Séance du 2 juin 1998






POLICES MUNICIPALES

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 414, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux polices municipales. [Rapport n° 455 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n'est pas la première fois que votre assemblée est appelée à débattre des polices municipales.
Un projet de loi modifiant le code des communes et le code de procédure pénale et relatif aux agents de police municipale a été déposé sur le bureau du Sénat, le 2 décembre 1987, par MM. Chalandon, Pasqua et Pandraud, au nom du Gouvernement de M. Chirac. Ce texte a été voté par votre assemblée le 20 décembre 1987, après déclaration d'urgence, mais la navette a été interrompue par l'élection présidentielle de 1988.
D'autres projets de loi ont suivi : celui qui a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 13 janvier 1993, par M. Paul Quilès, au nom du Gouvernement de Pierre Bérégovoy, mais qui n'a pas eu le temps d'être examiné avant les élections législatives de mars 1993 ; puis celui qui a été déposé le 15 mars 1995 par M. Pasqua, au nom du gouvernement de M. Balladur ; il a été repris ensuite par M. Jean-Louis Debré, mais il n'a pas eu non plus le temps d'être examiné avant les élections législatives anticipées des mois de mai et juin 1997.
Aucun de ces textes n'a donc été voté.
Il n'en ira pas de même, j'en suis persuadé, du présent texte, voté par l'Assemblée nationale le 30 avril dernier, par lequel nous nous efforçons de reprendre le meilleur des projets précédents, en répondant au problème tel qu'il se pose aujourd'hui.
En le soumettant à la représentation nationale, le Gouvernement ne fait que respecter les engagements qui ont été pris lors du colloque de Villepinte, les 24 et 25 octobre derniers, par le Premier ministre.
Pour répondre à l'insécurité ressentie par beaucoup de nos concitoyens, c'est à la sécurité de proximité qu'il convient de donner la priorité. C'est à cela que répond le recrutement de 20 000 adjoints de sécurité, la signature de 26 contrats locaux de sécurité et l'élaboration de 515 autres contrats, la redéfinition des zones de compétences respectives de la police nationale et de la gendarmerie nationale, ainsi que d'autres mesures sur lesquelles je n'épiloguerai pas.
Le projet de loi relatif aux polices municipales s'inscrit dans cette politique.
Les polices municipales existent et elles se sont sensiblement développées depuis un certain nombre d'années, en dépit du caractère embryonnaire de leur statut. Le besoin de légiférer n'est donc pas contestable. Toutes les formations politiques en ressentent la nécessité. En attestent les sept propositions de loi qui ont été déposées, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, en un peu plus de dix ans, en plus des projets de loi que je rappelais tout à l'heure.
A la nécessité de légiférer, je vois au moins deux raisons qui se conjuguent : d'une part, le développement constant des polices municipales et, d'autre part, l'imprécision du droit.
L'expansion continue du nombre de communes dotées d'une police municipale et du nombre des agents eux-mêmes est une réalité.
En 1984, un peu moins de 1 800 communes disposaient d'une police municipale, comptant au total 5 600 agents. Dix ans plus tard, en 1993, elles étaient 2 850, soit 1 000 de plus, et comptaient 11 000 agents, soit 5 000 de plus.
Selon le dernier recensement auquel j'ai fait procéder, 3 030 communes sont aujourd'hui dotées d'une police municipale ; les agents de police municipale sont au nombre de 13 098.
L'augmentation est forte, même si elle semble s'infléchir quelque peu depuis ces dernières années et même si, rapportées au total, 8 % seulement des communes de France disposent d'agents de police municipale.
L'existence de polices municipales n'est pas fonction de la taille des communes : de très petites communes ont créé de tels emplois. Toutes les grandes villes de France, en revanche, n'en disposent pas.
Contrairement à ce qu'on veut bien dire ici ou là, la cartographie des polices municipales n'est pas non plus liée à la cartographie de la criminalité, tant il est vrai que la délinquance n'est pas le seul facteur de leur création. Mieux, en l'état du dossier, on ne peut affirmer que le développement d'une police municipale s'accompagne d'une diminution de la criminalité. C'est plus simplement la demande croissante de sécurité par nos concitoyens que traduit le développement des polices municipales.
Cette toile de fond étant brossée, quel est aujourd'hui le cadre juridique ? Il est marqué par l'imprécision, qui conduit à l'ambiguïté des compétences des agents de police municipale. C'est vrai tant pour la police administrative que pour la police judiciaire.
Tout naturellement, les agents de police municipale participent à la mise en oeuvre de la police administrative, dont le maire a la responsabilité première.
Ils sont, selon le code général des collectivités territoriales, « chargés d'assurer l'exécution des arrêtés de police du maire ». A ce titre, leur champ d'action est presque illimité. Mais leurs moyens sont extrêmement réduits.
Au plan de la police judiciaire, ils sont agents de police judiciaire adjoints, comme cela est mentionné au 2° de l'article 21 du code de procédure pénale. Toutefois, ils ne peuvent pas verbaliser, sauf en matière de stationnement gênant sur la voie publique. Leurs relations avec l'autorité judiciaire qu'est le procureur de la République sont très indirectes.
Pour le reste, l'identification physique des agents n'est guère aisée, tant les uniformes sont souvent proches de ceux de la police nationale. Les conditions d'armement résultent de textes complexes, sujets à des interprétations divergentes.
Il est donc indispensable de sortir de cette imprécision, non pas pour l'amour du droit, mais pour éviter les ambiguïtés et les risques de confusion.
Avant d'en venir au texte, je formulerai une remarque liminaire. Ce projet de loi est tout à fait conforme aux principes de la décentralisation définis par le gouvernement de Pierre Mauroy en 1982. Il ne remet pas en cause la libre administration des collectivités locales : il appartient aux communes de décider ou non la création de polices municipales. Il n'affecte nullement les pouvoirs de police du maire. Il clarifie, en revanche, dans un objectif de « coproduction de sécurité », comme on dit aujourd'hui, les rôles respectifs des forces de l'ordre et des polices municipales.
Je préciserai maintenant les grands axes de ce projet de loi, qui sont au nombre de six : la clarté des attributions, la complémentarité des missions, l'adaptation aux fonctions, l'efficacité des interventions, la transparence des services et la valorisation du statut.
Je les examinerai successivement.
Il s'agit, d'abord, de sortir de l'ambiguïté dans laquelle évoluent actuellement les polices municipales, pour leur donner un statut clair et sans équivoque, en ce qui concerne tant les missions que les moyens matériels dont elles disposent.
Le projet de loi répond à une première nécessité évidente : clarifier les attributions des agents de police municipale. Tel est l'objet de l'article 1er du texte.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Certaines polices municipales se contentent d'assurer les sorties d'écoles ; d'autres contrôlent le stationnement ; d'autres encore, me dit-on, procèdent, à une échelle assez large, à des interpellations.
En droit, les pouvoirs des agents de police municipale se résument pourtant à deux propositions.
D'une part, ils sont chargés de l'exécution des arrêtés de police du maire ; il s'agit plus d'une pétition de principe, importante certes, que d'une règle efficiente.
D'autre part, en matière de police judiciaire, ils n'ont le droit de verbaliser que le stationnement gênant, le défaut d'affichage du certificat d'assurance des véhicules ainsi que la circulation et le stationnement dans les cours de gare ! Ils peuvent aussi verbaliser les contraventions à quelques lois spéciales, comme les bruits de voisinage, la publicité et les enseignes. C'est peu, et c'est moins, d'ailleurs, que les gardes champêtres.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le projet de loi étend donc substantiellement les pouvoirs de police judiciaire des agents de police municipale.
Ils pourront ainsi verbaliser les contraventions aux arrêtés de police du maire, ce qu'ils n'ont pas le droit de faire aujourd'hui, comme vous le savez.
Ils pourront également verbaliser certaines contraventions aux dispositions du code de la route, qui seront précisées par décret. Concrètement, c'est la circulation routière qui est visée. J'ai indiqué à votre commission des lois, qui en fait état dans son rapport, les principales orientations retenues par le Gouvernement dans la rédaction de ce décret.
L'extension du pouvoir de verbalisation des agents de police municipale en matière de circulation routière me semble devoir s'inspirer de trois idées simples.
Tout d'abord, les agents de police municipale doivent pouvoir verbaliser les infractions qui mettent en cause la sécurité routière appréciée essentiellement à l'échelon communal. Cela exclut, par exemple, les voies à grande circulation ou les autoroutes.
Ensuite, certaines infractions doivent être laissées à la police et la gendarmerie nationales, soit parce qu'elles touchent au domaine délictuel, soit parce qu'elles entraînent la mise en oeuvre de procédures administratives ou pénales connexes particulièrement lourdes et techniquement complexes.
Enfin, il doit être clair qu'une sanction ne peut varier selon la qualité de l'agent verbalisateur, sauf à porter atteinte au principe de l'égalité devant la loi. L'infraction qui pourra être verbalisée par un agent de police municipale devra donc entraîner toutes les conséquences de droit qui y sont attachées, soit au bénéfice du contrevenant - par exemple, le paiement de l'amende forfaitaire minorée - soit à son détriment - par exemple, la suspension de permis de conduire ou le retrait d'un certain nombre de points.
C'est à la lumière de ces principes que sera élaboré le décret annoncé par l'article 1er.
Il convient également de sortir de l'extrême confusion qui caractérise ce que l'on appelle les équipements.
Vous le savez comme moi, il est parfois difficile, même à un oeil exercé, de distinguer la tenue de certaines polices municipales des uniformes de la police nationale.
Je sais qu'il s'agit là d'une question sensible, que je ne sous-estime pas. Mais j'ai déjà dit qu'il existe dans le bleu, qui sied en effet à l'autorité, de multiples nuances, dans lesquelles chacun, avec un peu de raison, doit pouvoir trouver son compte.
Il faut que l'identification du représentant de l'autorité soit, dans toutes les communes, immédiate et sans ambiguïté.
Il faut également, et cela participe de la même idée, que les tenues, les types d'équipement et leurs signes extérieurs - je pense en particulier à la sérigraphie des véhicules - soient les mêmes dans toutes les communes de France.
