Séance du 27 mai 1998






DIVERSES DISPOSITIONS
D'ORDRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 444, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. [Rapport n° 449 (1997-1998) et avis n° 408 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pourvu de 47 articles lors de son dépôt, le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier comptait 75 articles lors de sa transmission au Sénat, puis 108 après la première lecture devant la Haute Assemblée. Il prend de l'embonpoint, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Sourires.)
Malgré l'échec de la commission mixte partaire, ce texte a recueilli un assez large accord entre les deux chambres, puique 53 articles restaient en discussion lors de cette commission mixte paritaire et que, après nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, le Sénat ne doit plus examiner que 37 des articles déjà étudiés par les deux assemblées. L'Assemblée nationale s'est donc rapprochée du Sénat, qui lui-même avait adopté sans les modifier 22 des 28 articles insérés par elle.
L'Assemblée nationale a adopté 16 des 53 articles restant en discussion dans la rédaction votée par le Sénat. Initialement, la commission des finances proposait d'en adopter 20, mais l'avis du Gouvernement a souvent été fatal à cette ouverture d'esprit. Certains de ces ralliements sont malgré tout significatifs. Par ailleurs, l'Assemblée nationale s'est rapprochée de la rédaction du Sénat sur 10 articles, adoptant des positions que l'on peut qualifier de compromis sur certains dossiers importants tels que : l'amortissement Périssol ; l'appel public à l'épargne ; le retrait obligatoire des certificats d'investissement ; la taxe additionnelle d'équarissage ; les règles applicables aux casinos ; le régime du FCTVA pour les services départementaux d'incendie et de secours ; la cession à titre gratuit des matériels informatiques détenus par l'Etat et les collectivités locales aux associations de parents d'élèves.
Certes, des désaccords persistent néanmoins.
Dans le rapport qu'il a rédigé à l'occasion de la nouvelle lecture, le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, affirme que la majorité de l'Assemblée nationale souhaitait parvenir à un accord en commission mixte paritaire. J'observe toutefois que l'Assemblée nationale a supprimé 14 articles votés par le Sénat et rétabli sa rédaction sur 12 autres articles.
Ce net désaccord portant sur 26 articles montre que l'échec de la commission mixte paritaire était probablement difficile à éviter.
Par ailleurs, le texte qui nous est soumis en nouvelle lecture comprend 20 articles entièrement nouveaux, insérés le plus souvent sur l'initiative du Gouvernement, et dont presque aucun n'était annoncé par le rapporteur, bien que certains proviennent de l'initiative du président de la commission des finances, M. Augustin Bonrepaux.
Il faut remonter à 1985 pour retrouver pareille situation : un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier s'était vu en effet insérer 20 articles nouveaux à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
La commission des finances ne peut que déplorer cette ouverture massive de débats nouveaux sur un texte qui, déjà, fait l'objet de la procédure d'urgence. L'examen parlementaire tronqué de ces 20 articles additionnels est de mauvaise méthode, aussi bien pour la démocratie représentative, que pour une saine élaboration de la décision publique. Ceux qui en ont la mission doivent pouvoir mesurer toutes les conséquences des votes auxquels ils procèdent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, 12 de ces 20 articles additionnels proviennent d'amendements de dernière minute émanant du Gouvernement. Cela témoigne d'une mauvaise méthode de travail. Ces amendements décrédibilisent les propos tenus par le ministre de l'économie et des finances, M. Dominique Stauss-Kahn, lors de la présentation de ce projet de loi, le 31 mars. Le ministre se félicitait en effet de la « relative brièveté » du texte et du choix de « quelques thèmes prioritaires (...) qui reflètent une réelle volonté politique ». Après le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale en première lecture, le ministre parlait même d'un texte à « l'unité forte ».
Peut-on dire que, parmi ces « thèmes prioritaires », reflétant une « réelle volonté politique », se trouve la remise en cause subreptice de la prestation spécifique dépendance, votée voilà à peine un an ?
Cette remise en cause, dans des conditions très critiquables, fait de ce texte la voiture-balai des services du ministère de l'emploi et de la solidarité. La méthode choisie, que je qualifierai de cavalière, porte atteinte à l'état de droit. Je souhaite ardemment que l'Assemblée nationale revienne à la raison à ce sujet.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, doit-on percevoir une « unité forte » dans le train de validations législatives que contient désormais ce texte, cinq au total. Le ministre de l'économie et des finances n'avait pas annoncé au Sénat que, parmi les « thèmes prioritaires », se trouvait l'absolution des fautes des administrations. Je suis d'autant plus à l'aise pour les dénoncer, qu'elles se sont déroulées sous des gouvernements que j'ai soutenus.
Telles les têtes de l'hydre de Lerne, les nouvelles taxes locales n'ont cessé de resurgir à l'Assemblée nationale. Le Sénat en a supprimé une, deux nouvelles sont soumises à son examen. La commission des finances propose de refuser la taxe relative aux commerces saisonniers, manifestement inconstitutionnelle. Elle s'en remettra à la sagesse du Sénat - mais sans aucun enthousiasme sur la taxe relative aux remontées mécaniques, après avoir exprimé les plus sérieuses réserves.
L'attitude de la commission des finances du Sénat ayant été délibérément constructive, l'Assemblée nationale aura, en dernière lecture, à nouveau l'occasion de prouver sa volonté de compromis, en se rapprochant une nouvelle fois du Sénat, sinon sur Air France - ne nous faisons pas d'illusions - du moins sur des dossiers sensibles, tels que l'appel public à l'épargne ou tels que le schéma directeur de desserte gazière, le régime de l'amortissement fiscal des biens loués, les règles d'ouverture anticipée de la chasse aux oiseaux migrateurs ou le régime fiscal et social des options de souscription ou d'achat d'actions.
Je forme le voeu très sincère que la dernière lecture par l'Assemblée nationale ne laisse apparaître que peu de points de désaccord lourd entre les deux chambres. Ce serait une manière de donner à ce type de texte une figure législative digne.
C'est en se fondant sur cet espoir, mes chers collègues, que la commission des finances vous propose d'adopter ce projet de loi, assorti des amendements qu'elle vous soumet. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après avoir entendu les observations de M. Lambert, auxquelles je souscris tout à fait, je limiterai mon propos à quelques réflexions relatives au titre II de ce projet de loi, dont nous abordons l'examen en nouvelle lecture.
J'exprimerai d'abord un regret, puis une satisfaction, et enfin deux motifs d'inquiétude.
Le regret a bien sûr trait à l'échec de la commission mixte paritaire. Diverses appréciations peuvent être portées sur les causes de cet échec, mais M. Lambert a rappelé que, au-delà du cas bien particulier de l'article relatif à Air France, la majorité de l'Assemblée nationale a adopté une attitude de refus par rapport à nombre de dispositions, de nature beaucoup plus technique, que le Sénat avait introduites en première lecture.
Toutefois, à dire vrai, en lisant le compte rendu des débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale, j'ai parfois eu l'impression, monsieur le secrétaire d'Etat, à travers les avis exprimés par le Gouvernement, que celui-ci - sans doute n'est-ce pas une particularité de ce Gouvernement - ne voyait pas forcément d'un bon oeil le fait que les parlementaires, réunis au sein de la commission mixte paritaire, puissent ensemble faire la loi ou l'ajuster, seuls et hors de sa présence.
La satisfaction vient de la constatation que, au-delà de cet échec, un certain nombre d'accords partiels sont intervenus entre les deux assemblées.
Sur les dix-huit articles du titre II qui restaient en discussion à l'issue de la première lecture, six ont été adoptés conformes par l'Assemblée nationale, dont trois articles additionnels que nous avions introduits. De plus, quatre articles ont été adoptés dans une rédaction proche de celle du Sénat. Enfin, sur deux articles, l'Assemblée nationale a adopté une rédaction de synthèse intégrant un ou plusieurs éléments issus de nos travaux.
Cette brève énumération montre non seulement que, au-delà de ce qui les sépare, les deux assemblées ont manifesté la volonté commune de faire une législation aussi adaptée que possible, mais aussi que les apports techniques du Sénat étaient dans bien des cas justifiés. J'y vois, une fois de plus, un témoignage de l'utilité du bicamérisme au sein de nos institutions. J'en viens à présent aux motifs d'inquiétude, qui constitueront l'essentiel de mon propos.
Les réformes de caractère substantiel que nous avions proposées sur ce titre II, concernant la création d'un conseil de la gestion financière, le droit de retrait dans les sociétés non cotées, la définition du contrôle de fait d'une société par une autre société, n'ont pas été retenues par l'Assemblée nationale. La majorité de celle-ci et le Gouvernement ont en effet considéré que ces réformes nécessitaient un examen plus approfondi et trouveraient mieux leur place dans le projet de loi, qu'on nous annonce sans préciser quand il interviendra dans le calendrier parlementaire, relatif à la modernisation du droit des sociétés.
Lors de la première lecture au Sénat, vous aviez, monsieur le secrétaire d'Etat, quelque peu brocardé certaines des positions que nous prenions en ce qui concerne, par exemple, l'appel public à l'épargne et la possibilité d'inclure, sous certaines conditions, des personnes physiques parmi les investisseurs qualifiés. Vous aviez ainsi qualifié notre démarche de discriminatoire et même de « censitaire ». Vous aviez en outre invoqué le caractère prématuré d'autres avancées que nous avions proposées.
Or les arguments utilisés à l'encontre de nos propositions m'apparaissent comme autant de mauvais prétextes et constituent même à mes yeux, ce qui est encore plus inquiétant, des remises en cause de l'initiative parlementaire.
Je persiste, pour ma part, à penser que les réformes que nous suggérions étaient de bonnes réformes, qu'il faudra de toute façon y procéder et que l'on finira donc par nous les proposer dans d'autres textes.
S'il y a des besoins à satisfaire, s'il y a des avancées à réaliser, pourquoi perdre du temps et s'égarer dans des considérations qui relèvent de l'amour-propre d'auteur ?
J'ai parlé de mauvais prétextes et je veux m'en expliquer.
S'agissant de l'appel public à l'épargne, nous proposions que des personnes physiques puissent se déclarer investisseurs qualifiés dans des conditions définies par la Commission des opérations de bourse. Il est bien clair qu'il n'y avait, dans notre approche, aucun caractère discriminatoire ; nous souhaitions que l'appel public à l'épargne conserve toutes les garanties dont il est assorti, en instituant simplement la possibilité, pour certains souscripteurs, de se placer volontairement hors de son champ d'application.
Quant au caractère prétendument inapproprié du DDOEF pour accueillir certaines des mesures de fond proposées en matière de modernisation du droit des sociétés, le reproche qui nous est fait est tout aussi infondé.
Il s'agissait en particulier, je le rappelle, de l'institution d'un droit de retrait pour les actionnaires minoritaires des sociétés non cotées, disposition dans laquelle nous voyions le pendant de la réforme du régime du rachat par une société de ses propres actions.
Il s'agissait également de la redéfinition du contrôle de fait, celle-ci visant simplement, dans notre esprit, à prolonger la réforme dont l'initiative avait été prise à l'Assemblée nationale et dont la portée est probablement aussi importante, concernant la légalisation ou le statut juridique des déclarations d'intention en matière de franchissement de seuil.
