M. le président. Nous poursuivons la discussion des dispositions du projet de loi concernant la santé et la solidarité.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget de la solidarité augmente sensiblement par rapport à 1997 - 2,8 % - ce qui montre clairement les objectifs et les choix du Gouvernement à un moment où plus de 6 millions de personnes vivent grâce à des minima sociaux. Cette augmentation est d'autant plus nécessaire que, les années précédentes, on a relevé, pour la quasi-totalité des lignes budgétaires, des taux d'engagement proches de 100 % qui illustrent des conditions d'exécution extrêmement tendues. Les masses les plus représentatives - insertion, personnes handicapées - croissent respectivement de plus de 4 %.
Quant au projet de budget de la santé, il croît de près de 10 %, ce qui représente un effort notoire. C'est pourquoi je trouve un peu étonnante la position du rapporteur spécial lorsqu'il dit, en gros : sortons du budget ce qui augmente de manière significative et on constate alors que le budget augmente peu ou n'augmente pas. M. le rapporteur pour avis pour les affaires sociales fait d'ailleurs une remarque un peu identique.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les affaires sociales. Pour une fois, madame Dusseau, que nous nous retrouvons ensemble, quelle joie !
Mme Joëlle Dusseau. On conviendra que ce type de remarque est plus une lapalissade qu'un constat objectif.
L'augmentation de 1 milliard de francs des crédits consacrés au RMI est à la fois importante et maîtrisée. Cette augmentation traduit la volonté de renforcer le filet de sécurité qui protège les personnes les plus démunies. Cependant, elle est aussi le reflet d'une inexorable détérioration de la situation des plus fragiles, même si, derrière la notion de RMI, se profilent des réalités très diverses, qu'illustrent d'ailleurs l'importance du turn over, d'un côté, celle des bénéficiaires de très longue durée, de l'autre. Je ne reviendrai pas sur l'importance théorique de la notion de contrat ni sur ses limites pratiques, dues à la fois aux conséquences socio-psychologiques de la marginalisation et à la difficulté extrême qu'ont les chômeurs de longue durée de retrouver un emploi.
C'est pourquoi je suis très sensible à la forte augmentation des crédits pour l'insertion par l'économie - 6,9 % - avec une aide forte aux entreprises d'insertion, aux associations intermédiaires, aux régies de quartier et aux chantiers écoles, dont le travail est considérable, et qui ont ce double rôle de faciliter le passage vers un emploi non aidé et de maintenir dans le cadre du travail des personnes incapables d'en trouver pour des raisons personnelles ou économiques.
En revanche, je voudrais connaître la raison de la baisse des crédits de la délégation interministérielle à l'innovation sociale, même s'il s'agit d'une baisse théorique puisque les crédits pour 1997 ont été touchés par le gel de 15 %. On a donc une baisse effective et une hausse possible. Toutefois, je voudrais attirer votre attention sur ce secteur qui est, selon moi, très important car les crédits sociaux gagneraient à être utilisés de façon innovante, inventive et créative.
La subvention de fonctionnement des CHRS, les centres d'hébergement et de réadaptation sociale, progresse de près de 3 %, permettant la création de 500 places par transformation de places d'asile de nuit. Il faudra, bien entendu, que la loi sur l'exclusion prenne à bras-le-corps cette question en redonnant aux CHRS leur vocation d'hébergement temporaire et en permettant aux personnes les plus défavorisées un accès à un logement permanent et autonome.
En ce qui concerne les handicapés, je ne peux que me réjouir de l'augmentation significative - près de 5 % - du budget qui leur est consacré. Cependant, malgré un quasi-doublement en dix ans des dotations budgétaires, le montant de l'allocation aux adultes handicapés a augmenté relativement moins vite que d'autres minima sociaux.
On ne peut que se féliciter, par ailleurs, de l'augmentation significative des crédits concernant les établissements pour adultes handicapés, en hausse de 3,6 %, ce qui se traduit par 2 000 places supplémentaires dans les centres d'aide par le travail, les CAT, et 500 places supplémentaires dans les ateliers protégés.
Mais si le progrès est important, les besoins le sont aussi, car notre pays est très en retard tant pour le nombre de structures d'accueil que pour leur adaptation aux différents handicaps ou pour l'insertion des handicapés en milieu ordinaire.
M'étant fortement impliquée dans la loi sur l'autisme, je ne peux que déplorer le fait que tant de jeunes et d'adultes enfermés dans cette maladie manquent des structures et des accompagnements lourds qui leur sont nécessaires, et ce malgré l'adoption de ladite loi.
Ayant souligné ces points positifs du budget de l'action sociale, je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous dire mes regrets de voir diminuer les crédits concernant les droits des femmes.
M. Lucien Neuwirth. Ah ! Ah !

Mme Joëlle Dusseau. Certes, le pourcentage des femmes a doublé à l'Assemblée nationale, et on ne peut que s'en réjouir même s'il n'y a qu'aux alentours de 10 % de femmes députés, ce qui n'est guère glorieux, et 5 % de femmes sénateurs, qui, d'ailleurs, sont relativement présentes ce soir. Merci à elles ! (Ce sont les meilleures ! sur plusieurs travées.)
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Elles sont très efficaces !
Mme Joëlle Dusseau. Mais les progrès des femmes dans le domaine professionnel et politique ne doivent pas cacher les difficultés qui sont le lot quotidien de la majorité d'entre elles.
Sous-qualifiées, sous-payées, sous-payées parce que moins qualifiées, mais aussi sous-payées à qualification égale, les femmes sont les grandes perdantes de la société d'aujourd'hui et il ne faudrait pas que la réussite éclatante d'un certain nombre d'entre elles nous fasse oublier la réalité des autres.
Frappées de plein fouet par le sous-emploi, elles forment ces cohortes de chômeurs de longue durée, et de ces temps partiels imposés, qui font que, en France, aujourd'hui, un salarié sur six a un salaire mensuel inférieur au SMIC mensuel, et parmi ces 2 800 000 salariés, 78,8 %, c'est-à-dire près de quatre sur cinq, sont des femmes. Tout à l'heure, Mme Aubry évoquait le temps partiel choisi ; nous savons à quel point dans notre pays, et sûrement ailleurs, le temps partiel est subi.
Mais le rapport de la femme au travail n'est pas le seul domaine des inégalités et des difficultés. Le récent projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles m'a permis d'insister sur le fait que la famille est souvent le lieu des plus grandes violences, à l'égard des enfants et à l'égard des femmes. D'où l'importance des centres d'information sur les droits des femmes, les CIDF - je connais leur travail, j'en ai présidé un. Ces centres d'accueil pour les femmes battues sont en effet importants car à entendre certains récits ou à voir l'état des femmes qui y sont accueillies, on se dit que Zola n'est pas mort et que nous sommes encore au xixe siècle.
Si je me réjouis de la nomination - un peu tardive - d'une déléguée aux droits des femmes rattachée au ministère de l'emploi et de la solidarité, je déplore la baisse de 8 % des crédits d'intervention, même si elle est en partie compensée par les concours communautaires au titre du FSE. Seulement 16 millions de francs sont consacrés aux dépenses non déconcentrées, c'est-à-dire les aides aux associations ou organismes à vocation nationale. Quant aux dépenses déconcentrées consacrées aux CIDF, aux structures destinées aux femmes victimes de violences, aux mesures dans le domaine de l'emploi et de la formation, elles diminuent de 2,5 millions de francs.
Je terminerai sur quelques points qui m'intéressent particulièrement et qui concernent le budget de la santé.
Je tiens à féliciter le Gouvernement et M. le secrétaire d'Etat à la santé de maintenir les crédits concernant le sida. Si le nombre de sida nouvellement déclarés baisse de manière significative, si les multithérapies permettent un recul certain de la maladie et une transformation très importante des conditions de vie des malades et de leur regard sur un avenir qu'ils croyaient interdit, cet effort doit cependant être poursuivi, en continuant à employer les multithérapies le plus tôt possible après l'infection - ce qui est nécessaire et coûte cher - à maintenir, bien sûr un effort de grande ampleur en faveur de la recherche - car, on le sait, même si le virus devient parfois indécelable, il est toujours là - et à investir dans la prévention. Cela est d'autant plus nécessaire qu'un certain allégement du sentiment de la menace induit un certain relâchement, la multiplication des conduites à risques.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Bien sûr !
Mme Joëlle Dusseau. De même, je salue la progression de 65 millions de francs des crédits concernant la lutte contre la toxicomanie. En revanche, je regrette la faiblesse des crédits relatifs à la lutte contre le tabac et l'alcoolisme. C'est un reproche que l'on fait depuis très longtemps au budget de la santé. L'opinion et les médias français, si sensibilisés à l'usage du moindre joint, sont infiniment laxistes devant ces deux autres fléaux qui coûtent cher en termes de maladie et de mortalité sur la route.
M. Lucien Neuwirth. Cherchez l'erreur !
Mme Joëlle Dusseau. Ils coûtent cher aussi en violences familiales, et cela renvoie au propos que je tenais voilà quelques instants.
L'effort de prévention qui est à faire doit absolument tenir compte de l'évolution des publics concernés : d'une part, les enfants de plus en plus jeunes et, d'autre part, les exclus. Un certain nombre d'études, qui viennent de paraître, sur la consommation de l'alcool montrent bien que, si cette consommation continue à reculer globalement, les phénomènes d'exclusion s'accompagnent d'une énorme consommation d'alcool, qui s'élève à plusieurs litres par jour et qui est, bien sûr, très difficile à traiter. Il en est de même d'ailleurs, toujours en ce qui concerne l'exclusion, des problèmes psychiatriques, qui ont une grande ampleur et sont, eux aussi, très difficiles à traiter. Je constate et je regrette ces manques, bien sûr, et j'espère vivement que la loi contre l'exclusion qui est en chantier prendra bien en compte la totalité des problèmes de l'exclusion, y compris dans ces aspects-là.
Monsieur le secrétaire d'état, j'ai tenu à vous faire part des interrogations, des espoirs, mais aussi du soutien des sénateurs radicaux socialistes du groupe du RDSE à l'égard de ce projet de budget qui, par son augmentation forte et ses choix déterminés, montre les orientations du Gouvernement en faveur de la solidarité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai cru, tout à l'heure, que M. Chérioux critiquait les politiques passées dans le domaine de la santé et de la solidarité, mais sans doute me suis-je trompée...
M. Lucien Neuwirth. Mais non ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo. En ce qui me concerne, je considère que, après des années de restrictions en matière de santé et de solidarité imposées par les différents gouvernements de droite, il est nécessaire de mener une politique qui réponde véritablement aux besoins de la population.
En effet, les urgences ne manquent pas : état de santé des jeunes alarmant, saturnisme, réapparition de la tuberculose, sida, manque de politique de prévention, toxicomanie, etc.
Plus largement, il nous semble nécessaire que les états généraux de la santé et le projet de loi contre l'exclusion auquel le Gouvernement s'est engagé permettent d'avancer sur l'ensemble des questions de santé publique et de protection sociale au sens plein du terme.
Ce budget, premier budget de la santé et de la solidarité présenté par le gouvernement de la gauche plurielle, progresse de 2,6 %. Ce n'est bien sûr pas suffisant pour rattraper le retard considérable pris dans nombre de domaines, mais c'est une amorce positive que nous souhaiterions prolonger.
Même la majorité sénatoriale, qui, par ailleurs, semble vouloir voter contre ce budget, est forcée de reconnaître les aspects positifs qu'il comporte.
Cela étant, en particulier en matière de prévention, la situation impose d'aller vite.
Je souhaiterais dire quelques mots du saturnisme, maladie ô combien d'actualité à Paris. En effet, cette maladie touche de plein fouet les familles les plus défavorisées. Elle s'ajoute à de nombreux autres problèmes : précarité, chômage et mauvaises conditions de logement.
Une étude de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, menée sous la direction du professeur Guy Huel et remise en juin 1997 révèle que 5 % des enfants de un à six ans du Val-de-Marne et de Paris dépassent une valeur de plombémie de 104 picas par litre de sang, alors que le taux maximal est actuellement de 50 en France.
Les mesures d'urgence sanitaire, de relogement et de meilleure coordination que le Gouvernement proposerait d'intégrer au projet de loi de lutte contre l'exclusion tranchent singulièrement avec l'immobilisme des gouvernements précédents. J'ai pu le constater moi-même pour être intervenue à plusieurs reprises sur ce sujet.
Le relogement provisoire, ou définitif si l'état du bâti ne permet pas d'autre solution, est une mesure nécessaire, qui mettrait fin aux aspects les plus absurdes et les plus graves de cette maladie.
Une véritable politique de santé publique mettrait en place une obligation de réalisation de dépistage systématique du bâti sur tous les immeubles dégradés d'avant 1948, date de l'interdiction de l'usage de la peinture au plomb par les professionnels.
Cette politique permettrait d'agir préventivement, alors qu'aujourd'hui il faut attendre que l'intoxication de l'enfant soit avérée pour que des mesures soient prises.
L'établissement d'une carte, accompagnée d'instructions précises quant au traitement des peintures dans tous les immeubles concernés, dégradés ou non, ainsi que de toute autre source de contamination contenant du plomb, contribuerait à prévenir les risques et pas seulement à guérir les maladies. Elle mettrait fin à une situation humainement insupportable et, il faut bien le dire, économiquement extravagante.
L'accessibilité du plomb dans un logement doit être reconnue comme un critère d'insalubrité.
En matière de médecine scolaire et universitaire, la création de 300 postes d'infirmières au budget de l'éducation nationale est, certes, positive, mais nous connaissons la réalité, monsieur le secrétaire d'Etat : un médecin pour 8 000 jeunes scolarisés et une infirmière pour 2 500.
Comme le souligne le rapport du haut comité de la santé publique, l'état de santé des jeunes révèle des tendances inquiétantes. Il confirme une étude, datant de 1994, qui démontrait que la population étudiante était la plus mal soignée dans le pays.
Nous serons donc attentifs aux projets conjoints du ministère de l'éducation nationale et du secrétariat d'Etat à la santé, mais j'insiste dès maintenant sur la spécificité de la médecine scolaire.
Dans les universités, le manque de moyens de la médecine préventive est criant. On peut tout juste, dans la plupart des cas, assurer les visites de base des étudiants de première année, alors qu'il faudrait assurer un suivi sérieux pour tous.
Comme l'a proposé mon ami Robert Hue à l'Assemblée nationale, un plan pluriannuel chiffré de créations de postes correctement rémunérés devrait être élaboré pour rattraper le retard accumulé.
Quant à la toxicomanie, je me réjouis, évidemment, de l'augmentation des crédits de 3 %. Par ailleurs, et en même temps que le suivi thérapeutique et social, ainsi que le traitement volontaire dans le respect des principes de la gratuité et de l'anonymat, mesures qui supposent des moyens importants et nécessaires, il s'agirait de réfléchir aux moyens de rendre possible la réintégration sociale des toxicomanes, qui, les expériences sur le terrain le prouvent, provoque à plus ou moins longue échéance une libre demande de soins. Cela suppose, évidemment, que la problématique personnelle du toxicomane soit prise en compte.
J'apprécie, bien sûr, la légère augmentation des crédits consacrés à la lutte contre le sida. Dans ce cadre, la recherche médicale contre le virus doit être une priorité.
Comme l'a souligné le rapport de notre collègue M. Migaud, la part des moyens privés dans les ressources affectées à la lutte contre le sida est en baisse très sensible. Cela doit nous faire réfléchir et nous inciter à explorer d'autres voies. En effet, que va-t-il se passer maintenant que l'argent de Sidaction vient à manquer ?
Ne pourrait-on pas renforcer le potentiel du secteur public en matière de recherche et de lutte contre le sida et favoriser une réelle transparence dans l'affectation des moyens ?