Il faut, enfin, que les agents des polices municipales soient dotés d'une carte professionnelle identique sur l'ensemble du territoire et portée en permanence pendant le service.
Nos concitoyens doivent savoir ce qu'ils peuvent attendre du représentant de l'autorité, et ce que celui-ci peut exiger d'eux. C'est cela aussi l'Etat de droit.
Si les caractéristiques des équipements des agents de police municipale sont fixées au niveau national, la sagesse commande qu'une consultation des utilisateurs et des maires soit faite avant les choix, voire qu'un débat s'instaure. C'est la raison pour laquelle il a été prévu que le décret portant application de l'article 8 interviendrait après avis de la commission consultative créée par l'article 3 du présent projet de loi.
Cette commission associera de manière égale des représentants de l'Etat, des représentants des maires et des représentants des agents de police municipale, comme l'Association des maires de France me l'avait demandé.
Le Gouvernement a eu une position ouverte sur ce sujet, lors du débat à l'Assemblée nationale, tout en étant soucieux de ne pas porter atteinte aux compétences du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, et à l'unité de cette fonction publique, qui doit être protégée contre les risques de balkanisation.
Il me paraît surtout important que la commission soit un lieu de concertation entre les représentants de l'Etat, les maires et les représentants des agents de police municipale. Le mode de désignation des uns et des autres peut être l'objet de précisions. Nous y reviendrons à l'occasion de l'examen des amendements. Néanmoins, s'agissant d'un organisme dont les avis peuvent avoir des conséquences directes sur les modalités de fonctionnement des polices municipales, il me paraît naturel, en fin de compte, qu'elle soit présidée par un maire. Je suis persuadé que votre rapporteur n'y verra que des avantages. (M. le rapporteur fait un signe d'assentiment.)
Le deuxième axe du projet de loi est des plus importants. Il s'agit de l'indispensable complémentarité des missions exercées par les polices municipales et de celles incombant aux forces de l'ordre qui sont sous la responsabilité de l'Etat, tant en matière de police administrative qu'en matière de police judiciaire.
Cette idée - la complémentarité - est si importante qu'elle se trouve, de manière récurrente, dans la plupart des articles, mais surtout, bien sûr, dans l'article 2, relatif au règlement de coordination.
Il est indispensable que les forces de police et de gendarmerie, d'une part, et les polices municipales, d'autre part, lorsqu'elles interviennent sur un même territoire, puissent se reconnaître et s'identifier. Il faut que, dans le strict respect des compétences, l'on sache qui fait quoi et à quel endroit, en matière de sécurité.
En quoi consiste le règlement de coordination prévu à l'article 2 ? Il ne s'agit pas, bien sûr, d'opérer un partage du territoire communal, de réserver aux uns ou aux autres la possibilité exclusive d'intervenir dans tel ou tel secteur. Le territoire communal ne se partage pas, pas plus que ne se partage la compétence des forces de sécurité de l'Etat.
Il convient, en revanche, dans le seul souci de l'efficacité et de la sécurité publique, que soient formalisés les rapports des uns avec les autres, organisées d'éventuelles patrouilles mixtes - dont l'utilité devra être appréciée sur le plan local - et définis les moyens de communication.
C'est une nécessité absolue, surtout, et j'y reviendrai dans quelques instants, compte tenu des modalités selon lesquelles les agents de police municipale pourront procéder à des relevés d'identité.
Bien entendu, la mise en forme de cette indispensable complémentarité ne se justifie que dans les communes dont l'effectif de police municipale permet une véritable organisation structurée.
Il m'a semblé que l'on pouvait raisonnablement fixer à cinq le nombre d'agents à partir duquel cette organisation est possible. Toutefois, j'ai admis que l'on puisse avoir une appréciation différente sur ce seuil et j'ai accepté que celui-ci, comme le souhaitait l'Assemblée nationale, soit ramené à trois. En outre, même à titre facultatif, un tel règlement est toujours possible dans les autres communes.
Il me paraît normal, en revanche, qu'à défaut d'accord le préfet puisse fixer seul, mais toujours après avis du procureur de la République, le contenu du règlement de coordination. C'est, j'en suis persuadé, presque une hypothèse d'école. Je suis convaincu que le bon sens conduira dans l'immense majorité des cas à trouver un terrain d'entente sur la coordination des forces ; et je donnerai toutes les instructions nécessaires pour y parvenir.
Toutefois, si tel n'était pas le cas, il en irait à la fois de l'efficacité de l'action publique en matière de sécurité et de la sécurité même des services de police, nationale et municipale. Serait-il concevable, par exemple, que le responsable de la police municipale ignore la présence, à tel endroit, d'une brigade anticriminalité, ou que des agents des deux corps procèdent, au même endroit et à la même heure, à des contrôles de circulation ? Evidemment, non !
En ce qui concerne le travail de nuit, sur la durée de laquelle je suis prêt à débattre avec vous - l'esprit ouvert, comme toujours - j'indique d'abord qu'il ne sera en rien interdit aux agents des polices municipales dont l'effectif est inférieur au seuil prévu pour l'obligation d'édicter un règlement de coordination.
Il est bien clair que le lien entre le règlement de coordination et le travail de nuit ne vise que les communes soumises à l'obligation légale d'établir un tel règlement de coordination, c'est-à-dire les communes dont l'effectif d'agents de police municipale excède le seuil qui sera fixé par la loi.
Il doit être clair également que l'existence d'un règlement de coordination n'est gouvernée que par un souci de bon sens, celui d'éviter la mise en danger de la sécurité des agents, des polices municipales comme de l'Etat, à l'occasion d'une intervention.
Il pourrait être débattu de la nature du document instaurant cette coordination : réglementaire, ainsi que l'a décidé l'Assemblée nationale, en accord avec le Gouvernement, ou conventionnel, comme semble le souhaiter la commission des lois du Sénat.
Nous sommes, je crois, assez fondamentalement d'accord sur la nécessité d'un tel document et sur la démarche partenariale qui doit en accompagner l'élaboration. Je souhaiterais réduire la portée de la divergence qui semble exister entre nous et vous convaincre du bien-fondé de la nature réglementaire du document, en recourant à un argument finaliste, bien que ce ne soit pas dans mon tempérament.
Si la coordination est nécessaire, pour des raisons indiscutables de sécurité et de rationalisation, l'absence d'un tel document affaiblirait le dispositif, voire le rendrait inapplicable. C'est donc bien un règlement, dont le préfet et le maire sont coauteurs, qui est nécessaire. Le choix d'une convention ou d'un protocole, qui postule un accord de volonté, pourrait aboutir à un résultat préjudiciable à la fois à la police municipale et à l'Etat. Je ne le souhaite pas.
C'est la raison pour laquelle je préfère, au contraire, que ce soit un règlement conjoint qui règle ce problème, en assurant la stabilité des prescriptions qui y figureront.
Vous aurez noté que l'esprit partenarial auquel je suis attaché demeure. Même en cas d'absence d'accord, le préfet n'a pas l'obligation d'édicter immédiatement le règlement de coordination. C'est une possibilité, non une obligation, et le préfet s'attachera en priorité à trouver un accord avec le maire concerné.
La coordination trouve aussi sa traduction dans les missions de police judiciaire.
Aujourd'hui, les rapports de l'agent de police municipale avec le parquet sont très lointains, et même indirects. L'agent de police municipale ne verbalise, pratiquement, que par le biais du carnet à souches, dont les avis de contravention ne sont pas destinés au procureur de la République.
En vertu de l'article D. 15 du code de procédure pénale, il transmet ses rapports à son chef hiérarchique, le maire ou le secrétaire général.
L'article 12 procède à une véritable professionnalisation de l'agent de police judiciaire adjoint qu'est l'agent de police municipale.
Sans, bien entendu, affecter en rien le pouvoir hiérarchique du maire, à qui il sera toujours rendu compte par les agents de police municipale des crimes, délits ou contraventions dont ils auraient connaissance, les agents de police municipale rendront également compte à l'OPJ - officier de police judiciaire - de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, territorialement compétent. Donc, il y aura une double transmission.
Leurs rapports et procès-verbaux seront transmis sans délai au procureur de la République, par l'intermédiaire de cet OPJ.
L'intention du Gouvernement est de renforcer la professionnalisation, et donc l'autorité, des agents de police municipale, en permettant à ceux-ci de prendre toute leur place dans la structure de police judiciaire.
L'article 12 conforte ainsi le rapport direct avec le parquet, puisque ces agents seront placés, en ce qui concerne la transmission de leurs procédures, sur un pied d'égalité avec les agents de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale.
Pour autant, il n'est pas question, je le répète, que le maire soit dépourvu de l'information qui lui est nécessaire, en qualité de premier magistrat municipal. C'est pourquoi il sera informé simultanément des procédures transmises par les agents placés sous son autorité.
L'Assemblée nationale a renforcé cette garantie, et je lui ai donné mon accord à cet égard.
Le troisième objectif du projet de loi est d'assurer l'adaptation des moyens des agents de police municipale aux missions qui leur sont confiées. C'est un objectif important, et qui n'a pas été toujours parfaitement compris par certains commentateurs du projet de loi, notamment en ce qui concerne l'armement. On a vu naître quelques polémiques qui m'ont toujours paru injustifiées et excessives. Je voudrais définitivement les « désarmer », si je puis dire, bien que, après le débat à l'Assemblée nationale, il ne subsiste guère de doute sur les intentions réelles du Gouvernement.
Aujourd'hui, 37 % environ des policiers municipaux sont porteurs d'une arme. Les agents armés sont au nombre de 4 946. Cela signifie que, dans la majorité des cas, les élus locaux eux-mêmes n'ont pas jugé utile à l'exercice de leurs attributions de les doter d'une arme. M. Dreyfus-Schmidt le sait bien : à Belfort, les agents de la police municipale n'ont pas d'arme, en tout cas pas d'arme à feu. (M. Dreyfus-Schmidt fait un signe d'assentiment.) Cette approche réaliste se retrouve, avec le souci de sécurité juridique qui est celui du Gouvernement, dans le projet de loi. Je vais, si vous le voulez bien, préciser les règles applicables en ce domaine.
