SÉCURITÉ ET PROMOTION
D'ACTIVITÉS SPORTIVES

Adoption d'une proposition de loi déclarée d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 243, 1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relative à la sécurité et à la promotion d'activités sportives. [Rapport n° 255 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui est dictée par la nécessité de répondre à un certain nombre de problèmes urgents concernant la sécurité des installations sportives, l'accueil et la sécurité du public à l'occasion des manifestations sportives, l'encadrement des activités physiques et sportives dans les disciplines classées à risques et le développement des exclusivités audioviduelles.
Ces diverses mesures urgentes ne diminuent pas le besoin d'une refonte plus globale du dispositif législatif en vigueur qui, malgré les ajustements survenus, ne correspond plus aux besoins et à la réalité sociale et économique de la pratique sportive dans notre pays.
Nous avons pour responsabilité de donner au mouvement sportif les moyens de maîtriser les mutations qu'il connaît - notamment dans ses rapports à l'argent - pour un nouveau développement du sport et un renforcement, voire une réhabilitation de son éthique, de sa mission citoyenne.
Je vous confirme donc l'intention du Gouvernement de déposer, à l'automne, après le projet de loi sur la santé des sportifs et la lutte contre le dopage au mois d'avril - que je souhaiterais, d'ailleurs, déposer au Sénat en première lecture - un projet de loi d'orientation sur le sport.
En ce qui concerne la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, je précise, au sujet de l'article 1er, que la spécificité des enceintes sportives accueillant des compétitions de véhicules à moteur ou de bateaux à moteurs n'a pas été prise en compte dans la loi de 1992 adoptée à la suite des événements tragiques de Furiani.
En effet, dans ces manifestations, le comportement des spectateurs est différent, leurs déplacements étant justifiés par le contenu et le déroulement de l'épreuve. De ce fait, l'impératif de sécurité me semble davantage garanti par l'obligation de déterminer le nombre maximal de spectateurs accueillis dans chaque tribune.
Le renvoi au 1er juillet 2000 de la date butoir pour l'homologation des enceintes est une décision de bon sens réclamée par de nombreux élus. En effet, à la date butoir prévue, à savoir le 24 janvier 1998, moins de 10 % du parc d'enceintes concernées était homologué.
Je sais bien que ce report ne règle pas tous les problèmes que rencontrent les collectivités locales sur le plan des responsabilités et sur celui des charges financières.
Sur le premier point, je pense que le débat doit venir dans la préparation de la prochaine loi d'orientation sur le sport.
En ce qui concerne le second point, je peux d'ores et déjà vous annoncer que, lors de la dernière réunion du FNDS, le Fonds national pour le développement du sport, j'ai proposé au comité de gestion que des crédits soient prioritairement engagés en direction de la réhabilitation des installations sportives existantes.
Concernant l'article 2, il me semble important qu'à la veille de la Coupe du monde de football nous disposions de moyens dissuasifs à l'égard d'une minorité de spectateurs qui sèment le trouble dans les enceintes sportives, mais aussi en dehors.
Je me félicite de la proposition d'étendre la peine complémentaire d'interdiction d'accès aux stades aux infractions constatées à l'extérieur du stade. C'est en effet souvent lors de l'arrivée ou de la sortie du stade que des incidents ont lieu.
Dans la dernière période, des acteurs du mouvement sportif et des élus m'ont fait part de leurs inquiétudes quant à la recrudescence des actes de violence. Faire reculer cette violence nécessite que soit lancée auprès des supporters, des sportifs une forte campagne de prévention, et que soient développés des actes éducatifs. La charte du fair-play élaborée par des collégiens de Choisy, qui sera lue lors du premier match de la Coupe du monde de football, en est un bel exemple.
Il faut encourager ces initiatives. Je m'y emploie avec mes collègues de l'éducation nationale, mais une réelle application de la loi du 6 décembre 1993, modifiée par cette proposition de loi, est un élément dissuasif important.
L'article 3 porte sur la nécessité d'accorder le principe de libre prestation de services des ressortissants communautaires avec l'obligation de diplômes et de qualifications fixés par la loi française.
Cet article répond à une préoccupation majeure : la sécurité des usagers. Il insiste sur la connaissance de l'environnement, l'ignorance de réalités propres à certains milieux pouvant avoir des conséquences dramatiques.
Cet article ne vise que les prestataires de services pour lesquels le texte réglementaire en vigueur a fait l'objet d'accords conclus avec les organisations professionnelles et les institutions européennes compétentes. En pleine saison de sport d'hiver, cette mesure est attendue.
L'article 4 introduit une cohérence qu'appellent, d'un côté, le développement des exclusivités audiovisuelles et, de l'autre, le nécessaire respect de la liberté de l'information et de l'accès à l'information.
S'il faut admettre que le sport français puise une grande partie de ses ressources financières privées dans la conclusion d'accords d'exclusivité avec des organismes de communication audiovisuelle, nous devons, en même temps, préserver le libre accès des journalistes dans les enceintes sportives.
La loi du 16 juillet 1984, modifiée en 1992, dans ses articles 18-2 et 18-4, n'a pas permis de résoudre les conflits liés à la conciliation de ces deux droits.
Le texte proposé ici garantit le libre accès des journalistes et la pluralité de l'information du public.
Pour les organismes non cessionnaires des droits, le pouvoir de citation déjà prévu dans la loi existante est préservé et renforcé par les dispositions suivantes :
Les journalistes choisissent librement les extraits qu'ils souhaitent diffuser. Ces extraits leur seront fournis gratuitement.
L'accès dans les enceintes doit leur permettre de filmer les événements périphériques, c'est-à-dire ceux qui sont distincts de la compétition.
Ils pourront ainsi avoir un contact direct avec les acteurs de la manifestation.
Afin de préserver le rôle du mouvement sportif, il est précisé que « l'organisateur » est la fédération sportive délégataire française qui, dans le cadre de sa mission de service public, selon la loi du 16 juillet 1984, proposera un règlement.
Pour éviter tout arbitraire, ce règlement devra être visé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel avant d'être approuvé par le ministre chargé des sports.
Ce nouveau dispositif doit être mis en place préalablement à toute manifestation faisant l'objet d'un contrat d'exclusivité.
Cet article doit permettre de garantir le droit à l'information tout en prenant en compte la réalité des rapports entre le mouvement sportif et les médias. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Lesein, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, d'abord je veux vous demander de bien vouloir excuser l'absence du président de notre commission, M. Adrien Gouteyron, qui assiste aux obsèques de Régis Ploton, sénateur de la Haute-Loire, qui est décédé avant-hier.