La coopération nécessaire à la lutte contre la sida doit se mener sur le plan national comme au niveau international. C'est dans notre intérêt, mais aussi dans celui des pays du Sud.
Sur les trente millions de personnes qui vivent avec le virus du sida dans le monde, 90 % vivent dans ces pays du Sud. Environ 3,8 millions d'enfants de moins de quinze ans ont été infectés depuis le début des années quatre-vingt et 2,7 millions seraient déjà morts. Ces chiffres sont extraits du rapport de l'ONUSIDA publié mercredi dernier. Là aussi, nous devons nous sentir interpellés.
Aussi le centre de gravité des choix en matière de recherche et de soins ne doit-il plus être l'argent et les bénéfices. Il s'agit d'opérer un renversement de tendances ; c'est, nous semble-t-il, une question de civilisation.
De façon plus générale, les inégalités devant les soins se développent parallèlement aux autres facteurs d'exclusion. Pour tenter de remédier aux aspects les plus dramatiques, ne serait-il pas possible, comme le proposait déjà le Conseil économique et social en juillet 1995, d'organiser la prévention le plus en amont possible et de la façon la plus décentralisée possible ? Nous souhaitons, évidemment, que cette question soit examinée lors de l'examen du projet de loi contre l'exclusion.
Dans le même esprit, nous souhaitons une revalorisation des minima sociaux, qui ne devraient en aucun cas être inférieurs à 80 % du SMIC. En outre, le RMI devrait être un droit personnel, les prestations familiales venant, comme pour toute famille, s'y ajouter selon les charges de famille. Ainsi, il n'y aurait pas de confusion entre le revenu ou son substitut, le RMI, qui correspond au droit à des moyens convenables d'existence en application du préambule de la Constitution, et les soutiens apportés pour l'éducation des enfants. De cette façon, les effets pervers de l'annulation de l'allocation pour jeune enfant et de la majoration pour âge disparaîtraient.
Cette mesure devrait être accompagnée de dispositifs réellement efficaces conduisant évidemment à l'emploi, afin de ne pas enfermer ces personnes dans la précarité.
De la même manière, on ne peut se contenter de créer 500 places dans les centres d'hébergement, même si c'est un progrès. C'est d'une politique de relance du logement social que les 500 000 mal-logés et les 50 000 personnes sans abri ont besoin pour vivre décemment.
Les Français, d'ailleurs, ne s'y trompent pas, en estimant très majoritairement, dans un récent sondage, qu'en matière de lutte contre l'exclusion la priorité doit être placée dans une autre politique du logement.
Permettez-moi également de souligner la nécessité de revaloriser l'allocation aux adultes handicapés, le montant actuel restant insuffisant pour faire face aux nécessités de la vie.
Par ailleurs, le remplacement progressif de l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, par la prestation spécifique dépendance conduit à une confusion entre le handicap et les difficultés dues à l'âge.
J'apprécie, bien entendu, que le Gouvernement se soit engagé à adresser rapidement un bilan de la PSD afin d'évaluer les modifications nécessaires. Je crois que c'est absolument indispensable !
Je dirai quelques mots de l'hôpital. Un système hospitalier en bon état doit rester le pivot de notre système de soins.
Le taux directeur double pratiquement dans le projet de budget puisqu'il passe de 1,25 % à 2,30 % en 1998, réalisant, bien sûr, une inflexion positive par rapport à la politique de la droite.
Toutefois, nous ne pouvons qu'être inquiets de voir le retour d'une logique considérant telle ou telle région, tel ou tel département comme surdotés, alors que nombre d'établissements hospitaliers fonctionnent déjà dans des conditions limites et que ceux qui bénéficient d'un meilleur fonctionnement en font profiter les villes environnantes, comme c'est le cas, par exemple, du système hospitalier parisien.
Donner un coup de pouce supplémentaire au taux directeur pour dégager les crédits nécessaires à l'hôpital, utiliser le fonds de modernisation des hôpitaux pour agir en faveur d'une amélioration de la qualité des services et des conditions de travail des personnels et praticiens, ce serait s'inscrire dans une meilleure prise en compte des besoins de la population.
L'ensemble de ces mesures concernant la santé et la solidarité supposent des recettes nouvelles.
Il semblerait logique qu'en matière de solidarité ces mesures soient financées par une extension de l'impôt sur la fortune, qui concernerait alors les biens professionnels, c'est-à-dire ceux qui sont issus de l'entreprise.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. On n'irait pas loin !
Mme Nicole Borvo. Le rendement de celui-ci en serait doublé. La création de tranches supplémentaires pour les plus hauts revenus accroîtrait également les ressources de l'Etat.
A l'heure où les cinq cents premières fortunes professionnelles représentent 629 milliards de francs, où 25 % des Français les plus pauvres se partagent 1 % du patrimoine alors que 5 % en détiennent 40 %, il est urgent et nécessaire de mieux répartir l'effort de solidatité.
Le groupe communiste républicain et citoyen agira dans le sens d'une politique de santé et de solidarité participant à une politique de progrès social et de création d'emplois.
Il agira en faveur de la réussite de cette politique en s'opposant radicalement aux mesures de super-maîtrise comptable que continue de préconiser la droite. Nous nous en expliquerons lors du débat concernant les amendements déposés par celle-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyens et sur les travées socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tous les sondages le confirment, la santé est devenue l'un des soucis majeurs de nos concitoyens. C'est pourquoi - disant cela, je traduis la pensée d'une grande partie de mes collègues de la commission des affaires sociales - la santé requiert un ministère à part entière et non un secrétariat d'Etat,...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Voilà ! On va lancer une pétition ! (Rires.)
M. Lucien Neuwirth. ... surtout lorsqu'on mesure l'immensité des tâches dans le seul secteur social.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. J'en profite, vous avez remarqué ! (Nouveaux rires.)
M. Lucien Neuwirth. Mon intervention, monsieur le secrétaire d'Etat... - pour l'instant ! - aura pour objet essentiel une cause qui me tient à coeur et qui intéresse aussi l'ensemble du Sénat, à savoir la prise en charge de la douleur.
Depuis 1994, année au cours de laquelle nous avons entrepris ce chantier si important pour nos concitoyens, vous êtes habitués, mes chers collègues, à mes interventions sur ce sujet.
J'espère que vous considérez avec moi que, tant qu'un homme ou une femme, dans notre pays, souffrira inutilement, notre combat ne sera pas achevé.
Et ce combat, s'il passe par la publication de textes législatifs ou réglementaires - travail déjà bien avancé - ne peut s'y résumer. Il faut faire évoluer la formation et les réflexes des professionnels de santé, il faut que les patients osent dire qu'ils souffrent, il ne faut plus que la douleur soit acceptée comme inéluctablement associée à certaines pathologies.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Lucien Neuwirth. En un mot, notre combat contre la douleur est un combat contre la banalisation de la douleur.
Vous le savez, mes chers collègues, la prise en charge de la douleur a été considérablement améliorée depuis que nous avons entrepris, au Sénat, une action unanime en ce domaine.
A la suite de la loi que le Parlement a adoptée, les établissements de santé et les établissements médico-sociaux se sont dotés progressivement de structures ou de moyens propres à prendre en charge la douleur des personnes qu'ils accueillent, le carnet à souches a été modifié - insuffisamment - le code de déontologie des médecins également, de même que la formation initiale et continue des médecins. En outre, les conditions de prescription des antalgiques ont été assouplies.
A cet égard, une capacité médicale d'évaluation et de traitement de la douleur a été créée au cours de l'année universitaire 1996-1997.
Un document sur la douleur en fin de vie a été diffusé auprès de tous les soignants afin de les sensibiliser aux techniques d'analgésie et un guide élaboré par l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale, l'ANDEM, relatif à la prise en charge de la douleur, a été adressé à tous les médecins généralistes.
Enfin, grâce aux crédits dégagés par le Sénat, quinze projets innovants en matière de formation à la lutte contre la douleur ont été financés et mis en place en 1996.
De votre côté, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, un nouveau plan en faveur de la prise en charge de la douleur, qui comporte plusieurs actions intéressantes, au nombre desquelles figurent la prise en compte de l'action menée contre la douleur dans l'accréditation des établissements de santé et les contrats d'objectifs et de gestion, un travail de simplification de la prescription des antalgiques majeurs et l'identification de clauses concernant la douleur dans les cahiers des charges des réseaux ville-hôpital, ainsi que des actions de formation en direction des professionnels de santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous dire que l'activité « douleur » ne peut être identifiée au sein des établissements de santé que s'il existe un codage des actes, et donc des libellés d'actes diagnostiques et thérapeutiques.
Au préalable, la description de l'activité médicale et sa valorisation passent par l'établissement, au sein de la nouvelle nomenclature, d'un chapitre « douleur » clairement individualisé.
La mise en place effective du codage des actes en vertu de l'article L. 161-29 du code de la santé publique est soumise à l'obligation préalable de disposer d'une nomenclature d'actes et de libellés d'actes plus adaptés que les nomenclatures existantes, dont chacun sait que l'obsolescence et le faible niveau, particulièrement en ce qui concerne les actes couvrant les champs thérapeutiques anti-douleur, sont largement admis par l'ensemble des professionnels.
Il me semble en effet essentiel que les principales innovations de la réforme hospitalière, l'accréditation des établissements de santé et la conclusion de contrats d'objectifs et de moyens entre les établissements de santé et les agences régionales de l'hospitalisation soient utilisées pour promouvoir la lutte contre la douleur.
Ces deux procédures sont idéales pour faire avancer l'hôpital, pour le réformer de manière progressive et concertée, dans le sens de la qualité des soins. Or je suis convaincu que la prise en charge de la douleur constitue l'un des premiers droits des patients hospitalisés, et qu'elle constitue un excellent indicateur de la qualité des soins.
Je pense ici, notamment, au traitement de la douleur post-opératoire, ou à des douleurs spécifiques associées, hélas ! à certaines maladies, telles que le cancer ou le sida.
A cet égard, je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir de vous plusieurs précisions concernant le calendrier, le contenu et le financement de ces mesures.
Ainsi, je souhaiterais savoir sur quels crédits seront financées les actions nouvelles en faveur de la prise en charge de la douleur, dans quel délai et, surtout, selon quelle procédure vous comptez prendre en considération ce problème dans les travaux concernant le codage des actes et la nomenclature, ainsi que l'accréditation des établissements de santé ; combien de postes de praticiens hospitaliers « fléchés » douleur seront dégagés à partir de redéploiements ; comment vous comptez vous assurer que les centres antidouleur créés dans les hôpitaux puissent exister enfin de manière pérenne, sans dépendre du bon vouloir des services existants et sans risquer de disparaître chaque année ; et, enfin, comment vous comptez favoriser l'indispensable complémentarité entre le secteur public et le secteur privé dans ce domaine.
Je voudrais aussi attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur trois dossiers connexes qu'il importe de faire aboutir le plus rapidement possible.
Il s'agit d'abord des soins palliatifs : accompagner la vie jusqu'au bout, telle doit être, à mon sens, une des grandes missions des professionnels de santé. Il faut que cet accompagnement puisse se faire non dans des structures isolées, loin des lieux de soins, mais dans des lits de fin de vie permettant à la fois une prise en charge pluridisciplinaire adaptée et un lien maintenu avec le soin, avec la vie, car la qualité de la vie est indissociable de celle de la fin de la vie.
Il s'agit aussi des réseaux entre la ville et l'hôpital et de l'hospitalisation à domicile, qui doivent impérativement être développés. Or, si la dynamique des réseaux est bien enclenchée, l'hospitalisation à domicile est en panne, il faut bien le dire, pour des raisons qui tiennent pour l'essentiel à la réglementation. Je voudrais, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous convaincre qu'il faut la faire évoluer dans les meilleurs délais. Il y a là une attente que vous ne pouvez ignorer, mais aussi, madame le ministre, une source d'emplois nouveaux.
La santé est un grand et beau combat, il vaut la peine que la nation y consacre quelques sacrifices. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la protection sociale des Français établis à l'étranger est l'un des principaux atouts de notre expatriation : aucun autre Etat n'a élaboré un système de couverture et d'assistance sociale aussi étendu que le nôtre pour ses expatriés. Il est donc essentiel que nous allions au-delà de ce qui a été fait depuis bientôt trente ans et dont nous pouvons nous féliciter.
Comme je le développerai en quelques mots, cette couverture sociale est avant tout d'essence volontaire. Elle se trouve donc confrontée à la concurrence d'organismes privés, ce qui implique que des incitations législatives et réglementaires doivent être prises pour l'améliorer encore et faire en sorte, d'une part, qu'aucun Français vivant à l'étranger n'en soit exclu et, d'autre part, que nos entreprises expatriatrices choisissent le système français pour nos compatriotes expatriés afin de leur assurer une continuité de couverture sociale.
Forgée autour des quatre axes principaux que sont la CFE, la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger pour la couverture maladie et accidents du travail, la retraite, la protection contre la perte d'emploi et le fonds d'action sociale du ministère, cette couverture sociale s'est développée à partir de la loi Armengaud sur les retraites du 10 juillet 1965 et de la loi du 31 décembre 1976 sur l'assurance volontaire maladie et accidents du travail pour en arriver aujourd'hui à un système assez complet.
La caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, créée par la loi Bérégovoy du 13 juillet 1984, en constitue l'un des éléments centraux puisqu'elle permet à nos compatriotes d'avoir, à titre volontaire et non obligatoire, une couverture française contre les risques maladie, maternité, invalidité et accidents du travail et qu'elle leur assure ainsi une continuité de droits avec le régime métropolitain de sécurité sociale.
Nos compatriotes s'en montrent satisfaits puisque, à ce jour, une population de plus de 100 000 personnes bénéficie de ses services - on enregistre une augmentation annuelle de 7 % à 10 % pour les différents risques - une grande partie d'entre eux étant affiliés par l'intermédiaire de leurs employeurs. Les entreprises représentent 65 % de la clientèle de cette caisse, bien qu'elles soient constamment sollicitées, ainsi d'ailleurs que les particuliers, par des compagnies d'assurances privées françaises ou étrangères qui leur proposent des contrats à la carte ; en effet, aucune obligation de passer par le régime national de sécurité sociale n'existe en matière d'expatriation.
C'est pourquoi, depuis l'origine, le conseil d'administration, que j'ai l'honneur de présider, ainsi que la direction de la CFE se sont attachés à concilier à la fois compétitivité par rapport aux entreprises et effort de justice sociale pour nos compatriotes.
Certes, nous souhaiterions aller plus loin encore, et nous l'avons montré récemment en permettant aux Français qui sont à l'étranger depuis plus d'un an d'adhérer à la CFE, sans que leur soit appliqué le paiement de cotisations rétroactives, paiement qui dissuadait nombre d'entre eux - surtout ceux dont les ressources sont les plus faibles - d'adhérer, mais qui avait été rendu nécessaire pour éviter les adhésions à risque ouvert.
Cette mesure, prise sur mon initiative, a été entérinée à la majorité par le conseil d'administration, mais nous avons voulu, avant de la rendre définitive, l'expérimenter pendant un an afin de déterminer quelles en seraient les conséquences financières pour notre caisse, et ce alors que nous savons qu'elle représente un espoir pour nos compatriotes, ainsi qu'en témoignent les nombreuses demandes reçues depuis le 1er octobre, date d'ouverture sans rétroactivité des possibilités d'adhésion.
N'oubions pas, en effet, que, si nous pouvons nous prévaloir, depuis 1984, d'être l'une des deux seules caisses françaises à présenter des comptes équilibrés, et même légèrement excédentaires, c'est grâce à la vigilance et à la gestion rigoureuse assurées par les administrateurs et par la direction de la CFE.
