M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : IV. - Plan.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je rapporte devant vous pour la première fois le budget du Plan, succédant à mon éminent collègue Michel Moreigne.
Mon temps d'intervention étant limité, je le consacrerai à trois thèmes : les crédits du Plan, le suivi des contrats de plan Etat-région et l'avenir de la planification. Je vous demanderai, pour le reste, de vous reporter aux observations contenues dans mon rapport écrit.
Les crédits demandés pour 1998 en dépenses ordinaires et crédits de paiement s'élèvent à 152,2 millions de francs, soit une légère progression, de 0,02 %, par rapport aux crédits votés en 1997. Les dépenses ordinaires régressent légèrement, pour s'établir à 147,7 millions de francs.
Le titre III, en diminution globale de 2,77 %, concerne les moyens du Commissariat, le Centre d'études prospectives et d'informations internationales, le CEPII, et le Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts, le CSERC, ainsi que les services de l'évaluation.
Le titre IV progresse de 4,64 % par rapport à la loi de finances de 1997. Ces crédits sont destinés à financer les organismes suivants : le Centre d'études prospectives d'économie mathématique appliquées à la planification, le CEPREMAP, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, l'Institut de recherches économiques et sociales, l'IRES, et l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE.
Cette hausse devrait permettre à ces organismes de mieux fonctionner. Encore faut-il que les gels de crédits dont ils sont fréquemment l'objet ne viennent pas compromettre leur stabilité.
Les dépenses en capital inscrites au titre IV progressent, elles, de 5,88 % pour les crédits de paiement.
En ce qui concerne l'évaluation des contrats de plan Etat-région, il faut se féliciter du travail accompli par les évaluateurs, qui ont pu dresser un bilan à mi-chemin, c'est-à-dire à la fin de l'année 1996. Il semble que les crédits, bien qu'engagés, soient sous-consommés.
Par ailleurs, les évaluateurs rencontrent, dans leur travail, des difficultés liées à la dispersion des informations et à la multitude des financements croisés. Dans certains secteurs, les crédits sont mieux utilisés que dans d'autres. C'est le cas, notamment, des sommes consacrées à l'enseignement supérieur.
Il apparaît, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement envisage de lancer, dès le début de l'année 1998, une réflexion sur les futurs contrats de plan Etat-région. Pouvez-vous aujourd'hui nous le confirmer ?
Mon dernier point sera consacré à l'avenir du Plan. Depuis des années, la même interrogation revient en termes identiques : la planification en France a-t-elle encore un avenir ? Rapports et avis se succèdent sans apporter de réponse définitive à cette question.
Pourtant, décider de l'avenir de cet outil de prospective et d'évaluation me paraît indispensable. Il est temps, je pense, de lever les incertitudes et de définir le cadre des grands défis auxquels est confrontée la société française.
A l'évidence, le Commissiariat général du Plan doit s'adapter. Ne pourrait-il pas être un instrument destiné à réfléchir sur des questions aussi importantes que la mondialisation des échanges, la modernisation des technologies et son influence sur le système productif et sur la vie sociale, l'adaptation de la France à l'échéance européenne, la gestion de l'environnement aussi bien à l'échelle national qu'au niveau mondial ?
Face à ces défis, la France a besoin d'une institution capable de penser les moyens de les relever.
Il appartient au Gouvernement d'affirmer rapidement sa volonté de relancer le Commissariat au Plan. Je suis sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette volonté existe et que, très bientôt, une large concertation sera lancée pour définir le programme de travail d'un Commissariat du Plan rénové.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous indique que la commission des finances s'en est remise à la sagesse du Sénat quant à l'adoption des crédits du Plan. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que de rapports classés sans suite, que de discours sonores mais dépourvus d'effets ont scandé le déclin du Plan en France !
Aujourd'hui, le silence circonspect du Gouvernement sur ce sujet tranche avec l'ambition clairement manifestée par le chef de l'Etat lors du cinquantième anniversaire du Commissariat général, célébré voilà un an.
Pourtant, beaucoup reste à faire !
Toutes les analyses convergent vers une même conclusion : il est nécessaire de transformer le Plan.
Depuis 1993, pas moins de quatre rapports en préconisant la réforme sont parus : le rapport Dollé, du nom du secrétaire général du Plan, en 1993 ; celui de notre collègue Philippe de Gaulle, en 1994 ; les deux rapports du Conseil économique et social de 1994 et de 1995 sur la prospective et la réforme de la planification française.
Le diagnostic est clair : la planification française, telle qu'elle a été menée dans le passé, ne répond plus aux nécessités du monde contemporain. L'âge d'or des « lois de plan » est bel et bien révolu. En revanche, la France a besoin d'outils de prospective, de concertation et d'évaluation des politiques publiques.
