Séance du 28 novembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'économie, les finances et l'industrie : I. - Charges communes et comptes spéciaux du Trésor.
La parole est à M. de Rocca Serra, rapporteur spécial.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les charges communes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il m'appartient de vous présenter pour la première fois ce qui constitue le premier budget de l'Etat, celui des charges communes.
Avec 681 milliards de francs de crédits, il « pèse » en effet plus du tiers des dépenses brutes du budget général.
Il comprend, au risque d'apparaître hétéroclite, les crédits destinés à l'ensemble des services de l'Etat ou à plusieurs d'entre eux et qui ne peuvent être inscrits dans le budget d'un ministère particulier.
Y figurent ainsi, sans que cette énumération ait un caractère exhaustif, la charge financière de la dette publique, les aides à l'exportation, le remboursement de la franchise postale des administrations, certains crédits destinés aux rapatriés, ou encore l'aide publique en direction des pays les moins avancés.
S'agissant de l'aide apportée à ces pays, pourrez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, le montant ainsi que les modalités selon lesquelles transitera l'aide que va apporter la France aux pays qui ont été cruellement touchés par le cyclone Mitch , conformément aux déclarations de M. le Président de la République ?
Par-delà cette diversité des sujets abordés, il faut relever que les crédits de ce budget restent très concentrés. Les trois premiers postes de dépenses - charge financière de la dette, remboursements d'impôts et charges sociales - représentent plus de 89 % de l'ensemble des dépenses.
Par ailleurs, celles-ci sont constituées à hauteur de 99,3 % par des dépenses ordinaires.
Compte tenu de la diversité des thèmes abordés par ce budget et du temps qui m'est imparti, je me limiterai à quelques observations en vous renvoyant pour l'analyse détaillée de ces crédits à mon rapport écrit.
Il convient, tout d'abord, de relever que ce budget connaît des variations importantes de structure d'un exercice budgétaire à l'autre ou en cours d'exercice.
Ainsi, s'agissant des pensions des différents ministères, seules les pensions des agents des Postes et télécommunications et, depuis cette année, celles des fonctionnaires de La Poste apparaissent en loi de finances initiale au sein de ce budget, pour un montant de 29,5 milliards de francs. Puis c'est en cours d'année que ce budget regroupe la totalité des crédits de pension de l'Etat, à l'issue d'un arrêté de transfert d'un montant de 140 milliards de francs intervenant en début d'exercice.
Par ailleurs, les variations de structure d'un exercice à l'autre sont très importantes. Les crédits du budget des charges communes ont été accrus de 15,4 milliards de francs au titre des rebudgétisations tandis que, en sens inverse, 43,8 milliards de francs ont été transférés vers d'autres budgets, principalement celui de l'emploi. Ce sont donc plus de 58 milliards de francs de crédits qui ont changé d'affectation par rapport à l'année dernière, soit une somme supérieure au budget de la recherche ou représentant plus de deux fois les crédits de la justice.
Ce budget comprend aussi les crédits destinés au paiement des intérêts de la dette de l'Etat. En effet, seul apparaît dans le budget de l'Etat le coût en trésorerie de la dette de l'Etat, c'est-à-dire les charges financières que celle-ci entraîne pour l'Etat. Le remboursement du capital s'opère, lui, dans un cadre extrabudgétaire et n'apparaît donc jamais en tant que tel au sein du budget.
En 1999, la charge nette de la dette est en apparence stabilisée. Elle s'élève à 237,77 milliards de francs, soit une progression limitée à 1 %. Cette moindre progression est cependant uniquement due à un « effet prix » résultant du niveau historiquement bas des taux d'intérêt. Il s'agit donc là de causes exogènes indépendantes de la volonté du Gouvernement.
En effet, le financement du déficit budgétaire de l'Etat, estimé à 236,5 millards de francs, et de divers engagements pour une somme de 9 milliards de francs, contribuera à accroître par ailleurs mécaniquement les charges de la dette de 12,5 milliards de francs.
Cet « effet volume » rend donc plus que jamais nécessaire l'effort de réduction du déficit budgétaire proposé par la commission des finances. De ce fait, en souhaitant que le déficit soit réduit de 14 milliards de francs supplémentaires par rapport à ce que propose le Gouvernement, la commission entend stabiliser son poids au sein du PIB. Seule une telle politique permettra en effet de préserver l'avenir et de lutter contre l'effet « boule de neige » de l'endettement, qui accroît inexorablement la charge financière pesant sur le budget de l'Etat, limite la marge de manoeuvre de notre politique et fragilise nos finances publiques.
Par ailleurs, il est particulièrement frappant de relever que les dépenses de garantie, qui s'élèvent à 1,5 milliard de francs dans ce projet de budget, sont « très aléatoires et dépendantes d'événements imprévisibles », selon les termes même du Gouvernement.
Cette situation est d'autant plus nette pour l'exercice 1999, s'agissant de garanties à l'exportation, que les aléas des marchés étrangers enregistrés en 1998 risquent de se confirmer en 1999. Ainsi - et je ne citerai qu'un exemple - la COFACE estime qu'une « cessation complète des paiements de la part de l'Indonésie conduirait à des indemnisations pouvant s'élever jusqu'aux environs de 3 milliards de francs sur l'exercice » faisant, par voie de conséquence, supporter à l'Etat un coût non négligeable au titre de l'assurance crédit.
Il me semble également nécessaire de revenir sur la forte inertie des dépenses de personnel, qu'il s'agisse des rémunérations d'activité ou des charges de pension.
Si, à la différence des deux projets de loi de finances précédents, celui-ci ne fait plus figurer aucun crédit au titre des « mesures générales intéressant les agents publics », je tiens néanmoins à rappeler que l'augmentation des rémunérations de la fonction publique sera de 20,1 milliards de francs en 1999, dont 14,8 milliards de francs au seul titre de l'accord salarial dans la fonction publique du 10 février 1998.
Cette progression est d'autant plus inquiétante qu'elle contribue non seulement à accroître le poids des dépenses de fonctionnement, mais également à rigidifier les dépenses publiques. Elle a par ailleurs des effets induits sur les fonctions publiques territoriale et hospitalière, pour des montants estimés respectivement à 6,5 milliards de francs et 5,2 milliards de francs.
Les collectivités locales et les hôpitaux publics devront donc faire face à des augmentations de leurs dépenses de fonctionnement qui leur seront en quelque sorte imposées.
De même, je souhaite attirer attirer votre attention sur « l'explosion programmée » du poids des retraites de la fonction publique, pour reprendre l'expression du président de la commission des finances, M. Alain Lambert.
L'évolution de cette catégorie de dépenses risque de se révéler rapidement problématique, comme le souligne le rapport sur les rémunérations de la fonction publique joint au présent projet de loi de finances. Ce rapport du Gouvernement examine en effet les modalités de financement des retraites publiques, compte tenu des évolutions démographiques prévisibles. Il relève ainsi que la charge budgétaire incombant actuellement à l'Etat représente 70,5 % du montant total de ces dépenses, qui s'élèveront à 175 milliards de francs en 1999. Par ailleurs, compte tenu de l'évolution démographique, le surcoût pour l'Etat est évalué par la direction du budget à plus de 79 milliards de francs dès 2010 et serait, sur les bases actuelles de financement, pour plus de 90 % à la charge de l'Etat.
Il importe donc de prendre rapidement la mesure de ce phénomène. En effet, plus l'action à entreprendre sera réalisée rapidement, plus elle sera efficace et moins elle sera douloureuse.
Je souhaite, enfin, m'interroger sur la sous-estimation volontaire faite l'année dernière par le Gouvernement du coût de la ristourne dégressive fusionnée.
Même si les crédits destinés au financement de mesures exceptionnelles en faveur de l'emploi ne figurent plus depuis cette année au sein du budget des charges communes, je tenais à rappeler que le Gouvernement a volontairement sous-estimé ces crédits lors de l'examen de la loi de finances pour 1998 de plus de 3 milliards de francs. Ils devront donc être rétablis à l'occasion de l'examen du prochain collectif pour 1998, pour un montant qui est maintenant chiffré par le Gouvernement à 5,6 milliards de francs !
Ce projet de budget comporte également des crédits correspondant à la politique du logement. Il me semble à ce titre nécessaire de procéder au recentrage des primes d'épargne logement.