Or, nous nous apercevons que les mesures que j'évoquais précédemment, - et nous ne pouvons que nous féliciter d'avoir prises - entraînent peu à peu la caisse vers un déséquilibre.
Actuellement, celle-ci doit faire face au déficit de la branche assurance maladie, lequel est dû principalement à la troisième catégorie de cotisants chez les non-salariés, pensionnés et autres inactifs. Et, si notre bilan est pour l'instant toujours stable, c'est grâce aux comptes des salariés et, bien entendu, à ceux de la première catégorie.
Bien sûr, nous souhaiterions créer une quatrième catégorie de cotisants, car trop de nos compatriotes ne peuvent encore adhérer, pour des raisons financières, à la caisse des Français de l'étranger. Mais nous nous exposerions alors à un exode des entreprises adhérentes, qui, je vous l'ai dit tout à l'heure, représentent 65 % de nos adhérents, ce qui signifie qu'elles assurent à elles seules l'équilibre de la caisse, tous risques confondus. Si elles partaient, notre caisse connaîtrait un déficit important. Qui, alors, le prendrait en charge ? C'est tout ce que nous avons mis en place depuis vingt-deux ans qui serait remis en cause, et nos compatriotes seraient les premiers à en pâtir.
D'autre part, dans cette hypothèse, les entreprises expatriatrices quitteraient le giron de la sécurité sociale française pour aller vers des assureurs privés, ce qui induirait une rupture de la continuité des droits avec la sécurité sociale, à laquelle les Français sont très attachés, nous le savons.
Partant de ce constat, nous devons donc être très prudents et explorer d'autres voies qui, tout en répondant à l'attente de nos concitoyens, ménageraient l'esprit de compétitivité de nos entreprises. Or, il est essentiel que nous renforcions leur potentiel exportateur et expatriateur.
Déjà, en 1995, conscient que l'amélioration de la situation de l'emploi passait aussi par la création d'emplois à l'étranger pour nos compatriotes décidés à s'expatrier, j'avais été à l'origine d'un amendement permettant d'exonérer temporairement de cotisations ou de faire bénéficier d'abattements spécifiques les entreprises adhérentes de la CFE engageant un jeune Français de moins de vingt-six ans sur un emploi nouvellement créé à l'étranger, condition que j'avais fait reporter à trente ans par un nouvel amendement en 1996.
Par là même, la CFE exprimait sa solidarité avec le douloureux problème de l'emploi auquel sont confrontés les Français.
C'est d'ailleurs pour la même raison et avec le même souci que nous avons participé aux premières ébauches du plan emploi-jeunes du précédent gouvernement qui, en matière d'expatriation, souhaitait mettre en place une mesure plus ambitieuse : le « contrat d'adaptation spécial expatriation », qui prévoyait un stage en entreprise de trois mois suivi d'un séjour de quinze mois ou plus à l'étranger, et dont le coût social aurait été financé par notre caisse.
Malheureusement, cette mesure est demeurée lettre morte, faute de négociations et d'un accord avec les syndicats.
Je reste persuadé, madame la ministre, qu'il y a là une idée à creuser et que, si l'expatriation, bien entendu, ne résoudra pas à elle seule le problème du chômage, elle peut contribuer à l'améliorer, car chaque emploi gagné est déjà une victoire.
Ne pourrait-on reprendre ce dossier et dégager des solutions qui soient acceptables par tous ? Je me tiens à votre disposition et à celle de vos services pour y travailler.
Avant de conclure sur la caisse des Français de l'étranger, j'évoquerai une de mes préoccupations actuelles à propos de laquelle vous avez bien voulu m'apporter, ainsi que vos conseillers, une réponse rassurante : il s'agit du transfert partiel de la cotisation maladie sur la CSG et de ses répercussions pour les adhérents de la caisse des Français de l'étranger fiscalement domiciliés en France, problème similaire à celui que rencontrent les travailleurs frontaliers.
Vous référant à cette catégorie de personnes, madame la ministre, vous m'avez indiqué, en commission des affaires sociales, que vous envisagiez de publier une lettre ministérielle exonérant du paiement de la CSG les Français expatriés affiliés à la caisse des Français de l'étranger et domiciliés fiscalement en France, en attendant qu'un texte législatif précis nous soit présenté à ce sujet. Je ne saurais trop vous rappeler l'importance de cette question pour la CFE, dont la direction est à votre disposition pour étudier très rapidement la mise en oeuvre d'une telle disposition.
Ainsi que vous le voyez, madame la ministre, la CFE est véritablement le pilier central de la protection sociale des Français de l'étranger, et nous devons conjuguer nos efforts pour qu'elle le demeure et pour que le système d'assurances volontaires qu'elle gère conserver son équilibre financier - auquel votre collègue secrétaire d'Etat au budget veille jalousement, d'ailleurs - équilibre qui est indispensable à la vie de la CFE car, si le moindre dérapage se produisait, il risquerait fort de signifier, par voie de conséquence, la fin de la caisse, et donc la rupture avec la sécurité sociale pour tous les expatriés.
Venons-en maintenant au second volet de la couverture sociale des expatriés, qui a trait à la retraite.
Nos compatriotes sont d'autant plus attachés à percevoir une retraite française et les droits qui en découlent que, par expérience, ils savent que, trop souvent, les pays - en particulier ceux de la zone franc - dans lesquels ils ont pu cotiser sont défaillants.
Les autorités françaises, et nous-mêmes qui représentons les Français établis hors de France, nous les encourageons à se constituer une retraite de base française ou à racheter les années pendant lesquelles ils ont travaillé à l'étranger sans pour autant cotiser au système vieillesse.
De ce côté, les choses se passent correctement puisque les délais de rachat sont ouverts jusqu'au 31 décembre 2002. Toutefois, ces rachats sont affectés d'un taux d'intérêt de 10 % lorsque leur paiement est échelonné, ce qui contraint nombre de nos compatriotes à abandonner leurs projets.
Si, en 1992, il pouvait paraître normal d'appliquer un tel taux, en relation avec ceux qui étaient pratiqués à l'époque par les marchés monétaires, il n'en est plus de même aujourd'hui, alors que ces mêmes taux ont considérablement diminué. C'est pourquoi, madame la ministre, je vous avais demandé, dans une question écrite du 3 juillet 1997, de revoir cette disposition et d'indexer le taux applicable aux rachats échelonnés sur celui des taux d'intérêt fixés garantis par l'Etat français. Je n'ai pas encore eu votre réponse, mais j'exprime ici le voeu que vous teniez compte de ma proposition.
S'agissant des questions liées à la retraite, je souhaiterais revenir sur la loi relative à l'épargne-retraite sur laquelle nos compatriotes expatriés ont fondé de grands espoirs depuis que, par le biais d'un amendement que j'avais introduit, ils figurent expressément à l'article 2 du texte sur les fonds de pension. Ce nouveau système de retraite par capitalisation représente pour eux une alternative intéressante aux systèmes existants, ainsi qu'en témoignent les nombreuses questions qu'ils nous posent sur l'avenir réservé à cette loi indispensable à la pérennité de nos retraites.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Quelles suites comptez-vous lui donner ? Je forme le voeu que, lors de vos travaux, vous n'oubliez pas nos concitoyens qui se sont établis hors de France et que vous nous indiquiez rapidement quelle application vous donnerez à ce texte fondamental.
Je ne ferai qu'évoquer le troisième axe de la couverture sociale des Français de l'étranger, le fonds d'action sociale du ministère des affaires étrangères, puisque j'ai abordé ce sujet avec le principal intéressé, votre collègue M. Hubert Védrine.
Je terminerai ce survol de la protection sociale des Français de l'étranger par ce qui est sans doute l'un des plus vifs sujets d'inquiétude pour tous les Français, y compris pour les expatriés : le chômage et la protection contre la perte d'emploi.
Depuis les années soixante-dix, les salariés français qui s'expatrient peuvent s'assurer contre le chômage afin de recevoir les indemnités prévues en cas de perte d'emploi, ce qui est une bonne chose, et j'avais oeuvré dans ce sens à l'époque. Ce qui est moins normal, c'est que, s'ils cotisent sur les mêmes bases que les salariés métropolitains, ils ne reçoivent pas les mêmes prestations et qu'ils sont dans l'obligation de revenir en France et de s'inscrire aux ASSEDIC pour les percevoir. Or, soyons logiques : leur spécificité, leur connaissance de l'étranger font qu'ils ont plus de chance de retrouver un emploi sur place. Pourquoi, dans ces conditions, les obliger à rentrer en France, au risque de provoquer en outre un déséquilibre familial et financier supplémentaire si le conjoint travaille aussi à l'étranger ?
A plusieurs reprises, nous sommes, mes collègues et moi-même, intervenus auprès des partenaires sociaux de l'UNEDIC, mais, chaque fois, nous nous sommes heurtés à un refus de cette instance, qui nous oppose la règle territoriale. Je serais heureux, madame le ministre, que vous nous aidiez à résoudre ce problème.
Il me paraît normal, toujours dans cet esprit, que la parité soit de mise entre salariés métropolitains et salariés expatriés, et qu'à des obligations égales répondent des droits à prestations égaux, ce qui n'est pas le cas. J'avais soumis ces deux points, à l'UNEDIC, l'an dernier, à l'occasion du renouvellement de la convention du régime d'assurance chômage, mais, une fois de plus, je n'ai pas été entendu. Je souhaite pouvoir compter sur votre appui et sur votre action auprès des partenaires sociaux afin que des évolutions puissent voir le jour sur cet important dossier qui nous touche tous.
Vous l'aurez compris, madame le ministre, mon souci est la défense des Français de l'étranger, lesquels ont droit au même traitement et aux mêmes égards que les Français qui sont restés en France. Ce sont des Français à part entière, qui n'ont comme seule particularité, je dirai même mérite, que de vivre hors du territoire national. Partant de ce constat, ils doivent avoir les mêmes droits.
A cela vient s'ajouter un désir profond de développer notre expatriation, car je suis convaincu que c'est l'une des voies qui nous permettra de résoudre, au moins en partie, les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Quand je parle d'expatriation, je veux dire l'expatriation vraie, voulue, concertée, légale. Je parle de Français, qui aiment leur pays, qui sont attachés à la France, à ses institutions, et envers lesquels nous avons des devoirs. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RDSE et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est notre collègue Philippe Darniche qui devait prendre la parole à cet instant, mais, retenu en Vendée, il m'a prié de le suppléer.
Ce que nous nous souhaitons avant toute chose, c'est une santé de qualité au service de tous. Or, en cette période proche de l'hiver, ce projet de budget - excusez cette image un peu facile - nous paraît un peu « grippé ». (Sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ah !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Comme M. le rapporteur. (Sourires.)
M. Jacques Habert. Ce budget de la santé et de la solidarité ne « pèse » que 3,7 milliards de francs, soit seulement 0,24 % du budget de l'Etat. Ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan des dépenses de santé de la nation.
Il faut cependant noter, pour être juste, que ce projet de budget est en augmentation de 10,4 %. Mais cette croissance un peu en trompe l'oeil n'est due qu'à trois mesures : d'abord, la création d'un fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers, dotée de 150 millions de francs de crédits de paiements. - c'est l'avenir - ensuite, une provision de 80 millions de francs pour la création des deux agences de sécurité sanitaire, suite à la trop célèbre « affaire de la vache folle » ; enfin, la réintroduction des crédits de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, jusqu'à présent rattachés aux crédits du Premier ministre.
Certaines mesures nous paraissent très positives, comme l'abandon des crédits affectés pour l'indemnisation des maîtres de stages des résidents et, surtout, l'effort consenti pour lutter activement contre la drogue. J'y reviendrai.
En revanche, d'autres mesures sont négatives, comme l'augmentation dérisoire des crédits contre l'alcolisme et le tabagisme, pourtant responsables de nombreuses morts prématurées évitables. Un paradoxe doit être relevé : si la taxation du tabac rapporte chaque année à l'Etat 47 milliards de francs, votre ministère ne consacre que 185 petits millions de francs à la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme, 1,9 million de francs seulement contre le tabac !
Nous ne pouvons que nous inquiéter de la forte baisse - 32 % - des interventions sanitaires en direction des publics prioritaires, les personnes démunies par exemple, et de l'effort très insuffisant de prévention en matière de santé, notamment par la baisse en francs constants des crédits affectés au Centre français d'éducation pour la santé.
Dans un tout autre domaine, les hôpitaux doivent être, en toute sécurité, adaptés aux besoins sanitaires pour remédier rapidement aux inégalités existantes. C'est la raison pour laquelle nous déplorons, d'une part, la régression d'un tiers des crédits pour l'accueil des personnes démunies dans les hôpitaux - ces crédits figurent à l'article 40 du chapitre 47-11 - d'autre part, l'inégalité flagrante entre régions dans l'affectation des crédits pour la modernisation et l'aide à l'adaptation des hôpitaux ; enfin, la pénurie dans certaines spécialités hospitalières comme l'anesthésiologie avec seulement 187 postes pourvus sur 518 offerts en 1997, alors même que trop d'hôpitaux de proximité manquent désespérément d'anesthésistes. Nous l'avons vu jusqu'à la télévision dans des affaires récentes, dans lesquelles vous êtes intervenu plusieurs fois, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nous portons à votre connaissance l'urgente nécessité de mettre en place une véritable et ambitieuse politique de formation en gériatrie mais également de prévention et d'éducation sanitaire qui doivent, sur le terrain, contribuer à satisfaire l'exigence de qualité et de sécurité exprimée par les professionnels et les patients.
Notre collègue Philippe Darniche souhaite également vous interpeller, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la nécessité de favoriser rapidement une meilleure proximité dans la mise à disposition des médicaments anti-rejets pour les insuffisants rénaux et les greffés de France. Leurs prescriptions étant mensuelles et renouvelables, elles entraînent un surcoût de dépenses en termes de déplacement pour notre sécurité sociale et une fatigue croissante chez ces malades qui n'aspirent qu'à pouvoir se fournir dans leurs officines de quartier. C'est un pharmacien, et un pharmacien de qualité qui parle.
Enfin, le plus important reste pour ce budget de la santé pour 1998 qu'il doit fournir les armes adaptées pour lutter, plus que jamais, contre les ravages du suicide, de l'alcoolisme et de la toxicomanie chez nos jeunes.
N'oublions pas que 900 jeunes se suicident en France chaque année et que près de 40 000 tentent de le faire. C'est, pour nous adultes, un véritable appel de détresse auquel nous devons trouver le temps et les moyens de répondre.
L'alcoolisme et la drogue ne les épargnent pas non plus : 51 % des jeunes de douze à dix-huit ans reconnaissent consommer occasionnellement de l'alcool ; 15 % des jeunes s'adonnent au haschich, ce qui est une bien mauvaise voie à suivre. Seule une réelle et sérieuse politique de prévention dans ces deux domaines extrêmement graves peut nous permettre d'épargner des vies.
Si nous nous félicitons, bien évidemment, de ces crédits de 717 millions de francs, en hausse de 3,2 %, affectés cette année à la lutte contre la toxicomanie, nous espérons qu'ils ne seront pas insuffisants pour pallier ce problème de santé d'ampleur nationale et promouvoir une indispensable politique de prévention.
Enfin, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut prévenir les risques d'apparition de nouvelles maladies insoupçonnées, mais prévisibles.
On prête à Socrate l'expression devenue célèbre chez les végétariens et les adeptes du « bio » : « Que ton aliment soit ton médicament. »
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Exactement !
