M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Monsieur le ministre, si je m'en tiens à vos propos, de nouvelles orientations pour l'agriculture de demain marquent ce budget.
Annoncé comme un budget de transition et de quasi-reconduction, il augmente en effet, par rapport à l'année dernière, de 0,2 %, hors budget annexe des prestations sociales agricoles. Cependant, une telle augmentation nous semble beaucoup trop faible, au regard des enjeux et des défis auxquels est confronté le monde agricole d'aujourd'hui.
Il s'inscrit dans un contexte original, avec la perspective de la prochaine réforme de la politique agricole commune, la PAC, réforme particulièrement inquiétante, et la préparation, en parallèle, de la nouvelle loi d'orientation agricole dont vous avez commencé à définir les grands axes. Saisis du document préparatoire, nous avions d'ailleurs formulé à l'époque un certain nombre de remarques et exprimé notre inquiétude sur ce qu'il est convenu d'appeler le « paquet Santer ».
Nous sommes encore plus inquiets aujourd'hui, comme la plupart des exploitants agricoles. En témoignent de nombreuses manifestations et les déclarations des différents syndicats.
En raison de l'importance de l'agriculture au sein de l'Union européenne, notre pays est particulièrement touché par toute réforme de la PAC. Or la réforme qui porte le nom de « paquet Santer » constitue un véritable acte de guerre contre l'agriculture à visage humain, qui est la spécificité de l'agriculture française et même de l'agriculture européenne de qualité.
En accroissant la concurrence entre agriculteurs sur le marché mondial par l'abaissement des prix agricoles, on accroît les difficultés de ceux qui travaillent dans ce secteur.
Cette réforme se caractérise par une logique de concentration hyper-capitaliste, dans un contexte de renégociation des accords de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, ce que l'on appelle la libéralisation du commerce et sur laquelle il y aurait beaucoup à dire.
Les conséquences de telles logiques sont évidentes, puisque l'on constate une accentuation non seulement des déséquilibres écologiques et territoriaux, mais aussi des écarts de revenus entre les différents exploitants. J'ai eu, à plusieurs reprises, l'occasion de vous le dire ici, en séance publique ou dans d'autres enceintes, monsieur le ministre, et je le répète : ce projet est inadmissible. Il faut, certes, réformer la PAC, mais pas dans ce sens-là !
Cette réforme devrait viser à une modulation et à un plafonnement des aides publiques, à la mise en place d'un prix minimum garanti pour un volume donné de production, au développement de la complémentarité, au renforcement des organisations de producteurs et, surtout à l'application réelle de la préférence communautaire.
Il est donc plus que jamais nécessaire que notre pays fasse pression au niveau européen. Après tout, la France est la première puissance agricole européenne, et il nous revient, à ce titre, de régler non seulement des questions agricoles stricto sensu , mais aussi ce problème particulier, qui constitue un véritable débat sur un vrai projet de société. Vers quel monde allons-nous ? Telle est la question !
L'installation des jeunes - vous l'avez vous-même évoquée dans le document préparatoire à la loi d'orientation - constitue, à mon avis, un modèle de ce à quoi il faut tendre et, surtout, un modèle du type de discussion que nous devons avoir.
La seule position cohérente - nous espérons que c'est celle qui sera adoptée par le Gouvernement français - serait d'exercer une pression sans relâche pour faire en sorte que l'Union européenne ne sacrifie pas les atouts européens en termes de qualité et de diversité. Pour l'instant, et je m'en félicite, chaque fois que ces questions sont venues en discussion à Bruxelles, si j'en juge à ceux de vos propos qui ont été rendus publics, vous vous êtes opposé à des mesures condamnant à plus ou moins long terme cette agriculture à visage humain.
Cependant, nous restons vigilants et, si le budget présenté va dans le sens de la réorientation de certains crédits et de la mise en avant de priorités que nous jugeons également essentielles, il appelle de notre part quelques critiques.
La première priorité retenue concerne l'installation des jeunes. Les crédits qui lui sont consacrés sont en augmentation de 3,4 % ; c'est une bonne chose. Depuis des années, tout le monde le sait ici, je me bats pour que des mesures concrètes, réellement efficaces, soient prises dans ce domaine. J'ose espérer que, au-delà du budget, je ne serai pas une nouvelle fois déçu.
La création du fonds pour l'installation en agriculture, doté de 160 millions de francs, est un bon début, mais ce n'est qu'un début. Elle était d'autant plus nécessaire que moins de la moitié des jeunes s'installant accédaient jusqu'à aujourd'hui à la dotation aux jeunes agriculteurs déjà existante. Cette dotation est en effet soumise à des critères d'attribution très restrictifs, d'où le faible nombre de ses bénéficiaires. Cependant, elle reste importante pour de nombreux jeunes, et il est indispensable de reconduire les crédits qui lui sont affectés. Dans le même sens, nous soutenons l'effort budgétaire en faveur des stages à l'installation, avec des crédits en augmentation de 26 %.
Toutes ces mesures sont bonnes et même indispensables puisque - on ne le répétera jamais assez - aujourd'hui, pour quatre exploitants partant à la retraite, un seul jeune s'installe !
Si les efforts consentis dans ce budget sont notables et doivent permettre l'installation de 10 000 jeunes environ, ce sont 35 000 installations qui seraient nécessaires pour simplement maintenir le nombre d'agriculteurs. La pression, vous le voyez, doit donc être maintenue, car il reste encore à faire, dans le sens d'une accélération du dispositif.
Une agriculture dynamique, valorisant nos potentiels régionaux et fondée sur la qualité est donc possible en France comme en Europe, à condition que suffisamment de jeunes viennent dans cette profession ; mais, pour cela, il faut prendre les initiatives nécessaires.
C'est pourquoi il est essentiel d'inverser la tendance et d'impulser une nouvelle dynamique de renouvellement et de rajeunissement. Je ne répète pas ici ce que j'ai déjà indiqué lors du débat sur l'agriculture, que nous avons eu il y a peu.
Une deuxième des priorités retenues dans votre budget me paraît également aller dans le même sens, et je m'en félicite, monsieur le ministre : je veux parler de l'effort consenti en faveur de l'enseignement et, globalement, de la formation professionnelle. Les crédits augmentent de 5 %.
Si j'apprécie la création d'un fonds social destiné à aider et à améliorer la situation des familles les plus défavorisées, je m'interroge sur l'inégalité entre l'augmentation de 2,5 % des moyens du secteur public, contre 8 % pour le secteur privé. Que l'on me comprenne bien, il s'agit non pas, pour moi, de prôner la diminution des crédits du secteur privé mais plutôt de voir ceux du secteur public atteindre le même niveau d'augmentation. C'est d'autant plus nécessaire que l'enseignement agricole public est particulièrement défavorisé et en difficulté, et ses personnels souvent en situation précaire et mal rémunérés.
Or, aujourd'hui, le métier d'agriculteur ne s'improvise pas, si tant est qu'il ait pu un jour s'improviser, ce qui mériterait discussion. Des formations performantes et adaptées sont donc indispensables ; il faut s'en donner les moyens.
Dans le même sens, il serait urgent de lancer des campagnes nationales de revalorisation, au sein de la société française, de l'image du métier d'agriculteur, de sa modernité, des connaissances techniques et scientifiques nécessaires à son exercice. Cette activité est, en effet, trop souvent déconsidérée, y compris par une part importante d'exploitants agricoles eux-mêmes, ce qui tend à décourager encore plus des jeunes potentiellement intéressés. Des crédits devraient être débloqués à cette fin, ce qui n'est pas le cas dans le budget présenté aujourd'hui ni même dans un autre budget ; c'est d'ailleurs l'une des critiques que nous faisons au projet de loi de finances. Il faut donc une vraie campagne, de vrais moyens sur un thème : « Devenez paysan, c'est un vrai avenir ».
En ce qui concerne la troisième priorité de votre budget, à savoir la sécurité et la qualité alimentaire, elle répond à une préoccupation toujours plus forte des consommateurs, et nous sommes en total accord avec ce choix. Cela vient conforter, d'un certain point de vue, les remarques que j'ai faites au début de mon intervention : il est indispensable, pour notre pays, de défendre un modèle agricole européen fondé sur la qualité et la diversité des productions, dans une logique de développement durable et équilibré, et non avec le souci unique de la productivité et de la concurrence, qui sont toutes deux de faux défis. Et, quand je parle de modèle européen, je sais ce qu'il doit à la France !
Mais ce budget appelle d'autres remarques.
La reconduction des dotations consacrées à l'intervention et à la modernisation des filières est une bonne chose, mais, au regard des besoins énormes dans ces domaines, elle nous semble tout de même insuffisante.
Parallèlement, si nous apprécions que les dotations pour l'aménagement rural et forestier soient également reconduites, il est cependant nécessaire à nos yeux de rendre plus transparente l'administration des fonds qui y sont liés, et, disant cela, je pense notamment au fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.
Les dérives constatées dans une gestion relevant trop souvent d'une pratique connue dans nos campagnes sous le nom de « pompe à fric », si je peux me permettre l'expression, et mise au service des mieux informés, empêchent ce fonds d'atteindre l'objectif qui devrait être le sien : être véritablement au service de l'aménagement du territoire.
Dans un domaine proche, il est appréciable que les crédits affectés au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, soient maintenus. Mais, là encore, une meilleure gestion des dossiers et la réduction des inégalités de traitement sont nécessaires.
La différence de traitement entre agriculteurs « intégrables » et « non intégrables » - différence justifiée par la recherche d'une prétendue efficacité environnementale - peut accentuer l'avantage économique au profit d'élevages très importants, la mise aux normes étant l'occasion d'une modernisation de l'outil de production. Prenons garde ! A terme, cette attitude pourrait ne profiter qu'à l'agrandissement de quelques-uns, donc à la concentration, au lieu de servir à l'installation des jeunes. Il vous faut donc, monsieur le ministre, faire preuve de vigilance dans la définition des conditions d'attribution.
Enfin, je tiens à faire remarquer le recul des crédits consacrés à la SOPEXA, la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, qui nous semble particulièrement regrettable.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. En effet !
M. Louis Minetti. Cet organisme a un rôle important à jouer auprès des petites et moyennes entreprises pour le développement et la promotion de leurs exportations.
Il serait donc nécessaire de pallier cette baisse, sous une forme budgétaire qu'il reste à trouver d'ici à la fin de l'année.
Il convient de mentionner également la diminution sensible de l'indemnité spéciale de montagne et des crédits aux régions défavorisées, ce qui est en net décalage avec les intentions affichées par la loi d'orientation agricole de replacer le territoire au coeur de la politique agricole.
En conclusion, monsieur le ministre, je réaffirmerai notre volonté de voir la France se doter d'une loi d'orientation agricole ambitieuse et valorisant ce que j'ai brossé à grands traits comme un modèle rural spécifique à la France et, sans doute, à l'Europe, loi capable de constituer une base de référence avant les négociations de la PAC et de l'OMC.
Si le budget que nous avons examiné présente des lacunes et quelques manques d'envergure que j'ai signalés, il n'en reste pas moins inscrit dans une logique rompant avec un certain nombre des budgets précédents. Nous espérons que cette approche se concrétisera, et nous verrons, à la fin de ce débat, comment nous allons nous déterminer. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. César. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Hélène Luc. C'est M. Minetti que vous applaudissez ? (Sourires.)
M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention porte sur trois points importants de votre budget : les retraites agricoles, la SOPEXA et la prime d'orientation agricole, la POA.
Lors du débat agricole qui a eu lieu dans cette enceinte le mois dernier, vous avez admis, monsieur le ministre, que le montant de nombreuses pensions de retraites resterait très insuffisant.
Ce constat est confirmé par les retraités eux-mêmes et formulé dans le rapport de M. Daniel Garrigue, parlementaire chargé de mission par l'ancien gouvernement pour faire le point sur l'état des retraites.
Ce rapport souligne le décalage existant entre les différentes retraites, met l'accent sur l'action restant à mener et sur leur nécessaire revalorisation. Chacun sait que le rapport actifs-inactifs est particulièrement défavorable : 1 actif pour 2,3 retraités en 1997.
Par ailleurs, il convient de noter des modalités de constitution des droits très complexes, de nombreuses carrières comme chef d'exploitation incomplètes, des différences énormes de cotisations selon la taille des exploitations et un recours inégal au fonds de solidarité vieillesse.
Face à ce problème, des efforts financiers ont été engagés depuis 1994, mais ils restent insuffisants en ce qui concerne les actuels salariés.
L'Assemblée nationale a voté, sur votre proposition, un crédit de 680 millions de francs pour revaloriser les plus petites pensions. Cette majoration profitera surtout aux conjoints, aux anciens aides familiaux et à ceux qui ont été chefs d'exploitation pendant quelques années. L'augmentation sera de 5 100 francs par an pour une carrière complète dans l'agriculture, soit 37,5 années ; son montant sera dégressif entre 37,5 et 32,5 années d'activité, et ceux qui n'atteignent pas 32,5 années seront écartés de la mesure.
C'est ainsi que 275 000 petits retraités agricoles seront concernés. Or tout laisse supposer que beaucoup d'intéressés subiront de fortes restrictions dans le calcul de leur revalorisation. En effet, si 275 000 personnes devaient bénéficier de 5 100 francs supplémentaires, c'est une dépense d'environ 1,4 milliard de francs qui devrait être inscrite dans la loi de finances, au lieu des 680 millions qui y figurent.
Sur le principe, l'augmentation est bonne, à condition que des mesures restrictives, telles que prorata ou minorations, ne viennent affaiblir vos promesses et les effets d'annonce du ministre des finances. En effet, l'augmentation actuelle de 5 100 francs par an pourrait se trouver réduite à moins de 50 francs par mois pour les personnes ayant exercé leur activité pendant 32,5 années.
Par ailleurs, monsieur le ministre, les veuves qui, en 1995, ont bénéficié de la mesure de cumul de leurs droits propres et de leur pension de réversion seront-elles écartées de l'augmentation de leur retraite forfaitaire, aujourd'hui proposée ?
Sur ces questions de retraite, je vous engage, monsieur le ministre, à traduire votre volonté, qui est forte, d'améliorer le sort de ces retraités misérables par des mesures immédiates, car ils attendent effectivement les 5 100 francs promis.
Enfin, il importe qu'un calendrier de rattrapage échelonné soit arrêté pour parvenir à 75 % du SMIC, soit 3 778 francs par mois. Une telle orientation relève de la solidarité nationale et non d'un ajustement au sein du budget du ministère de l'agriculture à travers la subvention d'équilibre au BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Monsieur le ministre, ne décevez pas nos retraités !
Le deuxième point que je veux aborder concerne la SOPEXA.
J'ai pu, monsieur le ministre - et ce n'est qu'un exemple - apprécier avec vous-même, lors du salon du SIAL Mercosur à Buenos Aires, le soutien efficace apporté aux entreprises du secteur agro-alimentaire par la SOPEXA. C'est une multitude de PME et d'exploitations individuelles qui sont à l'origine des performances exceptionnelles à l'exportation du secteur agricole et alimentaire. Les grands marchés internationaux s'ouvrent, la concurrence y est de plus en plus vive, et les grands pays exportateurs renforcent les moyens publics consacrés à la promotion.
Ainsi est-il inquiétant, voire dangereux, de diminuer les crédits de soutien : 197,8 millions de francs dans la loi de finances de 1997 ; 157,8 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1998, soit une diminution de 40 millions de francs.
En admettant qu'il soit nécessaire de revoir certaines missions de la SOPEXA, il n'était pas utile de baisser son budget aussi brutalement.
Vous avez admis vous-même, devant la commission des affaires économiques et du Plan, ne pas méconnaître le risque que fait peser cette réduction de crédits sur des actions importantes de la SOPEXA si des moyens alternatifs de financement ne sont pas trouvés.
Par ailleurs, il importe que les conclusions de la mission d'analyse de cette société, conduite par l'inspection générale des finances et par l'inspection générale de l'agriculture, soient rendues rapidement, à défaut d'être connues pendant l'examen du budget.
Enfin, mon troisième point a trait à la prime d'orientation agricole.
Concernant la politique agro-alimentaire, c'est la fin de l'embellie ; l'Etat se désengage de façon continue depuis les cinq dernières années. Si l'on se livre à une rapide comparaison, on constate que, en 1994, 220 millions de francs étaient inscrits en autorisations de programmes et 219 millions de francs en crédits de paiement, contre 173 millions en autorisations de programmes et 150 millions de francs en crédits de paiement pour l'année 1998.
En treize ans, les crédits ont été globalement divisés par quatre.
La suppression des aides au secteur agro-alimentaire, prônée par certains au motif que c'est l'allégement des charges pesant sur les entreprises qui constituera le levier majeur de l'intervention publique, est contradictoire avec la stratégie européenne. De plus, nous savons tous que les charges ne cessent de progresser.
L'Union européenne, quant à elle, en maintenant les aides à certains secteurs grâce à des plans sectoriels bien ciblés, confirme la nécessité de conduire une politique particulière à l'égard de certains secteurs agro-alimentaires.
L'amélioration du stockage, le conditionnement et la transformation sont des secteurs porteurs, en particulier pour la coopération agricole, qui doit demeurer un secteur dynamique pour le maintien à la fois des productions, de nombreux emplois directs et indirects et de la valeur ajoutée apportée à ses adhérents.
Sans ces crédits, la prime d'orientation agricole et le FEOGA, le fonds européen d'orientation et de garantie agricole, deviendraient rapidement inefficaces, monsieur le ministre, et je vous demande donc de les maintenir dans votre budget au niveau de 1997.
Il en va de l'avenir de nombreuses entreprises agro-alimentaires qui, par le levier financier que constitue la prime d'orientation agricole, pourront investir, donc se moderniser et être compétitives pour l'avenir de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur l'agriculture qui a eu lieu dans cet hémicycle, le 5 novembre dernier, a été l'occasion pour nombre de nos collègues de s'exprimer sur la politique agricole qu'ils souhaitent voir appliquée par le Gouvernement, sur les décisions et les mesures que l'on saura mettre en place et imposer, tant sur notre territoire que sur la scène internationale. En effet, nul ne doit oublier les grandes échéances à venir, à savoir la nouvelle réforme de la politique agricole commune et les prochaines négociations internationales au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
Cependant, tout le monde s'accorde à dire que l'agriculture française doit tenir une place de premier rang dans les futures discussions. Nous attendons donc avec impatience, monsieur le ministre, votre projet de loi d'orientation agricole, qui déterminera l'avenir de nos agriculteurs et de leurs exploitations. Si elle est vraiment une loi d'orientation et non un texte d'aménagement, elle pourra servir de référence pour toute l'agriculture européenne, ce qui nécessite, de votre part et celle de l'ensemble des participants, beaucoup d'audace, de fermeté et d'ambition. Il faudra un consensus des acteurs principaux que sont les organisations professionnelles agricoles représentatives.
Cette loi permettrait de répondre de façon résolue à la nouvelle politique agressive américaine après la loi du Fair Act adoptée au début de l'année dernière.
Pour en revenir au budget agricole, mon intervention portera plus spécialement sur le rôle et sur la fonction sociale de l'agriculture. En effet, et je l'ai déjà mentionné à maintes reprises dans cet hémicycle, j'ai souvent privilégié la fonction économique de l'agriculture. Ce fut d'ailleurs quasiment la seule qu'on lui reconnaissait pendant des décennies.
Je reviendrai sur l'importance des secteurs agricole et agro-alimentaire dans la balance commerciale.
