1. Transports terrestres.
2. Routes.
3. Sécurité routière.
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière.
La parole est à M. Cazalet, rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les transports terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits affectés à la section des transports terrestres du ministère de l'équipement, du logement et des transports évoluent modérément. En augmentation de 0,8 % en moyens de paiement, ils s'élèvent à 44,9 milliards de francs.
En réalité, l'effort de l'Etat en faveur des transports terrestres est le plus important jamais réalisé, avec 57,3 milliards de francs. Il faut, en effet, ajouter aux 44,9 milliards de francs de la section, 2,4 milliards de francs en provenance des comptes spéciaux du Trésor et la dotation en capital à Réseau ferré de France, de 10 milliards de francs. A périmètre constant, cet effort croît de 5,6 % par rapport à 1997 ; mais c'est lors de cet exercice qu'une évolution sensible s'est produite, puisque l'effort total n'était que de 46 milliards de francs en 1995. A cette époque, j'annonçais que la dette de la SNCF laissait se profiler un alourdissement de la charge de l'Etat de l'ordre de 10 milliards de francs.
L'analyse de ces crédits dégage trois facteurs de hausse : les besoins en capital de Réseau ferré de France, chargé de la dette et du financement des infrastructures ferroviaires, la construction du TGV Méditerranée et les frais de fonctionnement des transports franciliens.
Je vous annonce d'ores et déjà que la commission des finances vous proposera un amendement de réduction des crédits du titre IV (Sourires), comme elle l'a fait sur les budgets non régaliens qui augmentent, correspondant à une réduction forfaitaire de 1,44 % sur chacun des chapitres.
Je ne peux qu'exprimer ma satisfaction devant l'ouverture d'esprit dont le nouveau gouvernement fait preuve face à la réforme de la SNCF entreprise par son prédécesseur. Celle-ci se révèle en effet le seul moyen d'opérer un redressement durable de l'entreprise publique.
La mise en oeuvre, dans six régions, de l'expérience de régionalisation des services régionaux de voyageurs ne suscite pas de critiques.
Le coeur de la réforme, à savoir la création d'un établissement public nouveau, Réseau ferré de France, propriétaire et financeur des infrastructures, était plus controversé. Le Gouvernement en a finalement admis le bien-fondé, en concédant la nécessité de séparer la maîtrise d'oeuvre de la maîtrise d'ouvrage pour la construction et l'entretien des lignes de chemin de fer.
Bien qu'elle ne garantisse pas de façon absolue le redressement de la SNCF, cette réforme supprime le principal facteur de ses difficultés financières. En effet, la dette accumulée résultait principalement du financement des infrastructures.
Le Gouvernement n'apporte à ce sujet que des aménagements intéressants, mais mineurs : dans l'immédiat, la SNCF se voit allégée de 20 milliards de francs de dettes supplémentaires ; à terme, une structure de coordination entre la SNCF et RFF devrait voir le jour.
De son côté, la SNCF doit procéder à la création de deux mille emplois. Ces personnes seront affectées prioritairement au contact avec la clientèle. Le coût pour l'entreprise serait de l'ordre de 300 millions de francs en 1998, alors que l'allégement supplémentaire devrait lui rapporter 1,4 milliard de francs par an.
La balle est désormais dans le camp de la SNCF et de son personnel. Avec une dette allégée de 155 milliards de francs et l'allégement du fardeau de l'infrastructure, l'entreprise doit rapidement retrouver l'équilibre. Avec deux mille emplois supplémentaires, un régime de retraite et de sécurité sociale plus favorable que dans le secteur privé, ainsi que vient de le relever la Cour des comptes, et la garantie de l'emploi, les cheminots sont en condition pour réussir le pari.
M. Hubert Haenel. C'est vrai !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. L'effort de la nation en faveur des chemins de fer atteindra, en 1998, un montant sans précédent, supérieur à 64 milliards de francs. Le pays est en droit d'attendre de cet effort un véritable renouveau du transport ferroviaire.
La contribution aux transports collectifs d'Ile-de-France augmente sensiblement. Mais il s'agit surtout de combler l'écart entre les charges de fonctionnement et les recettes d'exploitation d'un service qui souffre encore de la désaffection de ses clients.
La situation des transports franciliens est, en effet, paradoxale. Un sondage réalisé récemment pour le compte du comité de promotion des transports publics montre qu'une forte majorité de Français pensent que les transports publics seront de plus en plus utilisés.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Pourtant, le trafic voyageurs sur le réseau d'Ile-de-France reste, en 1997, inférieur à celui de 1989, alors même que la capacité de transport a augmenté de 7 % dans la période.
Depuis 1986, le prix du billet a augmenté de 33 % de plus que l'inflation, et cette hausse n'est sans doute pas étrangère à la désaffection du public. Mais cette augmentation du coût répercuté sur l'usager n'a pas empêché une sollicitation accrue des collectivités publiques et des entreprises, via le versement transport. Celui-ci devrait rapporter 12 milliards de francs en 1998, soit 850 millions de francs de plus qu'en 1996, et il est affecté pour l'essentiel au fonctionnement de la RATP et de la SNCF en Ile-de-France.
Ainsi, malgré l'augmentation très forte des tarifs, la part prise par l'usager dans le financement du transport n'a pas augmenté.
L'Etat, via le syndicat des transports parisiens, doit adapter sa politique tarifaire aux déplacements des ménages franciliens, souvent d'autant plus longs et plus coûteux que ces ménages sont plus modestes.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Eh oui !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Il doit aussi s'attaquer au problème de l'insécurité, dont les proportions s'aggravent rapidement. Il doit, enfin, développer l'offre sur les axes inter-banlieues. La SNCF et la RATP ont déjà commencé, quant à elles, à déployer un important effort commercial, mais il est encore trop tôt pour en juger les résultats.
Les subventions d'investissement aux transports collectifs de province retrouvent le chemin de la croissance, avec 646 millions de francs d'autorisations de programme.
Cette dotation permettra d'apporter une aide financière aux métros ou aux VAL de Lille, Lyon et Rennes, aux tramways de Rouen, Montpellier, Grenoble, Orléans, Strasbourg et Nantes, aux bus de Saint-Denis-de-la-Réunion, Rennes et Caen.
La réussite des travaux déjà réalisés, notamment le tramway de Strasbourg, encourage à poursuivre dans cette voie. Mais, comme en Ile-de-France, des efforts importants doivent être consacrés à la sécurité.
L'action opiniâtre des élus membres du comité de gestion du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables a permis d'augmenter sensiblement la dotation destinée aux voies fluviales pour 1998.
La situation en matière de grands projets est désormais clarifiée : la mise à grand gabarit du canal Rhin-Rhône est abandonnée, la priorité est désormais clairement donnée à la voie fluviale Seine-Nord. Celle-ci a une pertinence économique incontestable, en reliant, sur une distance relativement courte, deux zones très denses en population et en activités.
Néanmoins, je considère qu'il est encore trop tôt pour prétendre que la liaison Rhin-Rhône est abandonnée pour toujours. Son coût financier, ses inconvénients environnementaux, paraissent aujourd'hui supérieurs aux avantages qu'il serait possible d'en retirer. Sera-ce encore le cas dans trente ou soixante ans ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cela, on ne le sait pas !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Le montant des dotations affectées aux transports routiers est désormais significatif : 144,5 millions de francs, plus du double de celui de l'exercice 1997.
Cette évolution est essentiellement liée aux accords tripartites Etat-conducteurs-entreprises de novembre 1996, qui ont mis fin à une importante grève des conducteurs. Afin de subventionner la cessation d'activité à cinquante-cinq ans des chauffeurs routiers, l'Etat versera 79 millions de francs au Fonds national de gestion paritaire du congé de fin d'activité.
A l'issue de ces observations, je vous rappelle que la commission des finances a adopté un amendement de réduction de 632 millions de francs des crédits du titre IV.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je n'y crois pas ! (Sourires.)
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Cet amendement n'a pas pour objet de pénaliser les entreprises de transport, la SNCF, la RATP ou l'établissement public RFF. Il vise à rappeler au Gouvernement qu'il convient de réduire les dépenses de fonctionnement et d'intervention pour privilégier les dépenses d'investissement.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Les efforts commerciaux très importants réalisés actuellement par la SNCF ou la RATP sont effectués dans ce but. D'ailleurs, si le Gouvernement renforçait les effectifs affectés à la sécurité dans les transports, il aurait sans doute moins de déficit à combler dans les entreprises.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je suis d'accord !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. J'accompagne donc cet amendement d'une suggestion : que le Gouvernement adopte un programme de privatisation plus ambitieux.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Cela lui permettra de fournir à RFF la dotation de 15 milliards de francs dont l'établissement a besoin pour investir sur le réseau ferré. Cela permettra aussi d'accorder à la SNCF et à la RATP des dotations en capital pour renforcer leur structure financière.
Cette suggestion porterait sur plusieurs milliards de francs, alors que la réduction de crédits proposée reste relativement symbolique. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Berchet, rapporteur pour avis.
M. Georges Berchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les transports terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la situation économique actuelle, face à la nécessité de réduire l'endettement, le budget des transports terrestres est pratiquement stable dans tous les chapitres. Au demeurant, certains concours de l'Etat aux transports ferroviaires sont incompressibles. Il en est ainsi, par exemple, de la charge des retraites de la SNCF ou de la compensation tarifaire.
Notre collègue M. Auguste Cazalet a présenté et très bien commenté les éléments du budget. Il est donc inutile d'y revenir.
En ce qui concerne les trafics, à la SNCF, le trafic voyageurs est resté stable en 1996, après correction des effets négatifs des grèves de l'année 1995.
Il convient de souligner les efforts commerciaux de la SNCF en direction des usagers, l'objectif affiché étant d'augmenter de 10 % en trois ans la clientèle de voyageurs. C'est là le signe d'une politique commerciale très active, que nous aurions souhaité voir se développer plus tôt.
Quant au trafic marchandises, il est en progression.
Il est impératif mais c'est difficile - de poursuivre cet effort par une meilleure sensibilité commerciale, sans, bien sûr, vouloir pénaliser l'activité des milliers de transporteurs routiers soumis à une terrible concurrence de leurs collègues européens et transeuropéens, bien souvent non soumis aux mêmes règles sociales et administratives.
Pour ce qui est de la RATP, la comparaison du trafic des six premiers mois des années 1997 et 1996 met en évidence une hausse de 2 %.
Le rythme de la progression du trafic se ralentit. Cependant, il n'y a pas véritablement désaffection du public vis-à-vis des transports en commun et, aujourd'hui, c'est bien le transport de banlieue à banlieue qui devrait relancer le trafic.
Mon rapport écrit vous donne la liste des réseaux SNCF à grande vitesse aménagés.
Un certain nombre de projets de TGV sont en instance, sans que soient d'ailleurs précisées les dates de démarrage des études ou des travaux.
Il s'agit du TGV Est Européen, du TGV Languedoc-Roussillon, du TGV Lyon-Turin, du TGV Rhin-Rhône, du TGV Aquitaine, du TGV Bretagne - Pays de la Loire.
Sur le réseau classique, un certain nombre de lignes doivent être électrifiées : Lyon-Bordeaux, Persan-Beaumont - Beauvais et Paris-Bâle.
En ce qui concerne ce dernier point, permettez au représentant de la Haute-Marne, située en Champagne méridionale, de rappeler que sur la ligne n° 4, Paris-Bâle, l'électrification jusqu'à Troyes a été prévue dans la charte du bassin parisien signée en 1994. L'électrification de la ligne n° 10, Dijon-Calais, sera nécessaire pour le transfert du fret du transManche vers le sud de la France. Or, monsieur le ministre, les lignes n°s 10 et 4 comportent un tronçon commun entre Chalindrey et Chaumont. Il ne restera plus à électrifier que la partie Troyes-Chaumont, soit moins de cent kilomètres. Il serait ridicule de faire circuler des diesels sous ligne électrifiée alors que notre pays bénéficie de l'énergie nucléaire civile ! La rupture de charge à Troyes serait évitée... et le combustible fossile non renouvelable mieux valorisé, sans amplifier, bien sûr, l'effet de serre.
La commission souhaiterait, monsieur le ministre, obtenir des précisions sur certains points qui conditionnent l'avenir proche.
Quelles sont vos intentions quant à l'avenir de Réseau ferré de France ? « Ni statu quo ni retour en arrière », avez-vous dit. Vous serait-il possible d'esquisser quelques orientations ?
Le contrat de plan entre l'Etat et la SNCF semble définitivement abandonné ; qu'en sera-t-il ?
Par ailleurs, on constate l'absence, à la SNCF, d'un protocole d'accord du type de celui qui a été signé le 30 mai 1996 à la RATP. Il s'agit non pas de porter atteinte au droit de grève, mais d'anticiper, grâce à une procédure « d'alarme sociale » susceptible d'être mise en oeuvre lorsque la direction ou les syndicats perçoivent qu'une situation est susceptible de dégénérer en conflit. Cela consiste à épuiser toutes les voies de la négociation, sans porter atteinte au droit de grève, ultime recours.
Un autre point important, qui inquiète la commission des affaires économiques, concerne le mode de gestion du Fonds interministériel des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, et le nécessaire renforcement des pouvoirs de programmation des membres de son « comité de gestion », qui ont été évoqués.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques, et qui est à l'origine de la création de ce fonds, a insisté sur la difficulté, pour le Parlement, de faire respecter sa volonté. Il a notamment évoqué les problèmes rencontrés par les membres du comité de gestion du FITTVN pour se voir attribuer de véritables prérogatives en matière de programmation. Autrement dit, ceux-ci se trouvent trop souvent placés devant des décisions déjà arrêtées.
Le désendettement supplémentaire de la SNCF à hauteur de 20 milliards de francs, annoncé par le Gouvernement au mois de juin dernier, est une excellente mesure.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Merci !
M. Georges Berchet, rapporteur pour avis. Cette mesure est fondée, nous a-t-on dit, sur le maintien du montant des annuités par l'allongement de la durée d'amortissement.
Est-ce bien le mécanisme retenu, monsieur le ministre ?
J'évoquerai maintenant les perspectives de modification ou de remplacement de la loi d'orientation des transports intérieurs, la LOTI. Qu'en sera-t-il ? En parlera-t-on un jour ?
Enfin, l'avenir de la régionalisation des services régionaux de voyageurs de la SNCF a soulevé de nombreuses questions.
Il est impératif, monsieur le ministre, mais vous le savez, de donner des garanties quant à l'ajustement et à la pérennisation de la participation de l'Etat, sinon nous rencontrerons le même problème que pour les routes nationales. A l'heure actuelle, il n'y a pas de crédits, ou ils ont peu varié.
Quoi qu'il en soit, la régionalisation mérite un débat, selon la proposition de M. Jean-Pierre Raffarin, et il convient d'attendre qu'un véritable bilan soit dressé de l'expérience, sinon nous partirons à l'aveuglette.
Il est un autre problème, que vous connaissez bien, la suppression des passages à niveau, qui provoquent chaque année entre cinquante et cent victimes à l'occasion de collisions entre véhicules routiers et trains.
Est-ce normal en ce siècle de progrès et de multiplication des satellites ?
La commission des affaires économiques a proposé d'élaborer un programme quinquennal de résorption avec le FITTVN et le produit des amendes de police.
Lors d'une conférence de presse intervenue le 26 novembre dernier, vous avez évoqué la mise en place d'un plan de suppression des passages à niveau les plus dangereux. Nous en sommes très heureux, car, pour l'instant, la situation sur le plan technique ne paraît pas très sérieuse !
Enfin, l'Etat compte-t-il prendre en charge la gratuité des transports publics instaurée lors des pics de pollution de niveau 3 ?
M. Charles Descours. Très bien !
M. Georges Berchet, rapporteur pour avis. Aucune ligne du projet de loi de finances pour 1998 ne prend en charge ce remboursement. Or il en a coûté 13 millions de francs à la RATP et 6 millions de francs à la SNCF.
Qu'en sera-t-il à l'avenir, la loi Lepage n'apportant aucune précision sur ce point ? Qui va payer ? Nous aimerions le savoir, et connaître les mesures que vous comptez prendre à cet égard.
De façon plus générale, ce projet de budget s'inscrit dans la continuité des efforts de l'Etat tout en ne répondant pas à l'ensemble des préoccupations qui conditionnent l'avenir de l'aménagement du territoire.
Sur proposition de son rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques et du Plan a donc décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits des transports terrestres dans le projet de budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement pour 1998. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne, rapporteur spécial.