Sur ces différents points, les objections soulevées tant par le rapporteur général de l'Assemblée nationale que par le Gouvernement et invoquant la nécessité de procéder à un examen plus approfondi ne me paraissent pas recevables. En effet, les réformes que nous avons préconisées, nous ne les avons pas tirées de notre chapeau. Certaines d'entre elles sont en débat depuis fort longtemps, suffisamment en tout cas pour qu'on puisse considérer que le stade de la réflexion est passé et qu'il convient d'aborder celui de l'action.
Ainsi, s'agissant du droit de retrait des actionnaires minoritaires, dès 1990 - c'est dire que la question ne date pas d'hier ! - au cours d'un colloque organisé par le garde des sceaux de l'époque, M. Arpaillange, le procureur de la République de Paris alors en fonction, M. Bezard, actuellement président de la chambre commerciale de la Cour de cassation, affirmait : « Il serait peut-être intéressant sur le plan législatif de permettre le retrait des minoritaires comme sanction lors d'abus systématiques des majoritaires et en dehors de toute question de dommages et intérêts. Ne faut-il pas également, comme dans un certain nombre de législations étrangères, permettre le retrait des minoritaires lorsque leur nombre est très faible, de 5 à 10 %, et, inversement, admettre que la société mère puisse retrouver un pourcentage de 100 % ? »
Il y a eu, depuis lors, de nombreuses études et recherches, de nombreux échanges, des articles sur le sujet. Les arguments sont donc connus, et le Parlement peut trancher. Vous ne pouvez donc pas dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce sujet n'a pas été suffisamment approfondi.
Je prendrai un autre exemple, en dehors du droit des sociétés : la tutelle de certaines professions financières. Nous avions proposé, en première lecture, de créer un conseil de la gestion financière. Là encore, le Sénat n'avait pas improvisé puisque, au printemps 1996, lors des travaux préparatoires de la loi de modernisation des activités financières, les arguments militant en faveur de la création d'un tel conseil avaient été ici même largement exposés. Il avait alors été notamment indiqué qu'il serait nécessaire de procéder à des avancées supplémentaires dans cette direction et de constituer, sous la tutelle de la Commission des opérations de bourse, un conseil de la gestion financière susceptible, pour les professionnels de la gestion, de faire pendant au conseil des marchés financiers, qui exerce un important rôle d'autorité professionnelle pour les professions de l'intermédiation financière.
Quant à la question de la définition du contrôle de fait, elle émaille la doctrine juridique comme la jurisprudence depuis de nombreuses années.
Il est, par conséquent, bien clair que les dispositions adoptées en première lecture sur ces divers sujets ne présentaient pas le caractère improvisé qui a été invoqué à leur encontre.
Je me permettrai d'ailleurs de relever la dissymétrie qui existe entre, d'une part, les appréciations qui ont été portées à l'égard de nos propositions visant au progrès du droit des sociétés et à la régulation des professions de la gestion et, d'autre part, l'accueil extrêmement bienveillant qui a été réservé aux vingt articles additionnels adoptés en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement.
M. Lambert rappelait voilà un instant qu'il faut remonter à 1985 pour retrouver un pareil « palmarès » !
Faut-il donc considérer que les services de l'administration - et je pense notamment aux excellentes directions qui officient quai de Bercy - ont le monopole absolu de l'examen approfondi ? Si je ne conteste pas leurs qualités techniques, je ne saurais leur reconnaître, dans ces matières, le monopole d'une initiative législative, celle-ci devant être, à mes yeux, partagée équitablement avec les membres du Parlement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que, dans ce DDOEF, en particulier au sein du titre II, nous avions l'occasion de faire accomplir un certain nombre de progrès à notre législation mais que nous n'avons pas été au bout de la démarche qu'il aurait fallu adopter.
Je comprends les raisons politiques ou administratives qui vous ont conduit à émettre des avis défavorables sur certaines de nos propositions, mais je déplore que l'on ne joue pas le jeu de l'initiative parlementaire comme il conviendrait de le faire dans le cadre des institutions de la Ve République. Il me semble que, sur des textes relativement techniques comme celui-ci, on devrait savoir mettre au vestiaire certaines considérations de politique quotidienne, certaines susceptibilités de chapelle ou, simplement, de lieu de rédaction.
Pour autant, la commission des finances n'a pas estimé utile de solliciter du Sénat le rétablissement de toutes les dispositions votées en première lecture, car elle veut économiser le temps de la discussion. Nous avons exprimé nos positions de fond, nous ne souhaitons pas en changer, mais nous ne croyons pas judicieux d'encombrer les débats de toute une gesticulation qui n'a pas lieu d'être.
La commission des finances vous proposera simplement un amendement sur le titre II, mes chers collègues, concernant le seuil du nombre d'actionnaires à partir duquel il faut considérer que l'on est en régime d'appel public à l'épargne. Nous ferons, sur ce point, une ultime tentative pour rapprocher les points de vue, celui que nous avons exprimé en première lecture, celui de l'Assemblée nationale et celui du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, telles sont les quelques remarques dont je souhaitais vous faire part sur le titre II, au nom de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue, pour l'essentiel, au texte qu'elle avait adopté en première lecture, s'agissant notamment des dispositions votées par le Sénat sur l'initiative de la commission des affaires sociales.
Je ne vous proposerai pas, mes chers collègues, d'adopter une nouvelle fois ces amendements. Il appartiendra en effet à la commission saisie au fond de rétablir, si elle le juge utile, le texte adopté par le Sénat en première lecture.
La commission des affaires sociales ne se serait pas saisie pour avis en nouvelle lecture de ce projet de loi si l'Assemblée nationale n'avait pas adopté deux articles additionnels, les articles 72 et 73, d'une portée considérable.
M. Alain Vasselle. Adoptés à la sauvette !
M. André Jourdain, rapporteur pour avis. Ces deux articles, qui résultent de deux amendements déposés par le Gouvernement, modifient en effet de façon substantielle les fondements de la loi du 24 janvier 1997 instaurant la prestation spécifique dépendance, la PSD.
L'article 72 reporte du 31 décembre 1998 au 31 décembre 2000 l'achèvement de la réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées.
M. Alain Vasselle. C'est un échec !
M. André Jourdain, rapporteur pour avis. L'article 73 prévoit, pour le montant de la PSD, l'instauration de seuils minimaux, définis selon un barème fixé par décret.
Ces deux articles additionnels sont inacceptables pour la commission des affaires sociales à la fois pour des raisons de fond et pour des motifs liés à la méthode utilisée par le Gouvernement.
La méthode est particulièrement condamnable. Ces deux articles nouveaux prennent en effet place dans un texte à caractère économique et financier, alors qu'il s'agit de la modification d'un dispositif social fort important : la loi du 24 janvier 1997 instituant la prestation spécifique dépendance.
En outre, les modifications proposées dans ces articles sont exceptionnelles par leur ampleur ; elles bouleversent en effet les fondements de la loi du 24 janvier 1997.
Enfin, le dépôt tardif de ces amendements à l'Assemblée nationale, le jour même de l'examen en nouvelle lecture du projet de loi, méconnaît gravement les droits du Parlement et ne permet pas le débat qu'auraient justifié de telles décisions.
M. Alain Vasselle. Mais oui !
M. André Jourdain, rapporteur pour avis. La méthode employée par le Gouvernement se caractérise par une absence totale de concertation.
Pourtant, l'avenir de la PSD méritait mieux que ce « coup de force » gouvernemental,...
M. Alain Vasselle. En effet !
M. André Jourdain, rapporteur pour avis. ... qui ruine les nombreuses promesses de concertation et de dialogue formulées par Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
Lors de la réunion du Comité national de coordination gérontologique, le 26 novembre 1997, Mme Aubry avait en effet confirmé qu'elle excluait « une modification lourde et précipitée de la loi » et qu'elle réunirait en 1998 le Comité afin d'apprécier avec ses membres « la validité et la pertinence du dispositif actuel sur la base d'une évaluation précise, objective et exhaustive ».
M. Alain Vasselle. On attend toujours !
M. André Jourdain, rapporteur pour avis. Elle s'était engagée à procéder à une concertation avant toute modification de nature législative ou réglementaire.
Le 12 mai dernier, soit une semaine avant le dépôt de ces deux amendements, elle accordait un entretien à MM. Jean Puech et Michel Mercier, respectivement président de l'Association des présidents de conseils généraux et président de sa commission des affaires sociales, afin d'évoquer les modalités de travail en commun sur la réforme de la tarification.
A aucun moment la perspective d'une modification significative de la loi du 24 janvier 1997 n'a été évoquée par la ministre. Pourtant, une semaine plus tard, ces deux amendements étaient adoptés par l'Assemblée nationale. Nous ne pouvons que constater l'incohérence de la politique gouvernementale.
La commission des affaires sociales du Sénat n'est nullement opposée aux modifications de la loi du 24 janvier 1997 que pourrait justifier la volonté d'améliorer la PSD. Elle a d'ailleurs montré à plusieurs reprises le souci qu'elle avait de s'assurer des conditions d'application de cette loi. Je pense notamment à l'excellent bilan d'étape réalisé par l'ODAS, l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, à la demande de la commission, dont chacun s'est accordé à reconnaître la qualité, la richesse et l'objectivité.
La loi du 24 janvier 1997 est naturellement perfectible et la commission des affaires sociales est disposée à en corriger les lacunes dès qu'une évaluation exhaustive, précise et objective des conditions de son application aura été réalisée.
Or nous ne disposons aujourd'hui que d'études partielles qui ne permettent pas d'appréhender la situation réelle sur l'ensemble du territoire. C'est insuffisant pour justifier une modification de cette loi, entrée en vigueur, je le rappelle, il y a un an à peine.
Le Comité national de la coordination gérontologique est précisément chargé, en application de l'article 1er de la loi, d'élaborer un rapport annuel retraçant le bilan d'application de la loi. Ce rapport doit être rendu public avant l'examen par le Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il serait par conséquent plus sage d'attendre la publication du premier rapport du Comité pour envisager une modification de la loi.
La démarche du Gouvernement apparaît donc prématurée et hasardeuse.
La commission des affaires sociales ne peut accepter que l'on méconnaisse ainsi les droits du Parlement et la nécessité de consulter les différents acteurs parties prenantes de ce dispositif. Une telle façon de procéder n'aboutira qu'à un échec d'ores et déjà assuré.
Sur le fond, ces deux articles sont naturellement liés.
L'article 72 repousse au 31 décembre 2000 - le reportant de deux années - l'achèvement de la réforme de la tarification. Chacun sait ici combien de Sénat est attaché au principe d'une réforme de la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées, réforme dont la loi du 24 janvier 1997 posait précisément les fondements.
La loi du 24 janvier 1997 prévoit que la tarification se fera désormais en fonction de l'état des personnes âgées hébergées et non du statut des établissements, afin de mettre un terme à des mécanismes tarifaires depuis longtemps critiqués.
Elle dispose ainsi que, pour pouvoir continuer à héberger des personnes âgées dépendantes après le 31 décembre 1998, les établissements devront avoir passé une convention pluriannuelle tripartite avec le président du conseil général et l'autorité compétente en ce qui concerne l'assurance maladie, respectant un cahier des charges.