L'idée principale est qu'il n'est pas nécessaire de porter une arme pour assurer l'essentiel des tâches confiées aux agents de police municipale. En revanche, des circonstances particulières et l'accomplissement de certaines missions confiées par le maire peuvent le justifier. C'est cette logique simple et concrète que traduit l'article 7 du projet de loi.
Le Gouvernement avait estimé que la détermination des catégories d'armes susceptibles d'être utilisées par les agents de police municipale pouvait être fixée par décret. L'Assemblée nationale a préféré que cette précision, non dépourvue de conséquences pratiques, soit apportée par la loi.
La commission des lois du Sénat est, me semble-t-il, plus proche de l'analyse du Gouvernement. Même si, comme vous le savez, une importante réflexion sur les armes est en cours, l'essentiel est que le principe d'adaptation s'impose et que, dans les cas où il y a nécessité de port d'arme, catégories et types d'armes soient clairement définis.
Si l'on admet que le port d'armes est dérogatoire en droit comme il l'est aujourd'hui dans les faits, encore convient-il de définir les types de missions et les circonstances justifiant l'armement des agents de police municipale.
C'est l'objet du décret d'application qui sera élaboré.
Sans entrer dans le détail de ce projet de loi, je peux d'ores et déjà vous indiquer que ce texte distinguera, d'une part, les missions et, d'autre part, les types d'armes que pourront porter les agents de police municipale. J'ai bien conscience que l'on n'est pas exposé aux mêmes risques, pour prendre les exemples les plus parlants, lorsque l'on est affecté à des tâches de surveillance nocturne, à la surveillance des écoles ou au relevé des infractions aux règles de stationnement. Cette différence de situation devra donc être prise en compte comme il convient.
Pour autant, le port d'armes sera soumis à autorisation préfectorale sur demande motivée du maire. Cette demande sera d'ailleurs l'occasion de préciser les fonctions des agents au bénéfice desquels le port d'armes est demandé. Le Gouvernement, qui n'est pas insensible à l'intérêt de lier l'autorisation préfectorale de port d'armes à une formation spécifique, a accepté le principe d'une telle formation. Ces dispositions seront appliquées fermement, mais sans tracasserie.
Pour des raisons pratiques que l'on comprendra aisément, l'autorisation du préfet ne peut intervenir qu'autant qu'un règlement de coordination existe. C'est une sécurité pour les agents de police municipale, pour les forces de police d'Etat et pour les maires. Il est dangereux, en effet, que des agents armés, exerçant des missions complémentaires, se trouvent sur le terrain en même temps dans l'ignorance de ce que font les autres. C'est un facteur de risque qu'il nous faut éviter.
Le projet de loi vise également à mieux définir les règles de détention proprement dite des armes.
Il doit être entendu que seule la commune est propriétaire des armes qu'elle met à disposition de ceux de ses agents pour lesquels le port d'armes sollicité a été obtenu.
Les agents de police municipale n'ont pas, ès qualités, vocation à détenir individuellement des armes, qu'ils utiliseraient dans le cadre de leur service.
La détention d'armes par la commune doit, quant à elle, être entourée de garanties. Le décret d'application déterminera donc les conditions dans lesquelles les armes seront acquises et conservées par les communes. Il prévoira notamment les mesures et les dispositifs de sécurité qui doivent accompagner cette détention.
L'adaptation n'est pas seulement une affaire de moyens matériels. Elle concerne aussi les hommes. Aussi ai-je attaché une attention particulière à la formation des agents de police municipale. Comme vous le savez, ceux-ci doivent recevoir une formation initiale dans le cadre statutaire qui est le leur. Mais il est apparu utile à l'exercice de leurs fonctions qu'une formation continue obligatoire leur soit dispensée en cours de carrière. C'est le sens de l'article 15 du projet de loi. Je souligne qu'il s'agit là d'une spécificité qui n'a pas de précédent dans la fonction publique territoriale et qui trouve sa justification dans la mission particulière confiée à ces agents : la sécurité de proximité.
Pour maintenir ou pour améliorer leur qualification professionnelle, les agents de police municipale bénéficieront donc d'une formation organisée par le Centre national de la fonction publique territoriale.
Pour assurer des prestations de qualité dans un domaine très spécifique, le centre pourra passer convention avec des administrations ou avec des établissements publics de l'Etat chargés de la formation des fonctionnaires de la police nationale et de la gendarmerie nationale.
Je reviens, s'agissant de la formation, sur une disposition importante du projet de loi initial ; ce dernier prévoyait en effet le versement d'une redevance par les communes concernées. Contre l'avis du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé cette redevance.
Est-il sain de faire supporter par 92 % des communes des dépenses afférentes à une action qui ne concerne que 8 % d'entre elles ?
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il vous appartient d'en juger, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je crois que l'on peut émettre sur ce sujet un avis réservé.
L'équité qui guide la réflexion du Gouvernement sur ce point invite à faire supporter la charge financière de la formation continue des agents de police municipale aux seules communes concernées, puisqu'il s'agit d'une faculté et non d'une obligation. J'ai constaté avec plaisir que M. le rapporteur, dont je salue le travail et qui sait de quoi il parle, a proposé par amendement, au nom de la commission des lois, de rétablir la redevance pour prestations de service.
J'en viens au quatrième point de mon intervention : l'adaptation aux missions que je viens d'évoquer et, en particulier, la formation des agents de police municipale seront un gage de la compétence de ces derniers.
Mais le projet de loi veut aussi garantir l'efficacité des polices municipales, notamment sur deux plans : l'engagement des procédures pénales, d'une part, la mise en commun des moyens et effectifs des polices municipales, d'autre part.
S'agissant de l'engagement des procédures pénales, j'ai évoqué tout à l'heure l'extension du pouvoir de verbalisation. Mais, pour pouvoir verbaliser, encore faut-il pouvoir s'assurer de l'identité du contrevenant. Là est le problème.
C'est pourquoi le projet de loi, dans son article 14, organise une procédure nouvelle, le relevé d'identité, procédure sur laquelle je voudrais m'attarder quelques instants.
Il s'agit, en quelque sorte, d'une procédure intermédiaire entre le recueil d'identité et le contrôle d'identité.
Le recueil d'identité vise à permettre aux agents de la SNCF ou de la RATP de demander son identité au contrevenant sans cependant pouvoir exiger de lui la présentation d'aucun document en justifiant. Ces agents doivent donc se contenter de la bonne foi du contrevenant, sauf à requérir l'assistance d'un agent ou d'un officier de police judiciaire.
Le contrôle d'identité n'a rien de commun. Il se situe à l'autre bout de l'échelle de Richter, si je puis dire. (Sourires.) Il consiste à inviter une personne, dans les cas mentionnés par l'article 78-2 du code de procédure pénale, à justifier par tous moyens de son identité. Une preuve - et non une simple affirmation - est exigée de l'intéressé. En pratique, un document d'identité doit être présenté par ce dernier.
Ce contrôle peut lui-même conduire à une vérification d'identité, la personne étant alors retenue sur place ou conduite dans un local de police pendant le temps nécessaire, ce temps ne pouvant excéder quatre heures.
Quant au relevé d'identité prévu par l'article 14 du projet de loi, il s'agit d'une mesure intermédiaire, plus efficiente que le recueil et moins contraignante que le contrôle.
Cette procédure établit un équilibre entre l'exigence d'efficacité des polices municipales et les impératifs de la protection des droits et libertés des citoyens. Elle s'accompagne d'un temps de rétention incompressible, que la rédaction proposée réduit cependant au minimum.
Il est clair aussi que les agents de police municipale ne pourront user de moyens de contrainte disproportionnés, tels les menottes, sans commune mesure avec la gravité d'une infraction punie d'une simple peine contraventionnelle.
En tout état de cause, la durée de la rétention et la proportionnalité des moyens seront soumis, en tant que de besoin, au contrôle du juge, comme c'est le cas pour les agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale.
L'Assemblée nationale, dans le souci de contrôler cette rétention, a imaginé une procédure dite du « récépissé » : l'agent remettrait ainsi un récépissé au contrevenant refusant de justifier de son identité ou ne pouvant le faire. Cette idée, à mon sens, aboutit à mettre en oeuvre un système lourd et inutile. En effet, ce récépissé n'aurait d'intérêt que si la tentative de relevé d'identité était suivie d'une vérification d'identité par l'officier de police judiciaire, ce qui ne sera pas toujours le cas, bien évidemment.
Or les alinéas 6 à 9 de l'article 78-3 du code de procédure pénale prévoient la remise d'un procès-verbal à la personne qui a fait l'objet d'une telle vérification d'identité lorsque celle-ci n'est suivie d'aucun acte d'enquête ou d'exécution transmis à l'autorité judiciaire.
Ce procès-verbal précise notamment l'heure du début du contrôle d'identité. Rappelons que, si la vérification d'identité est suivie d'une garde à vue, celle-ci commencera dès le début de l'heure du contrôle d'identité.
Ce système sous-entend que, a priori , l'agent de police municipale, pourtant agent de police judiciaire adjoint et, en tant que tel, soumis au contrôle du procureur, est de peu de foi et qu'il trichera lorsqu'il rendra compte à l'officier de police judiciaire.
Enfin, ce système n'existe pas lorsqu'une personne est interpellée ou lorsque, au cours d'un contrôle d'identité, une personne refuse ou ne peut justifier de son identité et est alors présentée à l'officier de police judiciaire.
Bref, ce récépissé n'apporte à mon avis aucune garantie supplémentaire au citoyen dans la procédure du relevé d'identité, qu'il ne fait au contraire qu'alourdir.
Si je suis soucieux de l'efficacité des polices municipales dans le domaine de la police judiciaire, je le suis autant en matière de police administrative, et j'ai bien entendu les préoccupations d'un nombre non négligeable d'élus qui souhaitent pouvoir mettre en commun tout ou partie de leurs effectifs et moyens de police municipale. C'est la justification de l'article 5 du projet de loi.
Cette mise en commun ne pourra s'exercer qu'en matière de police administrative, compte tenu de la compétence territoriale des agents de police judiciaire adjoints. Concrètement, s'ils pourront participer à des missions de surveillance ou d'îlotage, ils ne pourront verbaliser, au nom de cette règle de compétence territoriale.
Seuls des événements à caractère exceptionnel - une manifestation sportive, un concert d'ampleur inhabituelle - pourront justifier une mise en commun.
