M. le président. « Art. 4. - I. - Le deuxième alinéa de l'article 18-2 de la même loi est ainsi rédigé :
« Le vendeur ou l'acquéreur de ce droit ne peuvent s'opposer à la diffusion, par d'autres services de communication audiovisuelle, de brefs extraits prélevés à titre gratuit parmi les images du ou des services cessionnaires et librement choisis par le service non cessionnaire du droit d'exploitation qui les diffuse. »
« II. - L'article 18-4 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 18-4. - L'accès des journalistes et des personnels des entreprises d'information écrite ou audiovisuelle aux enceintes sportives est libre sous réserve des contraintes directement liées à la sécurité du public et des sportifs, et aux capacités d'accueil.
« Toutefois, sauf autorisation de l'organisateur, les services de communication audiovisuelle non cessionnaires du droit d'exploitation ne peuvent capter que les images distinctes de celles de la manifestation ou de la compétition sportive proprement dites.
« Les fédérations sportives ayant reçu, en vertu de l'article 17, délégation pour organiser les compétitions visées par cet article peuvent, dans le respect du droit à l'information, définir, dans un règlement approuvé par le ministre chargé des sports après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, et publié conformément à l'article 17-1, les contraintes propres à la discipline considérée et au type de manifestation ou de compétition, ainsi que les lieux mis à disposition des personnes mentionnées au premier alinéa. »
Par amendement n° 6, M. Lesein, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. La loi de 1992 avait institué un équilibre entre la cession exclusive des droits de retransmission des manifestations sportives et le droit d'accès du public à l'information sportive.
Comme je vous l'indiquais tout à l'heure, cet article tend à modifier cet équilibre au profit des détenteurs de droits d'exploitation.
D'une part, il restreint la portée du droit de citation. Il interdit, en effet, aux services de communication audiovisuelle non cessionnaires des droits d'exclusivité de filmer eux-mêmes les extraits susceptibles d'être diffusés dans le cadre du droit de citation. Il interdit, par conséquent, la diffusion de toute autre image que celles qui ont été tournées par le service cessionnaire.
D'autre part, il limite la portée de la liberté d'accès des journalistes aux enceintes sportives de deux façons : premièrement, il autorise les organisateurs de manifestations sportives à interdire aux services non cessionnaires de filmer la manifestation ; deuxièmement, il confie aux fédérations sportives le pouvoir de définir, par voie de règlement, les conditions d'exercice de la liberté d'accès des journalistes, alors que le texte en vigueur prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat.
La commission des affaires culturelles a estimé que cette dernière disposition procédait d'une confusion entre le pouvoir réglementaire des fédérations et le pouvoir réglementaire défini par la Constitution. Cette confusion semble peu compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
J'observe, de plus, que, si l'on confie aux fédérations, qui sont propriétaires des droits d'exploitation des manifestations sportives, le pouvoir d'encadrer l'activité des journalistes dans les enceintes sportives, on suspectera toujours que leurs décisions auront été inspirées par le souci de favoriser le cessionnaire de leurs droits.
Pour toutes ces raisons, la commission a estimé que cet article portait atteinte au droit à l'information. L'équilibre institué en 1992 garantissait pleinement les droits des services de communication cessionnaires, mais visait à mettre fin à des pratiques inacceptables. Revenir sur ces dispositions qui sont, il faut le rappeler, le résultat d'un travail commun du Sénat et de l'Assemblée nationale constituerait, selon nous, un retour en arrière.
La commission a jugé, en conséquence, qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur la position que le Sénat avait adoptée en 1992.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l'article 4.
Lorsqu'on parle des articles 18-2 et 18-4 de la loi de 1984 modifiée en 1992, on parle d'équilibre. Mais la réalité des faits, depuis le vote de cette loi, montre que les problèmes n'ont pas cessé dans les rapports entre les médias eux-mêmes à propos d'événements sportifs, parce que ces deux articles paraissent contradictoires : selon les événements, on prenait en compte soit le droit à l'exclusivité, visé à l'article 18-2, soit l'article 18-4, concernant le droit à l'information.
