M. le président. Par amendement n° II-102, M. Ostermann et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 60, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. Dans la première phrase du cinquième alinéa de l'article 199 quater E du code général des impôts, les mots : "1994 à 1996" sont remplacés par les mots : "1998 à 2000".
« II. Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits figurant aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Cet amendement, qui est dû à l'initiative de notre collègue M. Ostermann, est relatif à la réduction d'impôt pour les dépenses de formation des chefs d'entreprise.
Cette réduction a été instituée par l'article 199 quater B du code général des impôts pour les années allant de 1994 à 1996.
Notre collègue et les cosignataires de cet amendement souhaitent la reconduction de ce dispositif afin d'encourager l'effort de formation des chefs d'entreprise et de leur conjoint. Selon nous, cet effort est d'autant plus nécessaire que, dans bien des cas - nous le constatons dans nos départements - des petites entreprises ont malheureusement dû cesser de fonctionner peu de temps après leur création, en raison de problèmes liés à une formation insuffisante aux disciplines de la gestion.
Pour réduire ce taux élevé de mortalité des petites entreprises, il nous a semblé utile de prolonger l'application de l'article 199 quater B afin que la réduction d'impôt soit reconduite pour les années de 1998 à 2000.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a trouvé cette réduction intéressante, même si elle a admis qu'elle avait donné des résultats encore à parfaire.
Comme ils sont à parfaire, le coût n'est pas élevé ; la commission des finances a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Marini, la réduction d'impôt pour formation du chef d'entreprise et de son conjoint, qui était en vigueur entre 1992 et 1996, a eu un succès très limité et même presque confidentiel. Il suffit, pour s'en convaincre, de constater qu'en 1995 moins d'une entreprise individuelle sur mille a bénéficié de ce dispositif, soit environ un millier de bénéficiaires pour un coût de 1,75 million de francs.
Sachant que, actuellement, les entrepreneurs individuels peuvent désormais bénéficier de formations en contrepartie de leur participation au financement de la formation professionnelle continue, et conscient qu'il faut, en la matière, chercher la simplicité, le Gouvernement pense qu'il n'est pas souhaitable de reconduire une mesure qui alourdirait le code général des impôts, dont vous déplorez fréquemment la complexité, et qui n'a qu'une portée virtuelle.
Je vous suggère donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Marini, faute de quoi j'en demanderai le rejet.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-102, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 60.
Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° II-19 est présenté par M. Gaillard.
L'amendement n° II-20 est déposé par MM. Adnot, Habert, Darniche, Durand-Chastel, Foy, Lafond, Türk et Maman.
L'amendement n° II-150 rectifié est présenté par MM. Machet, Vecten, Michel Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste.
Ces trois amendements visent, après l'article 60, à insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa du I de l'article 72 D du code général des impôts, il est inséré un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« Ce taux est également porté à 20 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1998 pour les exploitants qui réalisent des travaux de mise aux normes environnementales destinés à satisfaire aux obligations prévues par les textes d'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Un arrêté précise les documents à fournir pour justifier que ces travaux de mise aux normes sont destinés à satisfaire aux obligations fixées par la législation en vigueur. »
« II. - La perte de recettes résultant de l'application des dispositions du I ci-dessus est compensée par la majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Enfin, l'amendement n° II-95, proposé par MM. César, Valade, Fayolle et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, tend à insérer, après l'article 60, un article additionnel ainsi rédigé :
« La quatrième phrase du premier alinéa du I de l'article 72 D du code général des impôts est ainsi rédigée :
« Le taux de 10 % est porté à 20 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1999 pour les exploitants qui réalisent des travaux de mise aux normes environnementales destinés à satisfaire aux obligations prévues par les textes d'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. »
La parole est à M. Gaillard, pour présenter l'amendement n° II-19.
M. Yann Gaillard. La loi de finances pour 1997 a créé un régime particulier, au titre de la déduction pour investissement pour les travaux de mise aux normes des bâtiments d'élevage.