La commission des finances avait, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998, souhaité réduire ces crédits de 2,1 milliards de francs, soit le montant des mesures nouvelles. Ce dispositif est en effet détourné de son objectif, financer le logement dans de meilleures conditions, afin d'être utilisé comme un produit de placement coûteux pour l'Etat et sans effet sur l'économie de la construction.
Pour ces raisons, la commission des finances proposera de réduire de nouveau ces crédits de 2,1 milliards de francs.
Dans ce contexte, s'inscrivant dans le cadre de la stratégie globale définie par le rapporteur général, deux amendements de réduction des crédits ont été déposés. Ils traduisent la volonté de la commission d'oeuvrer en faveur d'une politique budgétaire plus responsable et plus prudente, tout en respectant les règles strictes posées en ce domaine par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
Nous vous demandons également, mes chers collègues, d'adopter les deux articles qui sont rattachés pour leur examen à ce budget. Le premier, l'article 77, concerne la majoration traditionnelle des rentes viagères. Le second, l'article 78, autorise la mise à disposition de La Poste des fonds des comptes courants. Cette mesure permettra de renforcer l'autonomie de La Poste. Il sera cependant nécessaire de préciser l'échéancier en fonction duquel seront décentralisés ces fonds ainsi que son impact sur le financement de l'Etat.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'adoption des deux amendements de la commission des finances, d'adopter les crédits du budget des charges communes ainsi que les deux articles qui sont rattachés pour leur examen à ce budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Loridant, rapporteur spécial.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les comptes spéciaux du Trésor. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les comptes spéciaux du Trésor dessinent un patchwork impressionnant qui couvre la quasi-totalité des interventions publiques. Leur examen conduit à se pencher sur la politique forestière, la politique du sport, la politique du secteur public, les interventions au bénéfice des Etats étrangers, enfin sur presque toute la palette des actions publiques.
La masse des sommes concernées est considérable puisque, par exemple, en 1999, les comptes spéciaux du Trésor représenteront 450 milliards de francs de recettes, soit près du quart des ressources budgétaires de l'Etat.
Ces sommes sont affectées cette année à 41 comptes, soit un de moins que l'an dernier, puisque la suppression du Fonds de soutien aux hydrocarbures est programmée.
Le solde des comptes spéciaux du Trésor, tel qu'il est affiché par le Gouvernement, connaîtrait en 1999 une amélioration très spectaculaire de 7,7 milliards de francs. Autrement dit, d'un déficit prévu en loi de finances initiale pour 1998 de 4,6 milliards de francs, on passerait à un excédent de 3,1 milliards de francs en 1999.
L'amélioration du solde des comptes spéciaux du Trésor contribuerait à plus d'un tiers de la réduction du déficit budgétaire en 1999. Cette situation résulte elle-même d'une forte diminution des charges des comptes spéciaux que ne viendrait pas accompagner à due concurrence la baisse des recettes affectées.
Je souhaite apporter, à ce stade, un complément de commentaire pour indiquer que la réduction des crédits ouverts en 1999 repose dans un certain nombre de cas sur des hypothèses que la commission a jugées optimistes. A titre d'exemple, je pense en particulier à la maîtrise des crédits de comptes de prêts à des Etats étrangers, qui pourrait être déjouée par l'évolution de l'économie internationale et par les catastrophes naturelles qui ont eu lieu tout récemment et que vous avez en tête.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, profiter de notre débat pour faire le point sur les intentions du Gouvernement pour contribuer à alléger la misère de populations cruellement touchées ?
Je pense également que le calibrage retenu pour les dotations aux entreprises publiques est quelque peu incertain. M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. En effet !
M. Paul Loridant, rapporteur spécial. Je reviendrai sur ce point.
Je voudrais aussi faire observer que la seule considération des crédits ouverts par les lois de finances initiales ne suffit pas pour appréhender les opérations des comptes. En effet, l'existence de très importants reports de soldes d'une année sur l'autre, non retracés par les documents budgétaires, doit être gardée à l'esprit pour apprécier l'ampleur des moyens réels des comptes spéciaux du Trésor.
Mes commentaires seront nécessairement partiels.
Je souhaiterais d'abord évoquer deux sujets qui ont retenu l'attention de la commission des finances lors de l'examen des articles de la première partie, celui du Fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF, et celui du Fonds d'intervention pour les aéroports et les transports aériens, le FIATA.
En ce qui concerne le FARIF, M. le rapporteur général a presque tout dit, lors de l'examen des articles de la première partie, des conséquences du dispositif de la loi de 1995. Le Sénat a adopté un amendement aux termes duquel a été refusée l'extension d'assiette proposée par le Gouvernement. Elle portait, je vous le rappelle, sur les locaux commerciaux et de stockage en Ile-de-France. Nous avons, en revanche, accepté la programmation d'une montée en charge du tarif de la taxe sur les bureaux. Cette position se traduira par une progression des ressources du FARIF à partir d'un prélèvement concentré sur les seuls bureaux.
Je m'interroge sur les effets d'une telle évolution qui, je m'empresse de le dire, n'est pas le fait de la décision de notre commission. La diminution des moyens disponibles pour les interventions de l'Etat dans la région d'Ile-de-France pourrait poser à cette région de vrais problèmes de financements d'aménagement. Aussi souhaiterais-je, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous indiquiez quelles sont vos intentions en la matière.
En ce qui concerne le FIATA, il me semble, là aussi, que tout a été dit. La position de principe de notre commission sur la taxe sur l'aviation civile et sur la taxe d'aéroport nous conduira à refuser la mesure proposée par le Gouvernement, même si je ne partage pas l'avis de la commission, mais j'en suis ici le rapporteur.
Par ailleurs, j'évoquerai très rapidement la situation de deux autres comptes : le Fonds national de développement du sport et le Fonds national de développement de la vie associative. Ces deux comptes me paraissent en effet illustrer les dangers du recours à la méthode des comptes d'affectation spéciale. Ce danger est double : celui, d'abord, de voir la spécificité de ces comptes rognée par l'histoire, ces comptes ne devenant qu'un moyen d'appoint de l'action d'un ministère ; celui aussi d'une gestion quelque peu « existentielle » qui suppose un contrôle attentif.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Paul Loridant, rapporteur spécial. Avec l'examen des comptes agricoles que sont le Fonds national pour les adductions d'eau, le FNDAE et le Fonds forestier national, le FFN, on entre, pour le premier, dans les « mystères » de la péréquation, et, pour le second, dans les difficultés d'articulation d'une politique sectorielle.
Dans l'ensemble, l'évolution de ces comptes n'est pas satisfaisante.
S'agissant du FNDAE, je crois qu'on peut déplorer la mise à sa charge de dépenses de dépollution agricole qu'on a jusqu'à présent pas eu le courage de faire financer par les responsables de ces pollutions : c'est l'application du principe « pollueur-payeur ». Cela exerce un effet d'éviction regrettable sur le financement des besoins d'équipement considérables suscités par les directives européennes et cela touche particulièrement les communes rurales et les communes de montagne, auxquelles, vous le savez, le Sénat porte une grande attention.
S'agissant du Fonds national forestier, la question qui se pose est évidemment celle d'adaptation des moyens aux ambitions que l'on nourrit. J'indique que tel n'est pas le cas, et ce depuis de très nombreuses années, si bien que nos engagements en matière de reboisement ne seront pas tenus, ce qui est devenu une habitude.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la France s'est engagée auprès des autorités de Bruxelles à reboiser 15 000 hectares par an. Elle n'en assure que 700 environ. Or, c'est un des moyens reconnus pour combattre l'effet de serre.
L'un des comptes les plus significatifs est celui qui décrit les opérations relatives au secteur public, en d'autres termes les comptes de dotation aux entreprises publiques et le compte de privatisation. Vous savez que ce dernier enregistrerait 17,5 milliards de francs de recettes en 1999, soit une diminution très sensible par rapport aux opérations réalisées en 1997, qui s'élevaient à 60 milliards de francs. Avec ce compte, monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des finances, unanime, estime que la limite de la lisibilité budgétaire est atteinte.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Paul Loridant, rapporteur spécial. Je souhaite insister tout particulièrement sur deux éléments.
D'abord, je m'étonne des estimations produites dans le projet de loi de finances pour 1999, qui ne tiennent pas compte de l'opération de privatisation du Crédit lyonnais. Or le Gouvernement s'est engagé, me semble-t-il, à réaliser cette opération au cours de l'exercice 1999. Nous avons par ailleurs un doute sur l'engagement affiché de privatisation de l'entreprise Aérospatiale.
