La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Ce second amendement relève de la même logique que le précédent. En effet, il convient de le rappeler, les suppressions de crédits que nous évoquons ne peuvent, techniquement, que porter sur les mesures nouvelles et sont à ramener au budget global de l'emploi : les réductions cumulées de ces deux amendements représentent de l'ordre de 6,4 milliards de francs sur un budget global de 155,3 milliards de francs ou de 155,4 milliards de francs ! Cet effort nous semble donc pouvoir être réalisé dans le cadre d'un redéploiement raisonnable.
S'agissant du titre IV, nous considérons que le crédit de 8 milliards de francs pour les emplois-jeunes est quelque peu optimiste et nous ne partageons pas complètement l'assurance de Mme le ministre sur la possibilité de trouver des métiers émergents, de nouvelles activités susceptibles d'être solvabilisées au rythme prévu tout en ne concurrençant ni le vrai secteur public ni le secteur privé. C'est la raison pour laquelle nous préférons réduire de 1 milliard de francs les crédits du chapitre 44-01.
Pour le solde, la réduction est proportionnelle : elle est de l'ordre de 5 % des encours de crédits concernés, à l'exception de certains chapitres que nous souhaitons exonérer de la mesure.
Quels sont ces chapitres ? La formation en alternance, l'apprentissage, les contrats de qualification, le dispositif concernant les travailleurs indépendants créant ou reprenant une activité ainsi que l'incitation à la réduction collective du temps de travail.
Cela étant, madame le ministre, en présentant cet amendement, j'ai paradoxalement l'impression d'agir en conformité avec le programme que vous avez défendu devant vos électeurs voilà seulement quelques mois. Ainsi, sous une version distribuée à des millions d'exemplaires, ce programme comportait notamment cette phrase : « En simplifiant drastiquement les aides à l'emploi sans augmenter les dépenses publiques, notre objectif est de créer 700 000 vrais emplois pour les jeunes, pour moitié dans le secteur public, pour moitié dans le secteur privé ; un budget maîtrisé réorientant la dépense publique vers l'emploi sera un puissant levier d'action ».
Naturellement, nous souscrivons à cette dernière affirmation. Pour ce qui est des 700 000 emplois, si nous ne voyons toujours pas se manifester ce dispositif dans le secteur privé, du moins dans ce budget, nous partageons, pour les 350 000 emplois publics, le souci qu'a exprimé dans une question écrite adressée le 25 septembre 1997 à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité l'un de nos excellents collègues, ancien ministre du budget, M. Michel Charasse : « A l'occasion de la récente campagne en vue des élections législatives, le principal parti politique de la nouvelle majorité s'est engagé, dans un document diffusé très largement dans le public,... » - nous avons les mêmes sources ! - « ... à lancer un programme ambitieux d'emplois pour les jeunes, financé pour l'essentiel par l'Etat. Toutefois, afin de ne pas accroître les charges publiques, le même document stipulait que diverses aides à l'emploi, dont l'inefficacité est patente, seraient supprimées afin de gager exactement la charge nouvelle résultant pour l'Etat du plan en faveur de l'emploi des jeunes ». Et, en conclusion, notre collègue s'interrogeait sur le montant de l'économie prévue en 1998 pour chacune de ces diverses catégories d'aides inefficaces.
Dans ces conditions, madame le ministre, nous pensons que la réduction que nous proposons par cet amendement n° II-25 rectifié est tout à fait raisonnable ; elle est, en outre, conforme aux engagements que vous avez vous-même pris devant vos propres électeurs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur spécial, permettez-mois de redire ce que j'ai dit tout à l'heure : le Gouvernement a effectivement été conduit à financer ces deux nouveaux programmes en faveur de l'emploi - emplois-jeunes et durée du travail - par le redéploiement d'un certain nombre de crédits du ministère du travail, vous l'avez vous-même relevé, comme des autres ministères. C'est bien, d'ailleurs, ce qu'avait souhaité M. le Premier ministre en envoyant les lettres de cadrage, en demandant à chaque ministre de réduire ses dépenses pour que, finalement, nous parvenions à financer ces deux programmes nouveaux tout en contenant l'accroissement des dépenses publiques à un taux légèrement inférieur à celui de l'inflation.
Voilà la réalité, nous avons effectivement réalisé ce que nous avions annoncé.
S'agissant de l'amendement, j'ai du mal à le comprendre. Là aussi, il faut nous dire où il faut réduire ces crédits ! Les contours que vous nous proposez aujourd'hui ne sont pas très clairs.
