M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un budget, ce sont des comptes. Ce sont aussi des intentions et l'occasion d'affirmer une politique.
Si nous nous en tenons strictement aux comptes, l'année 1998 apparaîtra d'abord comme la dernière année de la mise en oeuvre du pacte de stabilité.
Si nous prenons en considération les chantiers qui attendent tant les collectivités locales que le Gouvernement en 1998, cette année apparaîtra, à l'évidence, comme une année chargée et pleine d'interrogations.
C'est à ces deux idées que je bornerai les quelques commentaires que je souhaite faire sur le rapport écrit dont vous disposez.
S'agissant d'abord du pacte de stabilité, qui s'achèvera en 1998, je crois me souvenir qu'il avait été vivement critiqué lors de sa mise en oeuvre, à l'occasion du vote de l'article 32 de la loi de finances pour 1996. Depuis, il semble qu'il ait, pour sa dernière année, fait l'objet d'un consensus, en quelque sorte, entre l'ensemble des acteurs, puisque le Gouvernement a décidé non seulement de ne pas le modifier, mais aussi d'en appliquer strictement les termes.
Nous n'avons cessé de dire que ce pacte de stabilité n'a jamais satisfait les collectivités locales. Force nous est pourtant de convenir qu'au terme de ces trois années il a donné aux collectivités locales des perspectives claires et une certaine lisibilité sur le devenir de leurs relations financières avec l'Etat. Même si, pour reprendre l'expression de notre président, « il n'a jamais représenté un pactole pour les collectivités locales », il leur a néanmoins assuré une certaine sécurité.
Monsieur le ministre, au nom de la commission des finances du Sénat, je dois vous donner acte du fait que le Gouvernement a strictement appliqué les dispositions de l'article 32 de la loi de finances pour 1996 et que le pacte de stabilité a donc été parfaitement respecté.
Dans le jargon que nous avons pris l'habitude d'utiliser, ce que nous appelons « l'enveloppe normée » des concours de l'Etat aux collectivités locales s'accroît, conformément aux dispositions de la loi de finances pour 1996. De ce point de vue, la commission des finances n'a aucune critique à apporter à ce budget. La progression de cette enveloppe normée se fait, je le rappelle, par indexation sur le taux prévisionnel d'évolution des prix.
Toutefois se pose cette année un problème particulier : celui de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui, au sein du pacte de stabilité, continue à obéir aux règles propres qui ont procédé à sa création et, surtout, à des règles qui ont été ajoutées à la suite de discussions parlementaires ultérieures.
Très naturellement, dans le projet de loi de finances pour 1998, la DGF a été « recalée » par rapport aux estimations de la loi de finances initiale pour 1997 pour servir de base au calcul de la DGF pour 1998. Mais, pour la première fois, nous assistons à une régularisation négative de la dotation globale de fonctionnement - la DGF de 1996 a en effet été calculée à partir d'index qui se sont révélés surévalués - de quelque 750 millions de francs qui doit être imputée sur cette dotation versée aux collectivités locales.
Le système même du pacte veut que, s'il n'y a pas de versement au titre de la DGF, il doit y avoir un versement au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, puisqu'il s'agit là de la variable d'ajustement.
Le Gouvernement a souhaité, en quelque sorte, neutraliser les effets de cette régularisation négative de la DGF. Pour ce faire, il a décidé - il faut le souligner, car rien ne l'y obligeait dans la loi ; il s'agit donc d'une décision politique du Gouvernement - d'abonder de 350 millions de francs les crédits globaux versés aux communes au titre de cette neutralisation.
Sur les crédits en eux-mêmes, il n'est donc pas nécessaire de faire un grand commentaire.
Pour ce qui est des concours qui ne figurent pas dans l'enveloppe normée, toutes les règles ont été observées. On peut simplement noter au passage que les dotations au titre du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, sont en baisse, ce qui est révélateur d'une certaine diminution des capacités d'investissement des collectivités locales. Cela aussi mérite d'être souligné, étant donné la part qu'elles jouent dans l'investissement public ciblé.
J'en viens aux interrogations.
Que va-t-on faire l'année prochaine ? Quel sera le nouveau pacte qui liera les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales ? Il vous appartient, monsieur le ministre, de nous parler de ce pacte de demain et de nous faire des propositions.
Il nous semble qu'il devra garantir une évolution des recettes au moins équivalente au taux de l'inflation pour les collectivités locales et, pour être un pacte véritable, il doit être étendu à l'évolution de toutes les dépenses. Il faut en effet veiller à garantir la stabilité des recettes, afin qu'elle ne soit pas remise en cause.
Mme Hélène Luc. Vous n'auriez jamais dû faire un tel pacte de stabilité ! Cela aurait été plus simple !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je voudrais, sans être totalement exhaustif, insister sur un point : la stabilité des concours de l'Etat aux collectivités locales.
Beaucoup de ces concours sont calculés à partir d'index que le pouvoir exécutif retient en fonction soit de ses calculs, soit de la politique qu'il entend mener, soit encore des nécessités de l'équilibre budgétaire. C'est son affaire !
Ces index, il les oppose aux collectivités locales. S'ils se révèlent surévalués, il me semble que les sommes versées aux collectivités locales doivent être acquises. Les espérances ou les calculs du Gouvernement ne devraient pas pouvoir leur être opposés.
Parallèlement à la stabilité des recettes et des concours financiers de l'Etat, nous devons nous orienter vers une plus grande maîtrise des dépenses. Plusieurs sujets d'actualité nous font penser, monsieur le ministre, que nous sommes encore loin d'une telle maîtrise.
J'aborderai très rapidement trois dossiers.
Je commencerai par celui des sapeurs-pompiers. La mise en oeuvre de la loi nouvelle n'est pas sans causer de nombreux soucis, à vous-même, monsieur le ministre, comme à l'ensemble des élus locaux. La masse des crédits nécessaires pour faire face aux dépenses, notamment en matière de personnel, ira probablement en augmentant. Le mode de répartition des dépenses entre les diverses collectivités est certes abordé par la loi de 1996, mais nous croyons avoir compris que vous envisagiez de prendre par décret des mesures fixant une sorte de contingent de « dépenses-incendie » minimal pour les collectivités. Nous serions heureux de vous entendre sur ce point.
Le deuxième dossier qui nous préoccupe, c'est, bien entendu, celui de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL.
Certes, pour cette année, il n'y a pas d'augmentation des cotisations ; mais l'ouverture d'une possibilité d'emprunt dans la loi de financement pour la sécurité sociale montre bien que, s'il n'y a pas danger pour 1998, l'engagement d'emprunts se traduira forcément par la nécessité de leur remboursement et donc par des dépenses supplémentaires au titre de la CNRACL.
Enfin, et c'est le troisième dossier, le dispositif emplois-jeunes n'est pas sans avoir des répercussions financières sur les budgets des collectivités locales. A ce propos, nous devons nous interroger sur la pérennité du financement par l'Etat, tant les collectivités locales ont été, en quelques sorte, « averties » par le système du RMI, qui leur coûte aujourd'hui plus de 3,5 milliards de francs, sans qu'elles aient obtenu la moindre compensation.
Telles sont les quelques questions qui se posent à nous quant à la maîtrise des dépenses, volet qui, oublié dans le premier pacte de stabilité, serait, nous semble-t-il, le bienvenu dans le second pacte, lequel serait non pas évidemment de stabilité, mais de progrès.
Si les comptes ne soulèvent pas de commentaire spécial, l'année 1998 risque néanmoins d'être chargée pour les collectivités locales, compte tenu des annonces qui ont été faites.
Je voudrais, tout d'abord, revenir sur ce que l'on a appelé « l'excédent des collectivités locales ».
En effet, dans le rapport qu'ils ont rendu au Gouvernement, MM. Bonnet et Nasse ont noté que le secteur des administrations publiques locales était devenu « globalement excédentaire en 1996 » et que « cet excédent devrait s'accroître encore en 1997 ».
Toutefois, ne tirons pas de cette situation intéressante la conclusion que les collectivités locales pourraient financer un certain nombre d'équipements, du domaine de l'Etat notamment. Je pense, par exemple, à un plan Université 2000 bis.
Si les collectivités locales connaissent une telle situation financière, c'est en premier lieu grâce à l'énorme effort de gestion qu'elles ont accompli.
Dans le rapport écrit, je montre comment la maîtrise de leurs dépenses de fonctionement a permis aux collectivités locales d'accroître leur épargne disponible pour maintenir leur effort d'investissement à un moment où les choses n'étaient pas faciles. Cette contribution prépondérante des collectivités locales à l'investissement public constitue, nous le savons tous, l'un des moteurs de la reprise économique, moteur qu'il convient de ne pas enrayer, alors qu'un certain nombre de chantiers s'ouvrent devant nous.
Je n'en citerai que quelques-uns.
L'un de ces premiers chantiers est celui des relations fiscales entre l'Etat et les collectivités locales, compte tenu du poids des compensations que l'Etat est amené à supporter dans son budget du fait des diverses mesures législatives régulièrement arrêtées pour atténuer l'effet des impôts directs locaux.
En 1984, le poids des compensations atteignait un peu plus de 24 milliards de francs. En 1997, il va dépasser 76 milliards de francs ! L'Etat prend en charge 23 % du produit théorique de la fiscalité directe locale ; il y a là un vrai problème.
La taxe professionnelle est, bien sûr, l'impôt le plus coûteux pour l'Etat - plus de 57 milliards de francs - malgré l'effort imposé ces dernières années aux collectivités locales, à travers la réforme de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, et aux contribuables, avec l'augmentation du plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée.
Mais, parallèlement, l'Etat encaisse la taxe professionnelle de France Télécom et de La Poste, ce qui fait une rentrée de plus de 6 milliards de francs avec les taxes foncières de ces deux établissements, même s'il en redistribue une certaine partie.
C'est finalement maintenant un système complètement opaque qui régit les rapports financiers entre l'Etat et les collectivités locales du fait des compensations des exonérations. Il faudra bien régler ce problème un jour, même si cela est difficile. Je tiens à relever que l'Assemblée nationale vient de voter deux amendements qui vont alourdir le poids de la taxe d'habitation pour le budget de l'Etat de plus d'un milliard de francs.
Le deuxième chantier qui nous attend est celui du soutien à l'investissement. Le rôle des collectivités locales est essentiel dans ce domaine.
Je crois qu'il nous faudra revoir quelques-unes des règles de fonctionnement du fonds de compensation de la TVA. Les collectivités locales sont très souvent amenées à investir pour le compte de l'Etat, et il est anormal que, dans ce cas, elles n'aient pas accès au fonds de compensation de la TVA, même s'il y a un encadrement par un système de conventionnement.
Vous avez annoncé l'ouverture d'autres chantiers, monsieur le ministre : je veux parler de la révision des bases cadastrales, de la taxe professionnelle, de la taxe d'habitatioin et de l'intercommunalité.
Ce sont des chantiers extrêmement importants. Nous souhaitons que la Haute Assemblée, plus particulièrement sa commission des finances, soit associée aux travaux que mènera le Gouvernement sur ces dossiers d'une très grande complexité. Nous souhaitons également que les conclusions rendues par le comité des finances locales l'an dernier concernant l'établissement de nouvelles bases cadastrales soient prises en compte.
En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais évoquer la situation personnelle des élus locaux au regard des nouveaux textes qui viennent d'être votés sur le financement de la sécurité sociale et qui, sur deux points, semblent conduire à une certaine injustice.
Les indemnités des élus locaux sont soumises à la contribution sociale généralisée ; elle vont l'être dorénavant au taux renforcé, c'est-à-dire 4,1 %.
Comme M. le ministre de l'agriculture vient de le rappeler, des mesures visant à neutraliser les effets de l'utilisation de la CSG comme mode de financement de la sécurité sociale ont été mises en place pour presque toutes les catégories professionnelles.
Or rien n'a été prévu pour les indemnités des élus locaux. En quelque sorte, ces indemnités sont assimilées à des produits d'épargne. Je ne pense pas que ce soit ce que souhaite le Gouvernement. Par conséquent, je vous demande, monsieur le ministre, de rassurer les élus locaux sur ce point.
M. René Régnault. Bonne remarque !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Un deuxième point soulève des interrogations : il s'agit des ressources prises en compte pour le calcul du plafonnement au-delà duquel ne sont plus servies les allocations familiales.
Les indemnités des élus locaux sont soumises à l'impôt sur le revenu - c'est une bonne chose - soit selon un régime particulier, soit selon le régime général. Les termes extrêmement généraux de l'article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale ne me semblent pas permettre que les indemnités échappent à l'enveloppe de ressources prises en compte pour calculer le plafond au-delà duquel les allocations familiales ne sont plus versées.
Or je crois que l'on découragerait les jeunes, notamment les mères de famille, de se lancer dans la vie publique si, en contrepartie de quelques milliers de francs d'indemnité qui ne couvrent ni le temps passé ni l'argent dépensé, ils devaient à la fois sacrifier leur vie de famille et perdre le bénéfice des allocations familiales.
Je vous demande par conséquent, monsieur le ministre, de nous rassurer également sur ce point.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que l'avis favorable que je serai amené à émettre, au nom de la commission des finances, sur les crédits que vous nous soumettez soit en quelque sorte teinté d'inquiétudes. Je souhaite que vous puissiez les apaiser et permettre aux élus locaux de ce pays de poursuivre leur tâche. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE. - M. Courrière applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Bohl, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les concours de l'Etat aux collectivités locales évolueront en 1998 conformément aux règles du pacte de stabilité qui, défini par l'article 32 de la loi de finances de 1996, aura régi les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales pendant trois ans. Ces concours connaîtront une progression limitée.
Il convient tout d'abord de donner acte au Gouvernement de sa volonté de ne pas remettre en cause les engagements pris par l'Etat à l'égard des collectivités locales pour une période de trois ans.
En outre, comme en 1997, aucune augmentation du taux de la cotisation employeur à la CNRACL n'est prévue pour 1998 ; mais cette troisième année d'application du pacte de stabilité conduit la commission des lois à réitérer certaines observations qu'elle souhaite voir prises en compte au cours de la réflexion qui sera menée sur les suites à réserver à ce pacte après 1998, dernière année de son application.
Une première observation concerne le périmètre du pacte de stabilité, qui devrait également concerner les charges des collectivités locales. Cette préoccupation est d'autant plus forte que nous sommes dans un contexte de contraction des ressources locales.
En outre, l'indexation de l'enveloppe du pacte de stabilité sur la seule évolution des prix hors tabac ne tient, à l'évidence, pas compte du rôle économique des collectivités, qui réalisent les trois quarts de l'investissement public.
La commission des lois tient à relever également les conséquences du recalage à la baisse de la dotation globale de fonctionnement de 1997, qui induit, comme l'an passé, une progression de l'enveloppe du pacte de stabilité inférieure à celle des prix dans la loi de finances initiale.
Cette dotation essentielle pour nos collectivités subit, outre les effets du recalage de la DGF de référence, ceux de la régularisation négative de la DGF pour 1996, à concurrence de 750,4 millions de francs.