Mme Maryse Bergé-Lavigne, en remplacement de M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les routes et la sécurité routière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue M. Gérard Miquel étant malade, je vais vous exposer son rapport qui traite successivement des crédits des routes puis de ceux de la sécurité routière.
Le total des moyens de paiement de la section des routes est en légère progression - 0,4 % - en 1998. Les moyens d'engagement sont toutefois en retrait de près de 5 %.
Les moyens d'engagement de la construction du réseau routier national sont en diminution : les crédits budgétaires baissent de 11,3 %, et l'ensemble des autorisations de programme, comprenant les dotations du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables et du Fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France, diminuent de 4,2 %.
Au total, les moyens de paiement augmente toutefois de 1,9 %, et sont portés à 6,3 milliards de francs.
La nette progression des crédits des contrats de plan Etat-régions ne permet cependant pas de les rétablir à leur niveau de 1996. Les contrats continueront de prendre du retard, car les crédits de fonds de concours provenant des régions seront en forte diminution puisque 5,4 milliards de francs sont prévus contre 7,4 milliards estimés en 1997. Cette diminution n'est que le contrecoup du surcroît de dépenses que les régions ont consenties par anticipation lors du gel de la participation de l'Etat en 1997.
En revanche, les crédits d'entretien du réseau national sont en progression pour le cinquième exercice consécutif. Le projet de budget amplifie le rééquilibrage hautement souhaitable entre le développement et l'entretien du réseau.
Pour la première fois, les actions de réhabilitation et de renforcement des chaussées bénéficieront de 83 millions de francs de crédits en provenance du FITTVN, ce qui leur permet une croissance de 37 %.
La croissance de ces crédits est excellente, mais on peut s'interroger sur cette débudgétisation. Est-il dans la vocation du FITTVN de financer des dépenses d'entretien routier ? Je reviendrai ultérieurement sur cette problématique.
Une pause est également décrétée en matière d'investissements autoroutiers, après l'effort exceptionnel décidé en 1997. Toutefois, l'objectif d'une réalisation en dix ans à partir de 1994 du schéma directeur routier national de 1992 n'a pas été explicitement abandonné.
Plusieurs liaisons sont actuellement remises en cause, essentiellement en raison de contraintes environnementales ou liées à la densité du tissu urbain à traverser. Il s'agit de trois autoroutes : l'A 58 - doublement nord de l'autoroute A 8 dans le Var et les Alpes-Maritimes - l'A 52 Gap-Sisteron et le débouché en Seine-Saint-Denis de l'autoroute A 16. Une autre liaison, l'A 28 Rouen-Alençon, est suspendue pour des raisons financières.
La révision du schéma directeur routier national est maintenant subordonnée à la modification de la loi d'orientation de 1995, à laquelle travaille le ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire.
Quelles que soient les options retenues par le nouveau schéma directeur, la bonne fin de celui-ci, comme de l'actuel, reposera sur un recours massif aux sociétés concessionnaires d'autoroutes. Pour conserver des tarifs de péage acceptables, et assurer leur équilibre financier, tout en poursuivant un programme de construction lourd, il sera indispensable que l'Etat ne crée pas de nouveaux prélèvements sur les sociétés d'autoroutes. Il est, en effet, paradoxal de remettre en cause des investissements au motif de la fragilité financière des sociétés, quand cette fragilité est directement causée par des actes de l'Etat.
En la matière, nous sommes à la veille d'importants changements liés au marché unique. A partir de 1998, les mises en concession devront recourir à des procédures d'appels d'offre européens et je sais que vous réfléchissez, monsieur le ministre, à une réforme d'ensemble du financement routier dont la débudgétisation partielle des crédits d'entretien offre un aperçu. M. Miquel souhaite contribuer à ce débat.
Avec le recul, notre rapporteur considère que le financement de constructions d'autoroutes gratuites par des prélèvements sur les autoroutes payantes était une erreur. Il aurait mieux valu une péréquation plus souple entre autoroutes à péage élevé et autoroutes où le péage aurait pu être plus faible que le coût des constructions. La coexistence d'autoroutes sans péage et d'autoroutes avec péage ne permet pas cette souplesse. Elle est, en outre, peu compréhensible pour les automobilistes et les routiers.
La création de la taxe sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes n'était finalement que la généralisation de la pratique consistant à imposer à ces sociétés des fonds de concours pour des sections non concédées. Or cette pratique a été critiquée par la Cour des comptes, car elle remet en cause l'équilibre des sociétés sans contrepartie pour elles.
Le péage joue un rôle important sur le niveau de trafic. Naturellement, le trafic est plus intense sur les autoroutes gratuites que sur les autoroutes payantes. Sur les sections gratuites de l'A 20, sur l'A 75 et sur la RN 7, le trafic sera lourd et détériorera rapidement ces autoroutes. Or, on le sait, l'Etat n'a pas les moyens d'entretenir son réseau, notamment parce qu'il ne perçoit pas de péages. Il aura donc tendance à faire financer l'entretien du réseau gratuit par des prélèvements sur le réseau payant. C'est ce qu'il commence à faire. Or les autoroutes concédées souffriront de distorsions de trafic : lorsqu'ils le pourront, les usagers utiliseront de préférence les autoroutes gratuites et délaisseront les autoroutes à péage.
Nous risquons donc d'entrer dans un cercle vicieux : les recettes des autoroutes à péage se tasseraient, alors qu'il conviendrait de faire face à l'augmentation du coût des détériorations occasionnées par le surcroît de trafic sur les autoroutes gratuites. M. Miquel préconise donc, tant qu'il est encore temps, d'établir un péage sur l'ensemble des autoroutes neuves, qui ne sont pas aujourd'hui complètement ouvertes aux usagers. Après, il sera trop tard, il sera impossible de revenir en arrière et nous ne sortirons pas du cercle vicieux que je viens de décrire.
C'est seulement de cette manière que nous pourrons financer la construction et l'entretien de l'ensemble du réseau, tout en effectuant une péréquation raisonnée entre les sections rentables, mais où le péage ne serait pas prohibitif, et les sections moins rentables, dont le péage serait modique mais pas gratuit.
Je vais examiner maintenant le budget de la sécurité routière.
Les crédits de la sécurité routière connaissent une hausse modérée pour 1998 : 1,8 % en moyens de paiement et 3,8 % en moyens d'engagement. Il ne faut cependant pas se cacher que ce budget fait chaque année l'objet d'annulations massives. Ainsi, les crédits de paiement réellement disponibles en 1997 n'ont été que de 373 millions de francs pour 430 millions de francs votés, soit 13 % de moins.
Il convient néanmoins d'ajouter à ces crédits ceux des aménagements locaux de sécurité visant à traiter les zones où les accidents sont particulièrement denses, qui relèvent de la compétence de la direction des routes et qui s'élèveront à 184 millions de francs.
Deux priorités se dégagent de ce budget : la formation des conducteurs et l'exploitation de la route.
Le Gouvernement réfléchit actuellement à une réforme de la formation des conducteurs, qui passe notamment par une sensibilisation précoce des jeunes. Mercredi 26 novembre, vous avez dévoilé, monsieur le ministre, les premières orientations d'un avant-projet de loi à ce sujet.
La mise en service du schéma directeur d'exploitation de la route sera la seconde priorité. Elle consiste à équiper les réseaux de matériels destinés à l'amélioration du confort des usagers et de la fluidité du trafic. Outre les huit programmes déjà engagés dans les grandes agglomérations, une nouvelle action doit commencer en vallée du Rhône afin d'améliorer le trafic lors des pointes liées aux vacances d'hiver.
Bien que présentée comme « nouvelle » par le précédent comme par l'actuel gouvernement, la politique de sécurité routière se poursuivra en 1998 selon les principes et les méthodes qui ont assuré son succès depuis vingt-cinq ans.
Les résultats de l'année 1996 ont été relativement bons, avec une diminution de 3,9 % du nombre de tués. Les statistiques restent toutefois encore dramatiques et l'on assiste à un certain tassement de l'amélioration de la sécurité routière, qui ne progresse plus désormais que lentement. La vitesse moyenne se maintient à un niveau excessif, et elle ne diminue plus depuis plusieurs années : si le nombre des accidents décroît, leur gravité a tendance à augmenter.
C'est pourquoi M. Miquel partage pleinement l'objectif que le Gouvernement vient d'annoncer d'une division par deux de la mortalité routière en cinq ans. L'observatoire interministériel de sécurité routière a en effet prévu que, si nous ne faisons rien de nouveau, nous n'atteindrions pas ce résultat avant 2010. Cela fait aussi l'objet de l'avant-projet de loi évoqué précédemment et dont vous allez, monsieur le ministre, probablement nous donner quelques détails.
A l'issue de cet examen, je vous informe, mes chers collègues, que la commission des finances a voté deux amendements de réduction des crédits de fonctionnement et d'intervention des routes, et un autre portant sur les crédits de fonctionnement de la sécurité routière.
Sous réserve de ces amendements, elle propose au Sénat d'adopter ces crédits.
M. Miquel et moi-même ne nous associerons pas à ces amendements, car nous sommes favorables à l'adoption des crédits des routes et de la sécurité routière tels qu'ils ont été votés par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Gruillot, rapporteur pour avis.
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les routes et les voies navigables. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m'appartient, à l'occasion de l'examen du budget des transports pour 1998, d'émettre, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, un avis sur trois sujets : les routes, la sécurité routière et les voies navigables.
Je ne reviendrai pas sur la présentation des crédits, ma collègue Mme Maryse Bergé-Lavigne, en remplacement de M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances s'étant parfaitement acquittée de cette tâche.
Tout au plus me permettrez-vous d'observer que, sous l'apparente stabilité des moyens, se dissimulent en réalité de graves incertitudes. Celles-ci sont d'autant plus inquiétantes que le budget des transports terrestres et des voies navigables revêt, ou plutôt devrait revêtir un caractère hautement stratégique et politique.
Le budget a un caractère stratégique en ce sens qu'il a pour objet de définir le rôle de la France dans l'Europe des transports du siècle prochain.
Le budget a un caractère politique, parce qu'il fixe pour l'avenir les choix de notre pays pour l'aménagement et le développement de son territoire. Vous conviendrez que, dans ce domaine, les infrastructures routières et fluviales occupent une place primordiale.
Selon votre document budgétaire, monsieur le ministre, « la forte priorité donnée aux transports pour 1998 » traduit « la volonté du Gouvernement de soutenir l'investissement public par un développement rééquilibré des infrastructures ».
Toutefois, la seule prise en compte des moyens d'engagement affectés à la construction du réseau routier national fait apparaître une diminution des crédits de 11,3 %.
De la même manière, l'ensemble des autorisations de programme comprenant les dotations du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables et du fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France enregistrent, quant à elles, une baisse de 4,2 % ; sans parler du retard dans la réalisation des contrats de plan Etat-régions. Les chiffres vous sont contraires et ne manquent pas de nourrir une certaine inquiétude et un certain scepticisme.
Le scepticisme porte sur le développement et l'entretien de notre réseau routier national.
Sous le prisme de la maîtrise des dépenses publiques, l'aperçu de vos dotations aurait des allures vertueuses. L'éclairage donné au titre de l'aménagement du territoire fait apparaître une vérité plus crue, celle de la stagnation et d'une modestie de l'effort à consentir en faveur du désenclavement, élément essentiel à l'essor d'une grande partie de notre territoire.
Ce sentiment est tout aussi valable pour nos investissements autoroutiers.
Il est en effet légitime, au regard des dotations réservées et de la remise en cause de plusieurs liaisons, de se demander si l'objectif d'une réalisation en dix ans, à partir de 1994, du schéma directeur de 1992 demeure véritablement l'objectif du Gouvernement, et ce d'autant que sa révision, subordonnée au schéma national d'aménagement et de développement du territoire, est elle-même désormais soumise au réexamen de la loi d'orientation de 1995 engagé par les services du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
L'inquiétude porte sur le mode de financement retenu.
Le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, institué en 1995 par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, a-t-il vocation à être utilisé pour l'entretien des infrastructures ? A l'évidence non, et Mme Bergé-Lavigne, rapporteur spécial pour les routes et la sécurité routière, vient de vous poser la même question.
Avec ce principe condamnable de débudgétisation, nous assistons à la « dénaturation » - pour reprendre un mot de M. François-Poncet - de ce que le législateur avait souhaité être un outil financier au service du développement et que, visiblement, les services du ministère des finances tendent à transformer en simple substitut au budget.
Enfin, toujours dans le domaine des routes, votre rapporteur pour avis ne dissimule pas ses craintes quant à l'éventuelle création de l'Etablissement public Routes de France destiné, paraît-il, à assurer la péréquation des financements entre voirie routière et autoroutes.
En réduisant les sociétés concessionnaires au rôle de simples opérateurs, ce projet pourrait déboucher sur l'assèchement des ressources du réseau autoroutier et conforter la pratique de la débudgétisation que je viens de condamner. Sur ce thème, monsieur le ministre, j'aimerais que vous apportiez des précisions.
Au titre de la sécurité routière, votre budget, tout en affichant des velléités de modernisation des équipements et de la formation, fait cependant l'objet d'annulations massives dans le cadre de la régulation budgétaire. L'orateur qui m'a précédé en a donné les chiffres. Les crédits de paiement réellement disponibles en 1997 n'ont été que de 373 millions de francs pour 430 millions de francs votés, soit une baisse de 13 %, ce qui ne va pas tout à fait dans le sens de ce que vous nous avez indiqué, monsieur le ministre.
Si le confort des usagers et la fluidité du trafic sont pris en compte avec la mise en service du schéma d'exploitation de la route, on doit cependant souligner que l'amélioration globale de la sécurité routière tend, en effet, à se « stabiliser ». La route, certes, fait moins de morts, ce dont nous nous réjouissons, mais elle reste le théâtre d'accidents encore trop nombreux et dont la gravité s'amplifie.
Pour y remédier, l'amélioration de la formation des conducteurs est un premier moyen. La qualité et la modernisation de notre réseau routier en est un autre. Mais vos crédits et ceux des contrats de plan n'apportent pas une réponse véritablement satisfaisante.
S'agissant, enfin, des crédits destinés aux voies fluviales, on relève que la dotation du FITTVN prévue pour 1998, soit 430 millions de francs, reste très inférieure au produit attendu de la taxe sur les ouvrages hydroélectriques concédés, dont le tarif est pourtant doublé par le projet de loi de finances 1998.
Au titre des grands projets ne reste désormais en lice que la réalisation de la voie fluviale Seine-Nord, qui permettra de relier l'Ile-de-France au bassin de l'estuaire du Rhin.
On sait que le Gouvernement a décidé d'abandonner le projet de mise à grand gabarit du canal Rhin-Rhône. Il a fait valoir que l'importance des atteintes directes au patrimoine naturel, et plus généralement au cadre de vie dans les régions traversées, n'était pas compensée par l'intérêt d'un projet dont le coût d'investissement et le déficit prévisionnel de fonctionnement étaient excessifs.
Cette décision appelle de la part de votre rapporteur les observations suivantes.
En premier lieu, la commission des affaires économiques et du Plan est choquée par le fait qu'un projet adopté par le Parlement - en l'occurrence le financement et l'achèvement de ce canal, prévus à l'article 36 de la loi d'orientation de février 1995 - puisse ainsi être rayé d'un trait de plume par un simple décret. A cet égard, des doutes pèsent sur la légalité de cette décision qui témoigne par ailleurs d'un manque évident de respect à l'égard de la représentation nationale.
En second lieu, des considérations financières et environnementales de court terme semblent avoir prévalu sur une véritable appréciation de ce projet.
Son ambition n'était rien moins que d'assurer l'avenir d'un axe structurant indispensable à l'avenir du midi français. Au lieu de cela va désormais se développer, au détriment de la France et de sa batellerie, un axe reliant l'Europe du Nord au Danube et débouchant sur la Méditerranée par le détroit du Bosphore, et non par la vallée du Rhône. Dans les dix ou vingt ans à venir, c'est un marché de plus de 100 millions de consommateurs qui existera sur l'autre rive de la Méditerranée, un marché dont la France risque d'être exclue.
Enfin, il s'agit d'une décision grave qui, au-delà de son seul aspect d'aménagement du territoire, renie un engagement de la France sur le plan européen.
Cet exemple incite votre rapporteur à souligner combien nos politiques nationales des transports pourraient s'enrichir d'un développement harmonieux et coordonné des réseaux européens. Avec l'entrée en vigueur prochaine de l'euro, il est très préjudiciable de négliger de la sorte l'avenir de nos infrastructures. Proclamer le principe de libre circulation des personnes et des biens ne suffit pas, encore faut-il l'encourager !