Cet amendement a pour objet d'étendre ce régime à d'autres investissements agricoles, ceux qui ont bien sûr pour objet de mettre des installations en conformité avec les normes environnementales, lesquelles s'alourdissent d'ailleurs de plus en plus.
Parmi les activités agricoles qui posent des problèmes environnementaux et qui doivent donc investir figurent, bien entendu, les entreprises viticoles, notamment tout ce qui touche à la manipulation, par exemple en région Champagne.
Nous savons que le projet d'arrêté en préparation aura pour effet d'alourdir considérablement le coût de ces investissements, notamment pour des petites et moyennes entreprises de manipulation. C'est pourquoi les auteurs de ces différents amendements, dont votre serviteur, demandent au Sénat de bien vouloir faire bénéficier ces entreprises d'une déduction supplémentaire de même nature que celle qui est consentie pour les bâtiments d'élevage.
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel, pour défendre l'amendement n° II-20.
M. Hubert Durand-Chastel. L'amendement n° II-20 étant identique à celui de M. Gaillard, je me contenterai de confirmer ce qu'il vient de proposer au Sénat.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° 150 rectifié.
M. Philippe Arnaud. Cet amendement est également identique aux précédents. Je voudrais toutefois insister sur un point.
Les agriculteurs, globalement, sont un peu trop souvent qualifiés de « pollueurs ». On les dit aussi irresponsables, parce qu'ils n'ont pas pris les dispositions nécessaires pour assurer le traitement de leurs effluents.
En réalité, il ne s'agit en l'occurence ni d'irresponsabilité ni de refus. Il s'agit simplement d'un manque de moyens pour mettre leurs installations aux normes. Cela est particulièrement vrai pour les exploitations viticoles.
De plus, il ne faut surtout pas faire l'amalgame entre les petites exploitations, qui supposent de petits aménagements, et les exploitations à caractère quasi industriel.
Cet amendement a donc pour objet d'étendre aux petites exploitations les dispositions fiscales qui existent pour les bâtiments d'élevage. Cela aiderait ces exploitations à se mettre aux normes.
M. le président. La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° II-95.
M. Philippe Marini. Notre collègue M. César, sénateur de Gironde et président de la chambre d'agriculture de ce département, attache, lui aussi, beaucoup d'importance au problème qui vient d'être évoqué : celui des coûts induits par la mise aux normes des exploitations viticoles quant à la gestion de leurs effluents. Il s'agit d'une mesure extrêmement importante pour les viticulteurs de notre pays.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s II-19, II-20, II-150 rectifié et sur l'amendement n° II-95 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances estime tout à fait judicieux les amendements identiques n°s II-19, II-20 et II-150 rectifié, qui ont une dimension environnementale intéressante, en même temps qu'un coût modeste : 40 millions de francs selon nos estimations.
En outre, l'avantage ne jouerait que pour les investissements effectués en 1998 car, dès 1999, le même régime s'appliquera à tous les investissements agricoles. De plus, l'arrêté ministériel prévu évitera tout détournement de procédure.
J'invite notre collègue Philippe Marini à bien vouloir retirer l'amendement n° II-95 pour se rallier aux trois autres, dont la rédaction nous semble meilleure.
M. le président. Monsieur Marini, maintenez-vous votre amendement ?
M. Philippe Marini. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-95 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s II-19, II-20 et II-150 rectifié ? M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est, me semble-t-il, un malentendu qui a conduit au dépôt de ces amendements, malentendu quant à la portée des dispositions de l'article 72 D du code général des impôts en matière de dépenses de mise aux normes environnementales des exploitations agricoles.
En effet, ces dispositions n'ont nullement pour objet de définir les utilisations qui peuvent être faites de la déduction pour investissement. Elles visent uniquement à définir les dépenses en prévision desquelles les exploitants peuvent pratiquer, dès l'imposition des exercices ouverts en 1997, une déduction complémentaire, au taux de 20 %, au lieu du taux de droit commun de 10 % prévu pour cette déduction.
