M. le président. Par amendement n° 112 rectifié, MM. Durand-Chastel et Maman proposent d'insérer, après l'article 5 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 21-14 du code civil, après les mots : "elles doivent avoir", sont insérés les mots : "soit un parent ou un grand-parent français d'origine par filiation,". »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 126, présenté par M. Habert et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 112 pour compléter le deuxième alinéa de l'article 21-14 du code civil, avant les mots : « soit un parent », à ajouter les mots : « en même temps qu'une connaissance suffisante de la langue française ».
La parole est à M. Durand-Chastel, pour défendre l'amendement n° 112 rectifié.
M. Hubert Durand-Chastel. L'article 21-14 du code civil, innovation introduite dans la loi de 1993 à la demande des Français de l'étranger, autorise les personnes qui ont perdu la nationalité française en application de l'article 23-6 de la réclamer par simple déclaration, à condition qu'elles prouvent qu'elles ont un ascendant français susceptible de leur avoir transmis la nationalité par filiation.
L'amendement a pour objet d'ouvrir cette faculté aux descendants directs, enfants ou petits-enfants, qui ne répondraient pas aux critères de liens manifestes avec la France ou de services accomplis dans les armées françaises. L'expérience montre en effet que nombre de ces descendants, lorsqu'ils découvrent qu'ils ne sont pas Français, alors même qu'ils ont un sentiment d'appartenance à la nationalité d'origine de leurs parents ou grands-parents, manifestent le désir d'être reconnus comme Français. Il s'agit de ne pas leur fermer la porte de la nationalité française du simple fait de la négligence administrative de leurs ascendants, dont ils ne peuvent être tenus pour responsables, d'autant que l'immatriculation des Français à l'étranger n'est pas obligatoire.
L'application de cette disposition serait limitée à la troisième génération, ce qui constitue un garde-fou suffisant contre le risque de transmission indéfinie de la nationalité française à des individus qui n'ont plus, en réalité, aucune attache avec la France.
Cette disposition se rapproche des droits italien et allemand de la nationalité, qui prennent en compte, pour l'assimilation, l'appartenance nationale des ascendants, estimant à juste titre que les traditions et la culture d'origine restent vivaces pendant plusieurs générations.
M. le président. La parole est à M. Habert, pour défendre le sous-amendement n° 126.
M. Jacques Habert. Ce sous-amendement introduit une condition supplémentaire pour prétendre bénéficier de la nouvelle possibilité de réintégration des personnes ayant perdu la nationalité française qui est ouverte par l'amendement n° 112 rectifié.
Je veux bien admettre que l'on réintègre un certain nombre de descendants de ceux qui ont été français et qui ont négligé de procéder aux formalités administratives nécessaires, mais à condition que les intéressés possèdent encore une connaissance suffisante de notre langue.
Autrement dit, je souhaite introduire dans notre code une disposition qui, à mon sens, n'y figure pas assez souvent : l'exigence spécifique d'une certaine « francité ». Est-il une manifestation plus claire de la « francité » qu'une bonne connaissance de notre langue ?
Je précise que l'adjectif « suffisante » est celui qui figure déjà dans l'article 21-24 du code civil.
Avec cette modification, les deux articles 21-14 et 21-24 exprimeront en des termes identiques la préoccupation du législateur de faciliter l'assimilation et l'insertion des candidats à la naturalisation en exigeant d'abord, comme c'est d'ailleurs le cas dans d'autres Etats à forte tradition d'immigration, notamment le Canada, l'Australie ou les Etats-Unis, une certaine maîtrise de la langue du pays d'accueil.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement comme sur le sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 112 rectifié et au sous-amendement n° 126 dans la mesure où ils ont en réalité pour objet de supprimer l'exigence de maintien d'un lien manifeste avec la France pour la réintégration par déclaration prévue à l'article 21-14 du code civil.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 126.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Madame le ministre, je ne peux admettre les arguments que vous avez invoqués pour vous opposer à mon sous-amendement et à l'amendement de M. Durand-Chastel, car nos propositions n'altèrent en rien l'exigence préalable d'avoir, pour pouvoir postuler à la nationalité française, des liens manifestes avec la France. Nous tenons au contraire à ce que l'exigence de la manifestation de ces liens soit maintenue. Je propose même d'y ajouter une « connaissance suffisante de la langue française ».
