Séance du 19 mai 1998






DANS LES ÉCOLES ÉLÉMENTAIRES
DU DÉPARTEMENT DE LA SOMME

M. le président. La parole est à M. Martin, auteur de la question n° 257, adressée à Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
M. Pierre Martin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le conseil départemental de l'éducation nationale de la Somme s'est enfin réuni, après moult péripéties dues à une situation politique confuse et entretenue.
La carte scolaire de la prochaine rentrée a pu ainsi être rendue publique.
Le verdict est tombé : peu de fermetures de classes mais des retraits importants sur les postes budgétaires.
Effectivement, les services de l'inspection académique envisagent d'amputer la Picardie de quarante-deux postes d'après la répartition suivante : neuf dans l'Aisne, dix dans l'Oise et vingt-trois dans la Somme.
Ces données arbitraires correspondent respectivement à une taxation pour cent vingt-deux élèves dans l'Aisne, pour cent dix élèves dans l'Oise et pour seulement quarante-neuf élèves dans la Somme.
Ma première interrogation, madame le ministre chargé de l'enseignement scolaire, porte sur la méthode retenue pour le retrait de ces vingt-trois postes.
Si le nombre initial de fermetures déterminées pour la prochaine rentrée s'est réduit grâce à une intervention dont les députés de votre majorité plurielle se targuent dans mon département, je constate que les écoles préélémentaires et primaires vont avoir des fonctionnements divers, avec, pour certaines, des classes de quatre élèves et, pour d'autres, de vingt-six.
Globalement, six écoles vont recevoir moins d'une dizaine d'enfants par classe et trente et une écoles concernées par le moratoire accueilleront entre dix et quinze enfants par classe.
Le maintien politique du moratoire aboutit, vous en conviendrez, à ces classes trop réduites quant au nombre des élèves.
Pensez-vous raisonnablement, madame le ministre, pouvoir faire encore longtemps l'économie d'une révision courageuse de ce système ?
Pensez-vous, madame le ministre, que la survie d'une classe de ce type soit un bien pour les enfants ?
Le temps n'est-il pas venu de rééquilibrer les effectifs pour offrir des chances identiques à tous les enfants ?
S'il est vrai que le Gouvernement a su revenir, avec habileté et popularité, sur 800 fermetures de classes pourtant programmées en septembre 1997, je m'aperçois que vous substituez aujourd'hui, avec art et finesse, les suppressions de postes budgétaires aux fermetures de classes. Vingt et un des vingt-trois postes retirés vont affecter les moyens de remplacement et le volet formation.
Ce bilan me conduit à conclure que la réduction des moyens annoncés va altérer la qualité du service public de l'enseignement en raison non seulement d'un manque de formation des maîtres, mais surtout du risque pour certaines écoles ou pour certaines classes de ne pouvoir obtenir les remplaçants nécessaires le moment venu.
Certes, la mobilisation des parents d'élèves est moindre en raison du peu d'écoles concernées.
Ces retraits ont moins d'impact sur l'opinion public que les fermetures mais, à terme, ils produiront des effets néfastes pour la qualité de l'enseignement.
Où est la sincérité dans cette confusion entretenue, où une limitation des fermetures fait oublier les retraits ?
Pouvons-nous espérer, madame le ministre, une amélioration de la qualité de l'enseignement, condition de la réussite, grâce à des mesures courageuses prises dans le seul intérêt des enfants et symboliques des valeurs essentielles à leur transmettre ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, on m'avait annoncé une question sur le département de la Somme. J'ai donc en ma possession tous les éléments chiffrés pour ce département.
J'entends à l'instant que vous évoquez d'autres départements de la même région. Si vous le voulez bien, pour ces autres départements, je vous transmettrai les informations par écrit, pour ne pas risquer de faire des erreurs à propos des effectifs.
Comme vous le savez, la rentrée scolaire de 1998 a été préparée sans suppressions d'emplois. C'est la première année que l'on maintient les effectifs d'enseignants par rapport aux années antérieures, alors que le nombre des élèves a diminué de plus de 35 000.