Ensuite, soulignons que, malgré l'amélioration de la situation financière d'ensemble du secteur public, les besoins à financer restent considérables, qu'il s'agisse de tirer les conséquences des sinistres bancaires ou d'accompagner les difficultés financières de certaines entreprises industrielles, telles que Réseau ferré de France et Charbonnages de France, qui paraissent hors d'état de les surmonter par elles-mêmes.
Dans ces conditions, il est probablement quelque peu irréaliste d'envisager une réduction pérenne des recettes du compte, et, monsieur le secrétaire d'Etat, je fais le pari qu'une loi de finances rectificative nous proposera, en 1999 comme en 1998, d'ajuster les opérations de ce compte de façon significative.
Quant à supposer que ses dépenses pourraient contribuer à la résorption de la dette publique de l'Etat, cela nous paraît dans l'immédiat déraisonnable, le compte devant d'abord servir à résorber celles des entreprises et des établissements publics.
J'ai tout à l'heure évoqué la situation des comptes de prêts aux Etats étrangers. Je n'y reviendrai pas longuement, sinon pour indiquer qu'elle traduit des difficultés auxquelles toute action extérieure se trouve aujourd'hui confrontée. C'est aussi le rôle de la France que d'aider certains pays particulièrement démunis, tout en veillant au bon usage des fonds qui leur sont affectés.
Ces difficultés sont d'abord d'ordre budgétaire, et notre capacité à financer le développement des pays les plus pauvres en souffre. Mais, ces difficultés sont aussi financières et économiques, et nous supportons les dépenses passives des cessations de paiement observées ici ou là. Par conséquent, je m'interroge, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la vraisemblance de l'amélioration du solde des comptes de prêts que vous prévoyez dans le projet de loi de finances.
En conclusion, la commission des finances vous invite, mes chers collègues, à approuver les comptes spéciaux du Trésor, sous réserve de l'adoption de l'amendement qui a été déposé par notre rapporteur général. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 12 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, parler en cinq minutes de sommes aussi importantes que celles qui sont comptabilisées dans le budget des charges communes et des mouvements opérés dans les comptes spéciaux du Trésor relève un peu de la gageure.
Je rappellerai donc simplement que quelque 681 milliards de francs sont inclus dans le périmètre du projet de budget des charges communes, tandis que les mouvements opérés sur les comptes spéciaux atteignent plus de 50 milliards de francs pour les CAS, les comptes d'affectation spéciale, et plus de 374 milliards de francs pour les comptes d'avances, qui comprennent notamment le compte d'avance aux collectivités locales.
Je limiterai donc mon propos à quelques observations sommaires, mais que j'estime utiles.
Je me félicite, tout d'abord, que le projet de budget des charges communes connaisse cette année un changement de périmètre non négligeable, avec la réintégration dans les crédits de l'emploi des sommes consacrées à la couverture des exonérations de cotisations sociales des entreprises.
Si ce choix budgétaire est salutaire, il n'en demeure pas moins que se pose encore la question de l'efficacité de la mesure en elle même, dont nous aurons l'occasion de reparler à l'occasion de l'examen des crédits de l'emploi.
Mon groupe apprécie également que les sommes consacrées au financement des bourses de collège aient enfin quitté les charges communes pour le budget de l'enseignement scolaire.
Je veux d'ailleurs souligner qu'en proposant une réduction forfaitaire des crédits du titre IV de l'enseignement scolaire, nos collègues de la majorité sénatoriale se sont, en quelque sorte, inscrits contre le maintien du pouvoir d'achat de ces bourses de collège.
Plus problématique est, pour nous, le choix du transfert dans le chapitre des charges communes les sommes permettant le financement des pensions des agents des PTT.
Je me dois, maintenant, d'évoquer le problème des comptes spéciaux.
Nous sommes, par principe, relativement réticents au fond au développement de la procédure de mise en place de comptes spéciaux, singulièrement dans le cadre des comptes d'affectation spéciale et des comptes de commerce.
En effet, le développement et l'extension de ces procédures ont souvent permis de dissimuler des débudgétisations plus importantes et ont facilité, accessoirement, un effet d'affichage sur la maîtrise des dépenses publiques.
Le dilemme nous en est d'ailleurs fourni par l'actualité la plus récente et les articles rattachés aux budgets que nous examinons.
Sous la pression d'un cadre budgétaire encore trop étroit, le ministère de l'équipement, des transports et du logement a ainsi été amené à nous proposer en première partie de la loi de finances un financement d'investissements en infrastructures routières par l'extension de la redevance sur les bureaux et un financement de la sécurité aérienne par la modification des missions du Fonds de péréquation des transports aériens.
Nous sommes convaincus, pour notre part, que le recours à la procédure des comptes d'affectation spéciale est en quelque sorte un ultime recours devant les insuffisances de financement constatées dans le budget général et qu'il conviendrait, en ces matières, de procéder de manière différente.
Il n'y a pas, de mon point de vue, de justification économique à la progression limitée, voire au gel, de la dépense publique en certains domaines. Celle-ci ne procède en fait, selon nous, que de l'idéologie libérale qui a cours, notamment, au sein de la Commission européenne.
Vous avez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous souhaitons, avec le temps, que le mouvement de réduction du nombre et du poids des comptes spéciaux se poursuive, afin que soit enfin établie une procédure budgétaire plus transparente.
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec 680 milliards de francs de crédits bruts et 374 milliards de francs de crédits nets, le budget des charges communes est, en termes quantitatifs, le premier budget de l'Etat.
Je ne ferai néanmoins, monsieur le secrétaire d'Etat, que deux observations.
Je veux, d'abord, féliciter votre Gouvernement d'avoir largement clarifié la présentation de ce projet de budget, notamment en transférant au budget de l'emploi les exonérations de charges sociales, ce qui est en effet leur place logique, et en budgétisant les fonds de concours des charges de pensions de La Poste.
Ensuite, je veux vous encourager à poursuivre votre démarche de stabilisation de la dette publique.
Nous observons, en effet, un changement de tendance par rapport aux années précédentes. La charge de la dette progresse désormais de manière raisonnable et, dès le budget de l'an 2000, le niveau de la dette publique en France devrait entamer une décrue.
Ce retour à la raison permettra de retrouver les marges de manoeuvre nécessaires au financement d'une politique orientée vers nos priorités, et d'abord vers l'emploi.
Je m'attarderai plus longuement sur les comptes spéciaux du Trésor, d'abord pour souligner que, comme pour les charges communes, l'opération de clarification entamée dans la loi de finances précédente est poursuivie.
S'agissant du financement de l'accession sociale à la propriété, l'article 53 du projet de loi de finances traduit notamment les termes de la convention signée par l'Etat au mois d'août dernier sur le 1 % logement.
Par cette convention, l'Etat s'est engagé à rebudgétiser progressivement son financement. Cet engagement est une bonne chose et a été salué par tous.
Cependant, ce même article prévoit la suppression du compte d'affectation spéciale créé à cet effet au 31 décembre 1999.
De l'an 2000 à 2002, les prélèvements sur le 1 % logement vont donc perdurer, monsieur le secrétaire d'Etat.
Comme le compte sera supprimé, le prélèvement sur le 1 % logement ne sera-t-il pas considéré comme une simple recette du budget de l'Etat ? Cette crainte est sans doute infondée en raison des engagements pris dans le cadre de la convention quinquennale, mais nous souhaiterions, monsieur le secrétaire d'Etat, être totalement rassurés sur ce point.
En ce qui concerne la gestion du secteur public, après plusieurs années marquées par une approche purement idéologique de la question et l'insuffisante implication de l'Etat actionnaire dans les entreprises publiques, le Gouvernement a adopté une démarche pragmatique, agissant au cas par cas, avec le souci de préserver l'intérêt du pays et le développement de ses entreprises.
La situation du secteur public a d'ailleurs été rétablie. En effet, autant pour les grandes entreprises nationales que pour les entreprises du secteur de l'assurance et du secteur bancaire, hormis la Société marseillaise de crédit, la situation globalement déficitaire de 1996 est devenue excédentaire à partir de 1997.
Un débat est prévu à l'Assemblée nationale sur le secteur public financier. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous le suivrons avec la plus grande attention.