Le Président de la République a d'ailleurs appelé de ses voeux, voilà un an, la création d'un plan qui « fasse vivre une véritable pédagogie de la réforme et du changement ».
La comparaison avec les expériences étrangères plaide également en faveur de la transformation du Plan en un outil de prospective et d'évaluation.
En Allemagne et au Japon existent des instances de concertation et de prospective probablement plus importantes en termes d'effectifs que le Commissariat général du Plan. De petits pays, tels que les Pays-Bas ou la Suisse, ont, quant à eux, créé d'importantes structures d'évaluation des politiques publiques.
Qui sait aujourd'hui en France que, depuis 1987, dans le cadre d'un programme national de développement de l'évaluation des politiques publiques, la Suisse a réalisé plusieurs centaines d'évaluations de politiques tant nationales que locales ?
La comparaison n'est donc pas en faveur de notre pays, hélas ! Il est clair actuellement - et chacun, au fond, en convient - que les dispositions du décret de 1990 sur l'évaluation des politiques publiques sont obsolètes.
La complexité des procédures prévues par ce texte explique que deux évaluations aient été lancées en 1996 et une seule en 1997, sur la politique maritime, à la demande de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. D'autres évaluations sont en cours, mais certaines d'entre elles sont engagées depuis plusieurs années et n'ont, à l'évidence, pas donné de résultats dans des délais raisonnables : à quoi peut bien servir une évaluation qui dure trois ans ?
M. Jacques Oudin. Bonne question !
M. Jean Boyer, rapporteur pour avis. A défaut de renforcer le Commissariat général du Plan, on multiplie les instances d'évaluation rattachées à des ministères ou des instances dont la compétence ne dépasse pas un objet limité. Or tout l'intérêt du Commissariat général du Plan, qui doit rester une administration légère, une administration de mission, serait bien, au contraire, d'effectuer des évaluations de façon indépendante. Encore faudrait-il qu'une volonté politique se dégage et que l'on réforme le décret de 1990 !
Le quotidien Libération notait voilà quelques jours : « Le Plan reste un bon outil de réflexion, il publie actuellement rapport sur rapport et s'il fonctionne mal comme instrument d'aide aux décisions publiques, c'est surtout du fait des dirigeants politiques. »
Nul ne conteste les qualités de sérieux et de rigueur des travaux effectués par le Commissariat général du Plan et par les organismes rattachés. Pour autant, la représentation nationale peut-elle accepter qu'on annonce chaque année une nouvelle réforme qui ne se concrétise pas ou encore qu'on laisse végéter et même dépérir le Plan ?
Une administration, pas plus que tout autre corps social, ne peut vivre sans certitude sur l'objectif qui lui est assigné et sur la mission qui lui est confiée. Je souhaite donc obtenir des assurances du Gouvernement sur la réforme du Plan, tout comme la commission des affaires économiques, qui, suivant les conclusions de son rapporteur, a décidé d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits du Plan inscrits au titre des services du Premier ministre. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée le 4 novembre 1997, la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis que la loi de Plan concernant la période du XIe Plan n'a pas été présentée au Parlement, nous vivons une période paradoxale. Nous avons l'impression désolante que l'Etat ne sait plus quel doit être le rôle, la mission et les ambitions du Commissariat général du Plan.
Un quotidien du soir, forçant le trait, écrivait que le Commissariat général du Plan était au « chômage technique ». Certes, si tel est loin d'être le cas, il n'en demeure pas moins que nous avons la certitude qu'une nouvelle politique doit être lancée dans ce domaine tant le besoin d'analyse, d'évaluation et de prospective est important dans un monde qui s'ouvre et qui bouge à une vitesse jamais égalée auparavant. Nos rapporteurs l'ont excellemment souligné.
Je formulerai donc trois remarques. Premièrement, la situation actuelle n'est pas acceptable ; deuxièmement, un Commissariat général du Plan rénové est indispensable ; toutefois - et ce sera ma troisième remarque - il faut totalement repenser le dispositif du Plan au sein de nos institutions gouvernementales et parlementaires.
La situation actuelle n'est pas acceptable. Le constat est affligeant : des crédits dont l'évolution a été analysée par nos rapporteurs, une motivation déclinante due à l'absence de directives de l'Etat alors que le commissariat dispose d'équipes de qualité, qu'il produit de multiples rapports dont beaucoup, malheureusement, ne sont pas toujours suivis d'effets, qu'il est, enfin, entouré de nombreux organismes dont le rôle et les missions devraient, peut-être, être revus et rationalisés.
