M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Machet pour explication de vote.
M. Jacques Machet. J'indique, au nom du groupe de l'Union centriste, que nous voterons ce texte.
Comme vous l'avez déclaré très simplement tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, cette discussion a été très technique. Mais quel résultat, quel consensus, quel progrès pour l'humanité !
Que l'on me permette de féliciter les techniciens, à savoir MM. les rapporteurs, Francis Grignon et Jean-Paul Amoudry, qui furent des ingénieurs de qualité, tout comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, et ont su résoudre au mieux un problème technique.
Il reste, c'est vrai, une difficulté, comme l'a dit M. Grignon : celle de la destruction des stocks. C'est pour nous tous certainement le problème maintenant le plus difficile.
Mais reconnaissons qu'il nous fallait d'abord avoir la discussion d'aujourd'hui pour découvrir qu'il resterait, par la suite, à traiter le problème important des stocks. Mais à chaque jour suffit sa peine !
Quoi qu'il en soit, il faut le souligner, notre assemblée a eu un comportement exemplaire - et ce sur toutes les travées, ce qui fait honneur à notre pays - pour préserver au mieux l'avenir des générations futures.
A l'issue des travaux parlementaires, c'est donc une nouvelle date qui viendra clore la liste que vous avez citée, monsieur le rapporteur !
Je voudrais, ce soir, remercier tout le monde, tout un chacun, du plus petit au plus grand, tous ceux qui ont travaillé à cette oeuvre importante. Vraiment, très sincèrement : merci à tous !
M. le président. La parole est à Bernard.
M. Jean Bernard. Préparé par M. Franck Borotra et déposé au Sénat le 26 mars 1997, le texte que nous venons d'examiner propose des mesures législatives afin d'appliquer les dispositions de la convention du 13 janvier 1993 relative à l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et à leur destruction.
L'adoption de cette convention a été favorisée par la France, dont l'influence a été déterminante pour l'aboutissement des négociations dans ce domaine extrêmement sensible. La loi du 19 décembre 1994 avait d'ailleurs autorisé la ratification de cette convention, qui met notamment en place une nouvelle organisation internationale pour l'interdiction des armes chimiques, dont l'objet est de veiller au respect de la convention par les Etats parties.
Parce qu'elles n'ont pas remis en cause les dispositions de ce projet de loi, notre groupe approuve les modifications adoptées par le Sénat sur proposition de la commission des affaires économiques et du Plan.
En effet, il est important, d'une part, d'alléger les contraintes qui pèsent sur les industriels de ce secteur, et, d'autre part, de doter les experts qui serviront d'interface entre les inspecteurs de la nouvelle organisation internationale et les industriels d'un texte aussi clair et pratique à appliquer que possible à propos des pouvoirs dont ils pourront disposer pour assurer leur mission d'observation, de protection des intérêts des exploitants et de participation aux opérations de vérification internationale.
Le texte qui ressort de nos travaux, qui a fait, M. Machet l'a souligné, la quasi-unanimité, va dans ce sens, et c'est la raison pour laquelle le groupe du Rassemblement pour la République le votera.
Je veux compléter les propos de M. Machet, puisque nous représentons l'un et l'autre un département qui, au cours de la guerre de 1914-1918, a été le théâtre de combats extrêmes et qui reste truffé de ces armes particulièrement dangereuses dont la durée de conservation est exceptionnelle. La destruction de ces armes doit être entreprise dans les meilleurs délais car ces armes représentent, pour nos concitoyens, un danger potentiel qu'il convient d'éliminer. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Il me faut témoigner de l'importance du travail de nos commissions, travail qui s'est fait dans un excellent esprit, que vous avez su entretenir plus qu'amicalement, monsieur le secrétaire d'Etat, nous en sommes tous conscients.
J'aimerais relever un point qui m'a ému, et pas seulement parce qu'il est d'actualité : les conséquences des essais chimiques.
Il est important que nos concitoyens sachent ce qui s'est produit pendant les diverses guerres, en particulier durant les guerres récentes où des essais chimiques ont été pratiqués sur leurs troupes par les pays engagés.
Seule une plus grande information sur un tel sujet pourra nous faire prendre conscience des horreurs de la guerre, en particulier de cette guerre en « blouse blanche ».
Je tiens également à relever l'importance de l'observatoire international, en particulier en matière de vigilance. Après la ratification de la convention et sa mise en application par une loi, nous devons, nous aussi, rester vigilants.
Nous sommes certes très attachés au développement de la recherche. Il ne s'agit pas de « stériliser » nos industries. Il convient cependant d'être attentifs aux nouvelles classes chimiques qui vont apparaître il faut les recenser très précisément.
Dans le secteur chimique, d'un nouveau produit on peut faire un « scalpel » ou un « glaive ». Il est donc nécessaire que les annexes soient rediscutées régulièrement et qu'il soit procédé à des remises à jour très précises.
