M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le commerce extérieur.
On me permettra de faire observer à tous ceux qui doivent intervenir que, si nous voulons en terminer à trois heures, il convient qu'ils fassent, les uns et les autres, un effort de concision.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 1998, les crédits consacrés à l'intervention directe de l'Etat dans le domaine du commerce extérieur s'élèvent à 4,1 milliards de francs en crédits de paiement, en diminution de 19,2 % par rapport au budget initial de 1997.
Les crédits du budget du commerce extérieur sont répartis dans trois fascicules budgétaires : le fascicule des services financiers ; le fascicule des charges communes, qui regroupe les crédits pour le financement des garanties diverses, des études, des bonifications d'intérêt ainsi que des interventions en faveur des PME ; enfin, le fascicule des comptes spéciaux du Trésor, contenant le compte 903-07, qui retrace les prêts du Trésor à des Etats étrangers et à la Caisse française de développement.
Le projet de budget pour 1998 se caractérise par trois tendances : la poursuite de la réforme du service de l'expansion économique à l'étranger, le renforcement des moyens alloués aux PME et la réduction du coût budgétaire des procédures financières de soutien à l'exportation.
Inscrits au budget des services financiers, les crédits destinés au service de l'expansion économique s'élèvent à 1,2 milliard de francs, en diminution de 3,8 % par rapport aux données du budget de 1997.
Cette baisse est le résultat de deux évolutions : la confirmation de la rationalisation et du redéploiement des moyens des services extérieurs de la direction des relations économiques extérieures, d'une part ; la restructuration des organismes d'appui du commerce extérieur, d'autre part.
La direction des relations économiques extérieures s'est engagée, à partir de 1991, dans un programme pluriannuel de réduction de ses effectifs budgétaires. Ce programme s'est traduit par deux plans de suppressions d'emplois qui ont porté sur près de 20 % des effectifs des services extérieurs de la direction. Un troisième plan a été conclu pour la période 1997-1999 ; il porte sur la réduction de 5,35 % des emplois et prévoit une diminution de l'ordre de 3 % par an des crédits de fonctionnement.
Pour 1998, le budget de l'expansion économique voit, en conséquence, ses crédits diminuer de 0,96 %. Cette réduction est imputée dans sa quasi-totalité sur les postes d'expansion économique, le projet de budget prévoyant la suppression nette de dix-neuf emplois de contractuels en 1998.
En outre, les frais de fonctionnement courant et d'investissement sont comprimés pour la quatrième année consécutive.
Cette rationalisation s'accompagne d'un redéploiement du réseau de l'expansion économique des pays de l'OCDE vers les économies émergentes afin d'y renforcer la présence des entreprises françaises, dont les parts de marché sont souvent très inférieures à celles de nos principaux concurrents.
En outre, la recherche d'une meilleure allocation des moyens dans le contexte budgétaire actuel et l'adaptation des administrations aux mutations économiques internationales ont conduit à mettre en oeuvre plusieurs évolutions importantes des réseaux du ministère de l'économie et des finances à l'étranger et à proposer, dans le cadre de la réforme du comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger, des mesures de rationalisation avec les structures d'autres départements ministériels.
Ainsi, de 1996 à 1999, 213 emplois nouveaux seront créés dans les pays émergents, où une quinzaine d'implantations supplémentaires seront effectuées. Ce mouvement sera rendu possible par la diminution des effectifs dans les pays de l'OCDE et en Afrique, avec la fermeture de douze sites dans ces deux zones. A l'issue de la réforme, le pourcentage des effectifs localisés dans les pays émergents passera de 28 % à près de 40 % et celui des personnels installés dans des pays de l'OCDE de 42 % à 30 %.
Ce remodelage majeur de la carte du réseau est accompagné, lorsque cela apparaît possible, d'un rapprochement avec les autres réseaux publics à l'étranger : extension des missions économiques et financières regroupant postes de l'expansion économique à l'étranger, les PEEE, et agence financière, mise en place de postes communs entre PEEE et consulats, installation d'une section commerciale dans certaines missions d'aide et de coopération en Afrique.
Ces nouvelles formes de coopération, loin de constituer un affaiblissement du réseau de l'expansion, en soulignent la capacité d'adaptation aux objectifs de rationalisation et de maintien d'un soutien commercial de base.
La restructuration des organismes d'appui au commerce extérieur touche de manière différente le Centre français du commercer extérieur, le CFCE, et l'Agence pour la promotion internationale des technologies et des entreprises françaises, née de la fusion du comité français des manifestations économiques à l'étranger, le CFME, et de l'ACTIM, l'Agence pour la coopération technique, industrielle et économique.
Les moyens alloués au Centre français du commerce extérieur diminueront, en 1998, de 7,7 %. Cette baisse s'inscrit dans le droit-fil de la poursuite du recentrage de l'établissement sur sa mission de centrale d'information sur les marchés étrangers.
Sa modernisation obéit à la nécessité de doter la France d'une capacité de maîtrise de l'information comparable à celle de nos partenaires et concurrents les plus performants.
En revanche, les crédits attribués à l'Agence pour la promotion internationale des technologies et des entreprise françaises augmenteront de 13,6 % en 1998. Ce renforcement des moyens répond à la demande des entreprises et des partenaires du commerce extérieur, afin de développer de manière importante les dépenses opérationnelles, en servant mieux, notamment pour les foires et les salons à l'étranger, un plus grand nombre d'entreprises.
Par ailleurs, les moyens alloués aux PME sont renforcés puisque, pour 1998, les trois principaux dispositifs qui concourent à cet objectif mobilisent 500 millions de francs, soit une hausse de 5,67 % par rapport à 1997.
Un montant identique à celui qui avait été retenu initialement en 1997 est prévu dans le projet de loi de finances pour 1998 pour l'assurance prospection.
Les crédits du comité de développement extérieur, le CODEX, augmentent de 19 millions de francs en autorisations de programmes et de 21 millions de francs en crédits de paiement pour anticiper la reprise de l'investissement français à l'étranger.
Les crédits prévus au titre du volet « commerce extérieur » des contrats de plan progressent de 6 millions de francs. Cette hausse doit cependant être relativisée, du fait de l'étalement du contrat de plan sur une sixième année.
Par ailleurs, le coût budgétaire des procédures financières de soutien à l'exportation tend à se réduire.
Les procédures gérées, pour le compte de l'Etat, par la banque française du commerce extérieur, la BFCE, voient leur crédits diminuer de 300 millions de francs pour 1998.