Chacun ici en a bien conscience, il s'agit d'une réforme délicate à mettre en oeuvre dans la mesure où nous devons passer d'une tarification en quelque sorte binaire, qui distingue les soins, d'une part, de l'hébergement, d'autre part, à une tarification en trois éléments correspondant aux trois identités de la personne âgée dépendante résidant en établissement.
Il faut en effet considérer tout à la fois l'usager citoyen, qui pourvoit comme tout un chacun à ses dépenses de gîte et de couvert, étant entendu que les personnes démunies de ressources bénéficient de l'aide sociale départementale ; l'usager assuré social, qui se voit rembourser par l'assurance maladie les soins qui lui sont nécessaires, notamment une partie de ceux qui sont liés à sa dépendance, et l'usager dépendant, qui bénéficie en établissement de prestations sociales et domestiques directement liées à son niveau de dépendance et financées par la PSD.
Le souci du législateur avait été de fixer une date butoir au 31 décembre 1998 afin de contraindre le gouvernement - quel qu'il soit - à entamer les travaux préparatoires à cette réforme dans les meilleurs délais.
Mme Martine Aubry avait indiqué, lors de la réunion du Comité national de la coordination gérontologique, le 26 novembre 1997, que les textes réglementaires nécessaires et préalables à cette réforme, c'est-à-dire le décret en Conseil d'Etat fixant les nouvelles règles de la tarification, le décret relatif aux normes techniques de fonctionnement et l'arrêté définissant le cahier des charges que devront respecter les conventions pluriannuelles tripartites prévues par la loi, seraient publiés en mai 1998.
A ce jour, aucun texte n'a encore été publié.
M. Emmanuel Hamel. Il reste trois jours !
M. André Jourdain, rapporteur pour avis. Le Gouvernement prétend désormais que l'ensemble des textes réglementaires paraîtra en juin. Rien n'est moins sûr !
On comprend mal, dès lors, l'urgence dans laquelle le Gouvernement souhaite repousser la date d'achèvement de cette réforme, alors même que le dispositif réglementaire qui la définit n'a pas encore été publié. Cette précipitation ne peut être que l'indice des difficultés que connaît le Gouvernement dans la mise au point des textes porteurs de la nouvelle tarification.
C'est donc parce qu'il est incapable de mener à bien la réforme de la tarification que le Gouvernement propose d'en reporter l'échéance.
Si le Parlement accepte le report de deux années de l'achèvement de cette réforme, rien ne nous garantit que la nouvelle tarification verra effectivement le jour.
En outre, il paraît quelque peu prématuré de reporter l'achèvement d'une réforme dont les modalités devraient être connues incessamment, si l'on en croit les déclarations du Gouvernement.
Il sera bien temps, à l'automne, de repousser la date d'achèvement de cette réforme si le besoin s'en fait effectivement sentir. Et cela se fera au vu des textes porteurs de la nouvelle tarification et à l'occasion d'un véritable débat et non d'une procédure à la sauvette bien peu glorieuse.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. André Jourdain, rapporteur pour avis. L'adoption d'un tel report serait aujourd'hui un signal désastreux pour l'ensemble des partenaires du dispositif de la PSD : elle conduirait à une incompréhension et à un attentisme qui pourraient être fatals à la PSD.
J'en viens maintenant à l'article 73 du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui prévoit que des montants minimaux de PSD seront définis, pour la prestation en établissement et pour la prestation à domicile, par un barème fixé par décret. Il s'agit là d'une question maintenant ancienne qui oppose la Haute Assemblée à l'administration du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Lors du débat sur la proposition de loi instaurant la PSD, le Sénat s'était opposé à toute notion de barème national, qui ne permettrait pas de tenir compte de la diversité des situations locales. Il avait rallié à ses vues le Gouvernement et l'Assemblée nationale.
Cette décision n'a cependant jamais été acceptée par l'administration du ministère de l'emploi et de la solidarité, qui s'est efforcée d'introduire cette notion dans les décrets d'application de la loi. Cette tentative a échoué grâce à l'action vigoureuse des auteurs de la proposition de loi et du président de la commission des affaires sociales, M. Fourcade.
L'administration a décidément la mémoire longue, car l'article 73 du projet de loi revient à la notion de barème national, témoignant ainsi de la détermination des bureaux face à un choix du Parlement qu'ils récusent !
Le Gouvernement justifie la modification proposée par une inégalité de traitement entre les départements dans les montants de PSD accordés.
Il existe effectivement, chacun en convient, des disparités entre les montants des prestations versées selon les départements. Elles étaient cependant en voie de résorption progressive.
En outre, il faut avoir la sagesse de reconnaître que les coûts ne sont pas les mêmes en Ile-de-France et dans un département rural et que toute comparaison des montants de prestations versées ne sauraient avoir de véritable sens si elle n'est pas rapportée aux montants à solvabiliser.
Les prix de journée en établissement varient ainsi fortement selon les départements ; ceux dans lesquels les montants de PSD sont les plus élevés ne sont dès lors pas nécessairement ceux dont le taux de solvabilisation est le plus important. Ces précisions démontrent qu'il convient d'aller au-delà d'une approche simplificatrice consistant à comparer uniquement les montants de PSD accordés.
Enfin, et c'est là l'essentiel, le Gouvernement devrait avoir la franchise de reconnaître qu'une partie des disparités invoquées pour ce qui est des établissements provient précisément de l'absence de la réforme de la tarification prévue par la loi du 24 janvier 1997. Comme l'a souligné l'étude réalisée par l'ODAS, les conseils généraux ont été amenés à adopter, en l'absence de réforme de la tarification, une attitude de prudence et d'attente accompagnée de mesures provisoires.
Si les décrets porteurs de la nouvelle tarification étaient parus, il est probable que la plupart des difficultés évoquées se seraient résorbées d'elles-mêmes.
La conjonction de l'institution d'un barème national pour la PSD et du report de l'achèvement de la réforme de la tarification risque fort de se solder par l'abandon pur et simple de toute réforme de la tarification.
L'article 73 prévoit que les montants minimaux et maximaux de PSD seront définis selon un barème fixé par décret. Or nous n'avons naturellement pas eu connaissance de ce projet de décret. Le Gouvernement demande en quelque sorte au Parlement un blanc-seing que nous ne pouvons que lui refuser.
Le Gouvernement fait le choix d'accroître la charge financière des départements sans même prendre la peine de les consulter.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. André Jourdain, rapporteur pour avis. Il méconnaît ainsi la compétence des conseils généraux et, d'une manière plus générale, le principe de l'autonomie des collectivités locales.
Pour l'ensemble de ces raisons et considérant que ces deux articles compromettent gravement l'avenir de la prestation spécifique dépendance, la commission des affaires sociales vous demandera de bien vouloir adopter les deux amendements de suppression des articles 72 et 73 qu'elle vous soumettra. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Poncelet, président de la commission des finances, et M. Lambert, rapporteur, applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après les interventions très complètes et très précises de MM. les rapporteurs, il me paraît utile, surtout dans le contexte actuel, de mettre en quelques mots l'accent sur le rôle joué par le Sénat dans l'élaboration de ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Sans revenir de manière détaillée sur les statistiques, qui ont d'ailleurs été rappelées par M. Lambert, je soulignerai cependant que, sur cinquante-trois articles faisant l'objet de la navette, l'Assemblée nationale en a retenu vingt-six, et ce dans la rédaction du Sénat ou dans une rédaction de compromis.
M. Emmanuel Hamel. Bon pourcentage !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ainsi, malgré l'échec de la commission mixte paritaire à propos d'un article que je qualifierais volontiers de « politiquement sensible », le bicamérisme a, comme vous le constatez, fonctionné de manière efficace et harmonieuse.
Je regrette d'autant plus l'échec de la commission mixte paritaire qu'il a porté, sur l'initiative de nos collègues députés, sur un article que j'ai jugé à l'instant « politiquement sensible » : il s'agit de l'article 36, relatif à l'ouverture du capital d'Air France. Or celui-ci risque fort, s'il est voté, de n'être jamais appliqué. En effet, le président de la compagnie Air France, auditionné par la commission des finances la semaine dernière, nous a laissé entendre que l'article 36 n'aurait pas de suites juridiques, compte tenu de l'hostilité des pilotes - hostilité qu'ils ont à nouveau manifestée - et que, en revanche, il espérait faire aboutir une négociation sur le gel programmé des salaires, selon la méthode employée par une société concurrente, la Lufthansa.
Mais, au-delà de cette « péripétie », cette satisfaction légitime sur le bon fonctionnement du bicamérisme, le Sénat étant, comme l'a dit l'ancien président de la République François Mitterrand,...
M. Marc Massion. Excellente référence !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... une institution indispensable à l'équilibre des pouvoirs dans ce pays - je le rappelle à certains -,...
M. Emmanuel Hamel. Belle citation !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... cette satisfaction légitime sur le bon fonctionnement du bicamérisme, disais-je donc, est partagée par les commissions des finances des deux assemblées. Comme l'a fort bien écrit le rapporteur général de l'Assemblée nationale : « L'échec de la commission mixte paritaire ne signifie pas rupture. La navette entre les deux assemblées se poursuit et votre commission des finances de l'Assemblée nationale a examiné le texte adopté par le Sénat de façon constructive, conformément à l'esprit de notre système bicaméral. »
M. René Régnault. Il faut s'en inspirer !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. L'apport du Sénat va même au-delà des quelques chiffres que j'ai cités. En effet, même si des amendements n'ont pas été retenus par l'Assemblée nationale, certains d'entre eux ont fait l'objet de commentaires encourageants pour l'avenir. Ainsi le rapporteur général de l'Assemblée nationale et le secrétaire d'Etat - sous le contrôle de qui je parle - sont-ils convenus de reprendre dans le projet de loi de réforme du droit des sociétés des suggestions émises par le Sénat, et rappelées voilà quelques instants par notre collègue M. Marini, au nom de la commission des finances, tant en matière de rachat des actions de sociétés non cotées que de définition du contrôle de fait. De la même manière, les propositions votées par le Sénat pour la réforme du crédit d'impôt recherche, pour l'attribution du FCTVA à des investissements effectués en faveur de la sécurité publique ou redéfinissant un taux moyen obligataire, TMO, pour les sociétés privées doivent-elles être reprises sous une forme ou sous une autre - le Gouvernement, par votre voix, monsieur le secrétaire d'Etat, s'y est engagé - dans le projet de loi de finances pour 1999.
M. Philippe Marini, rapporteur. Le plus tôt sera le mieux !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Dues à l'initiative du Sénat, ces propositions seront ainsi reprises - nous nous en réjouissons - par le Gouvernement dans quelques mois. De même, et j'arrêterai là mon énumération, les articles additionnels votés par le Sénat en ce qui concerne tant la répartition des indemnités de fonction des présidents de conseil général ou de conseil régional que la définition des « fenêtres » pour l'attribution de stock-options devraient connaître des suites que nous espérons rapides dans des projets de loi spécifiques.
Fidèle à sa vocation, la Haute Assemblée a ainsi ouvert des pistes de réflexion que chacun s'est accordé à reconnaître comme particulièrement intéressantes. Pour ma part, je n'éprouve pas d'amertume excessive, même si j'ai quelque regret, à constater que les amendements correspondants n'ont pas pu être immédiatement adoptés.
M. Alain Lambert, rapporteur. Ils le seront maintenant !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ce Gouvernement,...
