M. le président. A la demande de la commission des finances, j'appelle maintenant en discussion deux amendements tendant à insérer des articles additionnels.
Par amendement n° II-1, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 63 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l'article 5 de la loi n° 48-1268 du 17 août 1948 est abrogé à compter du 1er janvier 1999. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il s'agit, là encore, d'un sujet qui, pour des raisons de principe, nous oppose au Gouvernement, mais dans l'intérêt national. Je ne doute pas un instant que nous poursuivions les mêmes objectifs, car M. le secrétaire d'Etat a évoqué tout à l'heure à la tribune le souci de transparence et de complète information du Parlement, et je n'ai, pour ce qui me concerne, aucun doute sur la sincérité de ses propos.
Cela étant dit, je voudrais vous faire part d'une préoccupation que la commission des finances exprime depuis trois années et qui n'a reçu aucune réponse satisfaisante, sinon des réponses dilatoires. Pardonnez-moi de les qualifier ainsi, mais ce terme s'il est sans doute un peu excessif, est le seul qui me vient à l'esprit.
Cela me conduit, au nom de la commission des finances, à déposer un amendement très modéré puisque les mesures qu'il prévoit n'entreront en application qu'à compter du 1er janvier 1999.
C'est une question de fonctionnement de l'Etat. Il s'agit non pas de mettre le Gouvernement le dos au mur, mais de lui signifier qu'il doit tenir compte des recommandations du Parlement.
Cet amendement a pour objet d'abroger le dernier alinéa de l'article 5 de la loi du 17 août 1948, qui autorisait les services financiers à prélever jusqu'à 10 % en principal du contrôle fiscal.
Depuis l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, que chacun connaît bien ici, ce type de prélèvement sur recettes fiscales pour abonder des crédits de l'Etat est totalement prohibé - nous en sommes, je le crois, tous d'accord - et le Conseil constitutionnel en a jugé ainsi, au moins implicitement, en 1982. Aussi, le dernier alinéa de l'article 5 de la loi de 1948 devrait être considéré comme implicitement abrogé, par vos services et par les gouvernements qui se sont succédé, puisque je suis amené à faire les mêmes recommandations chaque année. Or, ce n'est pas le cas. Nous devons donc, mes chers collègues, le faire de manière explicite afin que cette situation ne perdure pas. En effet, il est absolument nécessaire que les comptes de l'Etat puissent être présentés conformément aux règles que nous nous sommes fixées, qu'il s'agisse de la Constitution ou de l'ordonnance du 2 janvier 1959.
Comme je l'ai dit au début de mon propos, un délai a été prévu, puisque cette abrogation entrera en vigueur à compter du 1er janvier 1999. Aussi, je n'arrive pas à comprendre pourquoi le Gouvernement, comme le précédent d'ailleurs, accueille mal cette proposition. En effet, il nous a assurés, voilà un instant, de sa volonté de progresser et de tendre vers l'objectif que je viens de rappeler.
Monsieur le secrétaire d'Etat, puisque nous partageons le même objectif, puisque je vous fixe un cap - le 1er janvier 1999 - comment expliquer que vous n'approuviez pas notre proposition ?
Tout à l'heure, vous avez évoqué le souci de transparence et de complète information du Parlement. Il ne faut jamais oublier que le Parlement trouve ses fondements dans le consentement à l'impôt et dans la vérification du bon emploi des crédits. En l'occurrence, nous sommes, mes chers collègues, dans notre mission. N'y renonçons jamais. Le Parlement doit impérativement rappeler l'exécutif à ses devoirs lorsque c'est nécessaire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous le faisons avec modération, pour montrer la bonne volonté de la commission des finances. L'objectif auquel vous avez bien voulu souscrire à la tribune tout à l'heure est le même que celui de la commission des finances. Nous vous donnons un délai d'un an pour l'atteindre, puisque nous proposons une abrogation à compter du 1er janvier 1999. Franchement, je ne parviens pas à comprendre pourquoi vous n'approuvez pas ce dispositif.