J'avais pensé utile, initialement, de prendre aussi en compte les afflux importants de population liés à la saison touristique. L'Assemblée nationale a estimé que cette disposition risquait d'entraîner des difficultés de gestion pour les communes concernées. Je ne partage pas tout à fait cet avis, puisque, en tout état de cause, il ne s'agirait là que d'une faculté. Dans mon esprit, c'est bien l'afflux touristique qui était visé, et c'est ce que la commission des lois du Sénat me semble avoir compris.
J'en viens au cinquième point de mon propos.
Vous en conviendrez avec moi, le projet de loi qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, vise à renforcer considérablement les pouvoirs des agents de police municipale. Il fait aussi de la complémentarité sa pierre d'angle. Il est donc normal que l'Etat renforce son contrôle à la fois sur les agents, compte tenu de leurs responsabilités nouvelles, et sur les services, le tout dans un souci de transparence.
Deux dispositions du projet de loi traduisent ce souci, s'agissant des agents de police municipale : le double agrément, d'une part, le code de déontologie, d'autre part.
Les agents de police municipale sont actuellement agréés par le procureur de la République. Cela n'a pas toujours été le cas, puisque, avant la loi du 2 mars 1982, ils l'étaient par le préfet.
L'article 6 prévoit qu'ils seront désormais agréés à la fois par le procureur et par le préfet, après leur nomination par le maire. Cette solution figurait dans les projets antérieurs. Elle se justifie pleinement.
Le projet de loi consacre en effet le rôle des agents de police municipale en matière de police administrative, dans le domaine de la sécurité de proximité. Il est donc parfaitement légitime que le représentant de l'Etat, dont j'ai au surplus souligné le rôle dans l'élaboration du règlement de coordination, intervienne dans la procédure d'agrément et s'assure de l'honorabilité et de la moralité du candidat à la nomination. Il le fera parallèlement au procureur de la République, dont l'intervention doit être plus que jamais maintenue, compte tenu du renforcement sensible des compétences de police judiciaire des agents de police municipale.
Ce mécanisme n'a rien de révolutionnaire, puisqu'il est déjà prévu par la loi pour les agents de sûreté des ports et des aéroports.
Pour répondre à une interrogation plusieurs fois formulée, il est clair que le double agrément ne peut intervenir que postérieurement à la nomination de l'agent par le maire, car on voit mal comment pourrait être agréée comme agent de police municipal une personne n'ayant encore aucun lien avec la fonction publique. A cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission des lois semble vouloir rétablir, par amendement, un ordre logique dans la succession des actes relatifs à l'entrée en fonction, qui veut en effet que l'agrément succède à la nomination.
Pour lever une ambiguïté qui pouvait résulter du projet de loi, le Gouvernement vous proposera un amendement explicitant le fait que, naturellement, les agents aujourd'hui en fonctions, et qui ont déjà été agréés par le procureur de la République, n'auront pas à être agréés à nouveau par cette autorité judiciaire ; ils ne le seront donc que par le préfet.
Le Gouvernement a aussi estimé nécessaire de prendre en compte l'hypothèse du retrait d'agrément en cours de service. Aujourd'hui, les règles de la fonction publique territoriale enferment le maire dans l'alternative suivante : soit recourir au licenciement pour insuffisance professionnelle, en respectant la procédure disciplinaire, soit maintenir l'agent dans les effectifs budgétaires, sans pouvoir l'affecter à d'autres missions, puisqu'il n'a pas le droit de le détacher dans un autre cadre d'emploi dans sa commune. L'article 6 du projet de loi donne aux maires un outil de gestion supplémentaire et accroît leur marge de décision tout en favorisant le reclassement professionnel.
En effet, les maires pourront désormais, sans que cela soit obligatoire, reclasser tel ou tel agent dans un autre cadre d'emploi selon les modalités prévues en matière de reclassement pour inaptitude physique.
Enfin - c'est là une innovation - le projet de loi prévoit que les agents, une fois agréés dans les conditions que l'on vient de mentionner, seront assermentés.
Le code de déontologie dont le principe est fixé par l'article 9 est réclamé depuis de nombreuses années, et je ne puis que souscrire à ce souhait. Nous aurons l'occasion de reparler de la déontologie de tous les services, publics ou privés, en charge de missions de sécurité lors de l'examen du projet de loi portant création d'une instance supérieure de déontologie.
Pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, oui, il est indispensable que les agents de police municipale soient dotés d'un corps de règles déontologiques qu'ils doivent respecter, comme les agents de la police nationale doivent respecter le code de déontologie résultant du décret du 18 mars 1986.
Si la transparence s'impose, s'agissant des agents de police municipale, elle s'impose de la même façon s'agissant de l'organisation et des modalités de fonctionnement des services de police municipale. C'est pourquoi le projet de loi prévoit que ceux-ci pourront faire l'objet d'une vérification sur l'initiative soit du maire, soit du préfet, soit du procureur de la République. Le ministre de l'intérieur décidera ensuite de cette vérification, après avis de la commission consultative que j'ai évoquée tout à l'heure, et après en avoir arrêté les modalités en concertation avec le maire. La solution la meilleure et la plus expédiente consiste à avoir recours aux services d'inspection générale de l'Etat compétents en ce domaine.
La vérification pourra éventuellement conduire le maire à engager les réformes d'organisation nécessaires, voire à envisager des procédures individuelles, s'il les estime justifiées. De la même façon, la vérification pourrait conduire à la révision du règlement de coordination ou au réexamen, par les autorités de l'Etat, de tel ou tel agrément.
J'en viens au sixième point de cette intervention.
En même temps qu'il vise à accroître les pouvoirs des agents de police municipale, le projet de loi tend aussi à renforcer leurs responsabilités ; il consacre leur participation effective à la mission de sécurité générale. Il est donc normal que l'Etat prenne en compte cette responsabilité nouvelle et la traduise au plan statutaire.
J'ai déjà parlé d'un aspect fondamental du statut, à savoir la formation initiale et continue. Je n'y reviens pas.
L'article 16 du projet de loi s'inscrit clairement dans cette optique de reconnaissance statutaire. Il prévoit des règles dérogatoires en matière de réversion des pensions attribuées au profit des conjoints et des orphelins d'agents de police municipale tués au cours d'une opération de police.
Dans cette hypothèse, qui s'est déjà produite dans le passé - heureusement dans de très rares cas : trois ou quatre à ma connaissance - la pension est portée au taux de 100 %, c'est-à-dire qu'elle est équivalente à ce qu'aurait perçu le fonctionnaire territorial lui-même à l'âge de la retraite.
J'ajoute que ce relèvement s'accompagne d'une autre disposition favorable et dérogatoire - qui nécessitait pour cela le recours à la loi - consistant en la nomination de ces fonctionnaires tués en service au grade ou, à défaut, à l'échelon supérieur à celui qu'ils avaient atteint.
Au cours de la discussion à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté un amendement étendant ces dispositions à l'ensemble des agents de police municipale décédés en service et cités à l'ordre de la nation, et non seulement à ceux qui ont été tués en opération de police.
Le rôle et l'importance des agents de police municipale sont ainsi pleinement reconnus.
Je dirai un mot, enfin, de la question de l'accès à la catégorie B des fonctionnaires d'encadrement des polices municipales.
Il s'agit là d'une question qui ne relève que du domaine réglementaire, mais, ainsi que cela a été dit devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et comme je m'y suis solennellement engagé devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement est prêt à donner la possibilité aux communes qui le souhaiteraient de créer des emplois relevant de la catégorie B, dès lors que leurs besoins le justifient. Je précise à cet égard que, dans la police nationale, un commandant fait partie de la catégorie B.
C'est donc un décret qui créera un statut particulier, que je souhaite voir examiner prochainement par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
Pour le reste, je n'ignore pas qu'il y a d'autres revendications, de nature essentiellement indemnitaires.
Ces revendications portant sur des avantages financiers ne me paraissent justifiées ni par la spécificité des fonctions exercées par les agents de police municipale ni par aucune autre considération. Elles pèseraient d'ailleurs sur les budgets des collectivités territoriales - or je suis bien placé pour connaître les difficultés auxquelles elles sont confrontées - comme sur celui de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne les a pas retenues, ce qui ne doit pas occulter les réelles avancées statutaires inscrites ou induites par ce projet de loi.
En définitive, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est proposé est un ensemble équilibré : il accroît sensiblement les compétences et les pouvoirs des agents de police municipale, il consacre ainsi leur apport à la police de proximité, il garantit leur qualité par un encadrement législatif précis, il est respectueux des libertés individuelles, le tout en préservant rigoureusement la liberté des communes.
Il met également en évidence le monopole de la force publique détenu par l'Etat, mais il établit, dans la plus grande clarté, la complémentarité des services de police et de gendarmerie nationales et des polices municipales.
Ce projet de loi sert un objectif qui nous rassemble tous : la mise en oeuvre du droit de chaque citoyen à la sûreté, que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 classait déjà parmi les droits imprescriptibles de l'homme.
D'autres textes, qui ont déjà été déposés ou discutés par la représentation nationale ou qui le seront dans un avenir prochain, y contribuent aussi. Je pense notamment au projet de loi sur les animaux dangereux, au projet de loi sur la déontologie de la sécurité, au texte en cours de préparation sur les sociétés de surveillance et de gardiennage et les agents privés de recherches ; je pense aussi à la refonte globale de la réglementation des armes.
C'est à ce titre qu'au nom du Gouvernement je vous invite maintenant à débattre du présent projet de loi et à en approuver la démarche. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jacques Valade remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de remercier tout d'abord le président et les membres de la commission des lois de la qualité des travaux qui ont été menés au sein de cette dernière et de la richesse des débats qui s'y sont déroulés.
Monsieur le ministre, vous nous avez présenté ce projet de loi. Il importe maintenant, ainsi que vous l'avez souhaité, que nous analysions la problématique des polices municipales d'une façon dépassionnée, en évitant les clichés un peu simplificateurs.
Il est cependant possible de procéder à une lecture technique et, au-delà, à une lecture politique : au coeur du problème posé apparaît l'articulation entre l'Etat et les collectivités locales, entre les responsabilités des uns et des autres. Nous sentons bien, à cet égard, qu'il nous faut aujourd'hui réfléchir à un partenariat équilibré et efficace entre l'Etat et les collectivités territoriales, et non pas à un partenariat par défaut.
