Séance du 18 novembre 1998






CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE

Discussion d'un projet de loi constitutionnelle
en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle (n° 6, 1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, relatif au Conseil supérieur de la magistrature. (Rapport n° 57 [1998-1999.])
Avant de vous laisser la parole, madame le garde des sceaux, permettez-moi de vous remercier et de vous féliciter pour les propos très élogieux que vous avez tenus, à l'Assemblée nationale, sur le règlement du Sénat, sur le fonctionnement de notre institution et, surtout, sur la sérénité de nos travaux. (Applaudissements.)
Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur le fonctionnement d'une autre assemblée, mais, à l'évidence, nous ne pouvions pas ignorer les compliments que vous nous avez adressés : ils nous ont fait plaisir et nous vous en remercions encore. Je suis convaincu que chacun en tirera le meilleur parti au moment où, précisément, notre institution est parfois interpellée.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de la justice que j'ai engagée depuis près de dix-huit mois maintenant est une réforme globale. Elle concerne, en premier lieu, l'amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien et de l'accès au droit par nos concitoyens. Elle vise, en deuxième lieu, à garantir les libertés de nos concitoyens. Enfin, elle a pour objectif d'assurer une justice plus indépendante et impartiale. C'est de ce troisième volet de la réforme que le projet de loi constitutionnelle dont nous débattons aujourd'hui en deuxième lecture est la clé de voûte.
Je rappellerai brièvement l'économie générale de la réforme.
Presque au terme du travail parlementaire relatif à la modification de l'article 65 de la Constitution, il m'apparaît que les deux assemblées ont accepté l'économie générale de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.
En effet, la Haute Assemblée comme l'Assemblée nationale ont partagé le souci, qui est aussi celui du Gouvernement, de renforcer les garanties constitutionnelles d'indépendance des magistrats du parquet de façon qu'elles soient comparables aux garanties offertes aux magistrats du siège. Les garanties en matière de nomination et de discipline seront assurées par un Conseil supérieur de la magistrature rénové dont les pouvoirs sont renforcés à l'égard des magistrats du parquet.
A cet égard, les deux assemblées se sont mises d'accord sur la nécessité de recueillir l'avis conforme du CSM sur toutes les nominations des magistrats du parquet à l'exception, pour votre assemblée, des procureurs généraux, sur lesquels je reviendrai dans un instant.
Les deux assemblées ont également accepté l'idée d'étendre aux magistrats du parquet les garanties disciplinaires dont bénéficient les magistrats du siège.
Autre point d'accord entre les deux assemblées qui me paraît fondamental, c'est l'idée selon laquelle la composition du Conseil supérieur de la magistrature doit réserver une majorité aux non-magistrats.
Je l'ai dit à plusieurs reprises, la justice n'appartient pas plus aux seuls magistrats que la santé aux seuls médecins ou encore que l'enseignement aux seuls enseignants. Elle appartient à la nation tout entière, et la composition du Conseil supérieur de la magistrature doit le montrer.
Je suis convaincue qu'une forte participation de non-magistrats au processus de nominations contribuera, par un dialogue avec les magistrats, à retenir les nominations les plus incontestables et les mieux adaptées.
Quelles sont maintenant les modifications apportées au projet de la loi initial par le Sénat et acceptées par l'Assemblée nationale ?
Sans remettre en cause l'économie générale de la réforme que je viens de rappeler, le Sénat, en première lecture, avait apporté des modifications que l'Assemblée nationale a acceptées.
La première modification, sans doute la plus significative, portait sur le maintien de deux formations distinctes du Conseil supérieur de la magistrature : l'unecompétente à l'égard des magistrats du siège, l'autre compétente à l'égard des magistrats du parquet. Cette modification était complétée par une disposition qui admet explicitement l'existence d'une formation plénière pour répondre aux demandes d'avis du Président de la République.
Il est vrai que le Gouvernement avait retenu initialement une autre orientation, qui aurait marqué avec plus de netteté encore l'unité de la magistrature.
Quitte à me répéter, je tiens à réaffirmer que, pour moi, l'unité du corps judiciaire est une caractéristique essentielle de son évolution, dans la mesure où magistrats du parquet et magistrats du siège participent également au contrôle du respect des libertés individuelles et des droits de l'homme.
Cela dit, je suis aussi sensible au fait que les magistrats du parquet et du siège n'exercent pas les mêmes missions. Les uns poursuivent, les autres jugent. Les premiers accomplissent leur mission au sein d'une hiérarchie, les seconds débattent en toute indépendance.
C'est pour cette raison que le Gouvernement n'est pas opposé au maintien de deux formations du Conseil supérieur de la magistrature dès lors que les magistrats tant du parquet que du siège bénéficieront des mêmes garanties et que sera préservée l'unité de la magistrature au sein d'une formation plénière qui rendra solennellement ses avis au Président de la République.
D'autres modifications qui avaient été apportées par votre Haute Assemblée ont été approuvées par l'Assemblée nationale.
Il s'agit, en premier lieu, du mode de désignation des personnalités extérieures et de leur régime d'incompatibilités.
Il s'agit, en second lieu, de la consécration par l'article 19 de la Constitution de la pratique d'absence de contreseing de la désignation de personnalités extérieures par le Président de la République.
Sur deux points très mineurs, l'Assemblée nationale n'a pas suivi les modifications apportées par votre assemblée.
D'une part, l'Assemblée nationale n'a pas souhaité mentionner explicitement dans la Constitution les présidents des tribunaux supérieurs d'appel et des tribunaux de première instance des juridictions des territoires d'outre-mer dont le statut est pourtant équivalent à ceux de leurs collègues de métropole. Je crois qu'une telle proposition est sage car il ne faut pas alourdir inutilement notre loi fondamentale dès lors que, en tout état de cause, ces magistrats d'outre-mer bénéficient, aux termes de la loi organique, des mêmes garanties que leurs collègues.
D'autre part, l'Assemblée nationale a complété l'insertion du nouvel article 90 dans la Constitution en rétablissant le titre XVII intitulé : « Dispositions transitoires ».
Après la deuxième lecture au Palais-Bourbon, un point demeure, en débat.
Comme le souligne votre rapporteur, un seul point reste en discussion sur le fond, c'est celui qui concerne les modalités de nomination des procureurs généraux, l'Assemblée nationale ayant rétabli en deuxième lecture l'exigence d'un avis conforme du CSM pour la nomination de ces hauts magistrats alors que le Sénat l'avait supprimé en première lecture.
En effet, votre Haute Assemblée avait souhaité maintenir l'exception actuelle à l'intervention du Conseil supérieur de la magistrature concernant la nomination des procureurs généraux en adoptant à cette fin, en séance publique, un sous-amendement.
Ainsi, votre assemblée se prononçait en faveur du maintien du régime actuel de nomination en Conseil des ministres du procureur général près la Cour de cassation et des trente-cinq procureurs généraux près les cours d'appel.
J'ai souligné devant l'Assemblée nationale que le Gouvernement ne pouvait pas être favorable à cette disposition qui rompt la cohérence de l'ensemble de la réforme, qui entend soumettre à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature toutes les nominations aux emplois du parquet.
L'exigence d'un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination de tous les magistrats du parquet, sans exception, est en effet, à mes yeux, la seule qui soit de nature à écarter le soupçon d'intervention de l'exécutif dans ce domaine.
Exclure de l'avis conforme les procureurs généraux serait la plus claire manifestation que leur carrière reste soumise au pouvoir discrétionnaire du pouvoir exécutif.
Je soulignais d'ailleurs devant l'Assemblée nationale qu'il serait paradoxal que les procureurs bénéficient de garanties de nomination liées à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature alors que les procureurs généraux, qui ont la charge de coordonner l'action des procureurs dans leur ressort, en seraient exclus. Cette exclusion de la garantie de la nomination sur avis conforme serait d'autant plus regrettable que le Gouvernement a l'intention de renforcer le pouvoir hiérarchique des procureurs généraux.
Je constate avec beaucoup de satisfaction que le texte finalement adopté par l'Assemblée nationale rejoint la position que votre commission des lois avait prise lors de l'examen du projet de loi en première lecture, puisqu'elle-même n'avait pas jugé nécessaire de prévoir une exception à l'avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des magistrats du parquet.
Je me félicite également que votre commission des lois, souhaitant que les deux assemblées puissent parvenir à un accord afin de permettre l'aboutissement de cette révision constitutionnelle, vous ait proposé de retenir la rédaction de l'Assemblée nationale sur ce point, et donc d'accepter que l'ensemble des magistrats du parquet soient désormais nommés sur l'avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.
Bien entendu, je partage pleinement le souci exprimé par votre commission des lois sur la politique pénale, sur les garanties offertes aux justiciables et la responsabilité des magistrats, contrepartie nécessaire de leur indépendance.
S'agissant de la politique pénale, le Gouvernement doit évidemment en conserver la maîtrise. Elle ne peut, en effet, relever que de sa seule responsabilité, une responsabilité constitutionnelle et une exigence d'égalité, car personne ne peut douter de ma volonté que la loi pénale soit égale pour tous.
La discussion du projet de loi sur les rapports entre la Chancellerie et le parquet sera l'occasion de décrire et de débattre dans la clarté des moyens mis en oeuvre pour parvenir à cet objectif de maîtrise de la politique pénale. Ainsi, les prérogatives des procureurs généraux seront-elles renforcées. Ils devront veiller au respect d'une égale application de la loi sur tout le ressort de leur cour d'appel et coordonner l'action des procureurs.
Le débat parlementaire permettra, je l'espère, de mettre en évidence le fait que cette politique pénale peut être menée par des orientations générales bien mieux que par des instructions données dans des dossiers individuels, lesquelles étaient, avant que je ne les supprime, données de façon souvent très aléatoire.
Le débat devrait aussi permettre de montrer que la transparence introduite par les directives pénales générales applicables sur tout le territoire sont aussi un moyen privilégié d'assurer l'égalité de tous devant la justice.
Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, le projet de loi sur les rapports entre la Chancellerie et le parquet ne fera, si vous l'adoptez, que codifier en droit ce qui a été ma pratique constante depuis dix-huit mois. Cette pratique a, je crois, fait ses preuves, par exemple en matière de conflits des transporteurs routiers, d'infractions sexuelles et de manifestations des agriculteurs. La politique pénale a pu être menée par le Gouvernement sans obstacle et elle continuera à l'être avec détermination.
En ce qui concerne les garanties offertes aux justiciables, un certain nombre de réponses seront apportées par les projets de loi qui viendront bientôt en discussion. Je citerai quelques dispositions incluses dans ces projets de loi.
C'est la commission de recours contre les classements sans suite prévue dans le texte sur les rapports entre la Chancellerie et le parquet.
Ce sont les garanties prévues dans le texte concernant la présomption d'innocence, renforçant les droits de la défense et instaurant la présence de l'avocat dès la première heure de la garde à vue, délais de procédures, garanties au regard de la détention provisoire, protection de la dignité des personnes mises en cause et des victimes, mais aussi des droits nouveaux donnés à ces dernières.
C'est enfin, dans la loi organique portant statut de la magistrature, l'instauration d'une commission d'examen des réclamations des justiciables.