En tout cas, quels que soient les bons arguments que donnera M. le secrétaire d'Etat, comme son prédécesseur - j'ai repris la réponse que celui-ci m'avait faite la dernière fois, et je crains de retrouver aujourd'hui exactement les mêmes arguments - j'annonce par avance que je vous écouterai très respectueusement, monsieur le secrétaire d'Etat, mais que je n'ai pas l'intention de changer d'avis. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Nous sommes donc bien d'accord sur l'idée de promouvoir la transparence et l'information la plus complète possible au Parlement, comme vous venez de le rappeler, monsieur le rapporteur général. Il s'agit de deux objectifs tout à fait convergents.
Pour nous, comme pour vous, monsieur le rapporteur général, cela signifie que la totalité des crédits, sans aucune restriction, qu'ils relèvent de l'article 5 ou de l'article 6, doivent faire l'objet d'une description détaillée, qu'il s'agisse de leur montant ou de leur affectation budgétaire, description déjà opérée chapitre par chapitre dans un document annexé au projet de loi de finances, que l'on appelle le « jaune » et qui retrace l'intégralité des fonds de concours.
Je ne vous ferai pas l'injure, monsieur le rapporteur général, de vous rappeler, à vous-même ainsi qu'à l'ensemble de vos collègues, qu'il s'agit d'un amendement parlementaire. C'est donc le Parlement qui a défini les conditions d'information et de transparence que nous appliquons strictement et auxquelles nous nous référons vous et moi. Nos prédécesseurs ont accepté cet amendement, et nous mettons en oeuvre, avec une grande rigueur, les dispositions qu'il prévoit.
Nous avons donc - avec l'aide de la Cour des comptes, je l'ai rappelé - parcouru un chemin qui me paraît digne des plus grands éloges dans la voie de la transparence.
Si l'on adoptait l'amendement n° II-1, on remettrait en cause le processus consensuel qui a existé et qui a permis que convergent les observations de la Cour des comptes, le souhait du Parlement et la volonté du Gouvernement. C'est pourquoi, ayant répondu aux demandes qui lui avaient été adressées, et l'ayant fait, du moins je le crois, de manière objective et amplement détaillée, le Gouvernement souhaite que le Sénat repousse cet amendement.
Je veux ajouter quelques précisions.
Les amendements que vous avez déposés, monsieur le rapporteur général, et plus encore le rapport très documenté qui est le vôtre montrent que, à l'évidence, vous avez disposé des informations détaillées et complètes que vous avez raison de nous réclamer.
Les services du ministère des finances ont répondu avec une grande minutie au questionnaire, lui aussi précis et détaillé, que vous leur aviez adressé.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il n'ont fait que leur devoir !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ils ont fait leur devoir, et vous conviendrez avec moi qu'ils l'ont, comme toujours, excellemment fait !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je les salue !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général.
En 1996, les fonds de concours ont représenté 73,3 milliards de francs pour le budget de l'Etat, au profit de la plupart des administrations. Je suis un peu surpris, permettez-moi de le dire, de ce coup de projecteur subit donné dans ce domaine sur les services financiers...
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'est la troisième fois !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... car les fonds de concours servent au bon accomplissement des missions de ce ministère et il ne me paraît pas que les moyens qui lui sont dévolus au ministère soient disproportionnés par rapport aux missions qui sont les siennes et qu'effectuent avec compétence ses 180 000 fonctionnaires ou contractuels.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ce n'est pas le problème !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'observe qu'au cours des cinq dernières années - cela est important car cette donnée va peut-être contribuer à résoudre notre problème - le produit de l'ensemble des fonds de concours des services financiers a progressé deux fois moins vite que les crédits budgétaires. Il y a, c'est vrai, pour le Gouvernement, une forte obligation de progresser dans la voie de la réintégration des fonds extrabudgétaires, et ce pour l'ensemble des administrations, et pas simplement pour celle des finances - je le redis, au risque de paraître un peu « nationaliste » ! (Sourires.)