M. Jacques Habert. A l'aube du XXIe siècle, n'est-il pas grand temps de reconnaître que notre alimentation perd progressivement tout caractère naturel au profit des hormones et, plus récemment, de modifications transgéniques aléatoires et potentiellement dangereuses pour notre santé et celle de nos enfants ? Votre décision, monsieur le secrétaire d'Etat, d'autoriser la mise en culture du maïs transgénique sur notre territoire nous semble peut-être prématurée. Elle a été accueillie avec la plus grande inquiétude. C'est avec autant d'inquiétude que les spécialistes médecins attendent les résultats de cette expérience, suite à votre autorisation.
De même que le trou dans la couche d'ozone - et l'effet de serre qui en résulte - reste invisible à nos yeux lorsque l'on scrute le ciel, les conséquences néfastes des organismes génétiquement modifiés, les trop célèbres OGM, ne sont pas encore perceptibles dans nos assiettes, mais le seront, hélas ! très certainement chez nos enfants et petits-enfants. (Sourires.)
Pour conclure, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la protection de la santé va bien au-delà de la seule prise en compte de la maladie. Elle doit, en réalité, être appréhendée plus globalement, selon les enjeux humains, matériels et financiers de notre santé publique.
Nous ne sommes pas sûrs que ce projet de budget, avec ses maigres crédits, réponde à ces enjeux d'intérêt primordiaux pour le pays. Nous attendons, pour en juger, d'entendre vos réponses à nos observations et aux nombreuses questions que nous nous sommes permis de vous poser, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès. Madame la ministre, je souhaite vous parler à mon tour de la protection sociale des Français à l'étranger, car, en ce domaine, ces derniers aimeraient être enfin traités comme des Français à part entière.
Je suis moins optimiste que mon collègue et ami Jean-Pierre Cantegrit, qui vient d'intervenir voilà quelques instants à cette tribune.
Alors que la sécurité sociale française tend de plus en plus à s'affranchir de son ancrage professionnel initial pour devenir un droit universel lié à la citoyenneté, la solidarité nationale se substituant à la solidarité professionnelle ou la complétant - vos récentes initiatives en ce domaine en témoignent de façon éclatante, madame la ministre les Français qui résident hors de l'Union européenne restent totalement à l'écart de cette évolution. Par voie de conséquence, la très grande majorité d'entre eux sont sans aucune couverture sociale. La situation de la plupart des familles bi-nationales - c'est-à-dire de 60 % des expatriés - et celle des personnes âgées sont tout particulièrement préoccupantes.
En ce qui concerne les risques sociaux autres que ceux qui sont liés à la maladie et à la retraite, les Français de l'étranger sont à peu près complètement ignorés. S'agissant de l'assurance maladie et de la retraite, le système actuel n'assure la couverture que des plus aisés.
Pour ce qui est de l'assurance maladie, une loi du 13 juillet 1984 a créé la Caisse des Français de l'étranger, la CFE, caisse qui dépend du régime général de la sécurité sociale, mais qui est néanmoins autonome par rapport à celui-ci.
Tous les Français de l'étranger autres que ceux qui résident dans l'Union européenne, qui relèvent obligatoirement, quant à eux, des systèmes de leurs pays de résidence respectifs, ont le droit d'adhérer à cette caisse, volontairement. Mais, en fait, pour des raisons économiques, bien peu peuvent le faire.
Pour être admis à la CFE, ils doivent, en effet, s'acquitter de cotisations qui sont à peu près équivalentes au total de la part patronale et de la part salariale des cotisations métropolitaines. Malgré une modulation en trois catégories, une modulation obtenue de haute lutte ces dernières années par l'Association démocratique des Français à l'étranger, l'ADFE, ces cotisations sont beaucoup trop élevées pour la très grande majorité des Français concernés.
En effet, 90 % des Français immatriculés dans les consulats disposent des revenus de leur catégorie socio-professionnelle dans leur pays de résidence. Hors de l'Union européenne et des pays industrialisés, ces revenus sont trop souvent inférieurs à ceux de leurs homologues en France. C'est pourquoi la CFE ne compte que 16 000 adhérents individuels à l'assurance maladie pour le monde entier. Les grandes sociétés françaises, pour leur part, assurent à leurs frais 17 000 expatriés.
Sur environ 900 000 Français immatriculés, la CFE ne procure donc une assurance maladie qu'à 66 000 personnes : les adhérents stricto sensu, plus leurs ayants droit. En Afrique et en Amérique latine, ce sont environ 130 000 Français qui sont totalement dépourvus de cette protection, faute de pouvoir payer les cotisations, prohibitives pour eux, de la CFE.
Deux autres faits importants, et liés entre eux, doivent par ailleurs être notés.
D'une part, ces grosses sociétés françaises, qui assurent à la CFE leurs cadres et une partie de leurs techniciens français, réalisent ainsi une excellente affaire, au détriment des plus démunis. Du fait que les cotisations à la CFE ne sont pas déplafonnées, à la différence des cotisations aux caisses de la métropole, et parce que les sociétés bénéficient de tarifs de groupe, les cotisations sont dégressives ! Elles représentent seulement 1,48 % d'un salaire mensuel de 50 000 francs, contre 22,8 % pour un salaire mensuel de 2 000 francs !
D'autre part, aucune évolution progressiste ne paraît être possible dans l'état actuel des statuts de la CFE et de son conseil d'administration, dont la préoccupation majeure semble bien être de défendre les intérêts de ces importantes entreprises adhérentes à la Caisse, et ce au détriment de la masse des adhérents individuels potentiels.
Jusqu'à présent, la direction de la Caisse a prononcé deux refus.
En premier lieu, elle a refusé une amélioration de la solidarité interne, qui pourrait être renforcée par une modulation accentuée des cotisations. La création d'une catégorie plus élevée permettrait, en effet, la création, en contrepartie, d'une catégorie plus basse. Mais, précisément, cela porterait atteinte aux intérêts des grandes sociétés concernées, qui font du chantage à leur éventuel départ, même si l'hypothèse est hautement improbable, tant les avantages que leur offre cette caisse sont grands par rapport à ceux que leur accorderaient les caisses métropolitaines dont relèvent leurs sièges sociaux ou les assurances privées.
En second lieu, la Caisse a refusé de faire appel aux fonds publics. Une toute petite part de la CSG pourrait être affectée à cela, au nom d'une extension légitime de la solidarité nationale aux Français de l'étranger. Mais cela entraînerait forcément, en contrepartie, un contrôle accru de l'Etat, et cette perspective, elle aussi, suscite de très fortes réticences.
Quant à la retraite de la sécurité sociale, la situation est encore beaucoup plus dramatique. A peine 10 % des Français de l'étranger hors Union européenne peuvent y accéder, toujours pour les mêmes raisons économiques.
Bref, la situation est bloquée et il est clair que seule une intervention de l'Etat pourra la modifier. Je souhaiterais - la très grande majorité des Français de l'étranger le désirent avec moi - que cette intervention ait lieu, si possible, dans les mois à venir.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je sais comme nous tous que des problèmes d'une bien plus grande ampleur ont retenu ces mois derniers votre attention et vont la retenir encore pendant quelque temps. Mais quand les problèmes des Français de l'Hexagone auront trouvé les solutions que vous avez imaginées pour eux - et que j'ai approuvées, comme mes deux collègues sénateurs socialistes des Français de l'étranger, Mme Cerisier-ben Guiga et M. Penne - serait-il possible que vous vous occupiez un peu, aussi, des problèmes, pas moins cruciaux et angoissants pour ceux qui les vivent, des Français du bout du monde ? D'avance, au nom de tous ceux que je représente et qui ont fondé beaucoup d'espoir en vous, je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la santé enregistrent une progression considérable, puisqu'ils représentent une augmentation de 10,4 % par rapport à l'année dernière.
Cette hausse repose sur trois opérations importantes, parmi lesquelles on trouve la lutte contre les fléaux sanitaires, c'est-à-dire le sida, la toxicomanie, l'alcoolisme et le tabagisme.
Comprenez, monsieur le secrétaire d'Etat, ma stupéfaction de constater que le paludisme n'est pas perçu comme un fléau sanitaire.
Pourtant, en Guyane, l'endémie palustre ne cesse de se développer depuis de nombreuses années, et la lutte contre ce fléau - car il s'agit bien d'un fléau - réclame un état d'urgence sanitaire évident. Malheureusement, notre département ne dispose pas des armes indispensables pour organiser ce combat.
Tout d'abord, la résistance du parasite aux traitements classiques est de plus en plus forte et elle nécessite de trouver de nouveaux médicaments et de nouvelles molécules. Or les industries pharmaceutiques se désengagent à l'égard de la recherche vaccinale contre le paludisme. Aujourd'hui, les firmes qui s'intéressent au vaccin peuvent se compter sur les doigts d'une main.
Ensuite, les nouveaux médicaments indispensables en zone d'endémie palustre sont très chers et ne sont pas toujours remboursés par la sécurité sociale. En effet, une lettre circulaire de la direction de la sécurité sociale n'autorise le remboursement de certains médicaments, notamment le Lariam et l'Halfan, que dans le cadre de la procédure de rétrocession hospitalière aux patients ambulatoires. C'est-à-dire qu'un patient ne peut pas obtenir ce traitement dans une pharmacie.
Comment expliquer et justifier une telle discrimination ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous m'avez récemment assuré que la cellule interrégionale d'épidémiologie allait surveiller les maladies transmises par les insectes vecteurs et qu'en 1998 une mission d'évaluation des méthodes de lutte antivectorielle serait confiée à l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération, l'ORSTOM. Cette déclaration d'intention ne doit pas rester lettre morte.
Vous m'avez également indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'à partir d'un rapport établi par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Guyane sur les modalités de prise en charge du paludisme l'avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France sera sollicité sur d'éventuelles mesures spécifiques complémentaires. Pouvez-vous être plus précis sur ce point ?
Au début de mon intervention, je faisais référence à l'augmentation considérable des crédits. Or les crédits consacrés à la santé en Guyane pour 1998 sont identiques à ceux qui sont prévus par la loi de finances de 1997, soit 35 millions de francs.
Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que la gravité de la situation sanitaire de la Guyane exige non seulement des actions exceptionnelles, mais aussi des financements exceptionnels, d'autant que la Guyane souffre d'une grave déficience de son système de santé. D'ailleurs, un rapport de l'Organisation des Nations unies prévoit que, dans dix ans, l'espérance de vie dans notre département atteindra cinquante ans, c'est-à-dire à peine plus qu'en France au début du siècle.
L'application des lois de décentralisation a créé des inégalités devant la santé entre les populations résidant dans les trois centres urbains et les autres. L'exécutif départemental s'est alors engagé dans une politique de développement de l'accès aux soins. Il a repris à sa charge les structures de médecine collective exerçant des activités curatives.
Ces vingt-six structures - neuf centres et dix-sept postes - ont été créées pour assurer la protection sanitaire des populations des communes isolées et pallier la carence de l'offre de soins privés.
Mais l'éloignement des communes isolées, les caractéristiques météorologiques, les difficultés du transport fluvial, qui sont encore aggravées par la sécheresse actuelle, le coût du transport aérien, l'absence de transport terrestre génèrent des contraintes insupportables pour le département.
Les moyens humains, matériels ou budgétaires ne peuvent répondre de façon satisfaisante aux besoins de la population. La sécurité sanitaire n'est plus assurée. Le rapport Merle, commandé par M. Queyranne, met en exergue l'urgence de la situation et préconise la prise en charge par l'Etat de ces dépenses auxquelles le département ne peut plus faire face.
Ce rapport préconise également des mesures d'incitation à l'installation de médecins généralistes libéraux. L'état déplorable des équipements sanitaires incite en effet les médecins et les infirmières à ne rester que quelques mois et à ne jamais demander le renouvellement de leur affectation.
S'agissant de l'enseignement supérieur, l'université des Antilles et de la Guyane dispose actuellement d'un troisième cycle d'études médicales.
Les universitaires, les médecins et les étudiants sont tous d'accord pour qu'un premier cycle des études médicales soit créé aux Antilles-Guyane, d'autant que l'université des sciences dispose de professeurs en nombre suffisant pour dispenser l'enseignement. Le premier cycle existe à la Réunion et ce sont des professeurs missionnaires qui y enseignent. Si une décision n'est pas prise pour envisager cette nouvelle filière de formation médicale, avant dix ans les Antilles-Guyane n'auront plus de médecins originaires de ce pays.
Un dossier a déjà été constitué et remis à vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi qu'à ceux du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. J'ai également entrepris, à plusieurs reprises, des démarches pour que cette demande soit satisfaite.
La Guyane souffre également de l'augmentation croissante des dépenses d'aide médicale. Elle est confrontée, en raison de sa situation géographique, à une très forte immigration, souvent clandestine, en provenance notamment du Brésil, du Surinam, du Guyana ou d'Haïti.
La loi du 29 juillet 1992 permet d'accorder l'aide médicale à toute personne étrangère, sans condition de délai, de durée de résidence ou de régularité du séjour. A cela s'ajoute la prise en charge par le département des RMIstes, tant au titre de l'aide médicale que de leur affiliation à l'assurance personnelle.
Il est bien évident que la situation très particulière de la Guyane génère des dépenses d'aide médicale démesurées pour le conseil général, et qu'il conviendrait d'y mettre un terme définitivement.
La Guyane est également confrontée à un fléau inacceptable à notre époque : je veux parler de la mortalité périnatale.
En effet, les conditions d'accouchement offertes dans les maternités, notamment de l'ouest guyanais, tout particulièrement à l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni, sont lacunaires. Le bloc opératoire, les salles d'accouchement, l'effectif du personnel ne peuvent faire face à la croissance exponentielle des accouchements. Il devient donc urgent d'étudier ces problèmes.
Je souhaiterais enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention sur le devenir du laboratoire d'anatomo-cyto-pathologie du département, qui est actuellement abrité par le laboratoire départemental d'hygiène et d'analyses biologiques.
Cette structure correspondait à une volonté politique de faciliter l'accès aux soins, mais la chambre régionale des comptes a estimé qu'elle ne faisait pas partie des compétences du département. Or sa fermeture serait dommageable pour la population et les praticiens, et la Guyane serait le seul département à ne pas disposer d'un tel laboratoire.
Il me semble donc que cette activité devrait se poursuivre en milieu hospitalier, et que l'hôpital qui pourrait l'accueillir devrait bénéficier d'une dotation exceptionnelle dès 1998 afin de ne pas être lésé.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la réalité des situations pathologique, démographique et géographique de la Guyane exige des mesures exceptionnelles. Il nous faut déployer des efforts considérables pour mettre en place une véritable politique de la santé. C'est dans l'espoir que vous nous aurez entendus - ce que je souhaite - que je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce soir, par-delà les chiffres du budget qui ont été présentés par nos rapporteurs, je veux vous parler de l'hôpital public. (Mme le ministre s'exclame.) Je vois votre enthousiasme, madame le ministre, et je m'en réjouis !
L'hôpital public est un véritable enjeu de service public. C'est aussi le symbole de l'une des plus belles réussites de ces trente dernières années dans notre pays. Il y a eu aussi les « Glorieuses » de l'hôpital et nous pouvons en être tous fiers.
L'accès de tous aux soins de qualité est une réalité que quelques exceptions réelles ne doivent pas masquer et que certaines enquêtes à grand spectacle ne doivent pas ternir collectivement.
M. Lucien Neuwirth. Très bien !
M. Gérard Larcher. J'en viens à l'hôpital aujourd'hui.
L'ordonnance du 24 avril 1996 reposait sur quelques principes essentiels.
Il s'agissait de maîtriser l'accroissement des dépenses et d'impliquer la représentation nationale ; de restructurer progressivement l'offre de soins pour l'optimiser et accompagner son développement dans les limites privilégiées de la région ; de réformer la tutelle pour la rendre plus efficace et responsable par la création des agences régionales de l'hospitalisation ; de contractualiser, tant en externe qu'en interne, les objectifs médicaux et les moyens qui leur correspondent ; enfin, de développer par la démarche d'accréditation les actions visant à la qualité et à la sécurité.