Le bilan de la répartition de la DGF de 1997 fait ressortir, cette année encore, une mise en oeuvre efficace des critères définis en 1993 et en 1996, notamment pour la répartition de la dotation de solidarité urbaine.
Mais ce bilan suscite également des interrogations pour l'avenir face au poids croissant de la DGF des groupements, qui a représenté un peu plus de 5 milliards de francs et a requis 357 millions de francs supplémentaires.
Par ailleurs, la croissance de 1,38 % de la DGF en 1998 offrira des perspectives limitées aux communes qui, n'étant éligibles ni à la dotation de solidarité urbaine ni la dotation de solidarité rurale, ne bénéficieront que de la seule dotation forfaitaire.
En dépit du maintien des règles du pacte de stabilité en 1998, la commission des lois s'interroge, à l'examen de l'évolution des concours de l'Etat, sur l'existence de moyens nouveaux pour les collectivités locales.
Les incertitudes qui pèsent sur les budgets locaux demeurent préoccupantes. Elles ont été mises en évidence par le récent rapport établi par notre collègue Joël Bourdin, au nom de l'Observatoire des finances locales.
Les collectivités locales doivent faire face à des contraintes fortes liées à l'évolution des charges au titre de leurs dépenses courantes. Rappelons que les départements consacrent 60 % à l'aide sociale et les régions 52 % à l'éducation et la formation professionnelle.
Les collectivités locales assument, en particulier, au titre des compétences spécifiques transférées par l'Etat, des charges en progression sensible.
L'étroitesse des marges de manoeuvres fiscales, la modération de l'évolution des concours de l'Etat, ainsi que la rigidité de certaines dépenses ont conduit les collectivités locales à réduire leur effort d'investissement.
Cette évolution se produit dans un contexte marqué par de nouvelles exigences liées à l'application des normes européennes dans les domaines du traitement des déchets et des ordures ménagères, de l'eau et de l'assainissement.
Ces exigences, qui ont déjà été soulignées dans le rapport établi par M. Daniel Hoeffel, au nom du groupe de travail sur la décentralisation, entraîneront des coûts financiers importants, notamment en termes de dépenses d'équipement.
On peut donc s'interroger sur la capacité des collectivités à financer les équipements nécessaires au respect des réglementations nouvelles.
Dans ce contexte, clarifier les règles du jeu entre l'Etat et les collectivités locales demeure une priorité majeure.
L'exigence de stabilité des charges implique en particulier l'ouverture d'une réflexion sur les normes - notamment dans le domaine de l'environnement - et sur les dates butoir qui leur sont applicables, difficilement conciliables avec un contexte d'évolution très limité des ressources locales.
Elle implique également que la procédure de l'étude d'impact soit généralisée, afin d'évaluer précisément le coût financier des mesures intéressant les collectivités locales.
Enfin, la situation de la CNRACL demeure, pour les collectivités locales, un sujet de préoccupation majeure, en dépit de l'absence d'augmentation de la cotisation employeur en 1998.
C'est bien une réflexion sur l'ensemble des mécanismes de compensation et de surcompensation qui doit être engagée.
Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé son intention d'engager une réflexion sur le coût pour l'Etat des compensations des exonérations et des dégrèvements législatifs, même si le présent projet de loi de finances ne prévoit aucune mesure destinée à le limiter.
Si la situation actuelle n'est, à l'évidence, pas satisfaisante, encore faut-il souligner que les collectivités locales sont fondées à escompter une compensation effective de ces exonérations ou dégrèvements qu'elles n'ont pas décidés elles-mêmes.
En outre, elles sont en droit d'attendre une compensation intégrale et concomitante des charges qui leur sont transférées, compensation qui, au fil du temps, a été moins bien assurée.
La clarification doit également concerner les conditions d'exercice des compétences locales.
Plusieurs grands chantiers, dont certains ont été lancés sous la précédente législature, devraient connaître des développements en 1998. Il en est ainsi de la réforme de l'intercommunalité et du régime des interventions économiques.
Le groupe de travail sur la décentralisation, présidé par notre collègue Jean-Paul Delevoye, y a lui-même consacré une part importante de ses réflexions. Nous souhaitons que vous y portiez attention, monsieur le ministre.
Le Gouvernement a par ailleurs indiqué que la fiscalité locale serait réexaminée en 1998.
La réforme des valeurs locatives, qui a fait l'objet d'importants travaux approuvés, sous certaines réserves, par le comité des finances locales, que préside notre collègue Jean-Pierre Fourcade, apparaît cependant comme un préalable à toute réforme concernant le système de financement local.
Dans un contexte caractérisé par la prolifération des normes, la commission des lois est par ailleurs particulièrement attentive au processus de codification.
Cependant, cet important travail ne peut avoir toute sa portée qu'à la double condition qu'il s'accompagne d'une plus grande stabilité de la règle juridique et que la partie législative du code général des collectivités territoriales, adoptée en 1996, puisse être suivie, dans un délai rapide, de la partie réglementaire, qui en constitue le complément indispensable.
Enfin, s'agissant de la fonction publique territoriale, la commission des lois relève que la mise en place, voulue par le Gouvernement et l'Assemblée nationale, d'emplois publics ou parapublics, en marge des règles ordinaires de la fonction publique territoriale, aura pour effet de recréer une précarité que le législateur a entendu combattre par la loi du 16 décembre 1996. En outre, cela posera, à terme, la question de l'intégration des intéressés dans la fonction publique territoriale.
Je terminerai mon rapport oral par quelques observations relatives à l'administration territoriale.
Les crédits qui lui sont consacrés s'élèvent à 6,16 milliards de francs, soit une baisse de 2,7 %. Cette évolution intègre néanmoins une économie de 220 millions de francs qui étaient destinés à compenser le coût de la suppression de la franchise postale sur le courrier interadministratif et qui se sont révélés supérieurs aux besoins.
Condition d'un dialogue efficace entre l'Etat et les collectivités locales, la déconcentration apparaît comme un aspect essentiel de la réforme de l'Etat qui devrait conduire celui-ci à réorienter ses missions autour d'une fonction d'impulsion, de coordination et de péréquation.
Sous la précédente législature, cette démarche de déconcentration s'est en partie concrétisée au travers de certaines mesures concernant, notamment, la déconcentration de la gestion des crédits de l'Etat expérimentée, avec succès, en matière d'emploi.
La commission des lois considère que le processus de déconcentration administrative doit être poursuivi.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998. ( Applaudissements. )
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 13 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
Je rappelle que, ce matin, la conférence des présidents, en accord avec M. le ministre des relations avec le Parlement, et compte tenu des délais impartis au Sénat pour la discussion budgétaire, a souhaité que la réponse du Gouvernement aux différents orateurs n'excède pas une durée de trente-cinq minutes.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. le président. Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà de l'aspect budgétaire, je voudrais exprimer ma foi en l'avenir de la décentralisation, un thème qui, je le crois, tient à coeur au Sénat.
N'hésitons pas à affirmer que, globalement, la décentralisation est une réussite, bien qu'elle soit exposée régulièrement aux critiques, que la hausse de la fiscalité locale lui soit parfois injustement imputée et que les excédents de trésorerie soient évoqués avec une certaine régularité.
Le groupe de travail de la commission des lois du Sénat a affirmé, au début de cette année, que la décentralisation représentait la réponse adaptée à notre société. En témoigne l'effort important accompli en faveur des équipements publics, puisque près des trois quarts d'entre eux sont réalisés par les collectivités locales.
En outre, le processus de décision est proche du citoyen, ce qui, dans les domaines de compétence qui ont été transférés aux collectivités, constitue un gage d'efficacité.
Ce bilan est positif, malgré les défis que la décentralisation avait à relever : défi de l'évolution démographique, avec le poids des personnes âgées qui pèse de plus en plus lourdement, en particulier sur les départements ; défi du chômage et de l'exclusion sociale, qui a entraîné un accroissement important des dépenses d'aide sociale ; défi de la fracture territoriale, puisque les collectivités locales sont fortement engagées dans des actions concrètes pour réduire les déséquilibres territoriaux.
Il convient de prendre en considération ces éléments lorsque l'on juge la politique des collectivités locales et la décentralisation.
L'évolution de la décentralisation, que MM. les rapporteurs ont excellemment exposée, est évidemment liée aux relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir, au travers de votre budget, respecté le pacte de stabilité, quel que puisse être par ailleurs le jugement personnel que nous pouvons avoir, les uns et les autres, sur ce pacte de stabilité.
Mme Hélène Luc. Ah oui !
M. Daniel Hoeffel. Le moment de vérité sera inévitablement l'année 1999. Quelle sera alors la nature des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales ? Quelle sera l'évolution des dotations ? Quelle réforme faudra-t-il prévoir pour la DGF ? Je reconnais, en effet, que la réforme de 1993, probablement adaptée à la situation de l'époque, ne permettra plus de faire face tant aux besoins qui s'expriment au travers de la dotation de solidarité rurale et de la dotation de solidarité urbaine qu'à l'intercommunalité intégrée, qui absorbera, année après année, une part de plus en plus importante de ces dotations.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. La totalité !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. MM. les rapporteurs ont également évoqué l'avenir de la CNRACL. La solidarité avec les régimes spéciaux devra-t-elle continuer à peser sur la seule CNRACL ou bien devra-t-elle faire l'objet d'une péréquation ou d'une solidarité plus large ?
J'espère, monsieur le ministre, que les mesures qui entreront en vigueur en 1999 feront l'objet d'une concertation préalable entre le Gouvernement et les associations d'élus, dans un esprit de partenariat, avec, si possible, l'instauration d'un pacte de stabilité financière des dépenses et des recettes. (Très bien ! sur les travées de l'Union centriste.)
Tel est, me semble-t-il, le souhait de l'ensemble des élus locaux. Ce sera une condition de la réussite de la décentralisation dans l'avenir.
Je conclurai en évoquant parallèlement des réformes inéluctables.
Je parlerai tout d'abord de la réforme de l'intercommunalité. Vous avez annoncé récemment, monsieur le ministre, qu'un projet de loi serait déposé au Parlement au printemps prochain. Nous en sommes heureux, d'autant que le contenu de cette réforme se situera dans la continuité des travaux préparatoires que le Sénat a engagés depuis un certain temps et qui vont dans le sens de la simplification des structures, de la préservation du volontariat, mais avec incitation, et d'une meilleure solidarité fiscale et financière entre les communes.
Le deuxième point à clarifier concerne l'avenir des « pays », qui émergent dans la loi de février 1995. J'espère qu'ils ne deviendront jamais une structure territoriale supplémentaire et inutile ! (M. Machet applaudit.) Mais seront-ils un jour la préfiguration de l'intercommunalité de demain ?
M. André Maman. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. C'est une question qui mérite d'être posée.
Tout cela est nécessairement lié au statut de l'élu, qui doit être adapté à la fois à l'évolution des structures et au fait que les fonctions de l'élu sont de plus en plus lourdes et les responsabilités qu'il assume de plus en plus complexes.
Dès lors se pose le problème du cumul ou du non-cumul des mandats. Je souhaite que le Sénat fasse preuve, à cet égard, d'une vision ouverte et évolutive. Cela me paraît être la voie du réalisme.
En conclusion, je réitère ma confiance en l'avenir de la décentralisation, qui mérite d'être étendue progressivement. En effet, un pays moderne est un pays décentralisé, et un Etat efficace est un Etat qui se concentre sur ses fonctions régaliennes.
Dans cet esprit, monsieur le ministre, je voterai le projet de budget de la décentralisation que vous nous présentez. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Puech.
M. Jean Puech. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, souscrivant aux analyses de nos rapporteurs et à l'acte de foi en la décentralisation de notre collègue Daniel Hoeffel, je ferai observer que les collectivités locales n'ont pas été au centre des débats budgétaires du Parlement.
La stabilité des dotations de l'Etat a plutôt prévalu, conformément à ce que le Gouvernement nous avait annoncé, et nous nous en réjouissons. Cependant, l'examen des budgets des différents ministères, notamment, bien sûr, ceux du ministère de l'intérieur et du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a été l'occasion de prendre connaissance des projets gouvernementaux pour le premier semestre de 1998.
Le programme est chargé : projet de loi relatif à l'intercommunalité, projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales, projet de loi contre les exclusions, projet de loi sur le sport, projet de loi relatif au schéma national d'aménagement du territoire.
Il faut y ajouter très certainement les travaux relatifs à la réforme du code des marchés publics, à la réforme comptable des départements et des régions, à certains aspects de la fiscalité locale, à la protection judiciaire de la jeunesse, à la prise en charge des personnes handicapées et, bien sûr, à la réforme de la tarification des établissements sociaux et médico-sociaux.
Tous les niveaux de collectivités territoriales et tous les élus sont et seront donc concernés par l'évolution de ces dossiers. Malgré les préoccupations électorales qui vont nous accaparer à un titre ou à un autre, nous devons bien avoir conscience que continuera de se jouer, à l'occasion de l'examen de tous ces projets, l'avenir de la décentralisation.
En effet, la tentation sera toujours grande de revenir au centralisme sous couvert du rôle régulateur de l'Etat et de pratiquer l'égalitarisme sous couvert d'équité. Or, la décentralisation et l'aménagement du territoire sont les deux volets indissociables d'une même orientation politique dont les fondements sont la reconnaissance de la différence, le droit à l'expérimentation, la gestion de proximité, la démocratie et les initiatives locales, l'autonomie des pouvoirs et la répartition des compétences.
Monsieur le ministre, seul un dialogue confiant entre l'Etat et les collectivités locales permettra d'atteindre ces objectifs. Cela suppose deux préalables : d'une part, une grande transparence dans les relations financières entre les uns et les autres et, d'autre part, une concertation technique et politique menée suffisamment en amont de la mise au point de tous les projets de textes évoqués.
Aussi, je me pose une simple question : la période électorale dans laquelle nous entrons nous permet-elle sérieusement de satisfaire ces deux conditions ? Sans doute, la réponse à cette question peut-elle être différente selon les dossiers. Je souhaite que la réponse à cette question soit donnée en toute clarté et pour chaque projet, tant par nous que par le Gouvernement. Si nous voulons accomplir un travail efficace profitable à tous, nous ne pouvons nous dérober à cette interrogation préalable.
Je souhaite ainsi qu'à l'occasion de ce débat vous puissiez nous apporter quelques éléments de réponse aux questions essentielles que je vais essayer maintenant de préciser, monsieur le ministre.
La première d'entre elles a bien sûr trait aux règles du jeu qui doivent présider aux relations financières entre les collectivités locales et l'Etat : je pense notamment à la renégociation du pacte de stabilité financière.
En cette matière, il n'est guère possible d'échapper aux contraintes du calendrier budgétaire de la loi de finances de 1999. Tous les élus en sont conscients. Toutes les associations d'élus, lors de leurs congrès, se sont exprimées sur ce sujet. Les grands chapitres de cet exercice sont donc connus de tous.