Les fonds en cause ne sont pas des fonds clandestins,...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Certes !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... chacun le reconnaîtra. Leur origine comme leur utilisation sont connues du Parlement, qui est informé par les rapports de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances et par les réponses fournies au questionnaire parlementaire, je l'ai indiqué à l'instant. Je souhaite donc, conformément à l'article 110 de la loi de finances pour 1996 et au souhait exprimé dans l'amendement de votre commission, avancer dans la voie d'une information encore plus directe du Parlement.
Dans l'intervention que j'ai faite voilà quelques instants, j'ai montré que des réintégrations importantes, mesdames, messieurs les sénateurs, sont en voie d'être opérées ou sont d'ores et dejà réalisées : la transformation de la masse des douanes en établissement public administratif a reçu un avis favorable du Conseil d'Etat et devrait être mise en oeuvre avant la fin de l'année 1997 ; le texte permettant de réintégrer 50 millions de francs de ressources pour services rendus de la comptabilité publique est à l'examen du Conseil d'Etat ; 12 autres millions de francs suivront désormais la procédure de rétablissement de crédits. Nous ne sommes pas inactifs en matière d'application rigoureuse et volontaire de l'article 110 de la loi de finances de 1996. Nous appliquons loyalement ce texte.
Je demande donc au Sénat de tenir compte de la direction qui a été tracée et de la volonté politique qui est manifestement la nôtre. En repoussant l'amendement proposé par M. le rapporteur général, il donnera la main au Gouvernement pour aller plus loin - nous sommes les premiers à le faire de manière aussi nette - dans le sens de la transparence et de l'information du Parlement.
Accomplissons cette tâche ensemble, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le souci d'approfondir la démocratie, pour préciser ce qui figure dans le « jaune », le faire connaître et en discuter, car c'est cela, au fond, le véritable sens du débat budgétaire dont nous abordons aujourd'hui l'un des aspects aujourd'hui de manière publique.
Monsieur le rapporteur général, en terminant, permettez à celui qui défendait pour la première fois un projet de budget devant le Sénat de dire combien il a apprécié la courtoisie qui a présidé à cette discussion. Voilà qui honore la Haute Assemblée ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cette courtoisie est à votre image, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-1.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le moins que l'on puisse dire est que la commission des finances de notre Haute Assemblée ne manque pas de constance dans sa stratégie d'amendement.
M. le secrétaire d'Etat l'a rappelé à l'instant, en loi de finances pour 1996, il avait été adopté un article 110 ainsi rédigé : « A compter du projet de loi de finances pour 1977, les recettes et dépenses extrabudgétaires de toutes les administrations d'Etat sont réintégrées au sein du budget général. »
L'amendement n° II-1 procède pleinement de cette démarche.
Le dernier alinéa de l'article 5 de la loi n° 48-1268 du 17 août 1948 est en effet ainsi rédigé : « Les crédits nécessaires au développement du contrôle unique des règles financières, à la mise en place effective des services du casier fiscal et d'expertise fiscale, à la recherche et à la répression des fraudes fiscales seront ouverts, dans les conditions prévues à l'article 6 ci-dessous, dans la proportion maximum du dixième du montant des recouvrements attendus de l'assiette des droits en principal afférents aux omissions et insuffisances. »
Dans les faits, la proposition qui nous est faite par M. le rapporteur général appelle plusieurs remarques.
Elle motiverait, si elle était appliquée, une réduction équivalente des crédits effectivement ouverts au titre des services financiers puisqu'il y aurait réintégration des sommes définies en vertu des dispositions de l'article 5 de la loi de 1948 dans le budget général.
Elle pose toutefois une autre question. Après avoir tenté d'expliquer par tous les moyens la nécessité de réduire des crédits budgétaires donnés, la majorité de la commission des finances nous propose, en fait, de procéder à une sorte de réduction des dépenses budgétaires par substitution de recettes extrabudgétaires dans le cadre du budget général.