Je voudrais, pour terminer, dire quelques mots du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE.
Protéger les sources, refaire des circuits d'adduction devenus vétustes, améliorer la desserte et la qualité des eaux distribuées, ce sont là autant de dépenses importantes pour les communes, notamment les communes de montagne, les communes rurales, les communes pauvres, et l'on sait que ce fonds contribue, entre autres, à ces investissements obligatoires.
Il est normal que ces investissements, qui atteignent plus de 11 milliards de francs par an, soient en forte croissance. D'où l'intérêt de préserver les moyens financiers du FNDAE, même si sa contribution trop faible se limite à environ 10 % du coût des projets.
Le projet de loi de finances pour 1996 avait augmenté la redevance sur les consommations d'eau afin de stopper la dégradation des moyens de ce fonds. Cela s'avère insuffisant, monsieur le secrétaire d'Etat.
Ainsi, pour 1999, le produit de la redevance sur les consommations d'eau devrait rester stable en francs courants : 540 millions de francs. Par ailleurs, le produit du prélèvement sur le PMU ne devrait pas progresser davantage, compte tenu de la fragilité de cet organisme. Au total, les recettes du fonds ne progresseront que de 0,4 %, passant de 981 millions de francs à 985 millions de francs.
Mais il est vrai que les recettes de 1998 devraient, en fait, s'élever à 995 millions de francs.
Nous le savons tous, monsieur le secrétaire d'Etat, l'eau n'est plus ce bien inépuisable que l'on croyait éternel. Chacun a pris conscience de la nécessité de protéger et de transmettre aux générations futures une eau de qualité, une eau sans laquelle aucune vie ne serait possible sur notre planète.
Tout le monde, les élus en premier, comprend et accepte les obligations résultant de la loi sur l'eau et leurs conséquences en termes d'investissements, soit, je le rappelle, 11 milliards de francs par an. Ces dépenses obligatoires sont très lourdes pour les petites communes et les communes pauvres, qui doivent donc s'endetter sur plusieurs décennies.
Au siècle dernier, lorsque la République a voulu que chaque Français sache lire et écrire, l'Etat s'est donné les moyens de répondre à cet objectif et, dans toutes les communes, de la plus petite à la plus grande, il a bâti des écoles.
De même, la protection de notre ressource en eau peut être considérée, monsieur le secrétaire d'Etat, comme une cause nationale. Compte tenu de l'obligation de répondre aux besoins et des investissements programmés, l'Etat doit s'impliquer davantage et mieux aider les communes les plus petites, celles de montagne et les plus pauvres d'abord, en supprimant les utilisations du FNDAE pour des actions qui n'étaient pas prévues, et, ensuite, en portant peut-être sa participation au-delà des 10 % et, enfin, en invitant les agences de bassin à une plus grande générosité.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste votera le budget des charges communes et des comptes spéciaux du Trésor, sous réserve du rejet des amendements de réduction présentés par la majorité sénatoriale, et qui remettent en cause des aspects importants de la politique du Gouvernement que nous soutenons.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce budget « mammouth » des charges communes, le tiers du budget de la France, ne comporte pas, traditionnellement, de mesures spectaculaires. Il est composé, pour l'essentiel, de crédits évaluatifs, mais l'évolution de ces crédits reflète bien les tendances de fond de nos finances publiques, les conséquences des réformes - ou leur absence - qui modèlent à long terme le budget.
J'évoquerai, à cet égard, le problème du coût des retraites et celui des dégrèvements législatifs locaux, car je relève que nous avons déjà longuement parlé de la dette.
Mais je voudrais d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, consacrer quelques mots aux crédits d'intervention de votre budget. Ce budget devrait naturellement participer à l'effort de réduction du déficit budgétaire, même si je suis tout à fait d'accord avec certaines augmentations, qui sont bienvenues, en particulier celles des crédits affectés à la SOFARIS, la société française pour l'assurance du capital risque.
La commission des finances nous propose une réduction significative de 2,1 milliards de francs de crédits en matière de prime d'épargne logement. Au-delà de cette économie, qui porte d'ailleurs sur des crédits évaluatifs, je m'interroge sur l'évolution du système d'aide à la construction constitué par ces primes.
Il semble poser un problème aussi bien à la Cour des comptes qu'au rapporteur spécial, socialiste, de l'Assemblée nationale.
En effet, l'Etat accorde une prime maximale de 10 000 francs aux titulaires de plan qui affectent le produit de leur épargne au financement de leur habitation principale. Or, ce dispositif coûteux, 8,1 milliards de francs, est aujourd'hui largement détourné de son objectif.
La Cour des comptes fait ainsi remarquer que l'encours des prêts ne représente plus que 23 % de celui des dépôts, qui atteignait plus de 1 200 milliards de francs à la fin de l'année dernière.
Nous savons tous que le plan d'épargne logement est devenu un produit de placement performant si on le compare aux SICAV monétaires, puisque son taux actuel est de 4,25 %. A l'inverse, du fait de la baisse des taux, le taux des prêts accordés au titre de l'épargne logement devient moins intéressant face à la concurrence.
Le nombre des plans a littéralement explosé au cours des années récentes : il a dépassé les 15 millions et il s'est accru de 12 % l'année dernière.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne vous demande naturellement pas - pas plus, je pense, que la commission ! - de réviser les contrats en cours,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Evidemment !
M. Yves Fréville. ... qui doivent aller jusqu'à leur terme. Mais ne devrait-on pas réfléchir au taux administré des plans d'épargne logement, comme l'a demandé le gouverneur de la Banque de France ?
N'y aurait-il pas lieu d'être plus exigeant pour les nouveaux prêts quant à l'affectation de la prime à l'effort de construction ?
La commission a soulevé un problème de fond pertinent. C'est pourquoi nous voterons son amendement.
J'en arrive aux autres problèmes posés par ce budget.
La dérive des charges de retraite des fonctionnaires est de plus en plus contraignante. Elle se poursuit dans une certaine indifférence, même si le Gouvernement demande une énième mise à jour des perspectives démographiques - tout le monde les connaît - des régimes spéciaux au Commissariat général du Plan.
Tout d'abord, plus de clarté serait nécessaire pour une meilleure information du Parlement. Ce n'est en effet qu'en gestion que les crédits de pension sont regroupés dans les charges communes ; ils sont préalablement ventilés, lors du vote du budget, dans les divers fascicules budgétaires où ils font un peu de « gonflette », si vous me permettez cette expression, gonflette non significative, d'ailleurs, puisque, par exemple, les retraites des professeurs d'université sont comprises dans la section scolaire, ce qui aboutit à une sous-évaluation du coût de l'enseignement supérieur.
Il faut donc revenir à la lettre et à l'esprit de l'ordonnance organique, dont l'article 6 rattache très clairement la dette viagère au titre Ier. Appliquons cette ordonnance organique ; nous aurons ainsi une vision exacte, dès le vote du budget, de la dérive de la subvention d'équilibre de l'Etat, qui est passée de 98 milliards de francs, en 1994, à 122 milliards de francs cette année, soit une majoration annuelle de 5 % en moyenne.
Je souhaiterais très vivement aussi plus de clarté en ce qui concerne les mécanismes de compensation généralisée et de surcompensation spécifique entre les régimes spéciaux, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et l'Etat.
La subvention d'équilibre du budget de l'Etat au titre de la compensation apparaît bien au chapitre 33-91 pour 20,4 milliards de francs cette année, alors qu'elle n'atteignait que 11 milliards de francs en 1992. Voilà donc, là encore, une dérive très forte ! Naturellement, ce que je dis de l'Etat s'appliquerait aussi bien aux prélèvements exigés des collectivités locales du fait du régime de la CNRACL. Les ajustements ne suffisent plus. Il faudrait une réforme des régimes spéciaux.
Je souhaite également évoquer la rigidité à la baisse des dégrèvements législatifs d'impôts locaux.
Ces dégrèvements atteindront 61 milliards de francs l'an prochain, en progression de 2,8 %. Ils constituent 22 % de l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités locales.
Ces dégrèvements sont désormais - l'administration des finances a, en ce domaine, fait de remarquables progrès - parfaitement isolés au sein de la comptabilité de l'Etat, ce qui n'était pas le cas avant 1994. Mais il faudrait en tirer les conséquences : ils ne devraient plus figurer dans la présentation de l'article d'équilibre en déduction des recettes brutes de l'Etat. Pourquoi déduire des dégrèvements d'impôts locaux des impôts d'Etat ? Ce sont des dépenses à part entière que nous devons traiter commes telles.