Il est très important pour notre pays d'assurer la sécurité alimentaire en volume et en qualité, comme vous le souhaitez, monsieur le ministre, grâce à la compétitivité de notre agriculture. Il faut aussi maintenir, voire accroître sa part de marché vers les pays importateurs, en particulier les pays émergents, et ne pas laisser l'exclusivité de l'approvisionnement des ces marchés aux seuls grands pays traditionnellement exportateurs : la France et l'Europe doivent y avoir leur part.
Il ne faut pas négliger non plus le rôle évident de l'agriculture dans la protection de l'environnement et l'aménagement du territoire. Sans entrer dans les détails, Bruxelles souhaite promouvoir une « politique rurale intégrée communautaire », la PRIC, pour répondre aux nouvelles demandes de la société. Cette politique lierait les aides à l'agriculture à des critères environnementaux ou ruraux.
Monsieur le ministre, dans votre discours devant l'Assemblée nationale, vous vous êtes exprimé ainsi : « Il n'y a pas dans mon esprit de rupture entre la politique agricole au niveau national, qui sera définie par la loi d'orientation, et le débat au niveau communautaire. En d'autres termes, il ne s'agit pas de définir une orientation productiviste pour la PAC et une orientation, appelons-la territoriale, pour la loi d'orientation. Il s'agit d'un seul et même débat. »
Monsieur le ministre, pour répondre à ce double objectif, votre budget me paraît tiède et manque d'ambition. Vous affichez votre priorité pour la fonction sociale de l'agriculture. Je ne suis donc pas surpris de certaines coupes importantes qui affectent la vocation économique de celle-ci, même si je les regrette. En revanche, je m'attendais à des mesures un peu plus volontaristes permettant aux agriculteurs d'assurer et de pérenniser leurs actions en matière d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement.
Le monde agricole ne voudrait pas être la victime d'une certaine idéologie. Si vous avez la volonté d'axer votre politique sur le volet social, permettez-moi de vous dire que les moyens que vous voulez mettre à la disposition des acteurs du monde agricole ne sont pas à la hauteur de vos ambitions. En disant cela, je n'oublie pas - et vous n'avez de cesse de le répéter pour justifier ce projet de budget - que, dans un contexte de difficultés économiques et sociales, « l'équité dans l'attribution des soutiens publics est une exigence que nos concitoyens recherchent légitimement ».
Pour Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, l'agriculture serait responsable de tous les maux en matière d'environnement. On cite les situations qui paraissent dangereuses, et l'on a raison, mais on ne dit pas souvent, voire jamais, les efforts importants dus aux technologies modernes et à la volonté des agriculteurs de les appliquer. C'est ainsi que, pour des augmentations très sensibles des rendements, on a réduit parfois de moitié, voire plus, l'utilisation d'intrants tels que les engrais, les amendements et les produits phytosanitaires.
En ce qui concerne le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, seuls 175 millions de francs d'autorisations de programme sont prévus dans le projet de budget pour 1998. Les éleveurs se sont pourtant engagés progressivement, mais massivement, dans le programme de remise aux normes des bâtiments d'élevage.
Ces travaux sont financés pour un tiers par les éleveurs, pour un tiers par l'agence de l'eau, le dernier tiers incombant à l'Etat et aux collectivités locales.
Les éleveurs ont démontré, par le nombre d'études déjà réalisées, qu'ils étaient déterminés à moderniser et à améliorer les conditions sanitaires de leurs installations. Ils respectent le PMPOA engagé en 1994 après la loi sur l'eau de 1992 ainsi que l'arrêté sur la redevance de pollution de 1993.
Les agences de l'eau ont globalement respecté leurs obligations et ont ouvert les crédits nécessaires aux agriculteurs. Les collectivités locales, principalement les régions, participent également et honorent leur engagements.
Il semble que seule la participation de l'Etat soulève quelques problèmes. Le coût du programme avait été initialement évalué par l'administration à 3,5 milliards de francs. Or la forte mobilisation des éleveurs - 90 % d'adhésions au lieu des 50 % prévus - ainsi que la sous-estimation du coût moyen des travaux par exploitation conduisent à un quadruplement des besoins initiaux, soit 14 milliards de francs.
Le terme de ce programme a donc été repoussé de 1998 à 2001. Si la ligne programmée en 1997 a été annulée à 25 %, ce sont pourtant 283 millions de francs qui ont été attribués au PMPOA grâce à la mobilisation financière du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE. Or, cette année, le projet de loi ne prévoit pas qu'une partie des fonds du FNDAE soit affectée, alors qu'il est indispensable que l'engagement du FNDAE pour le PMPOA soit en 1998 au même niveau qu'en 1997.
Si l'Etat ne se donne plus les moyens de sa politique, il sera nécessaire de repousser une fois de plus le calendrier des mises aux normes.
Puisque j'aborde la question environnementale, je souhaite, monsieur le ministre, vous interpeller sur le thème des biocarburants, l'utilisation à des fins non alimentaires de grande masse de la production agricole étant un sujet cher aux organisations agricoles et auquel M. Machet et moi-même consacrons toute notre énergie depuis plusieurs années.
La semaine dernière, à Bruxelles, est paru le Livre blanc sur l'énergie. Or, seules quelques lignes, dans cet ouvrage, ont été consacrées aux carburants d'origine agricole.
Par ailleurs, la loi sur l'air, votée en fin d'année 1996, précisait « le droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé ». Or, plus de la moitié de nos concitoyens considèrent que les problèmes d'environnement affectent actuellement leur santé, et si l'on hiérarchise ces problèmes, on constate que la qualité de l'air arrive en tête de liste avec la qualité de l'eau. Nous venons de connaître, voilà quelques jours encore, des problèmes de pollution très graves à l'occasion desquels on a évoqué beaucoup de choses pour y faire face, mais pas du tout l'utilisation des carburants d'origine agricole.
M. Michel Doublet. Très bien !
M. Michel Souplet. L'aboutissement de la mise en oeuvre du nouveau système de défiscalisation, dans le projet de loi de finances, sera l'occasion de l'agrément d'un volume d'ETBE - éthyl tertio butyl éther - supérieur, puisqu'il était de 210 000 tonnes, et qu'il pourrait atteindre 270 000 tonnes, ce dont je me réjouis.
Toutefois, qu'en est-il, monsieur le ministre, de l'application de la loi sur l'air, qui prévoit l'incorporation obligatoire d'oxygène dans les essences à partir de l'an 2000 ? Pour l'instant, les décrets d'application ne sont toujours pas parus.
Par ailleurs, où en est la mise en forme des décrets définissant le taux minimal d'oxygène dans les essences, sachant qu'un objectif de 2 % permettrait de garantir un impact significatif en matière environnementale ?
Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, pour que le Gouvernement français veuille promouvoir les biocarburants et faire progresser leur utilisation. Monsieur le ministre, intervenez auprès de votre collègueMme Voynet, ministre de l'environnement. Les Français croient à la valorisation de la biomasse. Les agriculteurs aussi, malgré les dénégations de quelques hauts fonctionnaires du Plan ou des finances. Faites preuve, là encore, de pugnacité.
Il est une autre mesure qui mérite un autre « traitement » budgétaire, je veux parler de la prime à l'herbe.
Cette mesure, qui a été mise en place en accompagnement de la réforme de la PAC, arrive à échéance. Or elle est un instrument efficace d'occupation de l'espace et de protection de l'environnement. Cette mesure concerne 104 000 éleveurs, avec 42 % de la surface en herbe française.
Si le projet de budget prévoit une enveloppe de 680 millions de francs, celle-ci est cependant inférieure de 5 % à celle de l'an dernier. Cette dotation ne correspond pas aux nécessités actuelles et ne pourra satisfaire la demande des agriculteurs ; en outre, elle est insuffisante pour que la prime à l'herbe soit un véritable outil d'aménagement du territoire.
Son champ d'application devrait donc être élargi à l'ensemble des zones herbagères. Cette mesure pivot de l'agriculture française doit être pérennisée. Il faut donc y mettre les moyens, c'est-à-dire doubler les primes. Elle deviendrait ainsi plus incitative pour le maintien et l'entretien des surfaces en herbe.
Les mesures agri-environnementales que vous présentez sont caractérisées par une volonté de simplification en regroupant les mesures et en affichant les priorités, l'accent étant mis, notamment, sur les plans de développement durable.
Si votre prédécesseur, monsieur le ministre, attribuait aux plans de gestion durable des objectifs de production, de gestion durable de l'environnement et d'emploi, en revanche, vous semblez, quant à vous, privilégier la dimension environnementale dans le contrat de développement durable que vous présentez.
Or, si ces plans, initiés par la réforme de la PAC en 1992, orientaient le système d'exploitation vers des modes de production intégrant mieux les préoccupations environnementales, il faut aussi conforter la viabilité économique et assurer beaucoup mieux la transmission des exploitations. Le développement durable, consacré en 1992 lors du sommet de Rio sur l'environnement, répond à ce principe : « Protéger l'environnement et l'aménagement du territoire tout en conciliant le développement économique de notre société ».
Pour ce qui concerne le volet économique, je parlerai principalement de la situation délicate, déjà évoquée par plusieurs prédécesseurs à cette tribune, de la SOPEXA. Certes, comme vous l'avez indiqué à l'Assemblée nationale, le budget global de la SOPEXA est en augmentation ces dernières années. En réponse à mes collègues députés, vous avez annoncé la mise en place d'une mission qui étudierait l'adéquation des moyens attribués par l'Etat aux objectifs de cette société. Nous comptons tous sur l'efficacité et, surtout, sur la rapidité de cette mission, qui, je l'espère, admettra la nécessité de l'investissement public pour la promotion à l'exportation de nos produits agricoles et agroalimentaires.
La France est le deuxième exportateur mondial de ces produits, avec un solde commercial excédentaire de 58,5 milliards de francs sur les 122 milliards de francs d'excédent de la balance commerciale globale. Au moment où nos concurrents maintiennent ou renforcent le soutien public pour la promotion de leurs produits, il est risqué d'envisager une baisse des crédits de cette société dont la fonction vise à renforcer la capacité exportatrice de nos entreprises qui sont essentiellement des PME pour lesquelles l'accès aux marchés extérieurs est plus difficile et plus risqué. C'est pourquoi il est important, voire vital, de les accompagner financièrement et administrativement dans leur volonté d'exporter.
Tels sont, monsieur le ministre, les différents points que je souhaitais vous soumettre. Pour éviter les redites, mes collègues du groupe de l'Union centriste évoqueront d'autres sujets, en particulier le « paquet Santer », la fiscalité agricole mal adaptée, l'installation des jeunes, les organismes génétiquement modifiés, l'Agenda 2000, etc. Je suis solidaire de leur prise de position, et je vous remercie, monsieur le ministre, de m'avoir entendu ; je serai attentif aux réponses que vous pourrez m'apporter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Grandon.
M. Jean Grandon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs non inscrits, au nom desquels je m'exprime sur le projet de budget de l'agriculture, n'ignorent pas le contexte de redéploiement des efforts budgétaires et de rigueur dans lequel il a été élaboré.
La marge de manoeuvre est nécessairement limitée et, parce qu'il faut nous en tenir aux chiffres, un constat s'impose.
Il s'agit d'un budget de reconduction qui n'exclut pas quelques priorités auxquelles nous sommes sensibles : je pense à l'enseignement et, dans une moindre mesure, à la politique d'installation avec, certes, un recentrage des moyens.
Ce budget recèle aussi un certain nombre de points faibles, et le dossier qui retient notre attention, en l'espèce, est celui des retraites agricoles les plus modestes, qui ne nous paraît pas avoir été pris ici en compte. Nous y reviendrons.
Première observation : l'augmentation des crédits consacrés à l'enseignement agricole est incontestable.
Avec une progression de 410 millions de francs pour s'établir à près de 6,6 milliards de francs, les dépenses bénéficiant à l'enseignement et à la recherche traduisent, monsieur le ministre, une véritable volonté politique que nous espérons voir consolidée tant dans la loi d'orientation de l'agriculture que dans le troisième schéma prévisionnel national des formations agricoles en préparation.
Cette volonté doit s'accompagner d'une réflexion de fond sur la vocation et le rôle de cet enseignement, tenant compte des contraintes de notre fin de siècle en termes d'aménagement du territoire, de qualité et de sécurité alimentaires, et d'environnement bien entendu.
Pour autant, les crédits alloués à l'enseignement supérieur privé, même s'ils progressent de l'ordre de 4 %, ne semblent pas répondre aux engagements. Il n'y a pas deux types d'enseignement, le public d'un côté, le privé de l'autre. L'un comme l'autre assument des missions essentielles.
Je souhaite simplement vous redire l'attachement de notre groupe à l'égalité de traitement entre l'enseignement public et l'enseignement privé ainsi que notre souci de préserver l'équité de l'accès des jeunes à ce dernier.
Deuxième observation : de la formation à l'installation, la transition est trouvée pour évoquer la substitution du fonds d'intervention pour le développement industriel local, le FIDIL, par le fonds pour l'installation en agriculture, le FIA, qui devra financer une nouvelle prime à la transmission des exploitations pour encourager l'installation, notamment en dehors du cadre familial.
Etait-il opportun de créer un instrument financier supplémentaire alors que le précédent commençait seulement à produire ses effets ?
Nous aimerions donc connaître les modalités concrètes d'application de ce dispositif, de même que nous voudrions être rassurés sur le maintien des dispositifs existants, voire sur leur adaptation à l'évolution du monde rural que nous subissons aujourd'hui.
A ce stade, je souhaiterais évoquer, monsieur le ministre, la dotation de la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, dont, sans sous-estimer les impératifs auxquels vous êtes confronté en matière de finances publiques, la réduction se révèle drastique dans le projet de budget.
La France est le deuxième exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires ; ses 15 000 entreprises et ses 500 000 emplois directs, implantés essentiellement en milieu rural, dégagent un solde commercial de 58 milliards de francs.
Comment interpréter mais encore expliquer cette mesure, au moment où les marchés internationaux s'ouvrent et où les grands pays exportateurs renforcent les moyens publics consacrés à la promotion de leurs produits ?
Il serait paradoxal que seule la France renonce à renforcer sa capacité exportatrice et fragilise ainsi la présence de ses PME sur les marchés extérieurs.
Troisième et dernière observation : les retraites agricoles les plus faibles. Il ne s'agit, ni plus ni moins, que de manifester notre solidarité nationale à l'égard des femmes et des hommes qui ont fait notre agriculture et de leur permettre de disposer de ressources décentes.
La loi de modernisation intervenue en février 1995 et les résultats de la conférence annuelle de février dernier sur la revalorisation des retraites avaient suscité beaucoup d'espoirs.
Il existe de surcroît un document de travail - le rapport Garrigue - qui trace quelques pistes : revaloriser les petites retraites des chefs d'exploitation, poursuivre l'effort en faveur des veuves, améliorer la situation des conjoints en activité, fixer à 24 000 francs la retraite forfaitaire des retraités conjoints devenus ensuite exploitants.
Ce rapport reste d'actualité et il serait judicieux d'y puiser les éléments d'une politique volontariste dans ce domaine.
Il est donc indispensable que des dispositions immédiates soient prises en faveur des retraites les plus basses et qu'un calendrier de rattrapage progressif soit mis en place.
Solidarité nationale, disais-je à l'instant. Nous devons manifester un souci de justice et de dignité envers celles et ceux qui ont travaillé toute leur vie à la modernisation de l'agriculture et de notre territoire national. La France a besoin de ses « paysans » pour garantir la pérennité de la ruralité. Il ne faut relâcher ni notre soutien ni nos efforts en faveur de l'agriculture au moment où se profilent de nouveaux défis avec les négociations communautaires de demain et des négociations mondiales qui interviendront en l'an 2000.
Monsieur le ministre, les sénateurs non inscrits considèrent que, si ce projet de budget répond pour partie à ses attentes, il reste encore trop en retrait, particulièrement dans son volet social. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Habert. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de la cinquantaine de mes collègues qui sont membres du groupe d'études de la viticulture de qualité que j'ai l'honneur de présider, je me permets plus particulièrement d'attirer votre attention sur la situation de la filière vitivinicole.
Selon les plus récentes prévisions du ministère de l'agriculture et de l'ONIVINS, l'Office national interprofessionnel des vins, la production des vins de 1997 s'élèverait à 56 millions d'hectolitres, dont 23,9 millions en vins de qualité produits dans des régions déterminées, les VQRPD, 13,4 millions en vins de pays, 8,2 millions en vins de table et 10,5 millions en vins destinés à la production de cognac.
Tous vins confondus, la production marque un recul de 6 % par rapport à la précédente campagne et de 3 %, si l'on compare à la moyenne des cinq dernières années.
Par rapport à 1996, toutes les catégories de vins enregistrent une baisse, les vins de pays et les vins de table marquant les plus forts reculs avec, respectivement, des baisses de 12 % et de 7 %. Les VQPRD diminuent de 3 %. Sur la moyenne des cinq dernières années, les vins de table enregistrent une forte baisse - 24 % - cependant que les vins de pays progressent légèrement - 2 %. Les vins aptes à faire du cognac diminuent de 3 % par rapport à la précédente récolte, mais sont en hausse de 4 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années.
S'agissant du cognac, il y a lieu de souligner que les professionnels ont engagé une réflexion pour mettre en oeuvre une politique de restructuration du vignoble que rendent nécessaire la surproduction, l'abondance du stock, la stagnation des exportations.
La baisse enregistrée en 1997 est pour partie imputable aux calamités agricoles qui ont affecté plusieurs régions de production, en particulier le midi de la France.
M. Alain Lambert, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il ne faut pas oublier le calvados !
M. Serge Mathieu. Il en fait partie de toute façon !
Pour ce qui concerne notre commerce extérieur des vins, l'année 1996 a constitué une année exceptionnelle : la France a en effet exporté l'année dernière 13,6 millions d'hectolitres pour une valeur de 24,8 milliards de francs.
Les exportations françaises des vins ont ainsi dépassé le précédent record enregistré en 1987, avec 13 millions d'hectolitres en volume. La baisse des importations de 4 % par rapport à 1995 prolonge une tendance enregistrée en 1994, avec une diminution de 8 %. La valeur des importations se limite à 2,6 milliards de francs.
Le bilan établi par l'ONIVINS dégage donc un solde excédentaire de 22,2 milliards de francs ; il n'en reste pas moins qu'il est essentiel de poursuivre l'action de promotion des vins français à l'étranger, en particulier sur certains marchés émergents tels que ceux des pays asiatiques. A cet égard, on constate que la crise financière qui affecte les places boursières asiatiques retentit fortement sur les importations des vins français par ces pays, cette constatation s'appliquant particulièrement aux vins de Bordeaux.
Concernant toujours le secteur des exportations, on ne peut que déplorer la diminution de la dotation allouée à la SOPEXA dans le projet de loi de finances pour 1998.
Pour ce qui concerne les plantations, en particulier celles de VQPRD, il importe de tout mettre en oeuvre pour empêcher la disparition des droits à plantations puisqu'une demande des producteurs s'est fait jour en ce domaine.
Les services des douanes vont donc alerter les détenteurs de ces droits afin que ces derniers ne soient pas perdus. A cet égard, il y a lieu de déplorer que les professionnels ne soient pas parvenus à établir un accord sur les modalités du dispositif destiné à éviter que des droits de plantation ne tombent en désuétude ; un débat s'est toutefois instauré sur le transfert de ces droits d'une région à une autre.
L'augmentation des charges sociales et de la fiscalité s'appliquant à la viticulture est particulièrement préoccupante. La réforme de l'assiette des cotisations sociales élaborée en 1993 a certes permis d'importantes améliorations. Toutefois, l'assiette des cotisations sociales demeure trop large, puisqu'elle englobe tous les bénéfices des exploitations sans qu'il soit permis d'établir une distinction entre les bénéfices réinvestis dans l'entreprise et ceux qui rémunèrent le travail des exploitants.