A cet égard, je citerai le centre d'études prospectives et d'informations internationales, le CEPII, le conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts, le CSERC, l'observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, le centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, le centre d'études prospectives d'économie mathématique appliquées à la planification, le CEPREMAT et l'Institut de recherches économiques et sociales, l'IRES.
La question que nous posons s'est adressée au gouvernement précédent, comme elle s'adresse à celui-ci : n'avez-vous pas d'autres ambitions que celles que vous nous présentez, pour d'un organisme dont le rôle a changé, dont les missions doivent s'adapter, mais dont l'intérêt peut être considérable ?
Deuxièmement, la réponse que j'apporte à cette question est qu'un Commissariat général du Plan est indispensable.Je reconnais volontiers que le mot « Plan » n'est peut-être, désormais, plus adapté au rôle qui doit être celui de cet organisme.
Il a eu sa justification pour la reconstruction et le développement de la France. Maintenant, dans un monde ouvert où la croissance se diversifie par zones économiques et sous l'effet des technologies modernes, dans des sociétés dont les évolutions s'accélèrent, nous avons besoin de prospective pour inscrire notre action dans la durée.
Or nous devons faire face à une difficulté majeure : sous la pression des échéances politiques, tout pouvoir politique veut obtenir des résultats à court terme. Mais plus le court terme devient prenant et pesant, plus il faut essayer de s'en affranchir par la prospective.
Cette prospective doit être fondée sur l'évaluation des actions engagées, sur l'ampleur des mouvements en cours, sur le décloisonnement des réflexions, des disciplines ; bref, il faut pouvoir penser les politiques publiques de l'avenir dont la vocation est d'exprimer, et vous ne me démentirez pas, des systèmes de valeurs avant d'exprimer des jugements d'experts.
Il y a donc un besoin de plus en plus grand d'expertise, d'évaluation et de prospective pour mieux comprendre, orienter et accompagner les grandes mutations qui touchent notre société comme toutes les autres nations du monde.
Bref, le Commissariat général du Plan, ou quel que soit le nom que vous lui donnerez, doit pouvoir jouer ce rôle à condition que ses missions soient définies, son organisation repensée et ses moyens adaptés.
Ne nous y trompons pas ! Comme l'a dit M. Jean Boyer à l'instant, ce besoin de prospective, de programmation et de stratégie est ressenti par nombre de nos voisins : c'est le cas de l'Allemagne, du Japon, de la Hollande ou de la Suisse, sans parler des Etats-Unis et du Canada.
La commission des affaires économiques et du Plan estime, à juste titre, « qu'au lieu de multiplier les instances d'évaluation, il serait souhaitable de renforcer les compétences du Plan en la matière ».
C'est l'éternel conflit entre la puissance des administrations verticales et la faiblesse d'un organisme de mission interministériel qui a perdu d'avance la bataille s'il n'est pas activement soutenu par le Premier ministre et le Président de la République.
Pourtant, ce dernier s'est clairement exprimé, le 24 mai 1996, lors du cinquantenaire du Plan : « Dans un univers bouleversé par la mondialisation et la montée de l'exclusion, a-t-il déclaré, l'existence de lieux de concertation et d'évaluation des choix publics est absolument indispensable. Et le Plan doit être l'un de ces lieux privilégiés... »
Personne ne conteste donc qu'un lieu d'expertise, d'évaluation et de prospective soit indispensable. Mais quelle forme doit-il revêtir ? Quelles missions doit-il assurer ? Avec quelles équipes doit-il travailler ? De quelles autorités doit-il dépendre ?
C'est la raison pour laquelle je propose que le dispositif du Plan soit profondément repensé au sein de nos institutions gouvernementales et parlementaires. Je partirai d'un triple constat.
Premièrement, les équipes d'experts polyvalentes et compétentes capables d'évaluer, d'analyser et de faire de la prospective ne peuvent être multipliées à l'excès car elles perdraient en crédibilité et en efficacité.
Deuxièmement, l'Etat doit centrer sa réflexion sur les problèmes les plus cruciaux de notre société et, face à la limitation de ses moyens financiers, il doit procéder à des évaluations et à des hiérarchisations rigoureuses.
Troisièmement, les réformes nécessaires de notre société ne pourront être mises en oeuvre que si le Parlement, qui représente la nation dans toutes ses composantes, y participe activement.
Notre Parlement ressent d'ailleurs de plus en plus ce besoin impérieux de prospective et d'évaluation. Il s'est doté d'ailleurs lui-même d'un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. Je vois que cela vous fait sourire, monsieur le secrétaire d'Etat, mais vous en êtes bien conscient.
