetures, à des redéploiements, rendus de toute façon nécessaires par la limitation de nos effectifs.
Se borner à répercuter mécaniquement des coupes budgétaires aboutirait toutefois à un résultat absurde. J'ai donc demandé qu'un plan d'adaptation de notre réseau, fondé sur une vision prospective du monde et de notre présence, me soit présenté d'ici aux prochaines semaines. J'en informerai, naturellement, vos commissions spécialisées. Je compte également interroger les autres administrations de l'Etat présentes à l'étranger sur leurs projets dans ce domaine.
J'ai bien pris note, à cet égard, des observations de plusieurs de vos rapporteurs, en particulier de M. Dulait, quant à l'évolution de notre réseau consulaire en Europe. La réflexion que je conduirai devra, bien entendu, intégrer cette dimension.
J'ai également entrepris de moderniser les méthodes de gestion de mon administration et je poursuivrai cet effort sans relâche.
Certes, un important effort de réforme et de modernisation avait déjà été accompli dans le passé et je ne le sous-estime pas. Mais mon diagnostic actuel est clair : les contraintes budgétaires durables qu'il nous faut affronter - même si je m'emploierai de mon mieux à obtenir la progression que vous souhaitez tous - les exigences nouvelles et justifiées de rigueur quant à l'argent public, la nécessaire réforme de l'Etat, y compris de ses administrations dites « régaliennes », le développement des relations internationales des autres ministères ou de la société civile, dont nous devons tenir compte, la nécessité d'être mobiles, adaptables et réactifs - je l'ai évoqué tout à l'heure en brossant un rapide tableau de la situation dans le monde - tout cela nous conduit à « passer à la vitesse supérieure » pour mener à bien la modernisation des méthodes de gestion.
J'espère réussir à enraciner au ministère des affaires étrangères une vraie culture de gestion moderne, ce qui implique aussi d'accepter des évaluations de ce qui a été fait, de ce qui est entrepris et de ce qui sera modifié. Dans cet esprit, j'ai créé un comité de management que je réunis chaque mois. Avec ce comité, j'ai commencé à mettre en oeuvre les changements nécessaires, notamment dans les domaines du personnel et de la gestion.
Rénover la politique du personnel et de la formation, c'est favoriser la mobilité interne et externe, réformer les statuts et les corps, à la lumière en particulier de l'arrivée au sein des affaires étrangères des personnels de la coopération, et améliorer la formation ; elle est déjà de bonne qualité, mais elle doit être adaptée à ce nouveau contexte. A ce propos, je partage pleinement les observations de Mme Cerisier-ben Guiga sur la valorisation des compétences et sur la nécessité de dépasser les rigidités des corps et des statuts pour s'inscrire dans une dynamique.
Réformer la gestion, c'est déconcentrer les crédits, renforcer l'évaluation, améliorer la gestion quotidienne, introduire de façon accélérée les nouvelles technologies de l'information. Des initiatives nombreuses ont été prises depuis plusieurs mois. J'accélère ce mouvement.
Les affaires étrangères ne sont pas uniquement une grande administration de l'Etat dépositaire d'une fonction régalienne éminente ; elles sont également un service public qui doit contribuer, d'une manière exemplaire, à la réforme de l'Etat et à la recherche de l'efficacité. A cet égard, je remercie MM. Chaumont et Roujas pour leurs appréciations positives sur les réformes de gestion qui ont été entreprises. Cette dimension du service public est évidente pour tous ceux d'entre vous qui ont une pratique régulière du travail avec la direction des Français de l'étranger, et des étrangers en France en particulier.
Par ailleurs, je me suis attaché à la restructuration complète de notre politique immobilière. Cette question a été soulevée par plusieurs d'entre vous, notamment par MM. Dulait et Chaumont. Ils ont raison : un équilibre doit effectivement être trouvé entre le caractère emblématique de nos représentations à l'étranger et le souci de rigueur et d'économie.
A ce titre, les exemples que vous citez de nos projets à Berlin, à Pékin ou ailleurs illustrent, précisément, la nécessité de refondre nos procédures et d'encadrer plus strictement ces projets, ce que j'ai fermement entrepris.