Enfin, s'agissant de la responsabilité des magistrats, la réforme prévoit de confier non seulement au garde des sceaux mais à tous les chefs de cour la saisine du Conseil supérieur de la magistrature à titre disciplinaire. En outre, la réforme de l'inspection des services judiciaires permettra de rendre effective cette nouvelle politique.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations que je souhaitais formuler dans mon intervention liminaire.
Je me suis donnée, en proposant cette réforme constitutionnelle, l'objectif de rétablir une plus grande confiance dans l'indépendance de la justice. Il me semble que nos citoyens reprennent effectivement confiance dans la justice de notre pays. Nous devons tous nous en féliciter.
J'espère que, par une collaboration exemplaire, les deux assemblées parviendront à un accord. Je souhaite, bien entendu, que cet accord puisse se traduire par le vote du texte tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale et conformément à la recommandation de votre rapporteur, me semble-t-il. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. Charles Pasqua. Applaudissements uniquement à gauche ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission des lois a donc examiné, en deuxième lecture, le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature tel qu'il a été modifié, en deuxième lecture, par l'Assemblée nationale. Celle-ci a accepté la totalité des modifications qui avaient été introduites sur l'initiative de la commission des lois du Sénat, à l'exception de deux dispositions techniques.
Il convient tout particulièrement de remarquer que l'Assemblée nationale, revenant sur sa position première, a accepté, en deuxième lecture, le maintien de deux formations spécialisées pour le siège et le parquet, et, par voie de conséquence, leur composition en nombre et le mode de désignation de leurs membres.
Elle a accepté aussi que ces deux formations se réunissent en formation plénière pour exercer une compétence limitée, à savoir émettre des avis à la demande du seul Président de la République.
La première modification technique apportée par l'Assemblée nationale, c'est la suppression de la précision adoptée par le Sénat et visant les magistrats des territoires d'outre-mer présidant les tribunaux supérieurs d'appel et les tribunaux de première instance, au motif que ces juridictions ont toujours été assimilées aux cours d'appel et aux tribunaux de grande instance et qu'une telle précision dans un texte constitutionnel l'alourdissait et n'était donc pas nécessaire. Nous vous proposons d'admettre ce point de vue.
La seconde modification technique apportée par l'Assemblée nationale, c'est l'introduction d'un titre XVII, institulé « Dispositions transitoires », qui précédera le texte proposé par l'article 2 pour le rétablissement de l'article 90 de la Constitution, dans la version adoptée par le Sénat en première lecture. Le paragraphe II de l'article 2 vise à alléger automatiquement le texte de la Constitution, dès que les mesures transitoires ne seront plus nécessaires : il s'agit d'un texte d'auto-disparition automatique. Nous acceptons ce titre XVII et son intitulé.
Enfin, l'Assemblée nationale a admis la précision constitutionnelle introduite par le Sénat sur l'initiative de sa commission des lois et selon laquelle la désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature par le Président de la République s'effectue sans contreseing puisqu'il s'agit d'un pouvoir propre.
En conséquence, à ce stade de l'examen parlementaire, un seul point restait en discussion devant le Sénat, à savoir le mode de nomination des procureurs généraux. En première lecture, en adoptant un sous-amendement de notre collègue M. Ceccaldi-Raynaud, le Sénat avait en effet voté en faveur du maintien du régime actuel de nomination, c'est-à-dire la nomination en conseil des ministres sans aucune intervention du Conseil supérieur de la magistrature.
Je rappelle que, dans le système actuel, les magistrats du parquet autres que les procureurs généraux sont nommés sur avis simple du Conseil supérieur de la magistrature.
Le but de la réforme était de les voir nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, ce que le Sénat avait accepté, en première lecture, sauf en ce qui concerne les procureurs généraux.
La commission a constaté le grand pas effectué par l'Assemblée nationale sur la quasi-totalité des modifications apportées sur ses propositions au projet initial du Gouvernement. Seules deux mesures techniques n'ont pas été acceptées.
Elle rappelle que, dans son vote exprimé lors de la première délibération, elle avait accepté l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature même pour les nominations de procureurs généraux.
Rappelons malgré tout que le Gouvernement garde le pouvoir de proposition,...
M. Charles Pasqua. Heureusement !
M. Charles Jolibois, rapporteur. ... car un avis conforme, c'est un avis sur une proposition.
C'est pourquoi la commission, fidèle en cela au premier avis qu'elle avait exprimé, peut, sans se renier à cet égard, vous recommander de retenir la rédaction de l'Assemblée nationale sur le dernier point en discussion. Cela permettrait l'aboutissement de la révision constitutionnelle.
Toutefois, la commission des lois, à une très forte majorité, m'a prié d'insister sur le fait que, dans son esprit, le garde des sceaux doit conserver la maîtrise de l'application de la politique pénale, qui ne peut relever que de sa seule responsabilité.
M. Paul Masson. Bien sûr !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Certes, la révision constitutionnelle, par force de logique juridique, doit être votée avant la loi organique qui en résulte ; cependant, le Sénat, en particulier sa commission des lois, restera extrêmement vigilant sur la construction de l'édifice dont, par son vote d'aujourd'hui, il vous donnera, j'espère, la clef de voûte.
Ainsi, mes chers collègues, si vous suivez la commission des lois, vous permettrez, par votre vote, à une réforme constitutionnelle de toucher à son terme. Mais le Gouvernement, par vous éclairé, madame le garde des sceaux, doit savoir que le plus difficile reste à faire.
Hier, vous avez exposé à nouveau votre programme devant la commission des lois : l'accès au droit, la présomption d'innocence, l'organisation hiérarchique du parquet dans le respect d'une politique pénale définie par le garde des sceaux, le statut des magistrats, le pouvoir disciplinaire exercé par un Conseil de la magistrature modernisé, rénové, indépendant, veillant au respect du devoir de réserve des magistrats, dont l'unité du corps - magistrats du siège et du parquet confondus - est symbolisée par l'existence d'une formation plénière qui peut être saisie pour avis à la requête du seul Président de la République.
Mes chers collègues, la commission vous propose d'adopter le texte aujourd'hui soumis à notre vote. Mais la pierre scellée dans la voûte permet d'embrasser du regard l'édifice qui reste à bâtir. Nous avons en effet conscience que la réforme et les moyens nouveaux attendus doivent être appréciés dans leur globalité avec le texte qui vous est proposé aujourd'hui.
Ce sont grâce aux réformes futures et à ces nouveaux moyens, sur lesquels le Sénat s'est déjà exprimé avec clarté dans le passé dans plusieurs rapports, que le texte dont nous discutons aujourd'hui et dont l'adoption vous est recommandée par la commission des lois prendra sa véritable dimension. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur leprésident, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, M. le rapporteur a exprimé avec beaucoup de netteté et avec sa compétence habituelle les raisons qui ont conduit la commission des lois à vous proposer en cet instant le principe d'un vote conforme. Nous avons considéré qu'un certain nombre de dispositions, votées par le Sénat en première lecture et également acceptées par l'Assemblée nationale, sont extrêmement importantes : elles clarifient et précisent le texte.
Ainsi, désormais, le Conseil supérieur de la magistrature ne pourra se réunir en formation plénière que sur convocation du Président de la République. Nous avons fait là un pas important auquel nous tenions avec quelque acharnement compte tenu des précédents qui ne nous avaient pas toujours satisfaits. Et grâce au vote conforme de l'Assemblée nationale, nous avons abouti sur ce point.
D'autres dispositions acceptées par l'Assemblée nationale nous ont semblé de nature à dicter notre conduite d'aujourd'hui.
Restait le point essentiel de la relation entre le pouvoir et les procureurs généraux. Nous étions un certain nombre à considérer que le procureur général était non seulement un juge mais aussi un représentant de l'Etat. Tel était le sens du vote que nous avions émis lors de la première lecture, en adoptant un sous-amendement, déposé par notre collègue M. Ceccaldi-Raynaud, tendant à extraire les procureurs généraux du mécanisme envisagé pour l'ensemble des membres du parquet.
Mais au moment de notre vote définitif, mes chers collègues, nous vous proposons, compte tenu des conditions dans lesquelles le débat s'est déroulé au sein de la commission, d'adopter conforme le texte transmis par l'Assemblée nationale.
Vous avez dit, madame le garde des sceaux, que ce texte était un projet du Gouvernement : nous l'avons noté, et nous l'admettons.
Mais c'est aussi un projet auquel M. le Président de la République a donné son assentiment. En effet, c'est lui, et non le Gouvernement, qui a l'initiative en matière constitutionnelle. Par conséquent, c'est simplement sur proposition du Gouvernement et après décision du Président de la République que le mécanisme qui nous est proposé a pu être enclenché. C'est peut-être, pour certains d'entre nous, un élément important de la position que nous vous proposons d'adopter aujourd'hui.
Reste le climat dans lequel est intervenu ce vote au sein de la commission. Ce vote a été majoritaire, mais pas unanime, puisque des oppositions et des abstentions ont été enregistrées ; surtout, une préoccupation est apparue à l'occasion de la discussion : à quel point en sommes-nous ?
Nous en sommes à une étape de la révision constitutionnelle ; mais cette dernière ne deviendra définitive que lorsque le vote du Congrès sera intervenu. Or la réunion du Congrès dépend de la volonté du Président de la République. Un journal particulièrement bien informé a annoncé que le Congrès serait réuni sur ce texte le 18 janvier 1999. C'est peut-être aller un peu vite en besogne, et nous attendons de connaître la volonté du Président de la République quant à la réunion du Congrès, Congrès au cours duquel nous aurons l'occasion soit de confirmer notre vote d'aujourd'hui, soit de prendre une autre position.
En effet, ce texte, que nous avons examiné avec le soin que vous devinez, n'est en quelque sorte que la clé de voûte d'une construction. Il y a nombre de dispositions juridiques et judiciaires, qui, dans leur application concrète, sont peut-être infiniment plus importantes que celles dont nous discutons aujourd'hui.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est sûr !
M. Jacques Larché, président de la commission. Après tout, modifier le Conseil supérieur de la magistrature, pourquoi pas ? Imaginer la procédure que nous élaborons aujourd'hui tous ensemble pour la nomination des magistrats, pourquoi pas ? Mais le problème qui se pose à nous est le suivant : que feront ces magistrats ? Dans quel cadre agiront-ils et quelle justice rendront-ils ?
Sur ce point, au-delà de vos intentions, qui sont ce qu'elles sont et dont nous connaissons au moins certains aspects, aucune décision formelle n'est intervenue dans un domaine où, d'ailleurs, conformément à la nature des choses et à la règle constitutionnelle, l'Assemblée nationale sera à même de faire prévaloir son point de vue.
Or trois points sont essentiels : vous en avez évoqué au moins deux, qui me paraissent importants, et il y en a un troisième. Je note d'ailleurs avec plaisir que notre collègue M. Michel Charasse, par deux amendements que je regrette d'avance de ne pas pouvoir adopter, y a également songé.
Premier point : quelle sera la relation entre la Chancellerie et le parquet ? Voilà des magistrats autonomes, nommés sans aucun doute sur votre proposition, madame le garde des sceaux, mais qui - permettez-moi cette expression - voleront de leurs propres ailes une fois qu'ils auront été nommés. Sur ce point, nous attendons de voir tout à fait concrètement les dispositions qui seront prises pour maintenir ce lien qui nous paraît essentiel entre la Chancellerie et les procureurs.