Le régime d'assurance-crédit géré, pour le compte de l'Etat, par la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, devrait de nouveau dégager un large exédent en 1998. Ce résultat, lié à une forte baisse des indemnisations et à une hausse des récupérations, s'explique par la réorientation des exportations françaises vers les pays solvables, le resserrement de la politique de crédit et la fin de la crise de la dette.
La charge nette des prêts du Trésor à des Etats étrangers en vue de faciliter l'achat de biens d'équipement, est en forte diminution. Ce résultat est lié à la chute du montant des prêts accordés et à la hausse des remboursements de prêts perçus par le Trésor.
Le coût de la garantie de risque économique augmente de 12,5 % par rapport à 1997. Les crédits relatifs aux protocoles financiers diminuent, puisque les crédits pour financer l'aide extérieure baissent de 17 % en autorisations de programme.
Je laisserai à M. le secrétaire d'Etat le soin de commenter les bons résultats du commerce extérieur de notre pays.
J'en viens, en conclusion, à mes observations.
Il me semble, tout d'abord, indispensable de renforcer les bases de l'amélioration du solde du commerce extérieur français.
D'une part, l'excédent industriel civil provient d'une augmentation des exportations plus marquée que celle des importations.
D'autre part, depuis 1993, les parts de marché de la France tendent à décliner, surtout sur les marchés émergents. Ainsi, la part de marché de la France dans les importations est passée de 3,1 % à 1,6 % pour la Chine, ou encore de 2,4 % à 1,1 % pour le Mexique.
Il me faut également souligner, mais ce n'est pas nouveau, le manque de lisibilité du budget du commerce extérieur.
En effet, les crédits du commerce extérieur sont répartis dans trois fascicules budgétaires : les services financiers, les charges communes et les comptes spéciaux du Trésor. L'analyse purement budgétaire des crédits inscrits aux charges communes et aux comptes spéciaux du Trésor ne permet donc pas d'appréhender la réalité des aides fournies par l'Etat aux entreprises ou aux Etats étrangers pour encourager l'essor du commerce extérieur français.
Par ailleurs, je tiens à insister sur la poursuite nécessaire de la modernisation du Centre français du commerce extérieur, notamment en matière de rapidité d'information.
L'harmonisation du traitement des entreprises me paraît indispensable en ce qui concerne les aides fournies par le biais des contrats de plan Etat-région. Instruites localement par les directions régionales du commerce extérieur en liaison avec les services du conseil régional, les aides « contrats de plan » ont l'avantage d'être modulables et souples. Toutefois, une difficulté persiste, à savoir l'harmonisation de traitement des entreprises d'une région à l'autre.
Enfin, je voudrais évoquer la loi portant réforme du service national.
Elle a supprimé le système des VSNE/CSNE, volontaire du service national en entreprise/coopérant du service national en entreprise qui offrait à de nombreux jeunes diplômés une première expérience professionnelle dans un pays étranger. Vous souhaitez, monsieur le secrétaire d'Etat, mettre en place un « volontarait à l'international » pour continuer d'aider les jeunes à partir travailler à l'étranger. Toutefois, les modalités exactes de cette formule ne sont pas encore arrêtées. Je serai attentive à ce que ce nouveau système concerne au moins autant de jeunes que l'ancien dispositif.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu de ces observations, la commission des finances du Sénat a adopté les crédits du commerce extérieur. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Souplet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le secrétaire d'Etat, soyez tout d'abord remercié, ainsi que vos services, de la qualité des échanges que nous avons pu avoir pour préparer ce rapport.
Dans quel contexte international le commerce extérieur français évolue-t-il ?
Le rythme de la croissance économique mondiale devrait se révéler plus soutenu en 1997 et en 1998 que l'année précédente. Ne peut-on cependant craindre que les turbulences monétaires et financières ne viennent déstabiliser l'économie mondiale, et, par là même, freiner le dynamisme des échanges mondiaux ? Quelle est votre analyse sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat ?
On peut se féliciter que le bilan de l'état d'avancement des négociations bilatérales au sein de l'Organisation mondiale du commerce s'avère plutôt positif. La commission des affaires économiques s'inquiète cependant des contentieux qui opposent l'Union européenne aux Etats-Unis, en particulier. A cet égard, si les pourparlers en cours concernant la loi D'Amato-Kennedy, qui menacent notamment Total, n'aboutissaient pas, ne faudrait-il pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'Union en appelle à l'arbitrage de l'OMC ?
S'agissant des contentieux agricoles, il est nécessaire que l'Union européenne définisse une politique claire permettant de mettre les producteurs à l'abri des importations frauduleuses de viande aux hormones. Il appartient au Gouvernement, dans les négociations européennes, de défendre avec fermeté le respect des règles par les Etats membres et le renforcement du contrôle, ainsi qu'une politique extérieure efficace en matière d'importations.
C'est dans ce contexte que le commerce extérieur français a battu, en 1996, son troisième record consécutif, avec un solde excédentaire de 122,3 milliards de francs. Cet excédent devrait être encore supérieur en 1997 et se maintenir à un niveau élevé en 1998. On ne peut donc que s'en féliciter. Il est cependant permis de s'inquiéter du constat établi dans un récent rapport par deux cabinets de conseils mettant en évidence les facteurs qui pèsent très lourdement sur la compétitivité des entreprises françaises : le coût du travail, le temps de travail, le poids de la fiscalité, la faiblesse de la « visibilité » et de la rentabilité des capitaux investis.
La commission des affaires économiques considère que les mesures prises ou envisagées par le Gouvernement dans ce domaine ne vont pas dans le bon sens et risquent d'obérer gravement la compétitivité des entreprises françaises dans un contexte de vive concurrence.
En revanche, la politique menée par le Gouvernement dans le domaine du commerce extérieur s'inscrit dans la droite ligne de celle qui a été poursuivie par le précédent gouvernement, sous réserve de quelques infléchissements.
A cet égard, on peut se féliciter du souhait gouvernemental d'encourager les exportations des PME, priorité d'ailleurs récemment réaffirmée par le Président de la République. On ne peut que saluer l'augmentation des crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 1998.
La commission des affaires économiques s'inquiète, en revanche, comme elle l'indique dans cet hémicycle depuis quarante-huit heures, de la forte diminution des crédits destinés à la SOPEXA, qui a pourtant prouvé son efficacité sur de nombreux marchés. Nous aimerions que vous nous en expliquiez les raisons, monsieur le secrétaire d'Etat.