Dans leur grande majorité, les responsables hospitaliers s'étaient montrés ouverts, voire intéressés, par le nouveau dispositif, et prêts à s'y engager.
Force est de constater que, dix-huit mois plus tard, un certain doute s'installe, l'inquiétude gagne et de nombreuses interrogations se font jour.
La première et fondamentale question porte sur la définition même des niveaux quantitatif et qualitatif de l'offre hospitalière nécessaire à la santé des populations, qui doit concilier, au nom des principes du service public, à la fois dans les grandes agglomérations, et dans les zones rurales, la sécurité, la compétence, la permanence et la proximité des soins.
Cette définition n'est, en fait, pas encore réalisée. Les directeurs d'agence régionale s'y essayent, mais il apparaît aujourd'hui que leur action est encore trop intellectuelle, hétérogène, inégale, pour constituer une véritable politique hospitalière, et que parfois les agences, de concepteur de cette « politique », ont tendance à redevenir malgré elles des « DRASS bis » engluées dans les problèmes du quotidien qu'il faut régler.
C'est donc aux services ministériels et à vous, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que reviennent la responsabilité globale d'une telle définition et la recherche d'une cohérence de l'action publique. Je souhaite que vous vous y engagiez.
Peut-on attendre un schéma sectoriel santé à l'occasion du futur schéma national d'aménagement et de développement du territoire ? Telle sera ma première question.
Ma deuxième question porte sur la méthode. A quel rythme et selon quelle procédure les nécessaires reconversions, adaptations, modernisations de l'appareil hospitalier vont-elles s'opérer ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bonne question !
M. Gérard Larcher. Ce qui est reproché actuellement au milieu hospitalier, c'est, en termes de planification, son éparpillement, parfois ses doubles emplois, son manque de coopération et de mise en réseau, son organisation, qui résulte souvent plus de circonstances historiques que d'une réflexion de fond qui tendrait à le structurer en lien direct avec les besoins de la population et en fonction des obligations et pratiques d'une médecine hospitalière moderne qui ne cesse d'évoluer.
Il convient de noter que le secteur hospitalier n'est pas le seul à présenter de telles particularités, mais comme il est stratégique, - j'allais utiliser un mot facile : vital - la méthodologie prend toute son importance.
C'est donc essentiellement au niveau des secteurs sanitaires que me paraît devoir être conçue la future organisation hospitalière publique et privée. N'oublions pas les nécessaires adaptations et complémentarités privé-public, privé-privé et public-public. Mais encore faut-il le dire et le répéter !
C'est par les acteurs du terrain : professionnels, directeurs d'établissement, médecins et élus, que doit être imaginé, négocié, conduit ce changement, et non par des décisions d'apparence « technocratique » venues du haut et qui mèneront à l'échec.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Gérard Larcher. Je pense, par exemple, au rôle des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale, au sein desquels nous devons sièger plus nombreux, nous les élus, pour nous impliquer dans cette nécessaire régulation. Il faut le dire aussi !
Un autre paradoxe qu'il convient de résoudre est celui de la compatibilité des politiques de maîtrise des dépenses de santé - auxquelles votre commission des finances est particulièrement attachée et qui conduisent, dans plusieurs régions, à l'application de taux négatifs - avec la mise en oeuvre du changement.
Il faut bien avoir à l'esprit, les uns et les autres, qu'avant de rapporter en termes financiers, en termes de sécurité, en termes de qualité et en termes de proximité, toute restructuration coûte non pas seulement en investissements, mais parfois aussi en fonctionnement.
Alors, comment va-t-on résoudre ce paradoxe ? Je vous interroge, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat.
Enfin, pour faire évoluer l'organisation hospitalière actuelle, qui s'est construite réellement depuis trente ou quarante ans, il faut aussi prendre en compte la dimension temps, savoir nous fixer des échéances, négocier les étapes intermédiaires, se fixer des contrats d'objectifs négociés et concertés avec tous - élus, directeurs, corps médical, mais aussi personnels et syndicats de personnels dans les établissements, afin qu'ils comprennent mieux les évolutions et ne prennent pas les directeurs d'établissement comme des otages ou des boucs émissaires - pour éviter crises et blocages.
Cela relève, me semble-t-il, également de la responsabilité ministérielle.
Toutes ces interrogations peuvent être illustrées par un cas que je connais un peu plus, celui de l'Ile-de-France. Pardonnez-moi d'exprimer quelques instants les préoccupations que nous partageons au sein de l'Union hospitalière de la région d'Ile-de-France.
L'Ile-de-France est la région pour laquelle, sans concertation initiale, a été fixé par l'Agence régionale d'hospitalisation un taux cible à quatre ans de 15 francs du point ISA.
Ce chiffre ne tient pas compte des spécificités franciliennes. Il implique des conséquences médicales et sociales majeures qui ne nous paraissent pas avoir été réellement évaluées - en tout cas, au départ, elles ne l'étaient pas - ni surtout clairement expliquées à l'ensemble des personnels hospitaliers médicaux, non médicaux, ou aux élus.
Certes, nous venons d'engager un travail partenarial avec l'Agence, et nous en attendons beaucoup. Mais, en 1998, pour la deuxième année consécutive, les hôpitaux d'Ile-de-France, à quelques exceptions près, vont ainsi se retrouver, dans les faits, avec un taux d'évolution zéro, voire un taux négatif réel.
Comment, dans ces conditions, engager le processus de restructuration, alors que seul l'objectif financier semble primer - optiquement en tout cas - ou tout au moins qu'il est le seul réellement ressenti dans les établissements, notamment par nos personnels ?
Ce blocage sur des aspects financiers risque de stopper les nécessaires évolutions et d'engendrer des crises médicales et sociales majeures.
A ce jour, aucune politique hospitalière régionale, reposant sur une réelle estimation des besoins, sur des objectifs sanitaires précis - je pense particulièrement à l'accueil des urgences - n'a encore été définie. Nous savons qu'elle le sera dans les prochaines semaines, et nous l'attendons.
Ce n'est pas un reproche - et je ne voudrais pas que mon intervention soit perçue ainsi - car c'est une matière complexe ; mais je ne peux aujourd'hui que le constater, et ce alors que les outils n'ont pas été testés - fusion, communauté d'établissements où, pourtant, il y a là de vrais projets - et alors qu'aucun dispositif d'accompagnement social n'est encore mis en place !
Il nous faut là de la visibilité, des choix concertés et clairs et du temps, un peu de temps, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat.
« L'étranglement » ne peut, à lui seul, servir de levier déterminant ! J'ai entendu cela quelque part, monsieur le secrétaire d'Etat : c'était aux confins des terres d'Ile-de-France, et je partage cette appréciation sans réserve.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Merci ! Nous vous citerons !
M. Gérard Larcher. Aujourd'hui, nous travaillons tous à imaginer réseaux, complémentarité et, personnellement, je m'y suis engagé, comme vous le savez...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. En effet !
M. Gérard Larcher. ... avec d'autres élus d'autres départements, imaginant de bousculer les octrois, les habitudes pour retrouver une notion à laquelle nous sommes extrêmement attachés ici au Sénat, celle de pays, celle de bassin de vie partagée et de complémentarité, ce qui existe aussi en Ile-de-France.
Oui, nous voulons sortir des affrontements Assistance publique-hôpitaux de Paris et hôpitaux généraux ou spécialisés de la couronne, voire hôpitaux du Bassin parisien.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Gérard Larcher. Nous avons la volonté d'un partenariat avec notre agence régionale.
Encore faut-il écoute, complémentarité et moyens spécifiques donnés à la restructuration.
Voilà exprimées, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques préoccupations. Elles dépassent nos clivages politiques, car nous avons en commun, me semble-t-il, notre attachement à l'hôpital public et à sa mission.
Cet hôpital public est aujourd'hui devant sans doute sa plus grande mutation depuis trente ans. Cette évolution majeure, au-delà de nos différences et de nos préoccupations, j'ai envie de vous proposer de la faire ensemble. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les thèmes clés - solidarité, développement du lien social, lutte contre les exclusions - qui ont ponctué ma présentation du projet de budget de l'emploi valent entièrement pour le projet de budget de la solidarité, dont je développerai les aspects relatifs à l'aide sociale relevant de l'Etat, à l'action sociale et à l'intégration, laissant Bernard Kouchner présenter le budget de la santé.
Le projet de budget de la santé, de la solidarité et de la ville pour 1998, sur lequel nous reviendrons dans quelques instants, s'élève à 73,2 milliards de francs, en augmentation de près de 3 %.
Nous avons travaillé, avec Bernard Kouchner, en fonction de trois priorités : d'abord, remplir tous les engagements qui incombent à l'Etat dans sa mission d'aide et de protection des plus démunis et des plus fragiles, du fait notamment du handicap ou de l'âge ; ensuite, développer une action offensive contre toutes les formes d'exclusion ; enfin, répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de protection de la santé et de sécurité sanitaire.
La première priorité consiste à assurer dans sa plénitude la mission qui incombe à l'Etat de protéger les plus fragiles. Elle donne son sens au budget de l'aide sociale obligatoire et des programmes d'action sociale de l'Etat qui, outre les 48,7 milliards de francs du RMI et de l'AAH, représentent un bloc de crédits de 12 milliards de francs.
Cette priorité s'applique d'abord à la prise en charge des personnes handicapées.
Le budget prévoit la création de 2 000 places supplémentaires de centres d'aide par le travail, qui représentent 6 milliards de francs sur les 10,5 milliards de francs de l'aide sociale de l'Etat.
Cet effort de création de places de CAT poursuit à un niveau élevé l'effort engagé depuis plusieurs années. Mais le retard n'est pas encore comblé, puisque l'on compte encore 4 600 jeunes adultes maintenus dans des établissements pour enfants en vertu de l'amendement Creton. Il faudra donc, comme y invite votre rapporteur, continuer l'effort financier au-delà de 1998, mais sans perdre de vue qu'il faut aussi s'efforcer d'ouvrir les CAT et de créer les conditions pour la sortie vers le milieu extérieur du travail, à chaque fois que cela est possible.
Je crois aussi qu'il faut réfléchir à d'autres formes de travail, comme le travail à mi-temps, qui n'existe pas aujourd'hui dans les CAT. Cela permettrait de répondre aux problèmes d'un certain nombre de handicapés et en même temps à notre problème collectif.
Je sais que l'annulation par le Conseil d'Etat de la circulaire prise pour l'application du dispositif a pu inquiéter. Cette annulation ne remet pas en cause le principe posé par la loi ni la prise en charge des personnes relevant de l'amendement Creton, que M. Chérioux a exposés avec beaucoup de clarté.
Le Gouvernement travaille avec l'association des présidents de conseils généraux à donner une base légale au dispositif annulé de façon, en effet, à « bien fixer l'autorité tarifaire compétente » et à assurer ainsi les bases du fonctionnement des établissements d'accueil.
Je rappelle qu'aux 2 000 places supplémentaires de CAT s'ajoutent 500 places d'ateliers protégés, et que 250 millions de francs de dépenses nouvelles sont inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale, contre 100 millions de francs en 1997, qui permettront d'accélérer la création de places en maisons d'accueil spécialisées ou en foyers à double tarification.
S'agissant de l'allocation aux adultes handicapés, la poursuite de la progression a conduit à inscrire une dotation de 23,4 milliards de francs, en hausse de 5 %.
Monsieur Oudin, il est vrai que cette progression est préoccupante. Il faut malgré tout tenir compte du fait que cette prestation, créée en 1975, a été attribuée à une population dans l'ensemble assez jeune, de sorte que les flux de sortie, à mesure que les personnes handicapées accèdent à un avantage vieillesse, sont moins importants que les flux d'entrée.
Quant à la croissance du nombre de compléments d'AAH - plus de 110 000 bénéficiaires - elle traduit le succès de la politique d'aide à l'autonomie des personnes handicapées.
Une mission d'analyse de la politique d'attribution et du fonctionnement des COTOREP a été confiée à l'IGAS et à l'inspection générale des finances pour mieux cerner les causes de cette augmentation du nombre d'allocataires de l'AAH.
L'un des facteurs clés réside sans doute dans la précarité sociale, qui crée ou aggrave les situations de handicap ; mais on ne peut ignorer les pratiques d'employeurs qui poussent des salariés âgés vers le statut de handicapé, ce qui expliquerait d'ailleurs la surreprésentation des cinquante-cinq - cinquante-neuf ans parmi les bénéficiaires de l'AAH, dont fait état M. Oudin en rapportant l'analyse du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts.
Votre rapporteur spécial indique enfin que le nouveau barème d'incapacité institué en 1994 n'a modifié qu'à la marge les décisions des COTOREP, et redoute un risque de cumul entre RMI et AAH, au titre de l'incapacité à trouver un emploi. La mission conjointe des inspections est saisie de ces questions, s'attachera aussi à évaluer les effets de la mise en place de la prestation spécifique dépendance sur l'activité des COTOREP.
La politique en faveur des handicapés s'appuie également sur des crédits d'action sociale, en particulier les 120 millions de francs de subvention aux services d'auxiliaires de vie qui permettent de rémunérer 4 000 personnes à temps partiel pour aider près de 10 000 personnes handicapées.
L'action en faveur des handicapés doit être intégrée dans chacune de nos politiques. Ainsi, par exemple, le programme emplois-jeunes profitera doublement aux personnes handicapées. D'abord, toutes les personnes handicapées de moins de trente ans à qui leur état le permet pourront y accéder. Ensuite, des emplois-jeunes vont se développer dans le secteur des services auprès des personnes handicapées ; je pense à l'intégration scolaire, à l'accompagnement pendant les loisirs ou à l'interprétariat pour les déficients auditifs. Beaucoup de ces contrats sont d'ores et déjà mis en oeuvre.
Les autres prestations d'aide médicale ou d'aide sociale et les tutelles d'Etat ont souffert, ces dernières années, de l'insuffisance de crédits par rapport à des besoins croissants. L'Etat a accumulé des dettes auprès des opérateurs qu'il mobilise pour exercer ses missions.
Cette situation, qui perdure depuis quelques années, est parfaitement anormale. En dépit des contraintes budgétaires, j'ai pris le parti d'un effort important pour apurer ces dettes.
Les crédits de l'aide sociale de l'Etat pour les populations sans domicile stable sont ajustés en hausse de 29 millions de francs et sont portés à 350 millions de francs. De même, la dotation de 807 millions de francs pour l'aide médicale permettra d'apurer une part des dettes auprès des fournisseurs de soins.
Le souci d'assainir les relations de l'Etat avec ses opérateurs associatifs vaut également pour le dossier des objecteurs de conscience.
En ce qui concerne les personnes âgées, les crédits inscrits au budget de la solidarité ne donnent qu'une faible idée de l'ampleur des responsabilités de l'Etat.
Il faut cependant signaler que les 227 millions de francs de crédits du titre VI affectés à l'humanisation des hospices permettent d'envisager enfin pour 1999 le terme du plan commencé en 1975.
Il est à craindre que la dépendance des personnes âgées augmente dans les années à venir, même si l'espérance de vie sans invalidité s'allonge. Quoi qu'il en soit, nos concitoyens ont le souci légitime de voir nos aînés bénéficier des conditions de vie les meilleures possibles, et le plus longtemps possible. C'est une affaire de solidarité entre les générations, au demeurant créatrice d'emplois si nous savons solvabiliser les besoins. C'est aussi un enjeu pour la confiance dans l'avenir et la cohésion sociale.
La prise en charge de la dépendance est un sujet majeur, qui doit être traité à la lumière d'une conception claire des responsabilités de la collectivité par rapport aux solidarités privées, et qui doit partir d'un bilan objectif des dispositifs en place comme des réformes en cours.