Malgré cela, j'ai dû procéder à quelques redéploiements, puisque nous sommes confrontés à une évolution démographique contrastée, les effectifs augmentant dans certains départements et diminuant dans d'autres. Dans un souci d'équité, il a donc été procédé à une répartition à la marge des effectifs des enseignants.
Mais je l'ai fait en tenant compte de la situation de chaque école, des caractères propres de chacune d'entre elles selon les difficultés auxquelles elles sont confrontées, le rôle qu'elles jouent dans l'aménagement du territoire, les efforts qu'elles ont accomplis en termes de regroupement pédagogique. Ainsi, des critères qualitatifs l'emportent sur des critères seulement quantitatifs et se substituent à la démarche purement arithmétique qui était suivie jusqu'à présent.
Dans le département de la Somme, où la baisse des effectifs scolaires est de 1 129 élèves, 56 postes auraient dû être supprimés, monsieur le sénateur.
Toutefois, la prise en compte de la situation sociale et économique, du réseau d'écoles existant en milieu rural a conduit à limiter la contribution de ce département à la suppression de 23 emplois au lieu de 56, 21 d'entre eux concernant des enseignants qui ne sont pas affectés à des classes, c'est-à-dire des remplaçants. C'est, là aussi, une première, monsieur le sénateur : il m'a semblé plus judicieux de jouer sur les emplois de remplaçants plutôt que de fermer des classes.
J'ai donc maintenu un volant de remplaçants de 8 % sur l'ensemble du territoire, tous les effectifs supérieurs à ce quota étant affectés aux classes.
Comme vous pouvez le constater, la fermeture nette de classes n'est que de deux, ce qui est tout à fait raisonnable par rapport à la baisse des effectifs.
J'ajoute - c'est un élément auquel vous êtes sensible, je connais votre position personnelle sur le sujet - que, dans le département de la Somme, six écoles comptent moins de dix élèves et neuf écoles comptent moins de quinze élèves.
J'ai donné les autorisations pour que ce moratoire, qui se retourne parfois contre l'intérêt des élèves, puisse être remis en cause dans le cadre du débat prévu au sein des comités locaux d'éducation que j'ai créés, afin que les élus et les maires, en particulier, assument leurs responsabilités à l'égard des élèves.
Je saisis cette occasion pour vous redire que les postes affectés seront maintenus dans le département de la Somme. Il vous appartient de faire des propositions pour, éventuellement, fermer certaines classes uniques qui ne répondent plus aux intérêts des enfants et utiliser le poste dégagé dans le cadre de regroupements pédagogiques sur le même secteur. Le réseau scolaire n'y perdrait rien et les enfants y gagneraient. La démocratie locale jouerait son rôle, les élus étant à l'origine de solutions plus astucieuses, à la fois pour maintenir le réseau scolaire et garantir aux élèves une densité scolaire nécessaire à leur épanouissement.
M. Pierre Martin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin. Je vous remercie de vos précisions, madame le ministre.
Comme vous l'avez souligné, les classes à faible effectif sont peu favorables à l'intérêt de l'enfant. La motivation disparaît. Les enfants eux-mêmes cherchent à aller ailleurs.
Vous dites avoir donné une autorisation, ce n'est pas une décision, le moratoire demeure. Il serait bon de revenir sur ce moratoire et de réfléchir, pendant une période donnée, afin d'en tirer des conclusions. Une fois les conclusions tirées, on les traduirait dans les faits, par des fermetures de classes, par exemple et on adopterait localement d'autres solutions à travers des regroupements localisés.
Dans cet ordre d'idée, le conseil général de la Somme a lancé une opération de sites pilotes dans les cantons pour tenter de mettre en oeuvre une autre forme d'éducation adaptée à la société, qui a changé.
Comme je l'ai proposé au sein de la commission de l'éducation que j'ai l'honneur de présider, pourquoi ne pas envisager des unités de cinq ou six classes avec cinq ou six maîtres, sans oublier un maître supplémentaire pour le soutien nécessaire surtout en zone rurale, là où les difficultés se font le plus sentir.

Quoi qu'il en soit, madame le ministre, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées, et je pense que nous nous reverrons pour nous entretenir à nouveau de ce sujet.

FORMATION DES PERSONNELS CHARGÉS