Il serait difficile, pour les collectivités locales, d'imaginer devoir remplir des fonctions en matière d'emploi, de sécurité, de justice, parce que l'Etat, soit par incapacité budgétaire, soit face à l'explosion des problèmes, serait dans l'impossibilité d'y faire face. Nous avons devant nous un vrai problème de société, il nous faut donc réfléchir aux meilleures réponses capables de garantir à la fois l'efficacité de l'action publique et le respect de l'éthique républicaine.
Aujourd'hui, le débat est ouvert entre, d'un côté, des solutions fédéralistes à l'allemande, avec des pouvoirs autonomes très forts accordés aux collectivités territoriales et une césure entre les élus nationaux et les élus locaux, et, d'un autre côté, une contractualisation, spécificité française dont l'objectif politique est clairement affiché mais dont les moyens sont éparpillés entre différents échelons afin d'obtenir une graduation des réponses, une plus grande efficacité par la proximité, tout en garantissant l'éthique républicaine.
Cela signifie qu'il faut que l'on sache bien qui fait quoi, qui est responsable de quoi, de quels moyens dispose chaque autorité et quelles garanties sont apportées aux citoyens et à la société. Ce partenariat ne peut en effet se concevoir que dans l'équilibre, dans la confiance, cette politique ne pouvant réussir que par le grand professionnalisme de celles et de ceux qui la mettent en oeuvre.
La nécessaire évolution des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales est au coeur de nos réflexions et de nos propositions concernant la sécurité, face à des perceptions ou à des attentes nouvelles de nos concitoyens et, à tout le moins, à une évolution de la société qui nous livre de nouveaux défis.
Vous évoquez souvent, monsieur le ministre, la fracture civique, émergence de deux sociétés qui s'affrontent sur le même territoire, fragilisant, en le remettant en cause, le pacte républicain ou la notion de « vivre ensemble ».
Si la peur du gendarme est le commencement de la sagesse, encore faut-il que chaque acteur cultive et distille les bienfaits de cette sagesse et, plus encore, que chacun soit convaincu de la nécessité de celle-ci.
Toute l'énergie que nous mettrons dans les dispositifs répressifs ne doit pas nous faire oublier que ces derniers représentent l'échec de l'éducation d'une société qui, ayant jeté ses repères aux orties, ne peut s'étonner d'être mise en péril. Il n'y a pas d'Etat sans citoyen, ni de citoyen sans Etat.
Bien évidemment, nous avons à réfléchir les uns et les autres, au travers de cette analyse relative aux polices municipales, à la symbolique des forces de proximité, porteuses de valeurs et du respect des règles républicaines. Mais il importe aussi que nous ne soyons pas comme ce héros hollandais en train de mettre le doigt dans la digue parce que celle-ci semble se fissurer, alors qu'une marée de problèmes est en train de nous envahir et de nous perturber.
Cette réflexion sur les polices municipales ne doit pas occulter le véritable débat sur la prévention, car rien ne sera possible si le vice est récompensé plus que la vertu, si la volonté des uns est anéantie ou neutralisée par le laxisme des autres.
Si la richesse de nos territoires est celle des hommes, la force de notre République est puisée dans leur force et leur fierté, les piliers de celle-ci sont façonnés par la responsabilité et la responsabilisation des acteurs.
A cet égard, les élus que nous avons rencontrés ainsi que les représentants de l'Etat que vous côtoyez, monsieur le ministre - c'était l'objet du colloque de Villepinte - peuvent tous témoigner des problèmes rencontrés.
Un ascenseur social en panne, une difficulté de lire l'avenir, une diminution de la responsabilisation parentale, une concurrence entre l'école de la rue et l'école républicaine font qu'aujourd'hui les moyens d'expression sont des moyens de violence ou d'agression et qu'il est essentiel de restaurer les repères d'autorité de l'Etat, sauf à se heurter à des problèmes quasiment insolubles. Cela pose l'articulation entre la justice, la police, la gendarmerie et les réponses locales.
A partir de cette analyse « sociétale » à caractère politique - quelle est la meilleure réponse et à quel niveau doit-elle être apportée - il convient de constater que la réalité des polices municipales est incontestable. La montée en puissance du phénomène est forte, puisque, de 1984 à 1998, le nombre des communes concernées est passé de 1 700 à 3 000, le Centre national de la fonction publique territoriale annonçant, de son côté, un flux annuel d'entrées de 800.
Les gouvernements successifs ont toujours hésité sur la solution à apporter, et il est vrai que le débat entre les maires a été centré sur le point de savoir si, l'Etat étant responsable de la sécurité, il devait étatiser les polices municipales. C'était l'objet, d'ailleurs, de l'article 88 de la loi du 7 janvier 1983. Mais chacun sait que, aujourd'hui, le réalisme budgétaire interdit d'imaginer une telle solution. Certains maires soutiennent toujours cette thèse, qui se justifie mais qui n'est malheureusement pas réaliste.
Sont ensuite intervenus les rapports Lalanne, Clauzel et Balkany, et vous avez même confié une mission à M. Genthial, dont le Parlement souhaiterait d'ailleurs connaître les conclusions. En outre, vous l'évoquiez vous-même, monsieur le ministre, le 20 décembre 1987, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi Pasqua, sur le rapport de notre collègue M. Paul Masson.
Selon l'inspecteur général Jacques Genthial - je cite là une interview accordée à Maires de France - en cas de problèmes, les citoyens se tournent moins spontanément vers le commissaire de police que vers l'élu ; en quarante ans le nombre d'infractions a été multiplié par sept ; de ce fait, les maires ont essayé de réaliser leur propre système de sécurisation.
Dans cette interview, M. Genthial confirmait la coopération harmonieuse existant entre la police nationale et la police municipale, et il justifiait la police municipale par son activité.
Sur la situation en Europe, un très important travail de droit comparé a été accompli par les services du Sénat. Il ressort de l'étude réalisée que la France se distingue des pays voisins car il est le seul à ne pas avoir adopté une loi en la matière. Ainsi, l'Espagne a adopté, en 1986, une loi sur les forces et les corps de sécurité, l'Italie une loi sur les polices municipales et le Portugal une loi sur les services municipaux de police en 1994, tandis que les Länder allemands ont adopté différentes lois sur les services municipaux chargés du maintien de l'ordre.
Les points de convergence de tous ces dispositifs législatifs sont, premièrement, la définition d'un cadre juridique ; deuxièmement, des règles établissant une coordination ; troisièmement, une participation des polices municipales à l'ensemble des fonctions policières. Ces différents éléments figurent dans le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre.
Nous avons interrogé les communes concernées par l'intermédiaire de l'Association des maires de France. Nous avons obtenu un taux de réponse de 50 % et nous pouvons tirer quelques enseignements de ces réponses, qui sont significatives.
Dans plus de 60 % des cas, la création des polices municipales a eu lieu bien avant 1990. Les raisons de cette création s'expliquaient par la montée de la petite délinquance et par le désengagement de l'Etat, dans plus de 50 % des cas. Plus préoccupant - voilà qui devrait vous interpeller, monsieur le ministre - un peu plus de 60 % des personnes interrogées estiment que, depuis la création des polices municipales, l'Etat a eu tendance à se désengager.
Il convient donc que, dans le cadre du partenariat entre Etat et polices municipales, s'ouvre une réflexion sur les moyens que doit mettre en oeuvre l'Etat pour garantir la sécurité. Il est, en tout cas, exclu d'imaginer - fût-ce un seul instant - que le partenariat que vous souhaitez instaurer permette à l'Etat de ne pas assumer ses responsabilités. Mais je suis convaincu que tel n'est pas votre état d'esprit !
M. Alain Gournac. Ah !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. La grande majorité des personnes interrogées se prononcent en faveur de l'armement. Un accord de coopération existe d'ailleurs dans la majeure partie des communes importantes. Les maires sont par ailleurs favorables au renforcement du contrôle de l'Etat, tandis qu'une collaboration a été instituée avec les polices des communes voisines.
Voilà qui confirme - si besoin était - la grande sagesse des élus locaux et, surtout, la très grande efficacité, constatée sur le terrain, de l'articulation entre l'Etat et les communes s'agissant des réponses à apporter en matière de sécurité.
Le contexte dans lequel nous examinons le présent projet de loi est connu de tous : une réalité incontestable et un développement important des polices municipales, avec une très grande disparité géographique - que vous avez évoquée - puisque le ratio évolue de 0,5 à plus de 4 .
Ce mouvement n'a pas été freiné par le processus d'étatisation de la police puisque, si la police est étatisée dans 1 625 communes, sur les 686 communes de plus de 1 000 habitants qui disposent d'une police municipale, 495 sont sous le régime de la police d'Etat. Cela confirme, si besoin était, la poussée d'une demande forte d'une police de proximité, exprimée par nos concitoyens en raison de la montée des incivilités, de la délinquance, de la violence. Tout le monde réclame un plus grand confort de vie communale !
Nous ne devons pas non plus imaginer que ce projet de loi serait lié à une augmentation brutale du pouvoir de police des maires.
Le pouvoir actuel des maires comporte trois aspects : tout d'abord, en tant qu'autorité de police municipale, le maire est placé sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat. Cela concerne la police municipale, la police rurale et l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. Ensuite, en tant qu'agent de l'Etat, le maire est sous l'autorité du représentant de l'Etat chargé d'exécuter les mesures de sécurité générale. Enfin, en vertu de l'article 16 du nouveau code de procédure pénale, il a la qualité d'officier de police judiciaire, sous la surveillance du procureur de la République. Ses pouvoirs sont encadrés, ils s'exercent sous le contrôle du juge administratif et exclusivement sur le territoire communal.
Pour exercer ces pouvoirs, le maire est habilité à recruter des policiers municipaux, dont les compétences et le statut - vous l'avez indiqué, monsieur le ministre - restent à définir ; c'est précisément l'objet du présent projet de loi.
C'est donc non pas un phénomène nouveau lié à une augmentation du pouvoir des maires, mais le constat d'un vécu local : un grand nombre de policiers, aujourd'hui, sont recrutés pour appliquer les arrêtés du maire.