M. René Régnault. Est bon !
M. Philippe Marini, rapporteur. Attendez la suite, monsieur Régnault !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ce Gouvernement, dis-je, comme tous ceux qui l'ont précédé, il faut le reconnaître, est, hélas ! réticent à voir le Parlement empiéter sur ce qu'il considère, à tort, comme son terrain réservé, celui de l'initiative législative, qui doit demeurer l'exclusivité du Gouvernement ; eh bien non, ce n'est pas une bonne démarche dans un système démocratique !
M. Alain Lambert, rapporteur. Le Parlement n'est pas le greffier du Gouvernement !
M. Philippe Marini, rapporteur. Son porte-plume !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Il y a là une sorte de tradition républicaine - je la qualifierai de tradition républicaine à la française - que chacun appréciera. Pour ma part, je ne l'approuve pas. Mais nous serons vigilants, nous ne manquerons pas de faire valoir nos « droits d'auteur », si je puis employer cette expression.
Toutefois, si la commission des finances et le Sénat tout entier ont exercé la plénitude de leurs compétences constitutionnelles, ce DDOEF présente néanmoins certaines imperfections que je me dois de relever.
J'en citerai quelques-unes.
Le Gouvernement a jugé irrecevables certaines propositions, au motif qu'elles n'auraient ni un caractère économique ni un caractère financier. Mais le propre d'un principe est qu'il ne se divise pas, qu'il doit s'appliquer systématiquement. Or, sans vouloir dresser un inventaire complet, je suis plus que sceptique sur le caractère économique ou financier d'articles tels que celui qui porte création - écoutez bien ! - d'assistants spécialisés auprès des tribunaux ou celui qui concerne les attributions des inspecteurs de la formation professionnelle, articles d'origine gouvernementale. Selon moi, il ne saurait y avoir deux poids deux mesures - pour reprendre une expression populaire - en matière de recevabilité, selon que les amendements plaisent ou déplaisent à la majorité de l'Assemblée nationale ou au Gouvernement lui-même.
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est tout à fait cela !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. A titre d'exemple, je rappellerai l'article 52 bis sur la chasse au gibier d'eau,...
M. Alain Lambert, rapporteur. Très important !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... article voté - il convient de le rappeler - à l'unanimité par le Sénat...
M. Philippe Marini, rapporteur. Chasseurs et non-chasseurs confondus !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... et qui a des répercussions directes et évidentes sur les finances publiques, en particulier sur les recettes de l'Office national de la chasse. Evacuer cet article,...
M. Alain Lambert, rapporteur. Le « flinguer » !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... en recourant, ce qui m'a surpris, à la procédure du vote bloqué, au motif qu'il n'a pas sa place dans un DDOEF, me paraît relever plus du parti pris que d'une approche juridique stricte, surtout après les exemples que je viens de citer. Mais je n'en dirai pas plus.
Ma deuxième critique - elle est plus substantielle encore - porte sur le trop grand nombre d'articles additionnels votés par l'Assemblée nationale, le plus souvent sur l'initiative directe ou indirecte du Gouvernement : ...
M. Jean Arthuis. Ce n'est pas convenable !
M. René Régnault. Ce n'est pas la première fois !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... qu'il s'agisse d'articles de dernière minute, qui ne sont même pas explicités dans le rapport écrit de notre collègue député M. Didier Migaud, rapporteur général, ou d'articles parfois lourds, concernant, par exemple, des validations ou, plus particulièrement encore, la prestation spécifique dépendance. S'agissant de cette prestation, le rapporteur pour avis, M. André Jourdain, a porté un jugement pertinent voilà quelques instants à cette tribune.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai peine à croire - et mon expérience est ancienne - que les articles 72 et 73 aient été rédigés par vous-même ou vos services à la dernière minute et qu'aucun d'entre eux n'était prêt à être débattu en première lecture, soit à l'Assemblée nationale, soit au Sénat. Vous vouliez procéder à cette opération subrepticement. Or, nous le savons bien, la procédure du dernier mot prévue à l'article 45 de la Constitution ne permettra pas à l'Assemblée nationale de débattre suffisamment au fond, quitte à les modifier, des propositions que nous avons émises en nouvelle lecture sur ces deux articles. Tout cela, permettez-moi de vous le dire, manque quelque peu d'élégance.
Est-il, enfin, convenable d'introduire en nouvelle lecture des dispositions qui auraient dû faire l'objet d'un projet de loi spécifique, soigneusement négocié avec les associations représentatives des conseils généraux ? Cela vous avait été demandé à la fois par le président de l'assemblée permanente des présidents de conseils généraux et par le rapporteur des affaires sociales au sein de cette institution, notre collègue de la commission des finances, M. Michel Mercier.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Mais vous n'y avez pas donné suite.
Ma troisième critique, qui me paraît également, très importante, portera sur l'inflation fiscale, sur la multiplication de taxes ou d'impôts nouveaux.
Si, finalement, il n'y aura pas de taxe sur les pylônes,...
M. Alain Lambert, rapporteur. Ce n'est pas plus mal !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... ce qui prouve, soit dit en passant, l'utilité du bicamérisme pour calmer les ardeurs impromptues de l'Assemblée nationale, nous aurons peut-être trois taxes de plus à insérer dans le code général des impôts, à savoir une surtaxe pour l'élimination des farines non conformes, une taxe sur les remontées mécaniques et une taxe sur les commerçants saisonniers.
M. Philippe Marini, rapporteur. Quelle imagination !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Même si ces prélèvements nouveaux peuvent répondre à des difficultés réelles - nous en débattrons lors de l'examen des articles - il me paraît urgent de mettre un terme à cette inflation fiscale et, à tout le moins, de se donner le temps de rédiger des articles fiscaux, art difficile, sans prendre quelques libertés avec des principes à valeur constitutionnelle. Il suffit de se reporter à la taxe sur les commerçants saisonniers.
D'autant plus que ce projet de loi, on l'oublie peut-être, avait pour objet initial de simplifier les formalités administratives des entreprises. Les entreprises concernées par les taxes que je viens d'évoquer, si celles-ci sont adoptées, apprécieront certainement les « simplifications » qui en résulteront.
Les services concernés devront procéder à des recherches qui apparaîtront très rapidement comme des tracasseries administratives, lesquelles deviendront vite insupportables, d'autant que le produit généré par lesdites taxes ne sera pas élevé.
Au terme de ces quelques remarques, je ne peux que reprendre les excellents propos de M. Lambert sur la philosophie des amendements que la commission des finances présentera en nouvelle lecture. Cette philosophie est simple, mes chers collègues : continuer notre dialogue constructif avec l'Assemblée nationale, manifester notre agacement - je reste modéré dans l'expression - à l'égard du Gouvernement pour son attitude un peu discourtoise à l'encontre du Sénat et faire respecter les dispositions de notre Constitution préservant les prérogatives du Parlement en général et de la Haute Assemblée en particulier. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. La ligne bleue des Vosges diffuse la lumière ! (Sourires.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Les compliments viennent de la montagne !
M. le président. Elle éclaire beaucoup de monde ! (Nouveaux sourires.)
(M. Paul Girod remplace M. Michel Dreyfus-Schmidt au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, si M. le président de la commission des finances Christian Poncelet et MM. les rapporteurs Alain Lambert, Philippe Marini et André Jourdain ont adressé des remarques parfois sévères au Gouvernement, leur ton a toujours été mesuré et courtois, et c'est donc ainsi que je vais essayer de leur répondre.
Nous abordons aujourd'hui la dernière lecture de ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui est inspiré par la priorité en faveur de la croissance, de l'investissement et de l'emploi, affichée par le Gouvernement. Un certain nombre de mesures techniques qui vous sont proposées ont pour objet de préparer notre pays à se placer au premier rang au XXIe siècle et à continuer à bénéficier d'une croissance durable et d'une solidarité toujours réaffirmée.
J'ai constaté, lors de la première lecture, qu'un certain nombre de dispositions ne suscitaient pas l'accord de la majorité sénatoriale. Mais le Gouvernement, pour sa part, a fait preuve d'une attitude constructive : il s'est efforcé, comme MM. Lambert, Marini et Poncelet l'ont encore dit avec talent, d'aller dans le sens du Sénat et de l'Assemblée nationale lorsque les positions de ces deux émanations du suffrage universel convergeaient.
Ainsi, s'agissant par exemple de la disposition autorisant la cession gratuite de matériels informatiques, dont la Haute Assemblée, je crois, est à l'origine, le Gouvernement s'est finalement rendu aux arguments très convaincants des parlementaires alors qu'il y était initialement opposé, au nom de principes de bonne gestion.
Mais, sur d'autres points, des divergences profondes se sont manifestées sans qu'un accord ait pu se dégager en commission mixte paritaire. A cet égard, je reprendrai un certain nombre de points.
Les mesures relatives à la simplification administrative sont tout à fait indispensables - je pense que nous en sommes tous d'accord - à la création et au développement de petites et moyennes entreprises, principales sources d'emplois, comme chacun le sait.
Cependant, certains aménagements adoptés par la Haute Assemblée en première lecture paraissaient difficiles à accepter. Ainsi, s'agissant de l'extension aux secteurs du bâtiment, du tourisme et des hôtels, cafés, restaurants du dispositif de gestion simplifiée des intermittents du spectacle, le Gouvernement trouve important qu'une concertation avec les partenaires sociaux intervienne avant toute législation à cet égard.
J'en viens maintenant aux conditions d'accompagnement du passage à l'euro pour nos entreprises, notamment les entreprises financières, point qui a été longuement évoqué par M. Marini, avec son talent habituel et les connaissances qui sont les siennes en la matière.
Il est fondamental de permettre à nos entreprises financières, qui vont être confrontées à une concurrence beaucoup plus vive que par le passé, d'aborder cette échéance avec tous les instruments nécessaires. Sinon, c'est l'emploi du secteur qui serait touché et, plus largement, la capacité d'innovation et de préparation de l'avenir que nos institutions financières doivent offrir à toute l'économie.
Ce point a été noté, et de nombreuses améliorations ont donc été apportées au projet de loi sur l'initiative de M. le rapporteur Philippe Marini, dont les propositions allaient tout à fait dans le bon sens.
Cela dit, il reste un écart entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur un certain nombre de dispositions que vous avez qualifiées de « substantielles », monsieur le rapporteur.
Je reprendrai l'exemple du conseil de la gestion financière, que vous avez cité.
Le Gouvernement n'a pas cru utile d'ajouter une nouvelle instance à un ensemble déjà complexe, et il a considéré que, là encore, une consultation préalable s'imposait. Toutefois, l'administration et le Gouvernement n'entendent pas avoir en la matière le monopole de la réflexion. M. le président de la commission des finances a fait allusion à un projet de loi spécifique au droit des sociétés qui devrait venir en discussion l'an prochain. Il est clair, sans parler de droits d'auteur, que la contribution intellectuelle apportée par le Sénat sera pleinement reconnue.
Je souhaiterais par ailleurs apaiser les inquiétudes qui se sont exprimées depuis la première lecture sur les conséquences, pour les coopératives, des dispositions de l'article 25 relatif à l'appel public à l'épargne. En effet, ces établissements sont souvent amenés à émettre des parts sociales dans le cadre de leur activité propre, qu'il s'agisse d'approvisionnement, de commercialisation de produits auprès d'adhérents ou de crédit aux sociétaires des banques coopératives.