La même observation vaut, d'ailleurs, pour l'amendement n° II-2, que nous allons examiner juste après.
Mais, dans les faits, la commission des finances est favorable à une remise en cause du statut des agents des administrations financières.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cela n'a rien à voir !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le produit des recouvrements contentieux affecté au fonctionnement de ces administrations participe en effet de la politique de rémunération des agents de ces administrations.
Il permet, notamment, de motiver l'attribution de primes diverses dont le montant corrige parfois de manière assez sensible l'évolution pour le moins erratique des rémunérations indiciaires.
Je ne crois pas, de surcroît, qu'il soit dans les intentions de nos collègues de la majorité de la commission des finances de transformer, dans les faits, lesdites indemnités en bonification indiciaire complémentaire et de les intégrer dans les traitements versés aux agents.
Je m'interroge même sur les motivations profondes de cet amendement, qui tend à montrer du doigt les agents pour le moins consciencieux et respectueux de l'intérêt général de nos administrations fiscales, qui jouiraient d'une sorte de privilège exorbitant du droit commun de par les dispositions de l'article 5 de la loi de 1948.
Qu'ont donc fait, monsieur le rapporteur général, les agents du contentieux fiscal pour mériter tant d'attentions de la part de la majorité de la commission des finances ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ce ne sont pas les agents qui sont en cause, madame.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous comprendrez que nous rejetions sans ambiguïté cet amendement de la commission des finances, qui tend, en fait, à légitimer d'une certaine manière la réduction des dépenses publiques par une réduction de la charge pesant sur la fraude fiscale.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Mes chers collègues, le contrôle parlementaire, la transparence, la conformité à la loi organique et à la Constitution sont des soucis légitimes de notre rapporteur général. C'est normal, et je crois que nous partageons tous ses sentiments.
Donc, de ce point de vue, il n'y a pas d'ambiguïté. Dans cette affaire, c'est non pas le fond que je mettrai en cause mais simplement la méthode, en faisant observer au passage qu'il y a une certaine contradiction dans la démarche qui consiste à supprimer l'article 63 ter, introduit par l'Assemblée nationale, et à en venir maintenant aux amendements n°s II-1 et II-2.
Si vous me le permettez, monsieur le président, et pour faire gagner du temps au Sénat, je m'exprimerai à la fois sur ces deux amendements, car ils ont le même objet.
J'en viens au dernier alinéa de l'article 5 de la loi de 1948. Une loi de 1948, cela peut paraître un peu désuet, un peu ancien, mais c'est, en fait, une grande loi institutionnelle de la IVe République puisque c'est celle qui, dans le silence de la Constitution de 1946 - silence coupable ! - a défini les limites du pouvoir réglementaire, ou plutôt a créé le pouvoir réglementaire et en a défini les limites.
Que dit donc cette loi ?
Que la responsabilité de l'organisation des services de l'Etat est par nature réglementaire et relève du pouvoir exécutif, et, en ce qui concerne les régies financières, qu'un prélèvement d'un dixième sera effectué sur un certain nombre de produits résultant du contrôle fiscal pour financer le contrôle unique des régies financières, le casier fiscal, l'expertise fiscale, la recherche et la répression des fraudes fiscales.
Le Gouvernement est donc dans sa compétence, compétence réglementaire qu'en matière d'organisation des services il n'a pas perdue sous la Constitution de 1958 - que dis-je ! elle en sort renforcée puisqu'elle a été confirmée par les articles 34 et 37 de la Constitution.
On veut donc supprimer le dernier alinéa de l'article 5 de la loi de 1948, c'est-à-dire le fonds de concours qui a été institué, dont - je dois le dire, monsieur le rapporteur général - on peut indéfiniment discuter la constitutionnalité par rapport à la loi organique. Mais, comme vous le savez, dans plusieurs décisions, le Conseil constitutionnel a dit que l'on ne rouvrait jamais le débat sur des lois promulguées.
