Séance du 4 novembre 1998







M. le président. « Art. unique. _ I. _ Après le quatrième alinéa (3°) de l'article 16 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Les fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale comptant au moins trois ans de services dans ce corps, nominativement désignés par arrêté des ministres de la justice et de l'intérieur, après avis conforme de la commission mentionnée au 3° . »
« II. _ Dans les cinquième et avant-dernier alinéas du même article, les mots : « 2° et 3° » sont remplacés par les mots : « 2° à 4° ».
« III. _ Il est inséré, avant le dernier alinéa du même article, un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les fonctionnaires visés au 4° ne peuvent recevoir l'habilitation prévue à l'alinéa précédent que s'ils sont affectés soit dans un service ou une catégorie de services déterminés en application de l'article 15-1 et figurant sur une liste fixée par arrêté des ministres de la justice et de l'intérieur, soit, à titre exclusif, dans une formation d'un service mentionnée par le même arrêté. »
Par amendement n° 1, MM. Loridant, Duffour, Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le texte présenté par cet article pour le 4° à insérer dans l'article 16 du code de procédure pénale, après les mots : « au moins trois ans de services », d'insérer les mots : « effectifs en qualité de titulaires ».
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Dans l'exposé des motifs de la proposition de loi que j'ai déposée avec certains de mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, il était précisé : « Pour ne pas obérer le fonctionnement des services de police et pour revaloriser les missions du corps de maîtrise et d'application, il est envisagé que les fonctionnaires de ce corps comptant au moins trois ans de services actifs en qualité de titulaires » - soit au total quatre années de services, comme vous l'avez souligné, mon cher collègue Dreyfus-Schmidt - « puissent accéder à la fonction d'officier de police judiciaire. »
Notre amendement reprend donc la formulation présentée dans notre texte, qui aurait dû être discuté initialement au mois de juin dernier au Sénat.
Nous souhaitons, ainsi, nous assurer de la qualité du recrutement. Sur ce point, j'ai cru comprendre qu'il y avait un large consensus dans cet hémicycle.
Dans cette optique, nous considérons qu'il faudrait inclure dans l'ancienneté requise pour l'obtention de la qualité d'officier de police judiciaire uniquement les années de services effectifs en qualité de titulaire. C'est en tout cas cette position que vous avez défendue, madame le garde des sceaux, à l'Assemblée nationale, sans toutefois être suivie par le rapporteur. Nous le regrettons car il s'agit là d'une bonne mesure.
En effet, nous estimons qu'il ne faut pas attribuer la qualité d'officier de police judiciaire de façon précipitée à de jeunes policiers sans avoir l'assurance qu'ils aient acquis un minimum d'aptitude et d'expérience sur le terrain.
La qualité d'officier de police judiciaire est à manier avec d'autant plus de précaution qu'elle inclut des pouvoirs de coercition sur les citoyens et porte atteinte - d'autres intervenants l'ont souligné - au principe fondamental des libertés individuelles.
Cela étant, madame le ministre, j'ai bien noté les arguments que vous avez développés, les garanties dont vous nous assurez. Toutefois, je souhaiterais que vous nous confirmiez que ces nominations se feront dans la plus grande transparence et dans le respect, cela est fondamental, des libertés individuelles de nos concitoyens. De votre réponse dépendra le sort que je réserve à notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Après ce que vient de dire M. Loridant, je souhaiterais d'abord entendre Mme le garde des sceaux.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous remercie de vos remarques.
Vous avez parfaitement raison de souligner que, lors de la discussion de ce texte à l'Assemblée nationale, j'avais moi-même soutenu un amendement qui était proche de celui que vous soumettez aujourd'hui à la Haute Assemblée.
Je ne peux donc pas nier que nous nous rejoignons évidemment quant aux objectifs : qualité des actes de police judiciaire et formation des officiers de police judiciaire.
Il est exact que j'avais demandé que trois ans de service aient été effectivement accomplis pour considérer que l'expérience professionnelle était suffisante.
Lorsque j'ai soulevé cet aspect du problème, il m'a été assuré que l'année de stage effectuée et réalisée dans les conditions de l'exercice normal de la profession pouvait de facto être assimilée à une année d'exercice de la profession en tant que titulaire.
Par ailleurs, il m'a été indiqué qu'il convenait - pour des raisons que vous connaissez - de maintenir un strict parallélisme avec les conditions dans lesquelles les gendarmes peuvent accéder à la qualité d'officier de police judiciaire.
La durée d'exercice de trois ans pour accéder à la qualification d'officier de police judiciaire a donc été calquée sur celle qui est exigée dans la gendarmerie, où elle donne toute satisfaction.
Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de le rappeler tout à l'heure, la formation est assurée en grande partie par les magistrats du parquet et de l'instruction et elle est sanctionnée par un examen devant une commission qui est également compétente pour donner son avis sur l'attribution de la qualité d'OPJ aux commissaires de police et aux fonctionnaires du corps de commandement et d'encadrement de la police nationale.
De plus, cette commission est présidée par le procureur général près la Cour de cassation et elle est composée de magistrats et de hauts fonctionnaires de police.
En outre, ces fonctionnaires doivent être affectés exclusivement dans certains services appartenant à des catégories fixées par décret. Ils bénéficieront ainsi quotidiennement d'un encadrement spécialisé et compétent, fréquemment en contact avec les magistrats du parquet et de l'instruction. Toutes les conditions seront donc réunies pour assurer leur formation permanente. Ainsi, la qualité des actes de police judiciaire ne se dégradera pas.
Croyez bien que je serai particulièrement vigilante pour que ces garanties soient appliquées et respectées dans la durée. Je suis en effet animée par le même souci que vous tous.
Je préférerais naturellement que cette proposition de loi soit adoptée dans les mêmes termes qu'à l'Assemblée nationale, non seulement parce qu'il est urgent de remédier à la situation actuelle, mais aussi parce que les garanties sont satisfaisantes.
M. le président. Monsieur Loridant, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Paul Loridant. Madame le garde des sceaux, j'ai bien entendu vos observations. Je note avec satisfaction que nous nous sommes fixé les mêmes objectifs, et je n'ai aucune raison de ne pas tenir compte de vos engagements. Dans ces conditions, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(L'article unique est adopté.)

Article additionnel après l'article unique