M. le président. « Art. 52. _ I. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 220 octies ainsi rédigé :
« Art. 220 octies . _ 1. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des emplois créés.
« Ce crédit d'impôt est égal au produit de la somme de 10 000 F par la variation constatée pendant l'année par rapport à l'année précédente de l'effectif salarié.
« Le crédit d'impôt s'apprécie en prenant en compte la variation de l'effectif salarié moyen de l'entreprise et la fraction de celle, correspondant aux droits de cette entreprise, constatée dans les sociétés de personnes mentionnées aux articles 8, 238 bis L, 238 ter et 239 ter et les groupements mentionnés aux articles 239 quater , 239 quater A, 239 quater B, 239 quater C et 239 quinquies .
« En cas de transfert de personnels entre entreprises ayant des liens de dépendance directe ou indirecte tels que définis au 1 bis de l'article 39 terdecies , ou résultant de fusions, scissions, apports ou opérations assimilées, il est fait abstraction pour le calcul de la variation de l'effectif salarié de la part de cette variation provenant de ce transfert.
« Le crédit d'impôt est applicable aux variations d'effectifs constatées au cours des années 1998 à 2000.
« 2. Le crédit d'impôt calculé au titre d'une année est imputé sur la contribution prévue à l'article 235 ter ZA, due au titre de l'exercice ouvert au cours de cette même année, dans la limite de 500 000 F.
« La fraction du crédit qui n'a pu faire l'objet d'une imputation au titre d'une année est ajoutée aux crédits d'impôt ou imputée sur les débits dégagés ultérieurement.
« Lorsque le produit défini au deuxième alinéa du 1 est négatif, il constitue un débit qui est imputé sur le ou les crédits suivants et, le cas échéant, sur la fraction du crédit d'impôt qui n'a pu précédemment faire l'objet d'une imputation. Les débits subsistant à la date de cessation de l'entreprise ou à compter du 1er janvier 2001 feront l'objet d'un reversement à hauteur des crédits de même nature qui auront été imputés par l'entreprise.
« Le crédit d'impôt n'est pas restituable.
« 3. Pour le calcul du crédit d'impôt mentionné au 1 afférent à 1998, la variation d'effectif sera déterminée en rapportant les douze quinzièmes de l'effectif salarié moyen occupé pendant la période du 1er octobre 1997 au 31 décembre 1998 aux douze neuvièmes de celui occupé du 1er janvier 1997 au 30 septembre 1997.
« 4. Un décret précise les modalités d'application du présent article, notamment les conditions du calcul de l'effectif salarié mentionné au deuxième alinéa du 1. »
« II. _ Le II de l'article 235 ter ZA du code général des impôts est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Elle prend en compte les crédits d'impôt pour augmentation des emplois dégagés par chaque société du groupe en application de l'article 220 octies . Pour le calcul du crédit d'impôt imputable au niveau du groupe, il est tenu compte des crédits et débits d'impôt des sociétés membres du groupe. »
Par amendement n° II-134, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 52 pour l'article 220 octies à insérer dans le code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« Ces emplois peuvent résulter de l'application d'accords collectifs passés en vertu des dispositions des chapitres I à V du titre III du livre premier du code du travail. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet amendement concerne le crédit d'impôt au titre des emplois créés qui est prévu par le projet de loi de finances pour 1998.
Nous estimons à sa juste valeur cette mesure, et nombre de ses aspects nous semblent positifs.
Je pense, en particulier, aux conditions de calcul du montant du crédit d'impôt et au fait que ce crédit d'impôt s'impute sur le montant de la première formule de majoration exceptionnelle d'impôt sur les sociétés, celle qui a été votée en juillet 1995 et proposée par le Gouvernement de M. Juppé.
Il s'agit donc, quand on garde à l'esprit le dispositif de la seconde majoration exceptionnelle - celle du texte portant mesures d'urgence à caratère fiscal et financier -, d'une mesure ciblée destinée aux petites et moyennes entreprises que la hausse de l'impôt adoptée en 1995 n'a pas épargnées.
Si les entreprises veulent payer moins d'impôts, elles peuvent choisir de créer des emplois en mobilisant la valeur ajoutée qu'elles produisent, du fait de leur activité, plus précisément de celle qui est produite par leurs salariés.
Sur le fond, la disposition de l'article 52 a donc tout à fait notre assentiment.
A nos yeux elle devrait même avoir un rôle plus important dans la politique de l'emploi. En effet, nous estimons nécessaire de valoriser ce type de démarche en lieu et place de celle qui consiste à alléger systématiquement et aveuglément les cotisations sociales des entreprises.