De nombreux problèmes sont ainsi apparus à l'occasion de plusieurs épreuves sportives. J'en ai moi-même fait l'expérience mercredi dernier, lors de l'inauguration du Stade de France : une chaîne de télévision voulait m'interviewer, mais une autre chaîne, qui avait obtenu la concession de la retransmission, s'est opposée à ce que l'on m'interroge dans l'enceinte du Stade de France. A chaque événement, des problèmes se posent ; il faut donc trouver une solution cohérente.
Par ailleurs, lorsque - tardivement, certes, mais aucun de mes prédécesseurs ne l'avait fait - j'ai voulu prendre les décrets d'application de la loi de 1984 modifiée en 1992, le Conseil d'Etat m'a renvoyé les projets au motif qu'il n'existait pas de fondement législatif à ces textes.
La base législative que nous vous proposons aujourd'hui préserve - je tiens à l'affirmer avec force - le droit d'accès à l'information et le pluralisme de l'information tout en préservant le droit à la cession à un organisme de communication par l'organisateur d'un événement sportif.
Notre réflexion doit intégrer la réalité du monde des médias et du mouvement sportif lui-même ; il ne faut pas dresser une chaîne de télévision contre une autre, parce que le droit d'exclusivité est exercé par l'ensemble des chaînes l'une après l'autre, selon les événements sportifs.
J'en viens aux fédérations qui, aux termes de la loi de 1984, ont une délégation de service public. Le pouvoir que leur confère l'article 4 que nous vous proposons est restreint : il ne s'agit pas de laisser une fédération autoriser ou non l'accès des journalistes, mais simplement de lui demander de nous proposer un règlement qui, tout en respectant la loi, tienne compte de la réalité de l'événement sportif, du nombre de demandes d'accréditation. Ainsi, plusieurs milliers de demandes d'accréditation ont déjà été déposées pour la Coupe du monde de football. Ce n'est pas comparable avec la retransmission d'un événement sportif mineur, et les conditions de sécurité se sont pas les mêmes d'une enceinte sportive à l'autre !
La fédération proposera donc un règlement, et le CSA émettra ensuite un avis sur la conformité à la loi de ce dernier. Enfin, le ministre des sports acceptera ou non ce règlement. Vous le constatez, le pouvoir que nous donnons aux fédérations est quand même très encadré, ce qui est normal.
Par ailleurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, en remplaçant le mot « organisateurs », qui figurait dans la loi, par le mot « fédérations », nous allons certainement contribuer à rendre plus transparents les contrats entre le mouvement sportif et les médias.
M. François Lesein, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. Je tiens simplement à signaler à Mme le ministre - mais nous nous en sommes déjà entretenus - l'embarras dans lequel se trouvent toutes les parties prenantes.
Je lui rappelle aussi que la délégation de service public est un contrat qui est conclu entre l'Etat et les fédérations. Ces dernières ont une mission pour organiser les manifestations, mais non pour élaborer la loi, ni même pour en proposer une. Le Gouvernement dépose des projets de loi et les deux chambres du Parlement des propositions de loi, qu'elles adoptent ou non ou bien qu'elles modifient, mais il n'a jamais été question que les fédérations déposent de telles propositions de loi. Il y a encore un législateur dans ce pays, à lui de faire son travail !
Par ailleurs, je ne veux pas vous faire de peine, madame le ministre, mais, qu'il s'agisse de fédérations ou d'organisations, cela ne change rien : ce n'est pas pour autant qu'elles ne garderont pas l'argent qu'elles perçoivent de façon indue.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. C'est la loi d'orientation !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Marcel Charmant. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant. L'article 4, tel qu'il a été adopté à l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, met en cohérence deux principes : la gratuité du droit de citation, d'une part, le droit d'accès des journalistes aux enceintes sportives, d'autre part.
Il institue le droit de captation d'images périphériques à la compétition sportive elle-même : environnement, ambiance...
Il ne remet donc pas en cause les principes de la loi de 1992, mais il précise les conditions d'application de ces principes, ce qui n'avait pas été fait jusqu'à ce jour. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs recommandé qu'il en soit ainsi par voie législative, vous l'avez rappelé, madame le ministre.
Qui pourrait s'étonner que, pour certaines compétitions sportives - je pense aux sports mécaniques, bien sûr - une plus grande vigilance soit nécessaire en matière de sécurité ? Chacun d'entre nous a sans doute le souvenir d'un certain nombre d'accidents, qui sont devenus de véritables tragédies pour le public !