Chacun se plaît cependant à reconnaître que les limites actuelles de leurs pouvoirs nuisent à l'efficacité du service, tout en étant contraires à un minimum de bon sens - vous l'avez dit - notamment en ce qui concerne les infractions routières. De plus, le statut législatif des personnels municipaux est très incomplet.
Tout cela plaide pour des réponses législatives visant à améliorer l'efficacité des services, à régulariser l'existant, mais sans modifier le nécessaire équilibre entre l'Etat et les collectivités locales.
Notre analyse, qui s'est fondée sur le vécu du terrain, nous a confirmé que cela se passait bien entre les services de l'Etat et les communes, constat qu'a d'ailleurs confirmé M. Genthial : il n'y a pas de dérapages ; la négociation locale a su intelligemment concilier l'autorité nécessaire de l'Etat et l'efficacité de la réponse de proximité, qui est forcément communale.
Le projet de loi tend à étendre les compétences des policiers municipaux, notamment sur le plan judiciaire. Il importe d'en apprécier la symbolique et la réalité.
Vous avez développé très longuement les objectifs de votre projet de loi, monsieur le ministre. Permettez-moi de les examiner à la lumière des propositions qu'a faites l'Assemblée nationale et de celles que fait la commission des lois.
La commission des lois affirme que la sécurité est bien de la compétence de l'Etat, mais elle constate que, souvent, c'est parce que les réponses aux besoins sont insuffisantes que les communes sont conduites à mettre en place des polices municipales.
Elle a approuvé l'extension des compétences. Elle vous a demandé des précisions complémentaires - vous avez eu l'amabilité de bien vouloir les lui fournir - notamment sur les infractions qui seraient déterminées par voie réglementaire. Cela concerne surtout la police judiciaire, et notamment les infractions qui pourraient entraîner le retrait de quatre points sur le permis de conduire.
Au nom du pragmatisme, du vécu local, et en cohérence avec les possibilités du travail de nuit, la commission des lois a posé très clairement le principe de l'armement sous condition. Elle souhaite cependant l'adoption de la classification Schengen des armes, estimant que la classification française est obsolète. Vous avez d'ailleurs mis en place une réflexion à ce sujet. Pour cette raison, la commission, qui a entendu l'avis d'un certain nombre de techniciens, n'a pas souhaité faire référence dans la loi à la quatrième ou à la sixième catégorie.
J'en viens à la coordination. Vous avez argumenté en faveur du règlement de coordination, qui, à défaut d'accord entre le maire et le préfet, pourrait être signé par le préfet seul. La commission a préféré privilégier une formule conventionnelle. Vous avez d'ailleurs vous-même indiqué que vous ne comprendriez pas pourquoi il ne pourrait pas y avoir un accord local.
Celles et ceux que nous avons reçus ont démontré à quel point les conventions étaient rapidement signées entre les représentants de l'Etat et les maires. Grâce à l'obligation qui est faite de parvenir à un partenariat entre le maire et le préfet, tout en respectant les spécificités des uns et des autres, on parvient effectivement, par la convention, à améliorer la sécurité des policiers d'Etat et des policiers municipaux lorsqu'ils doivent travailler sur le même territoire dans des conditions particulièrement dangereuses. Par ailleurs, la convention-type renforce la capacité d'obtenir une référence nationale fixant le cadre de négociation de cette convention et l'adaptation de réalités ou de spécificités locales.
Nous avons pu constater qu'un certain nombre de conventions correspondaient réellement à des besoins locaux et apportaient des réponses tout à fait pertinentes.
Nous avons souhaité garder le seuil initial du projet de loi, que l'Assemblée nationale avait fixé à trois agents, estimant que la partie facultative pour les brigades de moins de cinq agents ne devait pas être transformée en contrainte pour ceux qui avaient entre trois et cinq agents.
A défaut de signature de convention, il n'y a, bien évidemment, pas d'armement, étant entendu que nous avons modifié la plage horaire prévue pour la prohibition, dans ce cas, du travail de nuit. L'Assemblée nationale avait adopté une plage horaire allant de six heures à vingt-trois heures. Il est difficile d'adopter une plage horaire et d'avoir des références. Pourquoi six heures, vingt et une heures, vingt-quatre heures ou deux heures ?
Nous avons préféré nous référer au code de procédure pénale et prévoir que, à défaut de convention, il n'y a pas d'armement et que la plage horaire va de six heures à vingt et une heures. Cela marche bien sur le terrain.
Nous sommes favorables au code de déontologie et nous approuvons la formation initiale et la formation continue.
Pour ce qui est de cette formation continue, le président de la commission des finances du CNFPT nous a clairement indiqué les difficultés de son financement. Après avoir exploré la solution de la redevance, puis celle de l'amende de police, la commission des lois n'a pas souhaité retenir un financement particulier. Elle laisse aux communes concernées le soin de financer la formation continue, charge évaluée, dans l'exposé des motifs, à peu près dix jours à 1 000 francs tous les cinq ans, soit 2 000 francs par an et par agent, ce qui paraît parfaitement compatible avec l'investissement des communes.
La commission approuve le contrôle et les vérifications nécessaires à la garantie de la qualité, se contentant d'apporter quelques modifications.
Vous avez estimé logique, monsieur le ministre, qu'il y ait un double agrément, un agrément du procureur de la République et un agrément du préfet.
Reprenant les débats sur les projets de loi de décentralisation de 1982, nous avons constaté qu'à l'époque l'Assemblée nationale avait estimé, à juste titre, qu'au nom de la subsidiarité il convenait de compenser en la matière la suppression de la tutelle par le préfet par un agrément donné par le seul procureur, en rappelant bien évidemment que l'agrément n'était qu'une mesure permettant de s'assurer de l'honorabilité du candidat et non de sa capacité professionnelle.
A partir du moment où l'extension des compétences porte quasi exclusivement sur la police judiciaire, nous estimons inutile le double agrément du préfet. C'est une contrainte supplémentaire. La preuve en est que vous proposez un amendement pour éviter que, pour les 13 000 policiers actuels, on puisse recourir à l'agrément du préfet s'appuyant sur l'agrément du procureur.
Ce serait, nous semble-t-il, inutile, d'autant que nous affirmons clairement que le préfet doit, dans la convention de coordination, être chargé de la coordination des moyens et que le procureur doit veiller, comme c'est le cas actuellement, à l'honorabilité du candidat.
Nous rétablissons la nomination par le maire avant l'agrément, car c'est la seule procédure juridiquement valable.
En commission, le débat a porté sur le moyen d'éviter des formations inutiles, c'est-à-dire le cas d'une personne qui pourrait être nommée et qui serait entrée en formation mais qui ne serait pas agréée. A l'évidence, il y aurait là un gâchis des finances publiques.
La logique intellectuelle voudrait donc qu'il y ait une présélection. Mais on ne peut pas imaginer qu'il y ait une procédure d'agrément sans une nomination qui territorialise le fonctionnaire. Voilà pourquoi nous rétablissons la nomination avant l'agrément, mais en encadrant la procédure d'agrément dans un délai de deux mois, de façon à éviter et les frustrations pour le fonctionnaire qui ne se verrait pas octroyer l'agrément et, bien évidemment, les formations inutiles.
Nous supprimons le retrait temporaire et nous réintroduisons le reclassement. L'Assemblée nationale a voulu empêcher qu'on ne puisse reclasser un fonctionnaire qui se verrait retirer un agrément. Mais la solution qu'elle a retenue va à l'encontre du fonctionnaire puisque le maire se voit obligé de le garder dans un service alors que ce fonctionnaire ne peut plus exercer la fonction de policier municipal.
Nous réintroduisons donc le reclassement, de façon que le maire puisse affecter le policier municipal qui se verrait retirer son agrément dans un autre cadre d'emploi.
S'agissant de la commission consultative, nous avons accepté la proposition de l'Assemblée nationale, qui vise à renforcer la place et le rôle des maires. Vous aviez proposé 50 % de représentants de l'Etat, 25 % de maires et 25 % de représentants du personnel. La répartition en trois tiers nous convient, la présidence étant confiée aux maires.
Nous souhaitons qu'une voix prépondérante soit accordée au président et que, bien évidemment, ne fassent partie de cette commission que les maires ayant une police municipale, et des agents de police municipale et non pas simplement des représentants de l'un et des représentants de l'autre.
Nous prenons acte de la volonté d'améliorer le statut ; cela répond à une grande demande du personnel et était rendu nécessaire par la réalité locale.
Nous adhérons au principe de la création d'un emploi de cadre B. Mais il nous faudra réfléchir à l'opportunité de la création d'un cadre A.
Il nous faut aussi nous préoccuper de la disparité de traitement entre toutes celles et tous ceux qui travaillent au profit de la sécurité et intégrer peut-être cette question à la légitime revendication de la bonification d'annuités d'un an tous les cinq ans. Je sais qu'est demandée aussi l'intégration de l'indemnité spéciale de fonction de 18 %.
Une des deux revendications mériterait d'être satisfaite, probablement la moins onéreuse. Mais c'est là la responsabilité du Gouvernement. En tout cas, il nous faut réfléchir à l'égalité de traitement de celles et de ceux qui travaillent dans les mêmes domaines. Concernant la procédure du relevé d'identité, nous avons pris acte de votre souci, d'un côté, de garantir la liberté du citoyen et, de l'autre, de rendre efficient le contrôle quand on constate une infraction. Vous avez bien indiqué la limite entre le recueil et la vérification, et nous approuvons la procédure qui est envisagée.
Nous avons supprimé, en revanche, la procédure du récépissé imaginée par l'Assemblée nationale pour - l'intention était louable - renforcer les garanties du contrevenant et limiter les risques de contentieux. En effet, dans les faits, ce serait totalement irréalisable.
Pour ce qui est de la tenue et des équipements, la commission a réaffirmé sa volonté de ne voir aucune équivoque, aucune confusion s'installer entre les forces de police nationales et les polices municipales. Elle a toutefois estimé qu'il fallait garder une relative souplesse à l'échelon local. La commission consultative se doit de proposer des références qui soient je dirai symboliques de l'autorité ; l'aspect local pourrait afficher des critères d'identification communale, ce qui interdit stricto sensu le caractère rigoureusement identique des équipements. Cela permet donc de supprimer la dotation de premier équipement.