J'en viens au deuxième point, auquel nous attachons une très grande importance et dont on parle beaucoup dans les circonstances actuelles : la présomption d'innocence. Le Sénat y a d'ailleurs consacré des travaux extrêmement approfondis.
Lors de la discussion sur cette question de la présomption d'innocence, nous serons confrontés au caractère contradictoire de deux libertés essentielles : le droit à la présomption d'innocence et le droit à l'information. Sur ce point, il nous faudra faire preuve de beaucoup d'imagination pour parvenir à un résultat satisfaisant.
Le troisième point porte sur la responsabilité de ces magistrats autonomes. De quelle manière sera-t-elle engagée ? Comment pourra-t-elle être mise en oeuvre ? Lorsque vous aurez donné des directives de politique générale au parquet, madame le garde des sceaux, qu'en sera-t-il si, d'aventure, un parquetier quelconque ne s'y plie pas ? Quel sera votre pouvoir disciplinaire ?
M. Michel Charasse. Bonne question !
M. Jacques Larché, président de la commission. Mais c'est vous, cher ami, qui avez posé cette bonne question, et j'ai d'ailleurs déjà fait état de mon regret de ne pas pouvoir adopter vos amendements.
L'autonomie et la responsabilité sont deux aspects de la vie du magistrat que nous entendons voir liés. C'est un point essentiel. Si ces deux aspects n'étaient pas liés de manière tout à fait concrète et précise, cela pourrait nous conduire à un certain nombre d'interrogations.
Madame le garde des sceaux, là encore, je ferai référence à certaines lectures particulièrement autorisées, tout au moins à certains articles de presse. Il paraîtrait que le Gouvernement, confronté à un certain nombre d'exigences, en serait venu à la conclusion qu'il doit étaler dans le temps son programme législatif. Cela concerne-t-il le texte essentiel dont je viens de vous parler à l'instant et qui, pour un certain nombre d'entre nous, conditionnera, par les orientations qui en jailliront, le vote que nous émettrons au Congrès ?
Voilà les quelques remarques que je tenais à présenter.
Pour conclure très rapidement mon propos, je soulignerai une fois de plus notre rôle, au Sénat : on nous taxe d'opposition systématique, on dit que nous sommes contre tout. Nous démontrons une fois de plus, en cet instant, que, lorsque nous arrivons à convaincre - ce qui n'est pas toujours le cas ! - l'Assemblée nationale de se rallier à quelques positions raisonnables, nous sommes, au Sénat, tout à fait ouverts au point de vue de l'autre chambre. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à rappeler le cadre dans lequel nous nous trouvons : nous sommes saisis d'une révision constitutionnelle et, pour le moment, il ne s'agit que de cela.
J'ajouterai, pour répondre au souci de notre éminent président M. Jacques Larché, qu'il y a un impératif, celui de la raison juridique.
Il est vrai que la révision constitutionnelle ne sera définitive que lorsqu'elle aura été votée par le Parlement réuni en Congrès. Il est également vrai que seul le Président de la République peut décider de la convocation du Parlement en Congrès : c'est une prérogative constitutionnelle.
Il n'en est pas moins exact que nous devons répondre à des exigences de contrôle de constitutionnalité et que, s'agissant d'une loi organique, ce contrôle est obligatoire. Or la grande réforme de la justice que vous entendez mener, madame le garde des sceaux, comporte au moins une loi organique, qui concerne le statut de la magistrature au regard des questions de responsabilité et de discipline.
Il est évident, par ailleurs, que nous ne pourrons pas conduire à leur terme les discussions de ces projets de loi voués au contrôle de constitutionnalité sans que la Constitution ait été révisée ! En clair, cela signifie que, aujourd'hui, lorsque - je l'espère et je le crois - nous serons parvenus à un vote conforme du Sénat et de l'Assemblée nationale, il ne restera plus au Président de la République qu'à choisir le jour qui lui paraîtra convenable pour que nous nous rendions à Versailles. Après cela, commencera la discussion des autres textes.
Encore une fois, on ne saurait, dans ce domaine, pour quelque raison que ce soit, mettre la charrue devant les boeufs.
Les choses étant ce qu'elles sont, à ce stade, je dirai, utilisant une métaphore qui s'inscrit dans l'actualité maritime, que c'est la fin plutôt que le début de la « Route du rhum » et que nous semblons maintenant sur une mer d'huile avec un alizé qui nous mène à bon port. En effet, il faut le reconnaître, nous aurons rarement vu autant de bonnes volontés ou de volontés convergentes : les plus hautes autorités de l'Etat - je pense d'abord au Président de la République car, vous avez raison, monsieur le président de la commission des lois, c'est lui qui décide de la révision constitutionnelle, et non le Gouvernement - le Gouvernement - et je vous rends un hommage particulier, madame le garde des sceaux, car vous avez, dans cette affaire, témoigné de cette force de conviction et de ce talent que nous saluons chaque fois que l'occasion nous en est donnée - mais aussi le Parlement se sont réunis. Comme on dit, c'est une association. Les Américains utilisent le terme de joint venture, que je laisserai de côté pour la circonstance. C'est, en tout cas, une coproduction entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Par « coproduction », il faut voir l'apport de chacun. Pourquoi ? Parce que, si l'on regarde la composition du Conseil supérieur de la magistrature, la paternité du dispositif revient plutôt à l'Assemblée nationale - avec, marquons-le, une touche d'amélioration de la part du Sénat, notamment de sa commission des lois, concernant la désignation de quatre personnalités par les instances les plus hautes des juridictions françaises - tandis que, pour ce qui concerne l'organisation dudit conseil, elle incombe indiscutablement au Sénat, puisque aussi bien nous sommes passés d'une composition unique à une composition duale, c'est-à-dire à deux formations, comme c'était le cas de l'actuel CSM : l'une pour les magistrats du siège, l'autre pour les magistrats du parquet.
Sur cette organisation, on peut s'interroger : était-ce véritablement la meilleure des solutions ? Il est évident pour moi que, compte tenu du nombre de dossiers soumis au Conseil supérieur de la magistrature - et, il faut le reconnaître, de l'absence complète de difficultés s'agissant du plus grand nombre, pour ne pas dire de la quasi-totalité des mouvements en cause - réunir vingt-trois personnalités à chaque fois paraissait excessif.
J'étais convaincu, au demeurant, qu'il y aurait division en sections, que l'on choisisse la formation unique ou la formation duale. Mais je relève en tout cas que seuls deux membres seront, en quelque sorte, les « gardiens » des principes dans les deux sections. Il s'agira d'abord de vous-même, madame la ministre - parce que je ne pense pas que le Président de la République assistera à toutes les séances : il ne viendra que pour les grandes occasions - et il s'agira ensuite du conseiller d'Etat. C'est, je le souligne, une sorte d'hommage rendu aux membres désignés par cette grande juridiction administrative !
S'agissant de l'ordre judiciaire, on peut relever cette curiosité, mais il n'en reste pas moins que cette composition me paraît bonne et que nous l'acceptons bien volontiers.
Enfin, comme l'a évoqué M. le rapporteur, il reste une question en débat, à savoir le sort des procureurs généraux.
La commission des lois du Sénat, après l'Assemblée nationale, avait considéré, dans un premier temps, qu'il n'y avait pas de raison de leur faire un sort particulier. Leur nomination intervenait donc, comme pour tous les magistrats du parquet, sur avis conforme de la formation compétente. Et puis, surprise pour quelques-uns d'entre nous - en tout cas, je le confesse, pour ma part, mais c'est là, sans doute, l'expression constante de ma naïveté - nous avons vu émerger un sous-amendement, dû peut-être à une nuit pascalienne de notre excellent collègue M. Ceccaldi-Raynaud, tendant à exclure les procureurs généraux du mode de nomination des autres procureurs. Stupéfaction ! Surprise !
Je me souviens, certes, de la talentueuse intervention de notre ami Michel Dreyfus-Schmidt, mais celui-ci n'a pas pu pour autant inverser le courant négatif, et nous nous sommes retrouvés dans une situation où, contre non pas seulement la majorité de l'Assemblée nationale, ce qui aurait pu se concevoir, mais aussi contre l'avis de sa commission des lois, la majorité du Sénat a décidé que les procureurs généraux devaient continuer à être nommés selon la même procédure qu'aujourd'hui, c'est-à-dire en conseil des ministres, comme les préfets.
Il est bien évident qu'un tel dispositif se heurte à deux considérations majeures.
La première, c'est que, au regard du corps de la magistrature lui-même, nous aurions alors une situation dans laquelle les chefs de parquet au niveau le plus élevé, c'est-à-dire le parquet général auraient des garanties d'indépendance moindres que les chefs de parquet au niveau du tribunal, c'est-à-dire les procureurs de la République, qui leur sont hiérarchiquement soumis. Nous aurions ainsi plus d'indépendance au-dessous qu'au-dessus. Cela ne me paraît pas exactement conforme à la notion même de hiérarchie !
La seconde considération, c'est que, indépendamment de l'émotion que cela peut susciter à l'intérieur même du corps, il faut bien considérer que le seul objectif de la loi - objectif qui est à l'origine de la réforme et qui, si j'ai bonne mémoire, a été d'abord mis en avant par le Président de la République lui-même - est le renforcement de l'indépendance de la magistrature. Or, avec le dispositif qui nous est proposé, aucun magistrat ne détiendra, en définitive, un plus grand pouvoir dans la République que les procureurs généraux.
A cet égard, il suffit de jeter un oeil sur le projet de loi tel que vous l'avez déposé, madame le garde des sceaux, pour constater que la disposition qui définit les pouvoirs des procureurs généraux reprend très exactement, à une adjonction près - la dernière phrase - les termes de l'article 36 du code de procédure pénale qui définit aujourd'hui les pouvoirs du garde des sceaux. On ne saurait donc mieux dire que demain, au royaume de notre justice, il y aura trente-deux grands barons ou grands féodaux, les procureurs généraux !
Comment, dans ces conditions, parler du renforcement de l'indépendance des magistrats s'ils continuent à être nommés, ainsi que je l'indiquais tout à l'heure, comme des hauts fonctionnaires - parfaitement éminents et respectables, je me plais à le souligner, et qui rendent les plus grands services - c'est-à-dire comme des préfets et des officiers supérieurs ? Il y a là une sorte d'illogisme saisissant que, je l'avoue, je m'explique mal, car l'indépendance se mesure à l'aune des garanties de carrière : aussi longtemps que la carrière des hauts magistrats sera dans la main de l'exécutif, personne ne croira sérieusement que, parmi eux, certains ne songeront pas à leur avancement, devançant éventuellement, par conséquent, ce qu'ils croiront être les désirs des maîtres du pouvoir exécutif. Ce ne sera, certes, qu'une tentation, mais chacun sait que les tentations sont diaboliques et qu'il arrive que l'on y cède parfois : l'histoire judiciaire est, à cet égard, exemplaire...
Quoi qu'il en soit, dès l'instant où la carrière de ceux qui, demain, seront les maîtres de l'exercice concret, effectif et individuel de l'action publique dépendra de l'exécutif, l'objectif fixé par le Président de la République, par le Gouvernement et par les deux assemblées ne pourra, personne ne le fera croire, être atteint.