Un effort supplémentaire doit par ailleurs être accompli en faveur des constructions scolaires à l'étranger. Les cas mentionnés notamment par MM. Guy Penne ou Jacques Chaumont nous rappellent que nos crédits d'investissement doivent probablement être mieux répartis entre les constructions de locaux diplomatiques et celles de locaux scolaires.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. En outre, le comité de politique immobilière prendra, à partir du début de l'année prochaine, des orientations nouvelles avec plus de clarté et plus de transparence.
J'en viens maintenant aux principales orientations de ce premier budget unique « affaires étrangères - coopération ».
Globalement, vous l'avez souligné, il s'agit d'un budget de reconduction, même si cela recouvre des évolutions différenciées entre la partie concernant purement et simplement les affaires étrangères et celle qui est relative à l'ancien périmètre du budget de la coopération. Avec 20,7 milliards de francs, le projet de budget que je vous présente s'inscrit, en effet, dans la continuité des moyens mis en place en 1998.
Plusieurs d'entre vous ont pu regretter telle ou telle insuffisance. Bien sûr, chacun peut toujours souhaiter - moi le premier- disposer de moyens supérieurs, surtout au vu des missions qui nous sont imparties. Mais il faut tenir compte d'un équilibre général, même si la part consacrée au ministère des affaires étrangères dans le budget de l'Etat est modeste.
Je me suis pleinement retrouvé dans les propos de M. de Villepin : nous avons effectivement le devoir de doter notre pays des moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'une action internationale efficace pour assurer sa puissance et sa présence effective dans le monde.
Ce budget de consolidation comporte des choix clairs, qui correspondent à plusieurs priorités marquées que nous finançons par des redéploiements assumés. J'en donnerai devant vous quatre brèves illustrations.
Tout d'abord, j'ai personnellement insisté, pendant la préparation de ce budget, sur l'importance que revêt pour notre influence dans le monde le maintien d'un effort public significatif en matière de coopération culturelle, scientifique et technique.
C'est parfois contesté, et je le regrette infiniment, car nos actions de coopération dans ce domaine constituent l'indispensable accompagnement de notre diplomatie. Elles sont également le support de notre politique en faveur de la francophonie ; à cet égard, j'ai lu avec attention le rapport budgétaire de votre collègue M. Legendre, fin connaisseur du monde de la francophonie. Elles sont, enfin, souvent la condition préalable au succès de nos entreprises sur certains marchés extérieurs. Tout simplement, la culture est au coeur de la place de la France dans le monde.
Après plusieurs années d'érosion continue, interrompue in extremis l'an dernier, j'ai à nouveau obtenu cette année la reconduction des moyens financiers affectés à ces actions. Pour lutter contre l'éparpillement, j'ai toutefois décidé d'amorcer, à partir de 1999, une réorientation de ces crédits autour d'actions que je juge prioritaires.
Je suis heureux, d'ailleurs, de constater que cet effort de hiérarchisation et de détermination de priorités claires pour notre action culturelle extérieure a été salué par plusieurs d'entre vous, et je les en remercie. Il n'est jamais facile, en effet, de fixer des priorités, même si l'on y est constamment invité.
La première priorité concerne la politique audiovisuelle extérieure : elle bénéficiera de plus de 130 millions de francs de mesures nouvelles.
Le soutien à TV5, dont la grille de programmes va être profondément remaniée, sous l'impulsion du nouveau président que nous avons nommé, M. Jean Stock, dont je salue devant vous le dynamisme, l'aide à la montée sur satellites de nouvelles chaînes françaises, le soutien accordé à l'exportation de productions françaises constituent, je vous le rappelle, les trois axes de ce plan d'action qui répondent, notamment, aux interrogations exprimées par M. Del Picchia.

Au total, et pour la première fois, les moyens consacrés à l'audiovisuel extérieur par le ministère des affaires étrangères dépasseront le milliard de francs.
J'ai bien relevé l'importance que votre assemblée accorde à cette politique de l'audiovisuel extérieur, qu'il s'agisse d'ailleurs de la télévision ou de la radio.
A cet égard, j'ai demandé à M. Jean-Paul Cluzel, dont j'avais souhaité le renouvellement du mandat, de poursuivre la consolidation de RFI en élargissant son audience et en adaptant sa progression, en harmonie bien sûr avec les nouveaux enjeux de notre présence extérieure.
La deuxième priorité, clairement annoncée, touche à la promotion des formations supérieures françaises à l'étranger. Le marché - il faut employer ce terme - de la formation supérieure est dorénavant devenu mondial et concurrentiel, en même temps qu'il est un investissement stratégique.