S'agissant de la rénovation des procédures d'expatriation, la mise en place d'une formule destinée à remplacer les formes civiles du service militaire ne suffira pas à combler le retard de la France, qui ne compte que 1,7 million d'expatriés. Quelle politique entendez-vous mener dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi, par ailleurs, qu'en matière d'accès des PME aux nouvelles technologies ? Le Gouvernement entend poursuivre la politique de redéploiement des postes d'expansion économique, mais souhaite, en revanche, infléchir la réforme des organismes d'appui au commerce extérieur.
Il semble, en effet, remettre en cause la fusion du Centre français du commerce extérieur, le CFCE, avec le CFME-ACTIM, qui devait intervenir au 1er janvier 1999. Le CFCE n'est-il pas ainsi au centre d'une bataille de pouvoir ? Votre commission des affaires économiques s'interroge : pourquoi la convention d'objectifs, mise au point en juin dernier entre la direction des relations économiques extérieures et le CFCE, n'a-t-elle toujours pas été signée ?
Je tiens à souligner que la Haute Assemblée se félicite, quant à elle, des relations de coopération très fructueuses qu'elle entretient avec cet organisme depuis janvier 1997.
Un autre sujet d'inquiétude tient au risque de démantèlement de la COFACE au cas où son principal actionnaire, les AGF, les assurances générales de France, passerait sous le contrôle d'un actionnaire étranger. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre dans une telle hypothèse ?
En conclusion, la commission des affaires économiques et du Plan a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du commerce extérieur dans le projet de loi de finances pour 1998.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 7 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, parler des crédits relatifs au développement de notre présence économique dans le monde, c'est poser un certain nombre de problèmes bien difficiles à examiner dans le temps réduit qui nous est imparti et à une heure aussi avancée de la nuit.
La France présente aujourd'hui un solde commercial excédentaire particulièrement important qui, d'ailleurs, ne semble pas devoir connaître de détérioration dans des délais rapprochés.
On peut même déduire d'une analyse des éléments macroéconomiques de la situation nationale que le commerce extérieur de notre pays est un facteur essentiel de relance économique et de croissance.
Cette situation a cependant quelques contreparties, sur lesquelles je souhaite ici revenir rapidement.
Elle pèse en particulier sur les recettes fiscales de l'Etat - les entreprises étant placées en matière de TVA sous le régime de la procédure « exportateurs » - et se combine avec une atonie préoccupante de la demande intérieure. Ce qui revient à faire de notre commerce extérieur un élément un peu perturbant de la situation des comptes publics.
Nous devons ensuite porter un regard particulier sur les facteurs de constitution de cet excédent commercial qui, de notre point de vue, soulève des interrogations sur le sens de notre politique d'expansion économique et de notre politique industrielle, notamment.
Une part importante de notre excédent commercial est aujourd'hui constituée par l'excédent de notre balance agricole, pour des montants assez importants, atteignant plusieurs dizaines de milliards de francs. Je pense d'ailleurs, même si la symétrie est un peu difficile, qu'il conviendrait de rapprocher cet excédent agricole du montant des retours communautaires dans le domaine agricole pour en apprécier effectivement la quotité et la qualité.
Je ne peux manquer de souligner ici la pression très forte exercée par les Etats-Unis pour modifier la donne en matière d'échanges agricoles internationaux, sachant notamment que le round des négociations de l'Organisation mondiale du commerce est marqué par la volonté américaine de faire disparaître les subventions agricoles directes, tout comme les accords particuliers que l'Union européenne souscrit avec certains Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique dits pays ACP producteurs.
Le deuxième élément que je souhaite relever a trait aux échanges commerciaux de notre pays avec ses partenaires de l'Union européenne.
La récente discussion d'une proposition de résolution sur le régime définitif de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux pays membres de l'Union a montré de façon éclairante que nous étions quelque peu en difficulté quant à la situation de nos échanges et que nous continuions, notamment, de subir un différentiel négatif avec l'Allemagne et la plupart des pays du nord de l'Union en matière d'échanges industriels.
Cette situation est, de notre point de vue, préoccupante, car elle traduit la nécessité d'une politique industrielle qui renforce en particulier nos positions dans des domaines stratégiques, comme l'ensemble de la filière des machines-outils ou le secteur de la production de matériels semi-finis à vocation industrielle destinés à la construction mécanique. Nous en voulons pour preuve le problème de la dégradation de nos capacités de production d'éléments de fabrication de véhicules de transport.
Une réflexion doit, à notre sens, être menée sur ces questions et l'occasion nous en est fournie par l'examen de ce budget du commerce extérieur. Je tenais, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom de mon groupe, à vous en faire part. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aurais tendance à dire qu'il en va du budget de votre ministère comme de la vitrine d'un commerçant. L'un donne l'image du magasin et de son dynamisme sur la rue, et vous, vous donnez l'image de l'activité économique française sur le monde extérieur. Pour continuer sur ce thème et profitant de la période de Noël, je dirai aussi que, si l'on décore chichement son étal, si l'on a une vitrine fade, le chaland passe... mais ne s'arrête pas, parce qu'il n'est pas attiré.
Cette métaphore a simplement pour objet de tirer une sonnette d'alarme.
Votre budget est primordial pour la France, mais il atteint cette année un seuil d'efficacité en deçà duquel il ne faut pas tomber, faute de quoi on risquerait de mettre en péril notre balance commerciale et, par là même, tout un pan de l'économie française.
Nous devons aussi engager un effort particulier en faveur des entreprises artisanales et des artisans. En effet, comme l'écrivait notre éminent collègue Jean-Pierre Raffarin dans une revue consacrée aux artisans : « Exporter, c'est aller de l'avant, avancer vers de nouvelles frontières, devenir un acteur de la mondialisation. » Je partage absolument son analyse. Mais permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que, pour des artisans ou des entreprises artisanales, exporter, aller sur le marché mondial, c'est un véritable parcours du combattant !
Je vais vous citer l'exemple d'un artisan de Seine-Saint-Denis qui travaille avec quelques employés dans un secteur de pointe. Ce dernier a eu l'occasion d'aller aux Etats-Unis avec des collègues et il avait un produit qu'il souhaitait commercialiser aux USA.
Il a la chance que son épouse travaille avec lui et elle s'est efforcée de préparer son voyage. « Quelles démarches accomplir pour exporter ce produit aux Etats-Unis ? » s'est-elle demandée. Elle a appelé les douanes, qui lui ont dit : « Ah non, ce n'est pas de notre ressort, appelez la chambre de commerce ». Celle-ci lui a confié une liasse ATA de vingt et une pages, très difficile à remplir et d'un coût de 100 francs.