Mais, faute de moyens directs, l'office parlementaire s'est sagement tourné vers le Commissariat général du Plan pour lui demander de procéder à la première étude sur les politiques menées dans le domaine maritime.
Bien qu'achevée, cette étude, ce qui est tout de même étonnant, ne nous est pas parvenue à temps pour le débat budgétaire au cours duquel le Gouvernement a décidé de supprimer le système de financement des navires de commerce mis en place quinze mois plus tôt et Dieu sait si nous aurions eu besoin de cette étude ! Quelqu'un aurait-il fait pression pour que le Parlement n'en disposât pas à temps ?
Tout cela m'amène à formuler une proposition, certes novatrice, mais qui mériterait peut-être d'être étudiée : il s'agirait de faire en sorte que le Commissariat général du Plan, dont l'indépendance serait garantie par la loi, comme la Banque de France, soit à la disposition du Gouvernement et du Parlement, sans qu'aucun d'eux ne puisse interférer sur les travaux demandés par l'autre partie.
Dans ces conditions, il faudrait que le commissaire au Plan puisse être nommé à la fois par le Premier ministre et par les présidents des deux assemblées.
Quelle que soit la solution retenue, il y a au moins une certitude : la situation actuelle ne peut perdurer.
Notre action manque de perspective, le court terme nous aveugle, les immenses réformes de structures qui nous attendent nous effraient, bref, comme une automobile, plus une société va vite, plus elle a besoin d'un éclairage qui porte loin.
Nous avons, avec le Commissariat général du Plan, comme avec la DATAR, des outils aux potentialités considérables que, faute d'imagination et d'ambition, nous laissons lentement dépérir.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de vouloir réformer les autres, il serait bon que l'Etat montre l'exemple en se réformant lui-même. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Percheron.
M. Daniel Percheron. Monsieur le secrétaire d'Etat, la France vit à l'heure non plus du Plan mais des marchés, si exigeants et si contraignants. La France de la décentralisation, quant à elle, vit pourtant depuis une quinzaine d'années à l'heure des plans régionaux, des contats de plan Etat-région dans la relative indifférence de nos concitoyens, dans la réelle complexité des financements croisés et dans l'incertitude lucide des élus quant à l'efficacité de cette procédure qui fut novatrice, séduisante et qui demeure mobilisatrice pour nos conseils régionaux.
C'est au sujet de l'évaluation des contrats de plan Etat-région que je voudrais brièvement vous interroger, monsieur le secrétaire d'Etat, en indiquant aussi tout naturellement par précaution, étant le seul orateur socialiste, que nous approuvons totalement votre budget.
La première question que je voulais vous poser l'a déjà été par M. le rapporteur spécial : la procédure telle qu'elle est aujourd'hui figée a-t-elle un avenir ou est-elle liée plus précisément à un approfondissement de la décentralisation ?
J'en viens à ma deuxième question. Pour garder tout son sens, la planification décentralisée, aujourd'hui la seule planification à la française, peut-elle mettre un terme à la perversité des derniers contrats de plan Etat-région intéressant les régions en crise, les régions en difficulté et concernant donc la cohésion nationale ?
C'est l'élu régional du Nord - Pas-de-Calais chargé du contrat de plan qui vous fait part de ses réticences et de ses inquiétudes. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, sans une volonté politique forte et planificatrice, sans une attention soutenue et contractualisée de l'Etat, les régions de vieilles industries, les anciennes grandes régions industrielles, ne peuvent envisager l'avenir sereinement. Le marché peine, c'est le moins que l'on puisse dire, à remplacer les emplois industriels disparus. Le Nord - Pas-de-Calais en fait l'amère expérience, comme les Länder de l'ex-Allemagne de l'Est, qui bénéficient pourtant d'une aide importante.
Or, paradoxalement, depuis les années quatre-vingt-dix, et encore plus depuis 1993, le contrat de plan aggrave la situation des régions en crise pour une raison simple, évidente, rarement soulignée, qui, pour l'instant, n'a pas été analysée par le commissariat du Plan et reste ignorée par la DATAR.
A travers le contrat de plan, l'Etat oblige les régions, aussi pauvres soient-elles, à cofinancer ses propres compétences. Il en est ainsi des grandes infrastructures routières ou portuaires. Les sommes en jeu sont considérables. Une évaluation des dépenses routières de l'Etat avant 1986 et après la signature des premiers contrats de plan serait la bienvenue. Il en est également ainsi du développement des universités. Là aussi, les dépenses concernées sont significatives.