Sauf divergences flagrantes ou intolérables, l'adaptation à la loi serait à la portée de toutes les communes.
Concernant la vérification, nous avons accepté le principe de mobiliser, sous votre autorité, les services de l'Etat concernés en tenant compte de la réalité locale puisqu'un certain nombre de polices municipales côtoient exclusivement des forces de gendarmerie et les autres des forces de police nationale.
La commission des lois, s'appuyant sur l'efficacité du contrat local entre représentants de l'Etat et élus locaux, marqué du sceau de l'intérêt général et de la nécessaire réponse de proximité, propose au Sénat d'adopter ses amendements, qui vont dans le sens d'une politique municipale de qualité, avec des agents formés, équipés, mais aussi contrôlés.
Probablement, au cours du débat, un certain nombre de nos collègues interviendront sur des situations un peu particulières - je pense, notamment, à la Guyane.
Mais, monsieur le président, monsieur le ministre, les meilleurs polices du monde ne peuvent rien s'il n'y a pas une prise de conscience individuelle du devoir civique et de la conduite citoyenne que chacun doit avoir par rapport au mieux-vivre ensemble.
Montesquieu disait : « Plus une société est développée, plus les causes morales la gouvernent et moins les causes physiques. »
Le débat que nous aurons ne devra pas se limiter à un aspect technique : il y a un vrai problème politique de risque de déstabilisation de notre pacte républicain, auquel, je le sais, vous êtes attaché. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes.
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet, Monsieur le ministre, je commencerai mon propos, sans flagornerie excessive, par un double compliment à votre égard, le premier étant d'avoir eu le courage de vous attaquer à cette question des polices municipales, sur laquelle bien d'autres se sont « cassé les dents ».
Voilà plus de quinze ans que l'on en parle.
La grande loi fondatrice de la fonction publique de 1984 a complètement ignoré les policiers municipaux et, depuis cinq ans - cela a été rappelé - trois projets successifs traitant de l'ensemble de la question n'ont pu aboutir. Si, en 1994, le cadre d'emploi des policiers municipaux fut enfin reconnu, leurs missions, dans leur étendue et dans leur limite, n'ont pas été clairement fixées, ce qui est très fâcheux pour les agents, pour leurs employeurs et aussi pour la vie des gens, certains pouvant avoir la tentation de s'engouffrer dans les failles de la législation pour constituer je ne sais quelle garde insuffisamment contrôlée.
Second compliment, monsieur le ministre, vous avez réussi en plus à nous proposer un texte empreint de sagesse et d'équilibre, qui dédramatise cette question passionnelle, une question que certains avaient voulu présenter, ici ou là, même à l'Assemblée nationale, par exemple, je cite un député, comme un projet « attentatoire à la personne humaine ».
Ces propos sont excessifs s'agissant d'un projet de loi qui sait, au contraire, retenir les objectifs indispensables de sécurité, préserver la plénitude nécessaire des droits régaliens, sans pour autant, grâce à la coordination prévue, porter atteinte aux attributions du maire.
Bref, il s'agit d'un texte sage et équilibré, qui prend en compte les réalités existantes, tant celles de la décentralisation que celles du besoin sécuritaire qui s'empare de plus en plus de nos concitoyens.
Les pièges étaient pourtant nombreux.
Il existait le risque de télescopage des pouvoirs de police croisés du maire et du préfet dans un domaine qui relève de l'Etat par excellence. Vous le résolvez par cette coopération introduite par le règlement de coordination, obligée au-delà de cinq ans, possible en deçà, et par le double agrément du préfet et du procureur, aussi bien que par la réglementation des horaires d'intervention ou du port d'armes.
Il existait le risque corporatiste, celui que j'appellerai de la vigilance des fonctionnaires de police d'Etat et de gendarmerie, soucieux de leurs prérogatives. Apparemment, à voir, ou plutôt à ne pas voir les réactions, à ce stade de la discussion, les choses semblent se passer convenablement.
Il y avait surtout l'inquiétude des fonctionnaires territoriaux au statut inexistant ou mal défini. Vous résolvez cette difficulté par une amélioration sensible du statut de ces fonctionnaires et par un élargissement des compétences de ce corps - je pense aux procès-verbaux et aux relevés d'identité - qui, certes, reste un corps composé d'agents de police judiciaire adjoints, mais qui trouve une place claire dans la hiérarchie fonctionnelle judiciaire. Mais, là encore, l'équilibre est dans votre texte puisque le fait d'élargir oblige au moins à inventorier et à clairement identifier les missions, et donc à normaliser une profession qui, pour n'avoir pas jusque-là - sauf exceptions rares - encouru le reproche de bavures, est tout de même naturellement exposée à ce risque.
En résumé, les policiers municipaux sont donc confirmés comme agents de police judiciaire adjoints mais ne sont pas des policiers de plein exercice. Ils constituent une police administrative et de prévention, une police de proximité. En cas de nécessité seulement et selon des règles établies clairement, cette police municipale agit en coordination avec la police nationale, seule à bénéficier d'une compétence de droit commun.
Tout cela, mes amis et moi-même l'approuvons pleinement. Je dirai même que nous préférons, en général, votre rédaction, monsieur le ministre, à celle qui est issue des travaux de l'Assemblée nationale ou d'ailleurs à celle que propose notre commission des lois et qui vient d'être exposée par notre rapporteur.
Ce dernier a réalisé un excellent travail et son rapport, pour être synthétique, n'en est pas moins une mine de renseignements. Il présente une analyse fine des raisons et de la montée du besoin sécuritaire, exprimé par la forte progression des polices municipales, une évocation brillante de la dérive négative de certains quartiers comme des pouvoirs du maire dans leur complexité juridique, voire dans leur complexité fonctionnelle.
Mais cet excellent document, traduisant comme il se doit les travaux de la commission des lois, n'emporte pas notre adhésion et, sans entrer dans le détail des articles dont l'examen m'amènera à préciser notre position, je voudrais souligner les divergences de fond qui, je le crois, dénaturent le texte initialement proposé.
Monsieur le rapporteur, tout tourne autour de l'importance de l'Etat dont vous regrettez qu'il joue un rôle excessif « dans l'encadrement et le contrôle des polices municipales ».
Pourtant, vous ne contestez pas que cette mission de sécurité est d'abord une mission de l'Etat, et qu'une partie importante des pouvoirs du maire lui sont accordés au nom de l'Etat. Il y a peut-être là une contradiction mal levée.
Avant d'aller plus loin, monsieur le ministre, permettez-moi cependant d'insister plus particulièrement sur ce point. Ce n'est donc que par défaillance de l'Etat, en tout cas, surtout, par défaillance de l'Etat, que les polices municipales se sont développées à ce point. Nous sommes donc là sur le terrain des transferts de charges...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet... et si, comme moi, je crois, vous ne souhaitez pas un développement exponentiel de ces polices, il faut, certes, redéployer les agents d'Etat au profit des départements les plus défavorisés, les plus en difficulté, mais il faut certainement aussi renforcer les effectifs et autrement que par l'apport - non négligeable - des emplois-jeunes. C'est une condition presque suffisante pour éviter les risques de dérive que, je le sais, vous condamnez.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet. Suffisante, mais pas forcément facile, monsieur le rapporteur ! En effet, il n'est pas forcément réaliste d'espérer des embauches massives dans le contexte budgétaire actuel, mais il me semblait nécessaire de resituer clairement les responsabilités dans ce domaine.
J'y reviens, la fonction régalienne de l'Etat dans le domaine de la sûreté n'est pas contestée et, pour ce qui me concerne, j'en tire des conséquences radicalement différentes de celles qu'en a tirées la majorité de la commission des lois.
Bien que fort décentralisateur, je me félicite de l'affirmation de l'Etat, de ses pouvoirs renforcés et de son contrôle par l'agrément double du procureur et du préfet, comme de la coordination obligatoire ou possible dans les conditions que j'ai rappelées tout à l'heure, comme des limites à l'autorisation du port d'armes.
Sur tous ces points, nous avons des divergences de fond avec la commission des lois.
Pour ma part, je n'ai jamais pensé, au contraire, que la décentralisation passait par l'abaissement du pouvoir de l'Etat. Et s'il est un seul domaine où l'Etat doit pouvoir garder un pouvoir fort, c'est bien celui de la sécurité, de la sûreté des personnes et des biens. Voilà pour la pétition de principe.
Dans le détail, ces divergences se déclinent au gré de plusieurs articles, dont je retiens les principaux.
Si l'on peut discuter - nous le ferons - de la proposition de passer d'un règlement à une convention, nous ne pouvons accepter que vous supprimiez le pouvoir pour le préfet d'édicter seul en cas de désaccord persistant, car c'est la porte ouverte au pouvoir incontrôlé du maire dans le domaine de la police, ce qui est très dangereux. J'aurai l'occasion d'appronfondir notre position sur cet article 2.
Nous ne pouvons pas accepter, à l'article 6, la suppression du double agrément au profit de l'agrément simple par le procureur, d'autant qu'au prétexte de simplification administrative - je suppose - vous établissez un agrément tacite en cas de non-réponse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet. Compte tenu de l'engorgement des services des procureurs, il y a fort à parier que, dans trop de cas, le maire sera amené à embaucher qui il veut comme il veut, et, là encore, cela peut entraîner bien des dérives.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet. Concernant l'armement, qui fait l'objet de l'article 7, nous reprenons un débat qui me semble à vrai dire apaisé, mais, quoi qu'il en soit, il n'est pas neutre d'inverser les termes comme il est de fait proposé : le ministre et l'Assemblée nationale ont posé le principe du non-armement et, par dérogation, la possibilité d'être armé dans des conditions de lieux, de missions et de temps clairement précisées. Vous, au contraire, vous inversez tacitement les termes de la proposition et, qui plus est, vous rendez la possibilité d'armement plus facile, puisqu'il ne s'agira plus de missions et de circonstances particulières mais de l'une ou l'autre de ces conditions. Nous ne pouvons vous suivre.