Bien entendu, par définition, le revenu des exploitants viticoles varie en fonction des aléas climatiques et de l'évolution des marchés qui déterminent les volumes de production et les stocks constitués. C'est pour ces raisons que les revenus sont particulièrement soumis à d'importantes fluctuations annuelles.
Cette situation est encore plus préoccupante lorsque les exploitations sont assujetties au régime fiscal des bénéfices réels, qui est mieux adapté à une activité agricole plus régulière.
On doit toutefois se réjouir que la fiscalité des stocks à rotation lente permette d'atténuer l'impact du délai entre la production et la commercialisation des vins.
Certes, le code général des impôts ouvre la possibilité d'une déduction fiscale pour investissements. Toutefois, cette disposition est exclusive de celle qui précède, ce qui engendre pour les exploitations viticoles d'importants problèmes de trésorerie dans la gestion de leurs stocks.
Je voudrais à présent évoquer la réforme de l'organisation commune des marchés, l'OCM. Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu'en 1994 les producteurs européens avaient adopté une position commune de rejet de la proposition présentée par la Commission de l'Union européenne de réforme de l'organisation commune des marchés vitivinicoles.
Devant cette unanimité, Bruxelles avait finalement retiré son texte qui avait mis au grand jour les divergences d'intérêts entre les pays du nord de l'Europe et ceux du sud de l'Europe. Le commissaire européen à l'agriculture, M. Franz Fischler, devrait présenter en avril prochain une première mouture du projet d'OCM fondé sur le constat qu'il y aura moins d'excédent dans l'Union européenne et qu'il n'est donc plus question de recourir systématiquement à l'arrachage.
Il est important qu'un consensus intervienne entre les différents pays de l'Union européenne pour étudier et pour amender le projet d'organisation commune des marchés qui sera présenté par la Commission européenne.
En tout état de cause, il est probable que l'on aboutira en ce domaine à une forme de compromis. De plus, il est avéré que le principal obstacle, tient non pas aux divergences entre les pays de l'Union, mais à celles qui naissent avec les pays tiers continuant à planter sans discernement. Il conviendra en outre de prendre en compte l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale qui ouvrent un marché de 100 millions de consommateurs.
Il est également fondamental que l'OCM permette de préserver la compétitivité de la production vinicole européenne.
Je voudrais à présent aborder un thème auquel mes collègues du groupe d'études de la viticulture de qualité sont particulièrement sensibles : il s'agit du débat sur la relation entre la consommation modérée de vin et la santé. Des études approfondies, menées tant aux Etats-Unis qu'en Europe par des chercheurs réputés, ont permis d'établir qu'une consommation régulière et maîtrisée de vin provoque des effets bénéfiques sur la santé, en particulier sur le système cardio-vasculaire.
M. Michel Doublet. Très bien !
M. Serge Mathieu. C'est pourquoi, monsieur le ministre, il me semble qu'il faut rompre avec l'esprit de la loi Evin qui a diabolisé le vin et qui empêche toutes les actions de promotion et d'information, notamment scientifique, sur le vin.
M. Roland Courteau. On l'a dit en 1990 !
M. Serge Mathieu. Je voudrais, monsieur le ministre, me féliciter que vous ayez décidé, dès le mois d'août, une distillation préventive de 5,5 millions d'hectolitres. J'ai accueilli également comme une saine mesure l'action que vous avez reconduite afin d'encourager les viticulteurs à ne pas vinifier une partie de leur production en destinant une fraction de ladite production à des débouchés « non vins ». Cette action, qui répondait à une demande de la profession, permet aux viticulteurs dont le rendement est supérieur à 90 hectolitres à l'hectare de livrer, dans la limite de 18 hectolitres à l'hectare, des volumes de moût pour ces produits « non vins ».
J'ai bien noté la décision arrêtée le 18 août de poursuivre l'action en faveur de l'allégement des charges qui pèsent sur les viticulteurs engagés dans une politique d'amélioration qualitative et d'adaptation de leur vignoble par l'institution d'une aide à l'hectare.
Je me réjouis, en outre, de la poursuite de l'effort des pouvoirs publics en faveur de la restructuration du vignoble.
Je crois qu'un problème se pose concernant les difficultés techniques et le coût de la mise aux normes au titre des installations classées par les petites caves coopératives et par les caves particulières qui doivent engager pour ces actions d'importantes dépenses.
Je terminerai mon exposé, monsieur le ministre, mes chers collègues, en évoquant le budget de l'enseignement agricole.
Les dotations budgétaires consacrées à l'enseignement et à la recherche dans le projet de loi de finances pour 1998 augmentent de 4,9 % et atteignent 6,6 milliards de francs, alors que l'augmentation n'était que de 2,2 % en 1997.
Je conviens qu'il y a lieu de poursuivre une réflexion sur les effectifs souhaitables d'élèves de l'enseignement agricole et, plus généralement, sur la place de l'enseignement agricole dans notre système éducatif.
A cet égard, le critère est, bien sûr, le taux d'insertion professionnelle des anciens élèves de l'enseignement agricole ; mais quelle finalité doit-on donner à l'enseignement agricole ? S'agit-il de limiter sa vocation à la formation des futurs exploitants ou bien d'en diversifier les objectifs afin de permettre aux élèves de l'enseignement agricole d'accéder à des emplois dans le domaine de l'environnement, de l'aménagement de l'espace rural ou de l'animation ?
Concernant l'enseignement agricole privé, les crédits de fonctionnement s'élèvent à 2,57 milliards de francs, enregistrant ainsi une hausse de 8 % par rapport à 1997. Cette importante progression s'explique par la revalorisation des rémunérations des enseignants des établissements à temps plein, directement pris en charge par l'Etat, et par l'application effective du principe de parité de financement entre l'enseignement public et l'enseignement privé fixé par la loi Rocard de 1984.
Je me dois de faire une mention toute particulière au rôle assuré par les maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation, dont l'enseignement en alternance permet aux élèves de demeurer périodiquement au contact de l'exploitation et donc de disposer des meilleures chances pour une installation en agriculture.
J'ajoute que les maisons familiales rurales ont fait un effort significatif de diversification de leur formation dans les disciplines de l'aménagement et de l'animation. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pastor. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Ecoutons-le religieusement !
M. Henri Weber. Prenons des notes !
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, à l'occasion de l'examen du projet de budget de l'agriculture, vous me permettrez de situer en introduction le contexte dans lequel notre société évolue, l'agriculture, la ruralité et l'aménagement de l'espace étant des notions étroitement liées.
Quand je regarde sous l'angle de leur évolution nos sociétés, j'ai peur. J'ai peur que l'on ne soit en train de tirer le rideau sur toute une période de notre histoire, une période qui a commencé avec le xixe siècle et dont le trait dominant était le souci de réduire les inégalités sociales, de protéger les plus faibles, de rechercher la parité entre les différents groupes sociaux.
Or j'ai la forte conviction que l'on ne pourra pas persévérer dans un modèle de développement qui nous conduit tout droit à une forme de désintégration sociale.
C'est dans ce cadre qu'il m'apparaît - et j'y crois fermement - qu'une des réponses aux maux dont souffre notre société aujourd'hui se trouve certainement dans nos campagnes.
M. William Chervy. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Je suis persuadé que l'équilibre de notre territoire et des hommes qui y vivent ne pourra se faire dans le seul contexte du libre-échangisme mondial, qui trop souvent détruit notre agriculture, notre territoire et les hommes.
Il est temps de renvoyer l'économie vers les territoires. En fait, la question centrale est la suivante : quels sont les moyens d'inverser le déclin démographique, économique, politique et culturel du monde agricole et rural ?
Il faut d'abord une volonté politique, et vous l'avez, monsieur le ministre,...
M. William Chervy. Il l'a !
M. Jean-Marc Pastor. ... comme vos actions le prouvent.
Mais il faut aussi s'appuyer sur un rééquilibrage des activités productives et sur l'abandon partiel d'une vision seulement financière de l'économie, car qualité de nos produits et valeur des territoires sont des atouts à développer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
Ce sont toutes ces interrogations qui doivent fixer une orientation, un sens à l'acte politique pur. Comment, monsieur le ministre, votre projet de budget traduit-il ces orientations ? Et comment ces dernières seront-elles reprises dans la négociation sur la réforme de la PAC ou lors de la préparation de la loi d'orientation ?
Dans un contexte budgétaire contraint et limité, où les marges de manoeuvre sont difficiles à dégager, le projet de budget de l'agriculture et de la pêche pour 1998, avec 35,2 milliards de francs, traduit une volonté certaine de l'Etat de maintenir ses efforts dans ces deux secteurs. En effet, hors dotations exogènes - BAPSA et charges de bonification - il progresse de 0,2 %. Il s'agit donc d'un budget qui rompt avec un mouvement de réduction des crédits constaté depuis quelques années, en particulier avec celui de votre prédécesseur. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Mais la rupture est également marquée en ce sens que ce projet de budget s'inscrit parfaitement dans la politique générale du Gouvernement, qui a réaffirmé le rôle essentiel de l'agriculture et exprime deux volontés fortes.
La première est d'engager l'agriculture sur la voie de l'avenir, ce qui est rendu possible au moyen du soutien à l'enseignement et à l'installation des jeunes.
La seconde est que l'agriculture soit un facteur d'aménagement de l'espace rural et, par là même, de développement rural.
Tout cela pour rappeler qu'en dépit de contraintes multiples auxquelles vous avez été confronté - marges de manoeuvre limitées, rétablissement à opérer, mais aussi préparation de la réforme de la PAC et remise en chantier du projet de loi d'orientation agricole, puisque de l'une et de l'autre dépend aussi notre agriculture de demain - vous avez eu, monsieur le ministre, la volonté d'orienter le budget agricole, de traduire une nouvelle logique. C'est donc un tournant important.
Je tiens à préciser aussi que le budget de l'agriculture ne représente que 20 % de l'ensemble des dépenses publiques profitant à l'agriculture.
Vos dernières prises de position à propos du « paquet Santer » sont de nature à nous rassurer tous.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Nous étions inquiets !
M. Jean-Marc Pastor. C'est bien, en effet, dans les politiques communautaires que l'on retrouve le plus de dysfonctionnements ; il faudra bien rétablir l'équité.
Compétitivité, certes, mais nouveaux grands équilibres liés à notre agriculture plurielle sont les enjeux du débat européen. Le principe du plafonnement ou de la dégressivité des aides, voire la mise en place de critères limitant l'intensification, est nécessaire aujourd'hui.
Votre pragmatisme vous conduit, monsieur le ministre, à opérer avec méthode et prudence, et donc à proposer une sorte de bilan pour la fin 1999 avant d'entamer les étapes ultérieures. Sachez que nous y sommes sensibles.
L'attente était réelle pour connaître la manière dont vous dégagerez les quatre priorités budgétaires que j'ai perçues dans vos propositions.
La première priorité est l'installation des jeunes. Dans tous les domaines, en effet, quel meilleur moyen d'assurer l'avenir que d'y préparer les jeunes ?
Actuellement, l'installation se heurte à plusieurs barrières, comme l'importance des capitaux à mobiliser et les difficultés à attirer vers le métier d'agriculteur des jeunes non issus du monde agricole et hors cadre familial, amorce d'une nouvelle osmose sociale.
Un milliard de francs est consacré à relancer l'installation des jeunes. De plus, la mise en place d'un outil spécifique, le fonds pour l'installation en agriculture, doté de 160 millions de francs devrait permettre de répondre aux besoins qui, jusqu'ici, n'étaient pas satisfaits.
Outre le fait que les actions positives du FIDIL ont été conservées - il faut le rappeler - nous saluons la création d'une prime à la transmission en agriculture pour la reprise d'exploitation sans successeur.
Par ailleurs, à côté de ce nouvel instrument, les moyens traditionnels d'aide à l'installation sont maintenus à l'identique : 10 000 dotations aux jeunes agriculteurs pourront ainsi être financées grâce à une dotation de 645 millions de francs et 45 millions de francs sont réservés aux opérations groupées d'aménagement foncier les OGAF.
Dans le même souci d'accompagnement des installations, un effort de formation important est prévu, avec une augmentation de 27 % des crédits consacrés aux stages d'installation. La dotation atteindra, pour la première fois, 100 millions de francs. Cela permettra d'augmenter le nombre de stagiaires et d'élargir ainsi les stages à des jeunes n'appartenant pas au monde agricole.
La deuxième grande priorité concerne la sécurité sanitaire et la qualité de l'alimentation.
Le budget pour 1998 prévoit les moyens de répondre à cette préoccupation. En effet, les crédits sont en nette hausse, de 14,3 %.
Je ne vous le cache pas, monsieur le ministre, c'est une priorité qui m'agrée au plus haut point, d'autant que l'année 1996, marquée par la douloureuse affaire de la vache folle et, plus globalement - mais cela en découle - par les interrogations des consommateurs sur la nature de leur alimentation, nous a conduits à étudier par quels moyens nous pouvions intervenir pour limiter les dégâts causés par la rupture entre producteurs et consommateurs.
La seule façon d'y parvenir est, bien sûr, « la traçabilité ».
M. Raymond Courrière. Il a raison !
M. René-Pierre Signé. C'est un expert !
M. Jean-Marc Pastor. Ce budget en fournit les moyens, puisque les crédits consacrés au contrôle et à la santé animale connaissent une progression inégalée : 6,4 % pour les crédits du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, 8,7 % pour les crédits de l'Institut national des appellations d'origine et 21 % pour les crédits affectés à l'utilisation des labels et à la promotion des signes de qualité. C'est une nette avancée qui montre le souci du Gouvernement d'assurer la sécurité des consommateurs et de contribuer à l'amélioration des produits.
Ainsi, au moment où se met en place un nouveau dispositif de sécurité sanitaire et où la qualité et la sécurité des produits sont une préoccupation majeure des consommateurs, le projet de budget dégage des moyens dans ce sens, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Je retrouve là, monsieur le ministre, un signe majeur de la relation nécessaire entre l'agriculture, la qualité des produits, le territoire et les consommateurs.
La troisième grande priorité, qui a été largement évoquée à cette tribune, concerne l'enseignement et la formation.
En rupture avec la tendance des années 1993-1997, il faut le reconnaître, la volonté de conforter l'enseignement agricole s'exprime par une croissance de 4,9 % des dotations destinées à l'enseignement public et de 8 % de celles de l'enseignement privé. Votre prédécesseur avait choisi une autre voie : il avait engagé une politique de maîtrise des dépenses avec des normes de croissance et d'effectifs.
Personnellement, je préfère une formation tournée vers l'avenir, vers l'industrie agro-alimentaire, vers le tourisme rural, vers l'environnement, qui sont les composantes premières de notre ruralité et de notre espace rural, vers une formation solide et adaptée aux mutations du moment, afin de permettre aux jeunes de pratiquer une agriculture durable et diversifiée.
En ce qui concerne les moyens en personnel, 150 emplois seront créés en 1998. Un signe révélateur avait déjà été donné à la rentrée de 1997 par le réemploi des agents contractuels et par la levée du gel qui frappait 140 emplois de personnel ATOS, le personnel administratif, technicien, ouvrier et de service.
Je ne veux pas passer sous silence la nécessité de redonner vie et espoir à l'enseignement public, peut-être par une loi de programmation. La qualité de l'enseignement agricole public est saluée par tous, mais cet enseignement a aussi besoin aujourd'hui d'une reconnaissance. Tout en restant rattaché à l'agriculture, l'inscription d'un budget civil de l'enseignement agricole serait peut-être de nature à conforter vos orientations.
N'oubliez pas, monsieur le ministre, que près de 25 % du personnel est en situation précaire et que de nombreux postes budgétaires pourraient être financés par les heures supplémentaires ou les vacataires.
La quatrième priorité de ce budget est le volet social par l'amélioration des retraites agricoles.
Mais, monsieur le ministre, puisque vous l'avez largement évoquée, je me bornerai à rappeler que cela constituait un engagement du Gouvernement, que vous avez tenu, et que la première étape enclenchée cette année devra être poursuivie.
Outre ces quatre grandes priorités, nous voyons se dessiner une autre volonté majeure dans le budget que vous nous proposez : celle de faire de l'agriculture l'acteur du développement durable et de conforter sa mission d'occupation de l'espace. Tous les outils budgétaires sont mobilisés pour atteindre cet objectif.
Je note avec satisfaction que vous avez majoré à nouveau les crédits du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles prélevés par l'ancienne majorité pour rouvrir la dotation du fonds de gestion de l'espace rural, qui mérite quand même une expertise. Cette dotation de 140 millions de francs est le trait d'union indispensable avec l'aménagement du territoire.
Quant aux interventions nationales plus directes, c'est la reconduction de la prime à la vache allaitante, les indemnités compensatoires de handicaps naturels, les mesures agri-environnementales qu'il conviendra de renforcer avec les primes à l'élevage extensif. Le tout représente un montant de l'ordre de 835 millions de francs, en augmentation de plus de 60 millions de francs par rapport au budget de l'an dernier.
Restent, sur le volet environnemental, les engagements pris par votre prédécesseur pour le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, les fameux PMPOA, notamment une mesure totalement inopportune de prélèvement, pour ne pas dire de détournement, de près de 170 millions de francs pour trois ans, sur le fonds national pour le développement des adductions d'eau.
La maîtrise budgétaire aura des répercussions plus importantes sur d'autres secteurs tels que l'hydraulique agricole ou la prime d'orientation agricole, qu'il importe également de mentionner et dont la diminution s'explique en partie - ne l'oublions pas, mes chers collègues - par l'étalement du contrat de plan décidé par le précédent gouvernement, laissant apparaître comme seule marge de manoeuvre la POA déconcentrée.
Comme d'autres intervenants l'ont indiqué, des répercussions seront également à noter sur la SOPEXA, dont le budget a tout de même progressé de 31 % de 1992 à 1997 - il convient de le souligner - mais avec une dotation publique qui a diminué de 9,2 % sur la même période.
Attention tout de même : la conjugaison des deux mesures, l'une liée aux décisions de l'ancien gouvernement, l'autre à ce projet de loi de finances, conduira à trouver des mesures spécifiques afin de conforter l'activité de PME en zones rurales qui oeuvrent dans ce sens et qui rapportent à la France un excédent commercial dans l'agro-alimentaire de près de 58 milliards de francs. Vous pourriez, monsieur le ministre, nous rassurer dans ce domaine.
Enfin, quelques inquiétudes persistent sur la politique rurale globale et sur les crédits d'animation et de fonctionnement qui me paraissent tout de même relativement insuffisants.
D'une façon générale, toutes ces mesures vont dans le sens d'une véritable agriculture durable. Mais elles ne deviendront efficaces que par la réforme de certaines structures - je fais notamment allusion aux commissions départementales d'orientation - par une transparence accrue pour toutes les opérations foncières et par les limitations des cumuls, fonciers, bien entendu.
Enfin, les questions liées à la ruralité dans son ensemble, pour répondre aux interrogations de départ que j'avais annoncées, devront être complétées par la loi d'orientation agricole, et ce pour rééquilibrer les territoires, pour développer la notion d'agriculture durable et pour ouvrir enfin notre agriculture vers notre société. Ces enjeux seront importants dans les mois qui viennent.
Pour nous y préparer, ce budget est facteur d'espoir, car il insuffle un renouveau, notamment grâce à la volonté de rajeunissement dynamisée par le soutien à l'installation, à une politique d'enseignement public affirmée et à la confirmation des mesures agri-environnementales.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai que la tâche est lourde, car elle conduit à la réconciliation plus générale des hommes, à la réconciliation des zones et des territoires et à la réconciliation des milieux urbains et ruraux.