Les lois « portant diverses mesures » constituent un exercice difficile. On s'aperçoit parfois, après les avoir adoptées dans l'urgence, bien sûr, et en urgence, qu'elles n'ont apporté que des solutions imparfaites, en tout cas rarement définitives à des problèmes qui n'avaient pas toujours été bien posés.
Pour tenter d'éviter cet écueil, la commission des affaires culturelles s'est attachée à analyser les problèmes qu'entend résoudre la proposition de loi qui nous est soumise et elle s'est efforcée de leur apporter les solutions qui lui ont paru les plus efficaces et les plus équilibrées.
Cela nous paraissait essentiel, car, en dépit de sa brièveté, le texte qui nous est soumis aborde des sujets - la sécurité des manifestations sportives, la qualité de l'encadrement sportif, le droit à l'information - qui ne peuvent être traités à la légère.
Ce faisant, nous avons aussi eu le souci de vous donner des moyens d'action adaptés, madame la ministre. En effet, le Sénat, a toujours fait passer avant toute autre considération la nécessité de soutenir le sport - qui est, pour chacun, un facteur d'épanouissement personnel et, pour tous, l'occasion de grandes fêtes collectives auxquelles vous tenez - et de le défendre contre la montée de la violence et de l'emprise de l'argent.
Mes chers collègues, le texte dont nous sommes saisis ne se prête guère à la synthèse. C'est donc dans l'ordre où elles se présentent que j'analyserai ses dispositions.
L'article 1er de la proposition de loi, qui modifie l'article de la loi de 1984 relatif à l'homologation des enceintes sportives, tend en premier lieu à faire une exception, au profit des circuits de vitesse, à l'obligation de ne prévoir que des places assises dans les tribunes des enceintes sportives.
La commission des affaires culturelles a estimé, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons lors de l'examen des articles, que cette exception n'était ni nécessaire ni souhaitable. En revanche, retenant une autre suggestion de l'Assemblée nationale, nous vous proposerons de compléter le texte en vigueur pour préciser que chaque tribune ne peut accueillir simultanément un nombre de spectateurs supérieur au nombre de places qu'elle offre.
Mais l'article 1er comporte une autre disposition qui illustre, malheureusement, ce que je disais tout à l'heure à propos des lois votées dans la précipitation. On nous demande en effet de prolonger pour la deuxième fois, et jusqu'au 1er juillet 2000, le délai prévu pour l'homologation des enceintes sportives ouvertes avant l'application de la loi de 1992. Mes chers collègues, on nous avait demandé, voilà près de six ans, d'adopter en urgence une nouvelle procédure d'homologation, alors qu'il aurait sans doute suffi, selon nous, de compléter et de mieux appliquer les règlements de sécurité en vigueur.
Voilà le résultat : ce texte qu'on disait indispensable ne s'applique encore, nous dit-on, qu'à 9 % des enceintes existantes. Vous avez annoncé, madame la ministre, et je m'en félicite, votre intention d'orienter prioritairement le FNDS vers la réhabilitation des installations sportives, mais il sera quand même très difficile de rattraper cet énorme retard en deux ans et demi.
Alors, nous voterons bien sûr cette disposition, mais vous comprendrez qu'elle nous renforce dans l'opinion que l'urgence est bien mauvaise conseillère.
L'article 2 prévoit, dans la perspective de la Coupe du monde de football, d'élargir le champ d'application de la peine complémentaire d'interdiction de stade prévue par la loi Alliot-Marie du 6 décembre 1993.
Cette peine ne peut actuellement être infligée qu'aux auteurs d'infractions commises dans des stades, à l'occasion d'une manifestation sportive ou de sa retransmission. Ce n'est pas suffisant, et cela peut même inciter à un simple déplacement de la violence aux abords des stades et au développement des affrontements à l'entrée ou à la sortie des matchs : il faut absolument y remédier.
Il faut aussi prévoir le cas des retransmissions en public sur grand écran, qui n'ont pas toujours lieu dans des stades, mais qui peuvent aussi être organisées à l'extérieur de ceux-ci. Vous avez prévu de le faire, et c'est une bonne idée, pour associer un plus vaste public à la fête de la Coupe du monde.
Nous vous proposerons de tenir compte de ces préoccupations. Mais nous ne pensons pas qu'il faille aller aussi loin que l'Assemblée nationale, qui a retenu une rédaction beaucoup trop large, laquelle serait du même coup bien difficile à appliquer.
J'en viens à présent à l'article 3, qui réglemente l'exercice en France de la libre prestation de services d'éducateur sportif.
Pour les professions de l'encadrement sportif, la libre circulation des travailleurs et des services s'applique dans le cadre de la reconnaissance mutuelle des formations professionnelles. Ce système ne nous est, en l'espèce, pas très favorable, d'une part, parce que nos exigences en matière de formation des éducateurs sportifs sont généralement très supérieures à celles des autres pays d'Europe...
M. Michel Barnier. C'est vrai !
M. François Lesein, rapporteur. - ... et il faut s'en féliciter, même si cela ne suffit pas toujours à éviter des drames tels que celui que nous venons de vivre voilà une semaine - et, d'autre part, parce que la France offre plus d'occasions d'exercer son métier à un moniteur de ski ou de plongée sous-marine que l'Irlande ou les Pays-Bas, où, comme chacun le sait, la montagne est importante... (Sourires.)
Le précédent gouvernement s'est efforcé de limiter les inconvénients d'une trop grande disparité entre les qualifications exigées par la France et celles qui le sont par les autres Etats européens. Il a obtenu - grâce, il faut le dire, à l'action soutenue de M. Michel Barnier, alors ministre délégué aux affaires européennes, et de ses services - de la Commission européenne la possibilité d'imposer des tests de capacité technique aux candidats au libre établissement ou à la prestation de services qui auraient une formation trop lacunaire, notamment à ceux qui n'ont pas d'autre qualification qu'une expérience professionnelle.
Cette faculté ne nous est pas accordée de manière définitive - c'est important - et elle est limitée à cinq disciplines : le ski, l'alpinisme, la plongée sous-marine, le parachutisme et la spéléologie, qui ne sont d'ailleurs pas toutes, il faut bien le dire, des sports de masse.
Cet accord de la Commission a été traduit dans deux décrets fondés, un peu acrobatiquement, sur la loi de 1984 : le décret du 25 novembre 1996 relatif à la libre prestation de services, qui fait référence aux articles 43 et 47-1 de la loi, et le décret du 4 avril 1997 relatif à la liberté d'établissement, qui est présenté comme un décret d'application de l'article 43.
L'article 3 de la proposition de loi a pour objet de donner un fondement législatif au décret sur la libre prestation de services, et de permettre de sanctionner les prestataires de services qui ne passeraient pas le test de capacité auquel ils seraient soumis.
