M. le président. « Art. 38. - Le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui s'assure de l'existence du mandat d'inspection. Il vérifie l'habilitation des membres de l'équipe d'inspection et des accompagnateurs et de toute autre personne pour laquelle l'accès est demandé ainsi que, le cas échéant, l'autorisation donnée à l'observateur. »
Par amendement n° 59, M. Amoudry, au nom de la commission des lois, propose de compléter in fine cet article par une phrase ainsi rédigée : « Il s'assure également que la demande d'inspection est conforme aux stipulations de la convention. »
La parole est à M. Amoudry, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à étendre le contrôle du juge judiciaire en cas d'inspection par mise en demeure, en lui donnant pour mission de vérifier la conformité de la demande aux stipulations de la convention.
Il faut souligner que les prérogatives attribuées au juge par le présent article paraissent quelque peu insuffisantes.
Le juge, nous le savons, est, en vertu de l'article 66 de la Constitution, gardien des libertés individuelles, et notamment de l'inviolabilité du domicile. Cette fonction implique que des pouvoirs particuliers lui soient reconnus lorsque des inspections sont prévues sur des lieux dépendant d'une personne privée.
En 1983, le Conseil constitutionnel a ainsi déclaré contraires à la Constitution des dispositions qui n'assignaient pas « de façon explicite au juge ayant le pouvoir d'autoriser les investigations des agents de l'administration la mission de vérifier de façon concrète le bien-fondé de la demande qui leur est soumise ».
Or, l'article 38 du projet de loi ne donne pour mission au juge que de vérifier les habilitations des différents acteurs concernés par une inspection. Ses prérogatives paraissent donc réduites au strict minimum.
Un renforcement des prérogatives du juge s'avère donc souhaitable, ainsi que le prévoient les stipulations de la convention au neuvième paragraphe, où il est inscrit que chaque Etat partie est tenu de veiller à ce que la demande d'inspection par mise en demeure ne sorte pas du cadre de la convention.
Il paraît donc utile de compléter la mission du juge, en lui confiant la responsabilité de veiller à ce que la demande d'inspection soit conforme aux stipulations de la convention.
J'ajoute, enfin, qu'une telle vérification est prévue par la loi du 6 juillet 1993 en ce qui concerne la conduite des inspections menées en vertu du traité sur les forces armées conventionnelles en Europe.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Hélas ! il est défavorable, et ce pour les raisons suivantes.
Il est vrai, M. le rapporteur pour avis vient de l'exprimer, que la convention présente des similitudes avec le traité sur les forces armées conventionnelles en Europe, le traité FCE.
Mais il existe aussi de grandes différences entre la convention dont nous discutons et ce traité. Celui-ci, dans certains cas, permet en effet à l'Etat partie de refuser une inspection par défiance, selon le paragraphe IV de la section 8 du protocole sur l'inspection annexé au traité FCE.
Dans ces conditions, il est logique, dans le cas du traité FCE, qu'un juge puisse s'assurer que l'inspection est bien conforme aux stipulations du traité lorsque la personne soumise à inspection n'accepte pas spontanément cette inspection.
Aujourd'hui, nous sommes dans un autre cas de figure. Dans le cas des inspections prévues par la convention pour l'interdiction des armes chimiques, il n'existe aucune clause permettant de ne pas accepter une inspection de routine ou par mise en demeure. Le projet de loi soumet l'inspection à une autorisation du juge, qui, bien que formelle, étant donné les termes de la convention, n'en est pas moins précieuse pour les personnes. L'inspection sera suivie par un officier de police judiciaire désigné par le juge, qui dressera un procès-verbal des opérations, lequel permettra à la personne inspectée qui estimerait, par hypothèse, avoir subi un préjudice, en particulier si l'inspection par mise en demeure n'était pas justifiée, de demander réparation.
Dans ces conditions, le Gouvernement souhaite soit que l'amendement soit retiré, soit, à défaut, que le Sénat se prononce contre.
M. le président. Acceptez-vous de retirer l'amendement, monsieur le rapporteur pour avis ?
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur pour avis. J'aimerais d'abord entendre l'avis de la commission saisie au fond.
M. le président. Quel est donc cet avis, monsieur le rapporteur ?
M. Francis Grignon, rapporteur. En ne m'interrogeant qu'après le Gouvernement, vous avez lu dans mes pensées, monsieur le président !
La commission des affaires économiques et du Plan partage entièrement le souci exprimé par la commission des lois. Il lui est cependant apparu que le juge d'un Etat signataire ne pouvait se transformer en juge de la manière dont l'organisation internationale applique la convention.
Par ailleurs, réfléchissons au problème que poserait un Etat sensible qui ferait valoir qu'il est tout prêt à respecter les dispositions de la convention, mais où un juge local s'opposerait à une opération de vérification internationale qu'il n'a pas jugée opportune !
Bien sûr, toute cette argumentation, qui n'est qu'une argumentation de bon sens, n'est juridiquement pas très pointue, j'en conviens. C'est la raison pour laquelle la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur pour avis ?
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 59.
M. André Rouvière. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Le groupe socialiste est très sensible aux contradictions qui risquent de se faire jour si cet amendement est adopté. En effet, on pourrait voir des Etats donner leur accord alors que des juges, localement, refuseraient de donner le leur. Il en résulterait des cacophonies qui, me semble-t-il, iraient à l'encontre de l'esprit de la convention selon lequel, précisément, le contrôle apparaît comme obligatoire. Si l'amendement était adopté, le contrôle serait, en fait, souvent facultatif.
C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Amoudry, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur pour avis. Je remercie M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur de leurs explications. Je me réjouis que le débat que souhaitait la commission des lois ait pu s'ouvrir ici ; c'est un débat délicat qui méritait ces échanges.
Toutefois, je tiens au maintien de l'amendement dans la mesure où, appelée à donner un avis juridique, la commission des lois a souhaité alerter le Sénat sur les exigences de conformité de notre loi à la Constitution.
Cet amendement, c'est l'avis de la commission des lois. Au Sénat de décider s'il le suit ou ne le suit pas, mais je ne peux le retirer.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je demande que le Sénat se prononce par un scrutin public.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 75:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 300
Majorité absolue des suffrages 151
Pour l'adoption 219
Contre 81

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 38, ainsi modifié.

(L'article 38 est adopté.)

Article 39