La position initiale de l'Assemblée nationale et de la commission des lois du Sénat nous semblait donc préférable et, dans ce « nous », il n'y a rien de personnel : je ne fais ici que reprendre ce qui a été dit par le président de la commission des lois et par notre excellent rapporteur, et, ce matin encore, par la commission elle-même lorsqu'elle s'est prononcée en faveur d'un traitement identique pour les procureurs généraux et pour les chefs de parquet au niveau de chaque tribunal. C'est, encore une fois, la logique de la réforme.
Je le dis à nouveau, ce que je viens d'évoquer concerne les nominations. Lorsqu'on en viendra au fonctionnement du parquet, lorsqu'on examinera la question des instructions individuelles, j'aurai alors à prendre des positions qui ne seront pas nécessairement, vous le savez, madame le garde des sceaux, les vôtres, même si, sur ce point, j'ai longtemps espéré vous convaincre. Mais il y a beau temps que je sais que l'on ne convainc pas, en politique, ses adversaires et je constate aussi que, s'agissant de cette question, je ne suis pas arrivé non plus à convaincre mes amis. C'est ainsi : mon pouvoir de conviction est égal à zéro. Il me reste les consolations de la feuille blanche, même si elle vous résiste parfois aussi !
Mais je laisse de côté ces incidents pour revenir à mon propos et dire simplement que nous sommes saisis d'une réforme importante qui constitue une avancée nécessaire. Et je suis heureux de constater qu'à cette avancée auront contribué presque à parts égales l'Assemblée nationale et le Sénat.
Vous me permettrez, monsieur le président de la commission, de dire avec un certain sourire - je n'ai pu participer, hélas ! à la dernière réunion de la commission, car je n'étais pas en France quand on a débattu de cette question - que seule l'injonction concernant la formation plénière, lorsque les deux sections se réunissent pour formuler des avis, a suscité de ma part un certain scepticisme. Pourquoi ? Parce qu'il faut voir les choses telles qu'elles sont.
D'abord, au moment où l'on témoigne ainsi de la confiance que l'on a dans la magistrature en renforçant encore ses garanties d'indépendance, il est malvenu d'avoir cette espèce d'inquiétude persistante, de se dire que ce n'est plus le temps des remontrances, que l'on ne veut pas voir renaître les anciens parlements. C'est une vision royale des choses qui n'a plus rien à voir - croyez-le bien ! - avec la période présente.
Disons-le clairement : prévoir que la formation plénière ne se réunit qu'à la demande du Président de la République et pour répondre à ses demandes d'avis, cela signifie qu'on lui interdit de délibérer sur autre chose que ce que le Président de la République souhaite.
Quelle est la fonction du Conseil supérieur de la magistrature et quand intervient-il ? Il intervient pour les nominations et, à cette occasion, il est amené à examiner bien d'autres problèmes. Nous savons que certains de ses membres se rendent dans les juridictions - c'est bien la moindre des choses ! - pour voir comment fonctionne la justice, ou à l'École nationale de la magistrature. Par conséquent, les magistrats sont et ceux qui le deviendront seront, de grands praticiens, de grands experts de la chose judiciaire, parfaitement au courant des dysfonctionnements de l'institution.
Constatant ces dysfonctionnements, il est tout à fait naturel qu'ils se réunissent en formation plénière pour faire part de leur sentiment ou pour l'émettre.
Dès lors, je conçois parfaitement que l'on précise que le Conseil supérieur de la magistrature ne se réunira en formation plénière que sur convocation du Président de la République. Mais dire qu'il ne pourra délibérer que sur les demandes d'avis qui auront été formulées par lui, cela ne paraît pas indispensable.
Au surplus, ce sera totalement inefficace. En effet, supposons que la majorité des membres du Conseil supérieur de la magistrature demandent au Président de la République de tenir réunion pour délibérer sur tel sujet. Peut-on croire un instant que le Président de la République refusera ? Imagine-t-on un conflit à propos d'une telle requête dont le Président de la République se verrait saisir par la majorité du Conseil supérieur de la magistrature ? Je ne le crois pas un instant.
Cela reviendrait à dire : nous vous gardons séparés et vous ne vous réunirez que lorsque nous vous aurons convoqués, ce qui va de soi, mais, de plus, sur le sujet que nous aurons délimité. Telle ne sera pas la réalité !
Voilà pourquoi je tenais à marquer mon scepticisme à l'égard de cette disposition. Ce sont là des précautions que la pratique dément promptement et qui, si les choses ne se passent pas comme nous le souhaitons, sont sources de conflits et non d'apaisement ou de tranquillité pour le corps judiciaire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans le texte, il n'y a pas la restriction : « que ».
M. Robert Badinter. Nous laisserons aux exégètes le soin de faire l'interprétation du texte. Celle qu'a faite M. le président de la commission des lois était autre. Mais vous avez raison, monsieur Dreyfus-Schmidt : le texte, à cet égard, témoigne d'une certaine ambiguïté qui peut être intéressante.
Cela étant, tel qu'il est, le projet constitue, je le répète, un progrès certain. Tout ce qui fortifie les garanties d'indépendance statutaire dans la carrière des magistrats est bienvenu et conforme, me semble-t-il, au souhait de chacun. Par conséquent, nous le voterons.
Pour le reste, madame le garde des sceaux, je sais que nous n'avons pas fini d'avoir des rendez-vous tout au long de l'année 1999, et je m'en réjouis. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la dernière réforme du Conseil supérieur de la magistrature, voilà cinq ans, a, semble-t-il donné satisfaction à l'ensemble des acteurs de la justice, à quelques exceptions près. Quelques nominations au parquet, le Conseil supérieur ayant un rôle consultatif en la matière, ont en effet suscité des contestations plus ou moins vigoureuses.
Fallait-il pour autant modifier ce texte ? Au travers de ce projet de loi, on nous le propose.
Après le vote de l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle modifiant l'architecture du Conseil supérieur de la magistrature, force est de reconnaître que, pour l'essentiel, ont été retenues, comme l'ont noté excellemment notre rapporteur M. Jolibois et notre président M. Larché, l'essentiel des modifications apportées par le Sénat en première lecture.
Tout d'abord, en ce qui concerne la composition du Conseil supérieur, c'est vrai, monsieur Badinter, que des avis ont été émis dans les rapports, bien que ce ne soit pas prévu. Mais, de toute façon, pour l'unité du corps judiciaire - puisque c'est aussi cela qui est en cause - mieux vaut que le Conseil en composition plénière puisse être appelé à donner des avis sur un certain nombre de sujets concernant la magistrature, étant entendu que ces avis ne doivent pas se transformer, comme on l'a parfois vu depuis 1993, en critiques, voire en critiques des législations votées par le Parlement. Mais c'est là une question de mesure, et c'est au Président de la République, garant de l'indépendance de la justice, de veiller à ce que les choses rentrent un peu dans l'ordre, comme l'a justement rappelé M. le président de la commission des lois.
L'essentiel demeure le maintien, au sein de cette formation plénière, de deux formations distinctes, compétentes à l'égard des magistrats du siège et de ceux du parquet. Si, en effet, les magistrats du siège et du parquet ont la qualité commune de magistrat, rien ne serait pire que de confondre les missions des uns et des autres.
Reconnaître cette unité du corps, encore qu'elle soit une exception française, issue de la tradition, de l'organisation de la formation et peut-être de la possibilité parfois trop largement ouverte - mais après tout, pourquoi pas, à un certain moment de la carrière, demander au magistrat de choisir entre devenir magistrat du siège ou magistrat du parquet ! - de passer de l'une à l'autre des fonctions, reconnaître cela, dis-je, ne signifie nullement que l'on doive considérer de la même manière l'indépendance du juge et celle du procureur. Nous y reviendrons.
En définitive, il nous est proposé de créer un Conseil supérieur de la magistrature du ministère public, déjà ébauché dans la réforme de 1993, réforme non achevée, contrairement à l'avis de la commission des lois du Sénat, parce qu'un certain nombre de membres de la majorité de l'assemblée s'y étaient opposés. Un Conseil supérieur de la magistrature du ministère public, c'est à peu près ce qu'ont préconisé aussi les présidents de cours d'appel dans un avis unanime récent.
Ce Conseil aurait pour les magistrats du parquet des pouvoirs équivalents à ceux qui existent pour les magistrats du siège, tous les magistrats du parquet étant désormais nommés sur proposition du garde des sceaux, mais sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
La commission des lois avait proposé ce dispositif, mais notre assemblée avait estimé qu'une exception devait être faite pour les procureurs généraux, marquant ainsi sa volonté de réaffirmer le rôle de l'exécutif, le parquet étant un organe de souveraineté soumis au pouvoir hiérarchique du garde des sceaux. Dans certaines constructions, cela apparaissait un peu comme une mesure permettant de faire vivre la navette.
Cela dit, le rôle des procureurs généraux - on l'a rappelé - si fondamental soit-il, ne doit pas faire oublier que ce sont les procureurs qui engagent les poursuites et mettent en oeuvre, sur l'ensemble du territoire, la politique pénale au quotidien. Réserver un sort particulier aux procureurs généraux n'est, dès lors, peut-être pas aussi indispensable qu'on pouvait le penser.
La solution retenue par la commission des lois traduit un équilibre. S'il appartient au pouvoir exécutif de proposer, des garanties doivent exister pour éviter le corporatisme et assurer un traitement égal des candidats à telle ou telle fonction. Le déroulement des carrières doit éviter le favoritisme mais aussi l'avancement systématique à l'ancienneté et privilégier la qualité professionnelle et l'expérience.
C'est pourquoi l'autre volet de la réforme est aussi important. L'histoire du Conseil supérieur de la magistrature a oscillé entre, d'une part, le corporatisme - fatal, quelle que soit la qualité de ses membres, si les magistrats y sont largement majoritaires - et, d'autre part, la place donnée à l'engagement partisan, comme cela a pu exister dans des temps anciens.
Il est donc important qu'auprès des magistrats puissent siéger, en majorité, des personnalités ayant une expérience acquise hors la magistrature. La nomination des magistrats ne saurait s'assimiler à celle des agents du secteur public, le Conseil supérieur étant autre chose qu'une commission administrative paritaire améliorée, compte tenu de la mission exercée par les magistrats.
La réforme proposée atteint, nous semble-t-il, un équilibre, à condition, bien entendu, que les personnalités nommées jouent dans le conseil un rôle actif, apportant à cette institution l'ouverture d'esprit et l'enrichissement de leur expérience.
Accorder des garanties aux magistrats du parquet comme à ceux du siège pour leur nomination implique, parallèlement, que ceux-ci exercent leurs missions dans le respect des règles régissant leurs fonctions. C'est dire que les quelques comportements fautifs, les excès de quelques-uns doivent, pour que la confiance de nos concitoyens envers la justice soit confortée, être sanctionnés sans que l'esprit de corps étouffe la nécessaire responsabilité de chacun des magistrats. D'où l'importance de la composition prévue par le projet de loi.
Mais, madame le garde des sceaux, si la réforme proposée ne souffre pas en soi d'objection majeure, elle est, comme l'a noté M. le rapporteur, la clef de voûte d'une réforme d'ensemble de la justice qui doit être appréciée dans sa globalité.