Enfin, il en est de même sur ce qui pourrait apparaître comme un point de détail, à l'article 8 bis, de la tenue. Vous proposez de supprimer cet article additionnel de l'Assemblée nationale. Nous sommes favorables à cette suppression mais pour des raisons différentes. En effet, nous estimons qu'il serait logique de faire payer la tenue des agents à leurs employeurs et non à l'ensemble des collectivités, comme vous l'avez proposé pour la formation. Au demeurant, le coût ne sera pas très élevé puisqu'il est déjà supporté par les collectivités employeurs et, pour peu qu'on leur laisse un peu de temps, le renouvellement naturel des tenues permettra de supporter aisément ce surcoût.
En revanche, nous ne pouvons vous suivre s'agissant de l'argument relatif au fond, à la subsidiarité et à la diversité provinciale au nom des libertés locales. En effet, à y regarder de plus près, il ne m'est pas indifférent, si je suis contrôlé à Strasbourg, à Brest, à Lille ou à Marseille de savoir au premier coup d'oeil par qui je le suis, cela me semble être une garantie forte des libertés publiques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
J'attire par ailleurs votre attention sur le fait que l'uniforme pour les agents est le signe premier de leur appartenance à un corps reconnu partout en France, assorti de la possibilité de mutation d'une commune à une autre. Voyez comme les pompiers sont fiers de leur uniforme et demandez-vous si les agents sont tellement favorables à la diversité.
J'ai été bref mais l'occasion me sera sans doute donnée d'intervenir à l'occasion de l'examen des articles. Quelle sera in fine l'attitude de mes amis et de moi-même à l'égard de ce texte ? Nous sommes favorables à ce projet de loi ainsi qu'à certaines modifications introduites par la commission des lois, notamment à propos de la commission consultative des polices municipales, ou à certaines corrections des propositions de l'Assemblée nationale, comme à l'article 15 rétablissant à la charge des communes employeurs le financement de la formation continue. Mais sur les points que j'ai cités précédemment, il existe trop de divergences de fond pour que nous acceptions les propositions de la commission. C'est donc le choix de la majorité du Sénat sur les points importants que j'ai énumérés qui entraînera notre position finale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui aura fait couler beaucoup d'encre et provoqué certains remous.
Je dois vous avouer, monsieur le ministre, que l'étude attentive du texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale ne m'a pas permis de saisir les raisons de l'ampleur des mécontentements qui se sont exprimés.
Certes, quelques dispositions du projet de loi me semblent critiquables, notamment celles qui sont relatives à l'armement. Pourtant, je dois reconnaître qu'en conférant un réel statut aux polices municipales, ce texte répond à des attentes qu'il était nécessaire de satisfaire.
Vous reconnaîtrez néanmoins que, malgré l'absence des dispositions que vous nous proposez aujourd'hui, le fonctionnement actuel des polices municipales est globalement satisfaisant, ce qui prouve combien les maires, qui ont choisi de doter leur commune d'un tel service, ont eu à coeur d'agir dans le strict respect de la légalité républicaine.
Face à la multiplication des services de police municipale, il convenait en effet d'assortir leur développement croissant d'une certaine harmonisation. En prévoyant la création d'une commission consultative des polices, l'édiction d'un code de déontologie, en veillant à l'uniformisation des tenues et des véhicules, le projet de loi permet d'atteindre cet objectif.
En dotant les agents de police municipale d'un réel statut, en exigeant de ces personnels qu'ils soient astreints à des obligations de formation initiale et continue, le projet de loi répond aux attentes de cette profession.
Vous l'aurez certainement compris, monsieur le ministre, votre texte est assez satisfaisant pour ce qui concerne son aspect administratif.
Je proposerai toutefois d'y apporter certaines modifications en suggérant, par exemple, la création de commissions régionales des polices municipales afin d'assurer une meilleure application du texte au niveau local.
Dans le même esprit, je partage les souhaits de la commission quant à l'extension des prérogatives de la commission consultative des polices municipales et j'ai déposé plusieurs amendements à cet effet.
Enfin, je m'attacherai à démontrer qu'il est nécessaire de calquer le régime des droits de retraite des policiers municipaux sur celui des sapeurs-pompiers professionnels, notamment en raison des risques encourus par ces agents.
En revanche, je ne partage pas totalement la philosophie du texte adopté par l'Assemblée nationale quant aux missions que la loi doit confier aux agents de police municipale.
Il convient de reconnaître que le rôle de ces personnels ne saurait être limité au relevé des infractions en matière de stationnement.
En effet, dans de nombreuses communes, la police municipale oeuvre aux côtés de la police nationale et lutte avec beaucoup d'efficacité contre le développement de la petite délinquance.
Monsieur le ministre, seules deux solutions s'offrent à nous.
La première consiste à augmenter considérablement le nombre de fonctionnaires de police nationale et de gendarmerie afin de répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de sécurité : elle semble inapplicable en raison des coûts qu'elle entraînerait.
La seconde solution consiste simplement à encadrer les policiers municipaux et, sous le contrôle d'officiers de police judiciaire, leur redonner les moyens d'assurer les missions qui incombent au maire telles que la surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques.
Pour certains de nos concitoyens, la nécessité exprimée par le garde des sceaux de mettre en place une troisième voie judiciaire pour lutter contre la petite délinquance urbaine, c'est-à-dire essentiellement les « incivilités », laisse entendre que l'Etat aurait baissé les bras. Il nous appartient de prouver que tel n'est pas le cas.
Or, depuis quelque temps, nombreux sont les policiers municipaux qui participent à la lutte contre ces désagréments notoires. En leur refusant de poursuivre dans cette voie, vous ne ferez qu'accroître le sentiment d'insécurité que partagent beaucoup des personnes résidant dans les zones dites sensibles.
Il faut au contraire agir en faveur d'un rapprochement des compétences, sans bien évidemment opérer de transfert.
J'en viens au problème de l'armement, qui a fait couler tant d'encre. Monsieur le ministre, je crois que l'actuelle majorité commet une grave erreur en voulant inscrire le principe du non-armement des polices municipales.
Il ne s'agit pas d'ériger les agents en justiciers ou en cow-boys, il s'agit simplement de leur donner les moyens d'assurer leurs missions sans que leur sécurité puisse un jour être atteinte.
Vous savez pertinemment, monsieur le ministre, que, dans certaines banlieues, de petits groupes de délinquants s'en prennent, systématiquement et de manière violente, à tout ce qui peut, de près ou de loin, représenter l'Etat : policiers, chauffeurs de bus, fonctionnaires territoriaux, agents de l'EDF, pompiers, et j'en passe.
Vous ne pouvez pas nier non plus que des policiers, qu'ils soient municipaux ou nationaux, sont parfois victimes de ce que certains qualifient de « haine du flic ». Comment, dans ces conditions, rejeter de façon aussi catégorique le principe de l'armement en inscrivant dans la loi, « les agents de police municipale ne sont pas armés » ?
Monsieur le ministre, voilà quelques années, il faisait bon vivre en Guyane ; aujourd'hui, ce n'est plus le cas. La criminalité a repris le devant de la scène. Les agressions sont de plus en plus violentes. Il n'est pas possible de vivre dans cette situation de terreur éternellement. Les commerçants sont régulièrement agressés et ils doivent baisser les rideaux de leurs magasins avant la tombée de la nuit.
La société guyanaise ne se sent plus protégée par la police d'Etat, et tous les dispositifs mis en place ont démontré leur incapacité à résoudre le problème de l'insécurité dans ce département.
Récemment, les associations, les partis politiques, les syndicats et les organisations socioprofessionnelles ont organisé une marche dans les rues de Cayenne en signe de mécontentement et de protestation, et afin d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur la faiblesse dont fait preuve la police nationale. Une motion a été d'ailleurs remise au représentant de l'Etat.
Lorsqu'une exaction a été commise par un délinquant et que le citoyen demande secours au commissariat de police, l'agressé est souvent interrogé pour savoir s'il y a mort ou blessures ; et, si ses réponses sont négatives, les policiers ne se déplacent pas.
La Guyane est un pays sous-peuplé. Cependant, l'immensité du territoire, la perméabilité des frontières facilitent l'entrée de populations des pays voisins, dont la situation économique et sociale n'est pas au même niveau que celui du département de la Guyane, ce qui crée ainsi un flux migratoire très important.
Nous ne devons pas reprocher au seul phénomène de l'immigration la montée en puissance de la délinquance et de l'insécurité. Force est de constater qu'il y a suffisamment de policiers et de gendarmes tous corps confondus dans ce pays - soit un agent pour huit habitants - pour ne pas en ajouter d'autres. Il serait préférable de redéployer ces forces et de leur assigner des missions compatibles avec la situation spécifique de la Guyane dans les différents quartiers de l'île de Cayenne, de Kourou et de Saint-Laurent-du-Maroni pour assurer une meilleure sécurité dans cette région.
La police municipale, lorsqu'elle n'est pas armée, n'a aucun pouvoir de dissuasion face aux délinquants de toutes sortes ; ils mettent dans l'angoisse une population qui risque de s'armer et à qui on ne pourrait pas reprocher d'invoquer la légitime défense. Evitons la création de milices en Guyane.
Vous constaterez enfin, monsieur le ministre, que j'ai déposé plusieurs amendements de nature à systématiser la possibilité de relever l'identité des auteurs d'infractions.
Mes chers collègues, ne vous paraît-il pas choquant qu'un policier, même municipal, puisse assister impuissant à la commission d'une infraction, sans même tenter d'en identifier l'auteur ?
Le choix opéré par l'Assemblée nationale consistant à remettre un récépissé à celui qui aura refusé de décliner son identité, puis de prévenir un officier de police judiciaire et, enfin, d'arrêter éventuellement le contrevenant, s'il est encore sur place, me semble particulièrement ubuesque.
Deux types de mesures nous sont aujourd'hui proposées par le présent projet de loi : les premières, administratives, sont assez satisfaisantes ; les secondes, plus concrètes, ne correspondent pas à la réalité et ne répondent pas aux exigences actuelles en matière de sécurité.
En revanche, grâce aux travaux de M. le rapporteur, le texte que nous examinons peut faire l'objet d'améliorations très significatives, et c'est le rôle du Sénat. C'est donc à la position de la commission des lois que la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen et moi-même nous en remettrons lors de l'examen des articles. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)

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