Aussi, monsieur le ministre, comment concevez-vous les travaux préparatoires, la concertation ? Vous le savez, j'ai toujours souhaité, d'une part, qu'un travail méthodologique sérieux soit réalisé au préalable en toute transparence - et je m'adresse, à cet égard, bien évidemment autant aux services de Bercy et des autres ministères, qu'à vos propres services - et, d'autre part, que le champ de nos travaux englobe à la fois les charges et les recettes. Un premier pas avait été accompli ; il faut poursuivre dans cette voie et essayer d'aller plus loin.
Dans cette attente, je relèverai quelques points fondamentaux qui me paraissent devoir être arrêtés d'un commun accord entre le Gouvernement et les collectivités territoriales, si l'on ne veut pas que cette négociation soit biaisée dès le départ.
Qu'en est-il des incidences prévisibles sur la fonction publique territoriale des négociations salariales relatives aux rémunérations et à l'aménagement du temps de travail, sans parler des conséquences des mesures concernant les sapeurs-pompiers professionnels dont nous vous avons saisi à plusieurs reprises ?
Quand recommenceront les travaux sur l'avenir de la CNRACL ?
Le Gouvernement appliquera-t-il avec toute la rigueur requise les mesures qu'il a annoncées, qui consistent à maîtriser l'inflation des normes et à produire systématiquement les études d'impact nécessaires après les avoir soumises à une concertation préalable et avant d'engager l'examen des textes législatifs ?
Enfin, il convient que le Gouvernement annonce aussi rapidement que possible ce qu'il entend faire à propos de la révision des valeurs locatives et du calendrier de la réforme de la fiscalité locale qu'il envisage. Des orientations ou des décisions prises sur ces deux sujets dépendront, pour partie, les dispositions à arrêter en matière de relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Sur l'ensemble de ces thèmes, malgré la période chargée difficile que j'évoquais - celle des élections - les élus territoriaux seront présents.
Le Gouvernement entend lancer sans attendre un second grand débat qui me préoccupe. Le Premier ministre réunira un comité interministériel d'aménagement du territoire le 15 décembre et donnera ainsi, sans doute, le coup d'envoi à sa politique d'aménagement du territoire.
Or, au-delà du fait de savoir s'il est opportun ou non de remettre en chantier la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de 1995, j'ai cru comprendre - et la DATAR s'en est fait largement l'écho dans toutes les réunions et les rencontres publiques récentes ainsi qu'au congrès de l'Association des maires de France - que les projets gouvernementaux nous engageaient, de fait, vers des évolutions « institutionnelles » qui ne seraient pas sans conséquences à court, à moyen et à long terme. Je ne veux, ici, que poser des questions.
On semble souhaiter structurer la France en agglomérations et en pays. Pourquoi pas ? Mais quelle serait l'articulation avec la carte institutionnelle actuelle et quelles sont les évolutions à prévoir ? Quelles sont les incidences sur la politique contractuelle, sur la position française à l'échelon européen en matière de zonages, sur la fiscalité et sur l'évolution des dotations ?
Le Gouvernement a levé, il est vrai, un coin du voile sur certaines de ces questions, mais nombre d'entre elles restent dans l'ombre. Je connais les contraintes qui sont les siennes à l'échelon européen, notamment, mais est-ce une raison suffisante pour précipiter en un mois - le mois de janvier - une concertation avec les élus territoriaux et leurs associations qui engage autant l'avenir de leurs collectivités ?
Monsieur le ministre, je ne veux pas croire qu'il s'agirait, par une telle procédure, de procéder à une recentralisation de fait, même si on l'habille d'une exigence de démocratie locale.
Or, je sais que le bon fonctionnement de la démocratie locale est, pour vous, une préoccupation constante. Elle l'est pour nous aussi dans cette assemblée, contrairement à ce que l'on voudrait parfois faire croire à l'opinion, à travers certaines déclarations sur notre représentativité.
Ainsi, il faut bien dire un mot du débat sur le cumul. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer personnellement à ce sujet, dès le mois de septembre, notamment lors du congrès de l'Association des présidents de conseils généraux, l'APCG, congrès auquel vous nous avez fait l'honneur de vous rendre.
Je reconnais, pour ma part, que la situation française actuelle est particulière, comme l'est aussi la décentralisation en France : ni fédéralisme ni centralisme. L'interdiction de tout cumul entre l'exécutif territorial et le mandat législatif ne peut renforcer, contrairement à ce que l'on croit, la tentation fédéraliste. Peut-être peut-on aller dans ce sens, mais il faut alors engager un débat de fond. Ainsi, le pouvoir des exécutifs locaux se trouverait renforcé, ce qui ne manquerait pas d'entraîner une évolution, voire une révolution des relations entre l'Etat, ses échelons déconcentrés et les collectivités.
A l'inverse, le maintien du cumul, tel que nous le vivons encore, malgré les premières restrictions, peut conduire à un renforcement de l'Etat central par la dilution et la dispersion des responsabilités. D'ailleurs, c'est la raison fondamentale de la dérive que nous constatons tous dans l'évolution de la décentralisation.
D'un transfert de compétences, à l'origine décidé par les lois de décentralisation, nous sommes progressivement passés à la délégation de pouvoirs et maintenant à la simple délégation de gestion par laquelle, bien souvent, l'Etat en vient peu à peu à se substituer à la présence et à l'expérience des élus sur le terrain.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean Puech. Telles sont les réflexions exprimées sommairement qui m'amènent à privilégier la possibilité d'associer un mandat délibératif et une seule fonction exécutive.
J'ajoute que le bon fonctionnement de la démocratie locale doit s'accompagner de deux évolutions essentielles.
La première concerne la restauration du contrôle démocratique. En effet, il convient de moderniser, d'adapter et de clarifier les modalités d'exercice du contrôle sur les institutions.
Voilà encore un an ou deux, je n'aurais pas abordé ce sujet. Aujourd'hui, il est, vous le savez, au centre des préoccupations de tous les élus territoriaux. La surmédiatisation des « affaires », comme on dit, est en passe de discréditer jusqu'au plus modeste et au plus honnête des élus locaux.
Le contrôle financier des chambres régionales des comptes n'a pas encore trouvé sa juste mesure, de l'avis même de ceux qui l'exercent, et il apparaît trop souvent en contradiction avec le précédent contrôle de légalité exercé par les préfets et parfois même en conflit avec le contrôle juridictionnel.
En effet, l'interprétation du droit dans des matières aussi complexes que les marchés publics, la gestion des personnels et l'intervention économique devient systématiquement affaire d'experts dont les élus, et a fortiori le citoyen, sont maintenant exclus. Le découragement ne cesse de gagner les élus, et le civisme, dont la première définition est l'intérêt porté à la chose publique, est relégué au dernier rang des préoccupations des seconds, les citoyens.
M. Louis Boyer. Très bien !
M. Jean Puech. Ce constat n'est pas seulement le mien ; il est celui de tous les analystes de la vie publique.
La seconde évolution concerne la réforme de l'Etat. On cite l'exception française pour le cumul des mandats, mais la cite-t-on pour le doublement quasi systématique des échelons territoriaux par ceux de l'Etat ? Ce phénomène est aussi unique en Europe.
Là encore, la déconcentration constitue une orientation fondamentale, mais elle ne peut être efficace sans une évolution de la structure même des échelons déconcentrés de l'Etat.
La décentralisation ne peut sans doute avancer de façon significative tant que l'Etat n'a pas mené sa propre révolution interne. Vous-même, monsieur le ministre, comme tous vos prédécesseurs, avez constaté le cloisonnement excessif des administrations, l'hypertrophie des administrations centrales et l'opacité entretenue par bon nombre de corps d'Etat, du plus modeste au plus prestigieux.
En définitive, je souhaite établir une corrélation qui, je l'espère, ne sera pas « hasardeuse » entre les intentions du Gouvernement en matière de politique d'aménagement du territoire et le fonctionnement de la démocratie locale, et donc de nos institutions territoriales. Le lien me paraît évident.
Tout le monde reconnaît l'importance et la gravité de tels débats. Dès lors, il faut éviter qu'ils ne deviennent l'objet de surenchères électorales prochaines qui - il suffit de lire la presse pour s'en convaincre - ont déjà commencé ! Mais je pense qu'il nous revient, à vous comme à nous, de ne pas tomber dans cette dérive.
Enfin, monsieur le ministre, le calendrier gouvernemental comporte des sujets que nous devons aborder en priorité, car ils ont déjà fait l'objet d'échanges nombreux. Ces dossiers avancent.
Leur examen devrait permettre de clarifier les règles juridiques d'intervention des collectivités territoriales, c'est-à-dire l'efficacité de leurs politiques, la transparence de leurs interventions et donc la décentralisation : je veux parler notamment du code des marchés publics, des interventions économiques des collectivités locales, des sociétés d'économie mixte et de certains sujets relatifs à l'action sociale.
Monsieur le ministre, telles sont les quelques réflexions que je tenais à vous présenter sur les nombreux chantiers annoncés et sur leur calendrier.
Notre pays est encore le plus jacobin des pays d'Europe. Il est celui où le pouvoir administratif est le plus concentré et le plus lourd.
Le Gouvernement a-t-il la volonté de faire avancer à maturité la décentralisation ou souhaite-t-il - je ne le pense pas - en rester là, laissant ainsi à ses administrations, en définitive, le soin de gérer la décentralisation ?
Telle est bien, en résumé, la question centrale que, jusqu'ici, ce débat budgétaire n'a pas permis d'aborder au fond, discret qu'il a été ou qu'il est en ce qui concerne les collectivités territoriales.
C'est la raison pour laquelle je me suis permis de vous solliciter, monsieur le ministre, par ces quelques réflexions et ces quelques questions. Je vous remercie par avance des réponses qu'il vous sera possible de nous livrer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il me fallait qualifier de deux termes ce projet de budget, je retiendrais les mots clés de « stabilité » et de « transition ».
C'est d'ailleurs autour de ce binôme que je souhaite construire mon intervention, à savoir une première partie descriptive, brossant à grands traits la manière dont nos collectivités vont être traitées en 1998, puis une seconde partie plus prospective, relative aux évolutions et même aux « petites révolutions » qu'elles vont connaître avant l'an 2000 - nouvelle intercommunalité, révision des bases locatives, de la fiscalité locale, sortie du pacte de stabilité financière, etc.
C'est en effet à bon droit que ce projet de budget, à plusieurs reprises déjà, a été reconnu comme stabilisant les transferts financiers aux collectivités.
Sans doute est-ce encore insuffisant !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est sûr, mais vous allez améliorer !
M. René Régnault. Les élus locaux - nous sommes nombreux, ici, à l'être - aimeraient bien sûr voir les dotations attribuées à leur collectivité en hausse.
Néanmoins, je dirai que, eu égard aux mauvaises surprises que le projet de budget leur réservait à chaque fin d'été ces dernières années, ils peuvent afficher, cette année, comme ils l'ont fait lors du récent congrès des maires, un certain contentement.
Les gouvernements précédents avaient en effet l'habitude de grignoter, voire de ponctionner, ici ou là - sur le fonds de compensation pour la TVA, sur la dotation globale d'équipement, la DGE, sur la dotation de gestion des espaces ruraux ! - dans les diverses dotations.
M. Alain Vasselle. Et que faisait M. Charasse ?
M. René Régnault. Bref, monsieur Vasselle, le compte n'y était plus. Je n'ai eu de cesse, pour ma part, de dénoncer ces opérations, que j'ai quelquefois osé qualifier de « hold-up déguisé ».
Le compte n'y était pas non plus avec le pacte dit de stabilité. Je continue à considérer qu'il s'agit d'un dispositif néfaste pour nos collectivités. Je comprends bien, toutefois, que le Gouvernement, notamment en raison de la nécessaire concertation préalable, n'avait pas matériellement le temps de le remettre en cause.
Je veux rappeler, pour étayer mon analyse, que la dotation de compensation de la taxe professionnelle fut amputée de 3 milliards de francs en 1994. A ces 3 milliards de francs de réfaction furent ajoutés 2,7 milliards de francs supplémentaires en 1995. A son entrée dans le pacte stabilisé, la DCTP avait donc déjà perdu 5,7 milliards de francs.
Cette réfaction par rapport à 1993 s'est maintenue, et l'ajustement à la baisse s'est effectué à partir de cette situation. En se basant sur une DCTP maintenue en francs courants - assiette et taux - en moyenne nationale, il faut le reconnaître, le fameux pacte de stabilité a entraîné, par sa clé d'évolution calée sur le seul indice des prix, une perte cumulée au cours des trois dernières années de l'ordre de 20 milliards de francs au travers du seul effet DCTP, soit l'équivalent du quart de la DGF des communes pour 1998.
C'est dire que les collectivités territoriales, monsieur le ministre, ont bien contribué à l'effort demandé pour atteindre le critère de convergence, notamment l'objectif des 3 % de déficit exigé pour l'entrée dans l'euro.
Globalement, les collectivités locales constatent donc une stabilité des concours versés par l'Etat en 1998. La DGF, le plus important de ces concours, progressera de 1,38 % pour atteindre 106,3 milliards de francs, soit plus de 88 milliards de francs pour les communes et leurs groupements.
Le montant total des concours s'élève à 250 milliards de francs et représente, pour le budget de l'Etat, le troisième poste de dépenses après le service de la dette et l'éducation nationale. Ce montant, il me paraît intéressant de le comparer aux 294 milliards de francs que l'ensemble des collectivités territoriales ont demandé aux contribuables locaux, tous impôts confondus, y compris les compensations et dégrèvements, pour 1997.
Je veux encore souligner, pour en remercier le Gouvernement, la neutralisation de la régularisation négative introduite par le précédent gouvernement sur proposition de M. Auberger, alors rapporteur général de l'Assemblée nationale. Il en aurait coûté 750 millions de francs sur la DGF de 1998.
Monsieur le ministre, vous aviez pris l'engagement devant le comité des finances locales de la neutraliser. J'étais, pour ma part, intervenu dans ce sens. Vous y êtes parvenu, et je vous en remercie.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. René Régnault. Je dois aussi à la vérité de dire notre sentiment mitigé sur la CNRACL. En effet, d'une part, nous observons avec satisfaction le maintien du taux pour 1998, mais, d'autre part, nous sommes réservés sur le recours à l'emprunt pour boucler l'exercice qui vient.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. L'endettement !
M. René Régnault. S'ajoutent à cela notre inquiétude mais aussi notre volonté d'une véritable négociation sur l'avenir de la caisse, prenant en compte les problèmes de la compensation et de la surcompensation, qui coûtent actuellement 19,1 milliards de francs par an aux collectivités territoriales.
Ce projet de loi de finances constitue aussi un budget de transition. Il marque en effet une étape vers des réformes de fonds des finances locales qui seront abordées dès 1998.
Il s'agira d'entamer la discussion pour fixer de nouvelles règles d'évolution des dotations de l'Etat. Nous demanderons notamment que les principaux concours de l'Etat n'évoluent plus seulement selon la seule inflation, mais prennent aussi en compte la croissance économique, comme c'était le cas avant la réforme des conditions d'attribution de la DGF introduite en 1996.
Le gouvernement socialiste de M. Rocard avait retenu - j'y avais directement contribué - deux clauses importantes : pas de régularisation négative et indexation sur les prix plus deux tiers de la croissance.