Je vous le dis tout de suite, madame la ministre, nous sommes tout à fait d'accord sur ces deux objectifs.
Mais, je vous le dis aussi, la portée et le dispositif de l'article 3 ne nous paraissent pas très satisfaisants, et nous pensons que l'on peut mieux faire. C'est ce à quoi nous nous employons.
Sur la portée de l'article, d'abord : pourquoi s'en tenir à la prestation de services ? Vous nous dites que le décret de 1996 est le seul qui manque de base légale. Cela se discute !
Vous nous dites aussi que c'est surtout la prestation de services qui pose problème, car c'est de ce régime que se réclament les moniteurs plus ou moins qualifiés - plutôt moins que plus - qui viennent encadrer des groupes dans les stations françaises de sports d'hiver. C'est vrai, mais je vous répondrai trois choses.
D'abord, il ne faut pas attendre que les problèmes se posent pour les résoudre.
Ensuite, il faut prendre garde au fait que ni le traité de Rome ni la jurisprudence ne font de différence très nette entre liberté d'établissement et liberté de prestations. Nous sommes ici en présence d'activités par nature saisonnières, et qui peuvent être exercées par des frontaliers. Mieux vaut donc renforcer les deux procédures, plutôt que l'une et pas l'autre...
Enfin, je sais bien que nous ne légiférons pas aujourd'hui pour l'éternité, puisque une refonte prochaine de la loi de 1984 est annoncée. Elle est souhaitable et à faire... en dehors de l'urgence !
Mais pourquoi ne pas traduire tout de suite dans la loi l'ensemble du régime de la libre circulation des éducateurs sportifs, d'autant qu'il est déjà applicable ? Et, surtout, pourquoi ne faire les choses qu'à moitié ?
Si ce régime est déjà applicable, certaines instances juridiques profitent d'un hiatus : celui qui existe entre la loi de 1984 et celle de 1992 pour renvoyer les dossiers et fâcher la plupart des professionnels français qui, eux, ont des diplômes.
Le dispositif proposé comporte aussi quelques faiblesses.
En premier lieu, il introduit dans la loi un article nouveau et une nouvelle procédure de déclaration, alors que le décret de 1996 se fonde évidemment sur les textes en vigueur. Si l'on veut lui donner une base légale, le plus simple est, me semble-t-il, de lui laisser les bases qu'il a déjà, notamment la procédure de déclaration prévue à l'article 47-1.
En deuxième lieu, ce nouvel article ne fait pas référence aux interdictions professionnelles que l'article 43 oppose aux candidats aux professions d'éducateur sportif. C'est une lacune grave, car cela veut dire que des personnes condamnées pour crime, pour infractions sexuelles ou pour trafic de stupéfiants pourraient se réclamer du régime de la libre prestation de services.
En troisième lieu, la proposition de loi emprunte des voies bien tortueuses, et assez hasardeuses, pour prévoir la sanction du défaut de test.
Je rappelle que le défaut de déclaration est, lui, déjà sanctionné, et par des peines qui permettent la comparution immédiate des délinquants s'ils sont pris en flagrant délit.
En revanche, un prestataire de services qui aurait effectué une déclaration, mais qui n'aurait pas passé le test technique qu'on lui aurait imposé, ne pourrait être sanctionné immédiatement : il faudrait attendre qu'il exerce, lui interdire d'exercer et il ne pourrait être sanctionné que pour violation de cette interdiction. Evidemment, il risque d'avoir quitté la France bien avant !
On propose donc de sanctionner le défaut de test. Mais on ne peut pas, sous peine de discrimination contraire au droit européen, créer une sanction pour défaut de titre qui ne frapperait que les ressortissants communautaires. Par conséquent, on prévoit de sanctionner aussi toute personne qui exercerait sans titre les activités pour lesquelles on peut imposer le test.
C'est là que le bât blesse ! En effet, d'abord, le texte est rédigé de telle manière que n'importe quelle activité pourrait être visée. Une « activité exercée dans un environnement spécifique » - il s'agit de la formulation qui a été retenue par l'Assemblée nationale - cela peut être aussi bien la natation que le ski, la randonnée pédestre dans le Val de Loire ou la plongée sous-marine en Corse...
Un premier problème se pose donc : la loi crée un délit, mais ne le définit pas comme l'article 34 de la Constitution et le principe de légalité des délits et des peines imposent au législateur de le faire.
On répond à cela que l'on sait bien que les activités visées, ce sont les cinq pour lesquelles on peut imposer un test de capacité aux prestataires de services communautaires. Certes, encore que cela ne dispense pas le législateur d'exercer sa compétence. Mais cela pose alors un second problème, celui de l'égalité devant la loi. Pourquoi cela serait-il un délit d'enseigner sans diplôme le ski de fond, plutôt que le bobsleigh, le parapente, le rafting, le tir ou le vol à voile ?
J'ajoute que, à l'échelon national, l'intérêt pratique de sanctionner le défaut de diplôme est nul, car il y aurait concours d'infraction avec le défaut de déclaration.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposerons une autre solution, qui ne présente pas les mêmes inconvénients, pour permettre de sanctionner le défaut de test.
Ce que nous proposons, c'est d'opposer une interdiction automatique, et immédiatement sanctionnable, d'exercer son activité à toute personne qui aurait effectué la déclaration requise, mais qui ne remplirait pas les conditions légales - diplôme ou test - pour exercer l'activité déclarée.
J'en viens enfin à l'article 4, qui résulte d'un amendement du Gouvernement. Nous examinerons tout à l'heure son contenu dans le détail. Je me bornerai à dire, pour l'instant, qu'il restreint le droit à l'information sportive tel que l'Assemblée nationale et le Sénat l'avaient défini en plein accord en 1992 - un accord qui n'était alors pas plus facile à trouver qu'aujourd'hui. Nous étions dans la même situation politique. En outre, il donne compétence aux fédérations sportives pour définir les mesures d'application de la loi, selon une conception assez originale de l'exercice du pouvoir réglementaire.
Mais je voudrais insister à présent sur un autre aspect de la question, et je le fais, mes chers collègues, avec gravité.
Personne n'ignore, madame la ministre, les pressions indécentes qu'ont exercées et qu'exercent encore sur le gouvernement français M. Mosley, président de la Fédération internationale de l'automobile, et son vice-président, M. Ecclestone, qui est aussi le président de la Formula One Administration Ltd, la FOA, détentrice des droits d'exploitation des compétitions du sport automobile.