Elle est ensuite rentrée à l'atelier pour tenter de remplir correctement cette liasse. Nouvelle visite à la chambre de commerce avec, si par miracle le dossier est complet, une somme de 450 francs à acquitter. En cas d'erreur, il faut tout recommencer à zéro !
Ensuite, au moment de partir, l'artisan doit venir deux heures avant l'heure normale d'enregistrement, soit quatre heures avant le départ du vol, pour faire tamponner quelques documents.
Résultat : l'artisan a dépensé 550 francs et a perdu un nombre considérable d'heures de travail, investissement important pour un artisan et pour un produit dont il ne sait même pas s'il pourra le vendre aux Etats-Unis.
Moralité : notre artisan a la chance que son produit ne tienne pas trop de place - sa femme est pragmatique : elle le range dans sa valise entre chemises et pantalons, priant très fort pour qu'elle ne soit pas contrôlée à la douane. C'est peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, une nouvelle interprétation de ce qu'on peut appeler le « risque commercial ».
Ce n'est qu'un exemple qui illustre la difficulté qu'un artisan rencontre pour exporter sur le marché international.
Si cet artisan revient avec la certitude d'avoir des débouchés pour son produit - ce qui est le cas dans l'exemple que j'évoquais - il est loin d'être au bout de ses peines. Il doit encore remplir un nombre de formalités incalculable et les différents partenaires auxquels il s'adresse habituellement lui dressent une liste d'interlocuteurs à donner le tournis. Que doit-il faire ? Il doit contacter ou se rapprocher des CCI, DRCE, CFCE, CCEF, COREM, conseil régional, DRIRE, ANVAR, ACTIM, CFME, COFACE, COREX, CODEX, FORMATEX, SOFARIS...
Pour notre pauvre artisan, peu habitué à toutes ces formalités, cela revient à réciter la litanie des sigles.
Ne vous trompez pas sur mon propos, monsieur le secrétaire d'Etat : tous ces organismes que je viens de citer, je ne souhaite pas les accabler ni nier le travail important qu'ils font, chacun à leur place. Mais je suis persuadé qu'il serait de meilleure méthode pour nos exportateurs qu'ils aient à contacter une sorte de guichet unique de l'exportation, à l'image de ce qu'avait créé Jean-Pierre Raffarin lorsqu'il était ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.
On ne peut à la fois demander aux entreprises, en particulier aux artisans, d'être performants et leur imposer des démarches qu'ils sont dans l'impossibilité d'accomplir, faute de temps, de personnel et de moyens. Une fois qu'une entreprise aura décroché un marché dans un pays étranger, il est évident qu'elle pourra alors embaucher soit des apprentis, soit des artisans confirmés. Mais encore faut-il que nous lui donnions les moyens de réussir. Simplifions-lui le travail !
Dès qu'un artisan souhaite exporter, on lui demande au préalable de faire une étude de marché, ce qui est impossible pour des raisons financières. Certes, l'aide au conseil permet de réduire les coûts des cabinets d'études de marchés, mais le rapporteur signalait que seule une centaine d'aides de cette catégorie ont été attribuées en 1996.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à la tribune de l'Assemblée nationale, à la mi-novembre, vous souhaitiez que, petit à petit, il n'y ait plus seulement 120 000 entreprises qui réalisent 3 % du commerce extérieur, mais qu'il y ait deux entreprises sur trois qui aient le goût d'exporter. Moi, je préférerais, si vous le permettez, que nous adoptions la devise suivante : « Donnons les moyens à deux entreprises sur trois d'exporter. »
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le commerce extérieur français a dégagé un excédent record en 1996 : 122 milliards de francs. Il pourrait atteindre un chiffre encore supérieur en 1997, puisque l'excédent cumulé des douze derniers mois atteindrait 150 milliards de francs.
Il s'agit là de résultats remarquables, surtout lorsqu'on se souvient du déficit chronique que connaissait notre balance commerciale jusqu'à la fin des années quatre-vingt, avec toutes ses conséquences sur la tenue du franc.
Les principales causes sont facilement identifiables : il s'agit, notamment, de la relance de l'activité au niveau mondial, alliée à la baisse du dollar.
Cependant, je souhaiterais tempérer quelque peu l'optimisme général concernant l'évolution du commerce extérieur de notre pays et, par ailleurs, émettre quelques regrets quant à la place insuffisante des PME et des PMI françaises sur le marché à l'exportation.
Nous risquons en effet de souffrir indirectement des conséquences de la crise financière en Asie du Sud-Est, dans ces pays dits « émergents », avec lesquels nos exportations ont augmenté de 10 % en volume de 1990 à 1996. L'impact négatif pour la France risque d'être plus important que prévu du fait, en particulier, de la hausse du dollar.
A plus long terme, un autre facteur paraît également très inquiétant ; ce sont évidemment les effets de certaines mesures fiscales prises en cette fin d'année sur la compétitivité de nos entreprises. L'application généralisée des trente-cinq heures, entre autres, nous met en situation difficile devant certains pays de l'Est, comme la Pologne ou la République tchèque, dans lesquels, à diplôme égal et compétences égales, le coût d'un salarié est quatre à cinq fois moins élevé qu'en France. On peut déjà imaginer les conséquences en termes de parts de marché et de délocalisations !
Plus grave encore, de nouveaux pays industriels au fort potentiel de croissance apparaissent dans le monde, en Asie surtout, où les normes qui régissent les conditions de travail sont manifestement bafouées. Je pense à la Chine et à l'Inde.
Le premier nommé, la République populaire de Chine, utilise une main-d'oeuvre gratuite et corvéable à merci à travers ses détenus en camp de travail. Quant au continent indien, chacun sait que le travail des enfants y est largement pratiqué.
Pour en revenir à l'exemple de la Chine, j'indiquerai que la France lui achète de plus en plus de produits, tandis que ses exportations de marchandises françaises restent faibles.
Ce déséquilibre se traduit, en équivalents emplois, par un solde négatif. Le marché chinois représente un danger considérable du fait du contrôle de l'Etat sur les importations et de l'importance de sa taille par rapport aux dragons asiatiques.
Si la Chine entre dans le jeu du commerce international de tout son poids, elle en changera les données. D'autant qu'il existe, comme nous l'avons vu, un problème de normes du travail.
Il faut que cette nation, entre autres, accepte les règles reconnues par le Bureau international du travail. Sinon, notre pays finira par importer exclusivement des produits fabriqués à coût réduit grâce à la pratique d'un véritable esclavage des temps modernes, pour exporter d'autres produits aux coûts de production exorbitants.