Je présenterai deux remarques au sujet de l'évolution de ces dégrèvements d'impôts locaux.
L'accroissement de ces dégrèvements, qui ont littéralement explosé après la dépression des années 1992 et 1993, est pour les trois quarts dû à l'augmentation du coût du plafonnement à la valeur ajoutée de la taxe professionnelle.
On aurait pu croire que ce mécanisme agisse comme un stabilisateur automatique et que, la valeur ajoutée des entreprises diminuant fortement en période de récession, l'Etat aide les entreprises, en tant que contribuables locaux, pendant cette période délicate.
On aurait pu penser aussi que ce dégrèvement diminuerait deux ans après la fin de la récession. Je dois donc vous avouer mon étonnement, monsieur le secrétaire d'Etat, devant la non-réduction de ce dégrèvement, que je ne comprends pas.
Pourtant - et je souhaite toujours que, en matière de dégrèvement cela soit fait - on a bloqué, en 1995, le taux d'impôt servant au calcul de ce dégrèvement. Celui-ci ne diminue pas ou, plus exactement, s'il diminue cette année, c'est uniquement à hauteur de 2,8 milliards de francs du fait de votre réforme de la part salariale de la taxe professionnelle. Soucieux de davantage comprendre cette évolution, je vous soumets cette question.
En outre, nous nous heurtons aux effets pervers des dégrèvements de taxe d'habitation. J'évoque cette question puisque nous aurons à traiter ici même de la réforme de la taxe d'habitation l'année prochaine. Ces dégrèvements de divers types s'élèvent à 11 milliards de francs.
Dans certaines villes, notamment dans la mienne, près de la moitié des contribuables en bénéficient. Ce n'est pas cela qui me gêne. Ce qui me gêne, c'est le fait que ces contribuables ne supportent plus aucune conséquence des accroissements des taux des impôts locaux, faute de voir jouer le mécanisme de blocage que j'évoquais tout à l'heure et que j'aurais d'ailleurs souhaité voir instituer pour la réforme de la taxe professionnelle ; ils sont littéralement anesthésiés.
L'élu local devant être responsable de la pression fiscale devant le contribuable électeur, il ne me paraît pas sain que cette responsabilité disparaisse dans l'organisation de notre système de dégrèvement.
Plus grave, ce système de dégrèvement de la taxe d'habitation a des effets « contre-péréquateurs ».
Voilà quelques années, en 1995, avait été donnée la répartition de ces dégrèvements par département. Il est apparu très clairement que c'étaient les départements sièges des grandes agglomérations, du midi de la France en particulier - je n'ai rien contre l'Hérault, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, le Gard voire la Gironde, monsieur le président (Sourires) -, qui bénéficient le plus de dégrèvements, reportant ainsi une part de leurs charges fiscales sur le contribuable national. Les départements les plus ruraux et les départements de montagne étaient, au contraire, défavorisés, alors que les revenus par habitant y sont les plus faibles.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faudrait continuer à publier ces dégrèvements par département et à les analyser de façon plus approfondie, afin que l'on puisse exactement apprécier leur effet contre-péréquateur.
Je terminerai, monsieur le secrétaire d'Etat, par une question concernant le principal compte spécial du Trésor : le compte d'avances sur impositions locales.
Je m'interroge en effet sur l'ampleur du solde débiteur de ce compte au 31 décembre 1997. Notre excellent rapporteur avait regretté que l'on n'ait pas toujours les soldes des comptes. J'ai donc regardé dans le compte général de l'administration des finances : le solde actuel s'élève à 111,183 milliards de francs à la fin de 1997. Comment un solde aussi important peut-il continuer à se creuser ?
Par ailleurs, alors que ce compte spécial du Trésor était traditionnellement débiteur les années passées - en loi de finances initiale à la suite, au demeurant, d'une réforme menée par M. Charasse voilà quelques années - il est quasiment en équilibre en 1999, ce qui améliore de 2,7 milliards de francs l'équilibre budgétaire. J'ai trouvé d'autant moins d'explication à cela que les recettes provenant de l'encaissement de la taxe professionnelle diminueraient mécaniquement si, par malheur, on n'adoptait pas l'excellent amendement de notre rapporteur spécial.
Cela m'amène à ma dernière question : si par hasard l'Assemblée nationale ne se ralliait pas aux propositions du Sénat concernant la réforme de la taxe professionnelle, comment serait payée aux collectivités locales la compensation qui leur permet d'assurer leur trésorerie puisqu'il n'y aurait plus de paiement par douzièmes au titre des impôts locaux ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellente question !
M. Yves Fréville. Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques questions que je souhaitais vous poser, étant entendu que le groupe de l'Union centriste votera le projet de budget tel qu'amendé par la commission des finances. (M. le rapporteur général applaudit.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je bornerai cette brève intervention à trois séries de remarques de caractère quelque peu général.
En premier lieu, s'agissant de la dette, monsieur le secrétaire d'Etat, comme l'a dit très justement M. de Rocca Serra, seul apparaît dans le budget de l'Etat le coût en trésorerie de la charge de l'Etat ; seuls apparaissent dans les documents budgétaires les intérêts des emprunts. Le remboursement des emprunts est confondu dans les mouvements de trésorerie de l'Etat. On procède ainsi, si je ne me trompe, de toute éternité, et cela est parfaitement conforme à l'ordonnance organique de 1959.
Lorsque j'ai fait allusion à ce point dans la discussion générale, M. Dominique Strauss-Kahn a fait une remarque qui figure au Journal officiel et selon laquelle toutes les entreprisess feraient ainsi. Je regrette beaucoup, monsieur le secrétaire d'Etat, mais, nous le savons bien, les entreprises ne font pas ainsi. Elles ont des tableaux d'amortissement de leurs dettes qui sont transmis à leurs organes sociaux et qui sont appréciés par ces derniers.
En ce qui nous concerne, nous ne disposons d'aucun document annexé au projet de loi de finances indiquant quel sera l'échéancier de remboursement des dettes de l'Etat. Certes, des indications nous sont données, mais seulement en réalisation, c'est-à-dire ex post. Il n'existe pas de tableau d'amortissements ni d'éléments prévisionnels.
Dans les progrès à réaliser pour aller vers plus de transparence, ne serait-il pas utile de disposer d'un « jaune » budgétaire, d'un document de nature économique et prévisionnelle permettant d'apprécier ce que sera pour l'avenir la charge du remboursement des emprunts ?
En deuxième lieu, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais joindre mes remarques à celles de M. Loridant, rapporteur spécial pour les comptes spéciaux du Trésor, en ce qui concerne les aspects liés au secteur public.
Nous le voyons bien, les données budgétaires que l'on nous demande d'approuver sont très partielles, voire tronquées. Nous nous interrogeons sur cette pratique.
Nous nous interrogeons aussi sur l'estimation réaliste des opérations annoncées, comme la privatisation du Crédit lyonnais.
Nous nous interrogeons encore, dans le souci de la défense des intérêts patrimoniaux de l'Etat, sur l'articulation d'une opération telle que l'évolution capitalistique d'Aérospatiale. On y a fait allusion dans le rapport de notre commission. Nous avons beaucoup de paramètres complexes sur lesquels nous reviendrons. Il va falloir se livrer à des évaluations d'entreprises à la recherche de parité entre plusieurs groupes industriels. De tout cela, il n'est nullement question ; il n'est même nulle trace dans les documents budgétaires.
J'ai effectivement entendu différentes annonces sur ces sujets, ailleurs que dans l'hémicycle et en dehors de la discussion budgétaire. Je vais exprimer un regret à ce sujet. Je constate que ces annonces font partie du débat public, mais qu'elles ne font pas partie des dispositions qu'on demande à la représentation nationale d'approuver.
En troisième lieu, pour éviter d'avoir à y revenir tout à l'heure, je voudrais rappeler, concernant l'épargne logement, monsieur le secrétaire d'Etat, l'analyse et les positions de la commission des finances.
L'inscription des crédits correspondants aux charges communes n'est qu'une estimation. Elle dépend du nombre de plans et de comptes clôturés au cours de l'année. Vous avez inscrit une somme de 8,1 milliards de francs, qui se révélera plus ou moins exacte, naturellement, selon le nombre effectif de plans ou de comptes clôturés. Quelle est notre position constante ?