Je souhaite que nous revenions à de telles dispositions dans le cadre de la charte financière scellant les relations financières et la relation aux charges transférées ou nouvelles.
Mais 1999 doit aussi être l'année de l'ouverture du grand chantier des finances locales : réforme des valeurs locatives, projet de loi sur l'intercommunalité fondé sur la démocratisation et la solidarité, avec l'émergence d'une réelle et large réflexion sur la taxe professionnelle allant de la cotisation minimale à la taxe professionnelle unique.
C'est précisément autour de ces quelques idées que je souhaite maintenant articuler mon propos.
S'agissant de la réforme des valeurs locatives, véritable serpent de mer, il est vrai, de notre paysage politique, un coin de voile a été levé par vous-même, monsieur le ministre, lors du congrès de l'Association des maires de France, voilà quelques jours. Les grandes lignes de la future réforme de la fiscalité locale ont été esquissées, ou tout au moins les grands principes qui la sous-tendent : équité fiscale, transferts de charges entre contribuables locaux, au nom de l'équité, et harmonisation fiscale.
Par ailleurs, dans un souci d'efficacité, dans les agglomérations notamment, la taxe d'habitation pourrait être harmonisée et la multiplicité des taux corrigées. Cette réforme devra être étalée dans le temps, ce qui plaide encore, s'il en était besoin, pour un démarrage dans les plus brefs délais.
S'agissant de l'intercommunalité, nous en savons, là encore, davantage depuis le congrès de l'association des maires de France, où les contours du projet nous ont aussi été présentés.
Les attentes des élus - je pense, notamment, aux responsables d'organismes intercommunaux - sont fortes en ce domaine. J'ai déjà eu l'occasion, dans mon département, au sein, par exemple, de l'association départementale des maires, de les rassurer en soulignant notamment tout le travail préparatoire substantiel entrepris depuis quelques mois par le Gouvernement.
Vous souhaitez donner à ce dossier une dimension nouvelle, monsieur le ministre, et notamment moderniser le cadre de l'exercice des compétences locales tout en garantissant l'équilibre financier en matière de répartition de la DGF. Tout cela va dans la bonne direction. Je dirai même que cela s'impose. J'y reviendrai. Il est en effet devenu urgent d'amplifier un mouvement qui concerne aujourd'hui près de 1 500 structures à fiscalité propre, qui, ensemble, réunissent plus de 31 millions d'habitants.
A ce stade de mon intervention, je me permettrai même une petite note costarmoricaine. Mon département participe de façon significative à la dynamique intercommunale. Quelques chiffres suffisent à donner la dimension de l'élan suscité : sur 372 communes, 312 adhèrent à un établissement public de coopération intercommunale, ce qui représente près de 90 % de la population.
Votre projet est notamment guidé par un souci de simplification, monsieur le ministre. C'est heureux, c'est nécessaire. Que de fois n'a-t-on pas dénoncé, avec raison, l'entassement, l'empilement de nos structures. A ne pas y prendre garde, l'écheveau pourrait bien devenir indémêlable ! Même certains élus avertis finissent par se perdre dans l'imbroglio juridico-institutionnel.
Or, précisément, votre projet entend clarifier le cadre institutionnel. Ainsi, il ambitionne de limiter à deux le nombre de formules juridiques de l'intercommunalité : la communauté de communes, qui regrouperait les actuelles communautés de communes mais aussi les communautés de villes et les districts, et une structure à taxe professionnelle unique avec des compétences larges. Vous souhaitez effectivement étendre cette formule de la taxe professionnelle unique.
Parallèlement, vous êtes favorable à une intervention plus forte de l'Etat, à travers les dotations annuelles aux groupements qui optent pour la mutualisation de la taxe professionnelle. Malgré la tentation, voire les pressions qui pourraient s'exercer, je crois que, pour l'instant, afin que la coopération, en pleine expansion, ne soit pas asphyxiée financièrement, il convient de maintenir le couplage entre la DGF des communes et la DGF de l'intercommunalité.
Si l'intercommunalité, fondée sur la loi de 1992, a bien évolué, il convient toutefois d'observer que son adaptation est cruciale. Le mouvement que nous observons me semble s'orienter plus vers un système de type fédératif, chacun venant se servir au mieux de ses intérêts particuliers, que vers un système de type communautaire, où la mise en commun de toutes les potentialités, notamment financières, permettrait à l'ensemble, sur un concept de solidarité bien compris, de progresser au travers de projets, d'actions impossibles à imaginer, à conduire ou à réaliser isolément.
La démocratisation de l'intercommunalité est de nature à faire mieux comprendre, à nourrir cette notion de solidarité nouvelle ; c'est un problème culturel, qui nécessite que les populations se sentent davantage concernées, impliquées.
Je vais, pour ma part, jusqu'à imaginer que, pour une période transitoire, le conseil communautaire soit composé de deux collèges, l'un des maires des communes concernées, l'autre d'élus du suffrage universel, le collège des électeurs étant composé de l'ensemble des électeurs des communes engagées dans l'établissement public de coopération intercommunale.
M. Alain Vasselle. Encore une usine à gaz !
M. René Régnault. Vous en avez fabriqué un certain nombre dans d'autres domaines, monsieur Vasselle, notamment la fonction publique territoriale. On peut en parler ! (Exclamations sur le banc des commissions.)
M. le président. Poursuivez votre propos, monsieur Régnault, nous aurons un débat sur l'industrie ultérieurement ! (Sourires.)
M. René Régnault. La solidarité se nourrit aussi du partage et de l'harmonisation fiscale sur l'espace intercommunal choisi.
Des écarts de taux de taxe professionnelle trop élevés sont des handicaps réels à ce mouvement fondamental d'actions dans un cadre solidaire.
La taxe professionnelle d'agglomération est une nécessité. Il convient de l'assortir : d'une part, d'un complément de taxe additionnelle sur les autres composantes de la fiscalité locale, autrement dit d'une fiscalité mixte - elle a été retenue dans le précédent projet sur l'intercommunalité - notamment pour les regroupements les moins bien dotés en assiette de taxe professionnelle. Il faut l'assortir, ensuite, d'un lissage dans le temps avec, de manière transitoire en matière d'harmonisation, la faculté de ne pas réduire totalement la fourchette des taux.
Je pense enfin que la réussite de la mise en oeuvre de cet aspect de l'intercommunalité est incontournable historiquement et que, politiquement, cela nécessiterait un fonds financier d'accompagnement. A cet effet, alors que la dotation de compensation de la taxe professionnelle sert les communes les plus riches en assiette de taxe professionnelle, donc en développement économique concentré, je propose que l'on étudie la possibilité d'utiliser une fraction de cette dotation - 10 %, voire 20 % - pour constituer, près du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, le FNPTP, cette enveloppe d'accompagnement de la mise en oeuvre de la taxe professionnelle unique, ce qui ne déstabiliserait pas les communes les plus aisées, voire les plus chanceuses.
Ce sont là des suggestions. J'ai en conscience, si nous n'avançons pas sur le terrain de la démocratisation et de la solidarité financière, nous ne ferons pas avancer la coopération ; pis, nous la mettrons en difficulté jusqu'à en ruiner les espoirs. C'est donc à cet effet que je me suis permis de tracer ces deux pistes de réflexion.
Monsieur le ministre, eu égard à l'heure et au temps qui m'est imparti, et ne souhaitant pas abuser davantage de la patience de notre assemblée, je joins d'un mot ma voix à ce qui a été dit sur l'effet de trop-plein des normes et directives sans cesse renouvelées, comme je rejoins complètement les propos de M. le rapporteur spécial concernant l'effet de la CSG et de la CRDS sur les indemnités des élus.
Au terme de cette intervention, monsieur le ministre, je veux vous dire toute notre confiance en votre volonté déterminée de conduire les réformes que je viens d'évoquer et auxquelles nous portons, dans cette enceinte en particulier, et le groupe socialiste tout spécialement, un intérêt majeur. Je puis d'ores et déjà vous assurer de notre soutien constructif et sans faiblesse. (Applaudissements sur les travées socialistes, aussi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout à l'heure, notre collègue M. Hoeffel rappelait la volonté de la commission des lois d'exprimer son sentiment sur la décentralisation en indiquant qu'il s'agissait de la réponse la mieux adaptée aux problèmes de notre société.
Il est vrai que les lois de mars 1982 ont grandement contribué à « déscléroser » une vie politique qui souffrait de sa trop large centralisation.
En tant que maire, je me félicite de la plus grande autonomie concédée aux acteurs locaux par les lois de 1982, mais, à mon sens, monsieur le ministre, ces textes étaient également un appel à des initiatives nouvelles. Force est de constater que cet appel n'a pas été entendu par les gouvernements qui se sont succédé depuis.
La décentralisation est aujourd'hui en panne ; plus que jamais, il paraît nécessaire de la relancer par des actes concrets de décentralisation et de déconcentration nouveaux et de clarifier les responsabilités que doivent assumer les différents acteurs.
Il n'est besoin que de choisir quelques exemples pour s'apercevoir de l'étendue des domaines dans lesquels la déconcentration et la décentralisation pourraient avoir une plus large place.
Tout d'abord, en matière d'infrastructures routières, quand en finira-t-on avec l'absurde distinction entre les routes nationales, les routes départementales et les routes communales, source de confusion et, bien souvent, d'immobilisme ? Pourquoi ne pas confier à une seule autorité la gestion et l'entretien de toutes les routes placées dans un même territoire ?
Je suis persuadé qu'en matière culturelle la décentralisation n'a pas non plus accompli tous les pas qu'elle devrait franchir. Songez qu'aujourd'hui l'ensemble des collectivités locales contribuent pour plus de 60 % à l'investissement sous toutes ses formes, mais qu'il ne leur est même pas possible de classer un monument historique !
L'éducation nationale souffre également des lourdeurs d'une trop grande centralisation. Sa gestion dépend encore entièrement de l'administration « mammouth » que M. Allègre semble avoir bien du mal à dégraisser.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Il l'engraisse, même !
M. André Vallet. Il me semble qu'une gestion paritaire, à l'échelon des académies, par les élus locaux et les représentants de l'Etat serait sans doute de nature à redynamiser un secteur primordial qu'il est si délicat de faire avancer. Les ministres de l'éducation nationale successifs, dont vous avez été, monsieur le ministre, le savent bien.
Il n'est bien entendu pas question de transférer purement et simplement ces champs de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales : il s'agit de les gérer ensemble. Il est bien évident que des liens forts doivent subsister entre l'Etat et les différentes collectivités, mais des passerelles doivent exister entre elles afin qu'elles puissent coordonner leur action.
Il pourrait, par exemple, en être ainsi dans le domaine de la santé - à ce sujet, permettez-moi de vous faire remarquer que les agences régionales sanitaires créées par le gouvernement de M. Juppé allaient dans le bon sens - mais aussi en matière de justice, de politique touristique et, certainement, de nombreux autres secteurs.
Cependant, élargir les compétences des collectivités territoriales par des actes de déconcentration et de décentralisation nouveaux serait bien délicat si une telle opération ne pouvait s'appuyer sur une clarification des responsabilités respectives de la région, du département et de la commune. Qui fait quoi ? Pourquoi existe-t-il encore aujourd'hui des participations croisées des différentes collectivités pour un même projet ? En tout état de cause, le sort de la décentralisation et, sans aucun doute, la réussite de son éventuelle relance dépendent très largement d'une clarification des compétences et des responsabilités de chacun de ses acteurs.
Selon un sondage des 24 et 25 octobre dernier, 70 % des personnes interrogées souhaiteraient que le maire dispose de pouvoirs plus importants en matière de sécurité et de lutte contre la délinquance.
Je ne peux, monsieur le ministre, que me féliciter de votre prise de conscience de l'importance d'une politique de sécurité, comme vous l'avez exprimé au cours d'un colloque organisé à Villepinte, le 25 octobre dernier. Même si je ne pense pas, comme vous, que « la sécurité est un concept de gauche », je suis heureux de constater que, pour vous aujourd'hui, la sécurité n'est pas uniquement un droit abstrait et un concept global, mais que « ce sont les couches sociales les plus pauvres et les plus démunies qui souffrent de l'insécurité », cette insécurité résultant très largement du « mal vivre » de ces personnes.
Cette nouvelle attitude me paraît aller dans le bon sens, et je me permets de m'en réjouir. Nous, élus locaux, souhaitons pouvoir travailler en effet avec vous dans ce sens. Aussi quelle n'est pas ma surprise, monsieur le ministre, de vous entendre annoncer, outre la création de 15 000 agents locaux de médiation et de 20 000 adjoints de sécurité, ce dont je me félicite également, que vous avez placé ce personnel sous l'autorité du ministre de l'intérieur, sans pouvoir d'intervention des maires !
Monsieur le ministre, le sentiment d'insécurité est bien souvent atténué du fait de l'action des polices municipales. A ce propos, j'enregistre avec plaisir votre volonté d'étendre leurs compétences à la police de la circulation.
Bien que vous souhaitiez encadrer et mieux contrôler ces services locaux de police, je pense que seule l'élaboration d'un véritable statut des polices municipales, qui a toujours été reportée, est de nature à définir avec précision les compétences de chacun. En effet, si la complémentarité entre police nationale et police municipale est désormais largement admise, une réelle clarification de leurs compétences respectives est nécessaire. Elle est d'ailleurs demandée par tous les maires du pays.
Il ne faudrait pas en effet, monsieur le ministre, que les écarts de la police municipale d'une commune que nous connaissons tous et dont la presse a tant parlé jette le discrédit sur l'ensemble de ce service local de sécurité, ni qu'ils servent de prétexte à une limitation trop stricte de ses pouvoirs.
Nous ne pouvons pas accepter, monsieur le ministre, que, comme vous l'indiquiez, la loi n'autorise pas les polices municipales à intervenir en cas de flagrant délit. Il faudrait alors revoir le code de procédure pénale et supprimer l'article 73, qui fait de cette intervention un devoir pour chaque citoyen.
Nous ne pouvons pas non plus accepter que les policiers municipaux doivent travailler de nuit sans être armés. Le souci de la sécurité la plus élémentaire de ces agents supprimerait beaucoup de leur efficacité, puisqu'ils ne seraient plus envoyés dans certains quartiers où leur présence est pourtant la plus nécessaire.
La mise en place de contrats locaux de sécurité complète le dispositif de votre politique locale ; mais, outre que vous n'en précisez ni le contenu ni même les conditions d'élaboration, je crains beaucoup que ne s'opère un transfert sur les services municipaux des tâches administratives assumées aujourd'hui par la police nationale.
Dans l'opposition, monsieur le ministre, vous dénonciez souvent les transferts de charges. J'espère que vous ne changerez pas d'opinion et que les responsables des collectivités locales, particulièrement les maires, auront enfin les moyens de leurs compétences. En effet, si les maires ne manquent pas de responsabilités en matière de sécurité et de police, leur place n'est pas vraiment définie dans le dispositif de protection des biens et des personnes.