Vous dites - et je m'en félicite - que vous ne souhaitez pas réduire les fonds des contrats en alternance, ni les lignes correspondant aux dispositifs des lois Madelin et Robien. Je le comprends pour cette dernière puisque j'ai moi-même à coeur d'honorer tous les engagements de l'Etat ; mais, pour le reste, votre amendement vise bien à appliquer forfaitairement à l'ensemble des autres dispositifs de la politique de l'emploi un abattement très lourd : plus de 6 %.
J'en déduis que vous incluez dans cet abattement des dispositifs auxquels vous étiez, je crois, très attaché, comme le CIE, que vous avez évoqué en vous étonnant que les crédits à ce titre ne soient pas plus importants, ou les zones franches, instituées par M. Gaudin dans le pacte de relance pour la ville - sur ce dernier point, même si je ne suis pas persuadée que ces actions soient totalement efficaces, je ferai un bilan en juin, comme le prévoit la loi - ou encore les soldes des contrats de retour à l'emploi, au sujet desquels nous avons pris des engagements qu'il faut bien honorer.
Je pourrais ainsi continuer à énoncer la liste des conséquences dangereuses d'un tel amendement : le chapitre 46-71 est également touché. Faut-il renoncer à augmenter l'indemnisation de chômage pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, ou encore réduire les prestations versées à ces personnes qui sont aujourd'hui en grande difficulté ?
Doit-on faire de même pour l'insertion des publics en difficulté, prévue au chapitre 44-74 ? Je le comprendrais assez mal alors que vous nous avez parlé de votre préoccupation, que nous partageons, face à l'augmentation du chômage de longue durée.
Quant à l'abattement de 1 milliard de francs sur l'enveloppe des emplois-jeunes, qu'il me soit permis de dire que le démarrage du programme me paraît assez remarquable. Nous essayons de répondre concrètement à l'esprit de la loi telle qu'elle a été votée et nous espérons qu'il n'y aura pas de dérapage. Nous faisons en sorte que ce soit clair. Beaucoup de jeunes et de familles ont, en effet, commencé à retrouver de l'espoir grâce à ce programme.
Je ne comprends donc pas très bien où vous souhaitez réduire les crédits du titre IV. Aussi, je demande au Sénat de bien vouloir rejeter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement II-25 rectifié.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Je vais, mes chers collègues, continuer à faire oeuvre de suggestion.
Le budget de l'emploi est assez fortement mis à contribution dans la démarche de la commission des finances tendant à réduire le déficit budgétaire après le vote, en première partie, de quelques cadeaux fiscaux pour un montant de 21,3 milliards de francs.
Le montant des sommes en cause - 1 milliard de francs au titre des emplois-jeunes et quelque 5,2 milliards de francs de manière proportionnelle dans les dépenses du titre IV - appelle, naturellement, quelques observations fondamentales.
M. Marini invite les jeunes, les chômeurs de longue durée ou les femmes souhaitant reprendre une activité professionnelle à payer le prix de l'avoir fiscal, de la baisse de l'impôt sur les plus hauts revenus ou le maintien du dispositif Pons et du système des quirats.
L'examen attentif des crédits du titre IV du budget de l'emploi situe assez précisément les contradictions dans lesquelles s'est placée la commission des finances.
Posons d'abord la question des emplois-jeunes.
Alors même que vous aviez souhaité, lors de l'examen du projet de loi, une extension de emplois-jeunes au secteur privé en les transformant en contrats d'activité, vous nous proposez aujourd'hui une réduction de 1 milliard de francs des crédits ouverts qui conduirait, en cas d'application, à laisser de 12 000 à 15 000 jeunes sans emploi en 1998.
Il s'agit donc d'un problème de logique à double détente, puisque cela ne correspond, que je sache, ni à vos intentions affichées en matière de création d'emplois ni à la démarche adoptée lors de la discussion du projet de loi.
Au demeurant, si tant est que le secteur privé soit seul habilité à créer des emplois, eh bien ! qu'il le fasse. Vous me permettrez de croire, en la matière, que la situation financière de nos entreprises pourrait portant justifier qu'elles consentent un petit effort à cet égard.
Regardons cependant d'un peu plus près la question de la réduction proportionnelle des dépenses du titre IV.