On l'aurait fait, d'ailleurs, si le Sénat avait accepté la proposition du président François Mitterrand concernant le contrôle de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel des lois déjà promulguées. Mais on ne l'a pas voulu, et par conséquent, la messe est dite, n'en parlons plus !
Mes chers collègues, dans cette affaire, les crédits - et leur organisation, leur présentation - tirent les conséquences de l'organisation administrative du contrôle fiscal, et, monsieur le rapporteur général, je crois qu'un amendement parlementaire ne saurait imposer au Gouvernement de modifier l'organisation de ses services à travers la loi de finances puisque ce serait une injonction contraire aux articles 34 et 37 de la Consitution.
J'ajoute que, comme la création des fonds de concours - je vais en parler dans un instant - est exclusivement du domaine réglementaire, à la limite, supprimer un fonds de concours créé par la loi de 1948 n'empêcherait pas le Gouvernement de le recréer par simple voie réglementaire. Je ne vois pas très bien ce que nous y gagnerions !
Quant au second amendement, il concerne l'affectation des frais d'assiette et de recouvrement des impôts locaux directs.
Là, mes chers collègues, le choix a été fait : c'est le fonds de concours. C'est une procédure particulière d'affectation, prévue et autorisée par les articles 18 et 19 de la loi organique, qui concernent les fonds versés volontairement ou non - là il s'agit d'impôts, qui ne sont pas volontaires - par des personnes physiques ou morales pour concourir, avec ceux de l'Etat, à des dépenses d'intérêt public.
Or, en l'espèce, il s'agit de l'établissement de l'assiette et du recouvrement des impôts locaux, dont je dis en passant qu'ils mobilisent plus de la moitié des services des administrations financières, qui sont principalement rémunérés par l'Etat, ces fonds ne venant qu'en complément pour alimenter, comme l'ont dit Mme Beaudeau et M. le rapporteur général, le régime indemnitaire des agents.
Les fonds de concours relèvent incontestablement - c'est la loi organique - du domaine réglementaire ; la loi de finances ne fait qu'en tirer les conséquences. On ne peut donc pas supprimer par la loi un fonds de concours puisque c'est réglementaire, et le Gouvernement lui-même ne peut même pas nous proposer de le supprimer puisqu'il ne peut pas demander à la loi de faire ce qui n'incombe qu'à lui, contrairement à ce qui se passe pour les comptes spéciaux du Trésor ou pour les budgets annexes, qui, eux, ne peuvent être créés que par la loi, certes sur proposition du Gouvernement, mais par la loi.
Donc, mes chers collègues, toute intrusion de la loi dans le domaine réglementaire est, en la matière, contraire à la loi organique, et toute intrusion ayant pour objet de remettre en cause des décisions réglementaires est une injonction, comme je l'ai dit tout à l'heure pour le dernier alinéa de l'article 5 de la loi de 1948.
On peut évidemment, mes chers collègues, décider de faire tomber les recettes fiscales en cause dans le budget général ; c'est ce que propose M. le rapporteur général.
Mais cette décision aurait pour conséquence de priver le pouvoir réglementaire de la possibilité d'user des facultés que lui donnent les articles 18 et 19 de la loi organique en matière de fonds de concours, et serait donc contraire à la loi organique.
La suppression du régime indemnitaire propre au personnel des régies financières ne relève donc pas de la compétence parlementaire, comme d'ailleurs l'ensemble des régimes indemnitaires, qui sont du domaine réglementaire.
Est-ce vraiment ce que l'on vise ? M. le rapporteur général nous dit non, et je le crois. Il ne s'agit pas, j'espère, de s'en prendre au régime indemnitaire des administrations financières, qui sont - permettez-moi de vous le dire avec insistance, au moment où l'on voit un certain nombre de choses qui se délitent ici et là - l'un des piliers de l'Etat dans la République.