L'application de cette mesure requiert de la part de l'exploitant la manifestation claire d'une volonté de réaliser un investissement d'ordre environnemental éligible. Cette volonté résulte, pour les dépenses de mise aux normes des bâtiments d'élevage, de la réalisation du diagnostic préalable - que les spécialistes appellent « étude DEXEL » - prévu par les circulaires du ministère de l'agriculture.
Or il n'existe aucune procédure de ce type pour les exploitations viticoles.
Pour autant, cela n'a pas pour effet de priver ces dernières de la possibilité de provisionner leurs dépenses de mise aux normes environnementales, au moyen de la déduction pour investissement, car celle-ci leur est applicable dans les conditions de droit commun.
En outre, comme cela a été dit, à partir des exercices ouverts en 1999, les viticulteurs pourront, au même titre que l'ensemble des agriculteurs, pratiquer une déduction complémentaire au taux de 20 % pour tous les investissements qu'ils envisageront de réaliser.
On peut donc s'interroger sur l'opportunité d'un nouvel aménagement du régime de la déduction pour investissement dont la portée pratique serait très limitée puisqu'elle aurait pour effet de permettre aux agriculteurs non éleveurs de pratiquer, pour le seul exercice ouvert en 1998, une déduction complémentaire au taux de 20 % au lieu de 15 %, alors que le taux de 20 % leur sera, en toute hypothèse, applicable dès l'exercice suivant.
Avancer d'un an ce relèvement de cinq points du taux de la déduction pour investissement entraînerait des difficultés d'application car, en dehors des exploitations d'élevage, il n'existe pas, actuellement, de définition des dépenses de mise aux normes environnementales. Il y aurait donc, pour les exploitants, un risque d'insécurité juridique important.
J'espère que ces explications auront convaincu les auteurs de ces amendements et que, en conséquence, ils accepteront de les retirer. A défaut, je serais obligé d'en demander le rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-19, II-20 et II-150 rectifié.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Malgré tout le respect que je porte à M. le secrétaire d'Etat, je ne suis pas complètement convaincu par ses explications.
Cette disposition présente un premier avantage, celui de gagner quelques points de déduction pour une année, ce qui n'est pas complètement négligeable.
En outre, sans être très coûteuse, elle permettrait de donner satisfaction à la profession viticole, qui a bien d'autres objets de revendication fiscale. Je rappelle que, à cet égard, beaucoup d'amendements avaient été préparés, que certains ont été présentés à l'Assemblée nationale, où ils n'ont pas été retenus, et qu'ils auraient pu l'être également au Sénat ; je pense, par exemple, à la distinction du revenu d'exploitation et du revenu personnel. Ici, on se contente de nous proposer, en quelque sorte une solution minimale.
Par ailleurs, il me semble qu'une procédure du type de celle qui existe pour les bâtiments d'élevage a de grandes chances d'être instituée dans les semaines ou les mois qui viennent puisqu'il existe un projet d'arrêté définissant les normes environnementales auxquelles doivent répondre ces exploitations, notamment en matière de protection contre les effluents.
Autrement dit, si ces amendements ne sont pas adoptés, pendant au moins une année, nos exploitants vont être contraints de procéder à ces investissements sans bénéficier de la contrepartie qui a été prévue pour les bâtiments d'élevage.
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, les exploitations viticoles sont conscientes du problème des effluents et certaines d'entre elles ont déjà élaboré des projets, voire réalisé des équipements pour éviter de polluer. Celles qui se sont ainsi lancées dans des études ou des travaux ne l'ont évidemment pas fait de gaieté de coeur.
Si vous pouviez m'assurer que les services de vos collègues de l'agriculture et de l'environnement n'exercent aucune pression sur les viticulteurs en se livrant à des contrôles extrêmement tatillons, je dirais : « Attendons un an », et je retirerais mon amendement. Malheureusement, ce qui se passe sur le terrain est là pour m'en dissuader.