Elle est d'abord de constater que les taux d'intérêt de l'épargne logement sont trop élevés et qu'ils dénaturent ce produit. Les plans sont devenus de l'épargne à moyen terme, concurrents de l'assurance vie, et ce, mes chers collègues, aux frais du contribuable. Le nombre de tels plans est de 16 millions ; une prime de 10 000 francs au maximum est attachée à chacun d'eux, soit une dette potentielle de l'Etat de l'ordre de 160 milliards de francs. Nous savons que les primes sont versées même s'il n'y a pas achat de logement, comme le disait très justement M. Fréville.
Il conviendrait, à notre avis, de réserver la prime, ou peut-être une fraction de celle-ci, aux épargnants qui effectuent réellement une opération immobilière, avec les effets sur l'économie qui en dépendent. Si nos idées avaient été appliquées, bien sûr sans rétroactivité sur les plans en cours, cela va de soi, des économies importantes auraient été faites sur l'épargne logement.
C'est tout simplement ce que nous proposons de faire avec l'amendement de réduction de 2,1 milliards de francs qui vous sera proposé tout à l'heure, mes chers collègues. Il ne s'agit évidemment pas de priver aujourd'hui les épargnants des droits qu'ils ont acquis. C'est bien clair. Il ne faudrait pas dénaturer, comme c'est le cas sur d'autres sujets, les positions de la majorité sénatoriale.
Par ailleurs, si l'on en reste à 6 milliards de francs de crédits au lieu de 8,1 milliards de francs, comme nous le proposons, ces crédits demeureront, bien entendu, évaluatifs. En fonction de l'évolution économique et des choix des épargnants, on constatera peut-être moins de dépenses ou plus de dépenses. Dans ce dernier cas, il conviendra, comme dans l'ensemble du budget des charges communes, de procéder par redéploiement.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques remarques de principe que je tenais à formuler au nom de notre commission et à titre de complément aux excellents propos qui ont été tenus au cours de la discussion.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai, selon la tradition, mais aussi avec beaucoup de conviction, par remercier M. de Rocca Serra et M. Loridant, qui ont fourni, respectivement sur le budget des charges communes et sur celui des comptes spéciaux du Trésor, une analyse très complète sur des sujets très complexes.
Je voudrais aussi - je m'attacherai à leur répondre - remercier de leurs commentaires Mmes Beaudeau et Bergé-Lavigne, M. Fréville et in fine M. le rapporteur général.
Sans entrer dans le détail des chiffres, je rappelle que le budget des charges communes s'établit à 680,9 milliards de francs, en progression de 0,7 % par rapport à 1998.
M. de Rocca Serra a bien résumé ce projet de budget en disant que les trois premiers postes de dépenses, à savoir les remboursements d'impôts et dégrèvements - sur lesquels M. Fréville est revenu - la charge de la dette et les charges sociales représentaient 90 % du total des dépenses.
Comme cela a été souligné par Mme Bergé-Lavigne, si l'on met de côté les dépenses qui ne sont qu'une simple contrepartie des recettes, en particulier les remboursements et dégrèvements, qui s'élèvent à près de 307 milliards de francs, ainsi que les recettes d'ordre, qui atteignent 16 milliards de francs, les charges communes nettes, pour reprendre son expression, s'établissent à 258 milliards de francs, ce qui représente tout de même 21,5 % du total des charges nettes de l'Etat.
M. de Rocca Serra a très bien décrit les différentes composantes de ce projet de budget. Je n'insiste donc que sur quelques points qui seront autant de réponses aux questions posées, et ce pour expliciter la politique du Gouvernement.
Tout d'abord, Mmes Beaudeau et Bergé-Lavigne, après M. de Rocca Serra, ont insisté sur les modification de périmètre qui ont été opérées sur ce projet de budget et qui correspondent à une volonté de transparence et de clarification. Nous aurons l'occasion de le constater prochainement en examinant le projet de budget du ministère des finances. Comme cela a été souligné par les deux sénatrices, les crédits en faveur de l'emploi qui étaient inscrits au budget des charges communes ont été transférés sur le budget de l'emploi, ce qui représente un montant de près de 30 milliards de francs. Ils financent, en particulier, la ristourne dégressive sur les bas salaires.
A cet égard, je voudrais tout de suite apporter une réponse à M. de Rocca Serra, qui a évoqué les crédits inscrits au budget de 1998. Bien entendu, tous les commentaires sont dignes de réponse, même s'ils portent sur le budget de 1998.
Puisque vous considérez que le Gouvernement aurait sous-estimé ces crédits en 1998, permettez-moi de vous citer quelques chiffres, monsieur le rapporteur spécial : ceux qui étaient prévus en 1998 ont été, au titre de la ristourne générale, de 38,8 milliards, auxquels s'ajoute une ristourne dite « textile » de 500 millions de francs, ce qui représente un total de 39,3 milliards de francs. La prévision de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, datant de septembre dernier, fait état d'une exécution de l'ordre de 39,5 milliards de francs. Vous voyez que les sommes sont très proches.
Vous avez remarqué, dans le collectif budgétaire qui viendra prochainement en discussion devant la Haute Assemblée, qu'une somme de 5,6 milliards de francs était prévue. Pour répondre à votre interrogation, il s'agit non pas d'une sous-estimation du budget initial pour 1998, mais d'apurements de dettes de l'Etat pour les années antérieures.
J'en reviens à la volonté de transparence et de clarification. A cet égard, Mme Beaudeau s'est aussi félicitée du transfert des bourses de l'enseignement scolaire dans le budget correspondant. Je n'ai rien à ajouter à ces commentaires approbateurs.
En sens inverse, cela a été signalé, 15,3 milliards de francs ont été réintégrés dans le budget général au titre des charges communes. Cette somme venait, si je puis dire, de l'extérieur. Il s'agit en particulier - Mme Beaudeau a attiré l'attention sur ce point - des pensions que l'Etat verse aux fonctionnaires pour le compte de La Poste, pour un montant de 14,8 milliards de francs.
Je crois, madame Beaudeau, que cela constitue une garantie supplémentaire. Le fait que les retraites des fonctionnaires postiers soient désormais inscrites dans le budget général représente plutôt pour ceux-ci, s'ils avaient eu la moindre inquiétude, ce dont je doute, un élément de réconfort.
Il y a aussi la réintégration dans le budget général des crédits de la SOFARIS. M. Fréville a souligné l'importance de cette disposition.
Le deuxième point sur lequel je voudrais insister a trait à la question du service de la dette. M. Marini étant le rapporteur général, je commencerai par répondre à sa question.
M. Marini a déclaré que nous donnions des informations sur les intérêts et le service de la dette, mais que nous ne disions rien du montant de la dette totale et surtout de son échéancier. Je voudrais apporter un certain nombre de précisions en la matière.
Tout d'abord, vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que M. Arthuis avait lancé un grand exercice de comptabilité patrimoniale de l'Etat, exercice que j'ai décidé de poursuivre, car cela me semble être une bonne chose.
Par ailleurs, je crois que, en réponse au questionnaire dressé par les parlementaires, nous avons donné au Sénat des précisions sur la dette, notamment sur la durée - les spécialistes parlent de « duration », mais je ne suis pas certain que ce terme soit français...
M. Joël Bourdin. Si !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Au temps, pour moi !
... durée qui détermine évidemment l'amortissement. Pour répondre encore plus précisément à la question de M. Marini, j'ajoute que l'amortissement se fait, d'une part, en fonction des échéances des titres, bien sûr - la direction du Trésor donne des informations mensuelles sur l'encours de la dette - et, d'autre part, l'amortissement de la dette n'étant pas un exercice mécanique - j'y reviendrai - en fonction des opportunités du marché, de la liquidité des titres sur le marché secondaire, ce qui, évidemment, ne dépend ni de l'Etat ni de la direction du Trésor, mais des opportunités à saisir en la matière.
Sur les marchés financiers internationaux, l'Etat français est réputé pour sa transparence, sa régularité et la simplicité de son approche de ces sujets.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'est pas le seul !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. La France bénéficie aussi des taux les plus faibles en la matière.
Si la commission des finances a des curiosités supplémentaires, nous verrons comment la satisfaire.