Nous exportons peu d'heures de travail mais nous en importons beaucoup, ce qui est un facteur décisif d'augmentation du chômage. Cette situation paradoxale ne peut mener que vers plus de chômage et d'assistanat chez nos compatriotes.
Le second axe de mon intervention portera sur l'autre handicap de notre commerce extérieur : après l'insuffisance de nos exportations vers les nouveaux pays industriels, il s'agit du rôle modeste joué par les PME-PMI.
Actuellement, ces dernières réalisent un petit tiers seulement des exportations. Ces résultats restent limités. Il suffit de comparer notre situation à celle de l'Allemagne et de l'Italie pour constater des disparités inquiétantes. Ainsi, en Italie, les entreprises de moins de 100 salariés réalisent 60 % des exportations du pays.
Cette différence de dynamisme est particulièrement sensible sur les marchés de l'Asie du Sud-Est et du Moyen-Orient.
L'exemple italien est intéressant car il montre l'efficacité de certains consortiums à l'exportation, regroupant une vingtaine d'entreprises d'un même secteur, par rapport à des interventions publiques à la française trop diverses et trop dispersées.
Je n'insisterai pas sur les points faibles du dispositif en faveur des exportations. Ils sont très bien analysés par le rapport de notre collègue de l'Assemblée nationale, Nicolas Forissier : des intervenants trop nombreux et cloisonnés, les tracasseries administratives, en matière de douane notamment.
Certes, des mesures ont été prises ces dernières années visant à favoriser l'exportation des PME, notamment des avances de trésorerie dans le cadre de l'assurance prospection aux PME engageant un salarié export. Néanmoins, malgré ces avancées, les PME continuent de se heurter à un problème de financement.
En conclusion, je dirai que l'exportation, si le risque est évidemment bien mesuré, constitue un enjeu majeur pour le développement des PME et de l'emploi. Il s'agit maintenant de se donner les moyens de leur simplifier réellement la tâche.
Sous le bénéfice de ces observations, les membres du groupe de l'Union centriste voteront le projet de budget du commerce extérieur.
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le problème de l'emploi se trouve au coeur de toutes les préoccupations ; le développement de notre commerce extérieur constitue à mon sens la meilleure solution pour y porter remède, à notre époque de mondialisation des échanges.
Dans le produit national brut, la part des exportations est en effet un élément primordial, d'autant que les taux de croissance des échanges extérieurs sont toujours supérieurs à ceux des PNB, en France comme dans le monde.
Comme la part mondiale du commerce extérieur de la France est inférieure à 6 %, de larges perspectives d'ouverture existent. De plus, la qualité des produits français est généralement appréciée, et nos capacités de fabrication ne constituent pas une limitation.
C'est donc sur la promotion et la vente de nos produits et services que l'effort doit porter.
A ce niveau, l'insuffisance numérique de nos communautés françaises à l'étranger représente un grand handicap à surmonter, spécialement dans les pays émergents : on peut observer que plus on s'éloigne de la métropole, plus la présence française diminue, et avec elle nos parts de marché ; en Amérique latine, en Asie, elles se réduisent ainsi à 2 % ou 3 % seulement.
Qu'envisagez-vous de faire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour corriger cette insuffisance et encourager l'expatriation, en particulier des jeunes, qui sont de plus en plus nombreux à vouloir acquérir une expérience à l'étranger ?
La situation est d'autant plus sérieuse que la suppression de la conscription va éliminer les coopérants du service national. Vous m'avez indiqué récemment, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un projet de loi définirait prochainement le statut des futurs volontaires à l'international. Ce texte devra être très incitatif, car le recrutement des CSN est toujours resté insuffisant, et celui des volontaires risque de l'être bien davantage encore, avec un moindre niveau de qualité des recrues.
Il convient donc de faire évoluer les mentalités, pour que tous les acteurs économiques de notre pays soient bien convaincus de l'importance du nouveau concept de l'intelligence économique. L'information constitue un enjeu capital de la nouvelle donne stratégique ; nous vivons aujourd'hui une époque de guerre économique globale dans laquelle les conflits entre les puissances sont passés de la sphère militaire à la sphère économique, avec une volonté bien affirmée de conquête des marchés et des cerveaux, dans un champ d'action à l'échelle du monde.
Pour mener cette politique, nous disposons de trois organismes parallèles : le centre français du commerce extérieur, le comité des manifestations économiques à l'étranger et l'agence pour la coopération technique, industrielle et commerciale. Une réforme de ces structures avait été engagée par vos prédécesseurs.
Des mesures sont-elles prévues, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que ces trois entités soient hiérarchisées, regroupées ou fusionnées, afin qu'il n'y ait qu'une seule unité d'information stratégique économique pour collecter, traiter et organiser rationnellement le maximum de renseignements utiles et les rendre accessibles aux acteurs économiques, notamment aux PMI et aux PME qui sont les plus démunies ? Où en est, à ce sujet, la réalisation du guichet unique ?
Nos structures à l'étranger sont également dispersées et manquent souvent de moyens ; je pense aux chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger et aux comités consulaires pour l'emploi et la formation qui, par leur présence sur le terrain, sont les mieux placés pour collecter les emplois à l'extérieur qui nous manquent.
C'est à l'étranger qu'il convient donc d'agir en priorité sur notre système. Le Président de la République, lors des deux dernières réunions annuelles des ambassadeurs, leur a rappelé qu'ils seraient jugés sur leurs parts de marché.
Votre tâche d'animation est immense, monsieur le secrétaire d'Etat. Elle ne sera pas facilitée par un projet de budget en diminution sensible pour 1998. Les résultats de nos échanges extérieurs sont certes encourageants, mais ils restent précaires. Des remous financiers, comme ceux que connaît l'Asie en ce moment, peuvent remettre en cause le rythme de la croissance des échanges mondiaux.
La mise en place de l'euro, qui facilitera la comparaison des prix entre produits européens, renforcera encore la concurrence ; dans cette perspective, la réduction du temps de travail décidée par le Gouvernement isolément en Europe ne facilitera pas la compétitivité de notre économie, qui peut et doit être encore améliorée. Il faut être conscients que nous dépendrons de plus en plus de nos échanges extérieurs, qui aujourd'hui représentent un quart de l'économie du pays, et qui demain pourraient atteindre 30 % ou 40 %.