Qu'est-ce qu'un produit chimique ? Il convient de dégager une définition précise. Mais c'est difficile parce que, dans cette discipline, sont en interface la biologie et la physique. Votre réponse à cette question ne peut donc qu'être évolutive, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'etat, mes chers collègues, le groupe socialiste se félicite du large consensus qui s'est dégagé tout au long de la discussion de ce projet de loi, discussion qui a permis de faire un très grand pas.
En effet, ce projet de loi a une grande importance dans le cadre d'une politique de désarmement, et les éventuelles réticences de certains industriels, qui craindraient la mise en place d'un système de surveillance trop contraignant sur des produits pouvant servir à la fabrication d'armes chimiques, ne doivent pas occulter l'avancée majeure produite par cette convention.
Cette dernière constitue le premier accord en matière de désarmement, à vocation universelle, négocié au niveau multilatéral, qui interdit de manière réellement vérifiable toute une catégorie d'armes de destruction massive. Son entrée en vigueur marque une étape dans le processus de désarmement et dans la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs.
Les rapporteurs ont eu cependant raison d'en rappeler les limites, qui, il est vrai, existent. En la matière, tout optimisme excessif doit être écarté ; nous devons rester vigilants.
Les risques et les menaces engendrés par ce type d'armes sont tels qu'il est nécessaire d'insister sur l'importance majeure de cette convention et sur la nécessité de son application complète par la France.
A l'occasion de la signature de la convention d'interdiction des armes chimiques, le 13 janvier 1993, le président François Mitterrand avait signalé : « C'est la première fois, depuis que l'humanité tâtonne sur le chemin du désarmement, qu'un traité international de portée universelle proscrit de manière véritable une catégorie complète d'armes de destruction massive. En effet, alors que le protocole de 1925 ne prohibait que le seul usage des armes chimiques, le traité d'interdiction totale couvre à la fois la fabrication, la mise au point, le stockage, le transfert et l'emploi des armes chimiques, qu'il s'agisse des produits toxiques, de leurs vecteurs et de tout équipement destiné à leur emploi. De même, toutes les armes chimiques et toutes les installations de fabrication de cette catégorie d'armes qui existent actuellement devront être détruites. »
Parmi les mérites de cette convention, nous pouvons en outre remarquer qu'elle comporte encore un régime de vérification inédit et dissuasif, avec des inspections par mise en demeure dans des installations non déclarées, un contrôle strict de la destruction des armes et une inspection appropriée de l'industrie chimique. Nous devons prendre strictement en compte le texte du traité pour que, dans son application en droit interne, ces avancées-là ne soient pas amoindries.
Dans son excellent rapport, notre collègue Guy Penne a bien démontré les limites et les faiblesses de la convention. Il n'est pas nécessaire d'y revenir. Pour ma part, je souhaite insister sur son importance politique et donc sur la portée du présent projet de loi, qui tend à tirer les conséquences sur notre droit interne des engagements souscrits par la France.
Lors de son allocution à l'Institut des hautes études de défense nationale, en septembre 1997, le Premier ministre a affirmé : « Au-delà des actions de maintien et de rétablissement de la paix, la France considère que la stabilité internationale implique d'avancer sur la voie du désarmement. » Parce qu'il s'inscrit dans cette démarche du Gouvernement, nous voterons ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans une société extrêmement médiatisée, il est parfois difficile de faire la différence entre ce qui est essentiel et ce qui est superficiel. Nous avons bien le sentiment - il a été très largement exprimé par les uns et par les autres - que ce sur quoi nous avons travaillé cet après-midi est primordial, même s'il ne s'agit pas forcément du sujet qui aura le plus grand retentissement dans l'opinion.
Le Parlement a accompli un travail important pour l'avenir de l'humanité, comme le soulignait notre ami M. Jacques Machet voilà un instant, puisque ce texte traite de l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques ainsi que de leur destruction.
Un nombre important d'amendements ont été déposés et examinés en un temps bref ; ils étaient nécessaires pour clarifier le texte et en améliorer l'efficacité sur le terrain.
Je salue, moi aussi, la qualité tout à fait remarquable du travail réalisé par les rapporteurs de la commission saisie au fond et des commissions saisies pour avis. Ils ont fait oeuvre extrêmement constructive.
Les sénateurs du groupe des Républicains et Indépendants soutiennent la volonté de la commission des affaires économiques et du Plan d'alléger au maximum les contraintes qui pèsent sur les industriels sans remettre en cause les dispositions de la convention signée par la France.
Nous jugeons primordial de préserver les secrets industriels de la chimie et nous soutenons les dispositions prises en ce sens par notre Haute Assemblée.
