M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le transport aérien, la météorologie et le budget annexe de l'aviation civile.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de vous exposer, en même temps que le projet de budget annexe de l'aviation civile pour 1998, les crédits du transport aérien et de la météorologie.
Je rappellerai d'abord que le budget annexe de l'aviation civile finance l'essentiel des actions de la direction générale de l'aviation civile, la DGAC.
Avec 8,5 milliards de francs, ses crédits progresseraient de près de 6 % et de quelque 473 millions de francs.
Cette croissance est évidemment considérable comparée à celle des dépenses budgétaires. C'est d'ailleurs une habitude. Il y a six ans, lors de sa création, ce budget comportait 5,6 milliards de francs de crédits. Son volume s'est donc accru de moitié au cours de cette période, progressant au rythme effréné de 7,2 % par an.
C'est dire si, tendanciellement, la croissance des crédits du budget annexe excède celle du trafic aérien, ce qui tendrait à démontrer que les coûts des infrastructures nécessaires aux transports aériens sont progressifs. Autrement dit, il n'y aurait guère de progrès de productivité à attendre dans un secteur où les investissements sont pourtant massifs.
Toutefois, je ne suis pas certain que cette analyse soit exacte. Je crois plutôt que, si les dépenses du budget annexe de l'aviation civile augmentent, c'est pour de tout autres raisons.
L'évolution de la masse salariale supportée par le budget est la principale. Elle provient moins de l'augmentation du nombre des emplois que de la revalorisation des rémunérations individuelles, qui, comme l'avait indiqué en son temps la Cour des comptes, ont connu une progression tout à fait considérable.
Le projet de budget pour 1998 s'inscrit dans ce contexte structurel.
Les charges de personnel représentent une petite moitié du budget annexe. Elles progresseraient de 6 %, ce qui devrait faire bien des envieux dans la fonction publique et ailleurs !
Je ne suis au demeurant pas sûr, monsieur le ministre, que les dotations ouvertes en 1998 pour faire face à ces dépenses soient suffisantes. En tout cas, c'est une question que je pose.
Le 3 novembre dernier, un protocole d'accord a été conclu par la direction générale de l'aviation civile. Il doit s'appliquer pour les trois ans à venir. Il prendra le relais d'un précédent protocole triennal, conclu le 3 novembre 1994. Ce protocole, qui était alors annoncé comme le dernier protocole catégoriel, avait, la première année, « coûté » plus de 170 millions de francs à l'Etat et in fine aux différents financeurs du budget annexe.
Dans le projet de budget pour 1998, une provision de l'ordre de 80 millions de francs est inscrite aux chapitres indemnitaires.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer si elle sera suffisante pour couvrir les charges de personnel en 1998 ?
Je souhaiterais également que vous nous indiquiez quel est le coût cumulé du protocole que vous venez de conclure.
Je rappelle que, ce protocole étant catégoriel, ses clauses s'ajoutent aux mesures générales applicables à l'ensemble de la fonction publique.
Monsieur le ministre, les fonctionnaires de la direction générale de l'aviation civile sont, nul ne le conteste, de très bons fonctionnaires.
Certains exercent des missions réellement vitales. Pèsent sur eux de très lourdes responsabilités qui justifient que, dans une certaine mesure, leur statut soit exorbitant du sort commun.
Cependant, il ne faudrait pas tomber dans l'excès. Je pourrais d'abord remarquer que le régime indemnitaire des agents de la direction générale de l'aviation civile pourrait être mieux modulé qu'il ne l'est, pour tenir compte des sujétions réelles des agents.
Mais je souhaite surtout rappeler qu'à l'heure où l'ensemble des fonctionnaires consentent des efforts, et alors même que les excès observés dans certains métier s du transport aérien sont en voie de correction, il ne serait pas sain qu'une catégorie limitée de fonctionnaires de l'Etat paraisse s'affranchir des disciplines communes.