Il n'est dans l'intention ni du Gouvernement ni de la Commission des opérations de Bourse de soumettre ces émissions au régime de l'appel public à l'épargne. En effet, le placement de valeurs mobilières par les coopératives est connexe à leur activité principale. Le souscripteur de ces valeurs cherche non pas à réaliser un investissement financier, mais à bénéficier d'un droit d'entrée donnant accès à certains services ou à certains biens.
A ce titre, je vous confirme que l'émission de parts sociales par les coopératives n'entre pas dans le champ de l'appel public à l'épargne tel qu'il est défini au I de la nouvelle rédaction de l'article 6 de l'ordonnance du 28 septembre 1967.
Par conséquent, il s'agit non pas d'une offre au public d'instruments financiers, mais d'une simple opération commerciale ayant pour conséquence accessoire la souscription d'une ou plusieurs parts sociales de coopérative.
J'en viens maintenant aux dispositions du projet de loi relatives au secteur public, qui ont été profondément transformées par le Sénat en première lecture, et M. le président de la commission des finances a évoqué à nouveau à cet égard, dans son intervention, la question d'Air France.
Depuis sa mise en place au mois de juin dernier, le Gouvernement a choisi de traiter le secteur public dans le souci de l'intérêt national, des entreprises concernées et de leurs salariés. Dans ce cadre, un certain nombre de dispositions de projet de loi ont pour objet d'améliorer les missions du service public, de faire évoluer son statut et de clarifier sa stratégie.
C'est la raison pour laquelle, lorsque le Sénat a supprimé l'article 36 relatif à Air France, ce texte a été rétabli en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, conformément au voeu du Gouvernement.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez fait allusion aux propos du président d'Air France selon lesquels les salariés de cette grande entreprise, qui est nationale et qui le restera, auraient le choix entre deux propositions : soit la combinaison d'une diminution de salaire et d'une entrée dans le capital de l'entreprise - c'est l'objet de l'article 36 - soit la combinaison du maintien des salaires et d'un ralentissement de l'avancement.
Cette ouverture de la part du président d'Air France ne peut exister que dans la mesure où elle s'appuie sur l'article 36. C'est pourquoi le Gouvernement vous demande à nouveau de voter ce texte.
J'en viens au titre IV du projet de loi, qui concerne la protection de l'environnement et de la santé publique. A cet égard, j'évoquerai le sujet sensible du financement de la destruction des stocks de farines d'origine animale qui ne sont pas conformes à la nouvelle législation sanitaire communautaire.
En première lecture, le Sénat avait adopté un amendement fixant à 5 millions de francs le seuil d'exonération de la taxe additionnelle à la taxe créée en 1996. Cet ordre de grandeur a semblé au Gouvernement aller très au-delà de la nécessaire exonération des petits artisans bouchers. La solution proposée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, fixant ce seuil à 3,5 millions de francs et raccourcissant de quelques mois la durée de prélèvement de cette taxe, me paraît donc bonne et devrait - c'est du moins ce que j'espère - obtenir le soutien de la Haute Assemblée.
Enfin, je dirai quelques mots sur le titre V du projet de loi, qui regroupe un certain nombre de dispositions diverses, notamment le dispositif du GIE fiscal qui avait fait l'objet de nombreux amendements du Sénat.
Le Gouvernement persiste à considérer comme bon le nouveau dispositif, qui est favorable aux professionnels des secteurs concernés, notamment de la flotte de commerce.
Par conséquent, comme vous, le Gouvernement regrette l'échec de la commission mixte paritaire en raison d'écarts très importants entre l'Assemblée nationale et le Sénat, sur certain nombre de points tout à fait fondamentaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est donc un texte enrichi sur des points importants par l'Assemblée nationale qui vous est soumis aujourd'hui en nouvelle lecture.
Je reviendrai très rapidement sur deux améliorations.
S'agissant des restrictions liées au suicide en matière d'assurance vie et de la difficulté pour les conjoints de bénéficier de ces contrats d'assurance vie, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et moi-même avions pris un engagement en la matière. Conformément à ce dernier, un dispositif a été adopté par l'Assemblée nationale afin d'alléger ces restrictions, voire, dans certains cas, à les supprimer totalement.
Le délai d'exclusion légale du suicide a ainsi été ramené de deux ans à un an dans le cas des contrats individuels et a été complètement supprimé pour les contrats de groupe, qu'il s'agisse d'assurance emprunteurs ou de prévoyance collective. Cette modification répond, je crois, aux préoccupations exprimées par les sénateurs dans cette enceinte.
Par ailleurs, un assouplissement des conditions dans lesquelles un fonds commun de créances peut exercer son activité a été voté par l'Assemblée nationale, en complément d'un article adopté en première lecture par le Sénat sur l'initiative de M. Loridant.
L'objectif, une fois encore, est de favoriser l'emploi dans le secteur financier, en levant un certain nombre des limitations qui alourdissent le coût de financement de nos entreprises et qui pourraient engendrer des délocalisations d'activités.
J'en viens maintenant aux articles 72 et 73, sur lesquels sont intervenus longuement M. Lambert, rapporteur, M. Jourdain, rapporteur pour avis, ainsi que M. Poncelet président de la commission des finances.
Je tiens tout d'abord à vous présenter les excuses de Mme Aubry, qui est à l'Assemblée nationale et qui ne peut donc vous répondre sur ces deux articles. Je vais donc m'efforcer de le faire à sa place.
Je distinguerai, comme M. Jourdain, les questions de méthode et les questions de fond, de façon que notre dialogue soit aussi précis et aussi courtois que possible.
Comme l'a rappelé M. le rapporteur pour avis, la loi du 24 janvier 1997 a institué une prestation spécifique dépendance.
La volonté du Gouvernement consiste non pas à remettre en cause cette loi, même si elle a été votée sur l'initiative d'un gouvernement précédent,...
M. Henri de Raincourt. Sur l'initiative du Sénat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... mais à accélérer son application, car ce texte est attendu par les personnes âgées dépendantes qui devraient en bénéficier.
Un bilan réalisé à la fin du mois de mars dernier fait apparaître que seules 15 000 personnes bénéficient de ces nouvelles dispositions, contre 1,5 million en Allemagne.
Il démontre également l'existence d'écarts considérables - de un à dix - entre les prestations versées, écarts qui ne peuvent à mon avis s'expliquer uniquement par des différences de coût entre les départements, monsieur le rapporteur pour avis. Il semble même que certaines collectivités locales ont commencé à réaliser des économies sur l'allocation compensatrice pour tierce personne.
En d'autres termes, s'il y a eu effort financier supplémentaire - effort que l'actuel gouvernement n'a pas demandé, au demeurant, mais qui a été rendu nécessaire par l'application de la loi du 24 janvier 1997 - il s'est traduit par une certaine forme de contraction.
Voilà pourquoi le Gouvernement a souhaité, pour accélérer la mise en oeuvre de ce dispositif, vous proposer ces deux articles additionnels.
Avec l'article 72, monsieur Jourdain, il s'agit non pas de centraliser et de mettre en place une sorte de tarification nationale, mais de faire en sorte que les 9 000 établissements concernés poussent, chacun en ce qui le concerne, la négociation sur la mise en place d'une tarification spécifique. Or il semble bien, mais je fais confiance au Sénat sur ce point comme sur beaucoup d'autres - que ces 9 000 négociations ne pourront pas être « bouclées » d'ici au 31 décembre 1998. Dans ce cas, ces établissements se trouveraient dans une situation juridiquement difficile qui, à la limite, leur interdirait d'accueillir des personnes en état de dépendance.
Par conséquent, je crois que l'article 72 n'a d'autre objet que de permettre une bonne application de la loi.
Quant à l'article 73, il permettra au Gouvernement - s'il est adopté - de fixer par décret un taux minimal pour la prestation versée par les départements.
Cet article a suscité de votre part de nombreuses critiques. Permettez-moi cependant de vous dire qu'il s'agit d'un taux minimal et non d'un taux moyen, ce qui est tout à fait important, et qu'il s'agit pour le Gouvernement - c'est une conviction que j'aimerais vous faire partager - d'ouvrir une possibilité, laquelle ne serait mise en oeuvre qu'après concertation. J'insiste sur ce point, car MM. Jourdain et Poncelet ont lancé un appel à la concertation, et il est clair qu'il faudra, en la matière, se rapprocher de l'Association des présidents de conseils généraux.
Par conséquent, cet article 73, qui a été critiqué, ouvre une possibilité d'agir, mais le Gouvernement s'engage à ne le faire que dans le cadre d'une concertation avec les représentants des conseils généraux, de façon à parvenir non pas à l'uniformité, monsieur Jourdain, mais à une situation un peu plus homogène sur l'ensemble du territoire.
M. Michel Mercier. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous en prie, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Mercier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de me permettre de m'exprimer à propos des deux dispositions nouvelles qui ont été introduites à l'Assemblée nationale en seconde lecture, sur l'initiative de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Comme vous l'avez indiqué, se posent à la fois des questions de forme et des questions de fond.
Nous avons été surpris, tout d'abord, par l'introduction de ces deux amendements, qui est intervenue non seulement au milieu du débat sur le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, mais aussi alors que la négociation avec les département et l'APCG a été engagée avec Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité le 12 mai dernier, dans une excellente ambiance : je parle sous le contrôle de notre collègue Jean Chérioux, qui était présent à cette négociation.
Les sujets que les départements ont à traiter avec le Gouvernement sont des sujets importants : prestation dépendance, réforme de la tarification, assurance vie universelle, mise en oeuvre de la loi contre les exclusions. Pour beaucoup d'entre eux, ces sujets ne provoquent pas les habituels clivages partisans et ils doivent, pour aboutir dans de bonnes conditions, recueillir un assentiment large dans le pays.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Michel Mercier. Quoi qu'il en soit, les départements sont prêts à un dialogue fructueux avec Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et, le 12 mai, la négociation a été engagée sur de bonnes bases. C'est pourquoi nombre d'entre nous ont considéré ces deux amendements comme un frein au dialogue.
Nous regrettons un peu la méthode utilisée.
M. Jean Chérioux. Beaucoup, même !
M. Michel Mercier. Oui, beaucoup, pour tout dire.
Mais je tiens à garder...
M. le président. Monsieur Mercier, permettez-moi de vous rappeler qu'une interruption ne peut excéder deux minutes !
M. Michel Mercier. Je m'aperçois que je vais devoir faire régler ma montre, monsieur le président ! (Sourires.)
M. René Régnault. Inscrivez-vous dans la discussion générale !
M. le président. En effet, vous pouvez toujours vous inscrire dans la discussion générale, mais je ne peux pas, en l'état, vous laisser aller au-delà de deux minutes, j'en suis navré.
M. Michel Mercier. Je vais être très bref, monsieur le président.
Je voulais simplement dire que, s'agissant de la PSD, il est très difficile d'avoir des chiffres exacts. Nous n'allons pas nous livrer à une bataille à ce sujet, mais je crois pouvoir dire que les départements ont pris avec un relatif enthousiame cette prestation nouvelle, et que les chiffres que nous avons sont un peu différents de ceux que vous avez annoncés, monsieur le secrétaire d'Etat.