Une première tâche consiste à évaluer la mise en place sur le terrain de la prestation spécifique dépendance, tant à domicile qu'en établissement. C'est à cette fin que j'ai installé mercredi dernier, comme je m'y étais engagée devant vous, le comité national de la coordination gérontologique.
Je voudrais brièvement rappeler les grandes lignes de la réflexion du Gouvernement sur ce sujet.
Vous le savez, la loi du 24 janvier 1997 doit, selon son texte même, s'appliquer de manière provisoire. Elle a cependant le mérite d'exister et de permettre le versement effectif d'une prestation dépendance, alors que plusieurs projets précédents avaient avorté et que des expériences qui avaient été menées n'avaient pas perduré.
Il faut laisser le temps nécessaire à une évaluation exhaustive et objective, qui permette de justifier ou de corriger les inégalités de traitement sur le territoire, dès lors qu'elles sont clairement discriminatoires.
S'agissant de la PSD - prestation spécifique dépendance - en établissement, les différences de traitement, qui vont de un à dix aujourd'hui, devraient se résoudre à la faveur de la réforme de la tarification qu'il nous faut maintenant mettre en place.
J'ai rencontré les présidents de conseils généraux et leur ai fait savoir que, d'ici à quinze jours, un projet de décret annonçant cette tarification serait soumis à la concertation. Je leur ai également dit espérer que, dans les trois mois à venir, chacun pourrait « rentrer dans les clous », c'est-à-dire à la fois les départements qui ne font rien en attendant cette tarification, ceux qui ont réalisé leur propre tarification - parfois, au détriment des personnes âgées - et ceux qui - ils sont tout de même nombreux - appliquent aujourd'hui la prestation spécifique dépendance dans de bonnes conditions.
Ces trois mois devraient donc nous permettre de répondre à beaucoup des critiques qui sont actuellement adressées à la PSD en établissement.
Si tel n'était pas le cas, je prendrais mes responsabilités : à regret, j'imposerais un tarif minimal national, ce qui serait malgré tout un peu aberrant dans la mesure où nous sommes en train de mettre en place une réforme structurelle qui doit entrer en application dans le courant de 1998.
En tout cas, il n'est pas normal qu'il y ait, aujourd'hui, une rupture d'égalité entre les différents départements sur ce plan. Je serai donc très attentive aux évolutions qui se feront jour dans les semaines qui viennent.
J'ajoute que l'augmentation du nombre de lits en cure médicale et en long séjour est un élément majeur du dispositif.
En ce qui concerne les systèmes d'aide à domicile, l'obstacle principal est l'incohérence des dispositifs qui se sont sédimentés au fil du temps : aujourd'hui, certains bénéficient d'aides en nature, d'autres d'aides financières sous forme d'exonérations de charges sociales ou de primes diverses et variées, tout cela n'étant d'ailleurs pas lié à la qualité du service offert, ni au niveau des besoins induits par la dépendance, ni au niveau des ressources.
J'ai donc décidé, qu'il s'agisse des personnes âgées, des personnes handicapées ou des jeunes enfants, de remettre à plat l'ensemble des aides à domicile...
M. Lucien Neuwirth. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ...abordant ce sujet sous deux aspects : la dépendance physique, qu'elle tienne à l'âge ou au handicap - encore faut-il la mesurer individuellement, au plus près de la personne, de ses problèmes de vie quotidienne - la dépendance financière, c'est-à-dire les moyens de la personne concernée, mais aussi ceux de son entourage et de sa famille. Je crois en effet qu'il n'est pas normal aujourd'hui que la collectivité finance de la même manière une personne de plus de soixante-dix ans, par exemple, en exonérant complètement des charges sociales une aide à domicile, quelles que soient les ressources financières de cette personne.
Je veux souligner l'importance que revêt la mise en place de l'organisation gérontologique moderne dont la loi de janvier 1997 a jeté les bases : une organisation coordonnée entre les partenaires, fondée sur une planification gérontologique et appuyée sur des équipes médico-sociales ; dans un certain nombre de cas, cette organisation apporte déjà des résultats significatifs.
La rénovation de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales, pour laquelle je compte présenter un projet au Parlement avant l'été 1998, permettra de compléter la réforme des établissements accueillant des personnes âgées, sans toucher aux principes de liberté et de souplesse auxquels le secteur associatif est attaché.
Monsieur Chérioux, vous évoquez de nouveau la question de la régulation sous enveloppe des dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux. Je n'entends nullement éluder cette question très importante, mais j'ai déjà indiqué que c'est dans la réforme de la loi de 1975, qui interviendra, je l'espère, dans le cours de l'année 1998, qu'elle trouvera le cadre le plus approprié.
La deuxième priorité de ce budget est la lutte contre les exclusions.
La prévention de l'exclusion et la lutte contre celle-ci, sous toutes ses formes, sont un impératif national.
Comme vous le savez, le Gouvernement tout entier, dix-huit ministres et secrétaires d'Etat, prépare actuellement un grand programme de lutte contre les exclusions, qui prendra corps dans un projet de loi, lequel sera sans doute déposé au mois de février, et dans des textes complémentaires qui sont d'ores et déjà préparés : celui qui a trait au droit à la justice est préparé par Mme Guigou ; la réforme concernant l'endettement, par Mme Lebranchu ; l'assurance maladie universelle, par M. Kouchner et moi-même.
L'architecture de la loi sera prête dans les deux ou trois prochaines semaines, et le travail se poursuivra avec les associations et l'ensemble des acteurs.
Je précise, à l'intention de ceux qui s'en sont inquiétés, que le texte sur les exclusions sera tout à fait différent du projet de loi de cohésion sociale qu'avait préparé le gouvernement précédent, qui définissait essentiellement des principes et quelques modalités de suivi statistique des pauvres et des exclus. Notre projet de loi sera bien un programme d'action de tout le Gouvernement, chacun dans son domaine devant intégrer dans sa politique la lutte contre l'exclusion, avec les lois lorsque c'est nécessaire et lorsque réforme il doit y avoir - dans les domaines du logement et de la santé - mais aussi avec des programmes d'action, par exemple dans le domaine de l'éducation - par l'accroissement des moyens des zones d'éducation prioritaires, notamment - ou dans celui de la culture, en particulier par l'accès des plus défavorisés à la culture.
C'est donc bien l'ensemble du Gouvernement qui présentera un programme chiffré s'étendant sur une période de deux ou trois ans et comprenant à la fois des dispositifs législatifs mais aussi un programme financé sur plusieurs années.
Est-il besoin de dire que la provision de 225 millions de francs n'est qu'un premier élément de financement de ce grand programme de lutte contre l'exclusion ?
Mme Gisèle Printz. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En ce qui concerne le RMI, M. Oudin souligne le caractère très relatif du ralentissement du rythme de progression des dépenses, la dotation augmentant de plus de un milliard de francs, soit 4,5 % de progression. Je lui en donne acte, tout en précisant que je n'ai d'ailleurs jamais songé que l'augmentation du RMI puisse être un motif de satisfaction !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En revanche, je ne pense pas que votre assemblée accepterait de voir sous-doter ce chapitre, au risque de devoir mobiliser des sommes importantes au collectif. Nous nous situons là dans la limite de ce que nous prévoyons pour l'année prochaine.
La dotation de 25,3 milliards de francs est, à mon sens, ajustée aux besoins, compte tenu de la revalorisation annuelle de l'allocation et de la hausse prévisible du nombre d'allocataires.
Il n'en demeure pas moins qu'il faut tout faire pour prévenir l'entrée dans le RMI, pour accélérer les sorties grâce à la mobilisation des dispositifs d'insertion, pour accompagner les parcours d'insertion de façon à éviter le retour ou l'installation dans le RMI.
Nous pouvons tous dire, comme l'a fait M. Chérioux, que « I » du RMI, le volet insertion, n'est pas, aujourd'hui, à la hauteur des besoins. Voilà quinze jours, j'ai eu un échange à ce sujet avec les présidents de conseils généraux et je compte, dès la fin de la semaine prochaine, annoncer un certain nombre d'actions : l'Etat prendra toutes ses responsabilités pour aider les conseils généraux dans leur action d'insertion des RMistes.
J'attends des conseils généraux que, parallèlement - ils m'ont donné leur accord, mais je souhaite qu'ils le confirment -, ils prennent un certain nombre de décisions.
Il me paraît anormal qu'aujourd'hui près de 100 000 personnes touchent le RMI depuis sa création, c'est-à-dire depuis 1989, sans que personne ait jugé utile de les recevoir.
Par ailleurs, M. Chérioux a raison : trop de contrats d'insertion ne comportent que des obligations mineures, comme la visite mensuelle ou trimestrielle à l'ANPE ou le fait d'accompagner le matin les enfants à l'école.
M. Lucien Neuwirth. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je pense que cela n'est digne ni des personnes touchant le RMI ni de l'idée que nous nous faisons dans notre pays d'une véritable insertion.
En ce qui me concerne, je compte prendre toutes les responsabilités qui relèvent de l'Etat. J'espère que les conseils généraux feront de même pour ce qui ressortit à leur compétence. Nous savons que, actuellement, beaucoup des crédits d'insertion ne sont pas dépensés, à moins qu'ils ne le soient pour payer, par exemple, du personnel d'aide sociale qui ne devrait pas être rémunéré sur ce budget.
Nous devons travailler tous ensemble pour éviter cette assistance, qui ne convient pas plus aux RMistes qu'à notre société tout entière.
Le deuxième élément clé de la lutte contre l'exclusion est constitué par les centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS.
Le projet de budget pour 1998 prévoit le financement de 500 places supplémentaires de CHRS, qui serviront à pérenniser des structures existantes, créées pour l'accueil d'urgence. Il faut aussi noter la hausse des crédits de rénovation de CHRS, portés à 30 millions de francs.
M. Chérioux regrette le « relâchement de l'effort en faveur de la création de places ». La création de 500 places en 1998 contre 1 000 en 1997 doit être mise en regard des efforts menés par ailleurs : je pense notamment à l'allocation de logement temporaire, aux programmes de logements d'urgence ou d'insertion, aux résidences sociales ou à l'expérience des « pensions de famille ».
Je travaille sur ces sujets avec M. Besson, secrétaire d'Etat au logement. Lors de l'examen du projet de loi de lutte contre l'exclusion seront annoncés des éléments très importants permettant de répondre effectivement à nombre des problèmes que vous avez soulevés, en particulier en matière de qualité de la vie quotidienne dans les CHRS.
L'extension des capacités en CHRS et en centres d'hébergement d'urgence répondait notamment à la nécessité d'ouvrir les centres tout au long de l'année, sans se limiter à l'accueil d'hiver.
S'agissant de l'accueil d'hiver, j'ai été amenée à dire que les efforts réalisés depuis dix ans font que, aujourd'hui, le nombre de places - 30 000 - est suffisant.
Il nous reste à travailler sur l'insertion, l'accueil et les conditions de vie dans ces centres, c'est-à-dire sur les aspects plutôt qualitatifs.
Par ailleurs, vos rapporteurs se sont émus d'une baisse des crédits d'action sociale en faveur de la lutte contre les exclusions, inscrits à l'article 70 du chapitre 47-21.
En réalité, cette baisse de 24 millions de francs n'est qu'apparente. Elle vient de ce qu'une partie des dépenses que cette dotation servait à financer sont désormais prises en charge sur les crédits des CHRS, au chapitre 46-23. Il n'y a donc pas, en fait, de réduction de ces crédits.
Enfin, la formation des professionnels du travail social est un élément de la politique de prévention et de la lutte contre l'exclusion.
L'effort notable consacré au financement des 152 centres qui assurent la formation initiale des travailleurs sociaux est le signe de la volonté politique de développer le nombre et la qualification des professionnels dont nous avons besoin, à côté des nombreux bénévoles du secteur.
Je ne saurais en terminer sans évoquer l'action en faveur des droits des femmes.
Le conseil des ministres a procédé, récemment, à la nomination de la déléguée aux droits des femmes. En dépit des progrès accomplis, l'égalité des droits entre les femmes et les hommes n'est pas acquise, qu'il s'agisse de l'accès à l'emploi, de la formation et, bien sûr, des salaires. Il est nécessaire de porter et de promouvoir ces droits, avec l'appui de l'Etat, qui en est le garant.
Je répondrai à Mme Dusseau que les 72 millions de francs sont consacrés au soutien des initiatives et des mouvements qui s'emploient à défendre l'égalité des droits, la parité dans la vie politique et la vie publique, ainsi que les droits propres comme l'accès à la contraception et à l'IVG, mais ils concernent aussi les lieux destinés, par exemple, aux femmes qui sont victimes de violences conjuguales ou sexuelles. Nous savons tous que, aujourd'hui, la lutte pour les droits des femmes passe aussi par le respect de la parité des hommes et des femmes dans la vie publique comme dans la vie politique et par une égalité de traitement dans les entreprises.
J'en arrive au problème des Français de l'étranger, qui a été soulevé à la fois par MM. Cantegrit et Biarnès.
M. Cantegrit a rappelé que la caisse des Français de l'étranger représentait un élément essentiel de la protection sociale des Français expatriés.
Les mesures engagées récemment par le conseil d'administration pour faciliter l'inscription des nouveaux adhérents, en levant l'application de la règle de paiement rétroactif des cotisations, m'apparaissent, à cet égard, positives, bien que je partage sa préoccupation légitime d'assurer l'équilibre financier de cet organisme.
A cet égard, M. Biarnès a raison de poser le problème du caractère restreint de la caisse des Français de l'étranger lié, notamment, au coût élevé de la protection sociale. Je sais qu'il a formulé un certain nombre de propositions que j'étudie actuellement pour déterminer la façon dont nous pourrions élargir la population concernée : nombre de personnes ne parviennent pas aujourd'hui, il faut bien le dire, à payer des cotisations qui restent élevées et qui sont, sans doute, plus facilement ouvertes à des salariés envoyés par de grandes entreprises qu'à des personnes qui ont décidé, elles-mêmes, de s'expatrier dans ces pays.
Il s'agit donc de l'un des sujets que nous sommes en train d'étudier, et je remercie M. Biarnès pour ses propositions.
S'agissant du contrat d'adaptation-expatriation, le conseil d'administration de la CFE a adopté une position favorable à l'égard de cette mesure et a accepté le principe d'une ouverture gratuite des droits dans la limite de cinq mille contrats.
Cette mesure serait financée sur ses excédents de gestion. Ce serait une bonne chose. Toutefois, sa mise en place suppose au préalable la conclusion d'un accord entre les partenaires sociaux, afin d'apporter à l'accord interprofessionnel de 1991 sur la formation professionnelle les modifications nécessaires.
Jusqu'à présent les négociations n'ont pas pu aboutir en raison d'un désaccord entre les organisations patronales et syndicales sur les conditions d'application des conventions collectives de branches, qui prévoient des clauses particulières pour les périodes d'activité exercées à l'étranger.
Il me paraît aujourd'hui difficile d'aller au-delà de ce blocage, d'autant que ce type de mesure ne relève pas directement des attributions du Gouvernement. En tout cas, je suis attentive à ce problème dans son entier.
Cet ensemble extrêmement vaste d'interventions de l'Etat nécessite d'importants moyens humains et matériels de l'administration. Les mesures essentielles concernent le personnel. Elles répondent à deux préoccupations, comme pour le ministère du travail : renforcer l'encadrement de l'administration et assurer, dans les meilleures conditions, la résorption de l'emploi précaire. C'est ce à quoi nous essayons de parvenir, notamment en réintégrant des vacataires qui gèrent aujourd'hui le RMI.