Les dépenses en capital atteignent, quant à elles, un niveau élevé. Avec 2,2 milliards de francs, soit le quart des dépenses du budget annexe, elles progressent de 7,4 %.
Elles correspondent, pour 85 % d'entre elles, à des investissements qui se répartissent essentiellement entre les investissements de navigation aérienne, pour plus de 70 % de l'ensemble, et les investissements du service des bases aériennes, pour le quart.
Les investissements de navigation aérienne sont évidemment importants puisque le contenu technologique du contrôle aérien est voué à s'accroître. Il s'agit de favoriser une gestion efficace et sûre du trafic ; bien entendu, cela implique une modernisation.
Je souhaiterais cependant que vous m'assuriez, monsieur le ministre, que la « sophistication » des équipements rime toujours avec leur robutesse et qu'ils sont bien compatibles avec les systèmes de navigation aérienne mis en place ailleurs en Europe.
De ce point de vue, j'aimerais être certain que le projet CAUTRA, développé en France, et le projet EATCHIP, développé par Eurocontrol, ne donnent lieu à aucune redondance.
En ce qui concerne les bases aériennes, les investissements programmés en matière de sûreté s'élèvent à 215 millions de francs en autorisations de programme. C'est fort peu, compte tenu des besoins, et je pense que l'Etat abuse de la débudgétisation dans ce domaine.
Il me semble que le programme de sûreté devrait constituer une priorité, et c'est pourquoi je propose depuis maintenant deux ans la création d'un compte d'affectation spéciale dédié à ce programme.
En tout cas, on ne peut prétendre que la hausse considérable du produit de la taxe de sécurité et de sûreté ait servi à accroître les dépenses de sûreté !
J'en viens aux graves problèmes financiers posés par le budget annexe de l'aviation civile.
Les dépenses du budget annexe sont beaucoup plus élevées que ses recettes naturelles, à savoir les redevances de navigation aérienne.
Cette situation est due pour partie au fait que le budget annexe supporte le financement d'actions dites régaliennes qui, par nature, ne peuvent être financées par les redevances.
Mais elle provient aussi d'autres facteurs, et au premier chef de contraintes juridiques, souvent rappelées malheureusement par les juridictions administratives, pesant sur les conditions de fixation du tarif des redevances.
Notons également que le ministère de la défense, en particulier, ne supporte pas le coût des infrastructures de navigation aérienne dont il use : il est exonéré de redevance.
Il faut donc trouver un complément de financement. On le cherche beaucoup dans l'emprunt, si bien que les charges financières supportées par le budget explosent. Les charges d'amortissement financier, qui étaient de 200 millions de francs en 1992, sont passées à 333 millions de francs. Compte tenu d'un niveau d'emprunt de 1 milliard de francs, elles seront, à terme, triplées et s'élèveront à 1 milliard de francs.
Tout cela n'est pas très raisonnable. Par conséquent, pour financer ces charges et éviter leur dérapage, il faut augmenter la fiscalité affectée au budget annexe.
C'est cet engrenage que nous avons entendu dénoncer en supprimant l'article 20 du projet de loi de finances pour 1998 qui proposait d'augmenter de près de 40 % le produit de la taxe de sécurité et de sûreté.
Ce faisant, monsieur le ministre, nous vous invitons à réfléchir à une réforme en profondeur du budget de l'aviation civile. Nous sommes prêts à contribuer à cette réflexion. Afin que vous n'imaginiez pas que nos initiatives sont destinées à vous plonger dans l'embarras, nous avons - il est vrai avant que le protocole que j'ai évoqué soit conclu - donné un avis favorable à l'adoption du projet de budget annexe pour 1998.
J'en viens aux crédits de votre ministère consacrés au transport aérien.
Les crédits du transport aérien sont essentiellement la manifestation du soutien public que l'Etat souhaite accorder à son industrie aéronautique civile.