A cet égard, comme l'a très bien dit le président de la commission, si je suis prêt, avec mon groupe, à voter un texte accordant des garanties aux magistrats du parquet, pour toutes les raisons que j'ai exposées, j'estime que ce serait une erreur fatale que d'accorder l'indépendance au parquet.
Un sénateur de l'Union centriste. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. En effet, l'autorité de l'Etat doit s'exprimer. Or, c'est le procureur, je le rappelle, qui engage les poursuites, qui saisit les juridictions, qui requiert l'appel et qui met à exécution la décision, autant de missions essentielles de l'Etat, de l'exécutif.
Vouloir laisser chacun des procureurs sans instructions autres que les instructions générales est une erreur. Il ne faut pas vous priver, madame le garde des sceaux, de donner des instructions, à condition qu'elles soient écrites et versées au dossier. Il est des domaines - la lutte contre le terrorisme, contre le trafic international de drogue, etc. - où le parquet ne peut être livré à lui-même, où il faut une coordination au niveau du garde des sceaux et, bien sûr, de ses procureurs généraux. A cet égard, le procureur, encore une fois, ne peut se contenter d'instructions générales.
Voilà pourquoi nous attendons les autres textes concernant les relations entre l'exécutif et le parquet, étant entendu qu'il faut, pour ce dernier, maintenir le lien hiérarchique parce que la mission du procureur, qui dirige, en outre, la police judiciaire, est d'ordre public.
Enfin, il serait paradoxal que le garde des sceaux ait les moyens d'engager des poursuites quand le parquet ne l'aurait pas fait, car cela reviendrait à nier le rôle de ce dernier.
Nous aurons à discuter de tout cela, de même que nous aurons à discuter des textes relatifs à la présomption d'innocence, à l'engagement des poursuites, textes évoqués par M. Larché.
C'est pourquoi, madame le garde des sceaux, parce que cette réforme va dans le même sens que les précédentes et afin que la nomination des magistrats du parquet comme ceux du siège ne soient pas entachée de suspicions, nous voterons ce texte. Mais, bien entendu, tout cela n'aura de sens que si l'on ne bouleverse pas totalement l'équilibre de nos institutions judiciaires. En effet, d'autres pays ont voulu le faire imprudemment et nous connaissons les risques qu'ils ont pris. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici à la veille de franchir l'étape qui devrait nous conduire dans quelques mois - mais dans quelques mois seulement - au Congrès à Versailles.
Les points de vue du Sénat et de l'Assemblée nationale se sont rapprochés, comme l'ont rappelé M. Jacques Larché, président de la commission, et M. Jolibois, rapporteur. Le vote conforme est cette fois à notre portée, mais des problèmes de fond demeurent.
Avant de voter le texte qui lui est soumis, le Sénat, toujours particulièrement attentif aux problèmes de justice, se devait de remettre une fois encore cette réforme en perspective et de ne pas se contenter d'émettre un vote conforme.
Ce que nous ont dit tout à l'heure MM. Jacques Larché, Charles Jolibois et Jean-Jacques Hyest montre bien que nous voulons voter ce texte, mais en ayant obtenu quelques garanties - j'y reviendrai dans un instant - afin d'éviter tout malentendu sur le sens de certains votes, et afin peut-être - c'est un petit clin d'oeil, et pourquoi pas ? - de convaincre certains de nos collègues qui seraient encore hésitants, voire hostiles au vote de cette réforme.
Le contexte dans lequel a été adoptée la réforme constitutionnelle de 1993, reconnaissons-le mes chers collègues, n'a pas beaucoup changé. Les « affaires » continuent de défrayer la chronique politico-judiciaire et médiatico-judiciaire. Nous sommes toujours en période de cohabitation. Les uns et les autres, trop souvent encore, se jettent parfois la justice à la figure, et le débat politique sur la justice que je voudrais, beaucoup d'autres avec moi, pouvoir écrire avec un grand « P » et un grand « J » n'est pas toujours apaisé.
Rappelons les origines de cette partie, mais de cette partie seulement, d'une réforme affichant de plus grandes ambitions.
Constatant l'état de la justice française, de ses moyens, de son organisation, de ses méthodes, de ses procédures, mais aussi le soupçon qui pesait, qui pèse encore et pèsera encore sans doute longtemps - je pense que c'est dans la nature des choses - sur certaines décisions judiciaires, M. le Président de la République, Jacques Chirac, a souhaité une réforme en profondeur. Il l'a annoncée au cours de deux déclarations solennelles en décembre 1996 et en janvier 1997.
Pour le Président de la République comme pour nous, la réforme de la justice devait nécessairement concerner le statut et les pouvoirs du parquet, la présomption d'innocence, la justice de proximité et les moyens de la justice. Ce qui compte, en effet, pour les justiciables, c'est avant tout le bon fonctionnement de la justice au quotidien, celle de tout le monde et de tous les jours, et celle-là ne répond pas assez aux légitimes attentes de nos concitoyens.
La nature et la solidité de ce qu'il est convenu d'appeler le « cordon », la légitimité de ce lien relèvent le plus souvent du symbole, très fort, certes, mais du symbole. Mais c'est peut-être aussi l'arbre qui cache la forêt de tous les autres problèmes, ceux qui, malheureusement, n'intéressent qu'épisodiquement seulement le microcosme.
Quel est en effet le sentiment le plus souvent partagé, à tort ou à raison, par une très large majorité de nos concitoyens à l'égard de la justice ?
D'un côté, certains puissants du monde économique, social, politique et médiatique tentent d'échapper à la loi pénale commune. Cette réforme devrait normalement rassurer l'opinion, à condition d'être accompagnée et complétée d'une réforme du parquet et des textes régissant la présomption d'innocence.
De l'autre côté, les petits voyous, les casseurs, les agresseurs échappent encore trop souvent à la justice. Cette dernière n'est pas toujours lisible pour le commun des mortels. Notamment l'articulation de la chaîne, en quelque sorte, au bon sens du terme, éducation, police, gendarmerie, justice et exécution des peines n'apparaît pas.
Entre les deux, il y a ceux que nous rencontrons tous les jours, ceux qu'il est convenu d'appeler les justiciables ordinaires, les honnêtes gens, ceux qui appartiennent aux communs des mortels et qui veulent que leur procès aboutisse dans des délais normaux, qu'il ne les ruine pas, que les décisions rendues par la justice soient exécutées ; ces justiciables trop souvent ne comprennent rien au fonctionnement de cette justice-là. Ils se résignent, parfois même ils se révoltent.
Il nous faut donc revoir fondamentalement l'organisation, les méthodes et les procédures judiciaires.
Il faut aussi, au sein de la justice - j'y insiste - faire admettre un certain nombre de réalités et de principes. Certains magistrats et avocats doivent faire un travail sur eux-mêmes, pourrait-on dire, admettre des changements culturels, des changements de méthodes et des changements de techniques indispensables et comprendre qu'ils ne sont pas propriétaires de la justice et que c'est le Parlement qui vote la loi.
Oui, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature perdrait tout son sens si elle devait à jamais rester isolée, c'est-à-dire si trois autres réformes, sans aucun doute encore bien plus fondamentales que celle-ci, étaient oubliées.
La première est relative aux pouvoirs et à l'organisation du ministère public, chargé de conduire, sous directives gouvernementales et en collaboration avec le Parlement, la politique d'action publique.
La deuxième concerne l'application d'un principe fondamental, trop souvent méconnu, et ce depuis fort longtemps, le principe de la présomption d'innocence.
La troisième, et sans doute la plus importante, consiste à améliorer d'urgence le fonctionnement de la justice de tous les jours, tant pénale que civile, commerciale ou prud'homale, à condition toutefois non seulement d'octroyer à celle-ci les moyens nécessaires, mais aussi d'en revoir structurellement l'organisation, les méthodes et les procédures.
La grande majorité du groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte, mais à nos yeux, le Congrès ne pourra pas être saisi par le Président de la République tant que deux de ces trois réformes que je viens d'évoquer ne seront pas adoptées, en tout cas définitivement arrêtées : la clarification du fonctionnement du ministère public, la réaffirmation de sa nécessaire hiérarchie et la protection du principe de la présomption d'innocence.
Rappelons aussi que la réforme de 1993, pourtant substantielle, en rompant totalement avec la conception même du Conseil supérieur de la magistrature issue de 1958, n'a pas suffi à apaiser le débat.
Il y a eu la polémique menée au sujet de la nature du lien, celui-ci n'étant d'ailleurs que le reflet de l'organisation des relations constitutionnelles entre le Président de la République, le Parlement, le Gouvernement, le garde des sceaux et la magistrature. Se sont ajoutées quelques ambiguïtés d'interprétation - je l'avais dit en juin 1993 - et beaucoup de maladresses de la part des services de la Chancellerie.
Tout cela doit donc naturellement nous conduire à ramener à ses justes porportions cette réforme. Elle n'est qu'une étape vers une réforme plus profonde de la justice. Mais une telle réforme n'est possible en France - nous l'avons constaté trop souvent - qu'à l'occasion de ruptures politiques, et constitutionnelles, qui seules permettent une réforme au fond de l'institution judiciaire que les Français souhaitent profondément.
La réforme d'aujourd'hui suscite encore plus d'interrogations et d'appréhensions que de réponses et d'apaisements. Elle ne suffira pas à recadrer, au sens le plus noble et le plus fort du terme, la légitimité des uns et des autres, la non-ingérence du politique dans le domaine du juge, ainsi que les nécessaires notions d'indépendance, certes, mais aussi d'impartialité et de responsabilité des magistrats.
Avec cette réforme, si le soupçon s'atténue, il n'est pas pour autant dissipé. Un jour, il faudra bien aller jusqu'au bout de l'une ou l'autre des logiques pour sortir de cette ambiguïté française et répondre aux questions suivantes.
Les parquetiers doivent-ils nécessairement être des magistrats de plus en plus souvent assimilés à des juges au travers des réformes successives de leur statut - la réforme d'aujourd'hui va d'ailleurs dans ce sens - ou doivent-ils - la question devra un jour être mise à plat et posée pour que l'on y réponde enfin - devenir des fonctionnaires à statut spécifique ou des magistrats à statut spécifique ?
Certes, le pouvoir d'apprécier l'opportunité des poursuites reconnu aux magistrats du parquet, qui en fait en quelque sorte, je crois l'avoir déjà dit, des juges dans l'aptitude majeure qui leur est ainsi reconnue, milite pour que les parquetiers restent des magistrats.
Mais, s'ils sont magistrats, les parquetiers doivent cependant appliquer loyalement la politique pénale définie par le Gouvernement en liaison avec le Parlement. Ce sont en effet les procureurs généraux et les procureurs de la République dans la conduite de l'action publique, notion qui reste d'ailleurs toujours à définir, qui mettent en oeuvre cette politique pénale au quotidien. Ce point contesté par certains magistrats mérite, madame la ministre, d'être approfondi et éclairci dans les mois qui viennent.
