Séance du 11 juin 1998







M. le président. Par amendement n° 127, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose de compléter le texte présenté par l'article 31 pour l'article L. 642-3 du code de la construction et de l'habitation par les mots : « , conclue préalablement à toute notification au titulaire du droit d'usage des locaux de l'intention de réquisitionner. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 504, présenté par le Gouvernement, et tendant, à la fin du texte proposé par l'amendement n° 127 pour compléter l'article L. 642-3 du code de la construction et de l'habitation, à remplacer les mots : « de l'intention de réquisitionner » par les mots : « de l'arrêté de réquisition prévu au 1° de l'article L. 642-11 ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 127.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. C'est un point sur lequel M. le secrétaire d'Etat et moi-même pourrons nous comprendre, même si la rédaction de l'amendement déposé par la commission et celle du sous-amendement gouvernemental sont totalement incompatibles.
Quel est le problème ? Un préfet repère, à la suite de toute une série de démarches et d'enquêtes, un local, ou un groupe de locaux qui lui semble anormalement inoccupé. Il décide alors de le réquisitionner. Il notifie donc son intention au titulaire du droit d'usage.
Il réquisitionne et, à ce moment là, il désigne un attributaire. De vous à moi, les réactions du titulaire du droit d'usage peuvent être différentes suivant ce que sera l'attributaire, compte tenu de son sérieux ou non, des relations qu'il a avec lui ou de tout autre élément. C'est encore la liberté du titulaire du droit d'usage d'avoir une idée sur la question.
Il nous semble donc plus prudent que, dès l'intention de réquisitionner, on dise quel sera l'attributaire. D'autant que l'on peut se trouver dans une situation paradoxale, monsieur le secrétaire d'Etat : si l'on ne dit pas par avance quel est l'attributaire, certains préfets peuvent être à certains moments tentés de réquisitionner sans avoir exploré quels sont les attributaires possibles et se trouver avoir prononcé une réquisition sans attributaire derrière pour prendre le relais.
C'est la raison pour laquelle il me semble plus prudent à tous points de vue de faire en sorte que l'attributaire soit désigné de manière irréversible dans la notification de l'intention de réquisitionner.
Si j'ai bien lu le sous-amendement n° 504, monsieur le secrétaire d'Etat, l'amendement n° 127 vous paraît exagérément dur. Peut-être, mais le texte que vous proposez est exagérément souple !
Je souhaiterais donc - je vais ainsi donner le sentiment de la commission sur le sous-amendement n° 504 avant même que vous l'ayez exposé, monsieur le secrétaire d'Etat, ce dont je vous prie de bien vouloir m'excuser - que le Sénat adopte l'amendement de la commission sans modification. Et d'ici à la nouvelle lecture, nous trouverons bien une rédaction permettant que l'attributaire soit désigné dans la lettre d'intention de réquisitionner, de manière que les choses se déroulent ensuite normalement et que le préfet ne se retrouve pas, comme certain roi de la fable, « tout nu sur son cheval » avec un local réquisitionné et « personne pour lui donner à manger à l'arrivée » !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter le sous-amendement n° 504 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 127.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur pour avis, le Gouvernement ne complimenterait bien évidemment pas un préfet qui procéderait selon les modalités que vous avez exposées !
Cela étant indiqué, le Gouvernement souhaite attirer l'attention de la commission des lois, de son rapporteur, et des membres de la Haute Assemblée sur la distinction qu'il convient de faire entre les deux étapes que sont, d'abord, la notification de l'intention de réquisitionner, qui déclenche la procédure, puis la notification de l'arrêté de réquisition. Il ne lui semble pas possible que, d'une manière systématique, la convention soit conclue avant la notification de l'intention de réquisitionner, qui déclenche la procédure. En effet, même si l'attributaire est certainement choisi avant la notification de l'intention de réquisitionner, la convention doit comporter des éléments portant notamment sur le montant des travaux à effectuer, qui ne sont pas forcément connus avec précision à ce point du processus.
En revanche, le Gouvernement est tout à fait ouvert à ce que la convention soit obligatoirement conclue avec la notification de l'arrêté de réquisition.
Sur la base de cette indication, nous devrions pouvoir nous rejoindre. En tout cas, c'est le sens qu'il faut donner au sous-amendement présenté par le Gouvernement, sous-amendement dont l'adoption conditionne l'approbation du Gouvernement à l'amendement n° 127.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois sur le sous-amendement n° 504 ?
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je m'attendais bien au dialogue que nous venons d'avoir avec M. le secrétaire d'Etat. Je veux simplement lui faire remarquer qu'il ne semble pas au juriste un peu forcé que je suis devenu en tant que membre de la commission des lois de très bonne pratique législative que d'adopter un amendement sur le vu d'un exposé des motifs aux termes duquel : « En effet, même si l'attributaire est "certainement" choisi... » C'est là une certitude hypothétique !
Cela étant sur le fond, je crois que nous sommes d'accord, monsieur le secrétaire d'Etat. Il n'empêche que, sur la forme, vous avez peut-être raison de dire que l'on ne peut pas avoir conclu la convention avant la notification de l'intention de réquisitionner. Mais, en sens inverse, on ne peut pas non plus sous-informer celui que l'on va priver de son droit de propriété peut-être pour douze ans !
Dès lors, que la formulation de la commission des lois ne soit pas la meilleure, c'est possible. Mais que la vôtre ne soit pas bonne, monsieur le secrétaire d'Etat, j'en suis certain ! (Sourires.) En effet, vous, vous ne parlez de la convention qu'après, au moment où l'on va réquisitionner.
Peut-être pourrait-on trouver, à terme, un texte selon lequel la notification de l'intention de réquisitionner doit comporter le nom de l'attributaire pressenti et la nature globale des travaux envisagés, mais, au point où nous en sommes - à moins de faire un travail de commission en séance publique, ce qui ne me semble pas bon - je préférerais que le Sénat adopte l'amendement n° 127 de la commission des lois en écartant, je vous prie de m'en excuser, monsieur le secrétaire d'Etat, votre sous-amendement n° 504, qui vide de toute valeur l'amendement de la commission. Ensuite, au cours de la navette, nous trouverons bien une rédaction concrétisant cette idée sur laquelle, me semble-t-il, nous sommes d'accord.
Il faut que le titulaire du droit d'usage sache dès la notification de l'intention quel sera l'attributaire et quelle sera la nature des travaux que l'on envisage. S'il s'agit de transformer des bureaux en appartements, opération extraordinairement lourde et dont les conséquences financières vont se retrouver tout au long de la réquisition, cette sorte d'expropriation à durée déterminée mérite tout de même une information complète !
La commission des lois est donc défavorable au sous-amendement n° 504, tout en sachant que son amendement n° 127 n'est pas parfait.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 504, repoussé par la commission des lois.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 127, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 642-3 du code de la construction et de l'habitation.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 642-4 DU CODE DE LA CONSTRUCTION
ET DE L'HABITATION