Voilà quelques mois, la commission des finances du Sénat a adopté sur ce sujet un rapport que j'ai eu l'honneur de présenter. C'est donc au vu de ce rapport que je ferai quelques observations sur votre projet de budget, monsieur le ministre.
Auparavant, je souhaite cependant saluer les performances de nos industriels, et tout particulièrement d'Aérospatiale et de la SNECMA qui, confrontés à des difficultés dans un passé récent, ont su redresser le manche.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. C'est vrai ! Bravo !
M. François Gerbaud. Très bien !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je dois toutefois m'inquiéter des intentions de l'Etat pour accompagner ce redressement.
Ces deux entreprises publiques éprouvent des besoins importants de fonds propres. L'amélioration de leurs résultats devrait contribuer à les satisfaire, mais, hélas ! elle ne le pourra que partiellement. Notre excellent collègue Yann Gaillard indique dans son rapport que, dans le meilleur des cas, ces deux entreprises auraient besoin de 7 milliards de francs de capitaux.
Monsieur le ministre, je sais bien que l'Etat est submergé par la vague déferlante des pertes du secteur public financier. Je souhaite cependant que vous soyez sensible au fait que des entreprises d'avenir ne soient pas pénalisées par les désastres du passé et les rigidités du présent.
A ce propos, je souhaite rendre un hommage mérité au président Christian Blanc, qui, avec son équipe, a su redresser Air France et jeter les bases de l'essor de la compagnie.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je n'en dirai pas plus puisque Jean-François Le Grand, dans son excellent rapport, a évoqué cette question. Mais l'entreprise a besoin de 40 milliards de francs pour compléter sa flotte. J'aimerais que vous puissiez nous dire, monsieur le ministre, comment elle les trouvera.
Parmi les problèmes qu'il faut résoudre figure, bien entendu, la question de la fusion entre Aérospatiale et Dassault. Où en êtes-vous, monsieur le ministre, sur ce dossier, qui doit être bouclé pour que nous puissions participer avec tout le poids nécessaire dans la future société Airbus ?
Cette dernière perspective montre bien que l'avenir de l'industrie aéronautique française est, à l'évidence, un avenir européen. Il faudra donc un jour que la dimension européenne soit mieux prise en compte dans la définition des soutiens publics à l'industrie aéronautique.
J'en viens, monsieur le ministre, à votre projet de budget pour 1998.
Je dois vous dire qu'il m'a déçu. Oh ! pas plus, et même plutôt moins, que celui de votre précédesseur !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Merci !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. En effet, contrairement à l'an dernier, les crédits progressent sous l'effet de la provision constituée pour financer le développement des versions allongées de l'Airbus A 340.
Mais, monsieur le ministre, pourquoi cette baisse des crédits de recherche-amont, alors que nos industriels sont confrontés à la concurrence impitoyable de Boeing qui, grâce à sa fusion avec Mac Donnell, « récupérera » une partie considérable des 180 milliards de francs de crédits militaires consacrés par les Etats-Unis à la recherche aéronautique ?
On pourrait me dire que, malgré un soutien public bien plus modeste que celui qui est offert à nos concurrents américains, Airbus ne se débrouille pas mal - certes ! - alors que Boeing est confronté aux affres d'une politique sociale à l'américaine qui, en l'occurrence, montre ses limites.
Ce serait partiellement exact. Airbus a pris son envol, mais il faut prolonger cet envol et, pour cela, ne pas faire de surplace.
Il convient donc de lancer le programme de très gros porteur, l'A 3 XX, qui seul permettra d'ôter à Boeing le monopole sur le quart du marché des avions commerciaux qu'il détient grâce au célèbre 747.
Il nous faut inventer un autre système de soutien, à côté des avances remboursables, dont le bilan global pour 1998 sera défavorable à nos entreprises, compte tenu des remboursements dus par elles. Monsieur le ministre, là aussi, vous pouvez compter sur notre contribution.