L'harmonie générale peut se faire par le maintien de notre espace, par notre agriculture plurielle, et cela nécessite une vraie solidarité que vous sollicitez aujourd'hui, monsieur le ministre.
Mon groupe voit dans ce budget des signes positifs forts pour le maintien d'une agriculture à la française, moderne, utilisatrice de l'espace et porteuse d'un véritable équilibre social. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'exercice du débat budgétaire sur l'agriculture est, cette année, encore plus symbolique et déterminant que les années précédentes.
Intervenant dans un contexte marqué par la reprise du chantier de la loi d'orientation et par le coup d'envoi de la PAC, qui inquiète fortement nos agriculteurs, ce projet de budget pour 1998 doit traduire d'ores et déjà la nouvelle logique de l'agriculture de demain.
Avec une hausse de 1,22 % par rapport à 1997 et des priorités telles qu'elles nous sont présentées, on pourrait s'attendre à un quasi-consensus autour de ce budget. Pourtant, il n'en a point été ainsi à l'Assemblée nationale, et je crains qu'il n'en soit de même ici.
M. Raymond Courrière. C'est la politique politicienne !
M. Bernard Joly. Installation des jeunes, enseignement et formation professionnelle, sécurité et qualité des produits, enfin, retraites des agriculteurs, ces quatre priorités répondent à la fois aux attentes des consommateurs et à celles du monde rural, et sont traduites dans le projet de budget par des hausses, il est vrai, incontestables.
Mais permettez-moi de faire quelques observations.
La première est relative au soutien à l'installation des jeunes, enjeu majeur pour le monde agricole. « Les bras manquent à l'agriculture » : déjà, en 1850, ce constat avait été fait par M. de Rainneville dans un rapport adressé au ministre de l'agriculture et publié au Moniteur universel.
Ayant pris la mesure de cet enjeu, votre prédécesseur avait amorcé une nouvelle dynamique avec la mise en oeuvre de la charte pour l'installation. Les crédits prévus pour 1998, en hausse de 3,4 %, poursuivent cette politique, et je ne peux que souscrire à cette continuité.
Néanmoins, je m'interroge encore sur l'intérêt de remplacer l'actuel FIDIL, qui n'avait pas encore fait ses preuves mais commençait, semble-t-il, à produire des effets bénéfiques, par un nouveau fonds, le FIA. Sans doute me confirmerez-vous, monsieur le ministre, que les objectifs du FIA sont plus larges que ceux du FIDIL, et je m'en réjouis. Mais, dans ce cas, pensez-vous réellement qu'avec une dotation en hausse d'à peine 10 millions de francs vous lui donnez les moyens d'atteindre ces objectifs ?
Par ailleurs, on peut regretter qu'en donnant une priorité à l'installation, vous n'ayez augmenté aucun des moyens permettant les restructurations foncières. Je pense notamment aux opérations groupées d'aménagement foncier qui sont l'occasion d'actions de restructuration profonde, facilitant et orientant la transmission des exploitations, comme elles sont l'occasion d'expériences innovantes en matière d'installation.
Enfin, l'atténuation du coût de la transmission des exploitations, notamment par le biais fiscal, reste un dossier ouvert.
Ma deuxième observation a trait à ce qui doit faire la force de notre agriculture et lui donner confiance en elle-même, à savoir la valorisation de la production. La sécurité et la qualité des produits sont désormais les premières exigences du consommateur. Cette politique fait l'objet d'une attention réaffirmée avec une hausse de crédits très significative. J'en prends acte.
Ma troisième observation porte sur l'enseignement et la formation. Là encore, l'augmentation est incontestable. Elle permettra de faire face à la progression importante des effectifs d'élèves. Mais je ferai à cet égard une mise en garde : il n'est pas dans la vocation du ministère de l'agriculture de prendre en charge l'ensemble des besoins de scolarisation du milieu rural, ni même de consacrer une part croissante de son budget à un enseignement de moins en moins agricole. Il est donc indispensable que cette évolution s'accompagne d'une réflexion profonde sur la place de l'enseignement agricole par rapport à l'enseignement en général et sur sa vocation, réflexion qui prenne en compte les nouvelles exigences de l'aménagement du territoire, de l'environnement, de la qualité et de la sécurité des produits.
Ma quatrième observation concernera les retraites.
Cette année, 700 millions de francs supplémentaires ont été dégagés, permettant un relèvement des pensions les plus modestes, particulièrement celles des conjoints et des aides familiaux. Je salue cet effort, bien qu'il soit intervenu dans des conditions assez précipitées et cacophoniques. Mais on est loin du niveau décent - et encore plus loin des trois quarts du SMIC - auquel aspirent légitimement des hommes et des femmes qui ont travaillé durement et ont contribué depuis plus de quarante ans à faire de la France la deuxième puissance exportatrice mondiale sur le plan agricole et agro-alimentaire !
J'ose espérer, monsieur le ministre, que cette mesure n'a pas seulement le caractère d'effet d'annonce pour adoucir une pilule qui serait alors bien amère, mais qu'elle s'inscrit dans une perspective claire et pluriannuelle de parité des prestations entre les retraités du monde agricole et les autres. Je serai heureux de vous entendre sur ce point.
Au-delà des priorités affichées, que je soutiens dans le principe, sinon dans leur traduction, il est malheureusement des insuffisances ou des choix que je désapprouve.
On a toujours déploré la très grande pesanteur des prélèvements forcés et des dépenses de fonctionnement, lesquelles augmentent d'ailleurs dans votre budget de 1,4 %. Vos choix, monsieur le ministre, obèrent encore plus la capacité d'accompagnement économique de l'agriculture.
Ainsi en est-il, comme l'ont souligné d'autres intervenants, de la réduction de 20 % des crédits attribués à la SOPEXA. Je m'en étonne d'autant plus que vous avez réaffirmé à plusieurs reprises votre souhait d'encourager la promotion des produits agricoles et agro-alimentaires, notamment dans le document préparatoire à la loi d'orientation. Paradoxal, mais surtout critiquable, cette décision fragilise la présence des PME françaises sur les marchés étrangers.
Il en est de même pour la diminution de 1,7 % de la dotation aux offices ou des crédits aux industries agro-alimentaires à travers la prime d'orientation agricole. Elle risque de remettre en cause leur capacité à agir en faveur de la nécessaire modernisation et de l'adaptation des filières agricoles, dans un contexte international de plus en plus ouvert et concurrentiel.
J'évoquerai, après M. Souplet, une autre question qui inquiète le agriculteurs de la Haute-Saône, à savoir la prime à l'herbe. On le comprend quand on sait que 70 % des exploitations en bénéficient. Instituée en 1992, pour cinq ans, de façon à contrebalancer les aides aux grandes cultures, une prime de 300 francs à l'hectare a été versée. Sera-t-elle maintenue au-delà et, le cas échéant, sera-t-elle revalorisée ?
Enfin, j'en viens à ma dernière observation sur ce qui constitue un autre enjeu important pour l'agriculture et qui répond à une demande sociale forte : la valorisation de l'espace rural et la protection de l'environnement.
Votre projet, monsieur le ministre, reste peu ambitieux sur les programmes agri-environnementaux à un moment où le besoin d'accompagnement des agriculteurs vers de nouvelles méthodes de production se fait de plus en plus sentir. Le fonds de gestion de l'espace rural, le FGER subit encore une érosion de ses moyens de 10 millions de francs.
Enfin, la simple reconduction des crédits pour le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et pour les bâtiments d'élevage en zone de montagne ne permettra sans doute pas d'atteindre les objectifs avant des décennies ; elle risque surtout de décourager les éleveurs qui se sont pourtant engagés massivement dans ce programme.
Avouez que ces insuffisances sont plutôt paradoxales pour un gouvernement qui prône le développement durable et cherche à responsabiliser les agriculteurs !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Bernard Joly. Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera ce budget de l'agriculture, sous réserve des réponses qui seront faites à mes questions. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un maire rural de l'Aube, M. Paul Ragon, maire de Chamoy, qui présidait notre association départementale des communes forestières, avait coutume de dire : « Les arbres ne sont ni de droite ni de gauche et, d'ailleurs, ils ne votent pas. » Il aurait pu ajouter : ils ont aussi le tort de vivre longtemps. (Sourires.)
La politique, c'est vrai, a du mal à prendre en compte la forêt. Son horizon est trop court. La mention « forêt » apparaît quelquefois, puis disparaît du nom du ministère qui la gère. Ainsi, monsieur le ministre, êtes-vous celui de l'agriculture et de la pêche. Votre prédécesseur y ajoutait l'alimentation, mais la forêt était déjà oubliée. Les forestiers, au sens large, en conservent quelque amertume.
M. Roland du Luart. Très juste !
M. Yann Gaillard. Vous n'êtes nullement visé par les quelques remarques que je vais me permettre de faire en m'inspirant des travaux que mène la fédération nationale des communes forestières de France, présidée par notre collègue Jacques-Richard Delong, en pleine concertation avec M. Plauche-Gillon et la forêt privée. Elles n'ont pour objet que d'attirer votre attention, que j'ai tout lieu de supposer bienveillante, comme le laisse penser l'entrevue que vous avez bien voulu nous accorder le 29 septembre dernier, après notre congrès de Hyères.
J'évoquerai un premier point, souvent ignoré.
La forêt, dans notre pays, est en régulière expansion : elle couvre 15 millions d'hectares, soit 27 % du sol métropolitain, contre 7 millions d'hectares, soit moins de la moitié, à la veille de la Révolution. La forêt publique est le détachement avancé de cette reconquête : elle couvre 4,2 millions d'hectares, dont 2,5 millions d'hectares pour les forêts des 11 000 communes forestières de France, et 1,7 million d'hectares pour les forêts domaniales, les deux étant gérées par l'Office national des forêts, selon les règles strictes du code forestier et d'une noble et ancienne tradition.
La surface n'est pas seule à augmenter. En volume, l'accroissement annuel de la forêt s'élève à 75 millions de mètres cubes, alors que la récolte est de 50 millions de mètres cubes. Cela tient à la croissance des boisements effectués avec l'aide du fonds forestier national depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui représentent plus de 2 millions d'hectares, à la conversion des taillis en futaies, mais aussi à la sous-exploitation de certains massifs. Les prévisions établissent à plus de 10 millions de mètres cubes la disponibilité supplémentaire de bois par an au début du XXI siècle par rapport à la récolte actuelle.
Cette richesse nationale, comme vous le savez, monsieur le ministre, assure 550 000 emplois, l'essentiel en zone rurale, pour la gestion, la récolte, le négoce et la transformation. Les 25 millions de mètres cubes de bois d'oeuvre, les 10 millions de mètres cubes de bois d'industrie et les 15 millions de mètres cubes de bois de feu font vivre le bâtiment et les travaux publics, l'emballage, l'ameublement, pour le bois d'oeuvre, les papiers cartons, les panneaux, la xylochimie pour le bois d'industrie. La France est exportatrice nette de grumes de feuillus et résineux, de sciages feuillus et de bois de trituration. On peut d'ailleurs regretter qu'une partie plus grande de cette ressource ne fasse pas l'objet d'une seconde transformation sur le sol national.
A ce rôle économique s'ajoute, bien sûr, un rôle majeur dans le domaine de l'environnement et de l'aménagement du territoire. Composante naturelle fondamentale du milieu naturel de notre pays, la forêt joue un rôle important dans la climatologie, le cycle de l'eau, le maintien de la biodiversité animale et végétale, ce qui n'a pas échappé aux rédacteurs de la directive « habitat » ni aux docteurs de Natura 2000.
Enfin, la forêt est, comme chacun sait, un antidote aux poisons de la société urbaine, et les membres de cette dernière viennent y chercher de plus en plus des lieux d'exercice ou de détente, un refuge, voire un rêve.
Cependant, cet acquis exceptionnel est aujourd'hui menacé. La menace est double : elle tient à l'étiolement des moyens budgétaires, ainsi qu'à certaines offensives extérieures, qu'elles viennent de Bruxelles ou du grand Nord.
S'agissant des moyens, je parlerai d'abord du Fonds forestier national, le FFN.
Je ne reprendrai pas l'ensemble du dossier, car vous le connaissez, mes chers collègues ; en effet, à la suite de la catastrophique réforme de 1991, le sujet a été discuté ici à plusieurs reprises, en 1994 et en 1995, et des avancées ont pu être obtenues grâce à notre action. Le redressement reste toutefois très insuffisant : les recettes et les crédits prévus pour 1998 sont de 422 millions de francs, très en retrait par rapport aux besoins réels.
Je rappellerai simplement quelques chiffres.
En 1990, les recettes du FFN étaient de 808 millions en francs courants, soit 913 millions en francs constants de 1996 ; en 1990, les crédits de reboisement du FFN accordés aux communes étaient de 63 millions de francs, soit 72 millions de francs constants ; ils sont retombés à 23 millions de francs en 1995.
Cette baisse des moyens s'est bien entendu traduite par une baisse du nombre total d'hectares reboisés avec l'aide du FFN, en forêt communale et en forêt privée, 31 709 hectares ayant été reboisés en 1990, contre 18 619 en 1995, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur l'emploi en zone rurale et sur l'activité des entreprises : pépinières, entreprises de reboisement, de travaux sylvicoles, etc.
S'agissant toujours des moyens, notre préoccupation va aussi à l'Office national des forêts, gestionnaire de la forêt publique.
Les deux tiers du terrain d'action de cet Office sont constitués par la forêt communale, qui est donc intéressée au premier chef par la bonne santé de l'établissement public et par sa capacité à répondre aux besoins du terrain.
Or l'Office national des forêts traverse actuellement une situation financière difficile due à la progression des charges de personnel notamment, plus rapide que celle des recettes en raison de l'insuffisance du versement compensateur de l'Etat, encore diminué par rapport à celui de cette année puisqu'il passe de 851 millions de francs à 846 millions de francs.
De cette situation les effets risquent de se faire rapidement sentir sur la gestion des forêts publiques et sur la mobilisation des bois. Une telle éventualité serait déplorable et économiquement injustifiable, quant on sait que 1 million de mètres cubes de bois d'oeuvre supplémentaire mobilisé et mis sur le marché représente 6 milliards de francs de chiffres d'affaires cumulés, fournissant à l'Etat 1,5 milliard de francs d'impôt et taxes.
A cet égard, nous nous interrogeons, monsieur le ministre, sur certaines études qui sont menées actuellement à l'Office - réflexions stratégiques sur les services rendus par l'établissement et leur évolution à venir en fonction des attentes de la société - ainsi qu'à la direction de l'espace rural et des forêts, sous le nom de « bilan du régime forestier ».
Que cherche-t-on ? A diminuer le rôle des propriétaires forestiers dans la gestion de l'Office, ou, pour employer le jargon actuel, à se diriger vers une « cogestion multifonctionnelle » ? Mais, dans ce cas, posera-t-on le principe d'un financement pour les services que la forêt, publique ou privée, rend à la société ? Pouvez-vous nous répondre sur ce point, monsieur le ministre ?
Enfin, je rappellerai qu'il n'y a toujours, au budget de votre ministère, qu'un misérable crédit de 2,5 millions de francs, intitulé « subvention aux collectivités pour l'acquisition de forêts », pour aider les communes qui achètent des forêts et, par là, investissent à long terme pour les générations futures.
Je passe sur la question - pourtant urgente - des dégâts occasionnés par les cervidés en forêt, pour laquelle nous attendons que les mesures préconisées, dans le rapport que le Gouvernement a déposé en avril dernier et qui lui avait été commandé par la loi du 6 juillet 1992 - attribution de contingents de cervidés plus élevés - soient mises en oeuvre.
Parmi les problèmes auxquels la forêt et la filière bois se trouvent aujourd'hui confrontées, je désire évoquer la gestion non budgétaire durable et l'écocertification des bois.
En matière de gestion durable, la France peut s'enorgueillir d'un bilan exemplaire. Ce bilan est formellement attesté par un outil scientifique incontesté : l'inventaire forestier national. La problématique du moment est que, sous la pression conjuguée d'organisations écologiques internationales et de groupes industriels de pays exportateurs de bois fortement organisés, la demande d'écocertification progresse, que les bois vendus proviennent de forêts bien gérées et que ce soient des bois écologiquement corrects. Il convient donc de prendre en compte cette problématique nouvelle et d'adopter, dans le cadre communautaire, par exemple, des mesures qui répondent aux exigences des acheteurs sans pénaliser les producteurs.
C'est l'une des raisons pour lesquelles nous attachons un grand prix aux articles de principe, dont nous avions débattu avec vos services, sur la triple vocation - productive, touristique et écologique - de la forêt et l'affirmation de la nécessité d'une gestion durable.
Ecartées du projet de loi d'orientation agricole, les dispositions relatives à la forêt seront reprises dans un projet de loi d'orientation forestière qui doit venir en discussion en 1998. Du moins est-ce l'engagement que vous avez pris, monsieur le ministre, en réponse au président de la commission des finances, M. Christian Poncelet, devant notre assemblée, au cours du débat sur l'agriculture, le 5 novembre dernier.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la forêt, nous voulons croire en votre parole. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculture a aujourd'hui plusieurs missions, chacun s'accorde à le dire. Non seulement elle produit, mais encore elle valorise les espaces ; non seulement elle entretient le milieu rural, mais encore elle crée de l'emploi dans les exploitations, en amont de celles-ci et en aval. Elle constitue donc le dernier rempart contre la désertification dans bien des régions.
La réforme de la politique agricole commune de 1992 avait institué une baisse des prix payés aux producteurs et instauré des primes prévisibles, mais mal distribuées.
Que s'est-il produit ? Un grand nombre d'agriculteurs ont disparu. En fait, 200 000 paysans ont quitté la terre depuis 1992. Les rescapés, ceux qui sont restés à la terre, se sont partagé les hectares et, de ce fait, s'en sortent mieux aujourd'hui. Toutefois, nous refusons que 200 000 paysans disparaissent encore demain, alors qu'il n'en reste plus que 700 000 environ en France, dont 500 000 à temps plein.
La nouvelle réforme prévue de la politique agricole commune est, semble-t-il, tout aussi dangereuse. Si, dans l'énoncé des objectifs, elle peut être séduisante, évoquant la compétitivité des produits, l'environnement, la place du territoire, dans ses modalités pratiques, elle ne l'est plus du tout. En effet, les propositions qui sont faites impliquent une baisse des prix pour le lait et la viande, ainsi que pour les céréales.
Quelles incidences auront-elles, par exemple, sur le revenu des producteurs de lait ? Les simulations effectuées par plusieurs organismes permettent d'imaginer les évolutions de revenu pour les producteurs et de voir quels systèmes ne pourraient pas s'adapter. Les tendances mises en évidence par les différentes simulations sont concordantes.
Le revenu moyen des éleveurs laitiers baisserait sensiblement : de 7 % par rapport à l'excédent brut d'exploitation de l'exercice 1996, selon l'Institut national de la recherche agronomique. Le revenu des exploitations laitières serait d'autant plus pénalisé que leur système de prodution est intensif et qu'elles ont recours au maïs ensilage : 14 % à 24 % de baisse de l'excédent brut d'exploitation par rapport à 1996 pour les systèmes laitiers intensifs. En revanche, les exploitations herbagères sans maïs auraient peu à perdre ou ne perdraient rien avec la réforme, surtout si le complément extensif s'applique aux vaches laitières.