Personne n'ignore que M. Ecclestone est prêt à tout pour défendre le caractère absolu du monopole qu'il détient, un monopole d'ailleurs contesté, comme celui de la Fédération internationale de l'automobile, la FIA, par la Commission européenne, puisqu'il est convoqué, chacun le sait - les journaux en ont suffisamment parlé - à Bruxelles.
La FOA, qui s'appelait alors la FOCA - Formula One Constructors Association - a déjà été condamnée par les tribunaux français pour atteinte au droit à l'information : elle estime donc plus simple que l'on change une loi qui ne lui convient pas. C'est ce qu'elle a essayé de faire avec nos collègues belges qui, eux, ont porté plainte auprès de la Cour de justice des Communautés européennes.
Nous sommes très conscients, madame la ministre, de la situation dans laquelle vous vous trouvez et nous ne demandons, sachez-le, qu'à vous soutenir. Mais comment ?
Nous pensons que, dans de telles circonstances, le moyen le plus efficace dont nous disposions à cet effet, c'est d'affirmer que, dans de semblables conflits, l'intérêt général et les principes de notre droit doivent l'emporter sur des intérêts particuliers.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. François Lesein, rapporteur. C'est pourquoi nous demanderons au Sénat de ne pas revenir sur la proposition équilibrée qu'il avait prise en 1992.
Monsieur le président, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles vous demande d'approuver la proposition de loi, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous propose. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires culturelles m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discusssion de la proposition de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous débattons aujourd'hui ne peut que bénéficier de toutes les cautions. Il vise en effet à pallier, dans l'urgence, des situations de vide juridique et à améliorer les conditions de sécurité lors de manifestations ou de pratiques d'activités sportives, sans présupposer - vous l'avez confirmé - du contenu du futur projet de loi sur le sport sur lequel vous vous êtes déjà exprimée et dont vous avez annoncé le dépôt pour les prochains mois.
De l'application rapide du dispositif de ce texte dépendent, en effet, le bon déroulement de la saison de ski, de la Coupe du monde de football, notamment, et surtout la survie du Grand prix de France de Formule 1.
Notre rapporteur, dont je veux saluer la compétence et le travail, souligne que « les lois portant diverses mesures constituent un exercice difficile, et que l'on s'aperçoit trop souvent, après coup, qu'elles n'ont apporté que des solutions imparfaites, voire un peu improvisées », et qu'en matière législative l'urgence est rarement bonne conseillère.
Il y a du vrai dans cette affirmation, mais je ne peux m'empêcher de penser que, dans une société qui évolue - et qui plus est lorsqu'elle évolue vite - les gouvernements, le législateur sont contraints à ce genre d'exercice dans l'intérêt général. Et il n'est pas certain que, dans ces moments-là, on légifère moins bien.
Le texte d'aujourd'hui nous montre que, dans la législation existante, il y avait quelques imperfections, quelques lacunes. C'est bien normal car le droit ne peut être figé.
Je serai donc beaucoup moins critique que M. le rapporteur sur les dispositions contenues dans cette proposition de loi, et je reviendrai successivement sur ces différents points que je viens de citer.
Tout d'abord, à propos de la Coupe du monde de football, je me félicite du très grand soin qui entoure sa préparation. L'inauguration du Stade de France, la semaine dernière, nous a montré l'excellence de l'organisation qui entoure la préparation de cette manifestation.
Les dispositions contenues dans la proposition de loi oeuvrent dans le même sens.
Première mesure urgente de bon sens : le report de la date butoir d'homologation des enceintes sportives. Prévue, aux termes de la loi Bredin du 13 juillet 1992, pour le 24 janvier 1998 au plus tard, l'homologation des enceintes sportives sera reportée au 1er juillet 2000, en vertu de l'article 1er de la proposition de loi.
La principale conséquence de ce report sera de permettre le bon déroulement de la Coupe du monde, en toute légalité : en effet, à l'heure actuelle, pas même 20 % de l'ensemble des enceintes « homologables » se trouvent en situation régulière. Grâce au report prévu, il n'y aura pas de problème de tenue de certains matches de la Coupe du monde dans des enceintes non encore homologuées ou en passe de l'être.
A ce stade de notre débat, je souhaite vous dire, madame la ministre, qu'il serait bon et utile d'associer les élus des collectivités territoriales à la réflexion sur la sécurité et l'homologation des installations sportives en particulier, et, d'une façon générale, des installations accueillant du public, afin de définir les réglementations et les normes.
En effet, les collectivités locales sont directement concernées, d'abord au titre de la sécurité, mais aussi au titre des investissements à réaliser. Et l'on a quelquefois tendance, à partir d'un événement isolé, à tirer des conclusions générales que je qualifierai d'exorbitantes.
Le deuxième problème que permet de régler la proposition de loi concerne également la Coupe du monde : il s'agit des exactions commises hors des enceintes sportives et, plus particulièrement, des actes de violence qui ont lieu à l'occasion des matches de football, mais en dehors des stades. Jusqu'à présent, notre législation prévoit les actes de violence commis à l'intérieur des stades et nous disposons d'un arsenal juridique pour sanctionner les personnes coupables de tels faits ; en revanche, tout ce qui se passe en dehors des enceintes sportives fait l'objet d'un vide juridique.
Tirant notamment les conséquences des récentes recommandations du Comité permanent de la convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors des manifestations sportives, la proposition de loi propose d'étendre le champ d'application de notre législation aux infractions commises « lors du déroulement ou de la retransmission en public d'une manifestations sportive ».
Tout cela me semble de très bon augure pour le déroulement de la Coupe du monde dans un maximum de sérénité. En effet, de très nombreux matches seront retransmis hors enceinte, sur écran géant, et nombreux aussi seront les spectateurs sportifs qui emprunteront les transports en commun pour se rendre sur les lieux concernés. Le texte adopté par l'Assemblée nationale me semble répondre parfaitement à ces préoccupations : il améliore le texte initial, en prenant en compte le lien de « relation directe » avec la manifestation sportive.
Enfin, j'en viens au dernier point concernant la Coupe du monde de football : la réglementation des exclusivités des chaînes de télévision, lors des retransmissions d'événements sportifs.
L'amendement d'origine gouvernementale adopté par l'Assemblée nationale en première lecture permettra aux fédérations sportives de définir, avec l'accord du ministre chargé des sports et après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, les modalités d'accès et les lieux autorisés aux journalistes et à leurs équipes.
Par ailleurs, le nouvel article 4, introduit dans le texte par cet amendement, laisse la possibilité de fixer des limites à la libre circulation des journalistes, compte tenu « des contraintes liées à la sécurité du public et des sportifs, et aux capacités d'accueil ».