En outre, on peut difficilement comparer la situation de l'Allemagne, qui a depuis longtemps instauré chez elle une prestation dépendance, avec un mécanisme qui démarre seulement chez nous, même s'il touche déjà environ 30 000 personnes.
S'agissant des écarts entre établissements, je crois que, là encore, nous sommes prêts à une vraie discussion et, sur la réforme de la tarification, nous sommes prêts à travailler avec Mme la ministre, et même à l'encourager. Nous sommes probablement les seuls aujourd'hui à soutenir cette réforme et il ne faudrait pas que, par l'emploi de procédés un peu brusques, Mme Aubry perde les soutiens dont elle va avoir besoin pour mener à bien cette réforme essentielle. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai écouté M. Mercier avec attention, et j'ai été très sensible à sa volonté de dialogue,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est toujours le cas au Sénat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... qui est partagée par le Gouvernement.
Mais je termine rapidement, monsieur le président.
M. le président. Vous avez tout votre temps, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vais quand même faire en sorte que nous puissions progresser dans le débat sur ce texte multiforme.
Je mentionnerai rapidement un certain nombre de dispositions positives qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale.
Il en est ainsi de l'extension aux logements en foyer du taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation des logements sociaux. Cette extension est, je le crois, importante d'un point de vue social,...
M. René Régnault. Très importante !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... mais aussi pour l'artisanat du bâtiment. C'est une mesure coûteuse, que le Gouvernement a cependant acceptée volontiers.
J'évoquerai enfin, tout aussi rapidement - mais nous y reviendrons certainement - le fait que le Gouvernement s'était engagé à trouver une solution pour mettre fin aux abus en matière de vignette automobile, sans pour autant limiter en quoi que ce soit la liberté de vote des impôts par les collectivités locales. En la matière, la solution qui a été adoptée doit beaucoup à M. Peyronnet, qui nous a aidés, au sein du groupe socialiste, à trouver une solution équilibrée.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne la taxe sur les activités saisonnières, la solution qui a été adoptée semble elle aussi équilibrée, même si l'on peut envisager de plafonner cette taxe pour éviter les risques d'inconstitutionnalité évoqués par M. Lambert.
Enfin, et ce sera ma dernière remarque - toujours courtoise - à M. le président Poncelet, je n'ai pas bien compris en quoi une disposition tendant à créer des assistants spécialisés pour lutter contre la fraude fiscale n'aurait pas sa place dans un texte de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Mais peut-être ai-je mal compris votre propos, monsieur Poncelet...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Une telle disposition a sa place dans un texte d'inspiration juridique, mais pas dans un texte d'ordre économique et financier !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous souhaitons tous lutter contre la fraude fiscale organisée, qui revêt, à l'évidence, un caractère financier puisqu'elle prive l'Etat, et donc notre pays, de ressources fiscales.
M. Alain Lambert, rapporteur. Cela n'a rien à voir, il ne s'agissait pas de cela !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Une telle disposition me paraît donc politiquement justifiée - ce dont vous ne doutez pas - et elle a certainement sa place dans ce texte, afin que ce dispositif puisse entrer en vigueur dans les semaines qui viennent.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est un argument que je vous resservirai dans quelque temps, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'arrêterai là mon exposé.
Je réitère, en conclusion, que c'est un esprit de dialogue qui nous a animés ainsi qu'une volonté d'aller dans le sens de la modernisation économique et sociale de notre pays. Ainsi, et les premières adaptations qui ont été apportées à ce projet de loi au cours de la discussion parlementaire le montrent, le Gouvernement est à votre écoute et il le sera encore dans la suite des débats. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, madame, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous nous étions quittés, à l'issue de la première lecture de ce projet de loi, sur la satisfaction d'avoir accompli ensemble un bon travail sur un texte long, touffu, parfois complexe, voire rébarbatif - comme le sont d'ailleurs si souvent les projets de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier - même s'il faut souligner l'effort du Gouvernement, qui a su dégager quelques lignes de force.
Sur soixante-cinq articles, dont vingt-huit articles nouveaux, le Sénat en avait adopté cinquante-cinq conformes et il avait encore enrichi le texte puisqu'il avait adopté trente-trois articles additionnels, dont plusieurs étaient issus de propositions de notre groupe.
Même si certaines dispositions proposées par la majorité sénatoriale étaient inacceptables, même si cette dernière avait dénaturé certains articles importants, la commission mixte paritaire qui s'est réunie peu après aurait pu déboucher sur un accord, achevant en beauté, si j'ose dire, ce travail législatif exemplaire.
Je regrette, par conséquent, que le maintien de certaines positions un peu dogmatiques, il faut bien le dire,...
M. Alain Lambert, rapporteur. Oh !
M. Guy Fischer. Idéologiques !
M. René Régnault. ... de la part des représentants de l'opposition parlementaire ait entraîné l'échec de cette commission mixte paritaire.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. On ne prête aux autres que ce que l'on se reproche à soi-même !
M. Alain Lambert, rapporteur. L'ouverture, c'est : « votez comme moi » !
M. René Régnault. Je pense, en particulier, à Air France : l'article 36 formalise les orientations équilibrées retenues par le Gouvernement et sa majorité en vue d'assurer le redressement durable de cette grande entreprise. Il permet de concilier l'intérêt général et celui des salariés. Sa suppression serait donc néfaste pour l'avenir d'Air France, surtout quand elle n'est justifiée que par la privatisation, c'est-à-dire la disparition d'une grande compagnie nationale...
M. Alain Lambert, rapporteur. Son sauvetage, au contraire !
M. René Régnault. ... qui contribue au rayonnement de la France dans le monde et à laquelle les Français sont attachés.
L'Assemblée nationale a donc repris le texte issu de nos travaux dans un esprit constructif, vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque la moitié des articles additionnels adoptés par le Sénat ont été conservés, notamment certaines propositions provenant du groupe socialiste.
Par exemple, l'article 35, qui traite de la desserte en gaz, semble dorénavant bien équilibré. Il définit avec précision un plan de desserte en gaz qui permettra de renforcer le réseau de distribution de Gaz de France. Quant aux deux ajouts importants que nous avions proposés en première lecture, ils renforcent la concertation autour du dispositif et nous sommes heureux que l'Assemblée nationale les ait conservés.
Cette satisfaction doit également être étendue à plusieurs dispositions que nous avions proposées en première lecture et qui ont été adoptées conformes par l'Assemblée nationale. Ainsi, les services départementaux d'incendie et de secours auront désormais la possibilité de bénéficier, en lieu et place des collectivités propriétaires, des attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. Voilà qui facilitera la mise en oeuvre de la départementalisation !
La clarification très attendue au sujet du complément de rémunération des fonctionnaires a également été adoptée conforme, même s'il convient de souligner que la solution retenue ne règle pas les situations créées depuis le 26 janvier 1984, avec l'apparition, en particulier, des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le groupe socialiste envisage d'ailleurs de déposer une proposition de loi portant notamment sur cette question.
Le rétablissement du caractère facultatif de l'établissement d'un budget annexe pour les services de distribution d'eau potable gérés en régie en faveur des communes de moins de 500 habitants est également une bonne chose. Cette disposition importante pourrait être étendue, car la formule du budget annexe est très lourde pour ces petites communes.

Une autre mesure importante est celle qui donne désormais la possibilité aux administrations, aux collectivités locales et à leurs établissements de céder gratuitement les matériels informatiques usagés aux écoles et aux associations de parents d'élèves. C'est une disposition utile pour le soutien scolaire et pour les parents d'élèves, notamment pour les familles les moins favorisées, qui ne peuvent équiper leurs enfants de cet outil pédagogique aujourd'hui indispensable.
S'agissant de la taxe d'équarrissage, l'Assemblée nationale a décidé de ramener le seuil de chiffre d'affaires de 5 millions de francs à 3,5 millions de francs.
M. Alain Lambert, rapporteur. Ce n'est pas bien !
M. René Régnault. Nous étions plutôt d'accord avec la majorité du Sénat !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ah !
M. Alain Lambert, rapporteur. Vous pourrez le manifester tout à l'heure !
M. René Régnault. Monsieur le rapporteur, cette disposition permettra de faire échapper tous les artisans bouchers dont le chiffre d'affaires est inférieur au seul de 3,5 millions de francs à la taxe d'équarrissage. Toutefois, la mesure prendra fin non plus le 31 mai 1999 mais le 31 décembre 1998.
Le dispositif a évolué au cours des navettes ; il nous paraît maintenant satisfaisant.
M. Alain Lambert, rapporteur. Vous êtes donc contre le seuil de 5 millions de francs ?
M. René Régnault. Monsieur le rapporteur, nous sommes pour la concertation, qui permet de déboucher sur un compromis acceptable par tous.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ce n'est pas la question qui vous a été posée !
M. René Régnault. En ce qui nous concerne, nous nous rallions donc à la disposition qui a été arrêtée et qui nous est maintenant soumise, car elle semble traduire un bon équilibre. J'espère que le Sénat en conviendra. (M. Lambert, rapporteur, s'exclame.)
Enfin, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je veux attirer votre attention sur le problème des indemnités servies aux élus des chambres de métiers. On doit absolument - et l'on peut - trouver une soluttion. Mais cela suppose que le contenu de notre amendement sur la question soit pris en compte, et ce quel que soit l'amendement adopté.
La deuxième lecture a été l'occasion de l'introduction de nouvelles dispositions, émanant le plus souvent d'amendements du Gouvernement.
Lorsqu'il s'agit du résultat de concertations, c'est bien.
A cet égard, je pense à l'article 39 bis, aboutissement d'un long débat, que le groupe socialiste du Sénat avait lancé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998, sur l'essor d'une évasion fiscale dangereuse pour la décentralisation et concernant le paiement de la vignette et de la taxe sur les cartes grises.
Il était important - nous l'avons toujours pensé - que ce soit la loi, et non pas le règlement, qui définisse clairement les règles de localisation des immatriculations. Même si nous aurions préféré que cette concertation trouve son aboutissement législatif au Sénat - c'est de bonne guerre ! - la disposition adoptée à l'Assemblée nationale est conforme à nos voeux.
Je pense également au nouvel article 45 bis, qui améliore la portée de l'article 100 de la loi de finances pour 1998 permettant de suspendre les poursuites contre les rapatriés réinstallés surendettés dont les demandes ne sont pas parvenues à terme, ou bien au nouvel article 47 bis, qui ramène de deux ans à un an le délai d'exclusion des assurés, en cas de suicide, pour le versement des capitaux d'assurance décès.
En revanche, quand des dispositions sont introduites sans concertation, c'est regrettable.
Je pense, en particulier, à la prestation spécifique dépendance. Le dépôt, en deuxième lecture, de deux amendements sans une discussion approfondie - la concertation a tout de même eu lieu puisque certains disaient, voilà quelques instants, y avoir participé - avec les collectivités territoriales directement concernées et avec leurs représentants, n'est pas satisfaisant. Cela frôle même, convenons-en, l'inacceptable.
Mais n'est-il pas vrai que nécessité fait loi ? De plus, il faut le reconnaître, c'est un peu la loi du genre. Ces projets de loi portant diverses dispositions, qui se succèdent, sont construits de façon très comparable. Ce DDOEF fait donc suite à d'autres, présentés par d'autres gouvernements, issus d'autres majorités. Alors, mes chers collègues, ne faites pas semblant d'en découvrir tout à coup et le principe, et la méthode !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Puisque vous votiez contre, vous ferez de même cette fois-ci !