Avec des diminutions de prix payés plus modérées que celles qui sont prévues pour les prix de soutien, le revenu évoluerait de façon moins défavorable et pourrait même progresser dans les exploitations semi-intensives ainsi que dans les systèmes herbagers.
Enfin, la part des aides dans le revenu s'accroîtrait de façon spectaculaire puisqu'elle atteindrait 80 % du résultat courant avant impôt pour les exploitations laitières.
Ces simulations ne permettent pas de prendre en compte les capacités d'adaptation des exploitations laitières ; cependant, elles conduisent à deux observations.
Premièrement, la recherche de l'extensification peut se traduire par une augmentation du nombre de vaches, ce qui entraînera une dégradation du marché de la viande bovine.
Deuxièmement, la pression à l'agrandissement des surfaces sera forte, ce qui rendra plus difficile l'installation des jeunes.
Les agriculteurs français sont en colère, même s'ils ne sont pas encore dans la rue, parce que dans le projet de réforme de la PAC qui sera soumis à négociation dès le début de l'année prochaine, les experts de Bruxelles envisagent de réduire d'un peu plus de 30 % les prix garantis aux professionnels, en tout cas aux producteurs de viande bovine, de céréales et, dans une moindre mesure, de lait. En échange, l'Union européenne pourrait remettre en place un système d'aide individuelle correspondant au volume de production de chaque agriculteur.
En dehors de l'aspect purement financier de l'affaire, ce que redoutent les intéressés, c'est que cette nouvelle réforme n'incite nombre d'entre eux à produire beaucoup et n'importe comment, au mépris de la qualité mais aussi de la sécurité alimentaire.
Enfin, ce qui inquiète nos agriculteurs français, c'est que, derrière cette nouvelle réforme de la PAC, il y a une volonté plus ou moins affichée, pour le moment, de la Commission européenne de mettre l'agriculture communautaire en position de faiblesse face à la concurrence américaine, d'autant que ce modèle, en imposant la suprématie des gros, empêchera les petits d'émerger, à commencer par les jeunes.
Monsieur le ministre, vous savez combien nous préoccupent les conséquences néfastes qu'auraient les propositions de réforme de la PAC présentées par la Commission européenne, connues sous le nom d'Agenda 2000, ce qu'on appelle aussi le « paquet Santer », sur l'agriculture de notre pays.
Ce que Bruxelles nous propose, ce sont de nouvelles baisses des prix, compensées très partiellement par des aides directes liées à l'animal, et non aux hommes et au territoire. Ces baisses de prix ne nous satisfont en rien puisqu'elles conduisent à refuser toute reconnaissance de la dignité du travail des paysans et vont, à coup sûr, à l'encontre des intérêts que nous défendons.
De plus, les aides directes liées aux animaux conduiront inéluctablement à la mort du bassin allaitant, donc de l'élevage à base d'herbe, soumis à une concurrence déloyale de la part de l'élevage bovin intensif sous toutes ses formes, s'il faut en croire les engagements qui ont été pris à l'égard de celui-ci et qui lui sont très favorables.
A un moment où l'aménagement du territoire doit être au coeur des préoccupations françaises et européennes, l'Agenda 2000 contient des propositions qui vont exactement à l'opposé de nos objectifs.
M. Roland du Luart. C'est vrai !
M. Rémi Herment. C'est pourquoi nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous rejetiez cette réforme et que vous proposiez une alternative conforme à nos attentes.
Notre vision n'exclut pas la nécessité de la compétitivité, mais à condition que les agriculteurs puissent l'assumer. On ne peut mettre sur le même marché, d'une part, les produits ne présentant aucune garantie de sécurité qui sont payés un dollar par semaine d'éleveurs taïwanais et, d'autre part, des produits élaborés par des agriculteurs français, dont les revenus sont tout à fait différents et à qui on a demandé de faire des produits sains, mesurés, contrôlés, identifiés, vérifiés, « traçabilisés ».
Il faut d'abord observer que les aides prévues en compensation des baisses de prix sont partielles, c'est-à-dire qu'elles ne compenseront pas l'intégralité de la perte.
Ensuite, ces aides relèvent d'un principe que nous ne pouvons accepter. En effet, apporter une prime au revenu « fonctionnarise » en quelque sorte les agriculteurs et, dans le domaine de la viande bovine, par exemple, la proposition qui est faite aujourd'hui nous paraît aberrante : un producteur de viande bovine pourra-t-il admettre que, demain, son revenu soit constitué de 200 % d'aides ?
Quel citoyen pourra cautionner une telle orientation et la conforter à terme ? La profession agricole a montré qu'elle était capable de créer des emplois. Ne laissons pas partir cette main-d'oeuvre-là !
Accepter le nouveau projet de réforme de la politique agricole commune c'est, en fait, accepter le risque de voir plus d'agriculteurs de l'Hexagone contraints de quitter la terre et plus de jeunes abandonner leur projet d'installation.
Si le besoin d'une refondation de la PAC, eu égard à l'environnement européen et international, se fait sentir, c'est un autre projet que le projet Santer qu'il faut à notre agriculture. Ce projet ne prend d'ailleurs en considération ni la diminution constante du nombre d'exploitations, ni le vieillissement de la population agricole, ni l'évolution des structures. En outre, le projet Santer tend à faire de la libéralisation des marchés la composante quasi unique de la politique agricole et ouvre la voie de l'uniformisation des politiques sectorielles.
L'échéance majeure est proche : c'est le somment européen des chefs d'Etat et de Gouvernement des 12 et 13 décembre prochain à Luxembourg qui fixera les orientations politiques, notamment en matière agricole. Cette échéance est cruciale, monsieur le ministre, vous le savez bien ; une fois les orientations définies, il sera impossible de revenir dessus.
Puissiez-vous, monsieur le ministre, traduire les angoisses et les attentes d'une profession qui a toujours répondu présent quels qu'aient pu être les moments, si difficiles, qu'a traversés notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord évoquer le rebondissement de la crise de l'épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine, ou ESB.
Lorsque notre groupe de l'élevage avait consacré, au printemps dernier, un dîner-débat à ce dossier, nous avions perçu un sentiment d'optimisme dû à un apaisement de cette crise. Malheureusement, depuis lors, plusieurs événements sont venus confirmer que nous n'étions pas sortis de cette grave situation.
On a ainsi constaté que l'embargo frappant les exportations de viande britannique avait été violé, pour plus de 1 000 tonnes de produits, ce qui n'a pas manqué d'entraîner une relance de la suspicion des consommateurs sur les qualités sanitaires de la viande bovine.
Par ailleurs, nous avons tous déploré un troisième cas d'ESB, détecté récemment dans le département du Calvados, ce qui démontre que l'épizootie n'est pas pleinement éradiquée.
Fort heureusement, on a pu observer une reprise de la consommation de viande bovine, mais celle-ci se situe tout de même à environ 10 % en dessous du niveau qu'elle atteignait avant la crise. Or, dans le même temps, les autorités communautaires ont diminué le recours à l'intervention.
La Commission européenne a décidé l'exclusion des abats à risques à compter du 1er janvier 1998 ; on doit voir là une mesure de précaution, mais elle retentit gravement sur la valorisation du cinquième quartier.
La loi relative à l'équarrissage, entrée en vigueur le 1er janvier 1997 et suivie de la parution très rapide de textes réglementaires, semble régler le problème de l'élimination des viandes et des carcasses sur lesquelles pèse une suspicion. Toutefois, il reste à préciser les conditions de financement de l'équarrissage et de l'incinération des farines et des déchets d'animaux.
La crise de l'ESB a eu des retentissements importants sur le plan européen puisque le Parlement européen a voté une motion de censure avec sursis contre la Commission européenne, ce qui a constitué un événement institutionnel sans précédent. Ce sursis s'achèvera à la fin de 1997, mais il exige de la part de la Commission européenne des réformes, dont certaines ont déjà été mises en oeuvre, telles que l'étiquetage de la viande bovine ou la restructuration des services de la Commission.
La crise de l'ESB aura au moins eu une conséquence heureuse : elle aura favorisé la traçabilité de la viande, avec la mise en place d'un étiquetage informatif détaillé. En effet, un accord interprofessionnel conclu en février 1997, immédiatement étendu par les pouvoirs publics, sur l'initiative de votre prédécesseur, M. Vasseur, précise que, depuis le 1er octobre 1997, l'étiquetage de la viande bovine doit nécessairement préciser l'âge de l'animal, sa catégorie et son type racial. A défaut de ces mentions, l'étiquette devra indiquer « origine non renseignée ».
J'aborderai maintenant, monsieur le ministre, le projet de réforme de la politique agricole commune présenté par la Commission de l'Union européenne sous le nom de « Agenda 2000 ».
Les discussions du comité spécial agricole sur le projet de la Commission pour la viande bovine ont fait ressortir de profondes divergences : d'un côté, la Commission veut l'extensification de la production et, de l'autre côté, certains Etats remettent en cause la baisse du prix de soutien qui est envisagée et qui serait, à terme, de l'ordre de 30 %.
Le débat porte également sur les critères de densité, qui sont actuellement, pour la prime aux bovins mâles, de 90 animaux par exploitation et de 2 unités de gros bétail par hectare.
Il y a lieu de déplorer que neuf de nos partenaires soient favorables à la réforme, le Royaume-Uni proposant même une diminution de 35 % des prix garantis à l'échéance 2000 ou 2002. La France, pour sa part, suggère une étude d'impact des propositions de la Commission. Je rejoins vos propos, monsieur le ministre, lorsque vous estimez que les prévisions d'exportation annoncées par les autorités européennes sont excessivement optimistes.
Peut-on réellement compter sur une compensation à 80 % par une augmentation des primes à la vache allaitante et aux bovins mâles, complétée par une prime à la vache laitière de la diminution des prix garantis ? Ces mesures permettront-elles de développer l'extensification de la production et la suppression de l'aide au maïs ensilage ?
Comme vous, j'affirme, monsieur le ministre, que le stockage privé n'est pas adapté au secteur de la viande bovine. Il me semble, en définitive, que le projet présenté par M. Jacques Santer, de développer les exportations en abaissant les prix, risque de sacrifier des secteurs entiers de la filière bovine.
Je suis totalement solidaire des propos de M. Pierre Chevalier, président du conseil de direction de l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture, l'OFIVAL, lorsqu'il s'interroge sur les assurances de stabilité du marché en dehors de toutes mesures de maîtrise des marchés avec l'abandon de l'intervention publique.
S'agissant toujours de l'Agenda 2000, j'ai pris connaissance avec intérêt des déclarations du directeur général de l'agriculture de la Commission de Bruxelles, qui a expliqué que le calcul des droits pour la prime à la vache laitière de 145 écus par tête serait ajusté selon le rendement laitier de chaque Etat membre, en divisant le quota national par le rendement moyen communautaire.
Je souscris pleinement, monsieur le ministre, aux propositions de la profession laitière tendant à instituer un double prix du lait : un prix garanti et un prix déterminé par les cours mondiaux, afin de conquérir de nouveaux marchés, notamment dans les pays émergents asiatiques.
En ce qui concerne le problème de la production des veaux, je déplore que la France soit réellement isolée parmi ses partenaires européens. Il est nécessaire de mettre un terme à la prime à la mise précoce sur le marché selon le poids des carcasses et à la prime à l'abattage des veaux nouveau-nés.
Ainsi que vous l'aviez exprimé lors du Conseil agricole des 20 et 21 octobre dernier, « nous sommes en train de ruiner l'équilibre du marché déjà fragile et avec lui l'équilibre du marché de la viande bovine et du lait ». La prime à la commercialisation précoce se révèle, en effet, inéquitable.
Je suis heureux de constater que vous avez réussi à modifier favorablement tout cela le 28 novembre dernier, lors du comité de gestion des viandes bovines.
En marge des problèmes spécifiques de l'élevage, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les problèmes posés par le maïs transgénique : après un an de tergiversations, je me réjouis que vous ayez donné votre feu vert à la mise en culture du maïs transgénique produit par Novartis, cette décision appartenant au Premier ministre.
Il semble que le Gouvernement ait intérêt à adopter une position qui clarifie la situation. Pour tenter de prévenir les critiques attendues des organisations écologiques et des mouvements de défense des consommateurs, un système de biosurveillance devrait être mis en place : ce terme recouvre un dispositif de cultures expérimentales, étroitement contrôlées, pouvant à tout moment remettre en question l'autorisation de mise en culture.
Une division de l'Europe sur la culture du maïs transgénique n'aurait pas manqué de conforter la position des Etats-Unis qui cherchent à écouler maïs et dérivés du maïs transgénique. Bien entendu, à vouloir refuser a priori ce produit d'un nouveau type, sans preuves scientifiques étayées, l'Europe engage sa crédibilité.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'utilisation d'un produit de traitement phytosanitaire utilisé, entre autres, dans la culture du tournesol : le gaucho, fabriqué par les laboratoires Bayer, entraîne des conséquences écologiques déplorables pour l'environnement, notamment pour les apiculteurs et pour le petit gibier.
Ainsi, un apiculteur de mon département qui possède mille quatre cents ruches, dont certaines à Loudun (Sourires), a-t-il perdu quarante tonnes de miel de tournesol, ce qui représente un manque à gagner de 440 000 francs. Ne convient-il pas d'interdire l'utilisation de ce produit sur le territoire national ou, pour le moins, de faire expertiser le produit par un laboratoire neutre ?
J'ai bien noté qu'après le vote de l'Assemblée nationale de votre projet de budget, monsieur le ministre, vos crédits augmentent de 1,22 %. J'enregistre avec satisfaction l'effort qui a été accompli en faveur de la revalorisation des retraites agricoles qui ont bénéficié d'une dotation de 500 millions de francs, abondée par un prélèvement sur le BAPSA de 180 millions de francs.
Mais il s'agit là d'un premier pas, car il est clair que le nombre de retraites agricoles, notamment de pensions de réversion, sont à un niveau indigne de notre société, en particulier pour les anciens travailleurs agricoles qui ont entamé leur vie professionnelle dès l'adolescence.
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Roland du Luart. Je salue, monsieur le ministre, la priorité que vous avez donnée à l'installation des jeunes, dont la dotation budgétaire atteint 1 milliard de francs.
Je me réjouis, en outre, que le fonds de gestion de l'espace rural ait été doté de 140 millions de francs.
Enfin, je me félicite de l'effort consenti dans le domaine de l'enseignement agricole, aussi bien public que privé, où l'on constate quelques créations d'emploi.
Je regrette, en revanche, que les crédits pour la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, qui constitue un instrument d'orientation de l'élevage bovin, passent de 659 millions de francs en 1996 à 650 millions de francs dans le projet de budget pour 1998.
Je suis encore plus sévère pour les dotations affectées aux indemnités compensatrices et handicaps naturels, puisque les crédits inscrits dans le budget au chapitre 44-80 sont en baisse de 5,5 %, à hauteur de 1 560 millions de francs.
Je sollicite un renforcement des crédits affectés à la mise aux normes des bâtiments d'élevage et j'estime, comme notre collègue Alain Pluchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, qu'il est indispensable que l'engagement du FNDAE, en complément du PMPOA, soit reconduit en 1998 au même niveau qu'en 1997, soit à hauteur de 150 millions de francs.
Enfin, je considère, comme notre collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial, qu'il est essentiel que la France poursuive son effort de promotion des produits agricoles et alimentaires sur les marchés extérieurs. A cet égard, je déplore vivement la diminution de 20,22 % des crédits consacrés à la SOPEXA dans le projet de loi de finances pour 1998.
Dans quelques mois, monsieur le ministre, vous nous présenterez le projet de loi d'orientation agricole que vous préparez en concertation avec les organisations professionnelles. Permettez-moi tout de même de m'étonner que vous n'ayez pas repris le texte préparé par votre prédécesseur qui avait donné lieu à de nombreux échanges fructueux entre votre ministère et lesdites organisations professionnelles.
Je crois qu'il faudra, dans ce texte, renforcer l'organisation économique de l'agriculture sur la base de filières mieux structurées et intensifier l'effort en faveur de la qualité des produits et de leurs propriétés sanitaires. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le ministre, nous sommes à la croisée des chemins ! La population mondiale augmente d'un milliard d'habitants tous les douze ans. Ses besoins alimentaires progressent également, mais sans que nous puissions nécessairement les capter, car les gros importateurs comme l'ex-URSS vont devenir autosuffisants, voire exportateurs, de même que les pays en pleine expansion comme la Chine, alors que les débouchés réels n'existent pas en Afrique, continent non solvable.
Par ailleurs, dans les pays développés, la part du budget des ménages consacrée à l'alimentation tend à diminuer, ainsi par ailleurs que le nombre d'agriculteurs, dont les situations sont extraordinairement diverses, en France singulièrement.
Cette diversité des situations naturelles, des productions et des structures donne une image peu lisible du problème agricole, laquelle est de plus brouillée par l'amalgame pratiqué avec le problème rural.
C'est dans ce contexte régi par les accords du GATT devenu OMC - sigle qui n'a plus rien d'américain ! - et imprégné de l'atmosphère impressionniste d'une Europe qui se cherche, que s'inscrivent votre action et votre budget, monsieur le ministre. Pour qualifier ce dernier, je dirais qu'il est équilibré, ouvert et volontaire.
L'équilibre résulte du maintien des efforts en faveur du soutien de l'élevage et de l'agriculture en difficulté, du développement d'une agriculture respectant mieux l'environnement et de la valorisation de l'espace forestier.
L'ouverture s'évalue aux larges champs de réflexion laissés pour l'avenir, se gardant de proposer un seul modèle de développement aux exploitants dans un temps où vous nous annoncez le prochain dépôt du projet de loi d'orientation agricole, dans un temps où une réforme de la politique agricole commune est à l'ordre du jour avec l'Agenda 2000, où l'élargissement de l'Union européenne à l'Est est programmée, dans un temps, enfin, où il importe de relégitimer les transferts financiers en faveur de l'agriculture.
La volonté dont vous faites montre dans votre budget, monsieur le ministre, se mesure à l'aune du contexte difficile des finances publiques. Je formulerai trois observations à cet égard.
D'abord, les crédits du ministère de l'agriculture progressent de 1,2 %, ce qui représente un effort appréciable, notamment par comparaison avec ceux de l'an dernier, qui étaient en diminution.
Ensuite, l'avenir n'est pas laissé en friche, grâce à l'affichage de trois priorités : l'installation, l'enseignement et la recherche, la sécurité et la qualité de l'alimentation.
Pour autant, les retraités de l'agriculture n'ont pas été laissés pour compte, et l'amélioration des retraites dans les cas les plus criants est un effort louable qu'il faut reconnaître comme un premier pas.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Marcel Bony. Cependant, même s'ils n'ont pas tous une incidence budgétaire directe, quatre points me préoccupent.
En premier lieu, le contrôle des structures prévoit que la commission ad hoc a deux mois pour se prononcer sur les dossiers relatifs au foncier. Ce délai paraît trop court pour donner véritablement une opportunité à d'autres candidatures de se déclarer : quatre mois de délai seraient préférables dans l'optique de l'installation.
En deuxième lieu, la sécurité alimentaire passe par la traçabilité, laquelle dépend de l'identification des animaux. Il semble que la fiabilité de cette identification soit loin d'être optimale. Il conviendrait donc d'y porter une meilleure attention.
En troisième lieu, je souhaite affirmer l'importance d'une gestion claire des signes de reconnaissance de la qualité. La jungle des marques et labels, la furtivité des appellations parfois, ne facilitent pas l'achat par le consommateur. En outre, la promotion de la qualité est liée à une aide aux organismes de mise sur le marché, assortie d'un contrôle renforcé. Il paraît en effet difficile de répondre à l'attente massive des consommateurs à l'aide de signes de qualité gérés par des syndicats de défense des produits qui n'ont pas le pouvoir d'intervention sur les actes commerciaux. Il y va, notamment, de la crédibilité des produits hors normes.