Ce nouveau dispositif, qui modifie la loi Bredin de 1992, laquelle alignait le droit à l'information en matière sportive sur le droit commun, sur le principe du droit de citation, permettra d'apporter une réponse précise et adaptée aux manifestations sportives dans leur réalité actuelle. A titre d'exemple, cela aidera à résoudre le problème épineux des quelque 8 000 demandes d'accréditation déjà enregistrées pour la Coupe du monde et d'éviter que certaines zones sensibles des stades ne soient envahies au-delà du raisonnable.
Je termine mon propos quant à la Coupe du monde, mais je reviendrai tout à l'heure sur les dispositions de l'article 4 pour ce qui a trait à un autre secteur sportif qui me tient tout particulièrement à coeur, je veux parler du Grand prix de France de Formule 1.
L'article 3 tend à renforcer la réglementation applicable aux ressortissants étrangers de la Communauté européenne qui exercent, de façon temporaire, l'activité d'éducateur sportif. Il est temps de mettre fin à ce traitement « deux poids, deux mesures », selon que l'on est citoyen français ou ressortissant étranger. Je me réjouis du dispositif proposé, et je souhaite que l'application du nouveau texte soit, cette fois-ci, effective.
J'en viens au dernier point que je souhaite aborder : il s'agit des circuits destinés aux sports mécaniques. Deux articles concernent ce type d'enceintes sportives : l'article 1er et l'article 4.
La modification opérée par l'article 1er de la proposition de loi répond à une nécessité : la loi Bredin, en juillet 1992, a fixé différents seuils de places en salle ou en plein air correspondant aux différents degrés d'homologation selon la capacité d'accueil des stades. Les limites de ce dispositif viennent du fait que cette loi n'appréhendait que les seuls places assises puisque le législateur, à l'époque, souhaitait d'abord apporter une réponse à la situation découlant de la catastrophe de Furiani et visait donc à assurer la sécurité des spectateurs assis des matches de football.
Aujourd'hui, il convient de tenir compte de la spécificité de certaines enceintes, notamment des circuits destinés aux sports mécaniques ; la proposition de loi le fait en prévoyant une procédure d'homologation ad hoc pour ce type d'enceintes où le public est souvent appelé à rester debout ou à se déplacer durant les épreuves.
Je terminerai mon intervention en revenant sur le dispositif de l'article 4, que j'ai abordé tout à l'heure à propos de la Coupe du monde mais qui revêt une importance capitale également pour la Formule 1, puisque son dispositif permet d'assurer la pérennité du Grand prix de France. J'indique donc que les sénateurs socialistes ne sauraient cautionner l'amendement de suppression de cet article que propose le rapporteur de la commission des affaires culturelles.
J'ai lu avec attention le rapport de M. François Lesein ainsi que le compte rendu des débats de la commission des affaires culturelles, et je comprends le souci des membres de celle-ci d'assurer le droit d'accès du public à l'information sportive et des journalistes aux enceintes sportives, conformément aux dispositions de la loi de 1984.
Nul n'ignore, en effet, que cette loi renvoie les conditions d'application à un décret en Conseil d'Etat, après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, décret qui, comme cela a été relevé à l'Assemblée nationale la semaine dernière, n'a toujours pas été pris.
Or le Conseil d'Etat a récemment fait savoir que les dispositions à prendre étaient du ressort de la loi ; c'est la raison pour laquelle nous en débattons aujourd'hui.
On ne peut prétendre que l'article 4 adopté par l'Assemblée nationale, revient sur les dispositions du texte de 1992. En effet, cet article réaffirme les principes énoncés en 1992, à savoir le droit d'exploitation d'une manifestation ou d'une compétition sportive pour l'organisateur, le droit à l'information du public par les autres services de communication audiovisuelle, enfin le droit de citation à titre gratuit.
En outre, il organise l'accès des journalistes et des personnels des entreprises d'information dans le cadre des contraintes liées à la sécurité du public et des sportifs, ainsi qu'aux capacités d'accueil.
Le texte organise ces dispositions en prévoyant un règlement qui doit être approuvé, a priori , par le ministre chargé des sports, après avis du CSA, et officiellement publié. Il précise les conditions de captation des images distinctes de celles de la manifestation ou de la compétition sportive proprement dite, et cela dans la logique du droit reconnu à l'exclusivité accordée.
Il s'agit donc d'un texte de cohérence et de précision des principes que l'Assemblée nationale et le Sénat avaient édictés dans la loi de 1992.
Telles sont les réflexions que m'inspire le texte dont nous débattons cet après-midi. Les sénateurs socialistes l'approuvent dans sa globalité et voteront donc pour cette proposition de loi qui permettra d'assurer, de façon générale, plus de sécurité dans le secteur de la pratique et du spectacle sportifs. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est digne d'intérêt à double titre : d'une part, parce qu'elle s'inscrit dans la perspective d'une réforme d'ensemble de la législation sur le sport et, d'autre part, parce qu'elle contient des mesures urgentes qu'il convient de ne pas négliger.
Le monde sportif espère une véritable loi d'orientation qui permette d'aborder les principaux problèmes qui se posent aujourd'hui : statut des bénévoles, sécurité, fiscalité.
Madame la ministre, vous nous avez annoncé un important projet de loi sur le sport pour l'automne prochain.
Soyez assurée que le groupe des Républicains et Indépendants l'examinera avec beaucoup d'attention, tant sont grandes les attentes dans ce domaine.
Soyez également assurée qu'il sera particulièrement attentif à un juste partage des responsabilités financières entre l'Etat et les collectivités locales, qui doivent souvent assumer seules la réhabilitation des installations sportives.
Dans l'attente d'une réforme globale, cette proposition de loi tend à résoudre certains problèmes urgents, principalement motivés par la tenue, en France, de la Coupe du monde de football.
Sécurité des installations sportives, accueil et sécurité du public, encadrement des activités physiques et sportives dans les disciplines classées à risque sont les trois principaux sujets traités par ce texte.
Le Gouvernement a souhaité en ajouter un quatrième au dernier moment, sous forme d'un article additionnel, qui concerne le développement des exclusivités audiovisuelles en matière sportive et de droit à l'information.
A cet égard, permettez-moi de regretter la précipitation avec laquelle il nous est demandé de légiférer, à quelques mois d'événements sportifs majeurs pour notre pays.
Je comprends que le Gouvernement souhaite que la Coupe du monde de football se déroule le mieux possible - nous le souhaitons tous - mais ce n'est pas une raison pour proposer à la représentation nationale l'adoption, à la va-vite, de mesures insuffisamment précises ou remettant brusquement en cause des équilibres établis dans la concertation et ajustés au cours du temps.
Le législateur se doit de contenir les ardeurs, voire les excès de ceux dont les intentions sont louables mais les actes précipités.