En conclusion, monsieur le ministre, la commission des affaires économiques et du Plan estime, au regard des crédits présentés et des projets avancés, que ce budget fait apparaître de nombreuses incertitudes, identiques à celles qui sont relevées pour les crédits de l'aménagement du territoire, et témoigne d'autant d'ambiguïtés que d'atermoiements inquiétants en matière de politique des transports terrestres. Elle les juge de mauvais augure pour le redressement de l'emploi et pour l'avenir économique de la France.
Ces raisons conduisent ainsi la commission des affaires économiques du Plan à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits des routes et des voies navigables dans le projet de budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement pour 1998. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 16 minutes ;
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. S'agissant du budget des transports, je voudrais, monsieur le ministre, vous soumettre quelques réflexions concernant, dans un premier temps, les infrastructures des transports terrestres et, dans un second temps, le fonctionnement de celles-ci.
Je suis persuadé que les infrastructures restent la condition sine qua non du désenclavement, du développement et de l'aménagement du territoire. Je ne comprends pas ceux qui nous disent que les infrastructures ne contribuent pas forcément au développement économique, car, a contrario , sans infrastructures, on est sûr qu'il n'y aura pas de développement possible.
Comme l'argent est de plus en plus rare, si l'on en juge par les ralentissements drastiques imposés depuis plusieurs années, j'en conviens, aux contrats de plan, je crois qu'il faut faire preuve d'imagination.
Je sais qu'il est difficile pour un ingénieur de ne pas faire le plus beau et le plus pérenne, mais la perfection coûte cher, et le coût marginal pour passer de 90 % à 100 % de satisfaction représente beaucoup plus que 10 % du coût total. C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le ministre, s'il n'y a vraiment pas moyen de créer une catégorie intermédiaire de normes autoroutières permettant un meilleur amortissement là où cela est possible et permettant surtout de faire plus et plus vite.
S'agissant des infrastructures ferroviaires, dont les coûts d'investissement et d'exploitation sont très élevés, je ne comprends pas pourquoi, dans certains endroits, on s'obstine à garder des lignes manifestement ingérables, alors que des transports souples et rapides sur pneus se révéleraient beaucoup plus efficaces. Serait-ce le passage de la culture du rail à la route, du fer au pneu qui serait difficile ? Il faudra bien faire évoluer cette situation pour permettre, par ailleurs, au rail de remplir son rôle indispensable d'aménageur du territoire européen. C'est, à mon avis, son terrain privilégié d'épanouissement, car il est largement compétitif avec le transport aérien, qui commence vraiment à saturer.
Alors qu'attend-on pour démarrer la réalisation du TGV Est-européen ? Pour justifier le manque d'enthousiasme pour ce projet on nous a, jusqu'à présent, annoncé des rendements faibles. Je pense vraiment, pour avoir suivi de très près ce dossier depuis sa genèse, que l'on a largement sous-estimé l'impact de la clientèle allemande. On a appliqué un effet frontière draconien sur les chiffres en faisant comme si la France était isolée du reste de l'Europe.
J'encourage les responsables de Réseau ferré de France, qui ont repris le dossier, à venir prendre l'avion à Strasbourg pour constater les pourcentages relatifs des clientèles allemande et française. Je les encourage à intégrer la mise en place de l'euro, en 1999, dans les comptabilités et, en 2002, dans les portes-monnaies afin d'anticiper les déplacements, des ménages comme des techniciens et des commerciaux, que cela va nécessairement induire. Je ne sais pas si vous pouvez déjà nous répondre, monsieur le ministre, mais j'espère vivement que le CIAT qui devrait se tenir le 15 décembre prochain nous rassurera sur l'évolution du projet.
Nous attendons une réponse positive sur l'aide publique au développement attribuée au TGV Est-européen, mais aussi, bien sûr, sur la déclaration d'utilité publique du TGV Rhin-Rhône.
Je ne vous fais pas de suggestions sur le canal du Rhône au Rhin, monsieur le ministre, mais je me demande comment ont fait les Allemands, pourtant si sensibles à l'écologie, pour réaliser la liaison Rhin-Main-Danube. Heureusement que l'écologie intransigeante n'existait pas au temps des Romains : ils n'auraient pas pu faire tous ces ouvrages que l'on visite aujourd'hui avec beaucoup de bonheur ! Une autoroute de montagne, un grand canal sont des ouvrages que l'on sait maintenant bien intégrer dans l'environnement et que nous léguerons à nos petits-enfants. A défaut, ils feront du fromage de chèvre pendant que les Hollandais et les Allemands commerceront avec les ports de la mer Noire.
Telles sont les remarques et les interrogations sur la réalisation des infrastructures des transports terrestres.
Sur leur fonctionnement maintenant, je veux aborder le problème complexe de la circulation autour des grandes villes.
La voiture, c'est la liberté, et ce n'est pas moi qui la briderai. En revanche, je pense qu'il faut rendre les voitures de moins en moins polluantes et qu'il faudrait mieux utiliser les voitures et les infrastructures qui existent.
Dans mon département, le Bas-Rhin, nous venons de tenter une expérience de covoiturage. Les gens interrogés étaient au départ tous séduits par l'idée. Pourtant, l'expérience a été un échec.
Pourquoi ? Parce que les outils d'incitation n'existent pas : il n'y a ni banque de renseignements interactive, ni parkings de regroupement, ni voies réservées, qui pourraient d'ailleurs être utilisées par les véhicules de covoiturage comme par les transports en commun.
Je crois, monsieur le ministre, qu'il est temps de ne plus raisonner seulement « béton ou bitume » mais d'avoir une approche globale des transports, quitte à changer les mentalités. Mais, n'est-ce pas après tout un des rôles les plus nobles des élus ?
Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des réponses que vous pourrez apporter à ces remarques et à ces suggestions. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget des transports terrestres que nous examinons aujourd'hui laisse apparaître trois priorités : le désendettement de la SNCF, le maintien des dotations de l'Etat et l'entretien des routes.
Les crédits accordés aux transports terrestres en 1998 s'élèvent en dépenses ordinaires et en crédits de paiement à 44,9 milliards de francs, soit 0,8 % d'augmentation en francs constants par rapport au budget voté en 1997.
Quant aux routes, 7,366 milliards de francs, soit une augmentation de 0,4 % en francs courants par rapport à 1997, leur sont affectés.
Si j'ai bien saisi la philosophie qui sous-tend votre projet, monsieur le ministre, il s'agit de ralentir ou d'abandonner de nombreux projets autoroutiers ou de lignes TGV, d'abandonner le projet de canal Rhin-Rhône, projets accusés non seulement de prendre une part trop importante des finances du ministère, mais également de faire payer un lourd tribut à l'environnement.
L'ensemble du pays, si les bonnes résolutions de ce budget sont tenues, pourrait ainsi voir son réseau routier classique et son réseau ferré, dit secondaire, retrouver une nouvelle jeunesse.
Voilà pour l'idéal. Mais mettre en corrélation les bonnes intentions avec la réalité et les besoins de développement du pays dans le cadre européen va être une autre affaire.
Côté positif, nous avons noté l'effort que vous faites en faveur des transports collectifs de province en site propre, dont la dotation atteint 616 millions de francs en autorisations de programme, notamment pour les liaisons nouvelles de tramways dans les grandes villes, qui pourront être reliées au réseau de chemin de fer à la périphérie.
A ce propos, nous espérons que vous apporterez le financement de l'Etat au projet de tramway sur pneu mis en place par la ville de Nice et trois autres villes du littoral des Alpes-Maritimes, Saint-Laurent-du-Var, Cagnes-sur-Mer et Villeneuve-Loubet, et que vous l'ajouterez à la liste des opérations à engager en 1998 après ceux de Caen, Nantes et Rennes. Ce moyen de transport apparaît d'autant plus souhaitable que l'autoroute A 8, qui voit entre Menton et Cannes-Mandelieu un trafic urbain important s'ajouter au trafic autoroutier classique national et international, ne sera pas doublée, le projet d'intérêt général ayant été suspendu, ce qui va nous poser des problèmes avec le trafic international grandissant, bien que, tel qu'il était conçu, le projet eût été difficilement acceptable pour l'environnement, notamment dans l'ouest du département. D'autres solutions existent, notamment celle du SIEPAN ; nous espérons que vous financerez rapidement les études puisque le ministère des transports s'y est engagé.
Nous avons noté également l'accent mis sur l'entretien du réseau routier. Mais, si les dotations sont en augmentation de 4,2 %, elles le doivent à une ponction sur le FITTVN.
Or le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables, mis en place en 1995, a été prévu non pas pour abonder des crédits d'entretien, mais bien pour aménager le territoire en créant de nouvelles voies.
Il est bon que vous vous préoccupiez de l'entretien de nos routes nationales, qui étaient il y a vingt-cinq ans parmi les plus belles d'Europe, car, pour certaines, ce n'est plus le cas. La RN 204, route européenne reliant les Alpes-Maritimes au Piémont - dont je connais toutes les bosses pour l'emprunter chaque semaine - est dans un état pitoyable. Le 31 août 1995, j'ai interpellé M. Bernard Pons, votre prédécesseur, à ce sujet. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que cette route soutienne la comparaison avec la SS 20 italienne, qui la prolonge au sud.
Je suis d'accord avec le projet visant à développer le ferroutage et les transports ferroviaires.
Le transport combiné rail-route se développe très rapidement depuis 1994 et, plus fortement, en 1997, avec un record en avril de 1,22 milliard de tonnes/kilomètre, ce qui est un résultat remarquable.
J'y souscris d'autant plus volontiers que je suis le maire d'une commune de 2 500 habitants, assez vaste - 18 000 hectares - pour avoir le privilège d'accueillir trois gares SNCF sur son territoire ! La ligne internationale reliant Nice à Turin et passant par Tende la traverse. Il y passe dix-neuf autorails par jour, mais aucun train de marchandises, car quelques rampes importantes nécessitent son électrification sur 50 kilomètres, le système de propulsion fonctionnant précédemment ayant été détruit durant la guerre.
Des ouvrages d'art remarquables sont présents sur cette ligne : le tunnel de Tende de 8,1 kilomètres à deux voies, des tunnels hélicoïdaux, etc. Faites en sorte de la dynamiser : un trafic potentiel très important entre Turin et le sud de la France est en attente de cette modernisation.
En revanche, ce qui m'inquiète, c'est l'intention que l'on vous prête de créer un établissement public « Routes de France » qui assurerait la péréquation des financements entre la voirie routière et les autoroutes, transformant de ce fait les sociétés d'autoroutes en opérateurs ponctionnant leurs finances et bloquant le développement autoroutier. Qu'en est-il de ce projet, monsieur le ministre ? Nous aimerions connaître votre position sur ce point.
Ce qui m'inquiète également, c'est la décision, comme l'a souligné voilà un instant notre rapporteur pour avis, M. Gruillot, d'abandonner sans consultation préalable la mise au grand gabarit du canal Rhin-Rhône, qui seule aurait pu faire repartir l'activité de nos ports fluviaux de Strasbourg, de Mulhouse et de Lyon, mais aussi du port de Marseille, lourdement pénalisés, vous le savez, par rapport à Anvers et Rotterdam.
Ce qui me préoccupe, mais vous allez sans doute nous rassurer, c'est le devenir et le calendrier de réalisation du schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse dans le cadre de la loi du 30 décembre 1982, qui prévoyait la construction de 11 000 kilomètres de lignes nouvelles de ce type.
A ce propos, après Lyon-Marseille, il nous paraît indispensable de réaliser la liaison Avignon-Fréjus, passage obligé pour une liaison vers Nice et Gênes. Compte tenu du relief, ne peut-on songer à un train pendulaire après Fréjus ?
Le département des Alpes-Maritimes et la province d'Imperia viennent d'adopter une motion commune réclamant l'inscription d'une liaison rapide vers Gênes.
C'est également l'incertitude quant à la construction du tunnel routier de la Lombarde ou du Mercantour, indispensable dans l'arc alpin et après l'abandon des autoroutes Gap-Grenoble et Bordeaux-Le Somport.
L'Hexagone est le passage obligé du trafic transeuropéen. Avec l'extension de l'Union, et même si une partie circulera par fer, ce que nous souhaitons, l'ensemble de ce trafic ne pourra circuler que sur un maillage autoroutier, ferroviaire et fluvial, maillage doté de plates-formes multimodales à proximité de nos ports.
Mme Voynet aurait même parlé - je l'ai lu dans la presse - de ne pas réaliser le nouveau tunnel de Tende : est-ce exact, monsieur le ministre ? Si tel était le cas, je n'hésiterais pas à dire que l'on ne connaît pas le terrain ni les problèmes que pose ce vieux tunnel situé moitié en France, moitié en Italie, qui a 3,186 kilomètres de long et a été édifié en 1882 pour le passage des charrettes.
Sachez qu'il est souvent confronté les week-ends d'été à un trafic de 20 000 véhicules par jour et la semaine à un important trafic de poids lourds, deux d'entre eux ne pouvant s'y croiser, ni même un poids lourd et un mobile home, à tel point qu'on a dû installer des feux aux extrémités du tunnel.
Il existe bien un projet franco-italien de tunnel situé 80 mètres plus bas, de quatre kilomètres au maximum, dont la moitié en Italie. N'avons-nous pas les moyens, monsieur le ministre, de financer deux kilomètres de tunnel sur fonds publics ?
J'aimerais avoir une réponse sur ce point en vous rappelant que le tunnel de Tende est, à l'heure actuelle, la seule voie directe entre la Côte d'Azur et le Piémont ; Nice-Turin par Tende sont à seulement 200 kilomètres de distance.
Qu'en est-il également des projets de modernisation de la liaison Alpes-Maritimes-Grenoble par la RN 85 et surtout par la RN 202, où des bouchons importants se produisent tous les jours à la sortie de Nice ?
Nous espérons, monsieur le ministre, que, dès que la décision de la cour administrative d'appel de Marseille sera intervenue, vous pourrez donner des instructions afin que les travaux de la RN 202 recommencent rapidement.
L'économie du sud-est de la France ne profite guère, faute d'infrastructures rapides de transport, de la proximité du Piémont, l'une des régions les plus riches d'Europe, avec sa capitale Turin, capitale industrielle de l'Italie.
J'espère que le rapport Brossier, du nom de l'ingénieur général que vous avez désigné, vous convaincra que l'expansion économique de tout le sud-est de l'hexagone passe par la création, projetée par votre prédécesseur, d'une nouvelle percée alpine dans les Alpes-Maritimes, la Lombarde, et par l'amélioration de celle de Tende, déjà existante.
Je partage les inquiétudes du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, car la France ne peut rester en dehors des grands flux européens, et je crains, monsieur le ministre, que plusieurs de vos choix ne l'y conduisent. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous. Monsieur le ministre, je ne peux, au nom du groupe socialiste, commencer mon propos sur le projet de budget des transports terrestres, sans évoquer et saluer la manière dont le Gouvernement et vous-mêmes avez réglé le conflit routier.
Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas. Aussi, nous sommes satisfaits de pouvoir, aujourd'hui, travailler dans la sérénité, et surtout dans le souci d'être écoutés.
J'ajoute, monsieur le ministre, que le projet de budget que vous présentez répond à nos attentes.
Nombre des orientations que nous défendions depuis longtemps, ont trouvé, au sein du Gouvernement et de votre ministère, un écho favorable. Le transport ferroviaire, les transports collectifs et l'entretien des routes sont les trois priorités de votre budget. Nous approuvons pleinement ces choix.
Ils traduisent bien la volonté du Gouvernement de développer une politique des transports résolument plurimodale, respectueuse de l'environnement pour un aménagement équilibré du territoire et une meilleure qualité de vie.
Les orientations et les moyens mobilisés pour les soutenir sont donc satisfaisants, et chacun peut en effet constater avec satisfaction que l'ensemble des crédits pour les transports terrestres, en tenant compte des crédits du fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF, et du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, ainsi que de la dotation en capital à Réseau ferré de France, atteint 57,3 milliards de francs, soit une augmentation de 5,6 % par rapport à 1997.
Concernant le transport ferroviaire, on remarque immédiatement une volonté de relancer le chemin de fer : augmentation de 33 % des crédits affectés au transport combiné ; augmentation de la dotation en capital en faveur de Réseau ferré de France, qui passe de 8 milliards de francs en 1997 à 10 milliards de francs ; nouvel allégement de la dette SNCF, à hauteur de 20 milliards de francs ; relance de l'emploi à la SNCF par la création de 1 000 emplois statutaires en 1997 et le recours à 1 000 emplois-jeunes.