Si l'université française veut demeurer un centre d'attraction pour les jeunes élites étrangères, avec toutes les conséquences à en attendre pour notre pays, il est impératif de renforcer les actions de promotion internationale de notre enseignement supérieur.
En 1999, il s'agira de mieux accueillir les étudiants étrangers, d'assouplir pour eux les formalités de visas et de mettre en place un nouveau programme de bourses d'excellence. J'ai réservé à cette fin 55 millions de francs de crédits nouveaux. M. Claude Allègre, avec qui cette politique est pensée et menée, et moi-même venons de constituer un nouvel opérateur, l'agence Edufrance, qui a été présentée à la presse voilà quelque temps et qui a déjà organisé une manifestation remarquable au Mexique, lors du voyage du Président de la République. MM. de Villepin et Durand-Chastel, qui nous ont accompagnés dans ce déplacement, ont pu constater, comme nous, le bien-fondé de cette démarche qui consiste à relayer les efforts des deux administrations, les affaires étrangères et l'éducation nationale, pour assurer à l'étranger la promotion de notre système d'enseignement supérieur. Ce système existait déjà, mais il était moins coordonné, moins systématique, et avait donc moins de force.
J'ai également décidé que notre action culturelle devait obéir à des priorités géographiques plus claires et plus compréhensibles. Il est important de savoir ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons, de même qu'il est important que la représentation nationale en soit informée afin que le débat se concentre sur de vrais choix. Je parle naturellement des véritables priorités et non pas de celles que l'on accumule à tel point que le mot « priorité » perd parfois toute signification.
Ainsi, en 1999, c'est la coopération avec les Etats-Unis, avec la Chine, à la suite notamment des déplacements du Président de la République et du Premier ministre, avec les pays du MERCOSUR, comme M. Baylet en a exprimé le souhait, et, enfin, avec les grands pays d'Afrique anglophone, notamment l'Afrique du Sud et le Nigeria - cela s'inscrit dans le volet « ouverture » de notre politique africaine modernisée - qui sera accrue au prix, naturellement, des redéploiements nécessaires. Je suis convaincu que vous soutiendrez cette logique d'une plus grande sélectivité en fonction des priorités géopolitiques clairement exprimées.

Ce budget vise également à permettre à notre pays de retrouver toute son influence dans le système multilatéral de l'ONU, grâce à la restauration du niveau des contributions volontaires. Les rapporteurs et les opérateurs ont, à juste titre, relevé le redressement du volume des contributions volontaires de la France aux organisations internationales, grâce à une mesure nouvelle très significative de 50 millions de francs, soit un accroissement de 25 % des crédits correspondants. Comme vous l'avez souligné, les uns et les autres, à juste titre, cette mesure était indispensable.
La troisième priorité de ce budget est la solidarité envers nos compatriotes de l'étranger. J'insiste sur ce point, car je connais la sensibilité particulière de la Haute Assemblée, notamment des sénateurs représentant les Français de l'étranger, à l'égard de tout ce qui touche le sort de nos communautés hors de France.
Vous avez relevé, généralement pour vous en féliciter, l'effort important qui sera consenti en 1999 en faveur de l'aide à l'enseignement français à l'étranger. Le Gouvernement, compte tenu de la priorité générale qu'il accorde à l'éducation, accroîtra l'an prochain de 5,4 % les crédits de l'AEFE, avec en particulier un net coup de pouce pour les bourses scolaires, au titre desquelles est inscrite une mesure nouvelle de 20 millions de francs, soit une progression de 10 %. Cet accent mis sur les bourses constitue une réponse, certes partielle, j'en conviens, à l'accroissement des droits de scolarité dont plusieurs d'entre vous se sont, à juste titre, préoccupés.
Je ne développerai pas davantage cette question, sinon pour vous indiquer à quel point est précieux, à mes yeux, l'atout que représente pour notre influence et pour la francophonie le réseau de nos établissements scolaires à l'étranger. Ce sentiment est également partagé par Claude Allègre - nous en avons parlé à maintes reprises - et j'entends le convaincre de l'intérêt d'une implication accrue de son administration dans la politique de l'enseignement français à l'étranger.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial et M. Guy Penne, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. J'ai écouté avec attention l'intervention de Mme Cerisier-ben Guiga concernant l'aide sociale à nos compatriotes vivant à l'étranger. En augmentant de 10 % en 1999 les crédits d'assistance consulaire, le Gouvernement manifeste son devoir de solidarité à l'égard des Français de l'étranger en situation sociale précaire.