Monsieur le ministre, vous n'ignorez certes pas que, dans certains cas, les habitants d'une commune viennent plus volontiers se plaindre à la mairie qu'au commissariat. Dès lors, il me semblerait logique d'adapter le droit à la pratique et de confier au maire des compétences d'accueil et d'écoute.
Les policiers remplissent une mission difficile qu'il n'est pas question de compliquer. Je pense cependant que le maire devrait pouvoir donner des instructions claires à la police nationale, notamment en ce qui concerne les missions de service public, par exemple l'accueil et l'écoute des victimes, qui restent bien souvent mal perçues par nos concitoyens.
Les incertitudes et les ambiguïtés dans les missions et les compétences des différents responsables de la sécurité des citoyens révèlent l'impérieuse nécessité d'un important développement de la décentralisation dans ce domaine également. Une telle évolution passe par une nouvelle loi de décentralisation complétant les lois de 1982, pour mieux définir les compétences et pour avancer dans l'intercommunalité. Sans doute existe-t-il aujourd'hui un mouvement insidieux de recentralisation.
La déception, malheureusement croissante, de la population à l'égard du personnel politique semble bien être liée au sentiment d'une relative impuissance à peser sur le cours des choses. Les responsables des collectivités locales, et plus spécialement les maires, conservent encore ce capital de confiance ; pourquoi ne pas l'exploiter ?
Tout cela ne m'empêchera pas de voter, avec la totalité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, tout comme de nombreux collègues de l'opposition, le projet de budget que vous nous présentez. Je souhaite cependant que les problèmes que je viens d'évoquer puissent être abordés plus largement et plus longuement dans les prochains mois.
M. le président. La parole est à M. Dérian.
M. Jean Dérian. Monsieur le ministre, un premier constat s'impose : le budget en faveur des collectivités locales n'évolue que très faiblement cette année.
Nous avons pris acte de la volonté gouvernementale de mettre tout à plat en 1998 afin d'élaborer les nouvelles bases des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Nous nous félicitons du choix gouvernemental en faveur de cette concertation sur un sujet aussi sensible et aussi proche de la vie quotidienne de nos compatriotes. Effectivement, pour bon nombre de citoyens, les collectivités locales sont les acteurs de premier plan des choix politiques. Or, nous savons tous ici que les marges de manoeuvre financières des collectivités territoriales sont de plus en plus étriquées.
Cela inquiète beaucoup le groupe communiste républicain et citoyen aurait souhaité que ce budget, qui porte un peu plus d'innovations.
Cependant, monsieur le ministre, soucieux de nous inscrire dans votre démarche de concertation, nous comprenons que la réflexion nécessite un peu de temps pour être constructive et pour apporter des réponses adéquates aux revendications des acteurs locaux.
J'en arrive aux points délicats qu'il conviendra de régler au cours de l'année 1998.
Pour commencer, je tiens à évoquer la nécessaire sortie du pacte de stabilité et nos propositions pour les futures relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
L'année 1998 va se terminer avec le pacte de stabilité, que nous préférons dénommer « pacte de régression ». En effet, ce pacte n'a fait que retranscrire la volonté du gouvernement précédent de limiter les aides de l'Etat aux collectivités locales. En attestent les principes d'évolution retenus pour le calcul de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement.
Le groupe communiste républicain et citoyen a vivement combattu la volonté unilatérale du gouvernement Juppé de mettre en place un pacte de prévisibilité de leur dotation, étant donné l'évolution minimale retenue.
L'arrêt de ce pacte devrait permettre à l'ensemble des acteurs locaux de réaffirmer les besoins des collectivités locales. Il va aussi offrir la possibilité de revoir les modalités de progression des dotations sous enveloppe, notamment de la DGF.
Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, le groupe communiste républicain et citoyen a déposé un amendement qui visait, premièrement, à prendre en compte le taux d'évolution du PIB, en volume de l'année précédente - sous réserve qu'il soit positif - à hauteur de 1 % au lieu de 0,5 % ; deuxièmement, à prendre en compte l'indice égal à la somme du taux prévisionnel d'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation des ménages, hors tabac.
En application de son mode d'évolution actuelle, la dotation globale de fonctionnement devrait normalement progresser, en masse, de 2,4 % en 1998, et représenter 107,083 milliards de francs.
Mais la DGF de 1996 a été surévaluée, car les indices économiques réalisés, sur la base desquels la DGF évolue, étaient inférieurs aux prévisions. En conséquence, les collectivités ont, selon la loi, perçu 750 millions de francs de trop ! Elles subissent donc une réduction équivalente sur la DGF de 1998, ce qui entraîne une évolution minorée à plus 1,38 % seulement, comparée au montant total de la DGF réellement ouvert en loi de finances initiale de 1997.
C'est la deuxième année consécutive que la base de calcul de l'ensemble des dotations bloquées est « recalée » à la baisse, du fait que les indices d'évolution constatés sont inférieurs à ceux qui étaient prévus. En 1997, les collectivités locales ont déjà perdu 700 millions de francs de DGF pour les mêmes raisons.
Cela porte préjudice aux collectivités, au regard de leurs difficultés financières. Et, comme toujours, cela se retourne contre les contribuables, qui sont continuellement plus taxés.
J'en arrive tout naturellement à la fiscalité locale et aux questions, monsieur le ministre, qu'il vous faudra prendre en compte dès 1998.
Premièrement, les coefficients de majoration forfaitaire qui s'appliquent depuis 1981 aux bases brutes des quatre taxes directes locales sont différents selon la taxe, ce qui conduit à favoriser le secteur économique.
Ainsi, depuis 1981, soit en dix-sept années, la progression moyenne a été de 89,5 % pour les locaux d'habitation, de 37,3 % pour les propriétés non bâties, et de seulement 18,3 % pour les locaux industriels et commerciaux.
De la sorte, l'application différenciée des coefficients de majoration forfaitaire a conduit à une surrevalorisation des locaux d'habitation et des propriétés non bâties industrielles et commerciales.
Comme nous venons de l'illustrer, il devient urgent de réviser les bases cadastrales et de lier les quatre taxes.
Concernant plus particulièrement la taxe professionnelle, tout le monde conviendra que la réforme annoncée par le Gouvernement pour 1998 est très attendue. Effectivement, il est nécessaire de freiner la dérive des compensations d'exonérations et de dégrèvements d'impôts locaux pris en charge par le contribuable national à la place des revenus concernés.
Posons-nous la question de l'évolution des taux, du devenir de l'abattement de 16 % à la base de la taxe professionnelle par rapport à la dotation de compensation de la taxe professionnelle, mais également du rehaussement de la cotisation minimale de cette même taxe.
Concernant, par exemple, l'abattement de 16 % consenti aux entreprises et pris en charge par l'Etat par le biais de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, les collectivités locales subissent chaque année une chute de ce remboursement. C'est encore le cas cette année, pour 715 millions de francs.
L'abattement consenti aux entreprises n'est donc plus, à l'heure actuelle, compensé entièrement par l'Etat, puisqu'il ne l'est qu'à 60 %.
La dotation de compensation de la taxe professionnelle sert, en fait, de variable d'ajustement dans la logique du pacte. Autrement dit, les compensations de taxe professionnelle dues aux collectivités sont réduites pour permettre à l'Etat de financer les dotations placées sous enveloppe.
Toujours concernant cette même taxe, il nous semble important de l'encadrer, c'est-à-dire de faire jouer le plafond et le plancher de la taxe professionnelle. Lors de l'examen de la première partie, le groupe communiste républicain et citoyen a déposé un amendement qui tendait à porter la cotisation minimale à 1 %.
Cette proposition va dans le sens de l'instauration d'une solidarité fiscale entre entreprises, quel que soit leur lieu d'implantation et leur nature.
Enfin, le produit de cette taxe pourrait être versé aux collectivités locales, via le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. Une cotisation minimale de 1 % rapporterait, en effet, de 4 à 5 milliards de francs et concernerait moins de 10 % des entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions de francs.
Dernière suggestion - ou plutôt dernière interrogation - au sujet de la taxe professionnelle : le groupe communiste républicain et citoyen souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le cas de certaines communes dont l'apport de taxe professionnelle est presque nul, mais qui ont sur leur territoire des établissements publics exonérés, comme c'est le cas à Villejuif, ville hospitalière, à Saint-Martin-d'Hères, ville universitaire, ou encore à Saint-Brieuc, dans mon département, qui accueille, comme toutes les villes préfectures, de nombreuses administrations et établissements publics.
Sans pour autant élargir l'assiette de la taxe professionnelle à ses établissements publics, l'Etat ne doit-il pas prendre en compte ces situations atypiques ?
Par ailleurs, le groupe communiste républicain et citoyen estime que les différentes exonérations attachées aux taxes locales sont mal réparties. Ainsi, 75 % de ces exonérations concernent la taxe professionnelle. Ne faut-il pas réfléchir aux aides possibles en faveur des contribuables assujettis à la taxe d'habitation et - ou - à la taxe foncière ?
J'en viens au bilan de la décentralisation. Sans faire la liste des charges transférées de l'Etat aux collectivités locales depuis une quinzaine d'années, le groupe communiste républicain et citoyen estime qu'elles ont été nombreuses à ne pas avoir été accompagnées des mesures financières.
Actuellement, de nouvelles charges tendent à s'ajouter pour les collectivités, notamment en matière d'environnement, de sécurité de secours et d'incendie, mais aussi avec le plan « emplois-jeunes ».
S'agissant de l'environnement, nous souhaitons que la TVA soit ramenée à 5,5 % pour le traitement des ordures ménagères.
M. Alain Vasselle. D'accord !
M. Jean Dérian. En ce qui concerne la sécurité, l'incendie et le secours, mon collègue Pierre Lefebvre vous fera part de nos inquiétudes lors d'une intervention portant sur le titre concerné.
En ce qui concerne le plan « emploi-jeunes », qui met les collectivités locales à contribution, nous sommes soucieux que l'Etat puisse permettre à ces dernières non seulement de pérenniser ces emplois au terme du contrat de cinq ans, mais également de tenir compte de l'obligation de formation qui est, pour le moment, à la seule charge des collectivités.
Le dernier point que je voulais évoquer concerne la CNRACL. La stabilité des cotisations retenue pour cette année nous satisfait. Nous espérons cependant que les négociations entre l'Etat et les collectivités locales aboutiront à une réduction du taux de cotisation à la CNRACL.
En conclusion, le groupe communiste républicain et citoyen émet un avis favorable sur le projet de budget de la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les relations entre l'Etat et les collectivités locales constituent l'un des éléments primordiaux de l'équilibre républicain de notre pays. En effet, engagé voilà quinze ans, le processus de décentralisation a inscrit de manière irréversible la démocratie de proximité et la participation citoyenne au coeur du fonctionnement des collectivités locales.
M. Paul Loridant. Vous avez voté contre en 1981 et en 1982 !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Et vous en 1969 !
M. Alain Vasselle. Dans ce contexte, les relations budgétaires entre l'Etat et les collectivités territoriales sont essentielles. La question des transferts des charges et des relations financières avec l'Etat reste la première grande priorité de tous les élus.
A ce titre, le pacte de stabilité financière a constitué une première étape importante, car, face à la dégradation de la situation financière de bon nombre de collectivités, il était urgent d'arrêter de considérer les ressources locales comme un outil supplémentaire d'ajustement par le transfert sans cesse croissant des charges de l'Etat vers les collectivités locales sans compensation réelle...
M. René Régnault. Que ne l'avez-vous dit l'année dernière !
M. Alain Vasselle. ... et, de ce point de vue, je rejoins la position qu'a défendue à l'instant notre collègue du groupe communiste.
M. Paul Loridant. Républicain et citoyen ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle. Les collectivités locales, acceptant au fil des ans les règles du jeu fiscales et financières entre l'Etat et elles-mêmes, se sont de plus en plus orientées vers l'autofinancement et le désendettement. Force est de reconnaître le bien-fondé du principe même du pacte de stabilité,...
M. René Régnault. Il retrouve les chemins de la vertu !
M. Alain Vasselle. ... assurant aux collectivités locales une plus grande sécurité et une meilleure lisibilité dans l'évolution de leurs ressources.
Dès lors, en cette dernière année du pacte de stabilité, il est impérieux de ne pas remettre en cause les principes régissant depuis 1996 les relations financières entre l'Etat et les collectivités.
Le présent projet de budget semble traduire cette volonté et ce souci, monsieur le ministre.
Aujourd'hui, beaucoup d'élus s'accordent à reconnaître que la décentralisation est globalement une réussite au niveau de la qualité des services.
M. Paul Loridant. Merci la gauche !
M. René Régnault. Oui, merci la gauche !
M. Alain Vasselle. Il n'en est pas moins vrai que nous avons dû faire face à certains dysfonctionnements et que la décentralisation a eu certains effets pervers ici et là.
Trop souvent, les transferts de compétences n'ont pas été accompagnés des transferts financiers correspondant à la charge nouvelle que ces compétences entraînaient.
Ne cédez pas, monsieur le ministre, aux sirènes de Bercy en nous transférant de nouvelles charges sans compensation.
Le contexte économique et social auquel nous sommes confrontés, lié à la montée du chômage et à la progression incessante de l'exclusion, n'est pas de nature à apaiser les inquiétudes des élus locaux, qui éprouvent de plus en plus de difficultés à boucler leur budget tout en maîtrisant leur fiscalité sans faire régresser leurs investissements, lesquels ont des effets directs et déterminants sur l'emploi.
Permettez-moi, en ma qualité de maire d'une commune de 185 habitants, d'appeler votre attention sur trois points relatifs l'un aux dotations de l'Etat, l'autre à un sujet qui paraît anecdotique mais qui n'est pas sans importance dans mon département - je veux parler de l'article 23 de la loi du 22 juillet 1983 - et le dernier au problème que pose l'application des normes s'imposant aujourd'hui à l'ensemble de nos collectivités.
Sur le premier point, concernant les dotations d'Etat, les communes rurales bénéficient de l'effort conjugué de la DGF, de la DGE, la dotation globale d'équipement, de la DDR, la dotation de développement rural, lorsqu'elles sont organisées dans l'intercommunalité, et l'ensemble de ces concours financiers permet aux communes, bon an mal an, de faire face à leurs responsabilités. Encore que, de ce point de vue, je tiens à appeler votre attention sur le retrait à mon sens trop important qu'a représenté la réforme qui a été engagée au titre de la DGF et dont les répercussions ont été dommageables au titre de la DGE.
La réforme qui a été engagée a eu pour résultat de fondre dans une seule dotation la DGE première part et la DGE deuxième part. Auparavant, étaient éligibles à la DGE première part les communes de plus de 2 000 habitants, il y avait un droit d'option pour les communes de 2 000 à 10 000 habitants ou pour les groupements de communes, n'étaient éligibles qu'à la première part les communes de plus de 10 000 habitants. Or la réforme a regroupé dans un même fonds l'ensemble des communes de moins de 20 000 habitants.