Je tiens également à saluer, monsieur le ministre, votre souci d'ouvrir des négociations sur les salaires et le temps de travail.
Voilà autant de faits qui marquent clairement votre volonté de relancer le chemin de fer.
Au total, les concours publics au secteur ferroviaire progresseront en 1998 de près de 2,5 milliards de francs, ce qui représente, en termes de moyens dégagés, une augmentation de près de 8 %.
Il est heureux de constater que se fait enfin jour une nouvelle vision de l'avenir du transport ferroviaire, ne conférant plus au « tout autoroute » une place prépondérante. Je souhaite que le nouveau schéma national d'aménagement du territoire, auquel le Gouvernement - et plus particulièrement votre collègue en charge de l'environnement - travaille actuellement, fasse une place privilégiée au transport combiné.
S'agissant du transport ferroviaire, il me faut évoquer Réseau ferré de France.
Le groupe socialiste était contre cette réforme parce que la création de deux établissements remettait en cause l'unicité des transports ferroviaires et qu'elle n'ouvrait aucune perspective nouvelle pour le chemin de fer.
Par ailleurs, en déplaçant simplement le problème de la dette de la SNCF sur Réseau ferré de France, on susciterait nécessairement cette question : quelles peuvent être les capacités d'investissement d'une entreprise qui, comme Réseau ferré de France, est déjà endettée à hauteur de 134,2 milliards de francs.
Conscient de nos interrogations et de celles des syndicats, monsieur le ministre, vous avez décidé, non pas d'abroger la loi qui a créé Réseau ferré de France, mais de la compléter, afin de conforter l'unicité du service public et de coordonner efficacement les politiques de Réseau ferré de France et de la SNCF. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur l'état de vos réflexions et sur le calendrier ?
Votre projet prévoit en outre d'alléger de 20 milliards de francs supplémentaires la dette de la SNCF. Cela va dans le sens de ce que nous souhaitions, mais la vigilance s'impose, car la situation, vous le savez, reste fragile.
Les dotations aux transports collectifs, notamment en ce qui concerne ceux de la province, diminuaient fortement dans la loi de finances de 1997. Cette année, les autorisations de programme augmentent de 10 %, s'établissant à 646 millions de francs, contre 581,5 millions de francs en 1997, et les crédits de paiement de 8,4 %, en passant de 509 millions à 552 millions de francs.
Sans nul doute, les crédits supplémentaires permettront la réalisation d'opérations techniquement prêtes ou l'achèvement d'opérations déjà engagées dans les grandes villes.
On ne peut que saluer votre décision d'accélérer la mise en place de lignes en site propre.
Autres décisions bienvenues : l'annonce selon laquelle le dispositif de réduction du temps de travail s'appliquera aux conducteurs de transports collectifs et le recrutement de quelque 4 000 jeunes durant les trois prochaines années à la RATP. Ces initiatives en faveur de l'emploi contribueront indiscutablement à améliorer ce mode de transport.
Par ailleurs, vous avez annoncé la mise en place, à partir du 1er janvier 1998, d'un « chèque transport » pour les chômeurs. C'est une bonne initiative. Pouvez-vous nous indiquer où en est ce projet ?
Enfin, s'agissant de la route, il faut se féliciter des nouvelles orientations budgétaires visant à améliorer et à réhabiliter le réseau existant plutôt qu'à créer de nouvelles autoroutes qui n'auraient fait qu'accroître l'endettement des sociétés déjà concessionnaires.
Monsieur le ministre, la ressource se fait rare, aussi bien pour financer de nouvelles infrastructures que pour entretenir l'existant. Vous avez évoqué la possibilité de créer une sorte de « pot commun » qui permettrait de financer tout à la fois le réseau concédé et le réseau national non concédé. Si un tel scénario était retenu, quels seraient les modes de financement ? N'y a-t-il pas à craindre, à terme, un désengagement budgétaire de l'Etat ?
Par ailleurs, si la priorité donnée à l'entretien des routes est une bonne chose, pensez-vous que, malgré les crédits d'investissement mobilisés, votre ministère ait réellement à sa disposition tous les moyens nécessaires pour remplir l'ensemble de ses missions, non seulement en matière d'infrastructures, mais aussi au regard des conseils et des aides aux collectivités locales ?
Je pense, en particulier, monsieur le ministre, aux 870 emplois supprimés dans le budget de l'équipement pour 1998. Je sais que cette situation ne vous sied pas et qu'elle est, en quelque sorte, l'héritage de votre prédécesseur.
Vous avez en outre annoncé la tenue d'une conférence nationale des personnels de l'équipement. Pouvez-vous nous dire quel sera l'ordre du jour de cette conférence et quel objectif elle vise ?
D'autres questions restent à approfondir. Je pense à la politique des grands travaux, engagée notamment par Jacques Delors. Que devient ce chantier ? Je suppose que vous y réfléchissez quotidiennement.
Je voudrais savoir encore si vous comptez dresser un premier bilan de la régionalisation de la SNCF.
Je conclurai en indiquant que nous apprécions tous la volonté du Gouvernement de dialoguer avec toutes les parties intéressées, à commencer par les usagers et les populations concernées, et cela le plus en amont possible, lorsqu'un projet de grande importance est en cours d'étude.
C'est grâce à ce souci de mieux prendre en considération l'ensemble des données, de mieux percevoir l'impact sur l'environnement et de mieux coordonner l'ensemble des politiques des différents moyens de transport que nous arriverons à mettre en place un schéma de développement des transports cohérent, respectueux de l'environnement, soucieux de l'aménagement du territoire et répondant aux attentes des Français.
Monsieur le ministre, votre budget est un bon budget. Il ouvre de belles perspectives. Il faudra, bien sûr, poursuivre l'effort au cours des années suivantes.
Le groupe socialiste souhaitait approuver le projet de budget concernant les transports terrestres que vous nous présentez, monsieur le ministre. Cependant, nous craignons fort de devoir voter contre, compte tenu de l'adoption probable des amendements déposés par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Ils vont peut-être réfléchir ! Peut-être ne diminueront-ils pas les crédits !
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nous ne touchons pas aux crédits d'investissement !
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, le budget des transports est un acte à la fois politique et stratégique.
Il fixe pour la France les choix en matière d'aménagement du territoire et définit le rôle qu'entend jouer notre pays dans l'Europe du XXIe siècle.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, votée en 1995, énonçait un principe : « En 2015, aucune partie du territoire français ne sera située à plus de cinquante kilomètres ou quarante-cinq minutes d'automobile soit d'une autoroute ou d'une route à quatre voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse. »
Aujourd'hui, les décisions et les prises de position du nouveau gouvernement - ou l'absence de décision ou de prise de position de sa part - sur de nombreux grands projets d'infrastructures de transports terrestres, qu'il s'agisse de la voie d'eau, de la route ou du fer, me semblent peu rassurantes au regard de la mise en oeuvre de ce principe : abandon du canal Rhin-Rhône, gel de procédure d'enquête publique de certains chantiers, révision des crédits routiers et de la politique autoroutière, réforme de la réforme de la SNCF, laconisme ou dissensions sur les grandes lignes TGV.
On entend dire, parfois contredire, et souvent en catimini. Or on est au moins en droit d'attendre une lisibilité dans les choix. Ces derniers doivent en effet s'inscrire dans une vision stratégique de développement économique, d'équilibre des territoires et d'insertion dans le cadre européen.
La France occupe une position centrale en Europe et doit tirer les bénéfices des grands flux de transit international. Hélas ! à force de prendre du retard, nous risquons de nous trouver en dehors de ces flux. Il convient donc de créer un vrai pôle de transport et de logistique. Nous avons d'ailleurs vocation à être le pays d'excellence en ce domaine.
J'en viens à votre projet de budget pour 1998, monsieur le ministre. A-t-il cette dimension politique et stratégique que j'évoquais et donne-t-il des moyens à la hauteur des enjeux ?
Vous avez placé ce budget, avez-vous dit, sous le signe du volontarisme en affichant trois priorités : construire une véritable politique intermodale des transports, relancer les transports collectifs et réagir face à la poursuite du développement des réseaux routier et ferré « à deux vitesses ».
Je ne peux que m'associer à ces orientations, d'autant qu'elles sont marquées, vous l'avez vous-même reconnu, par la patte de vos prédécesseurs.
Mais force est de constater que cette volonté se traduit en chiffres par une évolution plutôt modeste : les moyens de paiement n'augmentent que de 0,8 %. Dans un contexte de contrainte budgétaire, cet effort est déjà louable, mais je ne pense pas qu'il soit suffisant pour mener à bien les objectifs que vous avez retenus.
S'agissant de la SNCF, je me félicite que vous vous soyez en partie rallié à la réforme votée au début de cette année. Son abandon aurait été préjudiciable à l'entreprise, qui subissait, depuis déjà trop longtemps, l'absence de décisions politiques.
Vous avez obtenu un allégement de sa dette de 20 milliards de francs supplémentaires, et je salue cette mesure qui devrait lui donner la bouffée d'oxygène nécessaire à son redressement. Mais il ne faudrait pas, monsieur le ministre, donner d'une main et retirer de l'autre ! Vous lui demandez, dans le même temps, d'embaucher 2 000 personnes ; cela a un coût : 300 millions de francs en exercice normal.
Par ailleurs, la dotation en capital de Réseau ferré de France atteint, pour 1998, 10 milliards de francs. Malgré l'augmentation de 33 % des crédits du FITTVN consacrés aux investissements ferroviaires, sera-t-elle suffisante pour financer à la fois la modernisation des infrastructures actuelles et les nouveaux investissements, alors même que le président de Réseau ferré de France annonçait un besoin de financement de 13 milliards de francs ?
J'insiste sur ce point, car il ne serait pas juste que les crédits disponibles soient entièrement consacrés aux lignes à grande vitesse et que d'autres travaux, pourtant indispensables, soient retardés. Or vous avez déjà confirmé, monsieur le ministre, la réalisation des TGV-Est et du TGV-Méditerranée.
Précisément, l'une des préoccupations des Haut-Saônois en matière de transports demeure la ligne Paris-Bâle. Les cinq présidents des conseils régionaux du Grand Est se sont prononcés pour son maintien et sa modernisation.
Cette ligne est la seule structure desservant la Haute-Saône. C'est un axe vital, une véritable épine dorsale. Elle répond aux besoins du département en termes d'aménagement et de développement du territoire.
Au transport de voyageurs s'ajoute un fret important qui, pour le seul établissement Peugeot-Vesoul, se chiffre à 10 000 wagons par an. D'autres entreprises fortement exportatrices utilisent également cet axe ferroviaire.
Comment l'emploi industriel ou tertiaire ne serait-il pas affecté à terme si l'avenir de cette ligne était hypothéqué ? De plus, la plate-forme multimodale, l'une des dix du territoire, pourrait également être remise en cause, alors même, monsieur le ministre, que vous souhaitez augmenter le nombre de ces plates-formes.
En conséquence, j'aimerais connaître le résultat des études menées en vue de définir les meilleurs aménagements techniques, notamment en ce qui concerne le mode d'énergie et de traction, ainsi que la position du Gouvernement sur le devenir de cette liaison dont, m'avez-vous assuré, la consolidation viendrait en 1999 eu égard à son importance dans les liaisons transversales.
Sans doute faudra-t-il réorienter la politique d'investissement, en la concentrant sur le développement du trafic, et non en visant toujours le gain de temps.
S'agissant du FITTVN, nous nous réjouissons que son augmentation, il est vrai substantielle, permette de faire passer la part affectée à Voies navigables de France de 350 millions de francs à 430 millions de francs.
Toutefois, là encore, même accrus, permettront-ils à l'établissement public de couvrir les charges d'entretien et de remise à niveau du réseau et de financer de nouveaux ouvrages tels que le canal Seine-Nord, auquel vous semblez attaché ?
Notre retard est grand dans le domaine du transport fluvial.
L'évocation de ces points traduit plus une impatience et des interrogations, monsieur le ministre, qu'une critique de votre action ou de votre projet de budget. Dans un domaine caractérisé par des positions, des exigences financières et des habitudes culturelles antagonistes, l'arbitrage est difficile et le travail sera long.
Je regrette seulement que la structure de votre ministère ne rende pas la tâche plus facile. Une grande direction intermodale aurait été un outil précieux pour assurer la cohérence de cette politique et la rationalisation des choix.
Avant de conclure, je dirai quelques mots du financement des infrastructures de province. On parle d'un rééquilibrage entre les modes de transport, mais j'aurais souhaité que l'on parle aussi d'un rééquilibrage entre l'Ile-de-France et les autres régions de France. Certes, un effort est fait en faveur de ces dernières, mais il n'est pas encore suffisant, et je vous en donnerai pour preuve, monsieur le ministre, le maillon manquant entre Langres et Belfort dans la liaison autoroutière ouest-est du territoire national.
Comment justifier cette rupture ? Quel combat peuvent mener les collectivités locales pour attirer des entreprises quand les installations achoppent sur un enclavement totalement dissuasif ? L'équation est simple : pas d'axes de pénétration satisfaisants, pas d'implantations, pas de taxe professionnelle, moins d'équipements, une évasion de population et, au bout, l'accentuation de désertification.
Sur ce point également, je désirerais connaître la position du Gouvernement.
Ce n'est pas voir les choses par le petit bout de la lorgnette. La Franche-Comté est une région transfrontalière au coeur du noyau européen. Si elle est appelée à devenir un « isolat », qu'adviendra-t-il des régions moins intégrées ? Vos réponses, monsieur le ministre, m'aideront à me déterminer, la commission à laquelle j'appartiens ayant choisi de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps de parole, très court, qui est imparti à mon groupe ne me permettra pas, comme je l'aurais souhaité, d'aborder dans le détail le projet de budget des transports, pourtant essentiel pour la vie et le développement de la nation.
La question des transports en France est au centre de l'actualité depuis plusieurs années, sur le plan économique, environnemental et, bien entendu, social.
L'ampleur des préoccupations soulevées doit sans nul doute beaucoup à la spécificité du territoire français, qui se situe au carrefour de l'Europe, tant sur le plan routier que sur celui du rail ou des voies navigables, ce qui accentue les effets de la déréglementation.
Cette déréglementation imposant le libéralisme dans le domaine des transports a deux conséquences : elle menace d'isolement des régions considérées comme non vitales économiquement et elle surcharge de manière déraisonnable et destructrice sur le plan de la sécurité et de l'environnement d'autres régions.
Je tenais, avant d'examiner rapidement le projet de budget lui-même, à rappeler ces quelques données qui placent votre administration, monsieur le ministre, au centre des enjeux de l'aménagement de notre pays.
Venons-en à votre projet de budget.
En premier lieu, je tiens à souligner que les crédits relatifs aux transports terrestres, aux routes et à la sécurité routière marquent une volonté de stabilisation par rapport à l'année précédente. Je rappelle que le budget des transports terrestres était en régression de 3 % en francs constants l'année dernière.
Mme Hélène Luc. Effectivement !
M. Pierre Lefebvre. En deuxième lieu, nous pouvons admettre qu'en quelques mois il n'était pas possible de marquer une évolution positive plus sensible, le poids de la gestion passée pesant toujours lourdement. Cet argument ne pourra cependant pas être reformulé l'année prochaine.
Mme Hélène Luc. Ça c'est vrai !
M. Pierre Lefebvre. En troisième lieu, nous approuvons la rupture, sur le plan des orientations, qui caractérise le projet de budget. Cette remarque vaut pour des domaines aussi divers que l'environnement, la politique routière, les déplacements urbains, le transport ferroviaire et le dialogue social que vous avez su mettre en oeuvre au cours du récent conflit des routiers.
La prépondérance de l'augmentation des fonds d'investissements, par le biais du FITTVN et du FARIF notamment, nous apparaît notable dans le cadre de l'augmentation de 2,3 % du budget des transports terrestres.
Nous approuvons fortement l'accent mis sur le transport collectif. Les crédits en ce domaine augmentent de 10 %. Cela est important lorsqu'on sait qu'un kilomètre en voiture coûte 26 centimes à la collectivité, contre 6 centimes pour le transport collectif, et que les conséquence en matière de pollution sont importantes. L'expérience de cet été l'a démontré.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Pierre Lefebvre. L'augmentation de 23,63 % des autorisations de programme du budget des transports terrestres et de 19,17 % des crédits de paiement marquent cette volonté de rupture avec les choix précédents.
