Séance du 11 juin 1998







M. le président. « Art. 25. - I. - L'article 1414 du code général des impôts est complété par un V ainsi rédigé :
« V. - Sont également dégrevés, à compter du 1er janvier 1998, les gestionnaires de foyers de jeunes travailleurs, de foyers de travailleurs migrants et des logements-foyers dénommés résidences sociales, pour les logements situés dans ces foyers, et les organismes ne se livrant pas à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif, lorsqu'ils sont agréés dans les conditions prévues à l'article 92 L par le préfet, pour les logements qu'ils sous-louent aux personnes défavorisées mentionnées à l'article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement. »
« II. - Supprimé .
« III. - Les taux applicables aux deux dernières tranches de l'impôt sur le revenu des personnes physiques sont relevés à due concurrence. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 496, le Gouvernement propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Le II de l'article 1408 du code du général des impôts est complété in fine par deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Les gestionnaires de foyers de jeunes travailleurs, de foyers de travailleurs migrants et des logements-foyers dénommés résidences sociales, à raison des logements situés dans ces foyers ;
« ...° Les organismes ne se livrant pas à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif, lorsqu'ils sont agréés dans les conditions prévues à l'article 92 L par le préfet ou lorsqu'ils ont conclu une convention avec l'Etat conformément à l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale, à raison des logements qu'ils louent en vue de leur sous-location ou de leur attribution à titre temporaire aux personnes défavorisées mentionnées à l'article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement. »
« II. - Les dispositions du I s'appliquent à compter du 1er janvier 1998.
« III. - Les obligations déclaratives à la charge des personnes ou organismes entrant dans le champ d'application du I sont fixées par décret. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 518, présenté par M. Oudin et tendant :
I. - Avant le premier alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 496 pour modifier l'article 1408 du code général des impôts, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sont dégrevés d'office : ».
II. - En conséquence, dans le premier alinéa du I de l'amendement n° 496, à remplacer la référence : « 1408 » par la référence « 1414 ».
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus, à compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 496 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la transformation en dégrèvement de l'exonération de taxe d'habitation sont compensées par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 236, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose de supprimer le III de l'article 25.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 496.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Par cet amendement, le Gouvernement propose à la Haute Assemblée de rétablir l'article relatif à l'exonération de taxe d'habitation dans la rédaction initiale du projet de loi, tout en y ajoutant la mention des associations visées à l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale. De ce fait, si cet amendement est adopté, il sera possible de supprimer l'article 25 bis et d'homogénéiser le dispositif exonératoire de taxe d'habitation.
En outre, il est nécessaire de prévoir des obligations déclaratives spécifiques afin que le dispositif exonératoire soit gérable.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre le sous-amendement n° 518.
M. Jacques Oudin. Le texte de l'amendement n° 496 s'inscrit tout à fait dans la logique de la réflexion de la commission des finances - je peux dire cela même si ce n'est pas, formellement, en son nom que je m'exprime en cet instant - mais il a une conséquence que le Sénat ne saurait accepter.
Il est, en effet, cohérent de regouper les deux allégements de taxe d'habitation prévus par les articles 25 et 25 bis, qui ont la même finalité. La commission des finances a d'ailleurs déposé des amendements visant à harmoniser les deux systèmes.
En revanche, le Gouvernement reprend ces deux allégements sous la forme d'une exonération, entraînant donc, pour les collectivités locales, des pertes de recettes qui ne seraient pas compensées, alors que l'article 25, tel qu'il a été modifié à l'Assemblée nationale du fait de l'adoption d'un amendement de M. Brard, prévoit une compensation.
La commission des finances, qui a une doctrine constante en la matière, m'a demandé d'éviter les pertes de recettes pour les collectivités locales. La commission des finances n'ayant pu se réunir pour adopter ce sous-amendement, je l'ai donc néanmoins déposé à titre personnel.
Je demande par conséquent au Sénat de l'adopter afin que les pertes de recettes résultant, pour les collectivités locales, de ces allégements de taxe d'habitation soient compensées par l'Etat. C'est la raison pour laquelle je fais référence, non à l'article 1408 du code général des impôts, qui concerne les exonérations sans compensation, mais à l'article 414, qui concerne, lui, les dégrèvements avec compensation.
M. le président. Monsieur Oudin, je vous donne de nouveau la parole, mais, pour vous exprimer cette fois-ci en tant que rapporteur pour avis, et pour défendre l'amendement n° 236.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Compte tenu des explications que je viens de donner, il va de soi que si le sous-amendement n° 518, puis l'amendement n° 496 sont adoptés, l'amendement n° 236 n'aura plus d'objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 518 et sur l'amendement n° 236 ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Sur cet article, le Gouvernement a adopté une logique d'exonération et non pas une logique de dégrèvement. Il prend acte de la convergence entre la position exprimée par M. Oudin et la position arrêtée à l'Assemblée nationale. En dépit de cette convergence, le Gouvernement, que je représente ici, n'a pas la possibilité d'accepter le sous-amendement n° 518.
L'amendement n° 236 aboutissant au même résultat, le Gouvernement ne peut qu'exprimer un avis identique à son endroit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 496 et 236 ainsi que sur le sous-amendement n° 518 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales est favorable au regroupement des deux allégements de taxe d'habitation prévus aux articles 25 et 25 bis. Elle rejoint toutefois l'analyse de la commission des finances, qui conteste l'intérêt de cette mesure si la perte de recettes n'est pas compensée. C'est pourquoi la commission des affaires sociales émet un avis favorable sur l'amendement n° 496, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 518.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 518.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je crois que nous devons avoir une vision parfaitement claire de ce sur quoi nous allons voter.
Quelle est la situation actuelle ?