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je comprends bien le souci exprimé par mes collègues représentant les Français de l'étranger. Ils songent certainement à des Français expatriés en Amérique latine, tels que les Barcelonnette du Mexique. On constate en effet que, en quelques générations, les liens avec la France se sont distendus et que quelques individus voudraient les renouer.
Mais il s'agit tout de même de familles qui, pendant cinquante ans, ce qui n'est pas rien, ont cessé d'avoir toute possession d'état de Français. Que peut-il rester de leur sentiment d'appartenance après deux générations ?
Je ne voterai pas contre ce sous-amendement mais je crains qu'il ne soit guère réaliste.
M. Hubert Durand-Chastel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Seuls les parents et les grands-parents étant visés, le délai de cinquante ans est suffisant pour que les enfants et les petits-enfants réclaments s'ils le souhaitent la nationalité française, madame Cerisier-ben Guiga.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 126, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste s'abstient.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 112 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Guy Penne. Le groupe socialiste s'abstient à nouveau !

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5 bis.
M. le président. Par amendement n° 119, MM. Duffour, Pagès, Derian et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 21-14 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - A l'expiration de leur titre de séjour de dix ans ou lors du renouvellement de ce titre, les étrangers peuvent réclamer la nationalité par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Notre amendement offre la possibilité aux étrangers qui renouvellent leur titre de séjour de dix ans de demander la nationalité française par déclaration.
Quoi de plus naturel, nous semble-t-il, que de faciliter la naturalisation et par là même l'intégration dans notre pays de celles et de ceux qui y ont déjà passé dix années de leur vie ? Avoir vécu dix ans en France, y avoir bien entendu obligatoirement des attaches profondes, souhaiter renouveler son titre de séjour pour y demeurer encore dix ans, n'est-ce pas une belle preuve de volonté d'intégration et d'attachement à la France ?
Les personnes qui bénéficient d'une carte de résident de dix ans et qui en demandent le renouvellement ont bien évidemment vocation à rester en France, où elles ont leur famille, leur travail, en un mot toute leur vie.
Pourquoi, dans ce cas, leur demander tous les dix ans de faire une demande de renouvellement, avec le risque d'un refus ?
Il s'agit là non pas d'une acquisition automatique de la nationalité française, mais d'une simplification dans le processus de naturalisation.
La France ne doit pas être frileuse à l'égard des étrangers qui vivent sur son sol, car ce sont bien souvent ces personnes qui vivent depuis longtemps dans notre pays qui ont fait le travail d'intégration, par leur travail, par leurs enfants, par l'école.
Leur offrir la possibilité - uniquement s'ils le souhaitent, je le précise - de demander à être français n'est pas aberrant en soi et leur permettrait de se sentir pleinement intégrés ; ce pourrait être aussi considéré comme l'aboutissement d'un long chemin.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne peux être favorable à cet amendement qui tend à créer un nouveau cas d'acquisition de la nationalité française par déclaration pour les étrangers titulaires d'un titre de séjour de dix ans.
Je rappelle cependant que tout étranger vivant en France depuis cinq ans et, dans certains cas, depuis trois ans, peut être naturalisé français et je tiens à dire à M. Pagès, dont le souci est louable, que le Gouvernement s'est engagé à leur faciliter l'accès à la naturalisation en rationalisant la procédure et en renforçant les effectifs des services concernés.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 119.
M. Robert Pagès. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Je prend acte de l'engagement de Mme le garde des sceaux de rendre la procédure de naturalisation plus rapide, plus efficace, plus respectueuse du devenir des personnes qui vivent chez nous, et je retire l'amendement n° 119.
M. le président. L'amendement n° 119 est retiré.

Article 6