Le commerce extérieur est vital pour la prospérité et pour l'emploi, il doit être encouragé résolument et avec efficacité. Nous attendons votre réponse avec grand intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors que la France est le quatrième exportateur mondial et que le quart de sa population active travaille pour l'exportation, il est dommage de ne disposer que de quelques minutes, à trois heures du matin, et devant un hémicycle quelque peu dégarni, pour traiter du commerce extérieur.
Le solde du commerce extérieur va probablement dépasser les 160 milliards de francs et les créations nettes d'emplois seront de l'ordre de 100 000, ou 200 000, selon des estimations pour le moins variées.
Tout cela, c'est pour le côté positif.
Cependant, les relations commerciales restent très contrastées.
A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, je sais que vous partez bientôt en Arabie saoudite et j'espère que vous pourrez apporter le soutien du Gouvernement à un projet déjà financé, la création d'un « enfant » de Sophia-Antipolis à proximité de Ryad, et ce en liaison avec de nombreuses petites entreprises innovantes et quelques grands groupes.
J'en arrive aux organismes de soutien.
Les crédits attribués au CFME-ACTIM augmentent fortement : 13,6 %, c'est-à-dire 125 millions de francs, ce dont je me réjouis, d'autant que le budget général est en diminution.
Vous avez raison d'agir ainsi, car foires, expositions et manifestations à l'étranger sont capitales, surtout si vous utilisez - et je compte bien que vous le ferez, connaissant vos capacités - les nouvelles techniques d'information et de communication.
Je me demande par ailleurs si l'excédent de 5,8 milliards de francs que le COFACE devrait dégager en 1998 correspond bien à l'objet de cet organisme. Le rôle de cette compagnie, c'est d'encourager les entreprises à exporter, éventuellement dans les pays à solvabilité réduite, plutôt que d'orienter les exportations uniquement vers des pays à solvabilité forte. Quel est votre sentiment sur cette question ?
S'agissant des PME, les dispositifs que vous proposez pour 1998 mobilisent 500 millions de francs, soit une hausse de 5,67 % par rapport à 1997. Cela va dans le bon sens, malgré un budget en diminution.
C'est un lieu commun de faire le panégyrique des PME, qui sont évidemment les principales sources de création d'emplois, le principal vivier pour les exportations. Mais, actuellement, nous n'avons, en France, d'après les études de l'OCDE, que 3000 PME qui soient mondialisées, pour lesquelles l'exportation constitue une dimension essentielle de l'activité. En Italie, il y en a 8000 ! Que de travail pour développer une véritable culture d'exportation et aider les dirigeants à s'engager vers le commerce international.
Je rêve, pour ma part, d'une « invasion » de certains pays, je rêve de milliers de VRP multicartes, représentant des mini-sociétés étant muni chacun d'un portable connecté sur Internet, chacun pouvant se connecter avec les réseaux internes de quantité de PME, sachant que ces entreprises elles-mêmes seraient accoutumées aux nouvelles technologies de l'information et de la communication !
Cet outil extraordinaire qu'est Internet permet des « syndications », des ouvertures et, par conséquent, facilite l'exportation.
Syndication, réseaux, nouvelles technologies : il y a là tout un programme, un programme qui devrait être multiannuel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je compte bien que vous inscrirez dans votre budget un effort dans ce domaine particulier, qui concerne peut-être d'autres ministres que vous-même mais qui, en tout cas, est à mon sens le seul moyen d'accroître rapidement le nombre de PME fortement exportatrices. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parle est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le président, madame le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un grand plaisir pour moi d'être devant vous aujourd'hui pour présenter le budget du commerce extérieur de la France.
Si vous en êtes d'accord, je procéderai en trois temps.
Tout d'abord, je voudrais faire un détour rapide pour vous dire quelle analyse le Gouvernement fait de l'évolution de nos échanges et quelles priorités doivent en découler pour notre action dans ce domaine.
Ensuite, je commenterai les grandes lignes du projet de budget pour 1998 de mon département ministériel.
Enfin, je reviendrai sur les questions qui viennent d'être posées par les différents orateurs.
Les résultats du commerce extérieur de la France, vous l'avez indiqué, sont bons.
L'excédent dépassera vraisemblablement, pour l'année 1997, 150 milliards de francs. Le budget apporte donc une contribution positive à la croissance et à l'emploi.
Il est difficile d'établir le nombre de créations d'emplois résultant de cet excédent du commerce extérieur, mais on peut estimer que, l'année passée, celui-ci a atteint les 150 000 et que, cette année, il en sera au moins de même. En deux ans, grâce aux bons résultats du commerce extérieur, environ 300 000 emplois auront donc été créés.
Cela ne veut pas dire que les importations n'ont pas posé des problèmes pour certaines entreprises. Mais, dans le même temps, on voyait apparaître des possibilités d'embauche et de développement de l'activité dans d'autres entreprises. Et le solde est très nettement positif.
Ce résultat est dû au dynamisme de nos exportations. Je note que ce dynamisme est le fait non seulement du secteur agricole, mais aussi des secteurs industriels. Peu de secteurs industriels restent maintenant à l'écart de cette évolution favorable. Les secteurs de la grande exportation, que ce soit l'aéronautique, l'automobile, sont bien sûr très dynamiques, mais on constate aussi, dans la chimie, dans la pharmacie, quelques excellentes évolutions.
Nos parts de marché ne sont pas suffisantes dans les pays émergents, plusieurs orateurs l'ont dit. C'est vraisemblablement dû au fait que les PME françaises ne sont pas encore suffisamment « internationalisées ». Nous n'avons pas assez investi au cours des dernières années et il faut que cette tendance s'inverse pour que la productivité de nos entreprises continue à progresser.
C'est ce constat qui détermine la politique que le Gouvernement entend mener dans le domaine du commerce extérieur. Je souhaite faire porter nos efforts dans quatre directions principales, chacune devant contribuer à une meilleure insertion internationale des PME.
Comme le souhaite M. Laffitte et comme l'a dit mon collègue M. Pierret en présentant le budget de l'industrie, nous allons tout d'abord nous efforcer de favoriser le développement des nouvelles technologies de l'information ; nous allons faire en sorte que les PME soient davantage présentes sur Internet, qu'elles aient ainsi directement accès au marché mondial.
Dans ce domaine, les chiffres sont très mauvais, puisque 18 % seulement des PME sont connectées à Internet. Il y a donc beaucoup à faire !
M. Pierret a évoqué tout à l'heure un crédit de l'ordre de 50 millions de francs pour inciter les entreprises à intégrer Internet. Je crois que c'est une bonne disposition.