Avant de vous inviter, mes chers collègues, à voter quand même les crédits du transport aérien et de la météorologie, je souhaite vous dire combien nous sommes sensibles au développement de Météo France. La commission des finances du Sénat s'attachera, l'an prochain, à analyser les moyens de l'assurer pleinement. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour l'aviation civile et transport aérien. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas sur les crédits budgétaires, dans la mesure où M. Collin, rapporteur spécial, les a brillamment exposés. Je serai également très bref sur la construction aéronautique vous invitant, monsieur le ministre, à lire un ouvrage intitulé : Pour prolonger notre envol, dont l'auteur n'est autre que M. Yvon Collin. Cet excellent rapport est en distribution ici même.
Je formulerai simplement quelques observations.
Tout d'abord, je tiens à féliciter la direction générale de l'aviation civile, la DGAC, des efforts entrepris pour se conformer au souhait de transparence exprimé par le Parlement. La DGAC a élaboré un état récapitulatif reprenant la répartition des coûts et des dépenses du budget annexe de l'aviation civile, ce dont nous la remercions.
Ensuite, s'agissant du budget lui-même, tout a été dit. Je soulignerai seulement, à mon tour, le fait que la progression budgétaire est supportée uniquement par des taxes : la taxe de sécurité sûreté augmente, à elle seule, de 39,3 %. Cette charge supplémentaire pèsera sur les compagnies.
Par ailleurs, la commission des affaires économiques souhaite que le Gouvernement améliore la cohérence des programmes français et européen dans le domaine de la navigation aérienne. Je ne rentre pas dans le détail, vous savez de quoi il s'agit. Il existe une ardente nécessité à faire en sorte que ce secteur soit homogénéisé et optimisé.
La commission a également déploré la réduction d'un tiers des crédits de soutien à la recherche-amont ; j'y reviendrai dans quelques instants.
En ce qui concerne le fonds de péréquation des transports aériens, le FPTA, il semble qu'il ne devrait pas connaître de difficultés de trésorerie dans les deux années à venir, le taux de la taxe devant probablement être réexaminé à partir de l'an 2000.
La commission souhaite, monsieur le ministre, qu'une réflexion soit menée sur les modalités des conditions d'application, par la France, des critères d'éligibilité des liaisons aériennes au FPTA, de façon à établir un bilan du dispositif et à identifier d'éventuelles marges de manoeuvre dans le cadre de la réglementation européenne.
Je me réjouis aussi des efforts de rationalisation et de productivité réalisés par la direction et le personnel du groupe Air France. M. Yvon Collin en a parlé. Par conséquent, je ne m'étendrai pas sur ce sujet.
Je tiens néanmoins à souligner la relativité de cette amélioration puisque, dans le même temps, la Lufthansa et British Airways ont multiplié leurs profits respectivement par trois et par quatre. Tout est relatif ! Il faut donc replacer les résultats dans leur contexte.
Je crois également qu'il faut avoir conscience du fait que la mondialisation du secteur du transport aérien s'accompagne d'un mouvement ultra-rapide d'alliances entre compagnies, qui s'identifie à un véritable jeu de Monopoly. Dans ces conditions, le groupe Air France doit impérativement combler son retard et mener une stratégie d'alliances ambitieuses reposant sur les trois piliers traditionnels : européen, américain et asiatique.
La commission craint, monsieur le ministre, qu'en l'absence d'engagement clair en faveur de la privatisation la compagnie Air France ne soit pénalisée et que sa crédibilité dans la recherche d'alliances ne soit atteinte. Vous trouverez dans le rapport écrit un « camenbert » qui montre qu'il ne reste plus qu'environ 30 % de parts d'alliance à trouver. Plus on attendra, plus cette part se réduira et moins Air France aura de chance de pouvoir trouver des alliances performantes.
Il convient également de prendre en compte un autre élément : la non-privatisation au regard des réductions de salaire qui avaient eu des contreparties en matière d'action. Les personnels ne risquent-ils pas, à terme, d'être payés en « monnaie de singe » ?