M. René Régnault. En fouillant un peu dans nos mémoires, en nous reportant, surtout, à nos travaux, nous pourrions, monsieur le président Poncelet, argumenter chacun quant à la qualité, à la nature et à l'importance de ces textes.
Alors, sachons raison garder : même si, je le répète, la procédure est critiquable, il nous faut examiner le problème posé au fond.
D'ailleurs, en écoutant M. le rapporteur pour avis, je me suis dit qu'il était un excellent défenseur de ces deux dispositions et qu'il plaidait indirectement mais sûrement en faveur de leur introduction dans le projet.
L'Etat - c'est une de ses missions fondamentales - doit se préoccuper de la façon dont la solidarité s'exerce au travers du pays, y compris lorsqu'il n'est pas le financier « direct ».
Plus d'un an après son lancement, la prestation spécifique dépendance se voit remise en question de toutes parts. Les principaux reproches sont que l'on alloue des sommes bien en deçà de l'allocation compensatrice pour tierce personne, que l'on favorise un service au rabais et, surtout, que l'on enregistre de grandes disparités parce que ce qui s'apparente à un droit à vieillir dignement est accordé de façon très hétérogène d'un département à l'autre.
Sur 700 000 personnes âgées dépendantes en France, on compte aujourd'hui seulement 10 000 bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance, soit moins de 2 % de la population totale. Ne serions-nous pas là devant une forme d'exclusion, exclusion dont on a déjà parlé et dont on va débattre encore prochainement ?
La loi, d'origine parlementaire, fixe un cadre réglementaire souple au sein duquel chaque département est libre d'appliquer son barème et son type de fonctionnement. Résultat : le nombre de dossiers acceptés, comme le prix de journée fixé, varient du simple au triple, alors que la prestation évolue dans une fourchette encore plus large, de un à dix.
Le ministre de l'emploi et de la solidarité avait averti, en novembre dernier - j'imagine qu'il avait été un peu entendu - que, si les départements n'harmonisaient pas leurs tarifs, le Gouvernement ne pourrait pas accepter que les personnes âgées soient traitées de manière inégalitaire et qu'il serait alors obligé de prendre des mesures tendant à remédier à ces différences. C'est ce que le Gouvernement fait aujourd'hui, et c'est un acte responsable de sa part.
Par ailleurs, il faut rappeler devant la Haute Assemblée que les parlementaires socialistes, dans leur saisine du Conseil constitutionnel, en décembre 1996, avaient souligné « que, la prestation étant renvoyée au niveau du département, il en résulterait nécessairement des discriminations territoriales au détriment des personnes âgées dépendantes ».
Aujourd'hui, la loi votée est très largement remise en cause. Au cours du débat, les parlementaires avaient souligné abondamment les difficultés d'application. Maintenant, une réforme s'impose. C'est une première étape qui nous est aujourd'hui présentée par voie d'amendement. On garantit un minimum - vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat - en fixant par décret une fourchette, chaque assemblée départementale restant libre de fixer le montant réel dans cette fourchette.
M. Michel Mercier. C'est la liberté encadrée !
M. René Régnault. Cette garantie d'un minimum, que d'autres pays auxquels vous faites parfois référence n'ont pas encore adoptée, affecte les ressources des moins bien lotis ; elle s'apparente au SMIC, qui a été une bonne disposition pour les travailleurs français.
La politique du quatrième âge, dont la démographie française a grandement besoin, ne saurait se satisfaire d'une mesure au rabais, transitoire et inéquitable. Il faudra sans aucun doute que le Gouvernement s'attelle à une réforme en profondeur.
Mais, pour celles et ceux qui étaient concernés, il n'était pas raisonnable d'attendre. Il n'était pas responsable de les renvoyer à plus tard, alors que leur état appelle une décision sans délai. C'est le sens de ces deux articles, dont nous comprenons et acceptons le bien-fondé.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques observations, non exhaustives, que je voulais formuler au nom du groupe socialiste du Sénat, qui déterminera son vote final en fonction des modifications que la majorité sénatoriale ne manquera pas d'apporter au texte. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Henri de Raincourt. C'est sûr !
M. Alain Lambert rapporteur. Soyez confiant !
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la nouvelle lecture de ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier intervient après l'échec de la commission mixte paritaire constituée à l'issue de la procédure d'urgence.
Cette situation, qui est sans doute appelée à se reproduire dans l'avenir, du fait même des divergences d'appréciation existant sur les principaux dossiers entre l'Assemblée nationale et le Sénat, n'empêche toutefois pas ce texte de conserver un caractère pour le moins hétéroclite, caractère d'ailleurs renforcé par les débats menés, le 20 mai dernier, à l'Assemblée nationale.
Nous avons déjà indiqué, dans le passé, pour d'autres projets de loi similaires ou pour certains textes portant sur les domaines sociaux, qu'il ne nous semblait pas de bonne politique de concevoir ainsi des projets de loi « fourre-tout », servant à escamoter des débats importants ou à servir de « voiture balai » pour des dispositions de validation législative pour le moins discutables.
On ne peut en effet que souligner que les trois premiers titres de ce projet de loi auraient peut-être gagné à faire l'objet de textes séparés, dont l'examen eût sans doute pu être suffisamment appronfondi et, en même temps, suffisamment bref pour ne pas bousculer l'ordre du jour de notre assemblée.
C'est notamment vrai pour le titre Ier qui contient des mesures de simplification administrative sur la pertinence desquelles on peut - nous le ferons encore dans le cadre de la discussion des articles - toutefois s'interroger.
S'agissant du titre II, relatif aux conséquences techniques, dirai-je, de la mise en oeuvre de la monnaie unique, il nous aurait été loisible de nous interroger sur le sens profond des dispositions des articles 15 et 30, aujourd'hui votés conformes, et qui mettent en place des dispositifs dont la portée n'est pas que technique, c'est le moins qu'on puisse dire.
S'agissant, notamment, de la question d'une éventuelle indexation des revenus obligataires sur l'inflation, permettez-moi simplement de souligner qu'une telle disposition pourrait inspirer, à l'avenir, un certain nombre d'acteurs sociaux, notamment en matière de salaires ou de prestations sociales, ladite indexation ne signifiant pas, dans tous les cas, le simple suivi du mouvement de la hausse des prix.
Le titre III du projet de loi, qui concerne le secteur public, conserve, de notre point de vue, des défauts assez fondamentaux.
Nous sommes en effet confrontés directement à certaines problématiques.
La première est celle de savoir si, d'une certaine manière, le service public à la française a vécu et si nos conceptions n'ont, définitivement, plus aucune chance d'être prises en compte dans la construction européenne.
Les directives européennes en matière d'énergie ne semblent pas avoir d'autre objectif que celui de segmenter la clientèle des exploitants en vue d'offir les créneaux les plus porteurs - en l'occurrence, la clientèle des entreprises - à des prestataires issus du secteur privé dont la politique tarifaire, qu'on le veuille ou non, épousera, si l'on peut dire, les inégalités de développement du pays et confinera les opérateurs publics dans l'accomplissement d'une mission au plus près de ceux de nos compatriotes qui sont confrontés aux plus grandes difficultés économiques et sociales.
Nous pensons, à l'inverse de ce que laisse supposer la lettre actuelle de l'article 35 de ce projet de loi, qu'il nous faut être ambitieux pour notre service public de distribution du gaz et que c'est là l'un des vecteurs de notre indépendance énergétique et, partant, de notre développement économique.
S'agissant de l'article 36, force est de constater que nous devons nous interroger sur la pertinence de dispositions dont on n'est pas encore aujourd'hui certain qu'elles constitueront la lettre de l'accord collectif passé entre la direction de notre compagnie aérienne nationale et son personnel navigant.
Si le redressement de notre compagnie aérienne est aujourd'hui une nécessité, ne serait-ce que pour que notre pays puisse jouer tout son rôle dans le concert du transport aérien et, évidemment, dans l'ensemble de la filière aéronautique, de la conception à l'exploitation, on est contraint de se demander si la voie de la validation législative est nécessairement la meilleure, monsieur le secrétaire d'Etat.
L'ouverture du capital d'Air France au personnel de la compagnie est, d'une certaine manière, une sorte de renaissance de la société anonyme à participation ouvrière qui existait à l'époque d'UTA.
La majorité sénatoriale avait soutenu, en 1996, un projet de loi identique à celui que nous discutons aujourd'hui où cette forme d'actionnariat était en quelque sorte dissoute. Elle l'avait fait en pleine connaissance de cause, en vue de favoriser la privatisation ultérieure d'Air France, inscrite dans la loi de 1993.
Il est nécessaire de réfléchir aux termes de la négociation afin que soit clairement indiquée l'abrogation pure et simple de la privatisation d'Air France. Je me souviens d'ailleurs que certains des membres du Gouvernement avaient, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, cosigné une proposition de loi tendant à l'abrogation de la loi de 1993. Il nous semble aujourd'hui utile que nous procédions effectivement à l'examen de telles propositions, à la lumière de l'expérience.
Vous ne pourrez en effet que nous permettre de nous interroger sur la visibilité de la politique gouvernementale actuelle en matière de gestion du secteur public.
Le diktat que M. Van Miert a imposé dans l'affaire du Crédit lyonnais et qui, à terme, risque, sous prétexte de redressement, de mettre en cause l'existence même de l'établissement, n'est pas acceptable.
Il n'est pas acceptable que cette part importante de la politique économique soit ainsi soumise aux seuls desiderata de fonctionnaires européens qui confondent allègrement technicité et rôle politique, rôle que rien ne leur permet réellement d'exercer sinon une incroyable conception de la procédure européenne, pour laquelle l'ensemble de l'initiative est dévolu à la seule Commission.
Dans cette affaire, permettez-moi de le dire, les salariés n'ont, pour le moins, pas été autrement consultés que sur la portée et l'importance des licenciements et des suppressions d'emplois prévus dans les plans sociaux à répétition.
Au moment où l'un de ceux qui étaient investis d'un rôle majeur dans la direction du Crédit lyonnais lors de l'émergence de la crise veut exercer, même s'il devra attendre encore quatre ans, de hautes fonctions à l'échelon européen, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, nos interrogations.
Pendant ce temps, le Crédit industriel et commercial a été privatisé, même si le fait qu'il soit devenu un élément du Crédit mutuel peut apparaître comme un moindre mal, et l'on nous annonce maintenant que le Crédit foncier de France connaîtra bientôt le même sort, en attendant la réforme du statut des caisses d'épargne...
Nous avons en France, ne l'oublions pas, un grand secteur public dans le domaine de la banque et des assurances...
M. Jean Chérioux. Hélas !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... dont la cohérence est à la fois historique et profondément porteur d'innovation.
Nous ne croyons pas que la question de ce secteur public puisse, comme cela est encore le cas, être réglée au travers de l'examen circonstanciel de la situation de tel ou tel établissement. Elle doit être étudiée en prenant en compte l'ensemble des capacités d'intervention et des missions d'intérêt général qui peuvent être assignées à ce secteur public.