Dans mon département, j'essaie par exemple de mettre en place un centre de communication par canton. Le public y apprend à faire fonctionner un ordinateur PC et à se familiariser avec Internet. Par ailleurs, des jeunes gens et jeunes filles formés à ces techniques sont envoyés dans les entreprises.
Le dispositif public d'appui aux entreprises exportatrices devra être amélioré dans le sens de la rationalisation et de la simplification. Je ne prendrai pas l'engagement de ne créer aucune procédure nouvelle, parce qu'on ne sait jamais... Je m'efforcerai de concentrer les procédures, plutôt que d'en ajouter d'autres.
Répondant à M. Souplet, j'indique que je souhaite recentrer le CFCE sur sa mission principale : l'information économique, suivant en cela les orientations qui ont été définies par mon prédécesseur et confirmées dans le rapport Gardère.
Le CFCE doit devenir la grande centrale d'information pour les PME. Il doit être interconnecté avec nos postes d'expansion économique, nos directions régionales du commerce extérieur et les services de la COFACE. Il doit finalement fonctionner en réseau.
J'en viens au « guichet unique », qui était une idée de M. Galland. Nous pensons que, s'agissant de l'organisation des services du commerce extérieur, la réponse varie selon les régions.
Je n'aurai pas l'audace de comparer la région Provence-Alpes-Côte d'Azur - éminemment représentée ici - ou la région Rhône-Alpes à d'autres qui sont plus modestes quant à l'amplitude - je ne parle pas de la qualité ! - quant au nombre de PME implantées.
Quoi qu'il en soit, je crois que l'organisation ne peut pas être la même partout.
Nous allons faire un ou deux essais et, l'année prochaine, nous dresserons un bilan.
Par ailleurs, nous allons lancer, dans trois ou quatre régions, un système d'interconnexion, un numéro unique, qui donnera au moins, grâce à la communication électronique, le même résultat que l'installation des différents services dans un même immeuble. Nous irons plus loin s'il apparaît qu'avec ce système nos services gagnent en efficacité et en productivité.
Nous comptons aussi faciliter l'accès des entreprises aux pays émergents en défendant activement leurs intérêts dans les différentes enceintes.
Il faut une diplomatie économique. Il faut que celle-ci soit multilatérale, régionale ou bilatérale. Il faut protéger la propriété intellectuelle. Il faut une visibilité sur les lois commerciales et sur les procédures.
Il faut également faire un effort en direction des jeunes. Nous allons maintenir les CSNE, les coopérants du service national à l'étranger, qui deviendront sans doute des volontaires du service national en entreprises, les VSNE. Nous tâcherons de porter la durée de leur service à trois ans au lieu d'un an et demi actuellement et de multiplier par deux leur effectif.
Nous essaierons d'attirer vers ce volontariat - c'est déjà prévu, mais il faut que cela entre en pratique - des jeunes gens ainsi que des jeunes filles dont la formation universitaire soit aussi bien courte que longue. Les dirigeants d'un certain nombre de PME souhaitent en effet accueillir des jeunes titulaires de diplômes universitaires de technologie ou de brevets de technicien supérieur. Des textes le permettent, mais sans doute n'avons-nous pas fait assez d'efforts pour les faire entrer dans la pratique.
Nous aurons désormais à coeur de développer cette politique en faveur de l'implantation des jeunes à l'étranger.
Nous aurons aussi la volonté de faire en sorte que, si des jeunes partent à l'étranger parce qu'ils ont le goût des voyages ou de l'aventure, ils trouvent un employeur avec un salaire à la clé et bénéficient d'une certaine protection dans le domaine de la santé, car, dans un certain nombre de pays, la protection sociale n'existe pas. S'agissant de jeunes, je pense que le coût de cette mesure sera tout à fait raisonnable. Ce dispositif, je pense, sera fort apprécié des jeunes et de leur famille.
Je voudrais dire que ces priorités se traduisent par la continuité dans la gestion des services du commerce extérieur. Certes, les rapporteurs l'ont souligné, en francs courants, les aides au commerce extérieur sont en diminution. Mais, avec les excédents actuels de la COFACE, le recul est nul.
A ce propos, il est conscient que tant que le solde négatif, de l'ordre de 30 ou 40 milliards de francs, accumulé il y a quatre ou cinq ans, ne sera pas résorbé, on pourra difficilement reprocher à la COFACE de ne pas prendre assez de risques. Il faut être raisonnable. A un certain moment, on a beaucoup exporté dans des pays peu solvables, dont l'économie n'était pas encore stabilisée. Nous sommes dans la phase de résorption d'un passé assez lourd.
Les pays dans lesquels nous exportons ont fait, en règle générale, un gros effort pour adapter leurs finances à leur situation économique réelle.
Monsieur Laffitte, je pense qu'il sera possible, dans un avenir assez proche, d'examiner avec la COFACE si, dans certains pays dont l'économie se redresse, sa présence ne pourrait pas être plus active, quitte à prendre quelques risques.
S'agissant des personnels, des adaptations s'imposent. Elles vont se traduire par une diminution de postes, mais aussi par une nouvelle ventilation. Nous allons sans doute alléger un peu le dispositif dans les pays d'Europe, bien que ce soient eux qui apportent l'essentiel de notre excédent commercial. Il convient peut-être d'implanter davantage nos agents dans les pays où nos PME sont les plus désorientées, je veux parler des pays émergents.
Enfin, dans le cadre de la politique de soutien aux PME, nous allons accroître le budget des foires-expositions, augmenter très fortement la dotation du CODEX, instrument de soutien à l'implantation des PME dans les pays étrangers, enfin, augmenter la dotation de l'assurance prospection.
S'agissant des procédures financières de soutien aux grands contrats, deux tendances confirment les évolutions précédentes.
Les protocoles financiers d'aides publiques au développement voient leur montant continuer à baisser. Les prêts et dons du Trésor sont, en effet, la ressource budgétaire des protocoles financiers, et la dotation globale qui leur est affectée a connu une baisse considérable 60 % - depuis 1990 - sous l'effet conjugué de la baisse continue des moyens budgétaires et des règles contraignantes de l'OCDE.
Je vais répondre maintenant à certaines des questions pertinentes qui m'ont été posées.
Mme Bergé-Lavigne a fait remarquer que le budget du commerce extérieur était très éclaté. Je transmettrai cette remarque à M. Sautter.
J'ai moi-même été frappé par cet aspect. C'est mon premier contact avec le budget, je suis encore un peu novice, mais la demande de Mme le rapporteur spécial me semble assez justifiée. On verra ce qu'en pensera Bercy, qui acceptera peut-être de rapprocher des dépenses de même nature. Avoir une présentation homogène pour une activité qui correspond au quart de l'activité des Français, ce n'est peut-être pas tout à fait inutile !