Lors de la première réunion de la commission qui a été appelée à donner un avis sur les domaines d'intervention et sur les taux de subvention, le représentant de l'Etat dans notre département de l'Oise nous a communiqué le montant de la dotation de l'Etat affectée au titre de la DGE. Quelle a été notre surprise de constater qu'en 1995 notre dotation était de 35 millions de francs, - 12 millions de francs pour la première part et 23 millions de francs pour la deuxième part - alors qu'en 1997, nous ne recevions plus que 30 millions de francs, soit 5 millions de francs de moins qu'en 1995. Autrement dit, nous avons subi une perte nette qui a été dommageable essentiellement pour les communes rurales, car il a bien fallu partager l'ensemble de l'enveloppe entre les communes rurales et les communes comprenant entre 2 000 et 20 000 habitants, puisqu'elles devenaient éligibles à la DGE spécifique deuxième part. (Murmures sur les travées socialistes.)
M. René Régnault. Ce n'est pas le système que nous avons mis en place !
M. Alain Vasselle. Je souhaite que l'engagement qui avait été pris en son temps - et je ne doute pas, monsieur le ministre, qu'en ce qui vous concerne vous veillerez à ce qu'il en soit ainsi - soit tenu. Ainsi, l'ensemble des départements doivent retrouver, au titre de la DGE, une dotation au moins équivalente à ce qu'elle était avec le cumul de la première part et de la deuxième part. En effet, cela est essentiel s'agissant de la politique d'investissement des communes, en particulier des communes rurales. Et vous savez bien que cette politique d'investissement a une répercussion sur l'activité de notre pays, notamment sur celle des entreprises du bâtiment et des travaux publics.
Par conséquent, tout moyen en retrait par rapport à ce qu'il était antérieurement, au profit des collectivités, ne peut qu'avoir des répercussions dommageables sur nos collectivités locales.
Je souhaiterais maintenant appeler votre attention sur un deuxième point, même s'il peut paraître un peu anecdotique : je veux parler de l'article 23 de la loi du 22 juillet 1983, qui définit dans quelles conditions les communes de résidence doivent contribuer aux dépenses des écoles des communes d'accueil.
Les dispositions de cette loi ne permettent pas de prendre en considération certaines situations que nous rencontrons dans nos communes rurales.
J'avais d'ailleurs attiré l'attention de M. Perben - il était à l'époque ministre de la fonction publique certes, mais il suivait de près tout ce qui touchait à la décentralisation - sur le fait qu'aux termes de l'article 23 ne sont prises en considération, pour dispenser les communes de résidence de leur contribution aux communes d'accueil, que celles qui possèdent sur leur territoire une cantine ou une halte-garderie, c'est-à-dire un équipement public.
Or il existe, dans l'ensemble de nos communes, des « réseaux d'assistantes maternelles » qui ont la capacité, en application de dispositions réglementaires et législatives, d'accueillir les jeunes enfants le matin avant l'école, le midi à l'heure des repas et le soir en attendant que les parents rentrent de leur travail.
Ces assistantes maternelles, qui peuvent assumer les mêmes fonctions que celles qu'offrent une halte-garderie ou une cantine, ne sont pourtant pas reconnues en tant que telles par l'article 23 de la loi de 1983 comme élément de référence pour le calcul de la participation.
M. Perben était d'accord pour modifié les dispositions de cet article 23. Seriez-vous vous-même favorable, monsieur le ministre, à un tel aménagement, qui permettrait de prendre en considération l'existence de ces assistantes maternelles ?
Vos services ont répondu à une question écrite que j'avais posée et à une interpellation que nous avions faite par l'intermédiaire de l'Association des maires de France, que cet aménagement était envisageable, sous réserve que soit passée une convention entre les conseils généraux et les communes concernées.
Nous devons donc établir un modèle de convention ; je l'ai suggéré à M. Jean-Paul Delevoye, président de l'Association des maires de France. Mais il faudrait que nous obtenions l'aval de votre ministère pour intégrer cette disposition soit par la voie réglementaire, soit par la voie législative. Ainsi, cette difficulté à laquelle se heurtent les communes rurales serait résolue de même que 90 % des contentieux qui résultent de l'application de l'article 23 de la loi du 22 juillet 1983.
Enfin, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur le problème que posent les normes, notamment celles qui sont liées aux services que doivent apporter les collectivités locales à leurs administrés, à savoir le service de l'eau et celui des déchets ménagers.
Nous sommes tenus par les échéances de 2002 et de 2005, si bien que nous allons devoir faire supporter à nos administrés, dans un délai relativement bref, le poids d'une charge nouvelle induite par le respect de normes résultant des différents textes législatifs adoptés par le Parlement. Ces normes entraînent des coûts financiers majeurs.
Lorsqu'on fait l'addition du poids que va représenter aujourd'hui la fiscalité directe locale, à travers les impôts communaux, les impôts liés à l'intercommunalité - communautés de communes et districts - les impôts qui pourraient résulter des initiatives pouvant être prises à la suite des ententes interrégionales, le poids du service de l'eau - le prix du mètre cube va passer, souvent, à trente ou quarante francs, pour respecter les normes telles qu'elles ont été fixées par la loi - et le service des ordures ménagères, je peux vous dire, monsieur le ministre, que des ménages qui vivent dans un logement HLM vont supporter une contribution financière équivalente à un ou deux mois de salaire.
Nous allons donc atteindre la limite de la capacité contributive d'un certain nombre de nos concitoyens ; nous allons avoir des impayés considérables et des difficultés majeures de gestion au plan de nos communes, que l'Etat aura d'ailleurs à supporter, mais qu'il répercutera à travers les frais de rôle que nous voyons sur nos feuilles d'impôt, puisqu'il prend en compte totalement les impayés constatés sur le territoire national.
Le Gouvernement se doit d'étudier très attentivemenet ce problème majeur pour y apporter des solutions acceptables. L'une d'entre elles pourrait consister notamment à assouplir les conditions financières faites à nos collectivités, avec des prêts à taux raisonnable, étalés sur trente ans ou quarante ans, pour leur permettre de financer des équipements lourds tels que des usines d'incinération ou des réseaux d'assainissement.
Monsieur le ministre, tels sont les quelques points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention et celle du Gouvernement à l'occasion de l'examen du projet de budget sur la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les nombreuses réunions que je conduis avec les maires au niveau local ainsi que le récent congrès de l'Association des maires de France m'ont permis de relever un certain nombre d'inquiétudes et, de plus en plus souvent, de « ras le bol », si vous me permettez l'expression, de la part de mes collègues élus locaux.
Je vais essayer de m'en faire l'écho, notamment sur deux points indissociables, à savoir la responsabilité des collectivités et de leurs élus et les moyens dont ils disposent.
S'il est bien vrai qu'être homme c'est être responsable, il est évident, a fortiori , qu'être élu c'est accepter la responsabilité. C'est dans la nature même de l'élu, ou alors il y aurait de quoi s'inquiéter.
Mais la responsabilité a un corollaire : la capacité. C'est d'ailleurs un principe de droit. Et je crois pouvoir dire aujourd'hui qu'il y a rupture entre la responsabilité des élus et leur capacité à agir, non par manque de volonté mais par manque de moyens.
En effet, nous ne ne comptons plus aujourd'hui les compétences nouvelles mises à la charge des collectivités sans s'être assuré préalablement de savoir si celles-ci disposaient bien des moyens techniques ou financiers nécessaires à l'exercice de ces nouvelles responsabilités.
Il en est ainsi des grandes lois sur l'eau, les déchets, l'environnement, pour ne citer que celles-ci.
S'agissant par exemple de l'assainissement, il faut des schémas directeurs d'assainissement, et c'est bien qu'ils soient élaborés au niveau local. Mais lorsque l'on charge le maire de la vérification et du suivi de la conformité des assainissements individuels, alors là, monsieur le ministre, le petit maire rural que je suis ne sait plus faire. Et quand un de mes collègues s'adresse à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales - c'est arrivé dernièrement - pour demander conseil, il reçoit en retour une brève réponse administrative : « Depuis les arrêtés du 6 mai 1996, je n'ai plus réglementairement d'avis à donner sur ce dossier. Aussi je vous en fais retour. » Cela se passe souvent ainsi sur le terrain.
L'Etat, après s'être déchargé sur les collectivités, les laisse singulièrement seules, désarmées face à d'énormes responsabilités. Il y a là nature à nourrir des inquiétudes grandissantes, et j'appelle, monsieur le ministre, votre vigilance sur ce point.
Sur le plan financier, je sais bien que le pacte de stabilité est respecté ; je sais bien que l'Etat peut dire qu'il a, dans le cadre de la décentralisation, transféré aux collectivités les moyens nécessaires à l'exercice des compétences transférées, même si ce n'est pas tout à fait exact.
Je sais bien aussi que l'on dit aujourd'hui que l'Etat est le premier contribuable des collectivités locales mais vous savez que ses concours sont insuffisants au regard des charges nouvelles que, jour après jour, l'Etat impose aux communes, et ce souvent « mine de rien ».
Ainsi, nous venons d'apprendre que la décision de M. Claude Allègre et de Mme Ségolène Royal d'informatisation multimédia des établissements scolaires devra être financée par les collectivités locales à hauteur de 10 milliards de francs,...
Mme Hélène Luc. Pour partie !
M. Philippe Arnaud. ... 5 milliards de francs seulement étant à la charge de l'Etat.
Et que dire quand l'Etat, qui n'arrive plus à assumer ses propres responsabilités - et cela ne date pas d'aujourd'hui - se tourne vers les collectivités pour que celles-ci investissent à sa place, notamment pour les universités, les routes nationales, les gendarmeries ou les perceptions, et la liste est longue !
Mais le comble, c'est que l'Etat refuse alors le remboursement de la TVA au double prétexte que ces investissements ne sont pas de la compétence de la collectivité et que l'investissement est destiné à un tiers, alors que ce tiers est l'Etat lui-même !
Pour les lourds programmes d'investissement public des toutes prochaines années qui atteignent 60 milliards de francs d'ici à l'année 2002 pour les seuls déchets ménagers, montant énorme et insupportable pour nos contribuables locaux, il y a urgence à rendre au moins éligible au FCTVA la totalité de ces investissements qui visent à valoriser les déchets, ce qui n'est pas le cas actuellement, et à ramener à 5,5 % le taux de TVA pour la collecte de ces déchets.
D'ailleurs, sur ces deux derniers points, à savoir les investissements pour le compte de l'Etat et la TVA sur les ordures ménagères, j'ai déposé des amendements visant à régulariser ces situations paradoxales.
Je voudrais également attirer votre attention sur la DGE deuxième part, qui n'est pas accessible aux communautés communes de plus de 20 000 habitants.
Or, il arrive que ces communautés soient composées de petites communes rurales de moins de 2 000 habitants qui ont fait un véritable effort de solidarité en se regroupant et que leur EPCI, l'établissement public de coopération intercommunale, ne puisse bénéficier de la DGE pour ses investissements collectifs.
Ne pourriez-vous apporter une réponse à ce problème qui va à l'encontre de l'objectif recherché : favoriser la solidarité intercommunale ?
J'évoquerai aussi, monsieur le ministre, l'abondance de normes en tous genres intéressant les équipements scolaires, sportifs et de loisirs, les jeux d'extérieur pour enfants, les services de restauration, l'amiante ! Responsable de tout, le maire doit faire face. Sa responsabilité est engagée et l'administration se couvre en multipliant les avertissements. Tout ne peut pourtant pas être fait tout de suite ! Et d'ailleurs, quand c'est fait, c'est aussitôt à refaire !
Oui, des efforts sont à consentir pour la sécurité de nos concitoyens, oui des directives doivent préciser suffisamment les améliorations à apporter à nos équipements. « Suffisamment », monsieur le ministre, mais pas au point de rendre impossible leur réalisation !
En ce domaine comme en beaucoup d'autres, le mieux est l'ennemi du bien, et, vous le savez, sur ce terrain-là, il n'y a pas de limite.
On peut d'ailleurs s'interroger sur certaines exigences quand un grand ministre de ce gouvernement, par ailleurs éminent scientifique, déclare à propos de l'amiante que certaines contraintes imposées par les textes en vigueur sont excessives et non fondées scientifiquement, mais qu'en bon ministre de la République il n'a pas d'autre choix que d'appliquer la loi !
Vous le voyez, monsieur le ministre, si le problème des moyens - notamment financiers mais pas seulement - est bien posé aux élus locaux, il n'en reste pas moins que ces derniers demeurent responsables moralement, civilement, et même pénalement. Des améliorations heureuses ont été apportées, sur l'initiative du groupe de l'Union centriste du Sénat, à la responsabilité pénale des élus : ils ont maintenant droit aux circonstances atténuantes. Mais ce n'est pas suffisant, en tout cas ce n'est pas satisfaisant. Responsable municipal vous-même, monsieur le ministre, vous savez que les élus ne fuient pas leurs responsabilités : ils demandent seulement à avoir les moyens de les exercer.
Les détenteurs du pouvoir local se sentent de plus en plus fragilisés, à la merci de nouvelles contraintes juridiques et financières qui sont le fait de décisions prises, souvent, sans concertation.
Alors, s'il vous plaît, pensez-y lorsque vous réviserez le pacte entre l'Etat et les collectivités pour prendre en compte l'ensemble des charges pesant sur elles.
Avant de conclure, je dirai un dernier mot, monsieur le ministre, sur un point qui a déjà été évoqué et qui intéresse le statut des maires et leur régime indemnitaire. Celui-ci, chacun le reconnaît, reste encore très modeste. Une mesure récente, le glissement des cotisations de sécurité sociale vers la CSG, va s'appliquer aux indemnités des élus locaux, sans possibilité pour eux de compensation.
Cette conséquence est passée inaperçue, et c'est fâcheux, car cela va représenter dès 1998 une diminution de 7,5 % de leur indemnité, et ils ne seront toujours pas assurés sociaux ! Ce ne sont pas eux, pas pour cela en tout cas, qui viendront manifester ; mais s'il faut que les élus restent désintéressés, il convient tout de même qu'ils soient justement indemnisés et qu'ils ne soient pas moins bien traités que les autres catégories de citoyens. Je souhaite que vous trouviez un remède à cette situation.
J'en viens à ma conclusion, monsieur le ministre.
Poursuivez, parachevez la décentralisation, en toute transparence. Reconnaissez aussi des droits aux élus par l'amélioration de leur statut, et alors vous aurez contribué à conforter la démocratie. Mais n'oubliez pas de prendre en compte les réalités du terrain sur lesquelles j'ai essayé de vous apporter un témoignage personnel et sincère. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aborder le financement budgétaire de la décentralisation revient, c'est vrai, à traiter la question fondamentale des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, autrement dit à se pencher tout autant sur la réforme de l'Etat que sur l'évolution et l'adaptation de la réforme de 1982. J'examinerai donc successivement ces deux thèmes.
S'agissant de la réforme de l'Etat, je suis tenté, monsieur le ministre, de reprendre à mon compte les termes de la question écrite du 28 août dernier de mon collègue M. Georges Gruillot, sénateur du Doubs. Qu'en est-il de l'évolution de ce dossier et avez-vous l'intention de poursuivre l'effort engagé dans ce domaine par le précédent gouvernement ? Quelles que puissent être les orientations retenues et quelle que soit l'appréciation portée sur elles par la nouvelle majorité, ce projet de réforme a le mérite de poser la question du devenir de l'environnement administratif et institutionnel de notre pays.