Au total, pour le Nord - Pas-de-Calais, comme pour nombre de régions, ce sont plusieurs centaines de millions de francs qui sont affectés chaque année au financement des compétences essentielles de l'Etat et qui déséquilibrent, voire paralysent, les budgets régionaux.
En revanche, l'Etat se refuse systématiquement, catégoriquement, à cofinancer les compétences régionales, aussi lourdes soient-elles. Je pense à la compétence régionale des lycées, soumise à l'ardente obligation nationale, politique, de porter 70 % ou 80 % de notre jeunesse au niveau du baccalauréat.
Le contrat de plan Etat-région ne vient pas en aide aux régions en crise mais, à la limite, sollicité l'aide des régions en crise pour financer les compétences essentielles de l'Etat.
Nous avons assisté à un véritable dévoiement, même s'il a été lent et imperceptible, de la contractualisation voulue par M. Michel Rocard. Et une seule vision nationale, cohérente, volontariste de la planification entre l'Etat et la région, de la contractualisation entre l'Etat et les régions, peut éviter les contresens, les absurdités et les handicaps résultant de la juxtaposition de vingt-deux contrats de plan Etat-région.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Daniel Percheron. En conclusion, je poserai une question qui s'adresse au secrétaire d'Etat à l'industrie, mais aussi maire de Saint-Dié, que je salue avec respect.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Maire-adjoint ! (Sourires.) M. Daniel Percheron. Effectivement !
Envisagez-vous de faire travailler les services du Plan et, éventuellement, ceux de la DATAR, qui pourraient oeuvrer ensemble, sur cette perspective novatrice des contrats de plan Etat-région ressourcés, conçus et financés pour aider réellement les régions en difficulté et permettre un aménagement du territoire plus volontariste, plus solidaire et plus efficace ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme l'a montré le rapport pour avis de M. Jean Boyer, les crédits inscrits dans le fascicule « Plan » au titre des services du Premier ministre correspondent, d'une part, à la dotation du commissariat général du Plan et, d'autre part, aux moyens alloués aux organismes qui lui sont rattachés ou qui sont subventionnés.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont de ceux qui pensent qu'une véritable politique du Plan est utile et possible sans autoritarisme ni vision passéiste. Aussi nous réjouissons-nous que le Gouvernement stoppe la réduction des crédits de ce budget, que nous dénoncions depuis de nombreuses années. En effet, celui-ci a été réduit de 20 millions de francs en huit ans ; il conviendrait, dans les années à venir, de rattraper ce retard.
Certes, la planification française telle qu'elle a été menée par le passé ne répond plus aux nécessités du monde moderne. A l'époque de sa création, déjà, le but n'était pas de mettre en place une économie dirigiste. Il s'agissait plutôt de permettre une maîtrise nationale et publique des grands secteurs moteurs de notre économie, une régulation de l'économie de marché.
Aujourd'hui encore, l'Etat a besoin d'un renforcement des pratiques d'évaluation des politiques publiques et d'une vision prospective sur les futurs besoins de notre pays.
Le contexte de crise économique mondiale appelle des lieux de concertation et d'évaluation des choix publics, tant pour notre pays que pour nos relations avec les autres nations.
Dans la perspective d'une politique au service des femmes et des hommes de notre pays, il paraît utile de chercher à réduire l'écart entre l'expression des besoins et les choix des instances dirigeantes. Au-delà de son rôle d'évaluation, il conviendrait donc d'élargir la concertation et le débat, et ce afin d'éviter les ruptures.
De plus, les actions mises en place répondent souvent au coup par coup. Pour contrebalancer ce phénomène, il serait utile de créer des espaces où la réflexion sur le long terme serait privilégiée. Le Plan pourait être l'un de ces espaces.
Enfin, il est temps de rompre avec la logique qu'affectionnait tout particulièrement l'ancienne majorité et qui consiste à laisser au seul marché le soin de tout régir. La difficulté de la planification tient effectivement au fait que le libéralisme économique suivi par la France est contraire à cet exercice.
S'agissant plus directement du budget, je souhaiterais évoquer les annulations de crédits dont est victime, chaque année, le commissariat général du Plan. Ces coupes budgétaires mettent en péril son action et même son existence. Elles sont à bannir.
La gestion en personnel des organismes rattachés au Plan souffre également d'une incertitude budgétaire. Des interrogations demeurent sur leur fonctionnement et le rapport pour avis en fait état.
Malgré ces quelques inquiétudes, pour lesquelles nous souhaiterions avoir des apaisements, monsieur le secrétaire d'Etat, les membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront ces crédits, qui illustrent, pour eux, un budget de transition. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, nous entendrons M. le secrétaire d'Etat après le dîner.

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