Je laisse à Bernard Kouchner le soin de vous présenter le domaine de la santé et de vous indiquer la politique hospitalière que nous entendons mener : celle-ci nous impose, il faut bien le dire, de mettre en place un certain nombre d'outils qui n'existaient pas véritablement et de prendre l'ensemble de nos responsabilités politiques.
Bernard Kouchner et moi-même considérons que ce n'est pas à des fonctionnaires, aussi talentueux soient-ils, de décider de la fermeture ou de l'évolution de services ou d'hôpitaux dans notre pays.
Nous savons, l'un comme l'autre, que l'hôpital est un lieu essentiel où l'on naît, ou l'on est soigné, parfois où l'on meurt, un lieu important en matière d'emplois pour de nombreuses communes, un lieu d'aménagement du territoire.
Nous sommes prêts, Bernard Kouchner vous le dira, à prendre toutes nos responsabilités politiques pour régler ce problème, non seulement avec les professionnels de la santé mais également avec les élus et en en débattant avec nos concitoyens. C'est ainsi que l'hôpital évoluera, et non pas en l'étranglant par le haut et de manière comptable. Nous en sommes tous convaincus, me semble-t-il, et j'espère que, l'année prochaine, nous obtiendrons déjà quelques résultats. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la part du budget de l'Etat consacrée à la santé publique est en hausse de 10,4 %, comme nombre d'entre vous l'ont souligné, parfois pour s'en plaindre, et atteint donc 3,6 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1998 que vous examinez aujourd'hui. Cet effort traduit l'engagement du Gouvernement de mettre en oeuvre une politique ambitieuse de santé publique.
Certains d'entre vous ont signalé que ces crédits représentaient moins de 0,25 % du budget de l'Etat et ne pouvaient, de la sorte, répondre aux attentes de nos concitoyens. Toutefois, il convient de rappeler que les dépenses relatives à la santé sont bien plus importantes que ce seul budget, et nous nous sommes attachés à assurer une cohérence, ce qui n'a pas toujours été facile, entre les dépenses du budget de l'Etat et celles de l'assurance maladie.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, pour la santé, nous a fait remarquer que, hors agences, le budget s'élevait à 1,44 %. Mais ces agences constituent le bras armé du ministère, monsieur le rapporteur pour avis ! On ne peut les en éloigner. En particulier, ce sont ces agences qui construisent les lignes de force que vous avez vous-même soulignées : la sécurité sanitaire, l'équilibre et la modernisation des hôpitaux, le service du malade.
Plusieurs chapitres traduisent plus particulièrement les actions prioritaires en 1998.
La première priorité, c'est, madame Dusseau, monsieur Boyer, monsieur Autain, la sécurité sanitaire.
La mise en place de l'agence de sécurité sanitaire et de l'institut de veille sanitaire ainsi que la montée en charge de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé se traduisent par une augmentation très importante du chapitre 36-81 : les crédits passent de 194 millions de francs à 434 millions de francs, même si, certains de ces dispositifs étant tout à fait neufs, nous ne pouvons pas, pour le moment, juger de leur action.
La réduction des autres crédits d'Etat consacrés à la veille sanitaire, sur laquelle M. Louis Boyer a mis l'accent, est donc à relativiser fortement : d'une part, le réseau national de santé publique voit ses activités de surveillance épidémiologique du sida consolidées par un transfert de crédits de 5,2 millions de francs ; d'autre part, une partie de la provision de 80 millions de francs inscrits pour la réforme de la sécurité sanitaire dans la proposition de loi sénatoriale, si j'ose dire, ou issus de celle-ci, se verra directement affectée à l'institut de veille sanitaire.
Dans ces conditions, la stabilisation des crédits d'Etat est plus que compensée par le renforcement opérationnel d'une structure spécialisée, qui sera d'ailleurs sans doute conduite à bénéficier d'autres transferts de crédits d'Etat.
En tout état de cause, les réductions de crédits sur les articles 11 et 12 du chapitre 47-12 ne remettront pas en cause l'action de la direction générale de la santé, ni celle des services déconcentrés. En effet, ces réductions sont programmées et porteront essentiellement sur un volant de crédits non reconductibles qui étaient consacrés à diverses études et enquêtes.
Enfin, j'observe que, tout en reprochant au Gouvernement de diminuer les dépenses consacrées à la veille sanitaire, ce qui est, je le répète, inexact, certains d'entre vous proposent de réduire les crédits inscrits au titre III à hauteur de 80 millions de francs.
Naturellement, nous nous interrogeons, Martine Aubry et moi-même, sur la logique de cet amendement...
M. François Autain. Quelle logique !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Si les crédits vous paraissent insuffisants, pourquoi vouloir encore les diminuer ? (Rires sur les travées socialistes.) Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas la logique de cette proposition.
M. François Autain. Ce ne sont pas les mêmes !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ce ne sont pas les mêmes sénateurs ou ce ne sont pas les mêmes crédits ? (Sourires.)
M. François Autain. Ce ne sont pas les mêmes crédits, bien entendu !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Pourquoi, en outre, compromettre la mise en place des agences de sécurité sanitaire en supprimant les mesures nouvelles du titre III ?
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Il faut d'abord faire voter l'Assemblée nationale sur ces agences. Pour l'instant, elle n'a encore rien voté !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Très volontiers, mais comme je m'adresse au Sénat, je me permets de formuler ces remarques.
Il y a donc là une petite contradiction, monsieur Louis Boyer !
La deuxième priorité concerne la santé publique, la prévention et la réduction des risques.
Madame Borvo, vous avez abordé les problèmes de santé publique, en soulignant, en particulier, la nécessité d'avancer dans notre action contre le saturnisme et le sida. Vous avez noté que nous avons annoncé, voilà quelques jours, avec mon collègue Louis Besson, un plan d'action contre le saturnisme.
C'est à Aubervilliers que nous avons présenté ce plan, ce pour une raison très simple : dans cette ville, non seulement les atteintes par le saturnisme sont trop nombreuses, mais la politique de la municipalité est tout à fait déterminante, et nous l'avons saluée.
En résumé, pour répondre à votre préoccupation, madame Borvo, nous avons proposé, d'abord, un dépistage remboursé à 100 %. Une circulaire a été adressée au préfet, qui lui commande d'agir pour faire en sorte, comme le demande mon collègue Louis Besson, que les propriétaires soient chargés de ce dépistage. La déclaration du saturnisme est, je le répète, devenue obligatoire.
Nous avons fourni un document de l'Agence nationale de santé publique qui portait sur 13 400 enfants, dont 240 se trouvaient dans un état très préoccupant.
Par conséquent, s'agissant du saturnisme, madame Borvo, nous sommes très déterminés et nous commençons à agir.
En ce qui concerne le sida et la toxicomanie, le développement de la réduction des risques, que j'avais engagé en 1992, a conduit, au cours de ces dernières années, d'abord, à une amélioration de l'accès aux soins, notamment en matière de prise en charge du sida, ensuite, à une réduction du nombre de décès par overdose, enfin, à une diminution du taux de contamination par le virus de l'immunodéficience humaine, VIH chez les injecteurs de drogue.
Je reviendrai tout à l'heure sur la politique que nous menons en matière de toxicomanie.
Sans vouloir prolonger le débat, je citerai, à propos du sida, les chiffres qui nous ont été présentés par M. Peter Piot et qui sont très préoccupants : ils autorisent un espoir dans notre pays, mais un grand désespoir dans l'ensemble du reste du monde, puisque trente millions de sidéens sont actuellement dénombrés et que quarante millions le seront avant la fin du siècle.
Pour résumer ma pensée, je dirai qu'il existe beaucoup d'espoir dans la thérapie en France et aucun espoir dans le reste du monde, ce qui est proprement insupportable. Si nous ne faisons rien, cela équivaut à condamner à mort entre trente millions et quarante millions d'individus, dont au moins un million d'enfants. Je rappelle que neuf millions d'enfants sont déjà orphelins.
J'ai donc proposé - j'espère que le président Chirac interviendra dans ce sens au sommet d'Abidjan la semaine prochaine - que nous travaillions avec l'Europe, qui en a accepté le principe, à la constitution d'un fonds de solidarité thérapeutique. Pour alimenter ce fonds, je souhaite qu'une contribution soit instituée, aussi minime soit-elle, dans les pays riches - elle serait faible pour les pays pauvres. Participeraient à ce fonds les laboratoires de produits pharmaceutiques, toutes les agences internationales des Nations unies, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Ce fonds pourrait également être alimenté par une taxation sur les mouvements de capitaux, infime mais suffisante.
Ainsi pourrait être pris en charge au moins le minimum de ce qui peut être proposé là-bas en matière thérapeutique et qui est très efficace chez nous. Pardonnez-moi d'être aussi rapide sur ce sujet, mais je tenais à apporter ces précisions devant la Haute Assemblée.
A Mme Dusseau, je dirai que je partage ses préoccupations en matière de recherche et que les efforts à poursuivre en matière de prévention sont importants, c'est vrai, malgré les réels progrès réalisés en matière de traitement : de 40 % à 50 % de mortalité en moins chez nous, entre 1996 et 1997.
J'indiquerai également à Mme Dusseau que sa préoccupation en matière d'autisme est tout à fait légitime. Il existe, vous le savez, des schémas régionaux pluriannuels sur l'autisme de 1996 à l'an 2000. Le bilan à mi-parcours montre que 1 170 places nouvelles adaptées ont été créées en moins de trois ans. Il faut poursuivre l'effort et le faire porter sur les formations initiale et continue des professionnels médico-sociaux, qui font souvent défaut.
Un échantillon suffisant d'établissements volontaires devra être expérimenté, afin de procéder à une évaluation des diverses prises en charge à partir des grilles d'évaluation. Nous mesurerons cette évolution. Il faut s'attacher - vous l'avez souligné à juste titre - à combler le retard important pris par notre pays face à cette affection.
En ce qui concerne les modalités pratiques de la prise en charge, n'oublions pas, à propos des virus, le problème majeur de la contamination par le virus et l'hépatite C. Je ne m'étends pas sur ce sujet, mais il est tout à fait essentiel. Il nous incitera à accomplir des efforts en matière d'indemnisation, de responsabilisation et de dépistage.
Nous avons décidé - cela fait également partie de notre programme de santé publique - d'ouvrir les consultations anonymes et gratuites pour le sida et l'hépatite C. Il s'agit d'une première étape, sans doute insuffisante. Nous devons cibler sur ce que l'on appelle, hélas ! les groupes à risques car, pour le moment, il est très difficile de lancer à travers un pays comptant quelque 58 millions d'habitants une étude complète qui déterminerait les 600 000 porteurs potentiels de l'hépatite C, les 450 000 qui sont porteurs du virus sans le savoir. Mais c'est une préoccupation essentielle de notre département ministériel.
Je souhaite également faire évoluer le dispositif de réduction des risques, évidemment en matière de substitution ; en l'occurrence, je parle à nouveau de la préoccupation exprimée par plusieurs d'entre vous en ce qui concerne la toxicomanie. On aura tout de même salué la progression des financements de la MILT, la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie, puisque les crédits sont passés de 230 millions de francs à 294 millions de francs, soit une augmentation de 28 %.
En réponse à l'intervention de Mme Joëlle Dusseau, je souhaite aussi aborder le problème de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, problème qui a été également évoqué par M. Habert.
Les crédits consacrés à la lutte contre le tabagisme dans le projet de loi de finances sont stabilisés, mais l'action publique, au sens large, est beaucoup plus importante que ne le laissent apparaître les seules masses financières mobilisées par l'Etat.
Je tiens d'abord à rappeler que le Gouvernement a prévu, parmi les recettes du projet de loi de finances, d'inscrire une augmentation de la part versée à l'assurance maladie sur le droit de consommation des tabacs et que je me suis engagé à en affecter une partie au Fonds national de prévention, qui sera porté de 20 millions de francs à 50 millions de francs.
Ces crédits viendront renforcer ceux qui sont déjà versés par ce même fonds au Comité français d'éducation pour la santé ; n'oublions pas non plus les comités départementaux et régionaux et les nouvelles possibilités données aux régions de se mobiliser sur ce thème à travers les programmes régionaux de santé.
Par ailleurs, chacun sait que, en ce domaine, l'augmentation des prix est dissuasive, et de nombreuses études ont prouvé qu'à une élévation du prix du tabac correspond une baisse sensible de la consommation.
Nous n'oublions pas non plus, Mme Martine Aubry et moi-même, les actions indispensables à l'égard de la jeunesse et de ses modes particuliers de consommation tabagique : le tabac à rouler devrait ainsi faire l'objet d'une augmentation du minimum de perception de plus de 50 %.
Enfin, comme M. Autain l'a souhaité, les relations de l'Etat avec le Centre national de lutte contre le tabagisme sont clairement encadrées et la subvention qui est versée à cette association est assortie, chaque année, d'une convention et de rapports d'activité détaillés. Toutefois, nous avons demandé, dès le mois dernier, à l'inspection générale des affaires sociales un rapport sur le Centre national de lutte contre le tabagisme et, au vu de ce rapport, nous verrons s'il y a lieu de modifier les relations entre l'Etat et cette association.
En ce qui concerne la lutte contre l'alcoolisme, je rappelle que l'alcool a été retenu comme premier déterminant de santé par dix-neuf conférences régionales de santé pour 1997.
Il s'agit en effet, pour nous, d'une préoccupation constante, puisque l'alcool est directement responsable d'au moins 40 000 décès par an dans notre pays. Si la consommation de vin diminue régulièrement depuis trente-cinq ans, puisqu'elle est passée de 127 litres à 63 litres par an et par habitant - ce qui reste pas mal - la consommation de bière diminue très peu et celle des alcools forts reste stable, avec 2,5 litres d'alcool pur par an et par habitant.
Aussi, des actions de lutte contre l'alcoolisme seront conduites à travers des programmes régionaux de promotion de la santé. En outre, l'année 1998 verra la révision du statut et du mode de fonctionnement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie.
Enfin, une mesure nouvelle de 2,3 millions de francs a été dégagée pour renforcer les actions de promotion du travail en réseau qui, sur ce sujet comme sur bien d'autres, sont particulièrement efficaces et novatrices.
J'en viens à la troisième et dernière priorité : adapter les hôpitaux aux besoins des populations, monsieur Gérard Larcher.
L'objectif du Gouvernement est bien de favoriser une recomposition du tissu hospitalier dans une logique de meilleure réponse aux besoins de la population, mais aussi de plus grande efficience du système hospitalier. Le redéploiement de moyens entre régions et entre établissements - vous savez très bien de quoi je parle - dans une perspective de réduction des inégalités, sera donc poursuivi pour la campagne budgétaire 1998. Mme Borvo nous dit qu'il faudrait plus que 2,2 %, mais comme on nous dit par ailleurs que c'est beaucoup trop, permettez-moi de ne plus savoir et de me demander, avec un peu de prétention, si, finalement, ce taux n'est pas assez équilibré.
Il est également nécessaire de disposer de leviers d'action forts pour catalyser un mouvement qui a des effets rapides sur le tissu hospitalier. Vous connaissez, monsieur Gérard Larcher, la nécessité de réformer, de restructurer, de transformer parfois des services entiers de certains établissements hospitaliers.
C'est pourquoi nous proposons la création, dans le budget, d'un fond d'aide à la modernisation hospitalière, qui s'articule avec le fonds d'accompagnement social prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. L'articulation entre ces deux mesures permettra en complémentarité à la fois la formation des personnels et la restructuration des établissements.
Les agences régionales de l'hospitalisation instruiront et évalueront les projets. Elles devront prendre en compte la situation financière, économique et patrimoniale des établissements, ce qui signifie que ceux-ci devront d'abord mobiliser leurs propres ressources.