M. Pierre Mauroy. Oh !
M. James Bordas. Tel doit être, notamment, le rôle du Sénat, et je tiens, à ce propos, à souligner la qualité du travail de la commission des affaires culturelles, en particulier de son rapporteur, qui a su examiner cette proposition de loi avec la sagesse et le recul nécessaires.
En effet, si ce texte est modeste, il mérite cependant d'être précisé, simplifié, voire allégé d'un certain nombre de dispositions qui ne semblent pas indispensables ou risquent, dans la pratique, de paraître trop complexes et donc inefficaces.
L'article 1er de la proposition de loi permet de déroger à l'exigence de places uniquement assises dans les tribunes pour permettre le déplacement des spectateurs lors des compétitions auto-moto.
Nous pouvons comprendre les motivations d'une telle disposition. Cependant, nous ne devons pas oublier que la loi de 1984 a créé une obligation de places assises dans un souci de sécurité qui doit rester notre priorité.
J'approuve donc entièrement la décision de notre commission, qui a souhaité maintenir l'exigence de places assises, y compris lors des compétitions auto-moto.
De plus, il ne paraît pas judicieux de créer une exception pour les circuits de vitesse au motif que les spectateurs souhaitent se déplacer le long de ces circuits et changer de place pendant la compétition.
Comme l'a très justement souligné M. le rapporteur, les organisateurs d'autres manifestations sportives risqueraient alors de faire valoir les mêmes arguments afin d'obtenir, eux aussi, une dérogation.
L'article 1er vise également à un nouveau report - jusqu'au 1er janvier 2000 - de la date butoir d'homologation des stades de plus de 3 000 places, date butoir qui avait déjà été précédemment repoussée au 24 janvier 1998.
Le groupe des Républicains et Indépendants approuve un tel report. Lorsqu'on sait que seulement 9 % des 821 enceintes recensées sont actuellement homologuées, cette mesure semble de bon sens.
Ce délai supplémentaire devrait permettre au Parlement d'aboutir à une solution équilibrée mais provisoire.
En effet, le report de la date butoir d'homologation des stades de plus de 3 000 places ne résout pas tous les problèmes que rencontrent les collectivités locales pour financer la réhabilitation des installations existantes. La question se pose en termes non seulement de délais mais également de financement.
Notre pays souffre d'un excès de réglementation. Dans le domaine sportif comme dans beaucoup d'autres, l'Etat a voulu ajouter une nouvelle procédure d'homologation aux procédures existantes au lieu de réformer ces dernières et de les faire pleinement appliquer.
Mieux vaut être modeste en la matière plutôt que d'adopter des réglementations trop lourdes dont on finit par reporter l'application en raison de l'impossibilité de respecter les délais prévus.
L'article 2 de la proposition de loi tend à incriminer certains faits répréhensibles accomplis à l'extérieur des stades en étendant la possibilité de prononcer une peine complémentaire d'interdiction de stade pendant une durée maximale de cinq ans.
J'approuve, sur ce point, la position de notre commission, qui donne une définition plus précise des conditions dans lesquelles sera appliquée cette peine.
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale prévoit en effet d'étendre le champ de cette mesure à toutes les infractions commises « en relation directe » avec une manifestation sportive. Là encore, et malgré de bonne intentions, une rédaction imprécise risquerait d'aboutir à des effets inverses et limiterait l'efficacité de la peine.
Notre position sur l'article 3 procède de la même logique d'efficacité.
Cet article vise à subordonner l'exercice de certaines activités dangereuses au passage d'un test pour les moniteurs européens lorsqu'il existe une différence de qualification entre les brevets étrangers et français. Il tend également à soumettre l'exercice d'activités se déroulant dans un milieu spécifique au passage d'un test de connaissance de cet environnement.
Sont concernés, comme cela a été rappelé, le ski, l'alpinisme, la plongée, le parachutisme et la spéléologie.
La tragédie qui vient de se produire dans les Alpes ne peut que nous inciter à renforcer les règles d'encadrement des activités sportives, surtout lorsqu'il s'agit d'enfants. Ce souci de sécurité passe notamment par un contrôle strict des capacités des ressortissants européens qui souhaitent exercer une activité d'encadrement sportif en France.
Cependant, là encore, l'efficacité passe par la définition de règles simples et facilement applicables. A cet égard, le dispositif proposé par la commission me paraît mieux adapté que celui qui a été adopté par l'Assemblée nationale.
Il permettra à l'autorité administrative de sanctionner plus facilement les ressortissants européens qui exercent une activité d'encadrement sportif sans avoir satisfait à une épreuve de contrôle de leurs capacités.
L'article 4, enfin, donne aux fédérations sportives la possibilité de réserver à un cessionnaire exclusif le droit de retransmission de la manifestation sportive elle-même. Les autres médias chargés d'une mission d'information du public devront se contenter de brefs extraits de la manifestation, prélevés gratuitement sur les images réalisées par le cessionnaire.
Mes chers collègues, il s'agit là d'une question essentielle, qui touche au principe du pluralisme del'information. Elle ne peut être résolue à l'occasion d'un amendement de dernière minute, voté dans l'urgence, qui limite le droit de citation et le droit d'accès des journalistes aux enceintes sportives.
Elle doit, au contraire, faire l'objet d'une large concertation et d'une étude de la législation actuelle, de ses limites et des améliorations qui peuvent y être apportées.
Dans ces conditions, je me félicite de la décision de la commission de supprimer l'article 4, qui risquerait de conduire à des pratiques détestables et qui nuirait au bon déroulement des prochains événements sportifs.
Plutôt que de légiférer dans l'urgence sur des questions qui nécessitent une analyse plus profonde, le Gouvernement serait à mon sens mieux inspiré de proposer des solutions concrètes aux problèmes pratiques qui se poseront lors de la prochaine Coupe du monde de football. Je pense notamment aux transports en commun, que nos concitoyens sont invités à emprunter pour se rendre au Stade de France.
Je souhaiterais ainsi connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de garantir que la libre circulation des spectateurs ne sera pas entravée par un quelconque mouvement de grève.
Cette interrogation étant posée, j'indique que le groupe des Républicains et Indépendants approuvera la proposition de loi assortie des amendements de la commission, c'est-à-dire modifiée dans le sens d'une plus grande sagesse et d'une meilleure efficacité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de vous faire part, à l'annonce de l'exécution, cette nuit, au Texas, de Karla Tucker, de mon émotion et de mon indignation devant ces pratiques d'un autre temps,...
M. François Lesein, rapporteur. Indignes d'un pays qui prétend défendre les droits de l'homme !
Mme Hélène Luc. ... qui devront bien disparaître un jour. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - M. le rapporteur applaudit également.)