Je vais dire un mot des accidents financiers qui sont intervenus récemment.
La situation n'est pas bonne. En Asie, les bulles financières se sont dégonflées, entraînant des ajustements monétaires très brutaux puisque certaines dévaluations ont atteint 40 %. Cela va rendre difficiles les exportations vers ces pays et il sera plus compliqué de trouver des moyens de financement.
Toutefois, comme 6 % seulement de nos exportations sont concernées, les effets de cette crise ne devraient pas être trop négatifs pour nous.
En revanche, la situation du Japon m'inquiète beaucoup plus. Ce pays est en pleine crise, sa croissance est devenue très faible. Le loyer de l'argent y est extrêmement bas et les seuls moyens qui lui restent pour redresser son économie risquent d'avoir des répercussions sur le reste du monde. Tel serait le cas d'une révision éventuelle de la parité de sa monnaie ou de réformes de structures qui pourraient, comme toutes les grandes réformes de structures, se révéler très difficiles à conduire.
Si le Japon devait se limiter à des réformes de structures internes, cela pourrait être supportable pour le reste du monde. S'il se décidait, au contraire, pour des manipulations monétaires, il est évident que ni les Etats-Unis ni l'Europe ne resteraient à l'écart.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez évoqué la SOPEXA, dont les crédits ont diminué.
Ceux-ci ne figurent pas au budget du commerce extérieur. Nous avons signalé à cette diminution M. Le Pensec, qui s'est montré sensible au problème. Nous verrons si, finalement, cette sensibilité se traduira par une nouvelle ventilation des crédits en direction de la SOPEXA, qui fait du bon travail.
Madame Terrade, vous avez dit que les exportations industrielles ne devaient pas se faire au détriment de la situation agricole. C'est en effet primordial.
Mais un autre problème se pose en ce qui concerne l'agriculture. Aux pays auxquels nous vendons nos produits, nous sommes obligés d'acheter quelque chose. On ne peut pas longtemps exporter sans acheter.
Or, pour certains, que proposent-ils ? Prenons le cas du Vietnam ; il est très intéressant, car c'est un pays qui est à construire. Il faudra bien qu'on lui achète, à terme, du textile ou des denrées agricoles, produits qu'il peut offrir pour commencer à équilibrer ses comptes.
Nous devons trouver le moyen d'aider ce pays, qui a toutes les capacités de se redresser, où 85 % de la population est alphabétisée et qui est tout à fait capable de se doter d'une économie moderne.
D'une façon plus générale, il faudra trouver un compromis entre ce que la France est capable de supporter et ce qu'il est nécessaire de faire pour que ces pays avec lesquels nos liens sont anciens puissent vivre de la manière la plus correcte possible.
M. Demuynck a dit, je crois, que pour obtenir des aides il fallait suivre un véritable parcours du combattant. Je crois que c'est tout à fait vrai et qu'il faut remédier à cela. M. Demuynck a rappelé la solution du guichet unique. De plus, nous allons mettre en place un système de réseaux.
Vous avez également affirmé, monsieur Demuynck, qu'il fallait faire en sorte que deux entreprises sur trois exportent. Cela suppose que nous prenions exemple sur ce qui existe en Italie, où des entreprises se regroupent et, sans que l'Etat intervienne beaucoup, acceptent qu'une coordination soit assurée par une organisation commerciale qui trouve des débouchés.
Nous allons étudier ce qui se passe en Italie et voir si l'expérience est transposable en France. Nous tâcherons alors d'inciter nos entreprises à suivre cet exemple, qui nous semble bon.
M. Huchon, pour sa part, a parlé du travail des enfants. C'est un problème très complexe. Ainsi, 100 millions d'enfants travaillent en Inde. Mais on ne peut y proscrire le travail des enfants, qui permet d'équilibrer les finances des foyers. Des discussions devraient avoir lieu au sein de l'OMC pour déterminer comment on pourrait inciter des pays comme l'Inde à alphabétiser les enfants, ce qui pourrait se faire sur les lieux de travail.
Si nous adoptions une position rigide, nous n'aboutirions à rien. La solution consiste peut-être à permettre à ces enfants de s'en sortir en apprenant à lire et à écrire. Je pense que cela devrait faciliter une évolution qui ne se produira que grâce à une élévation du niveau de vie des populations des pays concernés. Il ne faut pas se faire d'illusion !
Un intervenant a parlé du contentieux entre les Etats-Unis et l'Union européenne ! Chacun a menacé l'autre de rétorsions s'il bougeait, mais à propos de la loi D'Amato, pour le moment, rien ne s'est passé. L'équilibre des menaces a sans doute permis d'éviter une escalade. Notre compagnie pétrolière a finalement bien manoeuvré et les Américains ont été raisonnables. J'espère que la situation va se résoudre de manière à peu près acceptable par tout le monde.
Certains problèmes sont difficiles à régler. Si l'on a pris position sur le maïs transgénique - question difficile ! - en revanche, on n'a pas parlé beaucoup de la viande aux hormones. Pourtant, la France a été condamnée, si bien qu'elle doit être vigilante.
Dans le courant de ce mois, nous engagerons des discussions avec nos partenaires européens afin de parvenir à une solution. Il faut en effet trouver un équilibre entre, d'une part, les Américains, qui affirment que cette viande est parfaitement mangeable et qu'aucune preuve médicale de sa nocivité n'a pu être apportée, et, d'autre part, des Français, des Allemands et des Danois qui disent qu'il faut bannir la viande aux hormones.
Quoi qu'il en soit, nous devons réfléchir entre nous sur la meilleure façon de répondre à cette condamnation qui nous a été infligée par le panel de l'OMC.
En conclusion, je reprendrai la formule de M. Laffitte : notre problème est d'arriver à développer une culture d'exportation au sein de nos entreprises, en particulier au sein de nos PME.
Il n'est pas certain que 1998 sera une année facile sur le plan économique. Dès lors, l'exportation restera absolument nécessaire pour soutenir l'activité en France, même si je crois à la reprise.
Compte tenu du temps qui m'a été imparti, je ne pourrai malheureusement pas traiter de l'évolution du temps de travail, thème qui exigerait de longs développements.
J'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avoir apporté, sur les autres points, les réponses que vous attendiez. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'économie, les finances et l'industrie : II. - Services financiers.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les services financiers autres que le commerce extérieur ont été examinés aujourd'hui même.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 120 515 587 francs. »