Faudrait-il, par exemple, que l'on diminue les crédits dévolus à la prise en charge par l'Etat des dépenses des centres d'apprentissage, alors même que la majorité sénatoriale a eu l'occasion, à maintes reprises, de marquer sa préférence pour ce type de formation ? J'observe, en effet, que vous n'excluez pas de prendre de l'argent sur la dotation de l'Etat aux collectivités locales prévue au titre de l'apprentissage.
Faudrait-il aussi réduire de quelques centaines de millions de francs les crédits destinés aux contrats initiative-emploi, à savoir 13 milliards de francs inscrits au budget du travail, sous prétexte de rigueur budgétaire ?
Ainsi donc, la grande innovation sociale voulue par le Président de la République en juillet 1995 serait progressivement effacée du paysage économique et social.
Si vous étiez cohérents, mes chers collègues - et je m'adresse notamment ici à M. Marini, auteur de cet amendement - vous auriez voté, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, la réduction du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée que vous aviez relevé à l'été 1995 pour financer la mise en place du CIE.
On aurait pu aussi envisager de réduire les crédits afférents à la réduction des cotisations sociales des entreprises, ce qui, vous en conviendrez, n'aurait été ni très compatible avec l'équilibre des comptes de la protection sociale ni très logique alors que vous nous affirmez à longueur de débat qu'il faut réduire les charges pesant sur les entreprises.
Vous ne le faites pas, caractérisant ainsi clairement votre choix d'une dépense publique pour l'emploi tout entière orientée vers la réduction de la contribution des entreprises au financement de la protection sociale.
En revanche, vous pensez que l'on peut aussi s'attaquer au dispositif des CES et autres emplois consolidés, ou encore au dispositif des préretraites progressives et à celui de l'ARPE.
Méfiez-vous de ce type d'économies qui ne font qu'allonger les listes des demandeurs d'emploi et créer un peu plus de difficultés pour les familles et les jeunes concernés.
Tel est, en effet, le cas typique d'économies qui se traduiront par de nouveaux coût sociaux, par une augmentation de la dépense relative au RMI, ou encore par des effets macro-économiques négatifs sur la consommation, la croissance, et donc, en bout de chaîne, les recettes fiscales.
Nous estimons qu'une politique publique en faveur de l'emploi est donc une nécessité. Cela impose de réfléchir sur ce qui existe : il ne faudrait pas oublier, dans ce cadre, les 42 milliards de francs de la ristourne dégressive, ou encore les allégements d'impôts sur les sociétés ou de taxe professionnelle motivés par l'emploi.
Il convient également de marquer des inflexions sur une analyse critique de ce qui existe. Ce projet de budget pour 1998 marque en ce sens une première ébauche de cette transformation de la dépense publique pour l'emploi.
Nous ne partageons donc pas les attendus de cet amendement. Nous le rejetterons sans ambiguïté et demandons un scrutin public.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le rapporteur spécial, tout au long de ce débat, vous manifestez, vous dont on connaît l'aisance, un certain embarras, comme si vous aviez en vous-même intériorisé l'idée selon laquelle ce projet de budget de la majorité sénatoriale n'était qu'un affichage politique.
Sur ce sujet très précis du chômage - j'emploie volontairement le terme de « chômage » et non pas celui d'« emploi » - votre démarche est totalement incompréhensible pour la très grande majorité des Français.
Si vous souhaitez, monsieur le rapporteur spécial, que nous allions au fond des choses et que nous réduisions « drastiquement », pour reprendre la formule qui a été utilisée, les aides à l'emploi, alors, que le Sénat et sa majorité fassent le bilan du CIE et de son coût !
Que ce même Sénat et cette même majorité se réfèrent notamment à la déclaration de M. Sarkozy à la tribune de l'Assemblée nationale le 12 mars 1996. Vous vous en souvenez, il a alors expliqué que ce dispositif était ruineux et n'avait finalement eu qu'un effet d'aubaine.
Nous pourrions aussi, monsieur le rapporteur spécial, faire le bilan des zones franches, mais le faire à partir des zones d'entreprises de M. Madelin et en nous référant à ce rapport de l'inspection des finances, dont j'imagine que vous n'allez pas le contester, qui chiffrait jusqu'à 4 millions de francs le coût de certains des postes de travail créés par feues les zones franches de M. Madelin.
Nous pourrions aussi examiner de près le problème des allégements de charges, mais je n'y insiste pas parce que Mme la ministre a dit exactement ce que je voulais en dire : être vigilants, car les résultats ne sont pas à la hauteur de l'argent investi ; poursuivre dans cette voie, en attendant que la croissance permette d'évaluer l'efficacité de ce dispositif, au demeurant fort onéreux.