Il me paraît essentiel, madame la ministre, que le principe de hiérarchisation du parquet soit non seulement maintenu mais clarifié et réaffirmé, les procureurs généraux étant les chefs de leur parquet, et les procureurs généraux les responsables hiérarchiques de l'ensemble des procureurs de la République du ressort de la cour d'appel. Ce n'est pas tout à fait l'état de droit actuel, mais c'est ce à quoi nous devons parvenir.
Envisagez-vous d'aller dans ce sens quand nous examinerons les projets de loi organiques et les projets de loi ordinaires ? Vous avez dit à l'instant, madame la ministre, que les magistrats du parquet exercent leurs fonctions au sein d'une hiérarchie. C'est un commencement de réponse.
Par ailleurs, les réformes successives et la pratique des parquets ne nous conduisent-elles pas à la constitution d'une seule autorité d'enquête : le parquet ?
En effet, si la tendance actuelle se confirme et s'affine, autrement dit si les magistrats du parquet sont de plus en plus assimilés par le statut à des juges et si les juges d'instruction sont de plus en plus dépouillés de leurs pouvoirs de juge - mandat de dépôt, restriction à la liberté individuelle au cours de certaines procédures, mais aussi généralisation des bureaux d'enquête, qui sont devenus, dans certains parquets, de véritables cabinets d'instruction - il n'existera plus qu'une autorité d'enquête : le procureur. Est-ce cela que nous voulons ?
Les juges d'instruction feront alors double emploi avec leurs collègues du siège, auxquels auront été transférés tous les domaines de restriction de la liberté individuelle - détention préventive et contrôle judiciaire - le juge de la liberté ou l'équivalent les ayant privés de l'essentiel de leur pouvoir de juge.
Les juges d'instruction sont-ils appelés à disparaître, de fait sinon de droit ?
Il faut savoir où nous allons afin de ne pas nous retrouver un jour placés dans une situation sans l'avoir voulue. Tout le processus de droit et de fait ne préfigure-t-il pas, à l'échéance de quelques années, la fusion du juge d'instruction et du parquet, et peut-être aussi du juge d'instruction, du parquet et de la police judiciaire ?
Le texte issu de la navette présente des caractéristiques que j'ai déjà eu l'occasion de rappeler.
Nous assisterons notamment à la « laïcisation » du Conseil supérieur de la magistrature, la majorité des membres du Conseil étant désormais des non-magistrats.
Par ailleurs, si les dix magistrats qui y siégeront sont élus par leurs pairs, c'est une loi organique qui dévoilera la réelle représentativité du corps.
Permettez-moi de vous le redire, madame la ministre, il me semble nécessaire que, parmi les magistrats siégeant au Conseil supérieur de la magistrature, figurent un conseiller, un avocat général à la Cour de cassation, un premier président et un procureur général. La cour suprême judiciaire doit en effet être représentée lorsqu'il s'agira de formuler des propositions et des avis sur les nominations de ses membres.
Il me paraît, en outre, indispensable que deux chefs de cour siègent au Conseil, comme c'est aujourd'hui le cas. Nous avions retenu cette formule en 1993, parce que nous estimions que ceux qui ont en charge l'administration de la justice au quotidien dans les cours d'appel et la gestion des ressources humaines de celles-ci étaient les mieux placés pour apprécier le profil des candidats et leur adéquation aux différents postes de responsabilité àpourvoir.
Par ailleurs, et nous y reviendrons sans doute, il me paraît particulièrement nécessaire aujourd'hui de conforter et de renforcer l'autorité des chefs de cour et de juridiction.
S'agissant des membres du Conseil supérieur de la magistrature nommés respectivement par le président du Sénat et par le président de l'Assemblée nationale, on aurait pu - mais ce n'est pas mûr - envisager une ratification des nominations par chacune des deux assemblées à la majorité qualifiée des deux tiers.
Le Conseil supérieur de la magistrature, composé différemment, sera toujours présidé par le Président de la République, le garde des sceaux en étant de droit le vice-président.
La formulation du principe reprend celle de 1993, même si elle ne figure plus au même endroit. Mais quelle est la portée exacte de cette présidence et de cette vice-présidence ?
Avant que le texte soit voté, il faut au moins au niveau des débats parlementaires que l'on nous dise si l'on considère que le Président de la République et le garde des sceaux ont ou n'ont pas le droit de vote.
Le problème s'est posé à un moment de crise. Une réponse a été apportée, mais des hésitations demeurent dans les esprits.
Abordons maintenant les attibutions du Conseil supérieur de la magistrature.
Chaque année, le Conseil publie un rapport d'activités qui comprend souvent des propositions, mais qui donne aussi son point de vue sur les réformes touchant la justice.
Ces rapports ont été, parfois, des sujets de polémiques, le Conseil supérieur de la magistrature - et là je ne suivrai pas M. Badinter - apparaissant, aux yeux de certains, comme le conseil supérieur de la justice judiciaire, alors qu'il n'est que celui de la magistrature. Or, je me permets de le rappeler, le Conseil supérieur de la magistrature n'a d'existence juridique que lorsqu'il est présidé par le Président de la République et par le garde des sceaux.
Est-ce bien votre point de vue, madame le garde des sceaux ? Cette question est d'importance, car l'ambiguïté porte en elle les germes d'autres évolutions que la nouvelle composition du Conseil ne manquera pas d'initier.
Si ce texte est adopté par le Congrès, tous les magistrats du parquet seront désormais nommés sur avis conforme. La réforme est d'importance. Mais qu'en sera-il pour les magistrats de l'administration centrale du ministère de la justice, qui sont assimilés à des magistrats du parquet ?
Comment cela se passera-t-il également pour les magistrats détachés dans des postes de direction ? Leur nomination relève de la compétence du conseil des ministres ; le Conseil supérieur de la magistrature donnera-t-il son avis avant ? Un avis après coup, vous ne pouvez l'imaginer. Voilà qui va encore compliquer votre tâche.
Madame le garde des sceaux, si la réforme est adoptée, nous aurons aussi introduit un déséquilibre entre les procédures de nomination des premiers présidents et procureurs généraux et des présidents et procureurs. En effet, les présidents et premiers présidents seront nommés sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature à l'occasion de ce que l'on appelle un grand conseil, c'est-à-dire un conseil tenu à l'Elysée et présidé par le Président de la République. En revanche, leurs homologues, puisqu'ils sont sur le même rang dans les cours et tribunaux, les procureurs généraux et les procureurs de la République, seront nommés en petit conseil, sur simple avis.
Ce problème peut être réglé, par exemple, en prévoyant dans la loi organique que les procureurs généraux et les procureurs de la République seront nommés sur avis d'un conseil qui revêtira la même solennité que celle qui est actuellement exigée pour les premiers présidents et les présidents.
Par ailleurs, madame le garde des sceaux, afin d'éviter toute possibilité de censure par le Conseil constitutionnel, pourquoi n'avoir pas profité de l'opportunité de cette réforme pour prévoir qu'à l'avenir les chefs de cour et de juridiction seraient détachés pour une période de cinq ans, par exemple ?
On sait très bien qu'une telle réforme, adoptée par le biais d'une loi organique ne passera pas nécessairement aussi facilement devant le Conseil constitutionnel.
D'ailleurs - je verse cette remarque au débat - pourquoi ne pas imaginer que l'ensemble des magistrats qui sont nommés pour une fonction spécifique par décret, juges d'instance, juges de l'application des peines, juges des enfants, juges d'instruction, le seraient pour une période renouvelable de cinq ans, après avis du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui éviterait ce que j'appelle parfois les « niches de carrière » ?
En effet, il n'est pas souhaitable que la haute magistrature se sédentarise à l'excès. Le fonctionnement de la justice serait amélioré par une plus grande mobilité des magistrats, notamment des chefs de cour et de juridiction.
En conclusion, madame la ministre, mes chers collègues, et au risque de me répéter, je dirai que cette réforme n'aura de sens que si, au même moment, on adopte deux autres réformes, celle qui concerne le statut du parquet et celle qui a trait à la présomption d'innocence.
Cette seconde réforme vise à assurer une réelle protection d'un principe fondamental dans le droit des démocraties dignes de ce nom, la présomption d'innocence, qui va de l'enquête préliminaire à l'audience du tribunal correctionnel ou de la cour d'assises, en passant par la garde à vue, l'instruction, la mise en examen, la détention, les voies de recours, et la publicité donnée dans la presse à ces différentes phases.
La réforme actuelle n'aura de sens, ne sera lisible et crédible que si, concomitamment, les deux autres réformes sont arrêtées.
M. Charles Pasqua. Concomitamment !
M. Hubert Haenel. Le temps qui séparera le vote conforme des deux assemblées sur ce texte doit donc servir à faire adopter par l'Assemblée nationale et le Sénat les deux réformes intimement liées à celle-ci. Comme le président de la commission des lois, nous n'imaginerions pas pouvoir aller à Versailles sans qu'il en soit ainsi.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Cela viendra vite !
M. Hubert Haenel. Le temps viendra - je l'espère et il faut le souhaiter - où juges, procureurs et politiques cesseront de se méfier les uns des autres, où chacun sera bien à la place que lui confère l'Etat, la nation, la Constitution et les lois, pour le plus grand bien de la République, de la démocratie et de l'Etat de droit, valeurs stuprêmes communes aux uns et aux autres, mais trop souvent malmenées par les uns et les autres.
Sous le bénéfice de ces observations et des réponses que vous apporterez aux questions que je vous ai posées, madame le garde des sceaux, les sénateurs du groupe du Rassemblement pour la République, dans leur grande majorité, voteront le texte tel qu'il est présenté par la commission des lois. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici réunis aujourd'hui pour examiner, en deuxième lecture, le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Avouons que depuis l'adoption, sans modification par l'Assemblée nationale, de votre texte, madame la garde des sceaux, le 3 juin dernier, bien des changements se sont produits.
L'on pourrait légitimement se demander, et je vous le demande, madame la garde des sceaux : que reste-t-il de votre réforme du Conseil supérieur de la magistrature, élément clé de celle, plus globale, de la justice que vous avez engagée ? Et M. Jolibois, rapporteur de la commission des lois, s'en félicitait voilà un instant.
L'objectif affiché du Gouvernement, en déposant son projet sur le bureau de l'Assemblée nationale, était d'assurer l'impartialité et l'indépendance de la justice à l'égard du pouvoir exécutif, et de mettre ainsi fin à la suspicion née de la multiplication des « affaires » politico-judiciaires de ces dernières années.
Restaurer la confiance de nos concitoyens en leur justice, en clarifiant notamment les rapports entre justice et pouvoir politique, est un objectif louable auquel nous ne pouvons qu'adhérer.
Pour ce faire, vous avez voulu, dans votre texte initial, renforcer les garanties statutaires des magistrats du parquet en matière de nomination comme de discipline. Vous avez aussi choisi d'élargir et de rééquilibrer la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Enfin, vous avez réaffirmé l'unité de la magistrature.
Certes, ces mesures constituaient de réelles avancées par rapport au dispositif existant.