Plusieurs d'entre vous, notamment M. Cantegrit, m'ont interrogé sur une éventuelle remise en question de ces aides sociales en Europe. Il faut effectivement, et c'est le sens des instructions que j'ai données à mes services, mettre en conformité nos pratiques en ce domaine avec la réglementation communautaire. Mais je tiens à vous rassurer : cette mise en cohérence s'effectuera d'une manière très progressive de sorte que nos compatriotes les plus démunis résidant en Europe n'en subiront pas les conséquences.
Vous avez tous souligné la question sensible de l'évolution des effectifs diplomatiques et consulaires. Le projet de budget que je vous présente prévoit, pour l'ensemble des services des affaires étrangères et de la coopération, une nouvelle suppression de 143 postes.
J'ai écouté avec attention vos observations sur les contraintes supplémentaires qu'allaient occasionner ces nouvelles réductions de poste, après tous les efforts déjà consentis au cours de ces dernières années. Comment ne pas comprendre les inquiétudes qu'ont exprimées sur ce point M. le président de la commission des affaires étrangères, M. Dulait, Mme Cerisier-ben Guiga et bien d'au-tres encore ?
Compte tenu de la configuration de notre réseau à l'étranger, nous sommes probablement parvenus à une sorte de point limite, notamment dans un certain nombre de consulats, alors que, dans le même temps, nous relançons la politique des visas et que la demande d'assistance consulaire, loin de diminuer, a plutôt tendance à s'accroître.
La poursuite d'un processus de réduction d'emplois appellerait inévitablement des décisions difficiles. Je suis prêt, comme je vous l'ai indiqué voilà un instant, à procéder aux aménagements nécessaires parce qu'il faut suivre l'évolution de la vie, y compris internationale. Mais cette adaptation doit toutefois découler d'une vision politique de l'évolution de notre présence à l'étranger et non d'une approche comptable. Je m'efforcerai donc d'obtenir satisfaction sur ce point.
Je terminerai cette présentation du budget en abordant deux points que plusieurs d'entre vous ont évoqués.
Le premier a trait aux recrutés locaux. Une remise en ordre est effectivement souhaitable compte tenu de la diversité des statuts, des niveaux de rémunération et des régimes de couverture sociale.
A cette fin, j'ai demandé qu'un rapport complet sur ce dossier complexe me soit présenté d'ici à la fin de l'année. J'en exploiterai, dès le début de l'année prochaine, les propositions les plus pertinentes. Sans attendre, j'ai obtenu que les crédits correspondants soient sensiblement revalorisés, dans le budget pour 1999 de 5 %, afin que les disparités les plus criantes soient dès maintenant corrigées.
Le second point concerne l'avenir des coopérants du service national sur lequel M. le président de la commission des affaires étrangères, Mme Brisepierre, M. Dulait et d'autres encore m'ont interrogé. Comme vous le savez, le Gouvernement prépare un projet de loi sur le volontariat civil destiné à remplacer l'actuelle formule du service national de coopération. Comme vous l'avez tous souligné à juste titre, il s'agit d'un enjeu important pour le ministère des affaires étrangères mais également pour d'autres administrations. Je pense notamment au ministère des finances en raison du rôle joué à l'étranger par les coopérants en entreprises.
Je tiens, à cet égard, à vous indiquer que le Gouvernement a la ferme volonté de présenter rapidement au Parlement un projet de loi qui assurera, sans solution de continuité, le relais des coopérants par les futurs volontaires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis certain que vous êtes convaincus, comme moi, de la nécessité de renforcer pour 1999, dans un monde si complexe et si instable, le caractère vigilant, global, inventif et mobile de notre diplomatie.
Je vous ai dit comment j'agissais pour que l'outil diplomatique au service de ces objectifs soit de plus en plus performant et comment j'utilise à cette fin les moyens qui me sont donnés. Le projet de budget pour 1999 représente une nouvelle étape. Je vous remercie de bien vouloir l'adopter, lorsque vous aurez à vous prononcer, demain soir, par un vote unique. (Applaudissements.)
M. le président. Je rappelle que les crédits concernant les affaires étrangères inscrits à la ligne « affaires étrangères et coopération » seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits affectés à la coopération.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 596 998 172 francs. »