Je ferai aussi une très brève observation sur le conseil supérieur de l'aviation marchande, le CSAM, monsieur le ministre, puique je vous ai personnellement entretenu de ce problème.
Le CSAM, que j'ai l'honneur de présider, a besoin d'être assoupli, d'être modernisé, d'évoluer car, tout autour de lui, le monde aérien est en train de se transformer.
Faisons en sorte que nos organismes évoluent à due concurrence ; je vous en ai parlé. D'ailleurs, j'ai reçu, voilà quelques jours, une lettre de votre part confiant au CSAM l'examen et le suivi des politiques d'affrètement conduites par les transporteurs. Je vous en remercie et vous donne acte de ce souci de voir le CSAM évoluer. J'ose espérer, cependant, que la mission ne sera pas affectée par un manque de moyens d'investigation. Bien évidemment, si vous voulez un travail de qualité, il faut nous en donner les moyens.
J'en viens aux aéroports de province.
On ne peut que se féliciter de la croissance du trafic des principaux aéroports de province. Cependant, il me paraît illusoire de considérer que le desserrement du trafic francilien vers ces aéroports pourrait offrir une alternative entièrement satisfaisante aux aéroports parisiens pour accueillir la demande.
Un pas de deux vient d'être dansé par le Gouvernement quant à l'opportunité de la création d'un troisième aéroport à Beauvilliers. Ayant été l'un des quatre membres de la mission Douffiagues, je crois bien connaître le sujet. Il m'apparaîtrait prématuré de renoncer à une telle éventualité quand on connaît le degré de saturation et de nuisances de la plate-forme d'Orly.
Qu'adviendrait-il d'Orly et qu'en penserait l'opinion publique si un accident comme ceux qui se sont produits à Munich ou à Shiphol, l'aéroport d'Amsterdam, survenait ?
Il importe au moins de ne pas pénaliser l'avenir et de faire en sorte que les terrains soient réservés de manière que, le moment venu, le cas échéant, on puisse trouver une alternative. Si Orly était saturé, il faudrait bien trouver une solution. Après tout, pourquoi Beauvilliers ne constituerait-il pas cette solution ?
Je n'évoquerai pas le problème de la suppression du duty free ; mon collègue François Gerbaud vous en entretiendra tout à l'heure, puisque c'est un sujet qu'il connaît bien.
J'évoquerai brièvement la dévolution des plate-formes aéroportuaires entre Roissy et Orly. Doivent-elles être affectées aux longs courriers ou aux courriers domestiques européens ? Sans doute faut-il répondre à cette question avec prudence. En effet, il ne faudrait pas que le sous-équipement ou la sous-alimentation d'une plate-forme se traduise par une suralimentation de l'autre plate-forme ; on aurait alors un décalage qui serait pernicieux et dommageable pour le gestionnaire Aéroports de Paris.
Enfin, monsieur le ministre, la Commission européenne a interdit toute clause d'exclusivité aux Américains, notamment à Boeing.
Pourtant, dans le même temps, on a vu la compagnie Delta, pour ne citer que celle-là, passer un contrat de 644 Boeing sur 20 ans.
Cela a été la réponse du berger à la bergère - excusez-moi pour cette trivialité - qui, en fait, a constitué un véritable contournement de la procédure européenne. Que pense le Gouvernement de cette attitude ?
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations que je voulais formuler, sachant que mon collègue Yvon Collin, rapporteur spécial, a parlé d'Aérospatiale et de Dassault.
La commission pense qu'il est nécessaire de constituer très rapidement une seule société européenne civile et militaire pour que nous ayons une chance de concurrencer nos voisins américains. Elle a décidé de réserver un avis défavorable aux crédits inscrits au titre de l'aviation civile. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on assiste aujourd'hui à une internationalisation accélérée du transport aérien. Le ciel européen a été « libéré », si j'ose dire, le 1er avril 1997 et, depuis cette date, toute compagnie de la Communauté européenne est libre d'exploiter les liaisons intracommunautaires. La concurrence est lâchée ; il faut donc y faire face.