Nous sommes également favorables aux améliorations apportées par la commission des lois en ce qui concerne les sanctions administratives et pénales en cas de violation des dispositions du texte. Là encore, nous attachons une grande importance aux risques d'espionnage industriel.
Nous soutenons donc totalement l'aggravation des peines encourues en cas de divulgation sans autorisation de documents qui contribuent directement à la compétitivité de nos entreprises.
Notre groupe, naturellement, votera ce projet de loi. Je me félicite des conditions de son examen cet après-midi au Sénat et du dialogue extrêmement approfondi, parfois assez technique, qui a pu s'instaurer entre le Gouvernement et notre Haute Assemblée. C'est, je crois, extrêmement positif. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Sans revenir sur le contenu de l'intervention que j'ai faite à l'occasion de la discussion générale et au cours de laquelle j'ai déjà souligné l'appréciation que les membres de mon groupe portent sur ce projet de loi, je confirme le vote positif que nous allons émettre.
Je souhaite également formuler quelques observations.
Tout d'abord, j'attire l'attention bienveillante de M. le secrétaire d'Etat et de M. le rapporteur sur le sérieux de l'argumentation de nos amendements, que nous voulions, je l'ai dit, équilibrés. Je suis donc satisfaite que nos collègues y aient été attentifs et qu'ils aient soutenu certaines de nos propositions.
Enfin, je souligne l'importance de ce texte, qui marquera, je l'espère, d'une pierre blanche le cheminement des hommes pour régler leurs différends non par des conflits militaires mais par des solutions diplomatiques, qui me paraissent plus dignes de notre civilisation au seuil du troisième millénaire.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudraism'associer à ce qui vient d'être dit, notamment parM. de Raincourt.
Nous approuvons totalement le texte issu de nos travaux et nous saluons l'entente à laquelle sont parvenus le Gouvernement et les trois commissions, qui ont fait un excellent travail.
Il est tout à fait réconfortant de constater que nous sommes unanimes sur un sujet aussi grave.
Depuis l'année 1917, au cours de laquelle l'ypérite, une arme nouvelle alors dont on connaît aujourd'hui les très graves conséquences, a été utilisée sur une ville de Flandre occidentale et a épouvanté nos soldats, particulièrement nos alliés britanniques et belges, les pays occidentaux ont en horreur les armes à gaz.
Cette horreur a d'ailleurs, curieusement, perdurée pendant la Seconde Guerre mondiale, puisque les belligérants n'ont pas osé utiliser des armes à gaz, alors que, partout, dans les armées, sur les champs de bataille, dans les camps de concentration, en Allemagne comme dans les pays où les ennemis de l'époque se livraient à toutes sortes d'excès, les pires atrocités étaient commises.
Aujourd'hui, nous sommes, avec ce qui se passe en Irak, menacés par d'autres armes chimiques.
Les dispositions qui ont été votées aujourd'hui pourront éventuellement être étendues à d'autres formes d'armes.
Le plus important est que notre Haute Assemblée manifeste, à cet égard, une unanimité totale. Nous nous réjouissons que ce soit le cas, et, pour notre part, nous voterons ce texte. (Applaudissements.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je voudrais adresser mes félicitations et celles de tout le Gouvernement aux rapporteurs et aux commissions, qui ont accompli un travail remarquable sur ce texte, lequel est en effet le fruit de la coopération de deux majorités parlementaires successives et aussi de deux gouvernements successifs.
Si ce projet de loi doit beaucoup à mon prédécesseur, M. Borotra, il doit aussi au gouvernement de M. Jospin, qui a eu la volonté de poursuivre dans la même voie et avec les mêmes objectifs. Il doit enfin beaucoup au remarquable travail technique et d'expertise des commissions et à la conjonction des efforts des ministères, notamment ceux de la défense, de la justice et des affaires étrangères, mais aussi de celui de l'industrie, efforts qui doivent être soulignés, car le travail accompli a été tout à fait remarquable.
Qu'il me soit permis, pour terminer, mesdames, messieurs les sénateurs, de former un voeu : que la qualité, le sérieux et la sérénité de notre débat d'aujourd'hui nous inspirent, les uns et les autres, à l'occasion de l'examen des prochains textes que nous aurons à examiner dans les mois qui viennent, même si tous les textes n'ont pas la même importance, et qu'un dialogue aussi approfondi s'instaure entre le Gouvernement, les commissions concernées et le Sénat.
Bien que les tribunes réservées au public n'aient malheureusement pas été suffisamment remplies aujourd'hui, nous serons, je crois, unanimes pour rapporter à l'opinion publique ce moment dense, serein et fort que nous venons de vivre. Il montre la contribution que la Haute Assemblée peut apporter au travail législatif, et il est à l'image de ce que devrait être la vie politique, au sens le plus noble du terme, dans notre pays. Je tenais à en remercier très sincèrement et très chaleureusement le Sénat. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets au voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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