De surcroît, on ne peut pas nous reprocher de rendre les choses plus complexes en introduisant un dispositif nouveau puisque nous proposons seulement d'étendre aux exploitations viticoles un dispositif existant.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-19, II-20 et II-150 rectifié, acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 60.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-96, MM. Pluchet, César, Valade, Fayolle, Bernard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 60, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'antépénultième et l'avant-dernier alinéas du I de l'article 72 D du code général des impôts sont supprimés.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits figurant aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° II-149, MM. Machet, Vecten et Michel Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste proposent, après l'article 60, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les cinquième et sixième alinéas de l'article 72 D du code général des impôts sont supprimés.
« II. - La perte de ressources résultant de l'application du I ci-dessus est compensée par la majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° II-96.
M. Philippe Marini. La déduction pour investissement tend à favoriser l'investissement dans les exploitations agricoles. Les modifications prévues par le projet de loi de finances permettent d'améliorer l'efficacité de ce dispositif. Toutefois, cette efficacité est limitée par deux contraintes peu justifiées économiquement. Tout d'abord, l'imputation sur la base d'amortissement prive le dispositif de la plus grande partie de son intérêt incitatif. Ensuite, le dispositif ainsi décrit semble peu compatible avec l'article 72 B du code général des impôts sur la comptabilisation des stocks de produits ou d'animaux.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° II-149.
M. Philippe Arnaud. J'ajouterai simplement aux arguments qui vient d'énoncer M. Marini qu'il est particulièrement important de favoriser les investissements agricoles à la veille de la discussion d'un nouveau projet de loi d'orientation agricole.
Favoriser ces investissements, c'est tout simplement permettre à l'agriculture d'assurer sa reconversion. Dès lors, toute mesure permettant d'améliorer le mécanisme de l'amortissement aura valeur incitative et sera positive pour notre agriculture.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-96 et II-149 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ces deux amendements modifient de manière très substantielle le système de la déduction pour investissement en permettant à la fois de ne pas la rapporter aux amortissements, et donc d'en faire un avantage définitif, et de cumuler ce régime avec le système des stocks à rotation lente.
Selon la commission des finances, il s'agirait là d'une aide qui pourrait ne pas être conforme au droit communautaire.
Nous mettons également en garde contre le coût probablement élevé de cette mesure.
Il convient en outre de rappeler qu'une telle solution a été écartée l'an dernier, lorsque le système de la déduction pour investissement a déjà été sensiblement amélioré.
Je recommanderai donc à nos collègues de bien vouloir retirer leurs amendements, après qu'ils auront entendu les explications du Gouvernement. A défaut, je devrai, au nom de la commission, demander au Sénat de les rejeter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Aux excellents arguments avancés par M. le rapporteur général contre ces deux amendements qui sont presque identiques, j'en ajouterai un autre, précis, tangible, sonnant et trébuchant.
La première mesure proposée, qui consiste à rendre la déduction pour investissement définitive lorsqu'elle est utilisée pour financer des immobilisations amortissables, aurait un coût de 200 millions de francs.
La deuxième mesure, qui tend à autoriser le cumul des mécanismes de la déduction pour investissement, d'une part, et des stocks à rotation lente, d'autre part, coûterait entre 200 millions et 300 millions de francs.
Outre les raisons invoquées par M. le rapporteur général, cet argument de coût amène le Gouvernement à demander le rejet de ces amendements.
M. le président. Monsieur Marini, l'amendement n° II-96 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. Compte tenu de l'analyse qui a été faite par notre commission ainsi que des différents éléments qui ont été portés à notre connaissance, il me semble préférable de retirer cet amendement, tout en souhaitant que ce sujet fasse l'objet d'une réflexion plus approfondie dans l'avenir.
M. le président. L'amendement n° II-96 est retiré.
M. le président. Monsieur Arnaud, l'amendement n° II-149 est-il maintenu ?
M. Philippe Arnaud. Je retire cet amendement mais je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que, au-delà de l'argument du coût, le problème de fond, qui n'est pas négligeable, soit réellement pris en compte.
