M. le président. Par amendement n° 82 rectifié bis, MM. Jean-Marie Girault et Bourdin proposent d'insérer, avant l'article 48, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A partir du 1er janvier 1998, les établissements dont les activités ont été transférées à France Télécom restent assujettis aux impositions locales dans les conditions de droit commun visées à l'article 1473 du code général des impôts.
« II. - Les pertes de recettes résultant de l'application du I sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault. Vous ne serez sans doute pas étonné, monsieur le secrétaire d'Etat, du rendez-vous de ce soir pour traiter d'un problème que j'ai évoqué dans une correspondance que je vous ai adressée au début du mois de mars dernier.
Voilà quatre ans passés, le gouvernement de l'époque avait obtenu du Parlement que désormais France Télécom serait redevable de la taxe professionnelle et que le produit de celle-ci irait à l'Etat.
Malgré toutes les protestations formulées ici même, dans cette enceinte, je me suis vu opposer par un précédent gouvernement l'article 40 de la Constitution. Il fallait le faire ! En effet il s'agissait non pas d'enlever une ressource à l'Etat, mais d'empêcher celui-ci de profiter d'une ressource, la taxe professionnelle, qui, de par sa nature, est destinée aux collectivités territoriales.
Mais les choses sont ainsi : l'Etat encaisse désormais 5 milliards de francs par an. Et le Gouvernement de nous dire, pour bien montrer qu'après tout les collectivités en profitent, que le fonds de compensation de la taxe professionnelle leur accorde 750 millions de francs, soit environ 15 % de la recette qu'encaisse l'Etat.
Et vous-même d'ajouter, monsieur le secrétaire d'Etat, notamment à l'occasion d'une séance de questions orales sans débat à laquelle j'assistais et où je ne pouvais pas intervenir parce que je n'étais pas l'auteur de la question, que les collectivités territoriales n'ont pas à se plaindre, dans cette affaire, puisque, ne percevant pas auparavant la taxe professionnelle, elles n'ont rien perdu.
Déjà, à l'issue de cette séance de questions, je vous avais annoncé que j'allais vous saisir de la situation qui prévalait à Caen, mais qui n'était sans doute pas particulière à cette ville.
Que s'est-il passé, en effet ? Il y avait à Caen un groupement d'intérêt économique - le service d'étude commun aux postes et aux télécommunications - qui payait la taxe professionnelle. Cette taxe professionnelle rapportait environ 2 millions de francs à la collectivité territoriale.
Et voilà que, le 1er janvier 1997, à l'occasion de restructurations dont vous êtes parfaitement informé, ce GIE a disparu pour devenir CNET, donc partie intégrante de France Télécom, avec toutes les conséquences que l'on sait.
Le résultat est évident : l'Etat s'enrichit de 2 millions de francs, puisque France Télécom paie la taxe professionnelle à l'Etat, et la ville de Caen, elle, perd 2 millions de francs.
Ainsi vacille l'argument qui nous a souvent été opposé, à savoir que nous n'avions pas à nous plaindre puisque nous ne touchions rien auparavant !
La situation ainsi faite à la collectivité territoriale de Caen - peut-être y a-t-il d'autres cas en France, le ministère doit le savoir - mérite que l'on s'interroge.
C'est parce que le problème est réel que je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de manifester votre compréhension en acceptant cet amendement, que j'ai pris la précaution de gager.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Le problème que vous posez est en effet bien réel, monsieur Jean-Marie Girault.
La collectivité aura certes droit à une compensation des pertes de base de la taxe professionnelle grâce au fonds national de péréquation pendant trois ans. Mais au-delà ?
Au-delà, finalement, une part de l'assiette de taxe professionnelle lui échappera. Il faut donc absolument résoudre le problème.
Votre amendement, je vous l'ai déjà dit, tel qu'il est rédigé, n'est pas opératoire ; il n'est pas possible d'écrire dans la loi ce que vous demandez ; pourtant, il devrait pouvoir y être fait droit.
C'est pourquoi il convient, monsieur le secrétaire d'Etat, de résoudre le problème de la taxe professionnelle de France Télécom.
J'espère que vous allez donner des apaisements à M. Jean-Marie Girault qui lui permettront de retirer son amendement. Cela évitera à la commission des finances d'avoir à émettre un avis défavorable.
En tout cas, je souhaite que notre collègue soit soutenu dans sa démarche, car chacun voit bien que le tranfert d'établissements tels que ceux qu'il a décrits aboutit à des pertes de bases fiscales pour les collectivités locales qui deviendront insupportables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez posé deux questions, monsieur Jean-Marie Girault.
La première, d'ordre général, porte sur la taxe professionnelle payée par France Télécom. Cette vaste question ne saurait être abordée à cette heure tardive.
La seconde question, plus spécifique, a trait à la ville de Caen. Elle tient au fait qu'une société qui était hors du champ de France Télécom est rentrée dans le champ de celle-ci, et est donc sortie du champ de la taxe professionnelle.
Vous m'avez écrit à ce sujet, et je me préparais à vous répondre par écrit. Mais le plus simple est peut-être que mes collaborateurs se rapprochent de vous pour trouver une réponse satisfaisante au problème véritable que vous évoquez.
Voilà la compréhension dont je peux faire preuve. Votre amendement était, en fait, un appel. Cet appel, je l'ai entendu. Dès lors, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Jean-Marie Girault ?
M. Jean-Marie Girault. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez évoqué l'hypothèse d'une réponse satisfaisante à ma sollicitation. Je vous en donne bien volontiers acte. Je suis prêt à m'entretenir avec vos collaborateurs pour trouver la meilleure solution possible, en l'espèce pour la ville de Caen, mais, au-delà, probablement pour d'autres collectivités.
Je vais retirer l'amendement, mais sachez bien que, pour faire un jeu de mots avec un précédent amendement portant sur un autre sujet et avec une autre orthographe, je ne cesserai de vous « pilonner » aimablement mais fermement.
M. le président. L'amendement n° 82 rectifié bis est retiré.
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt et une heures quarante-cinq.