Désormais, en effet, l'Etat n'est plus le bloc monolithique sur lequel s'est appuyé le pouvoir avant la décentralisation. Son champ d'action, sa capacité à agir, ses ambitions sont différents. Les lois de décentralisation, la construction européenne, mais aussi, d'une certaine manière, le mouvement des privatisations et l'évolution du service public en ont modifié le cadre et les perspectives.
Alors, de quel Etat la France a-t-elle besoin à l'aube du troisième millénaire ? De quel Etat par rapport à l'Union européenne, aux collectivités locales et à tous les acteurs économiques et sociaux ? Il importe que les voies de sa modernisation s'inscrivent dans la reconnaissance des échelons territoriaux et dans la prise en compte du rôle essentiel des collectivités. Seule une véritable articulation entre, d'une part, l'Etat central et ses services déconcentrés et, d'autre part, les collectivités est susceptible de favoriser cette évolution, qui doit tirer les conséquences de notre plus ou moins grande dépendance à l'égard de l'environnement international.
Ainsi, monsieur le ministre, qu'en est-il de la poursuite, voire de l'engagement, du processus de déconcentration ? Jean-Paul Delevoye déclarait très justement, voilà quinze jours, en ouverture du 80e congrès de l'Association des maires de France : « Construire l'Europe sans perdre son identité, franchir après la décentralisation l'étape de la déconcentration est un redoutable défi pour notre pays, mais il y va, me semble-t-il, du devenir de notre société. »
Peut-on donc espérer, à quelques semaines de son délai ultime, la mise en oeuvre du décret sur les décisions administratives individuelles ? De la même manière, qu'en est-il de l'expérimentation des rapprochements de différents services de l'Etat dans les départements ?
J'aimerais, monsieur le ministre, comme l'a fait tout à l'heure notre collègue Jean Puech, vous convaincre de la nécessité de ces efforts de modernisation de nos structures d'Etat, tant elles portent en elles les germes des prochaines étapes de la décentralisation.
En ce qui concerne justement la décentralisation, nous sommes nombreux - vous le savez, et cela a été dit ce soir - élus et parlementaires de toutes tendances, à appeler de nos voeux une clarification et une meilleure répartition des compétences de chacune de nos collectivités.
Initialement, les transferts de compétences ont été opérés dans l'espoir de mettre fin aux financements croisés. Au lieu de cela, cette pratique s'est pérennisée, généralisée et le plus souvent compliquée, tant et si bien que l'on assiste à une sorte de dilution des responsabilités et de confusion des pouvoirs très préjudiciables pour tous.
Au-delà de la lourdeur des délais d'instruction, le risque est réel de voir le financeur principal devenir le décideur en lieu et place de la collectivité qui détient pourtant la compétence juridique en la matière. Compte tenu du rôle et du poids des collectivités dans le développement local, il importe d'améliorer le système actuel, afin d'en augmenter la lisibilité et d'en bien démontrer aux citoyens l'efficacité, du point de vue tant administratif et financier que fiscal. Cela revient, en fait, à recentrer les pouvoirs et à asseoir les missions de base et les spécialisations de chaque collectivité sur des compensations financières équivalentes aux charges en cause.
Cela passe, bien sûr, par une nouvelle répartition de la fiscalité. Les conseils généraux, collectivités locales que je connais bien, ne cessent, par le biais de leurs associations représentatives, l'Association des présidents de conseils généraux, l'APCG, présidée par notre collègue Jean Puech, et l'Union des conseillers généraux de France, au sein de laquelle j'assume la fonction de secrétaire général, de réclamer que les règles soient précisées, que les compétences soient clairement identifiées et que les nouveaux transferts de compétences s'accompagnent effectivement des transferts de moyens correspondants.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Alain Dufaut. L'évolution exponentielle du coût de l'aide sociale est l'archétype de cette dérive permanente des dépenses obligatoires que les départements assument de plus en plus difficilement, à recettes constantes.
Je ne résiste pas au plaisir de vous citer trois autres exemples, tout aussi significatifs, bien que moins visibles.
Le premier concerne l'inéligibilité au FCTVA des investissements réalisés par les collectivités locales sur des biens appartenant à l'Etat ou à des particuliers, dès lors que cette intervention est motivée par une menace pour la sécurité publique et qu'elle est rendue nécessaire par l'inaction des propriétaires. Je me bats depuis plus de deux ans, monsieur le ministre, pour que ces travaux soient éligibles au FCTVA, et cela sans succès.
Je vous rappelle pourtant que cette question, qui concerne au premier chef l'entretien des rivières, conduit la plupart des syndicats d'hydraulique à la faillite. Dans un département tel que le mien, le Vaucluse, régulièrement et durement touché par les inondations, comme celle de Vaison-la-Romaine, en 1992, qui a fait trente morts, ce problème est grave, croyez-moi.
Le deuxième exemple, que je ne développe pas faute de temps - je vous renvoie pour cela aux discussions relatives à la première partie du projet de loi de finances pour 1998 - est celui de la taxe professionnelle de France Télécom.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Alain Dufaut. A ce phénomène, il convient d'ajouter la propension de l'Etat, comme cela a été dit à l'instant, de faire participer les collectivités locales à des investissements relevant normalement de son domaine de compétence. Tel est le troisième exemple, celui des routes nationales et des déviations d'agglomération. Comment supporter des clés de financement fixant les participations de l'Etat et de la région respectivement à 27,5 %, celles du département et de la ville respectivement à 22,5 %.
Alors qu'il s'agit d'une compétence de l'Etat, celui-ci, en sa qualité de maître d'ouvrage, récupère la TVA et ne financera en fin d'opération que 7 %.
C'est ainsi que le paradoxe suivant apparaît : la priorité de certains équipements entrant dans le cadre de compétence étatique est déterminée en fonction du taux de contribution des collectivités locales à leur financement.
Ce chantage n'est pas sérieux, il ne peut durer et ne constitue certainement pas la bonne méthode pour favoriser un aménagement du territoire rationnel.
Dans un souci de clarification, il conviendrait par conséquent que l'Etat finance seul, ou essentiellement avec l'aide des conseils régionaux, puisqu'il s'agit de la seule collectivité n'incluant pas dans sa compétence un réseau de voirie, l'aménagement des routes nationales.
Je n'irai cependant pas jusqu'à proposer, comme mon collègue André Vallet, qu'une seule collectivité finance l'intégralité des voiries.
J'en reviens aux compétences. Pour reprendre l'expression de M. Hauswirth lors du colloque organisé à Marseille le 27 février dernier, il serait vain d'imaginer une répartition des compétences comme un jardin à la française : une belle construction géométrique aux lignes clairement tracées.
Le multipartenariat n'est pas à proscrire, bien au contraire ; il est même à la base de la coopération locale et constitue une des clés du développement et de l'aménagement de nos territoires. Les contrats de plan en sont, bien sûr l'illustration.
Ce qu'il convient au contraire de corriger, ce sont les enchevêtrements administratifs et financiers, notamment en reprenant l'idée de la désignation d'un « chef de file », d'un leader, pour chaque compétence partagée.
L'article 65 de la loi d'orientation du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire prévoit le dépôt d'un projet de loi de clarification. Nous souhaitons assister sur ce thème à un nouvel essor, dont l'impérieuse nécessité ne vous échappera pas.
De la gestion efficace des compétences, elle-même accompagnée d'une reconnaissance d'un droit à l'expérimentation locale, dépendent les fiscalités locale et nationale et, par voie de conséquence, la compétitivité économique et notre pays. Sans quoi, monsieur le ministre, nous aboutirons à un paradoxe pour le moins surprenant : celui de renouer avec une « société bloquée », comme celle, justement, contre laquelle la réforme de 1982 entendait lutter. Un retour préjudiciable à la case départ, en quelque sorte !
Cela étant, monsieur le ministre, force est de reconnaître que vos moyens ne sont pas, loin s'en faut, à la hauteur de ces objectifs. Certes, vous souffrez de l'organisation gouvernementale qui veut que, tout en étant responsable de la décentralisation, vous ne soyez pas le gestionnaire des crédits des collectivités.
Ces dernières sont d'ailleurs les grandes oubliées de ce budget 1998. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est notre collègue M. René Dosière, député PS de l'Aisne et rapporteur pour avis de la commission des lois de l'Assemblée nationale, lors de la séance du 30 octobre 1997.
M. René Régnault. Il a mal lu le projet de loi !
M. Alain Dufaut. Le Sénat, représentant au Parlement des collectivités locales, ne peut, lui aussi, que le regretter ! (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Mesdames, mmessieurs les sénateurs, les concours aux collectivités locales inscrits au budget du ministère de l'intérieur dans le projet de loi de finances pour 1998 s'élèvent seulement à 25,4 milliards de francs. On ne peut donc pas, à proprement parler, dire que les collectivités locales ont été les grandes oubliées du budget. On a oublié, pour une fois de les ponctionner, voilà ce qu'il faudrait plutôt dire !
Cette somme de 25,4 milliards de francs, bien évidemment, ne retrace pas l'ampleur des transferts qui sont effectués par l'Etat aux collectivités locales, soit plus de 250 milliards de francs.
J'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt des rapports de MM. Michel Mercier et Bohl, que je remercie de leurs travaux au sein de leur commission respective, et j'ai écouté avec beaucoup d'attention les différents intervenants.
Je constate - à les entendre, cela est clair - qu'avec quinze ans de recul on peut juger très positivement les lois de décentralisation. Personne aujourd'hui, en effet, ne conteste que la décentralisation a été un grand progrès ; M. Hoeffel a d'ailleurs dit qu'un Etat moderne était un Etat décentralisé, ou tout au moins un Etat qui fait à la décentralisation toute sa part.
Il n'est pas exact, selon moi, d'affirmer que la décentralisation est en panne. Elle devra, certes, progresser encore et beaucoup, et nous nous apprêtons à lui faire franchir un nouveau pas l'année prochaine.
Ce pas, nous le franchirons ensemble, en étroite concertation, car il va de soi que l'Etat doit accompagner la décentralisation. De ce point de vue, la déconcentration est un axe essentiel de la réforme de l'Etat. A cet égard, M. Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, à partir de travaux qui sont d'ores et déjà engagés fera un certain nombre de propositions au début de l'année prochaine.
J'aborderai en quelques mots ce qui préoccupe légitimement le Sénat, je veux parler de la situation financière des collectivités locales.
Sur ce sujet, il me semble que nous posons un diagnostic commun, et ce n'est pas seulement l'élu local que je suis qui le ressent ainsi.
Les collectivités locales ont dû faire face à des défis nouveaux ; elles en ont encore devant elles. Nombre d'entre vous ont évoqué le poids des normes nouvelles dans le domaine de l'eau, des ordures ménagères,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Des stades de football !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... des stades de football, de la sécurité et, naturellement, à ce propos, je pense à la mise en oeuvre de la loi du 3 mai 1996 relative aux services départementaux d'incendie et de secours.
Il faudra bien mettre en oeuvre tout cela.
L'Etat vous demande par ailleurs de vous associer à certains grands projets d'intérêt national, comme le programme des emplois-jeunes, qui consiste à mettre le pied à l'étrier à tout une génération qui ne peut pas attendre que le ciel s'éclaircisse. Il s'éclaircira, mais il faut, en quelque sorte, devancer l'appel.
La capacité de financement que dégagent les collectivités locales ne leur laisse que des marges de manoeuvre étroites. Cela pénalise le nécessaire effort d'investissement.
Pour le court terme, le Gouvernement a décidé - vous l'avez mentionné, messieurs les sénateurs - de mettre en oeuvre le pacte de stabilité financière dans sa dernière année. Il n'était guère question de revenir sur les engagements pris au mois de juin dernier.
Vous avez bien voulu approuver cette démarche avec - si j'ai bien compris en écoutant M. Dérian - des points de vue nuancés ; mais l'essentiel est que, pour des raisons même diverses, vous approuviez la démarche qui a été suivie par le Gouvernement.
En 1995 - vous vous en souvenez - la discussion préalable avec les élus locaux avait permis de dégager deux objectifs prioritaires : la nécessaire capacité de prévision des budgets locaux et l'association des collectivités locales à l'effort de réduction des déficits publics. Je dois dire que, de ce point de vue, elles ont tenu leurs engagements.
S'agissant de la capacité de prévision, les règles d'indexation des différentes dotations ont été appliquées et la dotation globale de fonctionnement a pu bénéfier d'une progression plus soutenue, liée à la croissance économique, alors que seule l'inflation était prise en compte en 1994 et en 1995.
En revanche, la maîtrise des déficits publics s'est traduite - il faut bien le dire - par la diminution de certaines dotations, ramenant l'augmentation des concours de l'Etat à la seule inflation des prix.
D'autres mesures, comme la suppression de la DGE pour les villes de plus de 20 000 habitants ont été décidées par la loi de finances de 1996, si mes souvenirs sont bons. Je tenais à le rappeler à M. Vasselle.
M. René Régnault. Il ne s'en souvient plus !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a donc choisi de maintenir le dispositif, pensant que l'improvisation n'était pas une bonne chose.
Nous avons confiance dans la capacité de réaction des collectivités locales, dans leur capacité de comprendre un enjeu aussi crucial que celui de l'emploi des jeunes pour lequel l'Etat sollicite leur engagement, même s'il prévoit pour sa part d'y consacrer des moyens importants puisqu'il supportera 80 % de la charge.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je voudrais obtenir de vous une garantie concernant la rémunération de ces jeunes.
L'Etat indique qu'il va assurer le financement de cette rémunération à concurrence de 80 % du SMIC, laissant 20 % à la charge de la collectivité territoriale qui recrutera ces personnels.
J'avais pensé - sans doute étais-je naïf - que cette disposition serait inscrite dans la loi. Or, c'est un décret qui est prévu.
Aussi, pour ne pas être déçu par la suite, je vous demande de prendre l'engagement que ce décret sera maintenu pendant cinq ans. En effet, lorsqu'une mesure est inscrite dans une loi, il faut une autre loi pour la modifier, tandis que, si une disposition figure dans un décret, elle peut être modifiée très rapidement. Par conséquent, je crains que nous ne nous trouvions un jour, par décret, en raison de difficultés budgétaires, dans l'obligation de financer non pas 20 % mais 30 %, voire 40 % de la rémunération susvisée.
Il serait donc très important pour nous d'avoir l'assurance ferme que l'on ne touchera pas à cette répartition 80 % - 20 %.
Je ferai remarquer, au passage, qu'il s'agit encore d'une charge supplémentaire imposée aux collectivités locales sans aucune compensation, ce qui est contraire aux lois de décentralisation.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement n'a qu'une parole. Il s'est exprimé très clairement sur ce sujet, et je ne peux que renouveler l'engagement qu'il a pris et qui a été formulé par Mme Aubry. Cette répartition fait partie du pacte de confiance passé entre le Gouvernement, d'une part, et les collectivités locales, de l'autre.