Enfin, en quatrième lieu, le maintien des AOC fromagères et la modernisation des fromageries fermières impliquent un triple accompagnement : pédagogique, pour améliorer le savoir-faire des fromagers fermiers ; financier, pour réaliser les travaux de mise aux normes, souvent onéreux ; enfin, réglementaire, pour gérer, avec les modulations qui s'imposent, les quotas de lait en vente directe à l'échelon non pas national, mais départemental.
Votre budget, monsieur le ministre, présente un autre avantage qui ne me semble pas négligeable, celui de préserver le territoire et la montagne.
Si l'on ajoute le maintien des crédits de la prime à la vache allaitante à celui des moyens de la prime à l'herbe et de ceux des actions agri-environnementales, si l'on considère que le fonds de gestion de l'espace rural est crédité dès le projet de budget, ce qui conforte son existence, on peut déjà dire que les zones défavorisées sont prises en compte.
La montagne proprement dite n'est pas en reste, puisqu'elle bénéficie d'une légère revalorisation de 1,5 % des indemnités compensatoires de handicaps. Quant aux subventions allouées aux bâtiments d'élevage, elles sont reconduites en 1998, ce qui est presque un événement, même si, bien entendu, elles restent insuffisantes et si leur plafond est trop bas.
Le Puy-de-Dôme que je représente, est particulièrement sous-équipé en la matière. La moyenne des vaches allaitantes y est de dix-sept par élevage, alors qu'un objectif de quarante est jugé raisonnable. Le besoin d'agrandissement et de modernisation est, là, manifeste.
Lorsqu'on parle de la montagne, monsieur le ministre, il s'agit au moins autant d'aménagement du territoire que d'agriculture pure. C'est pourquoi je voudrais ajouter une pensée.
L'aménagement du paysage par les agriculteurs suppose la mise en place de plans de gestion de l'environnement qui associent les collectivités locales, les propriétaires fonciers, les exploitants et les usagers de la nature. Il existe des commissions communales ou intercommunales d'aménagement foncier où l'on retrouve ces partenaires et qui ont vocation à exercer l'autorité de gestion de l'environnement. Pourquoi ne pas leur conférer cette compétence ? Cela permettrait de pallier le manque d'une maîtrise d'ouvrage reconnue pour organiser le cadre patrimonial.
Pour conclure, j'évoquerai simplement le dernier Conseil européen de l'agriculture au cours duquel une étape a été franchie dans l'élaboration de la politique agricole commune de l'an 2 000. La position française a été bien accueillie à Bruxelles. Toutefois, des inquiétudes demeurent, naturellement. Je citerai ainsi, pour le Massif central, les productions de viande bovine et de lait. C'est pourquoi l'emploi, l'agriculture familiale et l'équilibre des régions devront être assurés.
En tout état de cause, monsieur le ministre, le plus dur, vous le savez, n'était pas ce budget. Le plus dur reste à accomplir. L'idée émergente d'un pacte privilégiant moins les performances économiques que la survie de toutes les exploitations et l'entretien des paysages mérite d'être creusée. L'élu que je suis peut vous accompagner dans cette voie, mais il vous appartient d'en baliser clairement l'itinéraire. J'ai confiance en votre volonté, en votre clairvoyance et en votre ténacité pour ce faire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole à est M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention concernera les chapitres 61-84 et 61-02.
Le premier a trait à un crédit affecté au financement des opérations réalisées par les cinq sociétés d'aménagement régional, les SAR, parmi lesquelles figure la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale, une société d'économie mixte créée en 1957 sur l'initiative du ministère de l'agriculture et dont le capital est réparti entre la région, les départements, la ville de Marseille, les chambres d'agriculture, la caisse nationale et les caisses régionales du Crédit agricole des départements, la Caisse des dépôts et consignations.
Outre son rôle d'équipement et d'entretien du canal de Provence, d'aménagement hydraulique du Calavon-Sud-Luberon et du plateau du Val-de-Durance, ce qui représente 260 kilomètres de galeries souterraines ou de canaux à ciel ouvert et 4 500 kilomètres de canalisations pour l'irrigation de 80 000 hectares, la SCP effectue des missions d'expertise et d'assistance pour la réalisation d'aménagements à l'étranger. Nous savons tous l'importance présente et plus encore future des marchés de l'eau dans le monde. Les dépenses d'investissement sont couvertes par l'autofinancement, des subventions publiques et des emprunts.
La SCP fonctionnant selon un régime de droit privé doit donc réaliser un strict équilibre financier, sans la moindre subvention de fonctionnement. Sa gestion est soumise à de nombreux contrôles d'une grande rigueur.
Or, on peut constater que les crédits destinés aux SAR ont connu une baisse très marquée et continue depuis des années : 189 millions de francs en 1994, 133,5 millions de francs en 1995, 118,5 millions de francs en 1996 et 113,57 millions de francs en 1997. Cette diminution s'est bien évidemment reportée sur la SCP avec, au cours de ces mêmes années, des crédits successifs de 57,02 millions de francs, de 38,9 millions de francs, de 29,57 millions de francs et de 28,32 millions de francs.
Tout en étant bien conscient de la nécessité de réaliser des économies, je regrette néanmoins cette diminution progressive des crédits qui freine par trop la construction des équipements en cours et retarde les projets, d'autant que continue à augmenter le coût de l'entretien des réalisations, qui sont pourtant indispensables à notre agriculture et qui font la preuve de leur efficacité. Et je ne parle pas des répercussions sur l'emploi dans une région en difficulté. Une nouvelle baisse de ces crédits serait très préjudiciable, et je sollicite au moins leur maintien au niveau actuel.
Le second point que je soulève est celui de la protection de la forêt méditerranéenne. Si les incendies de forêts ont été en partie jugulés par les moyens matériels et humains mis en place, ce qui est une preuve de leur utilité, nous devons rester très vigilants, car le mal est loin d'être éradiqué ; 3 450 hectares ont été en effet ravagés cet été sur les communes du massif du Garlaban et sur la commune de Marseille.
Or, les crédits affectés au Conservatoire de la forêt méditerranéenne sont passés de 100 millions de francs en 1991 à 62 millions de francs en 1997. Cette somme est certes reconduite dans ce budget, mais en francs constants. Je demande surtout que les gels de crédits opérés en 1997, d'un montant de 15,5 millions de francs, ne se renouvellent pas cette année, afin de sauvegarder au mieux cette belle forêt méditerranéenne. (M. Pastor applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances est un exercice délicat qui dépasse largement l'aspect purement comptable.
Deux constats apparaissent à première vue dans ce budget de l'agriculture.
Le premier concerne l'ensemble des concours publics à l'agriculture. Pour l'année 1998, ils connaissent une légère baisse en francs constants, même si l'effort national, avec 35,486 milliards de francs, est en augmentation de 1,22 % par rapport à l'année précédente.
J'en viens au second constat : malgré des efforts financiers accomplis dans ce budget tant sur le plan de la sécurité et de la qualité de l'alimentation, que sur le plan de l'enseignement agricole et de la formation professionnelle, et malgré un début de revalorisation des retraites agricoles les plus faibles, nous ne percevons pas de réelles perspectives à long ou à moyen terme pour notre agriculture.
M. Jean-François Le Grand. Très bien !
M. Jean Bizet. Je n'ignore pas que l'exercice est difficile ; mais la France, au sein d'un contexte de mondialisation chaque jour plus ouvert, doit anticiper les évolutions de demain et préparer dès maintenant les grandes orientations de notre agriculture, qui seront autant de réponses, voire de contre-propositions au « paquet Santer ».
M. Yann Gaillard. Très bien !
M. Jean Bizet. N'oublions pas, en effet, que la France est leader sur le marché international des produits agricoles transformés avec 11 % des échanges internationaux, devant les Pays-Bas - 9,5 % - et les Etats-Unis - 9 %.
N'oublions pas qu'un emploi agricole, est à l'origine de quatre emplois induits dans nos zones rurales.
N'oublions pas que, derrière nos agriculteurs, fournisseurs de matières premières, il y a 4 200 entreprises de transformation, 392 000 salariés et 750 milliards de francs de chiffre d'affaires.
Si je me suis permis de rappeler ces chiffres, c'est parce qu'il faut bien comprendre que toute erreur de prospective en la matière aura des effets induits importants sur l'emploi dans nos industries de transformation, c'est-à-dire dans nos zones rurales.
Permettez-moi de souligner six points parmi ceux qui me semblent les plus importants.
Le premier concerne la filière laitière. Si une baisse de 10 % des prix du lait et la suppression de la prime au maïs ensilage, en compensation de la revalorisation de la prime à la vache laitière, permettraient sans doute de dynamiser la production laitière française, ce serait néanmoins une erreur stratégique fondamentale. En effet, 90 % du lait français s'écoule sur le marché européen.
Si la reconduction des quotas laitiers me semble une saine orientation, je pense très sincèrement qu'il est indispensable de maintenir notre prix sur le marché intérieur et de conquérir des parts de marché supplémentaires sur le marché mondial, parts de marché annoncées en progression de 2 % à 3 % annuellement.
Il apparaît que la seule solution pour y parvenir est le « double prix, double quota », solution qui présente l'intérêt d'éviter, en plus, d'importants surcoûts financiers au budget communautaire et de recueillir l'assentiment de la majorité des producteurs.
Il s'agit là d'une volonté politique forte de la France, volonté que nous devons faire partager à nos collègues européens en assurant la compatibilité de cette procédure avec les règles de l'OMC. Toute erreur de stratégie à cet égard laisserait aux Etats-Unis et à l'Australie ces mêmes parts de marché.
Le deuxième point concerne la filière de la viande rouge. A ce propos, je tiens à souligner l'importance de la revalorisation de la prime à l'herbe. Le projet de budget prévoit 680 millions de francs pour cette mesure. Le montant prévu pour 1998 est cependant en retrait par rapport aux 715 millions de francs inscrits dans le projet de loi de finances initiale pour 1997.
Cela ne répond plus, loin s'en faut, aux nécessités du moment. Ainsi, un double effort est impératif : il faut, d'une part, doubler le montant de la prime à l'hectare et, d'autre part, élargir les critères d'accès. Sur ce point, il convient d'abaisser le taux minimal de 75 % de surface agricole utile en herbe en deçà duquel une exploitation n'est pas éligible. Il conviendrait également de garantir l'éligibilité des contrats actuels et la possibilité de commencer un nouveau contrat dès 1998.
A côté de cette revalorisation de la prime à l'herbe, il demeure important de continuer à mettre l'accent sur la traçabilité des viandes grâce à l'étiquetage officiellement mis en place le 1er octobre 1997.
Cet étiquetage, compte tenu de l'éventualité d'importations de viandes américaines anabolisées dans un avenir plus ou moins proche, devra prendre en compte cette mention fondamentale à laquelle les consommateurs européens sont très attachés : je veux parler de l'absence d'activateur de croissance.
Le troisième point concerne à la fois la filière laitière et la filière de la viande : il s'agit de l'indépendance protéique de notre pays, qui a été réduite lors des dernières négociations de Blair House . Ce sont autant de concessions inacceptables faites aux Américains à l'époque.
Je souhaite que la France soutienne le nouveau plan « protéines » que les professionnels de la filière souhaitent vous présenter prochainement. Il n'est pas concevable d'accepter plus longtemps que l'Europe dépende, à concurrence de près de 45 %, des importations de soja américain.
J'ai souligné, au début de mon propos, monsieur le ministre, la nécessité d'avoir une prospective claire en ce qui concerne l'évolution de notre agriculture.
Je salue la décision prise par le Gouvernement, le 27 novembre dernier, tendant à autoriser la culture du maïs biotransgénique en France, mettant ainsi fin à l'incohérence des positions précédentes et à la distorsion de concurrence subie par les maïsiculteurs français qui produisent près de 50 % de la production européenne de maïs.
Je salue la création d'un dispositif de biovigilance et la modification de la composition de la commission du génie biomoléculaire, ce qui permettra une meilleure information et une plus grande transparence vis-à-vis des consommateurs.
Je tiens cependant à souligner que ces orientations ne doivent pas entraîner une augmentation des procédures administratives, spécificité franco-française, qui constitue un frein à l'évolution de la recherche appliquée en biotechnologies.
N'oublions pas que ces décisions engagent la compétitivité de nos agriculteurs mais également l'avenir des entreprises agroalimentaires qu'une absence de stratégie fragiliserait au sein de la concurrence internationale.
Le plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole, vous le savez, manque d'ambition.
L'enveloppe de mise aux normes des bâtiments d'élevage me semble en deçà des besoins. Aux 175 millions de francs programmés s'ajoutent, il est vrai, 150 millions de francs en provenance du FNDAE ; mais le total, soit 325 millions de francs, est en deçà des besoins estimés, quant à eux, à 350 millions de francs.
N'oublions pas que cette action participe non seulement à la protection de notre environnement et à la reconquête de la qualité des eaux, mais aussi, pleinement quoique indirectement, à la sécurité et à la qualité de l'alimentation au travers, demain, de la qualification des élevages.
Le quatrième point concerne les efforts entrepris en faveur de l'amélioration des plus faibles retraites agricoles. Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez pris la décision de continuer l'action engagée par votre prédécesseur, même si cette dernière est encore loin des orientations programmées par celui-ci.
Il est en effet important qu'un agriculteur retraité qui a cotisé toute sa carrière au régime des non-salariés agricoles, puisse bénéficier d'une pension au moins égale à 75 % du SMIC, soit 3 778 francs par mois.
Le cinquième point concerne l'emploi dans l'agriculture. Je veux également souligner l'importance des groupements d'employeurs, qui, sur l'ensemble du territoire national, représentent déjà 1 596 entités.
Apportant, par leur flexibilité, une réponse adaptée aux demandes d'emploi partiel et saisonnier en agriculture, ces groupements d'employeurs, lorsqu'ils sont constitués d'exploitants agricoles, devraient être placés sous le régime simplifié de l'agriculture en matière de TVA.
Enfin, le cinquième et dernier point, monsieur le ministre, concerne l'augmentation de la CSG. Afin de placer les agriculteurs de notre pays à parité avec les salariés, il est indispensable de diminuer le taux de la cotisation d'assurance maladie des exploitants non de 4,75 points, comme cela a été initialement annoncé, mais de 6,96 points.
Tels sont, monsieur le ministre, les différents sujets sur lesquels je souhaitais mettre l'accent, considérant qu'au-delà d'un aspect purement comptable, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, il faut, dans l'approche des problèmes agricoles de notre pays, avoir le souci de redonner des orientations claires à nos agriculteurs.
Ces orientations avaient été définies en 1962. Elles ont porté leurs fruits et façonné une agriculture qui, aujourd'hui, dans un environnement international ayant considérablement évolué, doit, à son tour, parfaire sa mutation.
La logique de baisse des prix avec une compensation des revenus a été engagée dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, en 1992. La volonté de nos partenaires américains d'amplifier cette baisse a un effet pervers ; elle risque de déconnecter nos agriculteurs de leur mission première, à savoir la production de matières premières, et non la perception de subventions de compensation. Elle risque, en outre, de fausser totalement la notion de coût de production, faisant abstraction de la qualité et de la sécurité de nos productions agricoles européennes, et tout spécialement françaises.
Le récent échec du président Clinton au Congrès où une majorité de démocrates lui a refusé l'application du fast track doit nous faire réfléchir.
Monsieur le ministre, loin de moi l'idée de revenir à un protectionnisme désuet, mais l'ultra-libéralisme n'est pas non plus la solution.
Ce coup de frein américain au libre-échange est l'occasion de présenter dès maintenant des contre-propositions. Nous savons que c'est votre intention ; nous souhaitons que cela devienne une réalité dès maintenant ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. Comme vous le savez, monsieur le ministre, le budget de l'agriculture est un acte politique puisqu'il concerne non seulement les agriculteurs mais aussi l'industrie alimentaire et le monde rural : c'est de l'avenir de notre pays qu'il s'agit.
Vous le savez très bien, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas aborder le budget de l'agriculture française en ignorant le contexte international et communautaire dans lequel il s'inscrit.
D'ailleurs, les mutations brutales que vit le monde agricole à l'heure actuelle en font craindre sa dérive. En clair, il ne suffit pas d'augmenter le budget de 1,22 % pour que tout aille mieux. Il faut à l'agriculture française une ligne directrice qui la projette dans son avenir. Cette projection dans l'avenir se trouvait dans l'ambitieux projet de loi d'orientation pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du précédent gouvernement. Monsieur le ministre, quelles perspectives dessinez-vous pour l'agriculture française ? Quelle ambition lui proposez-vous ?
Si je partage totalement l'analyse faite par MM. les rapporteurs, dont je salue, devant notre assemblée, le travail remarquable, je voudrais m'arrêter et vous interroger, monsieur le ministre, sur les points suivants : la politique agricole commune et le « paquet Santer », le fonds de gestion de l'espace rural, l'installation des jeunes agriculteurs, les retraites agricoles, l'application de la directive européenne Natura 2000 et, enfin, la gestion des ressources en eau.
Tout d'abord j'évoquerai la réforme de la politique agricole commune. Il est de notre devoir de dénoncer les dangers qui découlent de cette réforme.
Le « paquet Santer » est un projet européen pervers qui menace les agricultures française et européenne.
Vous le savez, monsieur le ministre, sous le prétexte de la compétition internationale et de l'élargissement futur de l'Union européenne, il prévoit une baisse très sensible des prix agricoles actuels pour les rapprocher des cours mondiaux en laissant jouer les mécanismes de l'ultra-libéralisme.
Il est prévu - dois-je le rappeler ? - des réductions de prix de 10 % pour le lait, de 20 % pour les céréales et de 30 % pour la viande bovine, avec une compensation partielle à la charge du contribuable.
Je précise que ces réductions de prix ne seront pas répercutées au niveau des consommateurs. Ce qui s'annonce, c'est non pas une juste rémunération des produits agricoles souhaitée par les agriculteurs français, mais une dépendance encore plus grande à l'égard des Etats. Cette dépendance est fragilisée, car le filet de sécurité de protection des prix se distend.
Monsieur le ministre, on ne peut pas arbitrairement baisser les prix des produits agricoles qui ne prennent pas en compte les charges, lesquelles ne sont pas planifiées à l'échelle mondiale, sans assurer un revenu décent à ceux qui participent à la vitalité économique et sociale du monde rural et à l'aménagement de notre territoire.
Aussi, je vous demande de nous exprimer clairement la position du Gouvernement sur les propositions de l'Agenda 2000.
S'agissant du fonds de gestion de l'espace rural, vous en vantez les mérites, mais il n'est pas abondé en fonction des ambitions affichées. Je vous demande de bien vouloir nous définir le cadre politique de la gestion de ce fonds. Permettez-moi de vous suggérer d'y associer les élus locaux, le monde rural étant une entité qui dépasse le seul monde agricole.
J'insisterai maintenant sur l'impérieuse nécessité de favoriser l'installation des jeunes agriculteurs.
Vous le savez, monsieur le ministre, aucune mesure de remplacement de la préretraite n'étant prévue, l'installation de jeunes agriculteurs est durement pénalisée.
Pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous entendez mettre en place pour orienter la distribution des terres au profit des jeunes ? Ce qui est prévu ne répond que très partiellement à l'urgence de l'enjeu du maintien de la place de l'agriculture dans notre économie.
Arrêtons-nous un instant sur les retraites agricoles.