Chaque année, l'Etat publie un compte général de l'administration des finances, qui constitue un premier bilan de l'Etat comprenant, évidemment, des éléments patrimoniaux.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas un document budgétaire.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce n'est peut-être pas un document budgétaire, mais c'est un document d'information qui peut être utile au débat.
Mais peut-être faut-il, monsieur le rapporteur général, progresser dans ces domaines. Le Gouvernement est toujours à la dispostion des commissions des finances pour tenter d'améliorer l'information des parlementaires, sans, évidemment, dévoiler des éléments stratégiques. Je connais votre sens des responsabilités ; je n'ai donc aucune inquiétude sur ce point.
J'en viens au service de la dette, dont M. de Rocca Serra a donné les chiffres principaux. Il me permettra de le critiquer avec courtoisie dans la mesure où il a affirmé que la progression du service de la dette de 2,4 milliards de francs, de la loi de finances initiale de 1998 à la loi de finances initiale de 1999, était due uniquement à « l'effet prix », très jolie expression d'économiste qui doit réjouir M. Fréville.
En clair, cela veut dire que la faible progression du service de la dette entre 1998 et 1999 serait uniquement due au fait que les taux d'intérêts sont historiquement bas et - je cite M. de Rocca Serra - tiendrait à « des causes exogènes, indépendantes de la volonté du Gouvernement ».
Je suis en désaccord avec lui pour un certain nombre de raisons.
Premièrement, le niveau des taux d'intérêts ne tombe pas du ciel. Il dépend en partie de la politique économique qui a été suivie. Ainsi, ce sont les mesures d'urgence à caractère fiscal et financier prises au cours de l'été 1997 qui ont permis la qualification de la France pour l'euro, qualification qui nous paraît aujourd'hui une évidence, mais qui, au moment des élections du printemps 1997, n'était pas absolument acquise.
A son tour, cette qualification pour l'euro a contribué à faire bénéficier la France de faibles taux d'intérêts.
Voilà pour le passé.
En ce qui concerne l'avenir, je ne reprendrai pas les propos tenus par le ministre de l'économie et des finances à cette même tribune : il a fort bien expliqué que la meilleure politique économique à mener pour soutenir en Europe une croissance durable, c'est une politique budgétaire d'encouragement de la croissance et de réduction des déficits associée à une politique monétaire permettant le développement de l'économie dans un contexte non inflationniste.
S'il fallait chercher un exemple de cette politique économique à l'étranger - mais nous n'avons pas besoin d'exemple étranger ! - on pourrait citer la politique suivie par les Etats-Unis depuis six ou sept ans - le « policy-mix », comme disent les spécialistes.
Ainsi, première réponse : les taux d'intérêts ne sont pas entièrement extérieurs à une volonté politique en matière économique.
Deuxième réponse : à côté de l' « effet prix », il y a eu aussi, pour continuer à employer un langage d'économiste, un « effet volume » : quand les déficits se réduisent - sans ouvrir une polémique, je dirai qu'ils se sont davantage réduits en deux ans qu'au cours des cinq années précédentes - la progression de la dette se ralentit et, en conséquence, le service de la dette diminue lui aussi.
Je vous rappelle qu'en 1995, année où le déficit budgétaire a connu un record absolu puisqu'il a atteint 323 milliards de francs, la charge de la dette a crû d'une vingtaine de milliards de francs.
Troisième réponse : la faible progression de la dette en 1999 est liée à ce que les spécialistes appellent la gestion active de la dette ; on ne rembourse pas uniquement aux échéances, on peut parfois anticiper.
A titre d'exemple, monsieur de Rocca Serra, l'opération d'échange sur l'écu conduite le 15 avril dernier sur une enveloppe de plus de 60 milliards de francs de dettes permettra de dégager une économie de près de 2 milliards de francs en 1999. Vous voyez que la dette peut être gérée d'une façon active.
Comme Mme Bergé-Lavigne l'a fort bien expliqué, le Gouvernement s'est fixé pour objectif d'annuler quasiment la progression de la dette publique en 1999 et de faire diminuer son poids en pourcentage du PIB à partir de l'an 2000 ; ce sera la première fois depuis une vingtaine d'année.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous pourriez aller beaucoup plus vite !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Peut-être, monsieur le rapporteur général, mais permettez-moi de préférer la démarche gouvernementale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est votre droit !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est mon droit et mon devoir ; la démarche gouvernementale est une démarche à la fois forte et équilibrée. Je pense, monsieur le rapporteur général, que la volonté de la commission des finances du Sénat de réduire brutalement le déficit en 1999 pour atteindre cet objectif de stabilisation de la dette en pourcentage du PIB pourrait, dans une certaine mesure, peser sur le dynamisme de notre économie l'an prochain. Ce serait donc un peu une politique de gribouille,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est contestable, vous le savez bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... puisque, pour réduire le déficit, on porterait atteinte à la croissance qui, diminuant les recettes, accroîtrait le déficit.
Je vais maintenant répondre aux questions qui m'ont été posées avant d'aborder les crédits des comptes spéciaux du Trésor.
M. de Rocca Serra m'a interrogé sur les annulations de dettes des pays d'Amérique centrale qui ont été annoncées, sur place, par le Président de la République.
Vous savez que la réaction française a été très rapide : elle a commencé par une aide alimentaire de 12 000 tonnes de riz pour une somme de 37 millions de francs et une aide d'urgence d'environ 28 millions de francs. Mais la France est allée au-delà. Au total, et sous réserve d'ajustements qui pourront intervenir dans des réunions internationales, la France a annoncé l'annulation d'environ 750 millions de francs de dettes. Cet engagement sera évidemment respecté. Il permettra à ces pays de ne pas voir obérées leurs capacités de financement et d'être mieux à même de reconstruire leur économie.
D'un point de vue technique, je voudrais vous dire, monsieur de Rocca Serra, que cela ne va pas peser sur le budget de 1999. Nous n'avons pas encore la traduction budgétaire des chiffres définitifs, mais ils seront pris en compte dans les lois de finances à venir.
Vous m'avez également interrogé sur la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, en demandant si le Gouvernement n'était pas trop optimiste en la matière.
Vos remarques sont pertinentes. Elles le sont d'ailleurs à tel point que le Gouvernement en a déjà tenu compte.
S'agissant de la crise indonésienne, une provision de 2,3 milliards de francs a été constituée par la COFACE, lors de la période complémentaire de 1997.
Quant aux inquiétudes du côté de la Russie, de l'Iran et des Philippines, dont la compagnie aérienne a déposé le bilan, le Gouvernement a décidé de constituer une nouvelle provision de 2 milliards de francs en diminuant, à due concurrence, les 6 milliards de francs de recettes non fiscales que l'Etat attend de la COFACE en 1998. Votre souci a donc déjà été pris en compte.
S'agissant des dégrèvements, j'ai entendu avec délice les remarques subtiles de M. Fréville. Elles sont de plusieurs ordres.
La première est de principe. Je rappelle à M. Fréville que les dégrèvements sont bien des dépenses de l'Etat, comme le prévoit l'ordonnance portant loi organique. C'est ce qu'on appelle, en langage technique, des dépenses en atténuation de recettes. Je signale en passant que le Sénat a accru ces dégrèvements, dans la première partie de la loi de finances, de 12,2 milliards de francs au titre de la taxe professionnelle.
Vous avez posé des questions de présentation, sur lesquelles nous pourrions revenir si vous le souhaitez.
Vous avez, enfin, formulé le souhait que les dégrèvements soient de nouveau publiés département par département. Je pense que vous songiez à la taxe d'habitation. Cette procédure a été suivie en 1995. A priori , ces données statistiques existent. Je verrai s'il est possible de vous donner satisfaction sur ce point.
J'en viens maintenant aux comptes spéciaux du Trésor. Je remercie une nouvelle fois M. Loridant de son excellent rapport, tant écrit qu'oral, sur un ensemble qui, comme il l'a souligné, est particulièrement éclectique.
Il a noté que le solde des comptes spéciaux du Trésor, qui a enregistré, en 1998, un déficit de 4,6 milliards de francs, dégagera, en 1999, un excédent de 3,1 milliards de francs. Cette amélioration, qu'il a qualifiée de spectaculaire - c'est peut-être un bien grand mot -, découle de deux éléments.
Le premier provient du compte d'affectation spéciale relatif au fonds pour le financement de l'accession à la propriété, qui était équilibré l'an dernier et qui dégagera, l'année prochaine, un excédent de 3,5 milliards de francs.