Cela dit, monsieur Poncelet, je ne suis pas d'accord avec vous pour considérer qu'il y a transfert de charges. Ces jeunes seront employés pour une large part dans le cadre d'activités qui seront définies par l'autorité qui les recrutera, que ce soient les communes, les départements ou d'autres établissements publics locaux.
S'il est vrai par exemple, comme l'a dit M. Vallet, que les adjoints de sécurité relèveront de l'Etat à travers la police nationale, il en ira différemment des agents locaux de médiation qui pourront être employés dans un cadre souple, diversifié, notamment dans le cadre de contrats locaux de sécurité.
Je conteste tout à fait l'expression « transfert de charges » dans la mesure où c'est un effort collectif qui sera mis en oeuvre, chacun prenant sa part, l'Etat prenant non pas plus que la sienne, mais les quatre cinquièmes de la charge.
C'est aussi ce souci de respecter les engagements de l'Etat qui nous a conduits à ne pas augmenter le taux des cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Certains d'entre vous se sont inquiétés du fait qu'une possibilité d'emprunts avait été ouverte à la CNRACL par la loi de financement de la sécurité sociale. Je crois pouvoir vous dire que, normalement, la CNRACL ne devrait pas avoir à utiliser cette possibilité puisque les prévisions dont nous disposons à ce jour font état d'un excédent de 1,4 milliard de francs à la fin de 1998.
Quant au périmètre du pacte de stabilité, il est analogue à celui de 1997. Toutes les règles d'indexation des dotations ont été respectées. On peut même dire que le Gouvernement est allé un peu au-delà de ses strictes obligations légales en neutralisant les effets de la régularisation négative de la dotation globale de fonctionnement pour 1996, qui s'élève à 750 millions de francs.
Il est vrai que la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, a été minorée d'autant, puisque c'est la variable d'ajustement.
Sur ce point, je répondrai à M. le rapporteur spécial, qui m'a posé une question.
Une erreur de prévision a été commise en 1996, je vous le rappelle, puisque l'indice d'évolution des prix qui avait été évalué à 2,1 % n'a en fait été que de 1,9 %.
Pour 1996, le périmètre du pacte de stabilité aurait dû s'établir à 153,407 milliards de francs. Or il a été surestimé de 300 millions de francs par rapport à l'estimation initiale, qui était de 153,709 milliards de francs. Par conséquent, c'est cette surestimation qui est venue en quelque sorte en déduction des 750 millions de francs dont il a fallu minorer la DCTP. La différence, soit 450 millions de francs, a été neutralisée. C'est mathématique. Dès lors, je pense que l'engagement pris par M. le ministre de l'intérieur le 10 juillet dernier devant le comité des finances locales a été tenu ; du moins j'ai la conscience tranquille. En tout cas, vos arguments, monsieur le rapporteur spécial n'ont pas ébranlé ma sérénité.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je le vois bien, et je le regrette pour l'avenir !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Rien ne vous empêchera d'essayer de nouveau !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. C'est bien mon intention !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'en viens maintenant à la masse de la dotation globale de fonctionnement. Comme l'a relevé M. Régnault, elle progresse de 1,38 % par rapport à celle qui était répartie l'an dernier, soit un rythme légèrement supérieur à l'inflation.
Un peu supérieure à celle de 1997, cette progression devrait permettre de dégager des marges de manoeuvre un peu plus favorables pour la dotation d'aménagement et pour la mise en oeuvre de la péréquation au sein de la DGF, notamment au travers de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale.
Nous n'avons pas encore d'indications sur le développement des groupements intercommunaux, celui-ci déterminant fortement l'évolution de la DSU et de la DSR.
En 1997, les groupements intercommunaux ont absorbé 5 milliards de francs en 1993.
Il est clair qu'une nouvelle étape est aujourd'hui nécessaire. J'y reviendrai dans la deuxième partie de mon exposé.
Compte tenu des estimations retenues pour la dotation forfaitaire et en prévoyant la progression de l'intercommunalité à des niveaux proches de ceux de 1997, le solde à répartir devrait croître, pour la DSU, entre 2 % et 3,5 % et, pour la DSR, de 4,5 % à 6 % selon les choix que fera le comité des finances locales en janvier prochain ; en effet, ces affaires se règlent toujours en étroite concertation.
Les dotations de l'Etat au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, le FNPTP, et au Fonds national de péréquation, le FNP, évoluent comme les recettes fiscales nettes de l'Etat, soit 4,35 %.
En outre, le FNPTP bénéficiera de l'abondement de 1,336 milliard de francs constitué par le retour de fiscalité locale payée par La Poste et France Télécom, en application de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service de La Poste et des télécommunications.
Une partie de ce fonds sera consacrée à la compensation d'exonérations de la taxe professionnelle prévue dans le cadre du pacte de relance pour la ville.
En 1998, la contribution devrait être limitée à 570 millions de francs, ce qui portera les dotations de l'Etat au FNPTP à 2,30 milliards de francs, soit une augmentation de 29 % par rapport à 1997.
Cela nous permettra d'envisager plus favorablement la répartition entre les différentes parts du fonds, notamment la dotation de développement rural, au profit notamment de l'intercommunalité, et le Fonds national de péréquation. Ce dernier constitue le levier le plus puissant pour nourrir la péréquation des dotations au bénéfice des communes pauvres en ressources fiscales, notamment en taxe professionnelle.
J'en viens aux dotations d'équipement inscrites dans le pacte de stabilité, qui recouvrent la dotation globale d'équipement et les dotations d'équipement scolaire. Elles progressent comme la formation brute de capital fixe des administrations publiques, soit 2,5 % en 1998, pour s'établir à près de 10 milliards de francs.
Après deux années de baisse consécutive à la suppression de la première part destinée aux villes en 1996 - j'ai déjà évoqué ce problème - la dotation globale d'équipement progresse de 2,5 % et s'établit à 5,1 milliards de francs.
Les dotations de financement des transferts de compétence - la dotation générale de décentralisation, la DGD-Corse et la DGD - formation professionnelle - progressent au même taux que la DGF, soit 1,38 %. Elles atteindront au total 20,973 milliards de francs.
Compte tenu des ajustements techniques, la seule DGD s'élèvera à 14,593 milliards de francs en 1998, soit une progression de 1,55 % par rapport à 1997, rythme supérieur à celui de l'inflation.
Par ailleurs, les dotations non comprises dans le pacte méritent examen. Aucune mesure n'est proposée qui puisse réduire, si peu que ce soit, les compensations versées aux collectivités locales au titre des exonérations et dégrèvements de fiscalité locale. Pourtant, et vous en avez fait le constat, l'Etat contribue à concurrence de 73 milliards de francs à la fiscalité locale, et il n'était pas inimaginable de commencer à corriger cette situation anormale. Mais le Gouvernement a préféré éviter toute précipitation. Je le dis particulièrement à l'intention de M. Puech : nous prendrons le temps qu'il faudra pour que toutes les consultations soient menées convenablement, aussi bien avec vos commissions, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'avec les grandes associations d'élus.
J'aborderai maintenant la question du FCTVA. Il est estimé à 20,72 milliards de francs pour 1998, soit un montant similaire à celui qui a été consommé en 1997, les règles de ce fonds n'étant pas modifiées par le projet de loi de finances pour 1998.
J'évoquerai peut-être tout à l'heure le problème du versement aux groupements. Je l'ai déjà traité ici même lors d'une récente question d'actualité ; je passerai donc rapidement sur ce sujet.
Le prélèvement au titre des amendes de police progressera de 5 % en 1998, pour s'établir à près de 2 milliards de francs.
Ainsi, c'est la première fois depuis longtemps que les collectivités locales ne se verront pas mises à contribution, d'une manière ou d'une autre.
Enfin, des mesures ont été adoptées lors du débat à l'Assemblée nationale ; je sais que la Haute Assemblée les souhaitait. Je pense à la revalorisation de 1,1 % des bases de la fiscalité locale et à l'éligibilité au FCTVA des investissements réalisés par les groupements sur le patrimoine communal. Il s'agit du problème que j'évoquais tout à l'heure.
L'année 1998 devra être celle d'une réflexion sur l'après pacte de stabilité. Je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, pour l'ensemble de vos interventions sur ce sujet. Nos idées à cet égard se rejoignent souvent.
Vous avez abordé, par exemple, le problème des « pays » et de la restructuration du paysage. Nous devons progresser avec beaucoup de prudence, j'en suis bien conscient. Je crois, monsieur Hoeffel, que nous sommes d'accord : les « pays » ne doivent pas constituer un niveau supplémentaire d'administration décentralisée ; ils doivent rester un espace de projet, au sens de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de 1995.
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. M. Puech et d'autres intervenants ont évoqué la question du non-cumul des mandats. Sur ce sujet, des avis divers se sont exprimés. La concertation est engagée. Il faudra laisser le débat se dérouler.
Il est clair que la question du statut de l'élu ne peut pas être dissociée du problème du non-cumul des mandats. (M. Hoeffel fait un signe d'approbation.) Il faudra faire progresser ces dossiers parallèlement.
Par ailleurs, je le dis à regret devant vous, mais c'est justice : la CSG est prélevée sur les indemnités des élus, comme elle l'est sur les rémunérations qui sont perçues à des titres divers par nos concitoyens. Il n'y a pas de dérogation à la règle !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Pour les salariés, il y a suppression des charges sociales, mais pas pour les élus !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Nous reprendrons cette discussion à une autre occasion !
Monsieur Puech, le conseil interministériel pour l'aménagement du territoire se tiendra, effectivement, le 15 décembre prochain.
Il a été suggéré de « pousser » un certain nombre d'idées, par exemple de renforcer les agglomérations ou les pays. Je tiens à vous préciser que cette loi interviendra en son temps. La loi d'aménagement du territoire ne sera pas soumise au Parlement avant le mois de juin mais, de toute façon, je déposerai auparavant le projet de loi sur l'intercommunalité : ce dernier devra régler les modalités pratiques qui permettront d'avancer, notamment sur la voie de l'intercommunalité, qu'il s'agisse des agglomérations ou du reste du territoire.
Je pense, en effet, que le problème se pose aussi pour l'intercommunalité en milieu rural, même si on peut constater qu'elle a progressé beaucoup plus vite, depuis 1992, que l'intercommunalité à l'échelon des agglomérations.
L'année 1998 ne sera pas une année de quiétude, puisque nous devrons examiner la sortie du pacte. Le Gouvernement s'est attaché à réunir les conditions pour faciliter la réflexion sur ces sujets difficiles. La logique veut que nous traitions ensemble des questions concernant les institutions.
M. Régnault a évoqué la démocratie dans un certain nombre de structures intercommunales. J'ai écouté avec intérêt sa suggestion. Il faut également que nous abordions la question des compétences et que cela se traduise au niveau des évolutions financières.
Je souhaite que la poursuite de la réflexion sur l'intercommunalité trouve sa place dans les travaux sur la fiscalité locale, notamment sur la taxe professionnelle d'agglomération qui doit être vivement encouragée, et dans une réflexion plus large sur une meilleure allocation des ressources entre collectivités.
Plusieurs d'entre vous sont intervenus sur la nécessaire mise en oeuvre de la révision des bases cadastrales. Je partage leur souci.
D'autres orateurs ont évoqué le problème des sapeurs-pompiers. J'ai réuni les associations d'élus, les syndicats, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers voilà quelques jours. Je réunirai également, le 18 décembre prochain, les présidents des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, qui sont presque tous élus aujourd'hui. Je procéderai aussi à la réunion de tables rondes informelles au début de l'année prochaine, de façon à réunir les moyens qui permettront l'application effective de la loi du 3 mai 1996. Comme vous, je crois que cette loi relative à la départementalisation des services d'incendie et de secours va dans le bon sens.
Des études d'impact ont été réalisées sur les conséquences de l'application de cette loi, lesquelles n'ont pas été exactement mesurées. Un certain nombre de grandes associations d'élus, l'Association des maires de France, l'Association des présidents de conseils généraux, notamment, ont exprimé la crainte que l'on s'oriente vers l'étatisation. Ce ne serait pas raisonnable, le cumul de tous les budgets départementaux représentant 25 milliards de francs.
Vous mesurez bien qu'il s'agit là d'un chantier nouveau qu'il nous appartient d'ouvrir ensemble. Il importe, en effet, que chacun y soit véritablement associé, afin que les responsabilités soient peut-être mieux marquées.
Allons ensemble de l'avant, mais autant que possible du même pas, de façon que cette loi se traduise par un réel progrès - un progrès, certes, pour les sapeurs-pompiers, mais surtout un progrès pour la sécurité de nos concitoyens - et cela, naturellement, dans le respect des équilibres auxquels je sais que vous êtes attachés.
Nous devrons sans doute réexaminer par ailleurs les conditions dans lesquelles fonctionne la dotation globale de fonctionnement au regard de l'intercommunalité.
J'ai entendu des avis divers s'exprimer, mais je pense que c'est là une direction que nous devons privilégier, faute de quoi la part de l'intercommunalité - certains s'en sont plaints ! - risque d'absorber tout le reste. Par conséquent, il importe de mieux distinguer les différentes enveloppes.
Un projet de loi sera déposé au printemps, je le répète ; il permettra de donner une traduction concrète à ces éléments et montrera la nécessité de poursuivre la décentralisation que, comme vous, le Gouvernement souhaite.
Il va de soi qu'une réflexion devra également être conduite sur l'avenir de la CNRACL, réflexion qui me paraît indissociable d'une réflexion plus vaste sur la place de cette institution dans l'équilibre global des régimes spéciaux et sur ce que l'on appelle la compensation et la surcompensation.
C'est, en effet, l'ensemble de notre sécurité sociale qu'il nous faut considérer si nous voulons progresser sérieusement.
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Bien entendu, il faudra également progresser - de nombreux intervenants s'en sont fait l'écho - quant aux dossiers relatifs aux charges nouvelles : je pense aux normes relatives à l'eau, aux déchets, aux ordures ménagères.
Je ne reviendrai pas sur les SDIS, sur la sécurité dans les stades ou dans les gymnases.
Il ne servirait à rien de veiller aux ressources des collectivités locales - je sais qu'elles doivent être protégées - si, dans le même temps, les charges des collectivités n'étaient pas maîtrisées mieux qu'elles ne l'ont été au début des années quatre-vingt-dix. C'est l'ensemble de ces paramètres que nous devons avoir présents à l'esprit avant d'ouvrir ce grand chantier.
Je suis prêt à engager la concertation nécessaire. On ne peut retarder indéfiniment les échéances : la décentralisation doit franchir des étapes nouvelles. Je ferai en sorte que vos commissions soient associées étroitement que possible avec, bien entendu, les grandes associations d'élus. Nous aurons l'occasion d'en reparler à cette concertation, très prochainement, je vous le promets.
Je tiens à vous remercier de la qualité de vos interventions et, en même temps, de l'intention que vous avez manifestée de voter les crédits du ministère de l'intérieur concernant les collectivités locales. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et de l'Union centriste.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la décentralisation inscrits à la ligne « Intérieur et décentralisation » seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits affectés à la sécurité, le samedi 6 décembre prochain.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 350 506 925 francs. »