Tout le monde s'accorde à reconnaître que trop nombreux sont les agriculteurs retraités avec de très faibles ressources. On ne peut pas continuer à parler de solidarité et d'équité quand on accepte le niveau des retraites agricoles. Aussi, je vous demande de nous proposer une programmation du rattrapage afin de poser l'acte politique tout en tenant compte des limites financières.
Venons-en à la reprise de la concertation relative à la procédure Natura 2000.
On ne peut pas séparer l'évolution de l'agriculture de la protection de notre environnement. Nous sommes au moins d'accord sur cette affirmation, monsieur le ministre. Toutefois, j'avoue ne pas comprendre l'absence de bon sens dans l'approche de ce dossier. C'est souvent surréaliste, c'est rarement sérieux !
Monsieur le ministre, je vous demande d'intervenir auprès de votre collègue chargée de l'environnement. Comment pouvez-vous accepter que des sites à protéger soient délimités sans que l'on connaisse exactement les mesures de protection qui seront imposées ?
M. Jean-Paul Amoudry. Bravo !
M. Louis Moinard. A ce stade de la reprise des négociations, je sais que la France est montrée du doigt par la Commission européenne. Et alors ? Je vous demande de vous exprimer clairement sur la création du réseau Natura 2000 en France. Quels sont les engagements précis qu'elle a pris auprès des autorités européennes ?
Enfin, la gestion des ressources en eau sera le dernier point de mon intervention.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous connaissez la problématique : la consommation d'eau, qu'elle soit domestique ou agricole, a augmenté de telle sorte que nous réalisons que l'eau est un bien précieux qu'il faut gérer.
Je crois qu'une bonne gestion doit s'attaquer à la fois aux excès ou gaspillages de consommation et à la recherche de nouvelles ressources. Vous le savez, l'agriculture moderne est grande consommatrice d'eau.
Aujourd'hui, acteurs hautement responsables, les agriculteurs vous interrogent, monsieur le ministre. Ils veulent bien limiter au plus juste les besoins en eau des cultures, mais ils vous demandent de leur donner les moyens d'augmenter les ressources en eau. Il semble que les barrages ne correspondent plus aux nouvelles philosophies. Alors, que prévoyez-vous à court et à moyen terme, en concertation avec tous les acteurs, pour augmenter les ressources en eau ?
En conclusion, monsieur le ministre, la place de l'agriculture dans notre économie et pour l'équilibre de notre territoire est trop importante pour que les questions de ses acteurs restent sans réponse. Je vous remercie de ne pas décevoir le monde rural dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après un débat prébudgétaire qui nous a permis de donner nos appréciations sur le projet de budget de l'agriculture pour 1998, je rappellerai les points forts de mon intervention ; mais, auparavant, je souhaite évoquer la place de notre agriculture au sein de l'agriculture européenne et mondiale.
En Europe, nous sommes la première puissance agricole, ce qui montre la nécessité d'une très bonne négociation de l'Agenda 2000, si nous voulons pérenniser nos exploitations, installer des jeunes et aménager l'espace rural.
Mais ce sur quoi il faut être très attentif, c'est sur les quantités que nous produisons. Les chiffres sont très révélateurs. Je ne prendrai que les principales productions : les céréales représentent 2,78 % de la production mondiale, la viande bovine 4,5 %, la viande porcine 2,8 % et les volailles 4,7 %. A l'évidence, nous devons orienter notre agriculture vers des productions de qualité avec beaucoup de rigueur sur l'identification et l'origine de nos produits.
La France est un pays qui a une histoire très riche et de belles régions. Nous avons les atouts pour valoriser nos productions ; nous savons que les agricultrices et les agriculteurs ont, dans une très large majorité, un savoir-faire et une capacité d'initiative qui nous permettent d'être optimistes pour les années à venir.
Mais, avant tout cela, il faut préserver la spécificité de l'agriculture française, avec des exploitations agricoles à dimension humaine, qui peuvent malgré tout être compétitives et assurer des produits de qualité.
A présent, monsieur le ministre, je reviendrai sur plusieurs points qui me tiennent à coeur et sur lesquels j'avais attiré votre attention à l'occasion du débat d'orientation. Vous ne m'aviez pas alors apporté les réponses attendues.
Les régions en voie de désertification sont des régions d'élevage extensif. Comment, avec la perspective d'une baisse de 30 % du prix d'intervention, pouvons-nous espérer maintenir des éleveurs et installer de jeunes agriculteurs ? Il faut envisager des aides aux surfaces en herbe. Pour la simplification des dossiers, les primes aux vaches allaitantes et aux bovins mâles pourraient être globalisées en fonction du nombre d'unités de gros bétail sur l'exploitation, au regard du livre des bovins. Je souhaiterais que vous me répondiez sur ce point, monsieur le ministre.
S'agissant des zones de montagne, les agriculteurs réclament une prise en compte réelle de la spécificité montagne dans les politiques agricoles française et européenne, tant sur le plan économique que sur le plan du foncier, de la formation, de la gestion de l'espace, des droits à produire et des droits à prime.
Les aides à la montagne, telles que les subventions dites « bâtiments d'élevage » et « aides à la mécanisation », sont en régression constante. Dans l'immédiat, il serait souhaitable de débloquer ces crédits. Trop de dossiers sont encore en attente.
En outre, les critères de l'ISM, l'indemnité spéciale de montagne, ont été de plus en plus restrictifs au cours des dernières années.
Parmi vos priorités, monsieur le ministre, vous évoquez l'installation des jeunes et de jeunes hors cadre familial, mais vous faites valoir l'importance des capitaux nécessaires à leur installation, capitaux qui n'auront que peu de rentabilité mais qui sont indispensables.
Les études prévisionnelles d'installation font souvent apparaître de lourds investissements pour dégager un salaire disponible souvent inférieur au SMIC. A partir du moment où ils pourront avoir comme perspective un meilleur revenu, des jeunes s'installeront. Toutefois, pour cela, il faut redéfinir les conditions de transmission des exploitations et de financement à taux préférentiel.
Pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, je souhaiterais que le dispositif de préretraite soit reconduit uniquement en direction des agriculteurs qui cèdent leur exploitation à des jeunes qui veulent s'installer ou qui sont installés depuis moins de cinq ans, l'Union européenne participant pour 50 % au coût de la préretraite. En ce qui concerne les retraités agricoles, vous devriez prendre davantage en compte le rôle qu'ils ont assuré dans l'aménagement de l'espace rural et faire en sorte que la revalorisation des plus petites retraites permette à celles-ci d'atteindre celles des autres secteurs.
Monsieur le ministre, vous avez fait valoir votre volonté de donner les moyens financiers nécessaires à l'aménagement de l'espace rural. Le FGER pourrait être un financement très appréciable, pour les agriculteurs mais aussi pour les collectivités locales.
Dans le cadre de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, la dotation initiale s'élevait à 500 millions de francs, ce qui constituerait un financement minimal pour atteindre l'objectif que vous vous fixez.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire une proposition sur la mise en oeuvre du FGER. Il a été institué à la demande de la profession agricole et il doit être utilisé pour améliorer les conditions d'exploitation et d'entretien de nos espaces ruraux. Les agriculteurs doivent être prioritaires, ce que je conçois naturellement. En revanche, et ce depuis quatre ans, les collectivités locales, maîtres d'ouvrage, peuvent faire réaliser les travaux par des agriculteurs ; mais souvent, s'agissant de chemins d'exploitations agricoles, ils ne peuvent être réalisés par ces derniers, alors que ces travaux permettraient d'améliorer les conditions d'exploitation.
Monsieur le ministre, devant cette difficulté, les collectivités locales ne pourraient-elles pas confier ce type de travaux à des entreprises ?
Je terminerai mon propos par cette citation de Claude Michelet : « Nous avons la chance en France d'avoir les meilleurs agriculteurs du monde, et tout le monde a l'air de penser que c'est normal. » (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le ministre, dès votre arrivée au ministère de l'agriculture et de la pêche, vous avez annoncé votre intention de présenter devant le Parlement une loi d'orientation agricole, témoignant ainsi de votre volonté de traduire, dans un acte politique et législatif fort, un projet ambitieux pour l'agriculture de notre pays.
A la veille du troisième millénaire, c'est un nouvel enjeu qui se présente pour l'agriculture et ses hommes, qui ont toujours su s'adapter, au prix parfois de réformes complexes mais aussi de courageuses initiatives, aux exigences de la modernisation et de la mondialisation des échanges, notamment au cours des trente dernières années.
Grâce aux efforts consentis par l'ensemble de la profession, la France est aujourd'hui la principale puissance agricole de l'Union européenne.
La loi d'orientation envisagée s'inscrit dans la volonté, que nous partageons et approuvons, de soutenir le monde agricole et de le préparer à de nouveaux défis, destinés à consolider la place et le rôle de la France dans les échanges internationaux.
Nous sommes très sensibles aussi à votre préoccupation de favoriser le développement harmonieux et équilibré du territoire à travers la politique agricole.
Cette préoccupation, vous l'avez récemment rappelée à Bruxelles, lors d'un conseil des ministres de l'agriculture, et nous ne pouvons que vous approuver, dans cette assemblée où nous sommes attentifs aux questions de l'aménagement du territoire et de l'espace rural.
Vous avez également annoncé une future loi forestière qui viserait à relancer la filière bois, mais aussi à préciser les outils de gestion, de protection et de valorisation de la forêt.
Elu en Languedoc, et me souvenant d'avoir été chargé, en 1983, d'un rapport sur la protection de la forêt méditerranéenne par notre collègue Pierre Mauroy, alors Premier ministre, je ne peux que vous féliciter d'engager un travail législatif sur cette question, qui préoccupe beaucoup les élus de plusieurs régions françaises.
Les graves incendies que l'on déplore chaque année au moment de la période estivale attestent de l'urgence qu'il y a à élaborer un nouveau cadre juridique.
Monsieur le ministre, vous avez tracé les contours de votre politique. Le budget que vous nous présentez aujourd'hui est un budget de transition, en attendant la discussion des lois d'orientation sur l'agriculture et sur l'aménagement du territoire, mais aussi l'échéance de la réforme de la politique agricole commune.
Votre budget traduit néanmoins une volonté de changement et rompt avec la tendance à la réduction des crédits de ces dernières années.
Vous avez fort justement défini des priorités qui favorisent l'installation des jeunes agriculteurs et relancent de manière significative le soutien à l'enseignement agricole.
L'enseignement et la formation sont au coeur des préoccupations gouvernementales, et nous constatons que l'enseignement agricole n'a pas été oublié. En effet, le retard accumulé dans ce domaine depuis quelques années devenait préoccupant.
Il était urgent et impératif, pour l'avenir de notre agriculture, de relancer et de revaloriser l'enseignement agricole, qui a souvent pâti d'une image dévaluée par rapport à d'autres disciplines.
Les mesures que contient votre projet de budget, aussi bien en création de postes qu'en dotations destinées à actualiser les programmes scolaires ou à soutenir la recherche, s'inscrivent dans cette volonté de préparer les jeunes gens et les jeunes filles aux enjeux de l'agriculture moderne.
Je veux souligner, à cet effet, que la France, contrairement à d'autres pays, ne forme pas de docteurs en agriculture, le plus haut niveau de formation étant celui d'ingénieur agronome.
Cela ne remet pas en cause la qualité des travaux scientifiques de nos ingénieurs, mais ces derniers souffrent, sur le plan international, d'une dévalorisation de leurs compétences et de leur diplôme par rapport aux docteurs en agriculture formés dans les universités étrangères.
Il conviendrait donc de réfléchir sur ce point, qui est important pour l'avenir de la recherche, secteur où la France se situe parmi les pays les plus performants.
Dans ce domaine, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous connaissez le rôle moteur que joue le site d'Agropolis, à Montpellier, qui participe à la diffusion dans le monde entier du savoir issu de ses recherches.
Je souhaite insister aussi sur l'importance des échanges avec les lycées agricoles étrangers et l'apprentissage des langues vivantes.
L'agriculture ne fonctionne plus en vase clos. Il est indispensable d'encourager les jeunes gens à vivre des expériences dans le cadre de l'Union européenne et au-delà.
Nous savons que vous manifestez un réel intérêt pour ces questions, car, en donnant la priorité à l'enseignement, sans oublier le rôle de la formation continue, vous traduisez votre objectif de préparer des techniciens performants pour affronter, demain, les défis de l'agriculture.
Vous souhaitez, par ailleurs, faciliter l'installation des jeunes agriculteurs et vous avez créé, à juste titre, un fonds d'installation.
Il conviendra aussi de simplifier les procédures administratives, qui trop souvent retardent l'installation des jeunes.
Monsieur le ministre, préparer l'avenir de l'agriculture en assurant la qualité de ses produits, c'est votre deuxième priorité.
La véritable révolution de l'agriculture au cours de ces trente dernières années est d'avoir, enfin, privilégié la qualité par rapport à la quantité.
Je citerai l'exemple des efforts tout à fait remarquables accomplis par les viticulteurs méridionaux pour produire des vins d'une qualité incontestée en France mais aussi à l'étranger.
La fierté des viticulteurs du Languedoc-Roussillon est d'être enfin reconnus comme de véritables producteurs de qualité et de participer ainsi à la promotion de nos vins à l'étranger.
Je rappelle que le record des exportations de vins a été établi l'année dernière, avec 13,6 millions d'hectolitres pour une valeur de 24,8 milliards de francs, preuve, s'il en est, de la qualité de nos produits et aussi de la part importante que cela représente dans notre économie !
Vous vous êtes prononcé en faveur d'une gestion rigoureuse des signes de qualité ; l'exemple de la viticulture démontre la justesse de ce choix.
Nous comptons sur vous pour conforter dans ses missions l'Institut national des appellations contrôlées et pour veiller au foisonnement de labels qui induisent souvent le consommateur en erreur et portent préjudice aux efforts de qualité recherchés dans l'ensemble des filières.
Il m'est agréable de conclure ce propos en évoquant un produit de qualité cher aux Languedociens et aux Provençaux.
Depuis quelques années, la culture de l'olivier suscite un fort engouement de la part des jeunes agriculteurs, notamment grâce à l'aide technique apportée par la Société interprofessionnelle des oléagineux, protéagineux et cultures textiles, la SIDO.
Animant au Sénat, sous l'égide de la commission des affaires économiques, le groupe de travail sur l'oléiculture, il est de mon devoir d'attirer votre attention sur cette culture, dont l'intérêt réside non seulement dans le témoignage d'une civilisation, mais aussi et surtout dans son potentiel économique. En effet, en 1993, la France produisait 1 600 tonnes d'huile d'olive et en consommait 37 000.
Nombreux sont les jeunes agriculteurs qui relancent des oliveraies familiales ou en créent de nouvelles. Il convient de les soutenir dans leurs efforts de qualité, mais en tenant compte aussi de considérations liées à l'environnement et à la reconquête des espaces naturels.
La réforme de l'organisation commune des marchés doit intégrer ces objectifs, et nous comptons sur votre détermination pour soutenir ce secteur agricole devant les instances européennes.
Monsieur le ministre, votre budget trace les perspectives d'un projet nouveau pour l'agriculture. Il privilégie l'avenir et les jeunes en préparant les réformes que vous avez annoncées. Nous vous assurons très vivement de notre soutien. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget que l'on présente aujourd'hui devant nous est, si l'on s'en tient aux chiffres, un budget de reconduction. Mais, si on le regarde de plus près, on s'aperçoit qu'il est en totale rupture avec ce qui a été fait par le précédent gouvernement.
M. Jean-Marc Pastor. Heureusement !
M. Michel Doublet. Ainsi, la volonté que vous affichez, monsieur le ministre, d'ériger l'installation des jeunes comme une de vos grandes priorités ne reflète pas la réalité. J'en veux pour preuve l'abandon du FIDIL au profit du FIA moins de deux ans après sa création.
Etait-il bien opportun de créer ce nouveau fonds alors que le FIDIL commençait à se mettre en place et n'avait pas encore produit tous ses effets ? Comment allez-vous, monsieur le ministre, financer à la fois les actions du FIDIL et la prime d'orientation des terres du FIA ? Pensez-vous vraiment que ce fonds permettra de développer l'emploi des jeunes tout en assurant un revenu de substitution pour les agriculteurs en situation financière difficile ?
Autre preuve du manque d'ambition de ce budget, l'abandon du système de la préretraite, arrivé à son terme légal au mois d'octobre dernier. La non-reconduction de cette mesure est d'autant plus regrettable que, réglementairement et budgétairement, l'Union européenne pourrait continuer le cofinancement à hauteur de 50 %.
Toutes ces mesures aboutissent, en fait, à une baisse des aides à l'installation. On constate, d'ailleurs, que de plus en plus de jeunes prennent le risque de s'installer hors des dispositifs de soutien de l'Etat.
C'est ainsi que l'on note une désaffection de nos jeunes agriculteurs pour les prêts bonifiés. Une mise à jour de ces prêts doit avoir lieu au plus vite afin de donner à nos jeunes les moyens d'adapter et de moderniser leur exploitation pour faire face à la compétition européenne et internationale.
Cette adaptation passe également par l'enseignement et la formation. Si je ne peux que me réjouir de l'augmentation de ces crédits, je m'inquiète de la diversification des formations. L'enseignement agricole doit être recentré sur les formations à la production et à la transformation tout en intégrant les nouvelles exigences en matière d'environnement et de qualité. Une réflexion en profondeur sur sa vocation et sur la place qu'il doit avoir face à l'éducation nationale doit être entreprise. Il ne faudrait pas, en effet, qu'il perde son autonomie.
A l'autre bout de la filière, les efforts consentis par le Gouvernement en faveur des retraites, en dépit d'un progrès significatif, ne me semblent pas suffisants.
Quand atteindrons-nous l'objectif d'une pension au moins égale à 75 % du SMIC pour un agriculteur qui a cotisé toute sa vie ?
Quand parviendrons-nous à une véritable parité entre homme et femme qui ont tous deux travaillé la terre ?
Je crains fort que, pour le moment, ces questions ne trouvent pas de réponse.
Il est un autre chapitre sur lequel le budget manque de moyens, monsieur le ministre ; je veux parler des mesures agri-environnementales.
La faiblesse des crédits consacrés à la modernisation des exploitations met nos agriculteurs en grande difficulté. Ces derniers sont en effet régulièrement attaqués sur des questions d'environnement.
Afin que leurs méthodes d'exploitation soient respectueuses de l'écologie, il faut leur donner les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre des mesures qui ont été prises tant au niveau européen qu'à l'échelon français.
Je me permets d'ajouter que, sur le plan national, il devrait y avoir une entente entre les différents ministères concernés par le sujet.
Finalement, en dehors des priorités affichées, et qui ne trompent personne, ce budget opère des coupes claires sur tout ce qui concerne le volet économique.
L'un des choix les plus critiquables est la suppression de 40 millions de francs sur le montant des crédits attribués à la SOPEXA. Cette mesure est incompréhensible, car elle met la France en position de repli sur elle-même, et ce à l'heure où la plupart des grandes puissances renforcent les moyens publics qu'elles consacrent à la promotion des produits.
Beaucoup d'entreprises qui travaillent à l'exportation sont des PME. Elles n'ont pas les moyens d'assurer elles-mêmes leur promotion sur les marchés extérieurs. Une augmentation budgétaire s'impose donc si l'on veut qu'elles accèdent aux marchés mondiaux et qu'elles prennent des parts de marché.
En résumé, monsieur le ministre, je dirai que ce budget ne me paraît pas répondre à l'attente de nos agriculteurs, ni faire face aux défis qui vont se présenter à l'aube de l'an 2000. On ne peut nier tous les aspects économiques et vouloir une grande politique agricole.