L'augmentation de 4 % pour l'entretien du patrimoine routier et l'octroi de 440 millions de francs au titre de la sécurité routière sont indéniablement des chiffres à mettre à l'actif de votre projet de budget, monsieur le ministre.
Sur le plan de la sécurité routière, l'augmentation du budget consacré à la formation automobile est portée de 34,2 millions à 40,3 millions de francs. Il s'agit là d'un effort appréciable, mais sera-t-il suffisant pour accompagner votre intéressant plan de lutte pour la sécurité sur les routes ?
En ce qui concerne la gestion de l'emploi, nos remarques, monsieur le ministre, seront nuancées.
Bien entendu, pour la première fois depuis de très nombreuses années, les suppressions d'emplois massives sont interrompues à la SNCF, où plusieurs dizaines de milliers d'emplois ont disparu ces dernières années.
Mille emplois jeunes et mille emplois statutaires constituent une bouffée d'oxygène qui marqueront votre entrée au ministère. Mais de quoi demain sera-t-il fait ? Nous espérons que l'année prochaine cet effort, si nécessaire, se poursuivra.
En revanche - et nous avons évoqué ce point tout à l'heure - la suppression de mille emplois, certes compensée par cent quarante créations dans les services de l'équipement, constitue une mauvaise nouvelle. Cette suppression pourrait ne pas être sans conséquence, en particulier, sur l'entretien des routes.
Ce chiffre contredit la volonté gouvernementale d'impulser la lutte contre le chômage et d'entraîner le secteur privé vers une politique de créations d'emplois. Vous avez déjà répondu à mon amie, Mme Marie-Claude Beaudeau, à ce sujet, mais nous attendons de vous, monsieur le ministre, des paroles fortes pour rassurer non seulement les personnels, mais également les usagers de l'équipement, qui ont, ces derniers jours encore, constaté la nécessité vitale d'un service de l'équipement préservé et développé.
Avant d'en terminer, je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur les mesures que vous envisagez de prendre pour aider la batellerie artisanale, qui souffre beaucoup et qui est particulièrement inquiète pour son avenir.
A ce sujet, je désire vous faire part de notre complet accord avec la volonté que vous avez affirmée d'agir dans le sens non pas de la concurrence, mais de la complémentarité entre les différents moyens de transports : le rail, les routes, les voies d'eau.
Pour conclure, monsieur le ministre, votre projet de budget interrompt une dérive qui marquait la politique de déstructuration du service public menée par la droite. Il marque une amorce de réorientation des crédits vers ce service public et, ce qui m'apparaît essentiel, vers le transport collectif.
C'est pourquoi nous le voterons, tout en ayant noté un certain décalage entre les intentions confirmant le choix des électeurs du 1er juin dernier et les chiffres de ce projet de budget sur lequel pèsent les engagements passés et les contraintes budgétaires de la monnaie unique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite parler essentiellement du budget consacré aux transports en commun, notamment aux transports en commun urbains de province, budget qui a été peu évoqué à cette tribune depuis le début de la discussion.
A une première lecture, on pourrait se féliciter qu'un effort significatif en faveur des transports collectifs ait été accompli par le Gouvernement dans le budget pour 1998. La ligne budgétaire des aides aux investissements dans les transports collectifs de province progresse de 10 %, pour atteindre 646 millions de francs dont 581 millions de francs pour les transports en commun en site propre. Celle des aides aux investissements en Ile-de-France s'élève à 595 millions de francs.
Bien que significatif - nous ne le méconnaissons pas dans la rigueur budgétaire ambiante - cet effort risque toutefois de se révéler insuffisant. Pour 1998, le groupement des autorités responsables de transport, Le GART, réuni récemment à Dijon, où vous étiez, monsieur le ministre, estime en effet les besoins à près de 900 millions de francs en prenant comme référence les taux de subvention fixés par l'Etat.
Il importe que le Gouvernement soit cohérent et que ce budget amorce une réelle inversion des priorités pour les prochaines années, en privilégiant désormais les transports publics par rapport à la route.
L'alerte de niveau 3 dont ont été victimes cet été l'Ile-de-France et plusieurs villes de province faisant suite à des vagues de pollution d'une longueur sans précédent cette année montre qu'il devient de plus en plus urgent de proposer aux Français des offres de transport alternatives à la voiture. Le besoin développement des transports collectifs va donc être croissant.
Pour les dix prochaines années, 90 milliards de francs d'investissement sont prévus dans les transports en commun en site propre, les TCSP, d'après l'enquête du GART sur ces projets TCSP en France rendue publique le 30 septembre, dont 61 milliards de francs pour la seule province. Au total, quatre-vingt-dix projets de TCSP sont recensés, trente-trois agglomérations de province ont un ou plusieurs projets.
Or aujourd'hui, la participation de l'Etat aux transports collectifs en site propre de province n'atteint que 16 % en moyenne de l'investissement total réalisé. Nous sommes loin des 50 % envisagés dans les années 1981-1982, monsieur le ministre !
En effet, les aides de l'Etat ne portent actuellement que sur les dépenses d'infrastructures dites « subventionnables » et ne concernent en aucune manière l'acquisition du matériel.
Depuis 1994, l'Etat a clarifié ses modalités d'intervention et précisé les taux de subventions auxquels les autorités organisatrices pouvaient prétendre, ceux-ci variant suivant le type de TCSP. Mais, globalement, l'enveloppe financière est restée la même.
Sur les trente-quatre agglomérations ayant des projets, seule une quinzaine sont susceptibles, d'ici à l'an 2000, d'engager les travaux.
Il est vraisemblable qu'une augmentation significative de la participation financière de l'Etat à ces projets, que ce soit par le niveau des taux ou par l'intégration des matériels roulants à la dépense subventionnable, pourrait accélérer la prise de décision au plan local. Il importe donc d'accomplir un effort supplémentaire.
De même, il faut agir sur l'ensemble du parc des bus. Vous avez bien voulu participer au colloque que j'ai organisé au Sénat le 18 novembre dernier et vous avez pu constater que la demande à cet égard était extrêmement forte.
Alors que le parc automobile rajeunit, la durée de vie des bus s'allonge dans beaucoup de réseaux, passant de douze à quinze ans en raison des difficultés financières rencontrées par les collectivités locales.
Or il est urgent que les transports publics ne soient plus montrés du doigt comme pollueurs dans le centre des villes. Qu'il s'agisse des nouvelles normes de moteur à diesel, des perspectives offertes par la filière gaz naturel ou, à plus long terme, des bus hybrides ou électriques, ou encore de bus à plancher bas ou climatisés, une modernisation accélérée des matériels roulants favoriserait l'attractivité des transports publics et améliorerait l'image du bus.
Pourquoi l'Etat ne participerait-il pas à la modernisation des matériels roulants, ses efforts liés au parc roulant se limitant aujourd'hui aux systèmes d'aides à l'exploitation, les SAE, et aux systèmes d'aides à l'information, les SAI, à la billetterie et aux équipements de sécurité ?
Par ailleurs - et c'était l'un des objets du colloque auquel je faisais référence il y a un instant - il est évident que l'Etat doit choisir parmi les différentes techniques qui nous sont aujourd'hui proposées - le gaz de pétrole liquéfié, le GPL, le gaz naturel véhicules, le GNV, l'électricité, le biocarburant et autres carburants encore plus propres - et aider la filière choisie.
Vous devez, monsieur le ministre - et, au-delà de vous, le Gouvernement - choisir et nous indiquer, une fois la filière choisie, la forme que prendra le soutien de l'Etat sur cette filière - par exemple le GNV - que ce soit au niveau des équipements, des stations de compression ou autres.
Il est évident qu'il a fallu l'intervention de M. Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, pour que la RATP achète deux cents bus fonctionnant au gaz. En effet, le surcoût entraîné est tel que la RATP n'aurait pas procédé à cette acquisition sans ce « coup de pouce » fort du secrétaire d'Etat. Il me paraît donc essentiel que les moyens financiers soient revus. Ce n'est pas à vous, monsieur le ministre, que j'expliquerai que les propositions sont nombreuses.
Bien sûr, on pourrait penser aux augmentations des lignes budgétaires de l'Etat par redéploiement de crédits en faveur des transports publics, mais je n'y crois guère. En revanche, l'instauration d'une écotaxe sur les carburants ou une affectation d'une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, au financement des transports publics pourrait être considérée. Ce n'est pas à vous, monsieur le ministre, que je vais expliquer cela ! Il s'agit d'une revendication de votre parti politique ! J'espère que maintenant que vous êtes au Gouvernement, vous pourrez y parvenir !
On pourrait également envisager l'utilisation du FITTVN !
Bien entendu, il faut aussi prévoir le maintien du versement transport : cette taxe, assise sur les salaires, est payée par les employeurs de plus de dix salariés. Elle assure 43 % du financement des transports urbains de province. Toute atteinte à ses modalités mettrait en péril l'équilibre des réseaux de transports collectifs.
Mme Hélène Luc. Alors, vous n'allez pas supprimer des crédits à M. Gayssot, tout à l'heure !
M. Charles Descours. Je ne suis pas membre de la commission des finances, madame Luc ! Je parle non pas des dépenses de fonctionnement mais des investissements !
C'est la raison pour laquelle il serait utile qu'une loi-cadre sur les transports collectifs soit examinée par le Parlement, afin de pérenniser l'effort en faveur des transports publics. Il s'agit de répondre aux aspirations croissantes de nos concitoyens à une meilleure qualité de vie et de multiplier les créations d'emplois dans les transports publics.
Je souhaite aborder maintenant un autre point, monsieur le ministre. Lors de la première lecture du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement, certes sympathique, mais qui pose quelques problèmes : il tend à accorder la gratuité de la vignette automobile aux véhicules électriques pour encourager leur utilisation puisqu'ils ne polluent pas.
Toutefois - et c'est là qu'une difficulté survient - déjà dans le passé, lors de la discussion de la loi sur l'air, l'Assemblée nationale avait voté à deux reprises la gratuité dans les transports en commun les jours de grande pollution, ce qui avait été repoussé à deux reprises par le Sénat. En effet, dans les deux cas, il s'agit de transférer aux collectivités locales les mesures destinées à améliorer la qualité de l'air.
Il importe que l'Etat, dont c'est l'une des missions, montre qu'il prend bien en charge ces problèmes autrement qu'en transférant aux collectivités locales ces mesures concrètes, quitte, ensuite, à les montrer du doigt au prétexte qu'elles augmenteraient excessivement leur fiscalité.
Il faut donc que l'Etat dégage les moyens financiers nécessaires pour améliorer et compenser les pertes de recettes des collectivités locales.
Enfin, je voudrais terminer, monsieur le ministre, en attirant votre attention sur un problème qui n'a rien de budgétaire, mais qui doit être réglé dans les plus brefs délais : c'est l'incertitude juridique qui règne pour les appels à concurrence dans les transports publics.
En effet, depuis 1993, la loi Sapin oblige les autorités organisatrices qui confient l'exécution du service à une entreprise à respecter les règles de passation prévues pour les conventions de délégation de service public.
Une position relativement récente du Conseil d'Etat a relancé le débat sur la qualification des contrats passés par les autorités organisatrices. Cette interprétation, qui nous semble discutable, a conduit l'Etat à remettre en cause le droit applicable aux contrats de transports.
Pis, la transposition en droit français d'une directive européenne va donner naissance, dans les prochains jours - avant le 31 décembre, me dit-on - à un décret qui, sous la pression de Bercy, méconnaît totalement la notion de délégation de service public et même les principes de la décentralisation.
Monsieur le ministre, vous devez vous y opposer. Comme nos collaborateurs du GART l'ont dit à votre cabinet en début de semaine, nous vous demandons de ne pas vous laisser manipuler par Bercy. Nous comptons sur vous pour nous rassurer, pour faire en sorte que ce décret ne soit pas signé et pour mettre fin à cette insécurité juridique inadmissible. Je m'exprime au nom des élus du GART qui représentent, comme vous le savez, toutes les opinions politiques. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole et à M. Lambert.
M. Alain Lambert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, afin que tout soit bien clair, je précise que je m'exprime à titre personnel et que mes propos, qui seront particulièrement critiques, n'engagent pas la commission des finances.
Mes critiques, monsieur le ministre, ne visent pas votre personne. Elles s'adressent non seulement au Gouvernement auquel vous appartenez, mais aussi aux gouvernements précédents. Elles visent en fait tout l'appareil d'Etat qui concourt à l'investissement autoroutier dans notre pays, cet appareil d'Etat dont l'imprévision et l'imprécision confinent, mes chers collègues, à mes yeux, à l'irresponsabilité et peut-être à la mauvaise foi.
Mon propos a trait au calendrier du programme autoroutier, et je prendrai l'exemple de l'A 28. Monsieur le ministre, vous connaissez mes griefs, puisque je vous les ai exposés en commission des finances ; je ne les rappellerai donc pas. Mais je voudrais vous poser une question du haut de cette tribune. Je voudrais savoir qui préside dans ce pays au programme autoroutier : est-ce le pouvoir politique, la direction des routes ou la direction du Trésor ?
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Bonne question !
M. Alain Lambert. L'Etat, pour la réalisation de son programme autoroutier, confie, ce qui est parfaitement naturel, l'exécution et la gestion des ouvrages à des opérateurs dont certains sont publics, comme la société de l'autoroute Paris-Normandie, la SAPN, dont les capitaux sont détenus par l'Etat, et d'autres sont privés, comme la Compagnie financière et industrielle des autoroutes, Cofiroute, dont les capitaux sont majoritairement privés.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est la seule société !
M. Alain Lambert. Effectivement ! A ce sujet, peut-être pourrez-vous nous expliquer pourquoi l'Etat fait plus confiance à cette société qu'aux sociétés autoroutières dont il détient 100 % du capital. Nous verrons, en effet, dans un instant que les sociétés privées bénéficient d'une durée de concession plus longue que les sociétés dont les capitaux sont publics. Ce paradoxe est sans doute explicable et nous souhaitons que vous nous apportiez, à ce sujet, quelques précisions.
Quel est le processus de décision s'agissant de l'A 28 ?
La réalisation de cette autoroute a été annoncée avec tambours et trompettes - tous les gouvernements, les uns après les autres, sont concernés - à l'occasion d'un CIAT en 1987. Vous me direz c'est la droite !
J'en arrive à la gauche.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est charmant !
M. Alain Lambert. Une concession de principe a été octroyée à la SAPN en 1991 et a été confirmée dans le contrat de Plan de janvier 1995, entre l'Etat et la SAPN. Voilà qui est tonitruant !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est la droite !
M. Alain Lambert. Mais, en catimini et dans l'opacité, il n'y a pas eu de lancement des opérations dans les CIES et la concession de principe a été remise en cause en juin 1997, soit plus de six ans après l'accord de principe, à quelques mois du bouleversement du processus d'appel d'offres des concessions, et ce, apparemment, pour des raisons financières.
Alors, qu'en est-il de ces raisons financières ?
Comme je l'ai déjà indiqué, je n'adresse pas d'observations particulières à ce gouvernement. Je pense à l'appareil d'Etat en général.
On s'est aperçu que la SAPN n'avait pas les moyens de construire l'A 28. Mais qui la contrôle, mesdames, messieurs les sénateurs ? C'est l'Etat qui la contrôle, qui programme ses investissements et qui a découvert, au dernier moment, que cette société n'avait plus les moyens de réaliser des investissements décidés dix ans auparavant.
Puis on s'aperçoit que l'on a confié à cette société certaines opérations, telles que la construction de l'A 14, dont le coût a triplé par rapport aux prévisions. La Cour des comptes dénonce d'ailleurs cette dérive dans son dernier rapport en précisant que les usagers des autoroutes de Normandie pourraient être amenés à supporter une part importante des coûts de construction de cette voirie urbaine en Ile-de-France.
Monsieur le ministre, il incombait à l'Etat de se rendre compte plus tôt des éventuelles difficultés de la SAPN et de changer de concessionnaire pour ne pas différer les travaux.
Je m'exprime cet après-midi devant le Sénat pour dénoncer ce que je crois être l'irresponsabilité de l'appareil d'Etat. Qui a commis l'erreur ? Est-ce la direction du Trésor, la direction des routes, la SAPN ? Dans quelles proportions faut-il répartir les torts ? Bref, pour moi, c'est l'Etat qui est responsable.
Qui assumera les conséquences ? La région qui est directement concernée ou les usagers de cette autoroute ?