M. le président. L'amendement n° II-149 est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-97, MM. César, Valade, Fayolle, Bernard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 60, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le I de l'article 72 D du code général des impôts est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, le bénéfice résultant de cette réintégration fait l'objet d'une imposition séparée au taux fixé au dixième du a bis du I de l'article 219 du code général des impôts à concurrence des sommes inscrites à une réserve spéciale d'autofinancement figurant au passif du bilan.
« La dotation à la réserve spéciale d'autofinancement ne peut résulter que d'un prélèvement sur le bénéfice comptable de l'exercice ou sur les capitaux propres de l'entreprise.
« Tout prélèvement sur la réserve spéciale d'autofinancement entraîne la réintégration des sommes correspondantes dans les bénéfices courants de l'exercice en cours. Il donne droit à un crédit d'impôt égal à l'impôt initialement payé. »
« II. - Dans la première phrase du dernier alinéa du II de l'article 1003-12 du code rural, après les mots : "plus-values et moins-values professionnelles à long terme", sont insérés les mots : "des sommes imposées au taux fixé au dixième alinéa du a bis du I de l'article 219 du code général des impôts en application de l'antépénultième alinéa du I de l'article 72 D du code général des impôts". »
Par amendement n° II-148, MM. Machet, Vecten, Michel Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 60, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le paragraphe I de l'article 72 D du code général des impôts est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, le bénéfice résultant de cette réintégration fait l'objet d'une imposition séparée au taux fixé au dixième alinéa du a bis de l'article 219 du code général des impôts (ou au l du point 1 de l'article 39 quindecies du code général des impôts), à concurrence des sommes inscrites à une réserve spéciale d'autofinancement figurant au passif du bilan.
« La dotation à la réserve spéciale d'autofinancement ne peut résulter que d'un prélèvement sur le bénéfice comptable de l'exercice ou sur les capitaux propres de l'entreprise.
« Tout prélèvement sur la réserve spéciale d'autofinancement entraîne la réintégration des sommes correspondantes dans les bénéfices courants de l'exercice en cours. Il donne droit à un crédit d'impôt égal à l'impôt initialement payé. »
« II. - Dans la première phrase du dernier alinéa du II de l'article 1003-12 du code rural, après les mots "plus-values et moins-values professionnelles à long terme", sont insérés les mots ", des sommes imposées au taux fixé au dixième alinéa du a bis de l'article 219-I du code général des impôts (ou au A du point 1 de l'article 39 quindecies du code général des impôts), en application de l'antépénultième alinéa du I de l'article 72 D du code général des impôts". »
« III. - La perte de recettes résultant de l'application des dispositions des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° II-97.
M. Philippe Marini. Chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître la nécessité de distinguer, d'un point de vue fiscal, le bénéfice réinvesti dans l'entreprise et le bénéfice prélevé pour rémunérer le travail de l'exploitant.
Le dispositif proposé s'appuie sur le mécanisme actuel de la déduction pour investissement tout en assurant un traitement fiscal différencié pour la fraction des bénéfices affectés au renforcement des fonds propres des entreprises.
Cet amendement tend donc à aménager un dispositif existant et déjà bien éprouvé : la déduction pour investissement.
Actuellement, si la déduction pour investissement n'est pas, dans un délai de cinq ans, utilisée à l'acquisition d'une immobilisation amortissable ou à l'augmentation de la valeur des stocks à rotation lente, elle doit être réintégrée dans les résultats du cinquième exercice suivant la déduction.
Il est proposé de maintenir cette réintégration, mais de soumettre les sommes réintégrées à une imposition proportionnelle de 19 % à concurrence des sommes inscrites à une réserve spéciale d'autofinancement figurant au passif du bilan. La dotation à cette réserve se ferait par prélèvement sur le bénéfice comptable de l'exercice ou sur les capitaux propres.