On pourrait comprendre et admettre la réaction des chambres, en particulier celle de notre rapporteur général, si le contrôle parlementaire était impossible sur ces opérations ou si l'on nous interdisait de l'améliorer. Mais ce n'est pas le cas, et notre rapporteur général le sait bien : il peut obtenir, exiger et même aller chercher tous les renseignements de nature à améliorer son information, celle de la commission des finances et la nôtre. Et l'on sait qu'il n'y a aucune irrégularité ni manipulation dans l'utilisation de ces fonds.
La question, en revanche, se pose pour d'autres régimes indemnitaires, monsieur le rapporteur général, dont la gestion n'est pas autant livrée à l'appréciation du Parlement.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Très bien !
M. Michel Charasse. Je pense, en particulier, aux fonds communs des corps techniques, ponts et chaussées et génie rural. Ces fonds sont alimentés, eux aussi, par les contribuables des collectivités locales.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur Charasse, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Michel Charasse. Avec un plaisir que vous n'imaginez pas, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur Charasse.
Mon cher collègue, en votre absence, j'avais très fidèlement demandé à M. le secrétaire d'Etat, tout à l'heure, qu'il réponde à la question que vous venez d'évoquer. Il m'a promis une réponse écrite.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse. La réponse, je vais vous la donner, monsieur le rapporteur général. (Rires.)
Ces fonds sont alimentés, eux aussi, par les contribuables des collectivités locales, en rémunération des travaux effectués par les services de l'Etat pour le compte desdites collectivités.
J'ajoute que ces travaux sont effectués pendant le temps de travail des agents concernés, qui sont donc payés deux fois - une fois par l'Etat et une fois par les collectivités locales - contrairement aux agents des finances, qui ne travaillent qu'une fois et ne sont payés qu'une fois ?
Or ces fonds, dont je ne critique pas le principe, de même que je ne critique pas le principe du régime indemnitaire qui en découle, sont constitués, monsieur le rapporteur général, sous forme de comptes particuliers gérés dans les écritures, régulièrement certes, mais dans le plus grand mystère, par chaque trésorier-payeur général de chaque département et ne sont pas retracés dans la loi de finances.
Dès lors, monsieur le rapporteur général, allant dans votre sens - mais à bon escient ! -, ne faudrait-il pas que ces comptes apparaissent dans le budget de l'Etat pour que le contrôle parlementaire puisse s'exercer normalement sur tous les fonds de rémunération des agents de l'Etat ! Là, il y a urgence, monsieur le rapporteur général !
M. Alain Lambert, rapporteur général. M. le secrétaire d'Etat va vous répondre.
M. Michel Charasse. En effet, avant de se pencher sur une procédure - celle du ministère des finances - claire et transparente, il vaudrait mieux sans doute se pencher sur des procédures en vigueur dans d'autres ministères et qui ne sont ni claires ni transparentes.
Là, croyez-moi, monsieur le rapporteur général, il n'y aurait aucun risque de violer la Constitution ou la loi organique, pas plus qu'à s'interroger sur la gestion des fonds de concours en général et la trésorerie à bon compte que se fait l'Etat par le biais de l'ensemble des fonds de concours - et ceux des finances, dans cette affaire, pèsent bien peu !
Je veux simplement vous supplier, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne pas tirer de ce débat la conséquence rigoureuse que vous pourriez être tenté d'en tirer. Parce que, après tout, dans cette affaire qui touche au domaine réglementaire et au domaine législatif, vous pourriez, monsieur le secrétaire d'Etat, invoquer l'article 41 de la Constitution et consulter le président du Sénat pour lui demander s'il pense que les amendements sont recevables au regard de la Constitution !
Et si, par malheur, le président du Sénat n'était pas d'accord avec le Gouvernement, ce serait alors la saisine du Conseil constitutionnel, qui a huit jours pour se prononcer. Autrement dit, nous n'aurions pas le temps de respecter les délais prévus pour le vote de la loi de finances au Sénat.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, quelle que soit votre opposition aux deux amendements de notre rapporteur général, je vous supplie de ne pas priver le Sénat, par cette procédure qui est à votre disposition, de son droit sacré de se prononcer sur le budget de l'Etat ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Tout le monde envie le talent de notre collègue Michel Charasse, notamment lorsqu'il évoque les règles constitutionnelles. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, votre conscience doit vous autoriser à faire ce que vous croyez devoir faire dans l'intérêt supérieur du pays.