Je voudrais attirer l'attention du Sénat sur le fait que ces sociétés font l'objet du même contrôle que le Crédit lyonnais et le Gan puisque ce sont les mêmes services de l'Etat qui les contrôlent.
M. Michel Caldaguès. Ce n'est pas encourageant !
M. Alain Lambert. Comment l'Etat envisage-t-il de réparer ce que je veux bien appeler encore pendant quelques minutes une erreur ? Comment envisage-t-il de réparer les dommages graves qui seront subis par les agents économiques ? J'en citerai deux. Des entreprises de bonne foi se sont implantées sur cet axe parce qu'elles pensaient pouvoir bénéficier des retombées. Par ailleurs, des agriculteurs ont déjà, de bonne foi, procédé à des remembrements. Tout cela ne va pas, monsieur le ministre ! Il faut impérativement que vous remettiez de l'ordre dans la maison.
Outre les questions que je viens de poser et sur lesquelles j'attendrai vos réponses avec beaucoup d'impatience, je voudrais que vous m'expliquiez pourquoi la société Cofiroute, dont les capitaux sont majoritairement privés, a obtenu une concession allant jusqu'à 2030, si mes informations sont exactes, donc d'une durée de cinquante ans après la mise en service, par exemple, de l'A 86, alors que l'Etat refuse une telle concession aux sociétés dont il est actionnaire. Je pense, notamment, à la SAPN, dont la concession sera interrompue en 2020.
Mes chers collègues, nous avons besoin de comprendre ce qu'il en est. La décision des pouvoirs publics peut, par ces méthodes, être totalement contournée.
M. Charles Descours. Absolument !
M. Alain Lambert. Il n'est pas sain, dans une démocratie, que les services d'Etat, respectables soient-ils - et en ce qui me concerne, je les respecte - m'assument pas pleinement leurs responsabilités. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Charles Descours. Très bien !
M. Alain Lambert. Dès lors que la réalisation des équipements est décidée, dès lors que ceux-ci sont programmés, l'Etat a engagé sa parole. Il n'est pas possible d'admettre que les grandes directions de l'Etat - on ne sait d'ailleurs plus lesquelles - choisissent de favoriser tel tronçon plutôt que tel autre ou découvrent au dernier instant que telle société placée sous leur contrôle n'aurait plus les moyens de réaliser l'investissement.
Mes chers collègues, c'est la crédibilité de la France, c'est l'organisation de notre pays, c'est tout l'appareil de l'Etat qui sont en cause. Cela méritait d'être dénoncé à la tribune du Sénat, et votre serviteur sera très heureux d'entendre tout à l'heure la réponse de M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais soulever rapidement quatre interrogations à propos de ce budget.
La première portera sur l'impartialité de l'Etat. J'étais très préoccupé par les annonces concernant la RN 10, où de nombreux accidents mortels se sont produits cet été tant dans les Landes qu'en Charente. Ce dernier département avait demandé la réalisation d'investissements en matière de sécurité, mais seules les Landes semblent devoir en bénéficier. En effet, une centaine de millions de francs ont été débloqués, tout à coup, en cours d'année, à la suite de promesses faites à l'occasion de déplacements ministériels. Or les problèmes de sécurité sont les mêmes sur la RN 10, que ce soit au nord ou au sud de Bordeaux. Nous attendons donc de l'Etat qu'il soit impartial.
M. Alain Lambert. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Ma deuxième interrogation porte sur la crédibilité des engagements de l'Etat. Ce point est très important. En effet, deux gouvernements se sont engagés à inscrire la liaison Fontenay-le-Comte - La Rochelle - Rochefort au schéma national autoroutier.
M. Jacques Oudin. C'est très important !
M. Jean-Pierre Raffarin. Les réponses faites sur ce point à mes collègues parlementaires, Claude Belot et Michel Crépeau, ont été jusqu'à présent ambiguës. L'Etat doit assumer les engagements qu'il a pris à cet égard. La route des Estuaires, cher collègue Oudin, est une liaison très importante.
Ma troisième interrogation concerne la fiabilité des financements et des contrats de plan. Le retard pris en ce domaine est important. Il semble se chiffrer, pour la région Poitou-Charentes, pour ne prendre qu'un exemple parmi d'autres, à au moins 100 millions de francs pour l'année 1998. Cette situation risque de nous conduire à arrêter certains chantiers, ce qui aurait bien évidemment des conséquences très préoccupantes.
Enfin, ma quatrième interrogation concerne la flexibilité des contrats.
Monsieur le ministre, je comprends bien que l'Etat ait à faire face à des difficultés et qu'il soit obligé de veiller à la maîtrise de la dépense publique. Je partage tout à fait les propositions de la commission des finances et du rapporteur général à cet égard. Mais s'il n'y a pas assez de crédits, laissez-nous prendre des initiatives ! La région Poitou-Charentes vous a proposé une avance de 500 millions de francs pour effectuer des travaux, en partenariat avec l'Etat, sur la RN 10. Si vous ne pouvez prendre des initiatives, permettez aux autres de le faire. Profitez des propositions du conseil régional de Poitou-Charentes pour régler définitivement le dossier difficile de la RN 10 mais aussi pour avancer la route Centre Europe Atlantique. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des temps immémoriaux, les civilisations se sont structurées autour de leurs réseaux routiers.
Avec l'explosion de l'automobile, la route est devenue insuffisante ; il a alors fallu passer au stade de l'autoroute.
Les chiffres sont éloquents : la route draine 75 % du trafic des marchandises et 85 % du trafic des passagers. Pour leur part, les autoroutes de France supportent 50 % du trafic total.
Efficacité, fluidité, sécurité, chacun a compris que les qualités de l'autoroute en font un élément déterminant de notre développement économique et de l'aménagement du territoire.
Voilà plus de quarante ans que nous avons des débats sur l'avenir du secteur autoroutier.
La loi de 1955 a permis de mettre en place un système de péage.
A partir des années soixante-dix, un schéma national autoroutier a donné une certaine cohérence à notre action et nous avons peu à peu comblé le retard que nous avions sur nos voisins, tels que l'Allemagne, le Benelux et l'Italie, pour ne citer qu'eux.
L'autoroute est devenue, à partir de ce moment-là, un élément essentiel de l'aménagement du territoire.
De par sa situation géographique, la France est au coeur du réseau autoroutier européen. Pour cette raison, notre schéma national autoroutier avait pour ambition de desservir nos frontières terrestres et nos façades maritimes.
Plus l'Europe se forge, plus le marché unique se transforme en économie unifiée - et l'euro y contribuera fortement - plus les échanges intracommunautaires se développent, plus le réseau autoroutier devient un élément essentiel de la croissance économique et de l'intégration européenne.
L'évolution des systèmes de production y contribue d'ailleurs fortement. De plus en plus, les entreprises travaillent à flux tendu, réduisant au minimum leurs stocks ; la rapidité des livraisons est donc devenue un élément déterminant.
Cela explique largement pourquoi, désormais, la majorité des entreprises n'acceptent de s'implanter ou de se développer qu'à proximité d'un échangeur autoroutier. M. Lambert disait tout à l'heure que des entreprises avaient décidé de s'implanter là où l'autoroute allait passer. C'est en cela que les autoroutes sont des facteurs essentiels de la création d'emplois et de l'aménagement du territoire.
Aménager le territoire, ce n'est pas seulement relier une ville de province à Paris selon le bon vieux schéma des routes royales renforcé par Napoléon et toujours maintenu depuis.
Les réseaux étoilés que nous connaissons pour la route, le fer ou les liaisons aériennes doivent désormais être complétés par des liaisons transversales qui permettront de relier non seulement les régions entre elles, mais également les nations européennes entre elles, sans forcément passer par la région parisienne, si attractive soit-elle.
Telle est la nouvelle conception de l'aménagement du territoire et de la structure de notre réseau autoroutier que nous avons lentement bâtie au cours de la dernière décennie.
Président de la route des Estuaires, j'ai été satisfait de la décision prise par le Gouvernement le 12 juillet 1993 et tendant à faire de cette vaste rocade de Dunkerque à Bayonne la première priorité de l'aménagement du territoire.
Mais d'autres liaisons transversales doivent être aménagées telles que Bordeaux-Clermont - Lyon-Genève ou Nantes-Mulhouse.
Conscient de ces enjeux, de leur urgence et de ses responsabilités, le gouvernement de M. Edouard Balladur avait réformé les structures des sociétés d'autoroutes et aménagé le système de péage pour donner plus de moyens à ces sociétés en facilitant la péréquation des péages ; 1993, ce n'est pas vieux. Il y a un problème de cohérence dans les dates importantes, nous le verrons dans un instant.
Le vaste débat national préalable à la loi du 4 février 1995 d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire avait montré l'attachement de tous les élus, quelle que soit leur région, leur formation politique, et de toutes les collectivités au développement rapide du réseau autoroutier dont nous pouvions espérer l'achèvement dans un délai de dix ans. Il s'agissait d'ailleurs là d'une promesse clairement faite dans cet hémicycle.
Puis vous êtes arrivés au pouvoir et l'inquiétude a commencé à naître.
Nous connaissons depuis longtemps l'hostilité affichée du ministère des finances - directions du Trésor et du budget confondues - au développement du système autoroutier, alors même que le système français commence à être reconnu en Europe et dans le monde pour son efficacité.
Nous connaissons également l'hostilité traditionnelle du mouvement écologiste, alors qu'aucun équipement ne fait désormais l'objet d'autant d'efforts pour son intégration dans l'environnement que les autoroutes.
Mais ce qui nous a surpris, monsieur le ministre, ce sont les critiques que le Gouvernement - en fait M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et vous-même - a commencé à formuler contre le système autoroutier.
Première critique : le kilomètre d'autoroute coûterait cher - 45 millions de francs par kilomètre. Or, c'est nous - Gouvernement et Parlement réunis - qui avons adopté la loi sur les paysages, la loi sur l'eau et la loi sur l'air qui renchérissent d'autant les coûts !
Deuxième critique : l'autoroute ne serait pas créatrice d'emplois - vous l'avez dit et écrit, monsieur le ministre. C'est strictement l'inverse - emplois directs, indirects ou induits par les entreprises qui s'installent à proximité d'une autoroute. L'autoroute, c'est l'artère vitale de la création d'emplois.
Troisième critique : les autoroutes, dans certaines zones, ne seraient pas rentables. Mais, monsieur le ministre, c'est justement là la logique de l'aménagement du territoire : les sections les plus rentables doivent financer celles qui le sont moins, les riches doivent aider les moins bien lotis - cette conception ne doit pourtant pas nous être étrangère ! - bref, c'est le principe même de la péréquation.
M. Paul Masson. Très bien !
M. Jacques Oudin. Quatrième critique : les sociétés d'autoroutes seraient trop endettées. Or, nous finançons avec des emprunts à quinze ans des équipements qui seront plus que centenaires. Cette logique économique m'échappe largement !
M. Alain Lambert. C'est celle de la direction du Trésor !
M. Jacques Oudin. Bref, brusquement, vous trouvez tous les défauts au système autoroutier (M. le ministre fait un signe de dénégation) parce que vous y voyez peut-être une tentation, celle de pouvoir puiser dans les ressources des recettes des péages pour financer le reste du réseau routier national.
Je pense, pour ma part, et d'autres collègues l'ont dit, que c'est un mauvais calcul parce que le court terme l'emportera sur le long terme, parce que la dispersion l'emportera sur la sélection, parce que vous ferez perdre à la France la primauté qu'elle était en droit d'atteindre.
Et dans cette absence de débat, vous occultez soigneusement un point : la sécurité des usagers. L'autoroute est un équipement sûr : sa fréquentation représente plus de 50 % du trafic et entraîne moins de 5 % de tués. Monsieur le ministre, un kilomètre d'autoroute en moins, c'est parfois un mort de plus.
M. Paul Masson. Parfaitement !
M. Jacques Oudin. Je ne dis pas qu'aucune adaptation de notre système autoroutier ne soit possible ! Par exemple, nos sociétés d'autoroutes peuvent devenir - pourquoi pas ? - des sociétés de droit commun.
Je sais que les contraintes européennes, notamment les directives de 1989, de 1990 et de 1993, nous amèneront à adapter notre système de concession. Mais ce n'est pas aujourd'hui que nous allons les découvrir ! Nous avons adopté la réforme de 1993, la loi de 1995, le principe du schéma national autoroutier. Or, aujourd'hui, on nous dit qu'il n'est pas possible d'aller plus avant à cause de ces contraintes.
Je dis seulement qu'un changement aussi radical ne peut se faire sans qu'un débat s'ouvre devant la nation, au Parlement, dans les collectivités territoriales et parmi les usagers.
Au lieu de ce débat, nous nous apercevons que vous auriez gelé subrepticement près de cinq cents kilomètres d'autoroutes, arrêté, ou au moins différé en grande partie, la mise en oeuvre du schéma national autoroutier, ignoré l'inquiétude du Parlement.
Monsieur le ministre, nous aurons d'ailleurs au Sénat, salle Clemenceau, le jeudi 18 décembre prochain, un débat sur ce sujet, sous l'égide du groupe interparlementaire pour la réalisation du schéma national autoroutier, que j'ai créé avec quelques collègues.
J'ose espérer que votre emploi du temps, et celui de vos collaborateurs, vous permettra de participer à cette réflexion qui est essentielle pour l'avenir de notre développement économique et de l'aménagement de notre territoire.
Sans autouroute, monsieur le ministre, notre territoire aura du mal à être aménagé comme nous l'avons souhaité lors du débat et du vote de la loi du 4 février 1995. Ou bien vous réformez cette loi dans la clarté, avec un débat national, ou bien vous entreprenez une action sans en parler suffisamment au Parlement, ce qui ne serait pas une bonne action pour l'ensemble de la nation. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercierai d'abord les rapporteurs du travail qu'ils ont accompli, de leurs réflexions et de leurs propositions, même si je ne les partage pas toutes, vous le comprenez. Je remercie aussi les orateurs qui, en général, ont émis, parfois avec des contradictions fortes au sein des groupes de pensée, des critiques mais aussi des propositions pour essayer de faire avancer les choses.
J'ai répondu - cela a été souligné par certains intervenants - à des questions qui m'ont été posées lors du précédent débat, je n'y reviendrai pas.
J'en viens aux transports terrestres qui sont, comme vos trois rapporteurs l'ont très bien souligné, au coeur de mon département ministériel.
Il s'agit du vaste ensemble qui traite à la fois des infrastructures et de leur exploitation, à savoir : les infrastructures et le transport ferroviaire ; les routes, la sécurité routière, les transports routiers ; les transports collectifs ; enfin, les voies navigables.
Le projet de budget pour 1998 traduit la volonté du Gouvernement de construire une politique des transports et de donner la priorité autrement que par des effets d'annonce aux transports collectifs et à l'intermodalité.
Je précise au passage, pour répondre à des critiques qui ont été formulées, que lorsque j'ai examiné les propositions faites dans le passé, j'ai, hélas ! constaté qu'il y avait souvent beaucoup plus d'effets d'annonce que de financements prévus et de moyens dégagés pour les mettre en oeuvre.
Comme vous, je m'interroge sur la part de responsabilité que l'ancienne majorité a prise lorsqu'elle a fait des propositions sans prévoir les conditions de financement, ce qui correspondait plus à des effets d'annonce qu'à des réalisations véritablement voulues.
M. Alain Lambert. En 1992, c'était un autre gouvernement !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La politique que nous entendons mener doit être mise en oeuvre de façon concertée avec les collectivités concernées, les acteurs économiques et les usagers. C'est ce souci qui m'a conduit, sur quelques cas, la A 51 par exemple, à rouvrir un dossier mal engagé.
M. Charles Descours. Oh !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Voilà pour ce qui est de la méthode.
Mais mon souci, ce sont aussi de claires réorientations politiques, en fonction de mes priorités.
Ma première priorité, c'est l'emploi. Vous savez tous qu'entretenir correctement nos réseaux routiers, ferré et fluviaux, y réaliser ponctuellement des aménagements de capacité et de sécurité, c'est souvent plus productif d'emploi que de dérouler de grandes infrastructures nouvelles. Je ne dis pas pour autant que la réalisation de grandes infrastructures ne crée pas d'emplois.
Sans opposer l'un à l'autre, des réorientations sont nécessaires, car en matière d'entretien, d'exploitation ou de sécurité nous sommes à un niveau trop bas. D'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque vous évoquez ces questions dans le cadre de vos circonscriptions, vous posez tous, sans exception, ces problèmes, y compris quand vous m'en parlez.