Toutes les activités cliniques et médico-techniques seront éligibles - c'est très clair, monsieur Gérard Larcher - y compris, par exemple, la reconversion des services de soins vers le long séjour ou le secteur médico-social.
Bien sûr, ce fonds n'est que de 500 millions de francs, mais, compte tenu des effets de levier, ce sont entre 1 milliard de francs et 2,5 milliards de francs d'investissement qui pourraient être dégagés en une année, ce qui devient raisonnable. Il devrait être concentré sur un nombre volontairement réduit d'activités, et non pas être saupoudré sur l'ensemble du pays, ce qui n'aurait plus aucune signification.
Cet effort pourra bénéficier non seulement à des opérations impliquant les seuls établissements publics, mais également à des opérations associant le secteur public et les cliniques privées. Vous connaissez l'exemple que j'aime à citer, celui de Lillebonne, où les choses sont en place pour le moment dans un bon esprit, et j'espère que les activités s'y développeront malgré la disparité des statuts. Le montant de 500 millions de francs en autorisations de programme et de 150 millions de francs en crédits de paiement est, selon nous, significatif pour une première année. Il sera bien sûr rendu compte des modalités d'utilisation de ces crédits au Parlement.
S'agissant des praticiens hospitaliers, je partage entièrement votre sentiment, monsieur Louis Boyer, En effet, leur statut est difficile. Il faut y revenir. Il s'agit d'une restructuration profonde, qui met en balance un certain nombre de statuts, le secteur privé et les CHU. Il faut être très vigilant. Je suis tout à fait disposé, avec nos collègues du ministère de l'éducation nationale, à revoir tout cela, car qui dit statut dit formation initiale et nécessairement formation continue.
En ce qui concerne les praticiens que nous devons recruter dans l'urgence pour faire face aux difficultés que connaissent certaines disciplines, nous venons de charger le professeur Nicolas, rapporteur général auprès du Haut comité de santé publique, de coordonner une étude prospective sur la démographie médicale en anesthésie, en gynécologie-obstétrique, en radiologie et en psychiatrie. En effet, dans ces quatre spécialités, des centaines de praticiens hospitaliers font cruellement défaut et on ne peut faire fonctionner les établissements sans eux.
La mission consiste à proposer des mesures à court et moyen termes pour permettre une adéquation entre le nombre des spécialistes dans ces disciplines et les besoins de la population. Les propositions sont attendues pour la fin de l'année 1997, c'est-à-dire dans un mois, ou au tout début de 1998.
Par ailleurs, des travaux sont en cours pour améliorer l'attractivité des postes ou des disciplines actuellement moins recherchés. Nous étudions la mise en place de zones de sécurité sanitaires où l'on pourra proposer des primes à des praticiens qui, jusqu'à présent, n'ont pas l'intention de s'y risquer, ce qui représente un coût considérable pour le budget hospitalier. En effet, un certain nombre de directeurs d'hôpitaux sont obligés de payer à la semaine les anesthésistes qui manquent, ce qui revient très cher.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé. Quatre mille francs par jour !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Exactement, monsieur le rapporteur pour avis, c'est-à-dire entre deux millions et trois millions de francs par an.
Nous savons, en effet, que si une réforme en profondeur des études de médecine est nécessaire, celle-ci ne portera ses effets que dans une dizaine d'années et que, d'ici là, des mesures doivent être prises, notamment pour renforcer la présence médicale dans les hôpitaux généraux. Nous devons absolument trouver un système permettant d'avoir le nombre de praticiens correspondant aux besoins de santé publique, sinon nous ne nous en sortirons pas.
Je rappelle, enfin, à l'intention de M. Oudin, que l'organisation du dépistage du cancer du sein et du cancer du col de l'utérus, couvrant tout le territoire national d'ici à l'an 2000, est prévue. Une réflexion pour sa mise en place effective est actuellement menée par les services du ministère avec l'assurance maladie. En effet, l'assurance de qualité de toute la chaîne de dépistage doit être garantie : formation, qualité des examens - on sait que 30 % des examens de recherche du cancer du col de l'utérus étaient impossibles à interpréter - suivi des examens anormaux, recueil des indicateurs et évaluation des programmes.
La stratégie vise à court terme non seulement l'offre d'un dépistage de qualité pour toute la population qui participe au programme, mais aussi et surtout la garantie d'une offre de soins de qualité sur toute la chaîne de soins.
M. Neuwirth nous a interrogés sur notre programme de lutte contre la douleur. Vous avez raison, monsieur le sénateur, d'insister sur le traitement de la douleur post-opératoire et des douleurs associées au cancer ou au sida. Vous avez surtout raison, monsieur le sénateur, comme vous le faites depuis de nombreuses années - et nous vous en remercions - de faire évoluer, ou de tenter de faire évoluer le corps médical, ce qui est bien difficile.
C'est un drôle de phénomène culturel, comme on dit, une espèce de facilité - certains y voient même une sorte de goût du pouvoir - que de déterminer soi-même - c'est le praticien lui-même qui décide, et non le patient - le moment où on traite la douleur avec suffisamment d'efficacité pour la faire disparaître.
Pour avoir un peu étudié le phénomène - certes moins que vous, monsieur Neuwirth - je refuse d'entendre dire qu'il s'agit d'une activité culturelle judéo-chrétienne. Voyez l'Italie et l'Espagne, pays très proches de l'Eglise, on y traite pourtant la douleur depuis beaucoup plus longtemps et avec une plus grande efficacité que chez nous. Je partage donc entièrement votre souci.
La demande d'accréditation sera une réponse. Elle sera conditionnée par l'effort fait sur la douleur. Oui, dans notre plan, les antalgiques forts - puisque vous avez posé des questions précises - seront plus facilement accessibles.
Nous menons, avec le conseil de l'Ordre, une grande étude sur la disparition du carnet à souches. Si nous y parvenons, ce sera une facilité essentielle car, quand on cherche le carnet à souches dans un service hospitalier, il n'est pas là, et quand un praticien en a besoin, il ne le trouve pas. Mais je ne vous garantis pas que nous y parviendrons, monsieur le sénateur.
Quant aux postes de praticiens hospitaliers, nous en fournirons dès que des services seront accrédités.
Et puis, le réseau, mille fois le réseau, parce que, comme vous, monsieur le sénateur - et vous êtes d'ailleurs invité au prochain groupe anti-douleur, qui le déterminera - nous ne souhaitons pas que seuls les hôpitaux prennent en charge la douleur dans notre pays. Nous désirons que le réseau, avec les généralistes, à partir ou à côté de l'hôpital, puisse aller traiter toutes les douleurs jusqu'aux endroits les plus reculés de notre pays. Si nous ne parvenons qu'à cela, nous aurons fait un petit travail, une petite avancée. Je crois d'ailleurs que les choses évoluent légèrement.
Les soins palliatifs, monsieur le sénateur, relève de la même préoccupation. C'est encore plus difficile d'être pris en charge à ce titre chez soi qu'à l'hôpital. Nous essayons avec des réseaux, à partir de l'hôpital, de les mettre en place.
Je rappelle que le plan d'action prévoit, notamment, des actions d'information et de formation des praticiens. Les actions en direction du grand public seront financées - vous m'avez posé la question - sur les crédits du chapitre 47-11, article 61.
Ce sont principalement les budgets hospitaliers qui seront mobilisés à partir des engagements des projets d'établissements et des contrats d'objectifs et de moyens.
Les crédits de la formation médicale continue seront également mobilisés, et la formation contre la douleur a été inscrite comme priorité pour l'année 1998.
Si je suis un peu long sur ce point, c'est que je partage votre sentiment. La détermination de Mme Aubry et de moi-même est grande et, je l'espère, aussi grande que la vôtre.
Enfin, nous avons engagé des études pour que les ordonnances soient sécurisées et normalisées, sinon nous ne pourrons pas faire disparaître le carnet à souches.
M. Chérioux souhaitait savoir combien de malades du sida bénéficient de l'allocation aux adultes handicapés. Le système d'information actuel ne permet pas de déterminer le nombre de bénéficiaires de cette allocation, d'autant que le secret professionnel s'oppose à un tel décompte. En revanche, je l'ai dit, nous travaillons sur la déclaration obligatoire de la séropositivité. Nous en sommes à la consultation des associations, de l'Académie de médecine, du conseil national du sida et de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés. La décision pourra sans doute être prise d'ici à quinze jours ou trois semaines, mais rien ne sera fait sans une confidentialité absolue. Puisqu'il existe des traitements précoces et puisque le dépistage peut avoir lieu précocément, il est nécessaire de prendre en compte - et non en charge - du point de vue épidémiologique, la séropositivité.
M. Othily a posé des questions fondamentales sur le paludisme en Guyane. Je sais quel est l'état des structures dans ce département d'outre-mer pour l'avoir visité plusieurs fois. Les problèmes de délabrement, de pénurie en matériel et en personnels de certains centres isolés sont tout à fait navrants. Ces centres relèvent actuellement de la compétence du conseil général, mais celui-ci n'est plus en mesure d'assurer leur fonctionnement partout. Les derniers rapports de la DDASS font état d'une situation particulièrement grave en matière de soins curatifs : dégradation matérielle, manque de personnel, voire problèmes d'approvisionnement en médicaments.
Dans l'attente d'une mission de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, prévue pour décembre - les deux inspecteurs doivent arriver entre le 10 et le 20 décembre - il a été envisagé, lors de la réunion qui s'est tenue le 29 octobre 1997 au ministère des départements et territoires d'outre-mer, en présence de M. Cadenet, conseiller technique au cabinet, de la délégation des maires du Maroni et du sous-préfet de Guyane, de demander des crédits exceptionnels qui pourraient éventuellement être gérés par la DDASS, afin de parer au plus pressé pendant quelques mois : remplacement des équipements de base, approvisionnement, recrutement et rémunération du personnel.
Quant à la la lutte contre le paludisme, depuis la loi de décentralisation, elle est de la compétence du conseil général pour ce qui est de la désinfection. L'Etat finance la lutte antivectorielle, à hauteur de 3,2 millions de francs, et la surveillance des moustiques, à hauteur de 1,2 million de francs.
S'agissant de la lutte elle-même, le comité de pilotage de lutte contre le paludisme, présidé par le professeur Gentilini, doit se réunir avant la fin de l'année. Il ne reste donc pas beaucoup de temps !
L'avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France va être demandé. En effet, les schémas thérapeutiques ne sont pas simples à déterminer. Il existe des souches chloroquinorésistantes à distance de la côte, et le recours massif au lariam ou à l'alfan risque de favoriser l'émergence des résistances. Tel est le problème. A partir de cet avis, nous prendrons les dispositions nécessaires pour favoriser l'accès des populations aux traitements.
Enfin, l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération, l'ORSTOM, va entreprendre, en 1998, un audit des techniques de lutte antivectorielle et la cellule interrégionale d'épidémiologie va renforcer la surveillance épidémiologique du paludisme.
S'agissant du Conseil national contre le cancer, M. Oudin a posé une question tout à fait intéressante. Ce conseil a effectivement travaillé et il a remis plusieurs rapports au précédent gouvernement. Cette année, la conférence nationale de la santé a repris plusieurs de ses recommandations dans son rapport.
J'ai rencontré, il y a quelques jours, le professeur Philippe, membre de ce conseil national et, par ailleurs, président de la fédération nationale des centres de lutte contre le cancer.
En fait, nous sommes là - c'est la raison pour laquelle je terminerai par votre question, monsieur Larcher - devant le problème de l'harmonisation hospitalière.
Il y a, d'un côté, des centres nationaux de lutte contre le cancer, qui marchent très bien et qui prennent en charge une immense part de la radiothérapie et de la thérapeutique, et, de l'autre côté, des CHU, qui prennent en charge exactement 15 % de la cancérologie par organe : poumons, foie, etc.
Alors, que faire de tout cela ? Lorsque, en dehors des quatre villes que sont Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux, le centre de lutte contre le cancer peut venir à l'intérieur de l'établissement hospitalier, nous sommes contents. Seulement, ce n'est pas toujours le cas. Les personnels sont différents, les dépenses sont différentes, les budgets sont différents, car ces centres, créés par le général de Gaulle, datent de la fin de la guerre.
Nous sommes donc devant deux cultures qui devraient se compléter et qui s'opposent. Je suis frappé par cette symbolique, car c'est autour du cancer et autour du besoin du malade cancéreux que l'on devrait tout organiser, et c'est cela qui me permet, grâce à M. Oudin, de répondre à M. Larcher.
En somme, ne devrait-on pas aller beaucoup plus loin, monsieur Larcher ? Je rejoins tout ce que vous avez dit et j'apprécie, vous le savez, les efforts que vous déployez en faveur du rapprochement des deux établissements de Dourdan et de Rambouillet, qui ne sont pas dans le même département, mais que l'on essaie de mettre ensemble et d'harmoniser.
Indépendamment de tout ce qui a été fait, de la nécessité de maîtriser les dépenses, ne pensez-vous pas que ce serait une révolution au moins conceptuelle si, au lieu de travailler sur les structures existantes, sur les personnels médicaux existants, on travaillait par bassin sanitaire - les deux établissements sont dans le même bassin sanitaire - en fonction des besoins des malades ?
Et si l'on demandait aux personnels médicaux - pour les structures, c'est plus difficile, il faudra du temps ! - de bouger un peu plus !
Il y a déjà des propositions formidables. Dans une région de France, l'ensemble des anesthésistes vont se mettre à la disposition de toute la région pour les gardes de nuit et de week-end. On ne raisonne pas en fonction d'un établissement ou d'un autre ; on va prendre en charge les besoins sanitaires des malades.
Je le sais, c'est très difficile. Dans un premier temps, les personnels médicaux ne seront pas d'accord.
Monsieur Gérard Larcher, vous avez posé sur un ton que j'apprécie, que nous apprécions tous, me semble-t-il, ici, la question fondamentale. Ce n'est pas l'argent qui compte.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Tout de même !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. L'argent, finalement, on peut le maîtriser. Ce qui compte, ce sont les besoins des malades.
Je sais que M. le rapporteur spécial estime que j'exagère, mais je l'assure que, si nous harmonisons,...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Il est un ministre qui disait qu'elle n'était pas le ministre des comptes. On voit où cela a mené !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je vous assure, monsieur le rapporteur spécial, que, pour bien compter, il faut savoir satisfaire les besoins. Si les besoins des populations sont satisfaits, nous aurons avec les élus, avec les syndicats et avec le personnel un dialogue différent qui nous permettra de maîtriser les dépenses sans léser qui que ce soit.
A Strasbourg, où se mettaient en place des hôpitaux universitaires en plein centre de la ville, je me suis trouvé face à une manifestation du personnel de l'hôpital de Bitche, avec des petites pancartes. C'était extrêmement difficile à supporter. J'ai tenu à faire un discours pour les deux. Je leur ai dit qu'il fallait que les uns et les autres se prennent en charge, que les plus gros établissements aillent vers les petits et que les petits s'ouvrent aux grands, afin que la symbiose se fasse.
Le lendemain, à Aix-en-Provence, où un hôpital absolument merveilleux sort de terre et où il y avait également une petite manifestation du personnel de l'hôpital de Pertuis, cette fois, j'ai dit la même chose.
M. Gérard Larcher l'a dit, mais vous le savez tous, c'est en fonction des besoins du malade, autour des besoins du malade, dans une région donnée, sur la trajectoire du patient, qu'il faut, je crois, harmoniser les structures - encore une fois, ce sera dur - mais peut-être aussi la demande médicale et l'offre médicale. (Applaudissements.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la santé et la solidarité inscrits à la ligne « Santé, solidarité et ville » seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à la ville et à l'intégration.
Mais je suis saisi d'amendements sur les titres III et IV.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, moins 33 075 171 francs. »