Cela étant, mes chers collègues, nous ne légiférerons pas sous la menace, quelle qu'elle soit. Dès lors, en conscience, faisons en sorte que les recettes de l'Etat et les dépenses de l'Etat soient intégralement retracées dans le budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-1. repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 63 ter.
Par amendement n° II-2, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 63 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« A compter de l'exercice budgétaire 1999, la totalité du produit des prélèvements pour frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvement ou de non valeur des taxes locales est prise en compte pour évaluer les recettes fiscales de la loi de finances de l'année.
« Les crédit correspondants sont inscrits dans la loi de finances de l'année. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Je vais le mettre aux voix.
M. Paul Loridant. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Avec cet amendement n° II-2, nous franchissons, si l'on peut dire, un palier supplémentaire par rapport à l'amendement que nous venons d'examiner.
Il s'agit, selon la proposition qui nous est faite par la majorité de la commission des finances, de faire des frais d'émission et de gestion des rôles de la fiscalité directe locale un élément des recettes budgétaires de l'Etat.
En cette matière, il me semble nécessaire que nous ayons une exacte mesure de ce que cela représente. L'affaire est tout de même importante pour nous qui sommes, pour la plupart, des gestionnaires locaux.
La fiscalité directe locale rapportant aujourd'hui un peu plus de 300 milliards de francs, lesdits frais s'élèvent à un montant que l'on peut estimer entre 15 milliards de francs et 17 milliards de francs.
Que signifie donc la mesure préconisée par la commission des finances ?
Si l'on considère que le produit des frais de gestion serait affecté de manière exclusive au budget des services financiers, cela revient à dire que 30 % à 40 % des emplois budgétaires de nos administrations financières seraient en quelque sorte gagés sur la perception des frais de rôle.
On imagine les conséquences sur la gestion du personnel des administrations financières que pourrait avoir cette précarisation des moyens de fonctionnement, prélude à la précarisation des conditions de travail elles-mêmes.
Dans l'hypothèse où, a contrario, les recettes concernées seraient versées au budget général, se posent alors d'autres problèmes.
Une partie des sommes collectées est effectivement utilisée aujourd'hui dans le cadre des services des impôts pour rémunérer la charge de travail résultant de la constitution des rôles d'imposition. Une autre partie de ces produits, de loin la plus importante, est aujourd'hui utilisée pour faire face au règlement des procédures gracieuses de remise de dettes fiscales, qu'il s'agisse non seulement de la taxe d'habitation, et des taxes foncières, mais aussi de la taxe professionnelle qui, dans ce domaine du recours gracieux, représente l'essentiel des engagements.
Mes chers collègues, posons-nous la question : comment financerons-nous ces recours gracieux, d'ailleurs le plus souvent tout à fait justifiés, si le produit des frais de rôle est « banalisé » au sein des recettes de l'Etat ?
Enfin, une question se pose quant à la logique que la commission des finances a adoptée depuis le début de la discussion de ce projet de loi de finances. En effet, ces 15 à 17 milliards de francs de « recettes budgétaires nouvelles » sont autant de milliards de francs d'annulations de recettes de plus.
Où se situent les priorités de la commission des finances ?
Ou bien, si l'on ne change rien à la lettre des recettes, quelles dépenses proposez-vous d'augmenter, monsieur le rapporteur général ? Nous vous saurions gré, au-delà de la portée de cet amendement qui pose un problème de fonctionnement, de nous dire l'utilisation que vous entendez faire des sommes ainsi réintégrées dans le budget.
Mes chers collègues, en tout état de cause, vous comprendrez aisément que notre groupe ne puisse accepter cet amendement n° II-2.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 63 ter.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services financiers et la consommation.

Budget annexe des monnaies et médailles