M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le Plan.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'audition des interventions et des rapports de la fin de l'après-midi, j'ai constaté que nous partagions une même foi dans le Plan, dans ce que l'on a appelé autrefois une « ardente obligation », et ce malgré les remarques pertinentes faites par les différents intervenants, notamment par M. Percheron, sur l'apparent conflit qui peut exister entre une société très mondialisée, qui obéit à la règle de marchés que l'on dit « globalisés », de marchés internationaux financiers, monétaires, de produits matériels, et l'idée que, malgré tout, nous voulons y voir clair sur le long terme pour organiser, à partir d'une véritable stratégie, le futur de la société française.
L'ensemble des interventions ont davantage été consacrées à la perspective que l'on doit donner au Commissariat général du Plan et à l'idée même de Plan qu'aux modestes 152,2 millions de francs, montant du budget du Commissariat général, identique, en 1998, à ce qu'il était en 1997.
Ce qui est important, c'est de relever, comme l'a fait Mme Perrade, qu'un coup d'arrêt a été donné à la baisse, constatée plusieurs années de suite, des crédits du Commissariat général du Plan.
Des économies sur le budget de fonctionnement du Commissariat général permettent de majorer les crédits de paiement consacrés aux recherches et de relever la subvention à l'IRES et à l'OFCE, comme l'a remarqué M. le rapporteur spécial.
Cet effort de redéploiement montre la volonté du Gouvernement, et tout particulièrement du Premier ministre, de conserver des organismes traduisant la pluralité, la diversité des approches dans le domaine économique et social.
Pour sa part, M. le rapporteur pour avis s'est prononcé pour une réforme du Plan qui mette l'accent sur la prospective et l'évaluation. Il a d'ailleurs souhaité que nous réexaminions le décret de 1990 sur l'évaluation des politiques publiques, et je ne serai pas loin de lui donner raison quant à la nécessité d'évaluer notre politique.
M. le rapporteur spécial a plaidé pour une adaptation du Commissariat général du Plan aux nouvelles données mondiales. J'y reviendrai dans un instant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement rejoint les préoccupations qui ont été exprimées s'agissant des orientations qu'il convient de donner au Plan.
Comme l'a déjà dit le secrétaire d'Etat au budget lors de l'examen du budget du Commissariat général à l'Assemblée nationale, le Gouvernement souhaite que le Plan conserve, voire développe, une capacité de réflexion stratégique à moyen et à long terme ; c'est ce que M. Oudin et Mme Terrade, pour résumer d'un trait leur intervention, ont appelé la « prospective dans la durée ».
Cette réflexion devra, bien évidemment, être conduite dans un esprit d'ouverture, de concertation, de qualité, celui-là même qui a marqué les travaux du Plan au cours des cinquante premières années de son existence, celui-là même qui a fait vibrer un peu cette assemblée, tout à l'heure, à l'évocation des travaux du Commissariat général au Plan, ce qui montre bien qu'au fond nous sommes tous fiers de disposer d'un cadre d'approche stratégique qui nous permet de mieux nous projeter dans le futur, quels que soient les aléas dus à la société mondialisée et globalisée dont je parlais tout à l'heure.
J'aborderai brièvement cinq points qui me permettront de mieux préciser comment le Gouvernement envisage le Plan et les travaux du Commissariat général du Plan : tout d'abord, le programme de travail du Commissariat général ; ensuite, les missions particulières qui peuvent lui être dévolues ; puis, le problème de l'évaluation ; le problème de la concertation sociale ; enfin, la question complexe, importante, urgente, évoquée par M. Percheron, des contrats de plan Etat-région.
En ce qui concerne le premier point, le Gouvernement engagera prochainement une large concertation en vue de préparer le programme de travail à moyen terme du Plan. Celui-ci sera centré sur les grands défis auxquels la société française doit faire face et que M. le rapporteur spécial a résumés, d'une certaine manière : les prochaines étapes de l'intégration européenne, grande question à moyen terme ; les tendances de la technologie, l'influence de la technologie sur le système productif et sur la vie de la société française, l'emploi, la protection sociale, les problèmes de l'environnement. Ce programme dégagera des orientations stratégiques et prévoira des rendez-vous entre experts et acteurs sociaux, dont les conclusions pourraient éventuellement prendre la forme, comme le suggère M. de Gaulle, d'un rapport au Parlement sur ce qu'il a appelé « les défis de la nation », rejoignant en cela, me semble-t-il, l'opinion des rapporteurs et de l'assemblée tout entière.
Les missions particulières que M. le Premier ministre pourrait donner au Commissariat général du Plan peuvent prendre différentes formes : commission de concertation, livre blanc, rapport. Le Commissariat général du Plan doit devenir la pépinière de ces concertations, de ces rapports, de ces apports à la réflexion, aux orientations de l'action à moyen terme de l'Etat.
L'évaluation - vous y avez pratiquement tous fait allusion, mesdames, messieurs les sénateurs, dans vos interventions - est un des sujets centraux, car les politiques publiques peuvent être évaluées, doivent être évaluées par le Commissariat général du Plan.
Cette question, qui avait été laissée en jachère, revient, elle aussi, comme une sorte d'ardente obligation pour nos sociétés, en tout cas pour le Gouvernement, qui souhaite que l'évaluation des politiques publiques soit plus souvent menée, et avec plus de rigueur.
M. le Premier ministre a déjà eu l'occasion de dire - j'en arrive au quatrième point - que le Plan doit rester le lieu privilégié de la concertation sociale.
C'est ainsi, d'ailleurs, que, culturellement, nous l'envisageons et qu'il a marqué l'histoire de l'après-guerre française. Il faut revenir à cette grande tradition ; la réflexion interministérielle doit se nourrir de la concertation sociale pour définir le futur du pays.