Tous les experts, et en premier lieu le président d'Air France, Christian Blanc, pensaient que seule la privatisation permettrait de relever le gant, puisque seules les compagnies privatisées pouvaient conclure des alliances internationales avec d'autres. Ainsi, des ententes avec Delta et Continental Airlines avaient été préparées.
Vous n'avez pas été de cet avis, monsieur le ministre. Vous avez refusé de privatiser Air France, tout en reconnaissant que des alliances étaient nécessaires. Mais, avez-vous affirmé, « Il n'est pas vrai que de telles alliances supposent la privatisation. » Le croyez-vous vraiment ? Après quoi, vous avez changé de président.
Vous avez donc pris vos responsabilités ! Vous avez imposé une nouvelle politique, sur laquelle, d'ailleurs, nous voudrions avoir plus d'éclaircissements. Si cela ne fonctionne pas, c'est à vous évidemment que l'on pourra s'en prendre. ( M. le ministre sourit.)
Toutefois, vous avez de la chance. Air France, en effet, bénéficie d'indicateurs positifs.
La recapitalisation de la compagnie a permis de réduire considérablement son endettement. Un retour aux bénéfices est même prévu pour 1998. Vous nous en parlerez sans doute. Il faudra, cependant, franchir trois étapes pour assurer le développement et la pérennité de la compagnie.
La première concerne les alliances à trouver. M. Le Grand vient d'en parler, mais attention il ne nous reste plus beaucoup de compagnies avec lesquelles on peut conclure. Si l'on ne se dépêche pas, on n'aura plus les meilleurs choix. Il faut trouver des alliés, y aller, et y aller vite.
En second lieu, il faut réduire les coûts unitaires d'Air France. Ils sont supérieurs de 2 % à ceux de la Lufthansa, de 14 % à ceux de British Airways, de 20 % à ceux de KLM, et davantage encore par rapport à certaines compagnies américaines. Cette situation est absolument inadmissible ; les écarts sont énormes. Il faut absolument que les coûts français diminuent.
Enfin, j'évoquerai les investissements qui sont indispensables. Comment seront-ils financés ? Il paraît actuellement très peu probable qu'Air France puisse les réaliser sur ses bénéfices futurs. Que comptez-vous faire à ce sujet, monsieur le ministre ?
Permettez-moi maintenant de vous poser une question ponctuelle. L'an passé, la Commission de Bruxelles a accepté la recapitalisation des 20 milliards de francs, mais elle a exigé, en contrepartie, une rapide privatisation d'Air France. La Commission n'a pas fixé d'échéance précise, mais ne risque-t-elle pas de le faire lorsque la Cour européenne de justice se prononcera sur le recours de certaines compagnies, telles que British Airways, SAS ou KLM, contre l'aide publique apportée à Air France ? Que ferez-vous alors ?
Je ne m'étendrai sur la fusion entre Boeing et McDonnell Douglas, sur laquelle M. Collin s'est fort bien expliqué. Je ferai simplement part de mon inquiétude à ce sujet, en indiquant qu'il est indispensable que tous les Européens se regroupent autour d'Airbus pour défendre nos chances dans ce domaine essentiel.
Enfin, le dernier point que j'aborderai préoccupe particulièrement notre collègue M. Jean Grandon, sénateur d'Eure-et-Loir. Il s'agit de la construction du nouvel aéroport de la région parisienne près de Beauvilliers. Il y a du pour et du contre dans ce projet, mais on ne peut le laisser indéfiniment en suspens. Pouvez-vous nous faire savoir, monsieur le ministre, si une décision définitive va bientôt être prise à ce sujet ? A l'avance, je vous en remercie. ( Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)