Par amendement n° II-45 M. Belot, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 3 milliards de francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à moins 179 160 000 francs.
La parole est à M. Belot, rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. J'ai déjà indiqué, dans mon exposé introductif, les raisons pour lesquelles nous avons présenté cet amendement ; je n'y reviendrai pas. D'ailleurs, M. le secrétaire d'Etat a donné la réponse à la question que j'avais posée.
Je vous ferai simplement observer, monsieur le secrétaire d'Etat, que la somme prévue permet une augmentation et une marge de négociation globale sur une année de 0,5 %, ce qui n'est pas de nature à entraîner une rupture du dialogue social au sein de la fonction publique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure, je demande au Sénat de rejeter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-45.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, quand il s'agit des intérêts supérieurs de notre pays et de sa place dans la future construction européenne, il n'y a manifestement pas de petites économies.
C'est, en tout cas, l'impression que nous laisse, dans un premier temps, cet amendement présenté par M. le rapporteur spécial du budget des charges communes et concernant l'évolution des crédits du titre III de ce budget.
Il nous est, en effet, proposé, à travers deux amendements, de mettre un peu plus de 8 milliards de francs d'économies à la charge du budget des charges communes.
Il est vrai que, sur un plan strictement comptable, ce budget représente aujourd'hui un volume d'engagements de quelque 675 milliards de francs et que le ratio de réduction de 1,44 % qui est appliqué depuis l'examen des budgets de la seconde partie du projet de loi de finances se traduit par des montants pour le moins importants.
L'amendement n° II-45 que nous examinons porte sur les crédits du titre III. Il tend concrètement à rendre à peu près inutile la négociation salariale dans la fonction publique, en proposant d'annuler purement et simplement les crédits ouverts au titre des mesures générales concernant les agents du secteur public et, en l'occurrence, la provision de 3 milliards de francs que le budget a prévue en ce domaine.
La commission des finances nous propose donc, en toute logique et en cohérence avec sa démarche, après la réduction du nombre des créations de postes effectives dans le secteur public, de passer à la seconde phase qui consistera à assurer le gel de la rémunération des fonctionnaires actuellement en poste.
Nous reconnaissons, ici, la constance des positions de la majorité de la commission des finances tout en nous interrogeant sur la portée réelle de ces propositions.
L'évolution des rémunérations du secteur public est, en effet, qu'on le veuille ou non, une sorte de référence pour les négociations salariales dans le secteur privé et toute mesure tendant à freiner cette évolution conduit de manière très naturelle à accentuer la pression sur les salaires dans le privé.
Or moins de salaires, c'est moins de pouvoir d'achat, un partage des fruits de la croissance moins équilibré et, en bout de course, une remise en question même de cette croissance, avec tout ce qu'il en résulte pour les recettes fiscales et, in fine, pour le niveau des comptes publics.
Nous refusons cette démarche malthusienne, défendue d'ailleurs au nom de la sacro-sainte liberté du commerce et d'entreprendre. Nous rejetons donc cet amendement et nous demandons au Sénat de faire de même par scrutin public, afin que nul n'ignore les conséquences de ce vote. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Gérard Miquel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Cet amendement vise à supprimer 3 milliards de francs dans le chapitre 31-94 du titre III, c'est-à-dire la provision pour la négociation salariale avec les syndicats de la fonction publique.
Quelle est la raison de cette suppression ? Elle viserait à poursuivre la politique du gouvernement précédent, qui consistait à diminuer le pouvoir d'achat des fonctionnaires et à réduire systématiquement les effectifs, cette « mauvaise graisse », selon le mot particulièrement malheureux de M. Juppé.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il est vrai que c'est différent du mammouth !
M. Gérard Miquel. Nous ne pouvons pas vous suivre dans cette démarche idéologique. Des choix ont été opérés par le nouveau gouvernement : ils consistent à engager une politique d'augmentation maîtrisée du pouvoir d'achat des fonctionnaires et à stabiliser les effectifs en privilégiant des secteurs où les besoins se font sentir, telles l'éducation nationale et la justice. Il s'agit d'une approche efficace et réaliste, qui est le contraire de votre approche idéologique.
Nous ne pouvons pas, en effet, accepter que, par cette mesure incompréhensible, vous poursuiviez cette sorte de « mise en pâture » d'une catégorie de Français qui ne le mérite pas. La stigmatisation est facile et a des relents poujadistes qui ne nous plaisent pas.
Estimez-vous vraiment que la majorité des fonctionnaires gagnent trop ? Constituent-ils une caste de privilégiés ? Estimez-vous vraiment que les effectifs de la police, de l'éducation nationale et de l'équipement, par exemple, sont trop importants ? Dans quels secteurs souhaitez-vous d'ailleurs supprimer des postes ?
Cette approche ne repose pas non plus sur la réalité des faits. Où sont les dérives des coûts dans la fonction publique, quand on sait que la part qui lui est consacrée au sein de l'économie est passée de 9,3 % du PIB en 1983 à 7,9 % en 1992 ?
Où sont les dérives des traitements des fonctionnaires, quand on sait que ces traitements ont été gelés en 1996 et qu'ils n'ont augmenté que de 1 % en 1997, sans, d'ailleurs, qu'une quelconque négociation contractuelle ait été réalisée ? Une récente étude de l'INSEE conclut clairement à la perte de pouvoir d'achat subie par les fonctionnaires, même si des débats ont lieu sur le montant de cette perte.
Enfin, pour démontrer le caractère idéologique et irréaliste de cet amendement, j'ajoute que, l'année dernière, 1,5 milliard de francs était prévu pour provisionner les hausses de traitement dans la fonction publique, qui, je l'ai déjà dit, étaient insuffisantes. Pourquoi n'aviez-vous pas proposé la suppression de cette provision ?
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, votre démarche nous paraît irréaliste et dangereuse. Il n'est pas possible, pour des raisons d'opposition systématique, pour démontrer que les dépenses peuvent être diminuées, alors que vous ne l'avez pas fait quand vous étiez au pouvoir, de s'en prendre ainsi aux fonctionnaires.
La démarche du Gouvernement est la bonne : les dépenses budgétaires comme les effectifs sont stabilisées, les évolutions de salaires maîtrisées. Nous soutenons sans réserve cette approche, demandée par les Français. C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances souhaite, bien évidemment, faire gagner du temps au Sénat. Mais je ne peux pas laisser l'opposition sénatoriale expliquer son vote sans rappeler que, par cette réduction de crédits, la majorité sénatoriale veut marquer sa volonté de ne pas souscrire à la politique du Gouvernement en matière de fonction publique.
MM. Michel Mercier et Marcel Deneux. Très bien !
M. Gérard Delfau. Nous l'avions compris !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Aujourd'hui, la fonction publique, en général, représente le quart des emplois en France. Par conséquent, c'est la compétitivité française qui est au coeur de ce débat. Mes chers collègues, il est essentiel, pour relever le défi de la concurrence et pour que la France reste un grand pays, de gérer extrêmement bien les ressources humaines de la fonction publique. La majorité sénatoriale estime qu'il est possible d'arriver à une optimisation de cette gestion et d'offrir ainsi à ceux qui assument la mission de service public des perspectives de carrière qu'ils ne pourraient jamais se voir proposer s'il y avait trop de fonctionnaires.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à adopter l'amendement n° II-45 (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il y aura plus de chômeurs !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-45, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des finances, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 38:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 220
Contre 97

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 6 965 214 000 francs. »