C'est, avec le besoin qu'il peut éprouver de faire appel au Plan, la raison pour laquelle le Premier ministre a replacé le Commissariat général directement auprès de lui, marquant ainsi une inflexion forte dans l'action gouvernementale et dans l'action de l'Etat, à laquelle le Plan doit contribuer.
J'en viens aux contrats de plan Etat-région. Dans la perspective de la prochaine génération de contrats de plan, M. Percheron a eu raison de souligner la nécessité d'une évaluation des formalités et des procédures de ces contrats.
Le cofinancement est une règle qui permet d'assurer la meilleure sélection des projets et il constitue la traduction de priorités concertées.
Le schéma national, les futurs schémas d'aménagement du territoire, vous les avez appelés en quelque sorte de vos voeux en disant qu'il fallait des orientations nationales. Ces schémas d'aménagement et de développement du territoire peuvent servir, dans le cadre de l'application de la loi, de cadre général à l'élaboration, par les conseils régionaux, de schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire.
Vous avez eu raison de souligner qu'il fallait aider réellement les régions et que celles-ci attendaient une sorte de vision organisée entre l'Etat, qui doit penser le long et le moyen terme, et elles-mêmes, qui, dans leurs rapports avec l'Etat mais aussi avec les autres collectivités territoriales, veulent également penser le long et le moyen terme.
Ce jeu de réflexion et d'action doit être mieux organisé. Il faudra faire adopter des orientations par les prochaines assemblées régionales qui seront élues dans quelques mois. Ce sera, j'en suis certain, un nouveau départ pour la planification régionale. Il y aura ainsi, partant du véritable niveau du contrat de plan Etat-région, un meilleur rapport entre l'Etat et les régions dans l'organisation du développement à moyen terme de ces dernières.
M. le rapporteur général, au nom de M. Torre empêché, s'est interrogé sur la création d'un conseil d'analyse économique auprès du Premier ministre.
Ce conseil, naturellement, ne remet pas en cause le rôle ni l'action du Commissariat général au Plan. Il a vocation à répondre, dans des délais relativement brefs, aux questions qui lui sont soumises par le Premier ministre. Les travaux du Plan s'inscrivent, au contraire, dans une perspective à long terme, tout en contribuant également à ceux du conseil d'analyse économique, dont le commissaire général au Plan est d'ailleurs membre de droit.
Je dirai un mot, enfin, des organismes associés. Leurs missions, vous le savez, sont bien différentes de celles du Commissariat général au Plan, même s'ils travaillent en liaison avec lui. Je suis heureux de vous annoncer qu'un nouveau directeur va très prochainement être nommé au CEPII pour succéder à Jean Pisani-Ferri, dont il faut souligner ici le travail remarquable et le caractère très avancé et très productif des recherches.
Je conclurai par quelques phrases qui, je le crois, rejoignent ce qu'ont dit les divers intervenants.
Ne pas laisser dépérir une institution à laquelle nous croyons parce que le marché ou les marchés ne résolvent pas tout, accompagner les grandes mutations du monde, dans lesquelles la France doit jouer un rôle, exprimer les valeurs de notre culture économique et sociale, assurer les cohérences à long terme de l'action de l'Etat et des collectivités territoriales décentralisées, bref, croire de nouveau au Plan, voilà l'ardente obligation et le grand défi auxquels le Gouvernement vous convie en vous demandant d'adopter les crédits du Commissariat général du Plan. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jacques Oudin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai écouté avec la plus grande attention, et vos propos recueillent, je crois, notre approbation.
Toutefois, s'agissant des grandes orientations, vous avez parlé de l'Etat, des régions, des partenaires sociaux, mais, malheureusement, pas du Parlement. Or, en accord avec le président de la commission des finances, j'avais formulé une proposition visant à faire du Plan un instrument conjoint d'évaluation, de prospective et d'analyse, à la fois de l'Etat et du Parlement.
Je ne vous demande pas de réponse immédiate sur ce point, bien entendu. Je tenais cependant à évoquer cette piste de réflexion, car elle est extrêmement importante aux yeux du Sénat.
Nous avons créé un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. Il est inutile d'avoir deux institutions qui seront en concurrence. Essayons d'unir nos efforts, car l'avenir de la France, c'est tout de même plus dans l'union que dans la dispersion que nous pourrons le bâtir !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur Oudin, répondant aux excellents rapports et aux non moins excellentes interventions des uns et des autres, dont la vôtre, j'ai entendu marquer l'importance qui s'attache aux travaux du Commissariat général du Plan vus du Parlement. En tant que membre du Gouvernement, je ne pouvais pas substituer mon appréciation à celle du Parlement.
Toutefois, j'en suis parfaitement d'accord avec vous, il est clair qu'il y a une convergence très forte entre les travaux du Sénat ou de l'Assemblée nationale, d'une part, et les apports qui peuvent être ceux du Commissariat général du Plan. Cette convergence-là manifeste, en fait, le fonds commun d'une culture économique et sociale que vous avez remarquablement soulignée dans votre intervention, qui fait que, sur toutes les travées de cette assemblée, sur les bancs de l'Assemblée nationale, comme au Gouvernement, nous sommes au fond très fiers de disposer d'un organisme qui oriente, guide et montre les voies du futur. Vous avez d'ailleurs employé une très belle image tout à l'heure, parlant de « l'éclairage du futur », et je vous rejoins totalement.
Naturellement, les travaux du Parlement ne peuvent que gagner à être éclairés sur le long terme par ceux du Commissariat général du Plan. Merci de l'avoir souligné encore. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Plan et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 2 529 746 francs ».