Ma deuxième priorité, c'est le développement durable. Je ne serai pas le ministre du tout-TGV, du tout-autoroute. C'est clair ! Vous vouliez savoir si une orientation claire a été définie. C'est le cas !
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Alain Lambert. Cela reste général !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il faut des TGV, il faut des autoroutes. Pour autant, je le répète, je ne serai pas le ministre du tout-TGV ou du tout-autoroute.
M. Paul Masson. Le ministre de quoi alors ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Au service de ces priorités, il faut des moyens et des modes de financement clairs et adaptés.
C'est pourquoi des réformes sont nécessaires. L'Europe nous y pousse. J'y reviendrai. Mais, sur ce sujet, comme sur d'autres, gardons-nous des effets d'annonce et travaillons.
J'ai, d'ailleurs, pris connaissance avec intérêt de la proposition de résolution tendant à ce que le Sénat crée une commission d'enquête chargée d'examiner le devenir des grands projets d'infrastructures terrestres d'aménagement du territoire. Cette volonté de clarification et de transparence me semble positive. Elle vous conduira nécessairement à faire le point sur l'ensemble des travaux annoncés au cours de la dernière législature, et donc sur les besoins financement correspondants.
J'ai fait dresser - moi aussi, par souci de clarification - la liste de toutes les opérations décidées, au détour d'une lettre, d'un déplacement officiel ou d'une manifestation d'élus, en totale ignorance du schéma directeur et sans savoir comment elles pourraient être financées.
Je prendrai un exemple : le TGV Est. Pour un besoin de financement public d'environ 16 milliards de francs, les crédits disponibles s'élevaient à 3,5 milliards de francs sur sept ans. Comment bouclait-on ?
Pour ma part, je me suis mis en situation de pouvoir disposer des financements nécessaires aux décisions que nous prendrons.
Ainsi, dès 1998, j'ai dégagé sur les crédits du FITTVN les moyens de paiement des travaux du TGV Méditerranée, commencés par le précédent gouvernement. La clarté, dans ce domaine, est indispensable. J'attends donc beaucoup, comme vous, de l'effort de clarification que vous allez entreprendre sur la situation dont nous héritons.
Votre aide ne sera pas de trop, car les besoins d'équipement d'infrastructure sont nombreux. C'est pourquoi mon ministère, mes services seront à votre disposition, à livres ouverts.
M. Alain Lambert. Vous pouvez compter sur nous !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Venons en maintenant aux crédits budgétaires.
En plus de ces crédits qui, dans l'ensemble, sont maintenus, ce budget bénéficie de l'accroissement très important - 26 % du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN. Ces crédits passent en effet de 3,1 milliards de francs à 3,9 milliards de francs, à la suite du doublement de la taxe sur la production hydroélectrique. L'arrêt du canal Rhin-Rhône permettra ainsi à la collectivité nationale d'accélérer la réalisation d'équipements plus efficaces dans un souci d'aménagement du territoire.
Je sais que certains s'interrogent sur le FITTVN, en soulignant parfois son caractère de débudgétisation. Même si ce fonds ne permet pas de régler tous les problèmes de financement des infrastructures de transports, il s'agit d'un mode de financement qui assure réellement une fonction intermodale et d'aménagement du territoire.
Le Gouvernement fait le choix - j'y insiste - d'un développement nouveau du transport collectif, et notamment du transport ferroviaire. Il s'agit d'un choix de société. Et cela, que ce soit en matière de voyageurs ou de fret, en matière de desserte du territoire, de desserte régionale, de desserte périurbaine ou de banlieue. Vous avez tous évoqué ces questions.
Il y a un tournant à prendre pour sortir d'une période marquée trop souvent par le déclin du transport ferroviaire, les fermetures de lignes et les suppressions d'emplois que le seul développement par le TGV ne pouvait masquer.
L'opinion publique est prête à évoluer - les acteurs du transport, me semble-t-il, aussi - pour aller vers une vraie complémentarité qu'incarnent le ferroutage et le transport combiné, et vers un meilleur équilibre face à la croissance des échanges, toujours absorbée, ces dernières années, par le secteur routier. C'est l'intérêt du transport routier lui-même, qui possède d'indiscutables atouts.
Je commencerai par le secteur ferroviaire, pour lequel un effort important est fait et sera poursuivi.
Je me suis exprimé sur le choix qu'avec le Gouvernement je faisais concernant la réforme de la réforme. La concertation sur ce sujet est en cours. Je confirme que les groupes parlementaires seront également auditionnés.
Je l'ai dit, je ne reviendrai pas en arrière, à la situation existant avant la réforme votée par le Parlement l'an dernier. Cela étant, il faut renforcer les conditions d'unicité du service public et maintenir en même temps une certaine séparation entre maître d'oeuvre et maître d'ouvrage, de telle sorte que non seulement on ne remette pas à la charge de la SNCF la dette qui l'a déjà trop lourdement « plombée », si je puis dire, par le passé, mais que l'on crée les conditions d'une optimisation des investissements et de l'activité. Tout cela est en cours de discussion.
Les premières décisions ont été prises, notamment celle du désendettement complémentaire de 20 milliards de francs de la SNCF. Ces 20 milliards de francs ont été transférés du bilan de la SNCF au service annexe d'amortissement de la dette. Cela favorisera un rétablissement durable de la situation financière.
Certains, qui se félicitent de ce désendettement me reprochent de créer, dans le même temps, des emplois. Comme si créer des emplois était quelque chose de très grave !
Oui, j'ai proposé de créer 1 000 emplois à statut supplémentaires, cette année, à la SNCF ! Oui, j'ai proposé de créer 1 000 emplois-jeunes ! A ceux qui font valoir qu'il en coûtera 300 millions de francs, je fais observer que le désendettement de 20 milliards de francs fera économiser à la SNCF 1,3 milliard de francs d'intérêts.
Faites le calcul, ce n'est pas compliqué ! Il restera un milliard de francs de capacités supplémentaires. La SNCF pourra ainsi, tout en ayant créé 1 000 emplois à statut, financer son entretien, ses investissements et ses achats éventuels. J'ajoute que cela vaut pour toute la durée de l'emprunt.
M. Alain Lambert. Avec ce raisonnement, il fallait gommer complètement la dette !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce gouvernement conjugue donc désendettement et création d'emplois. C'est effectivement tout à fait nouveau puisque, depuis une quinzaine d'années, c'est environ 5 000 à 6 000 emplois qui étaient supprimés chaque année. Merci, les cheminots s'en souviennent !
M. Paul Masson. Les contribuables aussi !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La situation est donc bien différente de ce qu'elle était jusqu'à présent !
En outre, Réseau ferré de France sera doté de 10 milliards de francs, en 1998, après les 8 milliards de francs apportés en 1997. Il y a, là aussi, augmentation de l'intervention publique en faveur du système ferroviaire.
Permettez-moi de verser cette contribution au débat que vous engagez avec votre commission d'enquête : que représentent ces 18 milliards de francs, si ce n'est la nécessité de payer aujourd'hui les investissements réalisés hier sans les aides publiques nécessaires,...
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... à quoi s'ajoutent des frais financiers considérables ? Vous verrez, avec la commission d'enquête, le poids des responsabilités passées !
Il ne fallait pas poursuivre dans cette voie. Vous êtes d'ailleurs nombreux à le savoir et à me le dire.
Mme Hélène Luc. Et à le dire, oui !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Enfin, les crédits du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables consacrés aux investissements ferroviaires augmentent de 33 %.
Au total, les concours publics au secteur ferroviaire progresseront, en 1998, de près de 2,5 milliards de francs, auxquels s'ajoutent 1,3 milliard de francs de désendettement de la SNCF. Cela représente une augmentation totale de près de 8 % en termes de moyens dégagés. C'est à l'aune de cette évolution, réelle, importante, que je vous demande d'apprécier les engagements pris par le Gouvernement qui a été mis en place à la suite des élections des mois de mai et juin derniers.
Certes, ce que je vous présente là, ce sont les chiffres de 1998. Il faut certainement mieux éclairer l'avenir de l'ensemble du système. Je suis sensible à ce point ; le travail est engagé, pour permettre, notamment, le maintien de l'investissement dans le secteur ferroviaire.
Comme l'a souligné M. le rapporteur pour avis, il convient sans doute, sans nécessairement revenir à un contrat de plan, de mettre au point une programmation pluriannuelle permettant d'offrir une lisibilité et une visibilité indispensables à l'évolution des services ferroviaires.
Grâce aux crédits supplémentaires dégagés sur le FITTVN, les travaux et les études sur le réseau à grande vitesse seront poursuivis. Le TGV Méditerranée, annoncé et commencé par le précédent gouvernement sans que les financements aient été dégagés, sera enfin financé et mis en service dans le courant de l'année 2000.
Très prochainement, j'annoncerai les premières décisions du Gouvernement concernant la réalisation et les études des programmes de liaison à grande vitesse. Le Gouvernement a d'ores et déjà confirmé sa volonté de réaliser une liaison à grande vitesse entre Paris et Strasbourg. Pour ma part, je considère que la liaison Rhin-Rhône devra également être rapidement décidée.
Parallèlement, je tiens à ce que des crédits importants soient réaffectés à la modernisation et au développement du réseau classique. Il n'est pas juste que les crédits disponibles soient entièrement consacrés aux lignes à grande vitesse et que des travaux d'amélioration indispensables soient sans cesse repoussés.
On m'a également interrogé sur les expérimentations en ce qui concerne les services régionaux de voyageurs. Il faut attendre le terme des six expérimentations, c'est-à-dire la fin de 1999, pour disposer d'une évaluation et en tirer les conséquences.
Compte tenu des incidents et accidents qui surviennent encore trop souvent - M. le rapporteur l'a signalé - un effort particulier doit être consenti en faveur du programme de suppression des passages à niveau, qui sont encore au nombre de 17 500. Pour supprimer toutes les difficultés, il faudrait 200 milliards de francs. Il faut donc s'attaquer par priorité aux passages à niveau qui présentent le plus de risques.
D'ores et déjà, j'ai décidé une participation de 50 millions de francs à ce programme pour 1998, contre zéro franc en 1997. C'est une augmentation absolue, même si la somme me paraît encore limitée au regard des besoins.
J'ai bien entendu, monsieur Berchet, ce que vous avez dit sur le produit des amendes ; c'est, à l'évidence, une possibilité de ressources intéressante.
J'en viens maintenant au budget des routes, dont vous avez beaucoup parlé.
Dans le domaine routier et autoroutier, la situation peut se résumer ainsi.
D'abord, des autoroutes concédées, très bien aménagées, mais qui se développent désormais dans des secteurs où le trafic est souvent plus faible.
M. Jacques Oudin. C'est ça, l'aménagement du territoire !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ainsi, pour l'autoroute A 400, c'est le Conseil d'Etat qui a décidé de ne pas donner suite et qui a contesté l'enquête d'utilité publique.
Il y a, ensuite, les routes nationales, qui nécessitent des travaux d'aménagement et de sécurité trop longtemps repoussés.
Enfin, l'entretien est parfois défaillant, faute de crédits suffisants. J'ai décidé de commencer à inverser cette tendance. Les crédits de réhabilitation et d'entretien du réseau national atteindront 3,3 milliards de francs, en augmentation de 4,2 %.
Pour le développement du réseau et l'exécution des contrats de plan, l'effort a porté sur les moyens de paiement - 6,3 milliards de francs, en augmentation de 1,9 % - afin de poursuivre les opérations engagées, sans toutefois, j'en conviens, rattraper le retard pris dans l'exécution des contrats de plan.
Ce retard, ce n'est pas ces derniers mois qu'il a été pris ! C'est en 1994 que l'Etat s'était engagé sur un programme d'investissement. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Lambert. En seize ans, la gauche a tout de même gouverné onze ans !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Chaque fois que je dis une vérité, vous donnez l'impression d'être vexés !
M. Alain Lambert. Vous souvenez-vous que vous avez gouverné la France ? L'héritage socialiste, vous n'en voulez pas ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Tout à l'heure, vous m'avez expliqué que c'est l'Etat qui était responsable. Je le confirme, l'Etat s'était engagé, en 1994, sur un programme d'investissement routier de 26,8 milliards sur cinq ans. Faute de pouvoir tenir ses engagements, le gouvernement précédent a allongé d'un an la durée des contrats de plan. En réalité, le retard pris est beaucoup plus important : au rythme actuel, les contrats de plan mettraient près de huit ans à s'exécuter. Voilà la situation que vous nous avez laissée ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Face à ce constat, le Gouvernement veut mieux utiliser les moyens financiers globalement disponibles. Les mécanismes actuels de financement - vous l'avez dit, je le reconnais très volontiers, je l'entend même à l'échelon international - ont permis à notre pays de se doter d'un remarquable réseau autoroutier en quelques décennies.
M. Jacques Oudin. Continuez !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce réseau, que nous envient de nombreux pays, participe largement à la marche de l'économie nationale et à son développement.
Mais voilà, dès l'année prochaine, vous le savez, les directives européennes nous obligent à modifier le mécanisme d'attribution des nouvelles concessions autoroutières !
En tenons-nous compte ou non ? Vous me direz qu'on le savait ! Bien sûr, on le savait avant ! Le problème, c'est qu'il faut, dès l'an prochain, changer les mécanismes.
Les exigences européennes, qui s'imposent désormais aux Etats, nous conduisent en effet à modifier le système de financement actuel afin d'être en mesure d'apporter une subvention d'équilibre pour les liaisons autoroutières qui n'auraient pas un trafic suffisant.
Voilà ! Il faudra donc jouer la totale transparence : à la fois lors de l'appel d'offres pour la concession et dans la fixation du montant précis de la subvention d'équilibre. Ce sera vrai pour tous les Etats d'Europe.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Est-ce que tous respecteront la directive ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Comment ? Vous ne voulez pas qu'on respecte nos engagements ! Si c'est ce que vous voulez, vous pouvez voter à la majorité pour dire que vous êtes contre l'Europe ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert. Est-ce votre cas, monsieur le ministre ? Nous aurions le soutien de vos amis, si nous le faisions !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'était une boutade ! (Rires.)
Si nous ne réformons pas notre système très rapidement, l'attribution de nouvelles concessions autoroutières ne sera possible que pour des projets rentables financièrement, projets qui, du fait que l'essentiel a été réalisé, sont devenus aujourd'hui plus rares.
M. Alain Lambert. Il fallait signer avant !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce n'est pas parce que l'on signe avant qu'ils deviennent rentables !
S'ils sont effectivement plus rares, ces projets existent néanmoins. Je citerai le cas du viaduc de Millau. Dans le cadre du désenclavement du Massif central, les travaux sur l'autoroute A 75 entre Clermont-Ferrand et Béziers se poursuivent, si bien que de longues sections sont déjà mises en service ou le seront bientôt.
Reste la principale difficulté, le franchissement du Tarn et le contournement de Millau, soit quarante kilomètres. Le tracé, vous le savez, nécessite un ouvrage d'art exceptionnel, de 270 mètres de hauteur, dont le coût est évalué entre 1,5 milliard de francs et 2 milliards de francs. La déclaration d'utilité publique pour cette opération était intervenue le 10 janvier 1995. La solution alors retenue était celle d'un contournement gratuit.
Dans le contexte actuel, deux solutions s'offrent au Gouvernement. Il peut maintenir le principe de gratuité.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Oui !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais, compte tenu des demandes relatives à la réalisation d'opérations de sécurité urgentes, les travaux du viaduc risquent d'être repoussés dans le temps.
Le Gouvernement peut aussi concéder la réalisation du viaduc, à l'instar de ce qui a été fait pour le pont de Normandie, ce qui permettrait de réaliser rapidement les travaux pour les terminer vers 2002.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien ! Privatisez !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cette deuxième solution n'exige pas une nouvelle étude d'impact, le Conseil d'Etat, consulté, vient de nous le confirmer.
Tel est le choix qui s'offre au Gouvernement. J'ai, pour ma part, une préférence, mais je consulte les élus concernés avant de proposer une solution définitive.
S'agissant des infrastructures dans leur ensemble, j'ai entendu les inquiétudes des uns et des autres à propos des réflexions en cours. La commission d'enquête que vous proposez en est sûrement la manifestation. A ce titre, il convient de vous apporter toutes les informations dont je dispose.
Comment réformer notre système sans compromettre la croissance ? Avec mes collègues de l'économie, des finances, de l'industrie et du budget, nous avons demandé aux directeurs des routes, du Trésor et du budget une expertise. Un premier rapport d'étape fait apparaître trois constats.