L'idée de justice prend sa source dans le contournement de la vengeance personnelle. L'exécution capitale va à l'encontre de ce principe fondamental. Voilà pourquoi de telles pratiques devront bien, je le répète, disparaître.
J'en viens maintenant à ce qui fait l'objet de notre débat.
Voilà juste une semaine, nous étions 80 000 spectateurs enthousiastes, rassemblés pour l'inauguration du magnifique Stade de France, à vivre avec des millions de téléspectateurs le départ d'une grande aventure.
Qu'ajouter aux réactions et commentaires unanimes qui ont suivi cet événement, saluant comme je le fais moi-même la grande réussite, sur tous les plans, de cette réalisation et de cette première ?
Ce grand stade honore la France, faisant de notre pays le siège d'un événement sportif considérable qui va faire vibrer des milliards d'habitants de la planète pendant trois semaines.
Permettez-moi de voir dans cet équipement un exceptionnel outil d'épanouissement humain pour notre pays, ce qui confirme la nécessité de faire vivre ce stade par la suite.
J'ai parlé de réussite sur tous les plans : l'architecture et l'organisation - notamment en ce qui concerne les transports publics, qui ont fait la preuve de leur efficacité pour acheminer en peu de temps des dizaines de milliers de spectateurs - se conjuguent avec le formidable engouement de notre jeunesse pour cette grande fête de la fraternité et des coopérations multiples.
Le Stade de France témoigne aussi de la réussite d'une démarche singulière en matière de sécurité : dès le départ, il s'est agi de construire une structure telle qu'elle crée les conditions d'une ambiance conviviale, ouverte, non agressive, en se souciant d'intégrer pleinement l'environnement humain du site.
Je vois là une des clés de la réflexion et de l'action sur ces questions de violence et de sécurité dans les enceintes sportives qui nous occupent.
Vous avez tout à l'heure rappelé à juste titre, madame la ministre, le travail accompli par les enseignants et les élèves du collège Henri-Matisse à Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne, qui démontre que la discipline et l'esprit civique passent avant tout par l'éducation et par la responsabilisation des jeunes.
Le drame survenu mercredi dernier dans le massif des Orres a suscité d'autres moments d'émotion intense, mais dans le sens du chagrin : ce fut l'hommage rendu par la foule aux jeunes victimes de Montigny-le-Bretonneux et à leurs familles endeuillées.
A ces familles, à tous les proches des jeunes et des accompagnateurs victimes, je souhaite dire que nous tous, élus nationaux ou locaux, responsables d'associations, avons un devoir particulier : faire en sorte que de tels drames soient évités.
S'agissant de la pratique de la haute montagne, peut-être conviendrait-il de reconsidérer la réglementation des pratiques sportives en altitude, notamment l'accès aux hautes terres.
Certes, pour nombre de nos concitoyens, la montagne symbolise la liberté, au point que les prescriptions des maires des communes de montagne sont peu respectées ou ne le sont même pas du tout. Cet espace de liberté exige pourtant un grande vigilance afin de prévenir le plus possible les éventuels accidents. A l'évidence, la mise en place d'une réglementation stricte s'impose.
Je reviens au texte en discussion, sans m'en être d'ailleurs vraiment éloignée puisque les articles 2 et 3 de cette proposition de loi ont directement trait aux problèmes de sécurité.
Ce texte répond à une actualité pressante en matière de conformité des équipements sportifs : nous sommes en effet à quelques mois de la Coupe du monde de football.
Après la tragédie de Furiani, en 1992, une procédure d'homologation sévère - mais c'était nécessaire - fut mise en place pour les enceintes sportives.
Le délai de deux ans initialement ouvert pour homologuer les enceintes sportives fit l'objet d'un premier report en 1995, la date butoir étant alors repoussée au 24 janvier 1998. Il est clair que, au moment où nous parlons, l'homologation n'est pas achevée ! Cela a été dit, seules 9 % des enceintes homologables sont effectivement homologuées.
Le délai d'homologation doit donc être une nouvelle fois reporté - vous avez donc eu tout à fait raison, madame la ministre, de faire discuter ce texte par le Parlement - faute de quoi des manifestations sportives ne pourraient avoir lieu, y compris certaines de celles qui entrent dans le cadre de la Coupe du monde de football.
Il nous faut néanmoins nous interroger sur les raisons du faible nombre d'enceintes homologuées aujourd'hui.
Le nombre de dossiers incomplets s'explique, dans une large mesure, par le coût prohibitif pour les collectivités locales de cette mise en conformité. Celle-ci est évidemment nécessaire, mais je sais, pour connaître un certain nombre d'exemples dans le Val-de-Marne, que ce coût est réellement très élevé.
En dépit des efforts accomplis par votre ministère pour la mise en sécurité, en dépit de la création d'un fonds spécial, il reste beaucoup à faire si l'on ne veut pas devoir proroger encore le délai d'homologation en juillet 2000.
En l'état actuel de la législation, le report de la date d'entrée en vigueur de l'homologation conduit les organisateurs de manifestations sportives à agir sans disposer d'un encadrement juridique satisfaisant sur cette question de la sécurité, qui est pourtant essentielle.
De nombreux organisateurs de manifestations sportives évoquent des lenteurs, voire des « errements » dans l'obtention des autorisations administratives.
Peut-être conviendrait-il, sans pour autant transiger sur le respect des normes de sécurité, de rendre plus cohérente l'obtention des autorisations administratives ; celles-ci doivent être accordées sur la base de règles claires.
L'article 2 prévoit une extension de la peine complémentaire d'interdiction de stade aux infractions commises à l'extérieur des enceintes sportives.
Lors de l'examen par le Sénat de la disposition initiale, en octobre 1993, nous avions émis les plus vives réserves quant à la portée réelle d'une telle mesure. Depuis, de nombreux événements sont venus nous rappeler que la violence imprègne des pans entiers de notre société.
Il s'agit, certes, d'un phénomène complexe, mais nombre de ses facteurs nous sont connus.
Les manifestations sportives, qui devraient demeurer avant tout des occasions de liesse partagée, des moments festifs, autour de la performance des athlètes, sont aussi parfois le prétexte à des phénomènes de violence.
Cette violence, si nous devons la réprimer de manière sévère, nous devons avant tout la prévenir.
La peine d'interdiction de stade est, à l'heure actuelle, rarement prononcée. De nombreuses dispositions du code pénal permettent, en outre, de réprimer les responsables de la violence.