Toutefois, eu égard à notre propre conception d'une justice indépendante et d'une réforme effective du Conseil supérieur de la magistrature, nous avions estimé, par la voix de mon ami Robert Pagès, dès le 23 juin dernier, que « Les dispositions figurant dans le projet de loi constitutionnelle ne permettront pas d'atteindre réellement de tels objectifs, qui sont pourtant indispensables pour assurer une réelle indépendance à la justice à l'égard du politique. »
Nous nous étions alors prononcés pour un Conseil supérieur de la magistrature réunifié, composé pour moitié au moins de personnalités extérieures au corps judiciaire, désignées par l'Assemblée nationale et le Sénat, en dehors de leurs membres et dans le respect du pluralisme. Le président du Conseil supérieur de la magistrature aurait été élu en son sein par ses membres et le garde des sceaux aurait été écarté de sa direction.
Quant aux magistrats du parquet, ils auraient bénéficié des garanties constitutionnelles d'indépendance, identiques à celles des magistrats du siège.
C'est dire si votre projet de loi, madame la garde des sceaux, selon nous, est resté au milieu du gué.
Quant au texte, tel qu'il a été modifié par le Sénat, puisque la quasi-totalité de ses amendements a été retenue par les députés, il montre bien les limites d'une réforme annoncée.
Faute de réelle volonté politique, en effet, le texte sur lequel nous devons nous prononcer aujourd'hui a très peu de points communs avec la version originale présentée par le Gouvernement et sa logique demeure en fait très proche du système actuel.
Malgré le soutien apporté à votre réforme par le président de la République, le Sénat est hostile, dans sa majorité, à l'indépendance des magistrats... (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Vous ne pouvez pas dire cela ! Ce n'est pas sérieux !
M. Robert Bret. ....et a souhaité, par conséquent, retarder la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, en obligeant à des navettes avec l'Assemblée nationale.
Ayant craint que les modifications apportées par la commission des lois ne soient adoptées dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale dès la première lecture, vous avez eu recours, mesdames et messieurs les élus de droite, à un sous-amendement de dernière minute, prévoyant que les procureurs généraux continueraient d'être nommés par le pouvoir politique.
Avec l'adoption d'une telle disposition, qui vide la réforme de sa substance, les navettes étaient assurées, et le retard du calendrier constitutionnel également. L'Assemblée nationale a en effet rétabli l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des procureurs généraux. Cette attitude ferme aurait dû valoir pour l'ensemble des points de désaccord entre les deux chambres. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Nous estimons, pour ce qui nous concerne, que le Sénat, contrairement aux déclarations de M. Jacques Larché, président de la commission des lois, n'a pas fait un pas en avant mais qu'il a procédé à une réécriture du projet gouvernemental et que les députés ont fait preuve d'une trop grande mansuétude.
M. René-Georges Laurin. Pourquoi votre représentant à la commission ne l'a-t-il pas dit ?
M. Robert Bret. Tout à fait !
Force est de constater, madame la garde des sceaux, que l'issue de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature dépend, depuis le début, de l'attitude des sénateurs de droite, puisqu'une loi constitutionnelle requiert une adoption dans les mêmes termes par chacune des assemblées.
M. Jacques Larché, président de la commission. Eh oui !
M. Robert Bret. Il y a maintenant un véritable décalage entre l'annonce par le Gouvernement de la mise en chantier d'un certain nombre de réformes pour améliorer et démocratiser le fonctionnement judiciaire et le contenu du présent texte, qui est pourtant le plus emblématique d'entre eux, puisque, depuis un demi-siècle, l'indépendance de la justice trouve sa mesure dans la composition et les pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature.
Pourquoi tant d'hésitations à l'égard d'une justice indépendante ? Pourquoi vouloir faire des magistrats des fonctionnaires dépendants du pouvoir politique, comme vient de nous le proposer M. Haenel, qui, au moins, à le mérite d'être clair ?
M. René-Georges Laurin. Que faites-vous au Gouvernement ?
M. Robert Bret. Rendre les magistrats plus indépendants - et non autonomes - ne signifie pas, selon nous, leur donner plus de pouvoirs. Bien au contraire !
M. Josselin de Rohan. Vous êtes un opposant !
M. Robert Bret. Et ils n'en auront pas plus qu'ils en ont actuellement. Je pense notamment aux pouvoirs croissants qu'ils tirent des circulaires ministérielles.
En effet, si celles-ci portaient initialement sur les choix prioritaires en matière de politique pénale générale, peu à peu elles ont changé d'objet et elles concernent aujourd'hui plus particulièrement les procédures pénales, à savoir le montant des peines, le recours à la comparution immédiate ou non, qui relèvent, pour leur part, de la loi.
De surcroît, il y a un paradoxe entre craindre les pouvoirs des juges et faire en pratique de plus en plus appel à eux en matière pénale, notamment pour ce qui est des « incivilités » et de la délinquance juvénile.
Le rôle social de la justice prend en effet une ampleur sans analogie dans notre histoire contemporaine. Nous devons y être attentifs.
Si nous prenons le cas américain, qui hante bien des esprits, on constate qu'avec la fin de l'Etat providence et au fur et à mesure que les aides sociales ont diminué la justice pénale a pris de l'ampleur et le nombre des personnes incarcérées a considérablement augmenté.
La réponse sociale s'est ainsi peu à peu pénalisée et la place des magistrats dans la société devient en conséquence très importante.
Or le pouvoir d'incarcérer, de placer en détention, est tel qu'il ne peut et ne doit revenir qu'aux magistrats dont l'indépendance doit être absolument garantie.
M. Jean-Claude Gaudin. Avec les abus que l'on connaît !
M. Robert Bret. Ainsi considérons-nous l'indépendance des magistrats comme constituant avant tout un droit du justiciable.
En effet, au regard des principes constitutionnels, tels que l'égalité des citoyens devant la loi et la protection des libertés individuelles, cette indépendance est la condition essentielle pour garantir le justiciable contre toute forme d'injustices ou d'inégalités.
C'est pourquoi nous estimons que les magistrats du siège, comme ceux du parquet, doivent bénéficier, dans leur carrière, d'une autonomie propre face au pouvoir politique. Leur nomination doit donc relever d'un organe qui ne puisse pas être identifié à un pouvoir politique.
Or, étant donné la part prépondérante que conservent le Président de la République et le garde des sceaux au sein du Conseil supérieur de la magistrature, lesquels continuent à participer à ses travaux et à voter, on voit bien la mainmise de l'exécutif sur le judiciaire. (Protestations sur les travées du RPR.)
Il n'y a donc pas de révolution en ce domaine.
De plus, le Conseil supérieur de la magistrature n'a toujours pas, pour les parquetiers, le pouvoir de proposition, qui demeure entre les mains du garde des sceaux.
La fracture constante entre la classe politique et le corps judiciaire risque donc de perdurer, alors qu'il aurait fallu que les politiques se réapproprient les débats sur la justice.
Le pendant de l'indépendance renforcée des juges doit être une intervention plus précise et plus fréquente de la loi en matière judiciaire. Le législateur doit aussi remplir pleinement son rôle, c'est la garantie du respect du principe de la séparation des pouvoirs : le juge en toute indépendance, dans le cadre de la loi, et lui seul.
Quant à la composition du Conseil supérieur de la magistrature, si, pour éviter le piège du corporatisme, celle-ci a été rééquilibrée et élargie à des personnalités extérieures à la magistrature, nous considérons que, là aussi, le Parlement aurait dû être associé à la nomination de ces personnalités.
Or il est prévu que les membres extérieurs soient désignés par le Président de la République et les présidents des deux assemblées parlementaires.
Ainsi, hors période de cohabitation, pour peu qu'une même majorité politique détienne tous les pouvoirs, ces membres qui ne sont pas magistrats auraient une coloration politique qui rejaillirait, à n'en pas douter, sur le Conseil supérieur de la magistrature lui-même.
Nous pourrions, en l'occurrence, nous interroger sur la légitimité démocratique du Conseil supérieur de la magistrature.
On ne peut donc pas parler de véritable ouverture de ce dernier vers l'extérieur.
De plus, nous considérons que le texte de loi conserve une place excessive à la haute et moyenne hiérarchie, qui, numériquement, constitue pourtant une faible proportion du corps judiciaire.
S'il y avait une disposition dans le texte qui nous donnait pleinement satisfaction, c'était bien l'affirmation de l'unicité de la magistrature, avec la mise en place d'une seule formation compétente, à la fois à l'égard des magistrats du siège et de ceux du parquet.
Malheureusement, le souhait de la majorité sénatoriale de maintenir les deux formations distinctes au sein du Conseil supérieur de la magistrature a été accepté par l'Assemblée nationale, alors même que les syndicats de la magistrature ont appelé de leurs voeux cette unicité du corps judiciaire.
Plusieurs sénateurs du RPR. « Le » syndicat !
M. Robert Briet. Pour les avoir tous rencontrés, nous savons que ce sont « les » syndicats !
Pour conclure, je tiens à réaffirmer que, tout en respectant les capacités d'action du Conseil supérieur de la magistrature, il conviendrait de placer ce dernier au coeur du débat et de l'entourer d'un contrôle dont ne seraient exclus ni les forces politiques, ni les professions liées au fonctionnement quotidien de la justice, ni même les citoyens.
Je le répète, l'une des clés d'une réelle indépendance de la magistrature réside dans la réappropriation par le législateur de l'encadrement normatif du droit.
A la lumière de ces réflexions et observations, les sénateurs communistes s'abstiendront sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos remarques qui, une fois de plus, témoignent de la qualité des réflexions que l'on entend au Sénat.
Pratiquement tous les orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale ont manifesté leurs inquiétudes sur la maîtrise de la politique pénale lorsque la réforme aura abouti.
Ces inquiétudes, vous les avez exprimées moins à propos des nouvelles garanties de nomination données, par le projet de loi constitutionnelle qui vous est soumis, aux procureurs généraux et aux procureurs qu'à propos de la suppression des instructions individuelles, qui ne vous est pas proposée aujourd'hui, mais qui sera incluse dans un projet de loi sur les rapports entre la Chancellerie et le parquet, instructions qui devraient être remplacées par des instructions générales.
Vous vous êtes interrogés, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, d'autres aussi, sur les moyens qu'aurait, dans cette perspective, le Gouvernement de faire respecter la politique pénale qu'il est chargé de conduire par la Constitution.
M. Michel Charasse. Et lui seul !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je reviendrai évidemment plus en détail au moment des débats sur ce projet de loi, sur d'autres aussi, sur les rapports entre le parquet et la Chancellerie, mais je voudrais d'ores et déjà vous apporter quelques éclaircissements et quelques réponses aux questions, d'ailleurs légitimes, que vous vous posez.
Je rappelle, pour commencer, que la proposition de supprimer les instructions individuelles par le garde des sceaux en direction des parquets et de les remplacer par des instructions générales a été formulée par la commission Truche - je vous renvoie aux pages 34 et 35 de son rapport.
Je rappelle également au Sénat, mais vous le savez, que cette commission a été installée par M. le Président de la République, qui lui a donné pour mission de réfléchir, d'une part, aux moyens de garantir l'indépendance des magistrats et, d'autre part, à leur responsabilité.
Je rappelle encore que, lors de la remise de leur rapport, M. le Président de la République a indiqué aux membres de la commission qu'en effet il considérait qu'il s'agissait là d'un travail de très grande qualité.
Ce rappel général étant fait, je vais expliquer maintenant un peu plus précisément ce que sera le dispositif de contrôle par le Gouvernement de la politique pénale lorsque la réforme que je propose aura - je l'espère - été adoptée.
