Séance du 20 octobre 1998







M. le président. La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 321, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Roland Courteau. Madame la ministre, ici même, en avril dernier, j'avais attiré l'attention du Gouvernement sur cette véritable catastrophe économique et sociale qui venait de s'abattre sur le département de l'Aude en particulier, avec les terribles gelées des vignobles et arbres fruitiers. J'avais évoqué, avec mon collègue Raymond Courrière, l'importance du désastre, le traumatisme violent qui s'était ensuivi, le désarroi et l'incertitude des lendemains pour les populations concernées, face à un cataclysme hors normes.
Aujourd'hui, la récolte est connue et la catastrophe économique tant redoutée est, hélas ! confirmée. C'est pourquoi nous en appelons, madame la ministre, à la solidarité nationale pour, ni plus ni moins, sauvegarder l'outil de production des viticulteurs et pour soutenir les populations agricoles concernées durant les prochains mois qui s'annoncent très difficiles pour elles. D'où notre demande pressante d'aides multiples qui devront aller au-delà des dispositifs « calamité » traditionnels.
Ainsi, nous demandons des majorations importantes des taux des aides directes « calamité » dès lors que l'exploitation est sinistrée au-delà d'un certain seuil.
De même, il faut absolument que les annuités de prêts contractés auprès des organismes bancaires par les sinistrés puissent être reportées en fin de prêt.
S'agissant de la Mutualité sociale agricole, il est impératif d'envisager des prises en charge des cotisations associées à des reports, selon l'importance du sinistre.
Les efforts de solidarité de tous, et de l'Etat en particulier, doivent être à la hauteur d'une situation elle-même hors normes et particulièrement difficile pour les jeunes agriculteurs et les plurisinistrés dont les exploitations sont menacées.
Dans ces cas, des aides spécifiques sont indispensables pour les cent cinquante jeunes agriculteurs concernés et les trois cents exploitations plurisinistrées. De même, l'aide à l'emploi est une absolue nécessité tant pour les salariés eux-mêmes que pour préserver la pérennité des exploitations.
Gardons-nous également d'oublier l'ensemble des exploitations sinistrées qui ne figurent pas dans ces dernières catégories, mais qui vont se retrouver dans une situation financière difficile et qui doivent donc pouvoir bénéficier des mesures « Agri-Diff ».
Enfin, s'impose la prise en compte des situations de l'appareil de transformation coopératif et particulier.
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, au cours des mois précédents, nous a réaffirmé que le Gouvernement était déterminé non seulement à trouver des réponses rapides et efficaces, mais aussi, par-delà la conjoncture, à réfléchir à des dispositions permettant de couvrir le risque gel.
Aujourd'hui, madame la ministre, nous vous redisons l'impérieuse nécessité qu'il y a à agir sans délai. Il n'est plus possible d'attendre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, les vendanges, en voie d'achèvement, ont, hélas ! confirmé l'importance des pertes de récoltes dans plusieurs zones de production du département de l'Aude et dans quelques bassins de production limitrophes.
L'importance de ce sinistre, dont attesteront prochainement les déclarations officielles de récolte, justifie, comme M. Louis Le Pensec s'y est engagé - je précise que ce dernier participe aujourd'hui au Conseil agriculture à Bruxelles - une attention toute particulière vis-à-vis des vignerons concernés.
C'est la raison pour laquelle, pour la première fois dans une situation de ce type, la Commission nationale des calamités a, dès le 1er octobre, reconnu ce sinistre. Les commissions d'enquêtes départementales vont pouvoir préparer sans délai les dossiers individuels, que le ministre souhaite voir traités dès la réunion de décembre par la commission des calamités.
Il sera ainsi possible, comme convenu, de procéder au versement des indemnités compensatoires à partir de février 1999, c'est-à-dire au moment où, en l'absence de sinistre, les vignerons auraient commencé à encaisser le produit de la vente de leurs vendanges.
L'ampleur des pertes justifie pour certains producteurs, notamment pour les jeunes ou les vignerons qui ont récemment investi, un dispositif complémentaire.
Ce matin même, une réunion de travail a été organisée avec les représentants de la profession et les élus du département. Un dispositif exceptionnel a été envisagé, dont les modalités précises seront très prochainement communiquées aux organisations professionnelles.
Parmi ces mesures figure notamment un soutien aux coopératives dont le niveau d'approvisionnement a été significativement amputé.
Ainsi, par ce témoignage de solidarité, le ministre souhaite montrer aux viticulteurs qu'au-delà de ces difficultés conjoncturelles ils ont un avenir dans cette filière.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Si nous sollicitons en urgence des réponses efficaces, c'est bien parce que des hommes et des femmes sont plongés dans le désarroi et que, dans bien des cas, je l'ai dit, c'est la survie des exploitations qui est remise en cause.
Il s'agit également de conforter, avant qu'ils ne baissent les bras de découragement, ceux-là mêmes qui sont à l'origine du renouveau de la viticulture méridionale et qui ont beaucoup investi dans les vignobles, dans les caves, pour faire de ce département de l'Aude le nouveau monde du vin. Il nous faut les aider à franchir ce cap difficile.
Enfin, il y a le terrible impact économique, particulièrement préjudiciable pour l'ensemble d'un département qui a perdu 1,5 million d'hectolitres de vin. Cela se traduit par une perte à la production supérieure à 600 millions de francs, perte qui peut être chiffrée à hauteur de 1 milliard de francs si l'on prend en compte l'ensemble de la filière.
On mesurera mieux l'impact économique d'un tel cataclysme lorsqu'on saura que la production agricole finale, première économie du département de l'Aude, s'élève à 3 milliards de francs.
Il faut le savoir, 3 500 viticulteurs sont frappés, dont 150 jeunes agriculteurs ; 300 sont plurisinistrés et 500 viticulteurs sont en situation très délicate. J'ai là le dossier ; il est cruellement significatif.
Madame la ministre, soyez-en convaincue et veuillez bien passer le message à vos collègues du Gouvernement : si nécessaire, nous reviendrons sur ce dossier autant de fois qu'il le faudra, tant ici au Sénat qu'au ministère de l'agriculture.

SUPPRESSION DES COMMISSARIATS
DE BAILLEUL ET HAZEBROUCK