Le dispositif proposé assure une parfaite neutralité fiscale en cas de prélèvement des réserves pour les besoins personnels de l'exploitant, en prévoyant la réintégration des sommes ainsi prélevées dans le bénéfice passible de l'impôt sur le revenu au taux progressif, assortie d'un crédit d'impôt neutralisant l'impôt proportionnel précédemment acquitté.
Le cas échéant, ce dispositif peut jouer le rôle d'une réserve pour risque, en permettant, en cas de prélèvement sur la réserve lors d'une année déficitaire, le remboursement du crédit d'impôt correspondant à l'impôt proportionnel antérieurement acquitté. Il amplifie l'effet d'auto-assurance déjà recherché dans les modalités de réintégration de la déduction pour investissement.
Sur le plan social, les sommes portées dans la réserve spéciale d'autofinancement sont exclues de l'assiette des cotisations sociales. Les dispositions du code rural devraient, par ailleurs, être mises en harmonie pour tenir compte de cette disposition.
Nous avons le sentiment, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette disposition constituerait un utile assouplissement, qui serait opportunément reçu par les exploitants agricoles, car il répond à un réel besoin.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° II-148.
M. Philippe Arnaud. J'ajouterai simplement à ce que vient de dire notre collègue Philippe Marini que cette proposition est extrêmement importante s'agissant, notamment, des stocks à rotation lente. Cela concerne, au premier chef, l'agriculture, en particulier un certain nombre de produits qui ne sont finis et marchands qu'après avoir vécu un certain nombre d'années par exemple dans des chais ; c'est le cas du cognac.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-97 et II-148 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission a estimée que ces amendement tendaient, au fond, à calquer la fiscalité applicable à l'impôt sur le revenu sur la fiscalité de l'impôt sur les sociétés, en reprenant - ce qui montre d'ailleurs la grande ingéniosité de nos collègues - les meilleures dispositions des deux systèmes.
Ces amendements ont déjà été examinés par la commission des finances l'année dernière : elle les a rejetés, au motif qu'ils faisaient double emploi avec la déduction pour investissement spécifique à l'agriculture. C'est l'inconvénient de la constance du Sénat : ces amendements ayant été rejetés l'année dernière par la commission des finances, je ne peux que confirmer cet avis.
Toutefois, je souhaite donner de l'espoir à nos collègues en leur rappelant que le Sénat sera sans doute saisi très prochainement d'un texte relatif à l'agriculture, qui permettra d'ouvrir à nouveau ce débat dans un cadre plus large et, sans doute, de répondre à leurs très légitimes préoccupations.
Par conséquent, j'invite nos collègues, après avoir entendu le Gouvernement et après avoir mené une réflexion, que je sais rapide et féconde, à retirer leurs amendements, à défaut de quoi je serais dans l'obligation, tout à fait désagréable, d'émettre un avis défavorable.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Les gouvernements passent et la commission des finances reste !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est ce qui justifie l'avantage du Sénat !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Après ce que vient de dire M. le rapporteur général, j'aurais scrupule à dire que cette proposition a déjà fait l'objet d'une étude approfondie dans le cadre de la préparation de la conférence agricole du 8 février 1996, au terme de laquelle elle a été écartée d'un commun accord entre le précédent gouvernement et les organisations professionnelles agricoles. Mais cela ne me paraît pas constituer un argument entièrement convaincant pour le gouvernement qui a succédé à celui de 1996.
Ce qui est plus préoccupant, c'est que ces deux amendements ne fixent aucune condition d'investissement ou de délai. Ils accordent un avantage nouveau aux entreprises agricoles, sans contrepartie particulière en terme d'économie ou d'emploi. En fait, cet avantage reviendrait à différer indéfiniment une fraction de l'imposition des déductions pratiquées.
En outre, ces bénéfices, qui seraient affectés à un compte de réserve spécial d'autofinancement, devraient être suivis dans le temps. Cela entraînerait une complexité excessive au regard du montant de l'imposition ainsi différée.