La capacité à produire, la qualité de nos produits, l'innovation dans le respect de notre environnement sont nos meilleurs atouts pour demain.
Ce budget ne permettra pas d'atteindre ces objectifs et de redonner confiance à nos agriculteurs.
Enfin, pour en terminer, comme mon collègue Serge Mathieu, je m'inquiète de la situation viniviticole, et plus particulièrement de celle du cognac. Je vous demande, monsieur le ministre, de prendre les mesures nécessaires à la survie économique de sa région de production. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Mon propos sera exclusivement consacré à la situation de l'agriculture de montagne, qui traverse à l'heure actuelle une phase de profonde interrogation.
En effet, si les agriculteurs de montagne partagent les préoccupations communes à l'ensemble de la profession, ils ont, de surcroît, plusieurs motifs d'inquiétude spécifiques portant essentiellement sur l'indemnité spéciale de montagne, sur les concours à la modernisation des bâtiments et à la mécanisation ainsi que sur les perspectives de la réforme de la politique agricole commune. Ce sont autant de lignes politiques qui se caractérisent, hélas ! par un recul, voire par l'abandon de la prise en compte des handicaps particuliers à la montagne.
Alors même que, depuis quelques années, les autres aides agricoles augmentent, l'indemnité spéciale de montagne tend globalement à se marginaliser, car l'enveloppe qui lui est consacrée subit une érosion constante, que confirme, hélas ! le projet de budget pour 1998.
Ainsi, 1,56 milliard de francs est prévu par ce budget au titre des indemnités compensatrices de handicaps naturels, au lieu de 1,65 milliard de francs en 1997, ce qui représente un recul de 5,5 %.
Si, d'un point de vue individuel, l'ISM s'est maintenue en francs constants et si une revalorisation de 1,5 % est à prévoir pour 1998, c'est notamment grâce à la diminution du nombre d'unités de gros bétail bénéficiant de cette prime, diminution principalement imputable aux conditions restrictives de son attribution.
Par ailleurs, la profession déplore une forte diminution des crédits d'aide aux bâtiments et à la mécanisation. Vous avez prévu, monsieur le ministre, de reconduire, en 1998, les 45 millions de francs inscrits l'année dernière à ce chapitre dans la loi de finances initiale. Mais, vous le savez, ce montant est bien en deçà des besoins, que la profession agricole évalue à quelque 100 millions de francs.
Pour l'heure, l'urgence est aux nombreux dossiers déposés au cours des derniers mois, qui sont actuellement en attente de règlement.
Permettez, monsieur le ministre, que, pour illustrer mon propos, je cite le cas du département de la Haute-Savoie, où plusieurs dizaines de dossiers présentés au titre de la modernisation des bâtiments d'élevage et de l'aide à la mécanisation représentent, au total, une demande de plus de 3 millions de francs en attente de règlement ! Or les crédits d'engagement actuellement annoncés s'élèvent à 530 000 francs, si bien que les besoins non satisfaits se montent à plus de 2 600 000 francs.
Enfin, la politique agricole commune vient accroître cette inquiétude. Cette politique est déjà perçue comme privilégiant les aides de compensation économique plutôt que les aides de compensation des handicaps. Et la réforme de la politique agricole commune pour les années 2000-2006, qui vient d'être engagée, ne manque pas d'inquiéter. En effet, ses orientations ne reprennent plus l'objectif de maintien d'un nombre suffisant d'exploitations, pas plus qu'elles ne veillent à la répartition territoriale des productions, l'agriculture de montagne n'étant plus dotée que d'aides relatives à la gestion des espaces naturels.
De surcroît, des départements tels que la Haute-Savoie sont fortement pénalisés par le zonage actuel des fonds structurels. Le projet de réforme en cours d'élaboration n'apporte, en l'état, pas de solution satisfaisante, même si nous savons que vous vous efforcez d'obtenir des corrections dans ce domaine. Soyez-en ici remercié.
Autant dire que le projet de réforme de la PAC, tel qu'il est aujourd'hui conçu, abandonne purement et simplement toute référence à l'agriculture de montagne et constitue une nouvelle étape de la disparition progressive des politiques spécifiques à ce territoire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la France ne peut accepter une telle perspective !
A l'heure de la discussion du projet de budget de l'agriculture pour 1998 et à la veille du sommet de Luxembourg, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous adresser quelques requêtes.
En ce qui concerne d'abord l'indemnité spéciale de montagne, une revalorisation substantielle tant de son montant que du plafond communautaire doit constituer l'un des objectifs prioritaires, pour une politique de véritable compensation des handicaps.
S'agissant de la modernisation des bâtiments d'élevage et de la mécanisation, nous devons assurer des moyens budgétaires suffisants. Je me permets d'évoquer la somme des handicaps de l'agriculture en zone de montagne, qui se traduisent par l'obligation de renforcer les charpentes et l'isolation thermique, de réaliser des volumes de stockage d'aliments pour de longs mois d'hiver, ainsi que de consacrer des dépenses importantes à la satisfaction des exigences environnementales et à la dépollution.
Rappelons que, pour leur très grande majorité, les exploitations agricoles concernées étant de taille moyenne ou modeste, elles ne bénéficient pas de l'aide de 15 % accordée par l'Etat pour les programmes obligatoires de lutte contre les pollutions d'origine agricole.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir, dans l'immédiat, trouver une solution aux problèmes posés par les dizaines de dossiers en attente et, pour l'avenir, proposer une politique adaptée aux spécificités et aux handicaps vécus par l'agriculture de montagne.
Sur le plan européen enfin, même si cette question déborde le cadre de notre discussion budgétaire, je vous demande, monsieur le ministre, de tout faire pour que la spécificité de l'agriculture de montagne trouve sa juste place dans les orientations du prochain sommet de Luxembourg.
Avant de terminer cette intervention, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous lancer un appel à propos des moyens consacrés à la restauration des terrains en montagne : je souhaite qu'ils soient substantiellement et durablement renforcés. La solidarité nationale doit en effet s'exercer à l'égard des populations qui font le choix de vivre dans des régions où la nature des sols comme les données climatiques éprouvent rudement le cadre de vie naturel, rendant la sécurité des personnes et des biens d'autant plus difficile à assurer. ( Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. )
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, le projet de budget consacré à la pêche maritime et aux cultures marines que vous nous présentez aujourd'hui répond à une double exigence : d'une part, il s'inscrit dans une volonté légitime de rigueur budgétaire ; d'autre part, il doit accompagner la réforme résultant de la loi d'orientation que nous avons votée, ici même, voilà quelques semaines.
Le temps m'étant très compté, je me bornerai à vous livrer ici quelques suggestions. Certaines sont d'ailleurs d'ores et déjà à l'oeuvre dans le présent projet de budget. D'autres mériteraient peut-être que les prochains projets de loi de finances, préparés avec plus de temps, les traitent plus précisément.
Après la forte augmentation de 1996, le budget pour 1998 reconduit l'effort de 1997. Le niveau de l'ensemble des dotations accordées au secteur est en effet maintenu, tant en termes de dépenses ordinaires - elles représentent 150 millions de francs - qu'en termes de crédits d'équipements.
La priorité - nous l'avons bien compris - est donnée à la modernisation de la filière ainsi qu'à une meilleure adéquation entre les capacités de capture et l'état de la ressource.
C'est pour cette raison que l'OFIMER, l'Office interprofessionnel des produits de la mer, et le Conseil supérieur d'orientation des politiques halieutiques vont engager une nouvelle approche des problèmes liés à la ressource et au marché des produits de la mer. Je souhaite qu'elle soit fructueuse.
J'aimerais cependant insister sur la dimension économique et sociale qui, plus que tout autre, doit être examinée dans son approche communautaire et internationale. A quoi bon, en effet, légiférer pour tenter de soutenir la filière pêche de notre pays si le volet social de ce secteur n'est pas harmonisé à l'échelon européen ? Si nous voulons pouvoir continuer à défendre une Europe bleue, il est nécessaire que nos frontières communautaires demeurent des instruments de régulation des marchés intérieurs, face aux évolutions d'une économie chaque jour plus mondialisée et à la merci d'une concurrence chaque jour plus dure.
L'internationalisation de nos échanges est une chance pour nos produits halio-alimentaires, j'en conviens volontiers. Mais il ne faut pas qu'elle soit une source de déstabilisation de nos capacités de capture.
Dans ce domaine, la programmation du quatrième plan d'orientation pluriannuel, le POP IV, et le règlement définitif du POP III posent un certain nombre de problèmes ; le retard du POP III a pour conséquence que, d'ici à la fin de 2001, la France aura à réduire la puissance de sa flotte d'au moins 58 000 kilowattheures.
Quant aux aides à la modernisation, la réouverture des crédits à ce type d'investissement est suspendue à l'application stricte d'un nouveau plan de sortie de flotte.
La gestion de la ressource est une réelle nécessité, mais encore faut-il que cesse le scandale écologique que constitue la pêche minotière pour la biomasse maritime. Notre devoir, ici comme partout, doit être celui d'une responsabilité vigilante envers les générations futures !
Je compte donc sur votre détermination, monsieur le ministre, pour inciter nos partenaires européens à fixer une politique globale, empreinte de logique économique et, surtout, environnementale.
J'en viens maintenant à la pêche hauturière et à la nécessité de fixer la cap de ce segment d'activité particulier par la mise en place d'une mission ad hoc . Il ne peut y avoir d'exploitation saine et durable si les perspectives de travail, notamment dans les eaux dites profondes, ne sont pas tracées. Dans le même temps, la flotte industrielle de pêche fraîche vieillit et les crédits à la modernisation sont suspendus.
N'est-il pas temps de créer un fonds spécial d'adaptation de l'appareil de production sur le modèle des SAFER, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, et de programmer, à moyen terme, un plan général pour la pêche hauturière, industrielle et semi-industrielle ?
Il est important, monsieur le ministre, que nous réfléchissions davantage à la dimension économique internationale de cette pêche éloignée, qu'elle soit fraîche, surgelée ou transformée.
La grande pêche et la pêche thonière sont aussi, à n'en pas douter, des chances à exploiter pour notre commerce extérieur. Il est de notre devoir de soutenir ces sociétés d'armement qui oeuvrent très souvent à partir de bases avancées, car, à défaut, nous risquons de compromettre gravement ces aspects essentiels de notre pêche.
Je le rappelle, la France est l'une des toutes premières nations maritimes du monde. Il est impératif de maintenir et de soutenir son pavillon sur toutes les eaux placées sous notre juridiction, soit 11 millions de kilomètres carrés !
La loi d'orientation donne désormais le droit de sanctionner plus largement le piratage et l'exploitation illégale de nos eaux australes et antarticques ; mais ces mesures n'auront d'effet qu'à la condition d'ajouter au corpus réglementaire les moyens techniques, financiers et humains nécessaires !
La politique générale de nos pêches maritimes et de nos cultures marines suppose peut-être, avant toute autre chose, une réflexion économique sur l'avenir du marché ainsi qu'une réflexion sur la consommation des produits de la mer. A quoi bon, en effet, produire davantage si l'on ne consomme pas dans les mêmes proportions ?
L'un des grands enjeux de la politique alimentaire de demain reposera sur la qualité de ces produits de la mer, qualité dont dépend leur consommation même. Or il est nécessaire de stimuler cette consommation. Il faut donc que soit élaboré en ce sens un schéma directeur, passant par une politique de transformation et de valorisation.
C'est par leur qualité, leur fraîcheur et leur attractivité que nos produits sauront séduire les consommateurs et justifier, peut-être, les différences éventuelles de leurs coûts de production. Le souci légitime d'hygiène et de garantie sanitaire de nos concitoyens rend à la fois plus nécessaire et plus rentable une évolution en ce sens, surtout quand un soupçon pèse sur d'autres filières alimentaires.
L'aménagement du territoire doit également être l'une de nos préoccupations dans l'organisation de la filière pêche. Notre littoral a trop longtemps souffert de son enclavement pour qu'il ne soit pas nécessaire de le doter aujourd'hui d'ambitions généreuses, en termes d'investissements lourds mais aussi d'investissements humains.
De même, le développement des lycées professionnels aquacoles et maritimes doit rester l'une de nos priorités : il en va de l'avenir de la profession. N'est-ce pas là, de plus, un argument de taille face à l'internationalisation de nos équipages ? Je refuse, pour ma part, que nous cautionnions les visées iniques de ces sociétés mixtes qui usent de la captation de nos quotas nationaux et qui abusent de ce non-droit.
Il faudrait peut-être, monsieur le ministre, définir plus précisément le lien économique réel qui doit exister entre les navires et leurs pays d'attache ; nous éviterions ainsi bien des malentendus, bien des abus, bien des rancoeurs. Pour ne rien vous cacher, je crains une nouvelle distorsion de concurrence ; mais je resterai vigilant, tant l'intérêt de nos pêcheurs en dépend.
De même, peut-être aurait-il été intéressant de mieux prendre en considération le danger que représente la pratique actuelle de la pêche plaisancière et sous-marine pour l'équilibre du stock halieutique, notamment dans la région Provence - Alpes-Côte d'Azur ? Les professionnels souffrent trop souvent de ces activités mal réglementées, mal contrôlées et exercées par des « amateurs » qui deviennent de véritables concurrents pour les pêcheurs inscrits maritimes.
Le POP IV s'annonce difficile, monsieur le ministre, et nous comptons sur votre détermination pour optimiser notre budget pêche. Les mesures techniques ne peuvent en aucun cas remettre une fois de plus en cause l'équilibre fragile sur lequel travaillent et vivent nos marins-pêcheurs et leurs familles. Gardons pour cela le sens du dialogue social et ne négligeons aucun des interlocuteurs concernés.
C'est en espérant que vous apporterez des réponses précises en ce sens que nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Ce débat budgétaire n'est qu'une étape dans l'élaboration de notre politique agricole ; il n'en demeure pas moins un acte politique majeur qui permet de cerner les grandes orientations du Gouvernement à destination de l'ensemble du monde rural.
Au regard des documents que vous avez bien voulu nous transmettre, monsieur le ministre, je ne vous cacherai pas plus longtemps mes doutes sur l'impact réel de ces orientations.
Sans même qu'il me soit nécessaire d'épiloguer sur la réalité du niveau des concours publics en faveur de l'agriculture en 1998, le rapporteur spécial nous ayant éclairés avec beaucoup de talent sur ce sujet, il me suffit de revenir quelques mois en arrière pour expliquer ce sentiment de malaise.
Depuis le 19 juin dernier et la déclaration de politique générale du Premier ministre, au cours de laquelle nous avons appris que le Gouvernement souhaitait mettre en avant « la contribution des agriculteurs et des entreprises agro-alimentaire au développement de notre économie, ainsi qu'à notre excédent commercial », nous attendons toujours le début de la traduction concrète de cette belle annonce.
Monsieur le ministre, chacun s'accorde sur la définition des priorités du ministère dont vous avez la charge. Celles-ci s'inscrivent d'ailleurs dans la continuité de l'action de votre prédécesseur. Mais, après mon collègue et ami Philippe François, qui s'interrogeait à cette même tribune, le 5 novembre dernier, lors de notre débat sur l'agriculture, je pose la question : où se trouvent la dynamique et les orientations fortes que Philippe Vasseur, dont l'action mérite d'être saluée, avait su donner aux budgets qu'il a eu à nous présenter ?
Ce manque d'ambition, on le retrouve d'ailleurs au plan communautaire, dans les négociations sur la nouvelle politique agricole commune, et au plan national, dans l'élaboration de la loi d'orientation agricole, pourtant attendue avec impatience, je vous l'assure, par nos agriculteurs.
N'ayant pas la prétention de pouvoir être exhaustif en quelques minutes seulement sur un sujet aussi vaste, qu'il vaudrait mieux aborder en parlant de ses différentes composantes, chaque production offrant sa gamme de problèmes, je me contenterai de faire quelques observations, fruits de mon expérience dans le Vaucluse.
Sénateur depuis maintenant dix ans dans un département essentiellement rural, je connais en effet bien les préocupations rencontrées par les agriculteurs et leur inquiétude face à l'avenir. En fait, monsieur le ministre, je ne crois pas qu'ils seront plus rassurés que moi en analysant les détails de ce budget.
Pour le démontrer, je n'évoquerai pas les dispositions qui figurent dans ce projet, les vingt-six intervenants qui se sont exprimés avant moi l'ayant fait longuement et avec beaucoup de talent. J'évoquerai seulement celles qui, malheureusement, en sont absentes.
Je voudrais en particulier souligner la regrettable absence de manifestation claire de la volonté du Gouvernement d'apporter son soutien à deux secteurs d'activité essentiels pour l'agriculture méditerranéenne, à savoir la viticulture, d'une part, les fruits et légumes, d'autre part.
Que ce soit dans le cadre de la préparation de la loi d'orientation agricole ou dans ce projet de budget pour 1998, je ne trouve aucun signal fort à destination de ces professionnels. Compte tenu de l'importance économique de ces filières, vous comprendrez que je m'en étonne.
Dans le domaine des fruits et légumes, je n'ignore pas qu'une réunion importante s'est tenue la semaine dernière à Paris entre les organisations professionnelles et vous-même, monsieur le ministre.
Vous savez donc que les difficultés rencontrées par nos producteurs du fait des aléas climatiques et économiques subis depuis 1990 ont considérablement affaibli les entreprises de fruits et légumes, qui sont pourtant déjà confrontées à une concurrence extrêmement redoutable.
Monsieur le ministre, ces cris d'alarme, croyez-moi, nous les entendons depuis longtemps dans le Vaucluse, et nous les comprenons.
Votre prédécesseur, grâce aussi aux propositions des parlementaires - et notamment de mon ami Jean-Michel Ferrand, député de Vaucluse, dont le rapport a été très bien accueilli l'an dernier - avait commencé à prendre ce problème à bras-le-corps, en collaboration avec les professionnels, qui sont conscients des efforts à fournir en matière d'organisation de la filière.
J'ose espérer que les propositions que vous avez formulées la semaine dernière déboucheront sur des avancées concrètes et rapides.
Par ailleurs, les viticulteurs, dont le dynamisme et le travail pour améliorer la qualité sont reconnus de tous, attendent eux aussi des mesures de soutien. Or force est de constater, à la lecture de ce projet de budget, que l'on n'en trouve point, ou très peu.
Nos viticulteurs, déjà préoccupés par les conséquences de l'application de la loi Evin - qui frappe indistinctement, nous le savons, le vin et les alcools forts - et par les risques, en termes d'image, entraînés par l'implantation d'un laboratoire souterrain pour le traitement des déchets radioactifs sur la zone de production des Côtes-du-Rhône, attendent une plus grande écoute et, là encore, des mesures concrètes.
Enfin, vous me permettrez d'ajouter un mot concernant une autre production traditionnelle du Vaucluse : je veux parler de la lavande, dont la couleur et les odeurs ont tant fait pour la réputation de cette région de Provence.
Les professionnels souhaitent ardemment que le plan de relance de cette production, initiée en 1988, soit prolongé et que l'ONIPPAM, l'Office national interprofessionnel des plantes à parfum, aromatiques et médicinales, poursuive en 1998 son appui financier à ce programme, au-delà de ses engagements initiaux qui arrivent à échéance à la fin de ce mois.
Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, nous ne sommes pas particulièrement convaincus par le projet de budget que vous nous présentez.
Nous ne nous contenterons pourtant pas de ces critiques. Après avoir dernièrement apporté sa pierre à l'édifice en déposant une proposition de loi, le groupe auquel j'appartiens va, dans le même esprit, vous présenter dans quelques instants des amendements destinés à rééquilibrer ce budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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