Séance du 4 novembre 1998







M. le président. Par amendement n° 2, M. Charasse propose, après l'article unique, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Des agents des douanes de catégories A et B, spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du budget, pris après avis conforme d'une commission dont la composition et le fonctionnement sont déterminés par décret en Conseil d'Etat, peuvent être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République et à recevoir des commissions rogatoires du juge d'instruction.
« Ces agents ont, pour l'exercice des missions prévues par le présent article, compétence sur l'ensemble du territoire national. Ils sont compétents pour rechercher et constater les infractions prévues par le code des douanes, les infractions en matière de contributions indirectes, les infractions prévues aux articles L. 716-9 à L. 716-11 du code de la propriété intellectuelle ainsi que pour les infractions qui leur sont connexes.
« Toutefois, sous réserve des dispositions du II, ils n'ont pas compétence en matière de trafic de stupéfiants, de trafics d'armes, de vols de biens culturels et de blanchiment du produit de ces trois catégories d'infractions.
« II. - Pour la recherche et la constatation des infractions prévues par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal et par le décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, et des infractions qui leur sont connexes, le procureur de la République ou le juge d'instruction territorialement compétent peut constituer des unités temporaires composées d'officiers de police judiciaire et d'agents des douanes pris parmi ceux mentionnés au I ci-dessus. Le procureur de la République ou le juge d'instruction désigne le chef de chaque unité qu'il constitue.
« Les unités temporaires agissent sous la direction du procureur de la République ou du juge d'instruction mandant, conformément aux dispositions du code de procédure pénale. Elles ont compétence sur toute l'étendue du territoire national.
« III. - Les agents des douanes désignés dans les conditions prévues au I doivent, pour mener des enquêtes judiciaires et recevoir des commissions rogatoires, y être habilités personnellement en vertu d'une décision du procureur général.
« La décision d'habilitation est prise par le procureur général près la cour d'appel du siège de leur fonction. Elle est accordée, suspendue ou retirée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Dans le mois qui suit la notification de la décision de suspension ou de retrait de l'habilitation, l'agent concerné peut demander au procureur général de rapporter cette décision. Le procureur général doit statuer dans un délai d'un mois. A défaut, son silence vaut rejet de la demande. Dans un délai d'un mois à partir du rejet de la demande, l'agent concerné peut former un recours devant la commission prévue à l'article 16-2 du code de procédure pénale. La procédure applicable devant cette commission est celle prévue par l'article 16-3 du même code et ses textes d'application.
« IV. - Pour l'exercice des missions mentionnées aux I et II, les agents des douanes sont placés sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre d'accusation du siège de leur fonction dans les conditions prévues par les articles 224 à 230 du code de procédure pénale.
« V. - Lorsque, sur réquisition du procureur de la République, les agents des douanes mentionnés aux I et II procèdent à des enquêtes judiciaires, il est fait application des articles 54 (deuxième et troisième alinéas), 56, 57 à 62, 63 à 67, 75 à 78, 706-28, 706-29 et 706-32 du code de procédure pénale.
« Lorsque ces agents agissent sur commission rogatoire d'un juge d'instruction, il est également fait application des articles 152 à 155 du même code.
« Ces agents sont autorisés à déclarer comme domicile l'adresse du siège du service dont ils dépendent.
« VI. - Les agents des douanes mentionnés aux I et II sont placés sous la direction administrative d'un magistrat de l'ordre judiciaire relevant de l'autorité du directeur général des douanes et droits indirects, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.
« VII. - Les agents de l'administration des douanes mentionnés aux I et II ne peuvent, à peine de nullité, exercer d'autres attributions ou accomplir d'autres actes que ceux prévus par le code de procédure pénale dans le cadre des faits dont ils sont saisis par l'autorité judiciaire.
« Ils ne sont pas compétents pour effectuer des enquêtes judiciaires lorsque les faits ont été constatés en application des dispositions du code des douanes. Toutefois, ils peuvent dans ce cas exécuter des commissions rogatoires du juge d'instruction.
« VIII. - L'article 343 du code des douanes est complété par un 3 ainsi rédigé :
« 3. - Nonobstant toute disposition contraire, l'administration des douanes ne peut exercer l'action pour l'application des sanctions fiscales dans les procédures dont ses agents ont été saisis en application des paragraphes I et II de l'article 2 de la loi n° du portant extension de la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d'application de la police nationale. Cette action est, dans ces cas, exercée par le ministère public. »
La parole est à M. Charasse, étant entendu qu'un dialogue semble ouvert avec le Gouvernement.