En fait, cet excédent est dû à la réintégration des dépenses du prêt à taux zéro sur le budget général. Il s'agit, là encore, d'une opération de transparence.
Mme Bergé-Lavigne a mentionné la convention qui a été signée le 3 août 1998 entre l'Etat et les gestionnaires du 1 % logement. Cela va permettre d'apporter à l'accession sociale à la propriété des ressources pérennes. Bien entendu, au fur et à mesure que ce compte d'affectation spéciale relatif au logement verra ses crédits diminuer, le budget général prendra la relève, de façon que la politique du logement soit parfaitement financée.
Le deuxième élément d'amélioration des comptes spéciaux du Trésor - M. Fréville a insisté sur ce point - provient du compte d'avances aux collectivités locales, qui, en déficit de 2,7 milliards de francs dans le budget de 1998, sera équilibré dans celui de 1999, du fait d'une économie mécanique sur le coût du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée induite par la réforme de la taxe professionnelle.
Je voudrais ajouter quelques commentaires sur le compte d'affectation des produits de cession de titres, parts et droits de propriété.
Puisque vous avez souhaité de la transparence, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous communiquer un certain nombre de chiffres relatifs aux recettes attendues en 1999 et aux dépenses correspondantes.
Les recettes se répartissent ainsi : 9,5 milliards de francs proviendront de la cession de GAN, société centrale ; 5,5 milliards de francs de la cession de participations minoritaires ; 2,5 milliards de francs du solde de paiement des salariés sur les opérations France Télécom.
Si l'on ajoute aux recettes de 1998 et de 1999 3,5 milliards de francs de report de l'année 1997, le montant global de ressources s'établit à 64 milliards de francs.
A quels usages sera affectée cette somme ? Réseau ferré de France recevra 23 milliards de francs, un certain nombre de structures de défaisance financière, 22 milliards de francs ; le secteur minier, 5,5 milliards de francs ; GAN rachat de participations minoritaires, 4,5 milliards de francs ; la Société marseillaise de crédit, 2,9 milliards de francs ; les autres apports publics, 4,1 milliards de francs. Les frais et commissions, usuels en la matière, s'établiront à 2 milliards de francs. Telles sont les précisions que je souhaitais apporter.
M. Loridant s'est étonné de ne pas trouver le Crédit Lyonnais dans les ressources.
Mme Marie-Claude Beaudeau. On ne va pas le privatiser ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Madame Beaudeau, vous m'avez déjà posé cette question à laquelle j'ai répondu, mais je peux répéter la réponse que vous connaissez bien : les engagements que l'Etat français a pris vis-à-vis des autorités européennes seront tenus, et les recettes qui seront tirées du Crédit lyonnais n'iront pas sur ce compte dont je viens de parler. Elles serviront directement à désendetter l'établissement public de financement et de restructuration. C'est ce qui avait été prévu dans le dispositif exigé par la Commission européenne et approuvé par le Parlement en 1995.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces recettes passeront bien par le budget de l'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Elles iront directement - vous savez que les chemins les plus courts sont parfois les meilleurs - des produits de cessions à l'établissement public de financement et de restructuration, sans transiter par le compte d'affectation spéciale. Peut-être, si vous le souhaitez, pourrai-je vous faire tenir des informations plus précises ultérieurement.
M. Loridant a posé une question sur Aérospatiale. L'Etat est parfaitement soucieux de ses intérêts propres en la matière. Les opérations se feront après avis conforme de la commission des participations et des transferts, et dans une totale transparence de la part de l'Etat.
Ainsi que Mme Bergé-Lavigne l'a souligné, la politique de l'Etat en la matière est claire. Elle respecte, pour ce qui concerne les cessions, trois critères : le premier est l'intérêt de l'Etat et du contribuable ; le deuxième est l'intérêt industriel des entreprises ; le troisième est l'intérêt des salariés. Nous ne sommes plus dans l'approche idéologique et purement financière qui prévalait avant 1997.
Je n'insisterai pas sur le compte d'émission des monnaies métalliques. Je passerai directement aux deux questions qui ont été posées par M. Loridant, l'une sur le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, sur lequel Mme Bergé-Lavigne est également intervenue, et l'autre sur le Fonds forestier national.
S'agissant du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, vous vous êtes inquiétés, monsieur Loridant et madame Bergé-Lavigne, de sa contribution au financement du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
Pour que la transparence soit complète, je peux vous communiquer la répartition des différents intervenants dans le financement de ce fameux programme. Un tiers de l'investissement - en 1998, cela correspondait à environ 1,8 milliard de francs - était pris en charge directement par l'éleveur qui faisait l'investissement, un tiers par les agences de l'eau, un tiers par les collectivités publiques, ce dernier tiers étant réparti entre les conseils régionaux, qui financent un sixième du programme de maîtrise des pollutions agricoles, et le FNDAE et l'Etat, qui en financent chacun le douzième.
Au nom du Gouvernement, je tiens à dire que ce financement paraît équilibré. Contrairement à ce que vous avez dit, madame Bergé-Lavigne, je ne crois pas qu'il faille entreprendre un programme d'Etat dans chacune des communes rurales, même si l'analogie avec les programmes scolaires du xixe siècle et la référence aux « hussards de la République » sont plaisantes, j'en conviens.
En ce qui concerne le Fonds forestier national, il est clair, M. Loridant l'a dit, que celui-ci a effectivement connu, à partir de 1991, une sérieuse crise, due principalement aux difficultés de la filière bois et à la nécessité d'adapter la taxe forestière aux règles communautaires.
Des mesures de redressement ont été prises, auxquelles l'Etat a largement contribué en affectant au fonds la taxe de défrichement, qui était auparavant perçue au profit du budget général, et en prenant en charge les dépenses de personnels du fonds.
Plus récemment, M. Bianco, député, a remis au Premier ministre un rapport intitulé la Forêt : un enjeu pour la France.
Au-delà de cette réflexion, le Gouvernement a indiqué, dans sa communication sur la forêt au conseil des ministres du 25 novembre dernier, que les objectifs et moyens du fonds seraient revus, ce qui fera l'objet d'un travail interministériel au cours du premier trimestre 1999, dans le cadre de la préparation d'un projet de loi sur la forêt.
Le Sénat ayant modifié, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, les recettes de deux comptes d'affectation spéciale, je pense, qu'il aura à coeur de corriger les dépenses à due concurrence, notamment en ce qui concerne le FARIF, le fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France.
Sur ce point, qui a fait l'objet d'une question, la position du Gouvernement est claire. En 1995, il a été décidé de transférer, en plusieurs années, une somme substantielle de l'Etat vers le conseil régional. Le Gouvernement considère que l'Etat doit rester un partenaire actif dans le financement des équipements de transport, du logement social et de la politique de la ville en Ile-de-France. Une taxe a donc été prévue dans ce budget.
Son produit est important, mais sa répartition peut être discutée.
J'ai bien indiqué, lors du débat sur cette taxe, que les suggestions faites par les sénateurs seraient prises en considération par le Gouvernement pour essayer de trouver une assiette plus conforme aux nécessités du développement économique dans la région d'Ile-de-France.
J'ai également été interrogé sur les comptes de prêts aux Etats étrangers. Les opérations relatives à ces prêts du Trésor figurent dans un compte spécial du Trésor. Les prêts en question sont gérés par NATEXIS pour les pays en voie de développement hors Maghreb et par l'Agence française de développement pour les pays du Maghreb.
La faiblesse du montant des crédits ouverts à ce titre pour 1999, 300 millions de francs, a été soulignée. Cependant, compte tenu d'un report de 1,2 milliard de francs de crédits antérieurs à 1998 et de la dotation de 1998, la trésorerie est abondante, et les opérations pourront donc se dérouler sans difficulté en 1999.
S'agissant des catastrophes naturelles, le régime d'indemnisation est géré par la caisse centrale de réassurance, qui dispose de provisions adéquates. Le budget de l'Etat n'interviendrait que si celles-ci se révélaient insuffisantes.
Vous voudrez bien m'excuser, monsieur le président, d'avoir répondu si longuement, mais les rapports étaient fort denses et les questions, nombreuses. J'ai eu à coeur d'y répondre de façon aussi complète et précise que possible. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes tout excusé : nous vous sommes reconnaissants de la qualité des réponses que vous avez fournies.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant l'économie, les finances et l'industrie.

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