Des domaines fondamentaux de la vie économique de la nation, comme le logement, le financement des PME, l'innovation technologique, le développement de nos exportations, la couverture de risques pour les plus modestes de nos compatriotes, les investissements des collectivités locales ou le développement socio-culturel, ne peuvent être laissés à la seule loi de marché, qui n'a jamais fait la démonstration de son harmonie mais bien plutôt de sa rigueur et de sa dureté.
Nous ne pensons pas anormal qu'échappent à la seule loi des contreparties bancaires ou assurantielles des sommes plus ou moins importantes, drainées par d'autres réseaux de collecte, et que cette collecte réponde aux besoins que je soulignais à l'instant.
Nous pensons même, notamment au regard du gâchis qu'a pu constituer pour les comptes publics l'ensemble des dépenses fiscales destinées à « digérer » les pertes des groupes bancaires et assurantiels privés dans l'immobilier, que cela est nécessaire dans un pays moderne et avancé comme le nôtre.
Nous réitérons donc, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi portant DDOEF, notre demande d'un grand débat parlementaire sur les modalités de financement de notre économie et sur le rôle que peut et doit jouer, dans ce cadre, le secteur financier public, semi-public ou investi de missions d'intérêt général.
S'agissant du titre IV du projet de loi, intitulé « Dispositions diverses », je me permettrai de souligner le caractère pour le moins hétéroclite de ces articles, qui constituent d'ailleurs aujourd'hui l'essentiel des dispositions du projet de loi.
Il y a dans ce titre un mixage pour le moins délicat entre des mesures que nous pouvons approuver - et sur lesquelles nous n'aurons donc rien à redire - et des mesures dont nous ne partageons pas la philosophie. Nous avons d'ailleurs déposé un certain nombre d'amendements en ce sens.
Concernant les articles relatifs à la prestation spécifique dépendance, nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la discussion des articles.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Sans aucun doute !
Mme Marie-Claude Beaudeau. J'anticiperai cependant sur ce sujet en soulignant que, manifestement et ainsi que mon collègue M. Guy Fischer avait pu le souligner lors de la discussion de la loi de janvier 1997 instituant cette allocation, sans conteste, le système mis en place n'est pas satisfaisant ; il crée plus de disparités et de problèmes qu'il n'en résout.
La voie choisie par le ministère de l'emploi et de la solidarité est-elle la meilleure ? Nous en jugerons.
Toujours est-il que nous devons garder à l'esprit, dans ce débat, que nous nous adressons à des familles souvent aux prises avec un problème délicat et des charges nouvelles importantes liées au vieillissement et que c'est la qualité de la réponse que nous fournirons à ce problème qui « étalonnera » la qualité réelle de notre travail législatif.
Nous ne pouvons enfin, dans le cadre de ce débat, omettre un aspect assez fondamental de la situation économique de notre pays.
La reprise économique dans notre pays est bien réelle, malgré, cela dit en passant, une augmentation de la fiscalité des entreprises.
Le niveau de la consommation s'oriente plutôt à la hausse, de façon tendancielle ; nul doute d'ailleurs que cette consommation risque fort de connaître encore, du fait, par exemple, de la Coupe du monde de football, une nouvelle poussée positive.
Certains articles de presse relatent que les prévisions de recettes fiscales pour l'année 1998 seraient dépassées par les encaissements effectifs et que la tendance à l'amélioration des comptes était donc un fait. On évoque même un montant de recettes complémentaires de l'ordre de 0,4 % à 0,5 % de PIB, offrant ainsi quelques marges de manoeuvre pour la définition d'une politique économique et budgétaire nouvelle.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'interroger, au nom de mon groupe, sur ce que l'on compte faire de ces sommes, sur les priorités que l'on souhaite affirmer au travers de leur utilisation, alors même que des besoins sociaux forts se sont exprimés en matière d'éducation - comme on l'a vu en Seine-Saint-Denis - de lutte contre l'exclusion et de logement.
Devons-nous consacrer de manière exclusive les plus-values fiscales à la seule réduction des déficits ou en tirer parti pour imprimer réellement un changement d'orientation politique, dont nous n'avons jamais souligné, permettez-moi de le rappeler, qu'il devait se développer à « fonds perdus », mais bien plutôt au travers de priorités démocratiquement définies, tant dans le cadre de nos travaux parlementaires qu'au plus près du terrain, avec les premiers intéressés ?
Tels sont donc les points que nous souhaitions relever à l'ouverture de la discussion générale de cette nouvelle lecture du présent projet de loi.
S'agissant, enfin, de notre vote, nous ne manquerons pas, si la majorité du Sénat venait à modifier de nouveau plus profondément le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, d'exprimer un vote négatif sur l'ensemble du projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vecten.
M. Albert Vecten. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'étais déjà intervenu ici même sur la vignette le 6 mai dernier et vous m'aviez dit avoir été convaincu. Vous nous aviez aussi déclaré qu'il fallait trouver une solution équitable.
Il m'est difficile de juger aujourd'hui si l'amendement n° 76 présenté à l'Assemblée nationale le 20 mai dernier est équitable. Ce qualificatif est en effet assez subjectif. Ce texte me semble ne pas répondre aux bonnes conditions de fonctionnement des entreprises concernées et ne pas être, de ce fait, applicable.
En effet, les entreprises de location ont une chaîne de gestion qui implique successivement la commande de véhicules - jusqu'à 40 000 par an pour certaines d'entre elles - l'immatriculation, la détermination du point de livraison puis la location qui est complexe, adaptée à des situations commerciales spécifiques et mouvantes. L'immatriculation locale est, d'après ce qu'elles expliquent, un non-sens économique qui se traduira par des dépenses supplémentaires payées obligatoirement par les consommateurs.
Ces flottes ne peuvent être gérées économiquement que d'une manière nationale. C'est pour cette raison qu'avant de faire immatriculer leurs véhicules dans la Marne, ces sociétés le faisaient à Paris ou dans les Hauts-de-Seine. C'était certes moins visible, le parc automobile de ces départements étant beaucoup plus important que celui de la Marne, mais il est difficile de considérer que le transfert de ces immatriculations dans le département de la Marne et dans la région Champagne-Ardenne n'est pas un progrès en termes d'aménagement du territoire.
Bien sûr, les entreprises devront ajouter à cette dépense le coût fiscal d'une vignette en moyenne deux fois plus chère. Mais, si j'ai bien compris, c'est l'objectif que s'est fixé la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Je n'évoquerai même pas les difficultés que le Gouvernement va rencontrer pour élaborer un texte d'application compréhensible et les dépenses de contrôle qui seront nécessaires pour vérifier que les entreprises modifieront leur gestion pour respecter la loi.
Un raisonnement du même type peut être appliqué à la partie de l'amendement voté par l'Assemblée nationale, relative aux véhicules de plus de 500 kilos.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui dans l'urgence ne répond pas à une exigence essentielle de la fiscalité moderne. Il induit des comportements antiéconomiques de la part des entreprises. Il n'est pas non plus, en général, un gage de simplicité alors que les contribuables nous reprochent la complexité de nos textes.
Y avait-il vraiment urgence ? Ma réponse est, évidemment, non.
Les sommes en cause représentent moins de 1 % des recettes de la vignette, soit moins de 100 millions de francs sur 14 milliards de francs de fonds de recettes annuelles. Que dirait-on d'une réforme urgente de la taxe professionnelle justifiée par les taux bas de quelques communes ou départements ?
Pour l'essentiel, les recettes de la vignette étaient perçues avant 1996 par des départements à très fort potentiel fiscal. Contrairement à ce qui a été dit, il n'y a jamais eu, de la part du département de la Marne, de volonté de dumping. Les tarifs sont très faibles depuis le transfert au département en 1984, alors que le gonflement des immatriculations n'est intervenu qu'à la fin de l'année 1996.
Je pense qu'il aurait fallu faire une réforme fiscale globale.
Alors que le Gouvernement réfléchit sur l'ensemble de la fiscalité locale, ne faut-il pas réfléchir à ce qu'est la vignette aujourd'hui alors qu'elle a été créée en 1956 par Paul Ramadier pour financer les retraites minimales ?
Je suis impressionné en particulier par la pénalisation des foyers ruraux, pour lesquels la possession de plusieurs véhicules est souvent indispensable, même si leurs ressources sont modestes. Or les exonérations sont très limitées en la matière, à la différence de ce qui se passe en matière de taxe d'habitation ou d'impôt sur le revenu.
Une véritable réflexion devrait être engagée, en cohérence avec les autres projets de réforme du Gouvernement.
Nous autres, sénateurs, savons que légiférer nécessite du temps et du travail. Quand on nous soumet un premier texte inapplicable en première lecture, et qu'un deuxième, différent, est déposé au dernier moment par la commission des finances de l'Assemblée nationale, nous nous inquiétons d'un possible dévoiement de notre fonction. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à ne pas adopter le texte voté par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel. Nous sommes solidaires de la Marne blessée !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je veux très brièvement répondre aux trois derniers intervenants.
Tout d'abord, je dirai à M. Régnault qu'il a dressé une liste éloquente des dispositions qui figurent dans ce DDOEF et qui visent directement à améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens et des élus.
S'agissant de la prestation spécifique dépendance, il a souligné qu'il était urgent de répondre à l'attente de ces personnes en situation de grande fragilité, et que cela justifiait que le Sénat légifère. Je partage son point de vue.
A Mme Beaudeau, je tiens à dire qu'Air France est et restera à majorité de capitaux publics. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.
Je précise par ailleurs que, contrairement à ce que l'un de vos collègues exprimait en soupirant, le Gouvernement est heureux que nous ayons un grand secteur bancaire et assuranciel public qui peut être un atout dans la compétition internationale.
Pour ce qui est du Crédit Lyonnais, madame le sénateur, l'objectif du Gouvernement a été de sauver cette banque d'une décision négative qui aurait provoqué de très grandes difficultés dans le secteur bancaire et, surtout, dans le domaine social.
Ainsi, l'accord auquel nous avons abouti après une négociation très difficile permet au Crédit Lyonnais de poursuivre son redressement, dans l'intérêt à la fois des contribuables et des salariés.
Par ailleurs, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a reçu hier les syndicats du Crédit Lyonnais, avec lesquels nous entretenons des contacts continus.
M. Emmanuel Hamel. Ils ont fait part de leurs inquiétudes !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Au sujet de la prestation spécifique dépendance, vous avez noté, madame le sénateur, que nous tentons de relever le défi qui nous est lancé en apportant une réponse de qualité aux personnes âgées en grande difficulté.
Enfin, je vous annonce des recettes fiscales supplémentaires. Comme vous le savez, le budget de l'Etat pour 1998 a été établi sur la base d'une croissance de 3 %. Certains n'y croyaient pas il y a encore six mois. Pourtant cette croissance est bien au rendez-vous et les recettes fiscales rentrent en conséquence. Il serait en effet irresponsable de consommer des recettes fiscales virtuelles.
Nous aurons l'occasion de revenir sur l'ensemble de ces questions lors d'un débat d'orientation budgétaire qui me semble relever d'une bonne tradition parlementaire.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le président, comme je l'ai indiqué en conférence des présidents, je sollicite une suspension de séance d'une heure environ pour permettre à la commission des finances d'examiner les quelque quarante amendements qui ont été déposés par nos collègues.
M. le président. Le Sénat va, bien entendu, accéder à votre demande, monsieur le président de la commission.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-huit heures quinze.)