Ne ressentez-vous pas comme moi, même si les compétitions se déroulent dans un autre cadre que celui de cette loi, des craintes profondes face aux images d'une épreuve sur route où les véhicules frôlent les spectateurs ?
C'est dans cet esprit du souci permanent de la sécurité des sportifs, du public et des journalistes que s'inscrivent les dispositions de l'article 4.
Il ne s'agit pas d'interdire ; il s'agit, dans le respect du droit reconnu par la loi de 1992, de céder le droit d'exploitation d'une compétition à un service de communication audiovisuelle, de garantir l'information du public et l'accès des journalistes aux enceintes sportives dans les meilleures conditions de sécurité.
L'approbation par le ministre chargé des sports, après avis du CSA, et le caractère officiel de sa publication font du règlement prévu au dernier alinéa le garant des intérêts de toutes les parties.
Vous me permettrez de terminer en vous disant que les compétitions sportives visées par ce texte se nourrissent de la médiatisation et que personne n'a donc intérêt à « brider » l'information, bien au contraire.
A ce sujet, mon ami René-Pierre Signé rappellera, dans un instant, les dispositions qui ont été prises à Magny-Cours, lors du Grand Prix de France de formule 1, pour accueillir les médias et leur assurer les meilleures conditions possibles d'exercice de leur mission.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il en est de la loi comme de toute oeuvre humaine : au moment de son élaboration, on pense qu'on va tout régler, et souvent, avec le temps, l'évolution des esprits, de la vie, de l'activité, on s'aperçoit des imperfections. Il est alors de notre devoir de revenir sur notre travail pour mettre en cohérence les dispositions législatives dont nous avons la responsabilité.
Mme la ministre et mon ami Marcel Charmant ont expliqué le bien-fondé de l'article 4.
Pour ma part, je veux surtout dire comment les choses se passent dans une enceinte sportive réservée aux sports mécaniques lors d'une grande épreuve internationale.
Nous organisons à Magny-Cours, depuis 1991, le Grand Prix de France, qui est aussi, pour reprendre une formule cèlébre, le « Grand Prix de la France ». Beaucoup de choses ont été dites sur ce circuit, parfois justes, parfois injustes ; mais chacun se plaît à reconnaître qu'il s'agit d'un des plus beaux circuits du monde et de l'une des meilleures organisations des dix-sept grands prix mondiaux.
Lors de la manifestation, sont accrédités 500 titres de journaux, avec 600 journalistes, 300 photographes, 200 journalistes et personnels de télévision. Ces 1 100 personnes disposent d'un parking particulier de plus de 400 places à proximité de la salle de presse.
L'espace presse lui-même a une superficie de 2 000 mètres carrés et comporte une salle de 250 postes de travail équipés du téléphone et de 27 canaux vidéo pour l'information instantanée, 37 cabines de commentateurs de télévision, 20 cabines réservées aux radios, une salle de conférences de 150 places, un espace convivial réservé aux journalistes de 300 mètres carrés et 7 laboratoires photo ; 250 000 feuillets d'information sont distribués et 15 navettes automobiles sont à la disposition des journalistes pour faciliter leur travail et leur circulation.
Tous les espaces mis à disposition des journalistes sont situés à proximité des paddocks, donc proches des acteurs du Grand Prix. Par ailleurs, nous avons aménagé une salle de presse annexe pour éviter tout refus d'accréditation.
Ce témoignage de ce que nous vivons chaque année motive les réserves que nous émettons à l'encontre de l'amendement de la commission.
De quoi s'agit-il, en effet ? De la liberté d'informer, prévue par la loi de 1984, confirmée par la loi Bredin de 1992 et encore renforcée dans ses garanties par le texte que l'on nous soumet.
Mais il s'agit, plus encore - Marcel Charmant en a parlé - de la sécurité des personnes et des installations accueillant des compétitions sportives. Dans ce domaine comme dans tous, le principe de précaution s'impose à nous. Il est de notre responsabilité en tant que parlementaires, de légiférer en ayant constamment à l'esprit ce souci de sécurité.