M. Michel Charasse. Certes, monsieur le président, mais le dialogue sera sans doute assez bref !
La question que soulève l'amendement n° 2, comme l'a fait remarquer Mme le garde des sceaux dans son exposé général, est déjà ancienne. Nous avions en effet eu l'occasion d'en débattre ici en 1992 lorsque, par deux fois, le Sénat a adopté un amendement que je lui avais présenté et qui visait à conférer la qualité d'officier de police judiciaire à un certain nombre d'agents des douanes.
Ce texte avait été, les deux fois, rejeté par l'Assemblée nationale bien qu'il ait été adopté deux fois par le Sénat. Il semble évident que, à l'époque, les esprits n'étaient pas mûrs et qu'il régnait encore une sensibilité épidermique particulière du côté de la police. L'affaire a donc été non pas enterrée, mais soumise à la réflexion, jusqu'au printemps 1997, lorsque M. Toubon a déposé un projet de loi portant diverses dispositions relatives à la justice qui visait à régler cette question, ce projet ayant reçu l'avis du Conseil d'Etat et étant techniquement mis au point avec beaucoup de soin par la Chancellerie, en liaison avec l'ensemble des services concernés.
La dissolution n'a pas permis d'examiner ce projet de loi et la question, pourtant urgente, des attributions de certains douaniers en matière de police judiciaire est donc toujours pendante. Or, comme l'a dit Mme le garde des sceaux, qui confirme les informations que je croyais avoir, M. le Premier ministre aurait récemment donné l'accord du Gouvernement au dispositif proposé en mars 1997.
Ce texte de 1997 a pour principe essentiel de ne pas créer une nouvelle catégorie d'officiers de police judiciaire - je le précise pour mon collègue M. Dreyfus-Schmidt, qui s'inquiète de ce point - mais seulement d'accorder, selon un certain nombre de modalités et sous le strict contrôle de l'autorité judiciaire - c'est-à-dire avec son accord et sous sa direction et sa surveillance - la possibilité à un certain nombre d'agents des douanes - pas à tous ! - d'accomplir des missions de police judiciaire qui ne peuvent en aucun cas être conduites simultanément avec des missions spécifiquement douanières.
Je ne veux pas entrer dans le détail de mon amendement, monsieur le président, et j'en viens à ma conclusion.
Je comprends bien qu'il n'était sans doute pas souhaitable de retarder l'examen de la proposition de loi en discussion aujourd'hui si elle est considérée comme urgente et s'il est d'intérêt public qu'elle puisse faire l'objet d'un vote conforme de notre assemblée, comme l'a dit M. le rapporteur.
Je déplore, bien entendu, le retard mis pour régler la situation des douaniers et je regrette aussi qu'une proposition de loi, que je me permettrai de qualifier d'un peu anodine, soit traitée en urgence, car l'administration des douanes, qui est tous les jours engagée dans des combats très difficiles, appelle vraiment une solution qui ne peut plus attendre.
J'ai eu la naïveté de penser qu'on pouvait appliquer à mon amendement la même règle qu'à la proposition de loi que nous examinons, puisque celle-ci reprend une disposition du projet Toubon et que, moi, je reprends d'autres dispositions de ce même projet concernant l'administration des douanes !... (Sourires.)
Madame le garde des sceaux, je vous ai écoutée avec l'attention que vous imaginez. Vous nous dites que vous vous engagez à ce que ces dispositions particulières à la douane soient intégrées dans une réforme plus vaste de la procédure pénale, que vous souhaitez faire examiner le plus rapidement possible. Je ne sais pas s'il s'agit du projet dont vous avez parlé il y a un instant concernant la présomption d'innocence, mais, quoi qu'il en soit, vous avez dit que cette question viendrait très vite en discussion.
Mes chers collègues, je ne peux pas être plus royaliste que le roi - si je puis dire ! - et je donne acte à Mme le garde des sceaux de cet engagement, mais j'espère vraiment que cette réforme ne tardera pas. En effet, quel que soit mon désir de vous être agréable, madame le garde des sceaux, je ne pourrai sans doute pas me retenir longtemps de saisir la première occasion pour reprendre cette affaire.
Monsieur le président, j'admets que je suis entré dans ce texte un peu par effraction. Pas vu, pas pris !... je retire mon amendement. (Rires sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.

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