Au mieux peut-on considérer que l'extension de ce régime de « double peine » à l'extérieur des enceintes sportives aura une valeur dissuasive. Quoi qu'il en soit, ce « symbole » ne répond que très partiellement aux mesures d'éducation et de prévention auxquelles il nous faut réfléchir avec le monde associatif sportif, pour combattre la violence dans et hors des stades.
Aucune piste ne doit être négligée et nous sommes à vos côtés, madame la ministre, pour rendre, selon vos propos, les manifestations sportives plus « conviviales ».
J'évoquais, en entamant mon intervention, une actualité tragique. L'article 3 y a directement trait puisqu'il vise l'exercice d'activités d'éducateur sportif.
Cette question est à ce point importante que, en 1997, la Commission européenne, tout en restant attachée au principe de la reconnaissance des diplômes, a admis la possibilité pour notre pays de vérifier, pour certaines activités, la capacité des éducateurs sportifs ressortissants d'autres pays de l'Union européenne.
Certes, cette mesure est temporaire puisqu'il est prévu qu'elle ne s'appliquera que jusqu'au 31 juillet 1999.
Nous souhaitons, pour notre part, qu'elle demeure effective au-delà de cette date, compte tenu des impératifs de sécurité auxquels elle répond pour des disciplines sportives aussi périlleuses que le ski, l'alpinisme, la plongée, le parachutisme et la spéléologie.
Le renforcement de cette disposition dans le texte que nous examinons reçoit donc notre plein accord.
J'en viens à présent à l'article 4, qui a été inséré dans la proposition de loi par un amendement du Gouvernement.
Cet article s'efforce de répondre à une préoccupation importante, dans la mesure où il garantit les droits des cessionnaires en matière d'audiovisuel tout en garantissant les conditions de travail des services de communication, qui n'ont pas la propriété de ces droits.
Il convient de légiférer au plus vite pour apporter une réponse à cette question, qui met en conflit liberté de l'information et droit de cession des exclusivités, et divise le monde audiovisuel et les fédérations sportives.
La commission propose la suppression de cet article 4, lui préférant l'actuelle législation dont on connaît pourtant les limites.
Le débat appelle donc quelques éclaircissements, que vous ne manquerez certainement pas d'apporter, madame la ministre.
La proposition de loi que nous examinons, bien que peu fournie en articles, se trouve au coeur des problématiques relatives au mouvement sportif. Sécurité des équipements, réglementation en matière d'encadrement des activités, violence, audiovisuel sont autant de thèmes bien lourds qui, à n'en pas douter, seront abordés plus longuement lors de la réforme de la loi sur le sport que vous nous avez annoncée tout à l'heure.
Sur toutes ces questions, je crois pouvoir dire, madame la ministre, que vous nous trouverez à vos côtés en même temps que l'ensemble des acteurs du mouvement sportif pour tenter de répondre aux problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Pour ce qui nous concerne plus directement aujourd'hui, nous accorderons nos suffrages à la première pierre de l'édifice que constitue le présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Mesdames, messieurs les sénateurs, je n'entrerai pas dans le détail des argumentations particulièrement riches qui ont été exposées dans vos interventions : la discussion des articles et l'examen des amendements me permettront d'y revenir. Je m'en tiendrai à trois « réactions » de caractère général.
En ce qui concerne, d'abord, la déclaration d'urgence dont a fait l'objet la présente proposition de loi, croyez bien, monsieur le rapporteur, que je préférerais que la législation actuelle nous autorise à prendre notre temps pour construire dans la plus large des concertations, avec les citoyennes, les citoyens et leurs représentants au Sénat et à l'Assemblée nationale, la loi d'orientation sur le sport, la loi sur le bénévolat, la loi sur la santé des sportifs et la loi contre le dopage.
Mais la législation actuelle étant ce qu'elle est, les événements qui s'annoncent, et notamment la Coupe du monde de football, nous obligent, pour des raisons de sécurité sur lesquelles nous reviendrons lors de la discussion de l'article 3, à légiférer dans l'urgence.
M. René-Pierre Signé. C'est l'héritage !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. L'urgence n'est d'ailleurs pas systématiquement contradictoire avec la qualité et avec l'efficacité, et je pense que le débat d'aujourd'hui le confirmera.
En ce qui concerne ensuite les pressions, la situation est en effet tout à fait préoccupante, et mes préoccupations quant au pouvoir des fédérations internationales ne s'arrêtent pas à la Formule 1 !
Dans bien d'autres disciplines, les fédérations internationales s'arrogent des droits et portent ainsi atteinte au mouvement sportif français dans son ensemble. Nous connaissons l'exemple d'un récent championnat du monde organisé par une fédération française et ayant eu un grand succès médiatique : la fédération française n'en a pas moins enregistré un déficit parce que c'est la fédération internationale qui avait obtenu tous les contrats.
Pour éviter que les pressions internationales ne portent atteinte à l'intégrité du mouvement sportif français, nous devons nous doter d'une législation qui ne laisse pas la porte ouverte aux pressions internationales, c'est-à-dire une législation précise, qui donne au mouvement sportif français le pouvoir de se défendre et les moyens de réglementer son fonctionnement. C'est le but de l'article 4.
M. Marcel Charmant. Très bien ! Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. En ce qui concerne enfin la Coupe du monde, les stades prévus comme sites sont ou seront homologués dans les prochains jours : l'Etat a investi suffisamment d'argent public dans la réalisation des travaux nécessaires pour que nous en soyons certains !
A cet égard, je partage un souci qui a été exprimé à plusieurs reprises : il faut établir les responsabilités de chacun dans la mise aux normes des enceintes sportives. On a reporté l'homologation à l'an 2000, mais si l'on ne se penche pas sur la question du financement et sur la clarification des réglementations, on peut se donner rendez-vous pour un nouveau report !
M. François Lesein, rapporteur. On peut prendre date, en effet !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. La question de l'homologation appelle donc une réflexion de fond.
J'évoquerai un dernier point à propos de la Coupe du monde : à l'occasion de l'inauguration du Stade de France, les services publics de notre pays, qu'il s'agisse de la SNCF ou de la RATP, ont une nouvelle fois démontré leur grand sens des responsabilités quant à leurs missions publiques.
Non seulement les transports ont bien fonctionné, mais la RATP et la SNCF ont créé les conditions nécessaires pour qu'un public très large et souvent très jeune emprunte les transports en commun en lui accordant la gratuité jusqu'au Stade de France.
Je sais que dans plusieurs des villes de province qui accueilleront les matchs de la Coupe du monde, les compagnies de transport urbain sont prêtes à adopter la même démarche.
Vous parliez, mesdames, messieurs les sénateurs, de la nécessité d'assurer la liberté de circulation du public. Je crois que l'on peut faire confiance aux services publics en la matière ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

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