Pour ce qui concerne la liberté d'informer, je rappelle la première garantie que prévoit notre droit : la citation gratuite de brefs extraits, librement choisis, par prélèvement d'images auprès de la chaîne ayant obtenu l'exclusivité d'une retransmission.
L'article 4 de la proposition de loi étend cette garantie en permettant la captation, par les chaînes de télévision non cessionnaires du droit d'exclusivité, d'images périphériques à la compétition elle-même - ce qu'on appelle en jargon journalistique les sujets d'ambiance. Cette autorisation implique, de fait, le libre accès de tous les journalistes, qui est la seconde garantie instituée par les textes de 1984 et de 1992 et que confirme donc la proposition de loi, amendée par le Gouvernement et votée par les députés.
Le renforcement de la sécurité tient, pour sa part, dans l'appréciation qui sera laissée aux fédérations organisatrices de compétitions sportives pour limiter éventuellement la libre circulation des journalistes en fonction, je cite le texte, « des contraintes liées à la sécurité du public et des sportifs et aux capacités d'accueil ».
Je tiens à souligner, d'une part, que ces fédérations exerceront une mission de service public par délégation et, d'autre part, que les décisions de ces fédérations seront prises avec l'accord du ministre chargé des sports et après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
En résumé, je constate que l'article 4 de la proposition de loi soumise à notre vote satisfait à la fois aux revendications légitimes concernant le droit à l'information et à l'impératif de sécurité qu'il nous appartient de défendre. Je remarque, enfin, qu'il y satisfait dans le respect de la concertation entre les fédérations organisatrices et les pouvoirs publics, garants, par définition, de l'équité entre les médias.
C'est pour ces raisons que, avec mon groupe, je ne voterai pas l'amendement de la commission et que je vous invite, mes chers collègues, à faire de même, si j'ai réussi à vous convaincre.
Madame la ministre, vous avez su, au travers du texte qui nous est proposé, concilier les intérêts de toutes les parties, et je vous en remercie.
L'article 4 est un article de conciliation entre les organisateurs de manifestations sportives, les représentants de la presse et le public, qui a droit à l'information. En refusant l'amendement de la commission, vous exercerez pleinement votre mission de législateur, mes chers collègues.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Madame la ministre, pour aller vite, je vais laisser mon survêtement au vestiaire. (Sourires.)
Je veux simplement dire que la situation mais aussi les solutions de ce jour sont peu satisfaisantes. A l'évidence, il faut encore creuser la question. Nous pourrons le faire à l'occasion de la discussion des textes à venir, qu'il s'agisse du projet de loi sur l'audiovisuel ou du projet de loi d'orientation sur le sport.
Nous sommes actuellement confrontés à l'absence de base législative pour réglementer. C'est d'ailleurs là l'aspect le plus convaincant de votre argumentation, madame la ministre.
La suppression du texte adopté par l'Assemblée nationale conduirait à perpétuer une situation qui n'est pas saine. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre l'amendement de la commission.
M. François Lesein, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur. Après ces superbes interventions, je veux simplement rappeler qu'il y a, dans les textes existants, la base pour prendre un décret.
Je rappellerai également un seul fait, qui illustre bien le danger qu'il y a à laisser trop de pouvoir aux fédérations. En 1992, à Magny-Cours, précisément, la FOCA, l'association des constructeurs de formule 1, avait expulsé FR 3. Peut-être vous en souvenez-vous !
M. Marcel Charmant. Oui !
M. François Lesein, rapporteur. Elle a d'ailleurs été condamnée puisque FR 3 a porté plainte.
Dernièrement encore, il s'est produit un incident au Stade de France entre France 3, toujours, et TF 1.
Les cessionnaires ont peut-être des droits, c'est vrai, mais ces derniers sont tout de même excessifs, et je voulais le rappeler.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le rapporteur, on demande à la fédération non pas de faire la loi, mais, à partir de la loi, d'établir un règlement, visé par le CSA et par le ministère de la jeunesse et des sports, pour concilier précisément - puisque vous venez de prendre des exemples précis - le droit de France 3 de reprendre des extraits, de filmer les abords de la compétition, d'interviewer quelqu'un, du mouvement sportif ou non, avec le droit de cession. Voilà la raison d'être, et la seule, de ce règlement !
M. Marcel Charmant. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 est supprimé.

Intitulé de la proposition de loi