En ce qui concerne les personnes en grande difficulté, l'administration procède par la voie de la remise gracieuse. Tout le monde sait que l'on ne peut pas faire donner du jus à un citron qui n'en a plus, et les services de l'assiette et du recouvrement ont pour instruction permanente d'examiner tous les cas avec beaucoup d'attention et de bienveillance, de manière à prononcer les remises gracieuses qui s'imposent.
Or, ce qui nous est proposé, c'est de substituer au système actuel de remise gracieuse, qui oblige le contribuable, puisqu'il reçoit un avis d'imposition, à effectuer une démarche en vue d'obtenir cette remise gracieuse, un système où les choses se feront automatiquement.
La question n'est donc pas de savoir si les intéressés doivent ou non payer : tout le monde est à peu près d'accord pour considérer qu'il faut un système automatique afin que, désormais, précisément, ils ne paient plus, compte tenu de leur impécuniosité et de leurs difficultés.
La question est de savoir s'ils seront exonérés ou dégrevés.
Vous allez me dire que c'est affaire de mots. Mais pas du tout ! Le dégrèvement est pris en charge par l'Etat, tandis que l'exonération ne donne lieu à aucune compensation aux collectivités locales.
L'amendement n° 496 regroupe deux articles en un seul. Sur la forme, c'est certainement préférable : on ne peut que s'associer à la volonté du Gouvernement de simplifier le texte. Mais, au passage, le Gouvernement transforme le dégrèvement en exonération et permet ainsi à l'Etat de réaliser une économie.
En effet, en transformant en exonération, qui ne donne pas lieu à compensation, quelque chose qui est aujourd'hui pris en charge par l'Etat par le biais des remises gracieuses, il y a bien passage d'une charge actuellement couverte par les frais d'assiette, de recouvrement et de non-valeur, qui sont perçus par l'Etat en sus des impôts locaux, à une charge qui sera désormais supportée par les collectivités locales.
Par conséquent, la commission des finances est d'accord avec le système du Gouvernement qui tend à tout regrouper sous un seul article - mais elle souhaite remplacer l'exonération par un dégrèvement, de façon que si l'on accorde une remise gracieuse - c'est le système d'aujourd'hui - ou un dégrèvement automatique - ce sera le système de demain - les collectivités locales ne subissent aucune perte.
Ne pas voter le sous-amendement n° 518, c'est faire assumer par les collectivités locales une charge qui aujourd'hui, incombe à l'Etat par le biais des remises gracieuses.
C'est la raison pour laquelle, personnellement, je voterai le sous-amendement n° 518 et l'amendement n° 496.
M. Alain Vasselle. Belle démonstration !
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Au nom du groupe communiste républicain et citoyen, je tiens à dire, après avoir entendu l'analyse de M. Charasse...
M. Alain Vasselle. Analyse pertinente !
M. Guy Fischer. ... sur le sous-amendement n° 518 et sur l'amendement n° 496, qu'il nous semble important, compte tenu de la réalité des finances des collectivités locales et des charges qui s'imposent à elles, que ce problème soit très sérieusement pris en considération.
D'une manière ironique, je m'interrogeais sur l'origine de cette solution, imaginant que des contraintes européennes avaient peut-être guidé le Gouvernement dans le sens d'une exonération sans compensation, à moins que, finalement - et M. Charasse serait certainement orfèvre en la matière - les sages de Bercy n'aient soufflé quelques solutions pour que nous en arrivions à la présente proposition.
Pour notre part, nous sommes favorables à ce sous-amendement n° 518. Bien entendu, nous en reparlerons par la suite, mais nous souhaitions aborder cette question. Malheureusement, une certaine réalité s'impose à nous !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Après avoir écouté la démonstration de M. Charasse, je souhaite appeler son attention sur quelques éléments.
L'amendement n° 496 vise, en effet, à regrouper l'article 25 et l'article 25 bis introduit par l'Assemblée nationale.
Toutefois, l'Assemblée nationale a par ailleurs amendé l'article 25, en substituant le dégrèvement à l'exonération, alors que l'article 25 bis prévoit une exonération. L'amendement n° 496 tend donc aussi à l'harmonisation de ce dispositif.
Pour le reste, si les foyers de jeunes travailleurs, les foyers de migrants, les résidences sociales n'accueillaient que des personnes qui se trouvent en situation de non-capacité de paiement de la taxe d'habitation, il serait exact de dire que la prise en charge par l'admission en non-valeur aboutit à la neutralité. Mais, fort heureusement, même si la population de ces diverses structures d'accueil s'est beaucoup paupérisée, une fraction des contribuables en cause continue d'honorer la taxe d'habitation. Il y a donc bien une dépense à la clé !
Je souhaitais attirer l'attention de la Haute Assemblée sur ce point, afin qu'elle prenne sa décision en toute connaissance de cause.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 518, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 95:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 317

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 496, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 25 est ainsi rédigé et l'amendement n° 236 n'a plus d'objet.

Article 25 bis