Il s'agit, tout d'abord, d'un cloisonnement excessif, notamment entre les réseaux concédés et non concédés, induisant une dérive vers la logique du « tout concédé ». Cela étant, la situation doit évoluer du fait des changements européens.
Il s'agit, en outre, des besoins de financement non satisfaits pour l'entretien et l'exploitation du réseau non concédé.
Il s'agit, enfin, de la nécessité de remettre à niveau le patrimoine routier dans plusieurs régions, notamment en Ile-de-France.
Ce rapport souligne ainsi le risque de développement d'un réseau routier « à deux vitesses ».
Aucune décision n'est encore arrêtée et la réflexion se poursuit, car le problème est complexe. Il faut tenir compte, au-delà des problèmes de financement, des difficultés juridiques, fiscales et comptables. Ce dossier est, pour moi, majeur. Je souhaite qu'on puisse aboutir rapidement et vous serez, bien entendu, associés au projet en préparation.
J'entends également dans la bouche de certains orateurs et de vos rapporteurs l'expression de « remise en cause ». Il n'y a pas de remise en cause ! La démarche consiste à être en mesure de poser convenablement les problèmes pour, ensuite, élaborer des solutions adaptées. C'est le cas, par exemple, du tronçon Lyon-Balbigny de l'autoroute A 89.
Prenons l'A 28, Rouen-Alençon. La question est non pas celle de l'opportunité de réaliser ou pas cet axe, mais celle des modalités de son financement. La société des autoroutes Paris-Normandie n'a pas, dans sa configuration actuelle, la capacité financière de réaliser cette opération. Ce sont les dérives très importantes, constatées d'ailleurs par la Cour des comptes, sur la A 29 et la A 14 qui sont à l'origine de cette situation, et pas autre chose.
Certains m'interrogent : « Vous découvrez maintenant que cela ne va pas ? » Mesdames, messieurs les sénateurs, quand on découvre une situation de ce genre, mieux vaut ne pas en rajouter ; et ne pas laisser faire, au risque, sinon, de devoir ensuite rendre des comptes à l'opinion publique sur des dizaines de milliards de francs. Quand je constate qu'une situation n'est financièrement pas bonne, j'évite d'y ajouter encore des déséquilibres et de l'endettement !
M. Alain Lambert. Changez les contrôleurs, s'ils n'ont pas fait leur travail !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Moi, je vous dis ce que je fais. Si mes prédécesseurs n'ont pas agi de même, vous n'avez qu'à vous en prendre à eux !
Pour prendre un autre exemple, celui de la A 58, dans les Alpes-Maritimes, nous en sommes, non pas, tant s'en faut, au stade de la réalisation, mais à l'opportunité d'une inscription à long terme dans les documents d'urbanisme. Aujourd'hui, un travail est en cours sur la directive territoriale d'aménagement, qui replace ce projet dans une problématique plus large de déplacement. Des solutions routières alternatives sont à l'étude, dont une sur l'initiative de M. Laffitte. Le développement des transports collectifs est ainsi remis en perspective.
Et je pourrais parler également de l'A 51, resituée dans le contexte des franchissements du massif alpin.
Comme vous pouvez le constater, l'expression « remise en cause » ne convient pas à ma méthode de gouvernement, qui est dictée par le sens des responsabilités, de la concertation, du bon usage des crédits publics et par le choix de priorités.
Enfin, vous savez que la sécurité est au premier rang de mes préoccupations. Il s'agit là d'un objectif majeur du service public. C'est aussi un facteur important de progrès social, comme l'a récemment montré le conflit des transporteurs routiers.
Les moyens de la direction de la sécurité routière, soit 440 millions de francs, retrouvent une progression qu'ils n'avaient pas connue depuis 1993.
Je ne reviendrai pas longuement sur le comité interministériel de la sécurité routière que le Premier ministre a présidé la semaine dernière. Notre objectif, très ambitieux, est de diviser par deux le nombre de tués sur cinq ans.
Vous connaissez les axes de la politique annoncée. Il s'agit de s'appuyer sur les jeunes, de sensibiliser, d'informer, de changer les comportements et les mentalités et de garantir la liberté de circuler en toute sécurité. Un délit de très grande vitesse en cas de récidive sera créé, si le Parlement en est d'accord. La responsabilité pécuniaire du propriétaire sera recherchée. Sur tous ces aspects, un projet de loi sera déposé au printemps.
Parmi les axes forts de la politique de sécurité, figure également le renforcement de la sécurité des infrastructures, question qui s'inscrit directement dans cette discussion budgétaire.
La sécurité passe, en effet, par la sécurisation de notre réseau, à partir de l'examen des priorités.
L'effort portera d'abord sur plusieurs axes à fort taux d'accidents. Je citerai la RN 10. J'ai décidé d'affecter dès 1998 une enveloppe d'au moins 100 millions de francs pour engager les premiers travaux sur cette route dans la traversée des Landes.
M. Jean-Pierre Raffarin. Sur l'ensemble de l'axe ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Les très graves accidents de l'été dernier nous rappellent l'urgence de la situation. Il y a eu en effet 182 morts entre 1988 et 1996. Ces travaux se traduiront principalement par le renforcement de la signalisation pour inciter les usagers à la vigilance, par la suppression des derniers obstacles latéraux pour limiter la gravité des sorties de route, et par la suppression d'une partie des accès directs par rabattement vers les échangeurs déjà aménagés.
Au-delà de ces premières mesures d'urgence, j'ai décidé, après une concertation approfondie avec les collectivités, de transformer cet axe en section autoroutière non concédée. Un plan de financement sera mis en place et permettra une mise en service globale en 2002.
Au passage, j'ai bien écouté ce qui a été dit sur la Charente, mais si je ne réponds pas précisément à chacune des questions posées, ne pensez-pas que ce soit parce que je les ignore : soit je ne suis pas en mesure de répondre autre chose que des généralités, et je préfère ne pas le faire ; soit il s'agit pour moi de prendre le temps d'étudier la question posée afin de pouvoir apporter à chacun une réponse précise.
Autre axe prioritaire, la RN 7. Il faut accélérer les aménagements prévus sur cette route nationale dans les départements de l'Allier et de la Loire. Des travaux programmés en 1989 n'ont toujours pas été réalisés ou se révèlent insuffisants au regard des nombreux accidents survenus dans ces deux départements.
J'ai donc décidé d'engager un programme d'amélioration de la RN 7 dans la traversée de ces départements, qui se traduira dès 1998.
Ainsi, dans la Nièvre, cela se traduira par l'achèvement de la déviation de Nevers, l'engagement de la déviation de Pougues-les-Eaux et la mise aux normes de la déviation de Cosne-sur-Loire. Dans l'Allier, cela se traduira, notamment, par la poursuite des travaux de la déviation de Toulon-sur-Allier et par la déviation du giratoire du « Grand Remblai ». Dans la Loire, cela se traduira par l'engagement des premiers travaux de la déviation de Saint-Martin-d'Estreaux. Par ailleurs, sur la section de la RN 82 comprise dans l'itinéraire Cosne-sur-Loire et Balbigny, la déviation de Neulise, inscrite au contrat de plan, sera mise en service.
Enfin la route Centre Europe Atlantique, grande transversale est-ouest, est aussi une priorité. L'accent sera mis sur la réalisation de la partie centrale entre l'A 20 et l'A 6, notamment dans la traversée, particulièrement, dangereuse du département de l'Allier.
Cette route bénéficiera ainsi, dès 1999, des ressources du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables.
Pour en finir avec l'exploitation de la route, quelques réflexions, enfin, sur la méthode de travail et l'attitude du Gouvernement lors du conflit des routiers, que certains d'entre vous ont évoquées pour s'en féliciter.
Dans ce conflit, l'intervention de l'Etat a été remarquée pour avoir relancé le dialogue social et favorisé la négociation, ce qui a permis de surmonter rapidement l'épreuve. Même si nous savons que tout est loin d'être réglé, il reste à présent au Gouvernement à tenir ses propres engagements.
Ce conflit a montré la nécessité d'une meilleure régulation du secteur, ce qui s'est traduit par le dépôt quasi immédiat d'un projet de loi tendant à améliorer les conditions d'exercice de la profession de transporteur routier. Ce projet sera débattu dès le lundi 8 décembre, à l'Assemblée nationale.
L'Etat a enfin pris un certain nombre de mesures à incidence budgétaire. Ainsi, le dégrèvement de taxe professionnelle de 800 francs par véhicule de plus de dix tonnes a été d'ores et déjà incorporé dans le projet de loi de finances rectificative pour 1997. De même, un décret est en préparation pour renouveler, pour 1998, le dispositif d'abaissement des charges sociales des entreprises mettant en oeuvre le « contrat de progrès », en termes de décompte effectif des temps de service et de transparence du bulletin de paie.
Ce système fonctionne bien, puisque, à la fin du mois de novembre, 521 demandes avaient d'ores et déjà été déposées concernant 10 810 conducteurs. La décision a été prise de le prolonger au-delà de la fin de 1997. Les crédits nécessaires pour 1998 sont inscrits au budget du ministère des affaires sociales.
Les moyens affectés au contrôle seront renforcés au cours des trois prochaines années. Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit de porter de 382 à 405 le nombre des contrôleurs des transports terrestres. Au passage, il s'agit d'une dépense de fonctionnement. Il prévoit également un renforcement des moyens de l'inspection du travail, dont les effectifs seront, dès l'année prochaine, augmentés de cinq inspecteurs et de quinze contrôleurs. Une circulaire prise conjointement avec les ministres de l'intérieur, de la justice, de la défense et des finances sera publiée avant le 15 décembre pour relancer la politique de contrôle.
Enfin, le projet de budget intègre la participation de l'Etat au financement du congé de fin d'activité, en 1998, pour les marchandises. Ce sont donc 79 millions de francs qui sont ainsi prévus. Ce dispositif pourra être étendu au secteur des voyageurs, dès que les discussions en cours auront abouti.
J'en viens maintenant aux transports collectifs. Il s'agit d'offrir aux usagers une véritable alternative à l'automobile, en milieu urbain et périurbain.
Les conditions dans lesquelles s'est déroulée, en Ile-de-France, la journée du 1er octobre, avec le pic de pollution de niveau 3, à la suite d'autres faits de ce genre constatés en province, montrent que l'opinion publique est prête à se tourner davantage vers le transport collectif.
A cet égard, M. Berchet a évoqué les mesures de gratuité des transports publics en région d'Ile-de-France, lors des pics de pollution de niveau 3. Je vous rappelle qu'il s'agit là d'une mesure inscrite dans la loi sur l'air que la majorité de votre assemblée a adoptée.
M. Charles Descours. Non, pas ici, monsieur le ministre, nous avons renvoyé deux fois le texte devant l'Assemblée nationale, qui l'a adopté !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. En tout cas, il a été adopté par votre majorité.
M. Charles Descours. Oui, mais il faut que votre cabinet sache que le Sénat a repoussé le texte !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il est important de noter la différence. Votre majorité a adopté cette loi et, comme vous le savez, parce que nous sommes respectueux de la légalité, nous appliquons les textes votés !
M. Charles Descours. Et ce sont les collectivités locales qui paient !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. S'agissant des entreprises de transport, le coût de cette mesure sera pris en compte, comme prévu, au moyen de l'indemnité compensatrice.
Avec 646 millions de francs de moyens d'engagement, l'aide aux transports de province bénéficie d'une dotation en hausse de plus de 10 % par rapport à 1997. Ces crédits permettront notamment de soutenir la réalisation d'opérations engagées ou techniquement prêtes dans les grandes villes, comme les tramways et les transports en site propre. C'est un premier pas.
En Ile-de-France, l'aide budgétaire de l'Etat atteindra près de 300 millions de francs auxquels s'ajoutent les 310 millions de francs inscrits au fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF.
La contribution de l'Etat au fonctionnement des transports de la région parisienne est fixée à 5 570 millions de francs.
La politique que je souhaite promouvoir en Ile-de-France est axée sur les transports collectifs, particulièrement de banlieue à banlieue. Les enquêtes effectuées concernant les déplacements sont de ce point de vue éloquentes. Dans Paris intra-muros, facilement accessible par les transports collectifs, les deux tiers des déplacements motorisés sont réalisés sur les réseaux SNCF et RATP. En revanche, en banlieue, 80 % des déplacements sont effectués en voiture particulière et seulement 16 % par les transports collectifs.
Il apparaît clairement que l'effort doit porter sur la banlieue, en favorisant les rocades et les modes légers, et ce d'autant que les projections à l'horizon 2015 prévoient une augmentation des déplacements en banlieue de 37 % et une stabilité dans Paris intra-muros.
Dans le même temps, il faut absolument améliorer la qualité en termes d'accueil, d'information, de régularité et de sécurité.
A propos des véhicules électriques - M. Descours m'a interrogé sur ce sujet - je voudrais rappeler que l'Etat consent déjà un effort significatif, puisqu'il accorde notamment une prime de 5 000 francs pour l'achat de ces véhicules. Des discussions interministérielles sont engagées pour améliorer ce dispositif.
En outre, des mécanismes incitatifs à l'achat de véhicules électriques pour les administrations dans le cadre du renouvellement de leur parc sont en cours d'élaboration.
L'effort de l'Etat est réel. Qu'il y ait aussi un effort des collectivités territoriales et d'autres acteurs publics ou privés également concernés me paraît utile pour enclencher la dynamique indispensable.
Monsieur Descours, vous m'avez également alerté sur les difficultés concernant les contrats de transport au regard de la transcription en droit français de la directive « Services » et sur sa compatibilité, voire sa cohérence, avec la loi Sapin et avec les délégations de service public. C'est une question que je me suis engagé à examiner sérieusement et qu'il faudra résoudre rapidement.
En conclusion, les précisions que j'ai apportées montrent que les besoins de financement sont immenses. Et ils ne caractérisent pas seulement le secteur routier !
Nous avons aujourd'hui à faire face à un problème beaucoup plus vaste : celui du financement et de l'affectation de ressources suffisantes pour l'ensemble de la sphère des transports.
Que ce soit le réseau ferré, classique ou à grande vitesse, les réseaux de transports urbains ou les routes, il y a un déficit des financements disponibles.
Vous m'interrogez, monsieur Descours, sur la réforme des financements des transports urbains en souhaitant que les crédits disponibles puissent être accrus.
Les enjeux en termes d'investissements et de qualité de service sont effectivement très importants. Trouver des financements est une impérieuse nécessité, et il est de ma responsabilité de poser cette question au sein du Gouvernement. Je crois qu'il faudra vraiment faire preuve d'innovation dans ce domaine.
Il me reste à parler des voies navigables, qui bénéficient, dans le projet de budget, de l'augmentation des crédits du FITTVN. La part consacrée aux voies navigables augmentera de 23 %, pour atteindre 430 millions de francs. Cela doit permettre d'améliorer de façon significative le niveau d'investissement sur les voies navigables.
Les moyens supplémentaires ainsi dégagés permettront à l'établissement public Voies navigables de France de lancer un important programme de remise à niveau du réseau existant. Le redéploiement des financements prévus pour le canal Rhin-Rhône permettra d'accélérer les études préalables à la réalisation d'autres équipements, plus efficaces économiquement, socialement et en termes d'aménagement du territoire, comme le canal Seine-Nord et la liaison Seine-Est.
M. Lefebvre m'a interrogé sur les moyens dégagés pour aider la batellerie artisanale. J'indique que 20 millions de francs ont été inscrits au titre du plan économique et social visant à soutenir cette profession dans les mutations structurelles auxquelles elle est confrontée.
Pour conclure, les prochains mois seront marqués par un important travail de remise à plat, de réforme et, autant qu'il sera possible, de redressement des systèmes de financement, avec la double préoccupation de les assainir et de poursuivre à un haut niveau la réalisation des équipements nécessaires.
Parallèlement, un projet de loi sur les transports est en préparation. Ce texte devra intégrer l'évolution des modalités de financement des infrastructures routières, mais aussi le dispositif qui sera proposé, après une concertation approfondie, pour renforcer l'unicité du secteur ferroviaire, ainsi que la mise en forme juridique des annonces que j'ai faites au sujet de Roissy et de l'autorité indépendante.
Il devrait plus généralement procéder aux nécessaires mises à jour de la LOTI face aux évolutions intervenues dans le secteur des transports depuis quinze ans, mieux intégrer la dimension de protection de l'environnement et donner une impulsion nouvelle à une démarche résolument plurimodale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis aux voix le dimanche 7 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés au tourisme.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 218 120 651 francs. »