Premièrement, les instructions générales ont le mérite - c'est leur objet même - d'être claires, publiques et générales, c'est-à-dire de permettre à chacun de se situer par rapport aux autres parquets au regard des citoyens.
Deuxièmement, l'expression « instructions générales » ne signifie pas instructions mécaniques, obligatoires, lettres à lettres. Il est bien entendu qu'il revient aux procureurs d'adapter aux circonstances de temps et de lieu l'orientation générale.
Ce pouvoir d'appréciation - je vous le fais remarquer - existe d'ailleurs déjà aujourd'hui dans le code de procédure pénale actuel - il est vrai que j'en ai suspendu l'application, puisque je n'envoie plus d'instructions particulières. Les instructions particulières sont écrites, mais la parole reste libre.
Troisièmement, il faut se souvenir que le garde des sceaux propose les nominations des parquetiers à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Par ces propositions, le garde des sceaux prend en compte les qualités professionnelles des parquetiers.
Quatrièmement, le non-respect des instructions générales suivies par ses collègues, s'il se produit, isolera le procureur réticent et aura pour effet de placer ce comportement au coeur du débat public, hors du seul cercle des magistrats, comme c'est le cas aujourd'hui. Cette transparence jouera et joue déjà un rôle que n'avaient certes pas les instructions particulières, même versées au dossier.
Cinquièmement, le parquet reste hiérarchisé. Je réponds là en particulier à M. Haenel, qui s'est fait l'écho de cette préoccupation. Je l'ai voulu ainsi. Le futur article 5 de l'ordonnance statutaire serait ainsi rédigé : « Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leur chef hiérarchique et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice » - ce qui suit est nouveau - « dont il met en oeuvre les directives générales. »
En particulier, le procureur général exerce une responsabilité pouvant aller, comme l'a souligné M. Badinter, jusqu'à l'instruction individuelle destinée aux procureurs de son ressort. Il est garant des politiques pénales, et nombre de procureurs généraux exercent d'ailleurs d'ores et déjà cette compétence par des réunions fréquentes de tous les procureurs de leur ressort, réunions qui sont générales ou qui se déroulent en ateliers sur les différentes politiques pénales : sécurité routière, petite et moyennne délinquance, délits financiers et délinquance des mineurs.
De cette action collective naît une volonté commune du parquet qui est utilement communiquée aux préfets et aux services de police et de gendarmerie, car la place de la justice par rapport aux services de police et de gendarmerie est un élément évidemment très important.
Sixièmement, en cas de non-respect des instructions générales, la hiérarchie jouera son rôle d'interrogation, de discussion, de mise en garde.
Septièmement, c'est seulement si tout cet appareil préalable, que je viens de décrire, n'a pu corriger un comportement réitéré, conscient, volontaire, public, démonstratif, gênant pour la cohérence de l'action publique que la question du disciplinaire pourra en effet se poser.
Il faudrait alors se souvenir - et je vous demande de m'écouter avec une particulière attention - des termes de l'arrêt Rousseau du Conseil d'Etat du 14 mars 1975, rendu sur recours en cassation contre une décision du Conseil supérieur de la magistrature.
Il dispose : « Le fait pour les chefs de juridiction de manquer à l'obligation de résidence, de refuser d'observer les instructions relatives à l'application de nouvelles dispositions de procédure et de méconnaître certaines règles relatives à la collégialité en délibéré est de nature à motiver légalement une sanction disciplinaire à l'encontre du magistrat intéressé. En revanche, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne pourrait retenir contre un magistrat ni le contenu des décisions juridictionnelles rendues, ni un grief portant atteinte au secret du délibéré. »
Les poursuites disciplinaires, nous le voyons, ne sont donc pas à exclure - je réponds ainsi à ceux qui s'étaient inquiétés de cela - mais elles ne sauraient intervenir que dans des circonstances bien précises.
Nous observons d'ailleurs que la jurisprudence de la commission de discipline du parquet puis du Conseil supérieur de la magistrature nous fournit, en 1978, 1987, 1993 et 1997, les exemples des sanctions disciplinaires exercées à l'égard de membres du parquet.
Je cite : « Agissant à l'encontre des instructions formelles que le procureur général, en vertu de son pouvoir hiérarchique, lui avait notifiées tant verbalement que par écrit et à plusieurs reprises... ». Je cite encore, en 1987 : « A l'égard de parquetiers qui ont développé une conception personnelle des missions du ministère public, des attributions et pouvoirs respectifs des substituts et procureurs de la République... ». Les références sont connues, mais je voulais rappeler le contenu de ces décisions.
La réforme repose, bien entendu, sur un certain nombre de principes dont - M. Haenel s'en est inquiété - le principe de hiérarchie du parquet. Non seulement ce principe sera maintenu, mais il sera renforcé.
Il sera ainsi précisé à l'article 5 de l'ordonnance statutaire que les procureurs généraux mettent en oeuvre les directives générales du ministre de la justice ; pour ce faire, les procureurs généraux pourront donner des instructions aux procureurs de leur ressort, je l'ai dit tout à l'heure, mais je préfère le rappeler.
J'ajouterai, en réponse à quelques observations particulières de M. Haenel, que la présomption d'innocence sera renforcée - je l'ai dit dans mon discours introductif - par la présence de l'avocat dès la première heure de la garde à vue, par le renforcement des droits de la défense, par la limitation dans le temps des procédures qui mettent en cause des citoyens.
Plusieurs d'entre vous - je le sais, car nous avons eu des discussions sur ce point au sein de la commission des lois et en séance publique - se posent alors la question du statut des parquetiers : magistrats ou fonctionnaires ? On se pose la question sur l'ensemble des travées.
M. Michel Charasse. Et depuis longtemps !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ai déjà indiqué ma position à cet égard, mais je souhaiterais y revenir.
Le métier de fonctionnaire est certes un très beau métier, mais il s'agit en l'occurrence de libertés individuelles, d'honneur perdu ou retrouvé, d'innocence, de culpabilité, et il me semble que c'est à un magistrat, fût-il du parquet, et non à un fonctionnaire, de se porter garant du respect des libertés individuelles.
Voilà pourquoi, pour ma part, je refuse une évolution à l'anglo-saxonne. Il me paraît absolument nécessaire de conserver notre propre système, qui donne, en effet, à un magistrat qui se sent garant de la protection des libertés individuelles ce pouvoir de mener l'accusation.
Un certain nombre de questions ont été posées à propos du Conseil supérieur de la magistrature, qui joue un rôle essentiel et fondamental dans la République.
Certains se sont demandé s'il fallait mentionner dans le texte le vote du Président de la République et du garde des sceaux. Je leur répondrai que nous ne changeons rien à la situation actuelle : le Président de la République et le garde des sceaux ne votent jamais au sein du Conseil supérieur de la magistrature.
Faut-il maintenir une distinction entre les premiers présidents et les procureurs généraux, chefs de cour, pour leur nomination ? La loi ne prévoit qu'un seul Conseil supérieur de la magistrature. De fait, la séparation entre le Conseil supérieur de la magistrature présidé par le garde des sceaux et le Conseil supérieur de la magistrature présidé par le Président de la République est claire : au premier, les cas de propositions par le garde des sceaux ; au second, les cas de propositions par le Conseil supérieur de la magistrature lui-même. Nous ne changeons rien à cette tradition ininterrompue.
Faut-il fixer un terme déterminé à certaines fonctions dans la magistrature, à l'instar de ce qui existe déjà pour les juges des enfants et les juges de l'application des peines ? Je n'exclus pas de le prévoir pour certains postes. Cette modification figurera dans la réforme du statut de la magistrature en cours d'élaboration à la chancellerie.
Comment traiter les magistrats qui sont affectés à l'administration centrale du ministère de la justice ?
Ces magistrats sont incontestablement des magistrats. L'article 1er de la loi organique prévoit que le corps judiciaire comprend les magistrats du siège et du parquet, ainsi que les magistrats en fonction au ministère de la justice. Cependant, les garanties de nomination ont pour objectif de conforter l'indépendance juridictionnelle des magistrats. Or les MACJ, les magistrats de l'administration centrale de la justice, n'ont pas d'activité juridictionnelle : il s'agit là d'une distinction extrêmement importante. A propos d'activités administratives, il n'y a en effet pas de raison que s'exercent les garanties offertes en matière juridictionnelle. Sinon, on se heurterait à l'inconvénient souligné par M. Haenel tout à l'heure : il n'y aurait plus aucun moyen de gérer les services du ministère de la justice. En la matière également, notre pratique et les textes en vigueur sont clairs.
Le président de la commission des lois, M. Badinter et M. Hyest ont exprimé des inquiétudes quant à l'architecture globale et à la signification ultérieure de ce projet de loi ; il est bien évident que l'essentiel des appréhensions suscitées par ce texte ne se sont pas manifestées aujourd'hui. Je leur dirai que ma réforme a d'abord pour objectif d'être une réforme globale en vue d'augmenter les garanties et les droits des citoyens. Tous les textes présentés ont cet objectif.
Cependant, cette réforme ne change pas le régime juridique du fonctionnement de notre système judiciaire. C'est une réforme, ce n'est pas une révolution.
« Le Gouvernement définit et conduit la politique de la nation. » C'est son devoir constitutionnel, y compris dans la politique pénale. Le ministère public chargé d'engager des poursuites et de mettre en oeuvre la politique pénale reste hiérarchisé. La procédure pénale reste inquisitoire et le secret de l'enquête et de l'instruction n'est pas supprimé, il est aménagé. Les magistrats ne deviennent pas irresponsables - je reviendrai ultérieurement sur ce point lors de la discussion des amendements.
Les citoyens seront les premiers bénéficiaires de cette réforme. Ils connaîtront mieux leurs droits grâce au projet de loi sur l'accès aux droits. Ils pourront faire reconnaître leurs droits de façon plus simple grâce au projet de loi sur la simplification des procédures pénales.
Leurs libertés seront renforcées.
L'institution judiciaire sera plus compréhensible dès lors que nous donnerons aux citoyens la possibilité d'exercer des recours et des réclamations.
Enfin - c'est M. Bret qui a posé cette question - que reste-t-il, après les discussions et amendements, de ma réforme du Conseil supérieur de la magistrature ? Si ce n'est tout, c'est en tout cas l'essentiel : une composition ouverte réunissant majoritairement des non-magistrats judiciaires ; des attributions renforcées sur le point fondamental des garanties de carrière pour tous les magistrats du parquet ; une nouvelle procédure disciplinaire.
C'est une réforme qui est d'abord et avant tout faite pour les justiciables. Vous avez eu raison d'insister particulièrement sur ce point, monsieur Bret.
En présentant cette réforme, je n'avais qu'un seul objectif : restaurer la confiance des citoyens dans notre système judiciaire et sortir de la méfiance réciproque qui, hélas ! s'est instaurée entre les politiques et les magistrats.
La réforme que je vous propose tend à faire prévaloir une logique d'indépendance, de responsabilité, de transparence et de contre-pouvoir. C'est cette logique que je vous propose de suivre non seulement dans le projet de loi constitutionnelle qui est soumis aujourd'hui à votre approbation, mais dans tous les textes dont vous aurez à débattre l'an prochain. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La discussion générale est close.

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
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