S'agissant des dispositifs de formation en alternance, vous nous avez rappelé, madame la ministre, la baisse des effectifs des personnes en contrats de qualification ; vous nous avez d'ailleurs rassurés en nous indiquant que cela faisait l'objet de votre préoccupation.
S'agissant de l'apprentissage, c'est le constat inverse. Mais il y a une ombre au tableau, et de taille : les conditions de travail.
Un récent rapport effectué à la diligence d'une organisation de salariés montre que quelques secteurs professionnels - je dis bien quelques - font des conditions de travail aux apprentis qui vont au-delà de ce qui est supportable, et cela, bien sûr, au mépris des règles élémentaires du code du travail : durée du travail notoirement excédentaire ; plus grave, conditions de sécurité trop souvent non respectées, notamment en matière d'hygiène. Le laxisme d'une petite partie - je dis bien d'une petite partie - des employeurs, qui est cependant trop grande, fait que les accidents de travail sont trop nombreux chez les apprentis.
Il faut également souligner l'inégale qualité de la formation dispensée par les centres de formation d'apprentis, constat souvent dressé au demeurant mais qui, pour l'instant, n'a pas donné lieu à une politique.
A partir de ces quelques réflexions, bien peu originales, fondées sur un rapport récent et autorisé, je voudrais vous demander, madame la ministre, quelles mesures vous envisagez de prendre, dans l'avenir, pour remédier à cette situation et à ses conséquences humaines auxquelles, s'agissant de jeunes gens et de jeunes filles, nous ne pouvons nous résigner. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je voudrais réagir aux deux amendements déposés par la commission des finances.
Tout d'abord, l'assainissement des finances publiques ne peut pas et ne doit pas se faire contre l'emploi. De ce point de vue, le fait que le rapporteur général de la commission des finances propose de réduire de 6,329 milliards de francs au total les crédits du projet de budget de l'emploi alors que notre pays compte 3,5 millions de chômeurs a quelque chose de très choquant.
Ne croyez-vous pas que cette recherche d'économies pourrait viser d'autres secteurs ? Pensez-vous que l'opinion publique trouvera judicieux que l'on propose de diminuer la dépense publique sur cette ligne budgétaire précisément ? Nous ne le pensons pas.
S'agissant des exonérations de charges, je vous rappelle qu'entre le budget de l'emploi et les crédits inscrits au budget des charges communes, elles s'élèvent à plus de 45 milliards de francs. Quelle est l'efficacité de ces sommes prélevées sur les contribuables en termes d'emplois pour ces mêmes contribuables ou leurs enfants ?
S'agissant de la ristourne dégressive sur les bas salaires, qui touche six millions de salariés, le CSERC retient une fourchette très large - nous venons d'en parler, et Mme la ministre a déclaré que personne ne conteste aujourd'hui ces chiffres - de créations nettes d'emplois allant de 40 000 à 200 000, pour plus de 38 milliards de francs inscrits au budget en 1998.
En réalité, la seule chose dont on soit sûr, c'est que les exonérations de charges sans contrepartie exigée en matière d'emplois provoquent avant tout des effets d'aubaine dont profitent les entreprises. L'employeur embauche des salariés dont il avait en toute hypothèse besoin, mais il le fait en externalisant au passage une partie du coût du travail sur la collectivité nationale.
Il est donc particulièrement mal venu de reprocher au Gouvernement de limiter les profits de cette fructueuse opéation. S'il est bon que le coût du travail non qualifié soit maintenu dans certaines limites dans un but de compétitivité et dans l'intérêt des salariés dont on préserve ainsi les emplois, la réduction de la ristourne dégressive de 0,03 % ne mettra pas, nous le savons tous, notre économie en péril. Il s'agit d'une simple mesure d'équité et d'assainissement dont vous devriez vous féliciter.
En revanche, il est particulièrement consternant d'entendre dire que ce dispositif de réduction des charges, dont on ne connaît que trop l'efficacité toute relative, devrait être développé à l'exclusion de tout autre, notamment au détriment des mesures pour les jeunes.
Avec les emplois-jeunes, l'Etat assume pleinement ses responsabilités et utilise précisément ses ressources dans l'intérêt général, afin de procurer un emploi durable et une qualification à des jeunes sans emploi. A l'inverse de ce à quoi nous assistons depuis plusieurs années, il s'agit enfin d'une mesure dont les effets sont immédiats, clairement identifiés, et qui profitent indiscutablement aux jeunes, à l'emploi, à la relance de l'économie et de la consommation.