L'avant-dernier argument, qui me paraît important, a été exposé par le M. le rapporteur général : pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? (Sourires.) Les entreprises agricoles ont la possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés. Dès lors, pourquoi tordre le droit pour parvenir à une situation qu'il est possible d'atteindre directement ?
Enfin, j'en arrive au dernier argument, qui n'est pas mince : si cet allégement était accordé aux entreprises individuelles agricoles, on ne voit pas ce qui empêcherait de l'étendre aux entreprises individuelles non agricoles. Or le coût d'une telle généralisation serait prohibitif.
Si j'ajoute, en conclusion, que votre proposition devrait être notifiée à Bruxelles, vous voyez qu'il existe de très nombreuses raisons pour lesquelles le Gouvernement demande le rejet de cet amendement.
M. le président. Monsieur Arnaud, l'amendement n° II-148 est-il maintenu ?
M. Philippe Arnaud. Je veux bien retirer cet amendement, compte tenu des propos tenus par M. le rapporteur général. Toutefois, comme tout à l'heure, je ne m'en contenterai pas. Il me semble que la spécificité des exploitations agricoles, même si elles peuvent effectivement s'installer en sociétés de droit commun, justifie qu'il y ait un examen particulier, notamment sur le plan fiscal, des stocks à rotation lente. Il s'agit d'un point extrêmement important.
A la veille de l'élaboration de la loi d'orientation agricole, monsieur le secrétaire d'Etat, vous verrez que ces éléments seront mis sur la table par les représentants agricoles. Nous devons nous déterminer, afin de pouvoir faire passer le message lors des négociations avec Bruxelles.
Je veux bien, je le répète, retirer cet amendement, mais je souhaite que soit pris en compte, de façon claire, le fait que le problème des stocks à rotation lente est spécifique à l'agriculture. Ce n'est pas en obligeant les exploitations agricoles à devenir des SARL ou des SA de droit commun que l'on va régler le problème. Au contraire, cette contrainte risque de susciter des réactions et des levées de boucliers.
M. le président. Monsieur Marini, l'amendement n° II-97 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'Etat, les exploitations agricoles, quelle que soit leur spécificité, deviennent de plus en plus des entreprises et doivent être gérées avec tous les moyens auxquels les entreprises ont accès. Ces propositions ont été conçues dans une telle optique.
Le principe même de la séparation, dans une exploitation personnelle... de deux secteurs fiscaux, serait une innovation importante dans notre droit fiscal. Je rapproche de cet argument certaines idées souvent exprimées pour la petite et moyenne entreprise et pour l'artisanat ; je veux parler du patrimoine fiscal d'affectation. En effet, il s'agit bien ici de la même idée appliquée à l'exploitation agricole.
Le patrimoine fiscal d'affectation n'est pas un dispositif absurde, à telle enseigne que de nombreux groupes de travail ont travaillé sur ce sujet et que le précédent ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, M. Jean-Pierre Raffarin, maintenant notre collègue, y est très attaché.
On peut se demander s'il n'y aurait pas lieu de remettre en question certains de nos schémas habituels afin, précisément, de permettre à des petites et moyennes entreprises dans les secteurs artisanal, agricole, industriel et des services, de provisionner des sommes pour faire face à des besoins futurs d'investissement et d'exploitation. Ainsi, l'exploitant aurait la possibilité de prélever sur cette réserve les sommes qu'il consacrerait à sa consommation personnelle, et qui seraient donc fiscalisées au titre de l'impôt sur le revenu.
Mais ce propos m'entraîne peut-être un peu loin. C'est vous qui m'y avez incité, monsieur le secrétaire d'Etat, en établissant une relation avec d'autres domaines de la fiscalité.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vous enrichissez le débat, mon cher collègue !
M. Philippe Marini. Cela étant dit et compte tenu de la réponse de la commission - elle n'a pas encore débouché sur ces voies nouvelles, mais je ne désespère pas - je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-97 est retiré.
Monsieur Arnaud, l'amendement n° II-148 est-il maintenu ?
M. Philippe Arnaud. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-148 est retiré.

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