Cela est d'autant plus nécessaire qu'aujourd'hui est lancé le grand et indispensable débat sur la réduction du temps de travail.
Un projet de loi sur ce thème sera examiné par le Parlement dans quelques semaines. Nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler alors.
Mais il nous semble toutefois utile que le présent projet de loi de finances anticipe en quelque sorte sur ce projet de loi en faisant de notre amendement n° II-134 l'un des éléments de ce qui pourrait constituer son volet fiscal.
Nous proposons donc que les créations d'emploi qui découleront des accords d'entreprise de réduction du temps du travail soient, sous certaines conditions, éligibles au bénéfice du crédit d'impôt au titre des créations d'emploi.
Nous demandons en particulier que ne soient pris en compte que les accords collectifs passés dans le cadre des règles fixées par le code du travail en matière de négociation collective afin, notamment, qu'aucun accord signé dans une entreprise ne puisse se traduire par une détérioration ou une dégradation des garanties collectives accordées aux salariés.
Il nous semble indispensable de donner une prime aux entreprises qui joueront jusqu'au bout le jeu de la réduction du temps de travail et assumeront en particulier ce que l'on peut appeler leurs obligations morales vis-à-vis de leurs partenaires, notamment la collectivité nationale.
Il s'agit, en revanche, de ne pas favoriser les entreprises qui ne joueraient pas le jeu de la négociation et tireraient parti d'une réduction du temps de travail pour diminuer les garanties des salariés.
Vous me permettrez enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de parler un peu des intentions belliqueuses affichées par le patronat et par celui qui devrait devenir prochainement son président, dont la vindicte anti trente-cinq heures est relayée d'ailleurs dans les rangs de la majorité sénatoriale, qui, si j'ai bien compris, veut créer une commission d'enquête sur ce sujet. Au demeurant, je m'interroge sur la portée d'une commission d'enquête ; sur quoi, en effet, va-t-on enquêter, puisqu'il s'agit des intentions du Gouvernement ? La création d'une mission d'information eut été, à mon avis, plus compréhensible. Mais on voit bien qu'il y a là une manoeuvre politique de la majorité sénatoriale.
N'en déplaise donc à celui qui, parmi d'autres, a fait fortune grâce aux indemnités reçues à l'occasion de la nationalisation d'Usinor-Sacilor - je parle là de M. Ernest-Antoine Seillière - les trente-cinq heures correspondent à une aspiration profonde des salariés de ce pays, aspiration qu'il conviendra de traduire dans la loi et donc dans la réalité des faits.
Nous avons le devoir, en qualité de parlementaires, de faire de la réduction du temps de travail un outil de réduction du nombre des sans-emploi et un facteur conduisant à un partage plus équitable de la richesse nationale. Nous pensons que cet amendement peut y contribuer.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je demande à la Haute Assemblée de revenir sur ses intentions premières et de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'avis de la commission ne portera que sur l'amendement lui-même et non pas sur le dernier aspect du propos de son auteur.
La précision que vise à apporter l'amendement n° II-134 n'a pas paru nécessaire à la commission des finances : le crédit d'impôt étant accordé pour toutes les créations d'emploi, qu'elles résultent ou non de l'application d'accords collectifs, la disposition proposée n'aboutirait qu'à alourdir le texte de l'article.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'article 52, sur lequel porte cet amendement, est important, puisqu'il donne un signe fort aux entreprises qui créent des emplois.
Comme M. le rapporteur général l'a indiqué, la rédaction du projet de loi permet déjà de prendre en compte les emplois visés résultant d'un accord collectif. La précision que tend à apporter l'amendement n° II-134 pourrait d'ailleurs, à mon avis, laisser croire que d'autres formes de créations d'emploi pourraient être exclues.
J'invite donc M. Loridant à retirer son amendement. S'il n'en allait pas ainsi, je serais obligé d'émettre un avis défavorable sur ce texte.
M. le président. Monsieur Loridant, l'amendement n° II-134 est-il maintenu ?
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous avez bien sûr compris que, par cet amendement, notre groupe entend s'inscrire pleinement dans le débat pour la réduction du temps de travail tout en veillant aux droits des salariés, notamment dans les entreprises privées.
J'ai bien entendu l'appel de M. le secrétaire d'Etat. Je ne suis pas en mesure, dans cet hémicycle, de vérifier que tout ce qui est annoncé permettra effectivement de préserver les droits des salariés. Mais, en attendant que cette question revienne en discussion, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-134 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 52.

(L'article 52 est adopté.)

Article 53