Je suis persuadée que l'opinion publique sera intéressée d'apprendre que la majorité sénatoriale, non contente de s'opposer aux emplois-jeunes par principe, entend maintenant supprimer les crédits prévus pour leur mise en oeuvre. La seule logique que l'on peut discerner dans tout cela est purement financière : baisser encore le coût du travail, c'est-à-dire les salaires directs et indirects, faciliter parallèlement l'augmentation des profits, mais ne rien consacrer à des actions positives pour l'emploi des jeunes.
Non seulement cette politique est à l'opposé de notre conception de ce que doit être une solidarité nationale active et dynamique, mais nous estimons qu'elle est aussi contraire à un objectif de croissance. C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je ferai une première remarque : les dispositions prises par le Gouvernement en faveur de la formation en alternance me semblent excellentes et je comprends mal les critiques de M. Delfau à cet égard. Le fait que le Gouvernement ait donné une priorité à cette action et même renforcé les moyens mis en oeuvre me paraît tout à fait judicieux.
Deuxième remarque : Mme le ministre a évoqué dans son intervention le problème des personnes handicapées.
S'agissant de la loi du 10 juillet 1987, je suis frappé par le résultat des enquêtes qui ont été publiées sur son application.
Selon l'Association des paralysés de France, 93 % des chefs d'entreprise sont satisfaits du travail effectué par les salariés handicapés, mais seulement un tiers d'entre eux consentent à les employer.
Il existe là une situation bien regrettable, à laquelle nous devons remédier, nous en sommes tous d'accord.
Troisième remarque : M. Fischer, comme d'ailleurs Mme Dieulangard, a posé à la commission des finances la question suivante : comment pouvez-vous demander la diminution des crédits affectés aux emplois-jeunes, alors que vous êtes - nous le sommes évidemment - partisans de donner des emplois aux jeunes ?
La commission a expliqué, sur ce point, la politique qu'elle entend suivre pendant la discussion budgétaire. Mais pour notre part, si nous diminuons ces crédits, obéissant à une logique traditionnelle en matière budgetaire, c'est parce que c'est la seule façon dont nous disposons pour montrer notre désapprobation. Sur quoi ? Sur la discrimination dans la répartition de ces emplois-jeunes.
Comme la commission l'a toujours dit et comme cela a été souligné dans le débat, le fait d'avoir exclu le secteur privé du bénéfice de ces emplois semble tout à fait aberrant.
Ne serait-ce que pour cette raison, nous ne pourrions pas voter une nouvelle fois une disposition destinée à financer des emplois-jeunes, mais qui ne concerne que la moitié des forces vives de la nation, et dont tout le poids retombe à la charge des administrations publiques.
Personnellement, j'ai une seconde raison, en tant que sénateur représentant les Français de l'étranger, de m'opposer aux restrictions du plan emploi-jeunes.
Madame le ministre, nous avons souhaité au cours des débats que les jeunes qui partent à l'étranger puissent bénéficier de ce dispositif. En effet, chaque fois qu'un jeune trouve un emploi à l'étranger, c'est un chômeur de moins en France.
Tout le monde reconnaît que, pour le rayonnement de notre pays dans le monde et pour notre expansion économique, il faut encourager et aider ceux qui cherchent des emplois à l'étranger. On devrait leur accorder au moins les mêmes avantages qu'en métropole, alors qu'ils ont été entièrement exclus de ces bénéfices. En tant que représentant des Français établis hors de France, je ne saurais l'admettre.
Nous voterons donc l'amendement de la commission des finances...
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jacques Habert. ... pour montrer notre désapprobation du choix fait s'agissant des bénéficiaires des emplois-jeunes. Ce geste confirmera les regrets que nous avions exprimés précédemment !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à ce que pensent un certain nombre de nos collègues, la majorité de la commission des affaires sociales se rallie à l'amendement de la commission des finances, et cela pour trois raisons.
D'abord, la procédure budgétaire ne nous permet pas de modifier l'affectation des dépenses. Nous aurions volontiers, pour notre part, augmenté les crédits en faveur de la formation en alternance, afin de suivre la suggestion de M. Madelain, ou les crédits affectés à l'apprentissage, en faisant des économies par ailleurs. Mais cela n'est pas possible : nous n'avons pas le droit, dans le cadre de la procédure budgétaire - et aux termes de la loi organique - de proposer ce genre de transfert.
Nous sommes donc obligés de nous rallier à la position de la commission des finances, qui a conçu un système d'abattements visant un certain nombre de crédits, aussi bien ceux de l'emploi aujourd'hui que d'autres demain et après-demain.
Le deuxième argument me paraît plus important.
Lorsque nous comparons la situation de la France - j'ai noté, madame la ministre, que vous n'aviez pas répondu à ce sujet - à celle de ses partenaires européens, nous constatons que ce qui la pénalise, c'est le poids de la dépense publique. Compte tenu du déficit budgétaire, nos dépenses publiques représentent en effet 55 % de notre PIB. Nous avons le taux le plus élevé, à part le Danemark et la Suède - et encore ! - par rapport à l'ensemble de nos partenaires.
L'action fondamentale que nous devons donc développer en ce moment consiste à réduire l'ensemble des dépenses publiques, afin de nous retrouver - lorsque l'euro sera en place, et surtout lorsqu'il faudra maintenir la monnaie unique au cours des prochaines années - dans une situation à peu près comparable à celle de nos voisins.
Cela est primordial et c'est l'objectif premier. Ce n'est pas parce que nous allons toucher à tel ou tel secteur ou à tel ou tel mécanisme que nous devons perdre de vue cet objectif fondamental de réduction du poids des charges publiques, car cela nous pénalise très fortement par rapport à tous nos partenaires. Les Anglais l'ont d'ailleurs compris depuis longtemps. Il suffit de constater comment agit le gouvernement britannique actuel, dirigé par M. Blair ; loin de majorer les charges publiques, il poursuit au contraire l'effort de décélération de ces charges qui avaient atteint, voilà une quinzaine d'années, des proportions beaucoup trop élevées.
Enfin, c'est mon troisième argument, je suis frappé de voir, madame la ministre, mes chers collègues, que nous discutons de l'emploi sans tenir compte de la variable fondamentale en la matière : la création nette d'emplois dans l'économie française.
Nous avons connu la période sombre des années 1991, 1992 et 1993 au cours de laquelle les suppressions d'emplois ont été plus importantes que les créations. Ce n'est que depuis le milieu de l'année 1996 que le solde est redevenu positif et que l'économie française recommence à créer des emplois.
Pendant la période qui court de la mi-1995 à la mi-1996, nous avons perdu 10 000 emplois sur l'ensemble des emplois marchands et, depuis la mi-1996 jusqu'à la mi-1997, nous en avons crée à peu près 100 000. Comme le disait notre excellent collègue M. Souvet tout à l'heure, je pense par ailleurs qu'entre le milieu de l'année 1997 et le milieu de l'année 1998 nous pouvons envisager la création d'environ 150 000 emplois, soit un chiffre comparable à celui de l'augmentation de la population active.
Or, il nous paraît absurde - et c'est de cette absurdité que je voudrais convaincre l'ensemble du Sénat - de majorer les aides à l'emploi de 150 milliards de francs à 155 milliards de francs, alors que, du fait de la conjoncture, du fait de toutes les mesures prises antérieurement, le nombre des créations d'emplois augmente. Ce qu'il convient de faire, c'est d'intensifier les créations d'emplois en réduisant les charges, en réduisant le poids de la fiscalité beaucoup plus qu'en inventant des systèmes de plus en plus sophistiqués.
Voilà quelle est notre logique profonde, qui diffère de celle du Gouvernement et que je veux que vous entendiez madame la ministre.
Dans notre pays, nous sommes en train de recréer des emplois. Dans ces conditions, desserrons les freins, supprimons les entraves, libérons les entreprises de leurs charges, faisons un effort sur les bons mécanismes que sont l'alternance et l'apprentissage et ne gaspillons pas d'argent en créant des emplois dans des associations, dans les collectivités publiques, arrêtons le recrutement des 40 000 emplois-jeunes pour le ministère de l'éducation nationale.
Créons de vrais emplois, durables, pérennes et ne nous ingénions pas à créer artificiellement des emplois. Telle est notre position, qui est tout à fait logique. Nous sommes en complète rupture dans cette affaire, madame la ministre, je le dis clairement, et je voterai l'amendement de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-25 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant, l'une, de la commission des finances et, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 32:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 219
Contre 99

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

Titre V. - « Autorisations de programme, 61 420 000 francs ;