M. le président. M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la disparité des taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables au secteur de la restauration.
En effet, actuellement, les ventes à consommer sur place, qui caractérisent essentiellement la restauration classique - libre-service ou traditionnelle - sont assujetties au taux normal de 20,6 % alors que les ventes à emporter, majoritairement réalisées par la restauration rapide, sont assujetties au taux de 5,5 %.
Ces distorsions fiscales ont des conséquences multiples au niveau de la concurrence européenne, puisque huit Etats de l'Union européenne appliquent déjà un taux réduit unique, au niveau de l'emploi, puisque cette disposition freine le potentiel de développement de ces petites entreprises qui sont pourtant les plus utilisatrices de main-d'oeuvre, mais également au niveau culturel, puisque c'est la restauration classique, composante à part entière de notre patrimoine culturel et touristique, qui est directement touchée.
Il lui demande s'il envisage de remédier à cette regrettable situation. (N° 51.)
La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur la distorsion fiscale qui existe au regard des régimes de TVA applicables aux différents modes de restauration.
Ainsi que vous le savez, les ventes à consommer sur place, qui caractérisent essentiellement la restauration classique, qu'elles soient proposées en libre-service ou de manière plus traditionnelle, sont assujetties au taux normal de TVA à 20,6 % alors que les ventes à emporter, qui sont majoritairement réalisées par la restauration rapide, sont assujetties au taux de 5,5 %.
Le secteur des cafés, hôtels, restaurants, est fragilisé. Je prendrai pour illustrer mon propos deux exemples. Tout d'abord, le nombre des défaillances d'entreprises de restauration a été multiplié par une fois et demie en dix ans, entre 1985 et 1995. Par ailleurs, l'indice du chiffre d'affaires en volume en 1996 par rapport à l'année 1990 accuse un repli de 25 %.
Toutefois, ce secteur emploie quand même dans notre pays plus de 800 000 actifs, dont 600 000 salariés.
Dans ce contexte, le taux différencié de TVA pénalise les entreprises traditionnelles qui sont les plus utilisatrices de main-d'oeuvre, freinant leur potentiel de développement et rendant ainsi impossible toute perspective de nouvelles embauches.
Au mois de janvier dernier a été publié un sondage réalisé par l'institut Gallup pour la Confédération des associations nationales de l'hôtellerie, de la restauration, des cafés de l'Union européenne. Il met en évidence des éléments de comportement des professionnels de ce secteur qui ne peuvent que nous inciter à envisager un taux unique réduit.
En effet, 31 % des restaurateurs affirment qu'ils répercuteraient intégralement la baisse du taux de TVA sur leurs prix et 51 % d'entre eux la répercuteraient partiellement.
Par ailleurs, 84 % estiment que l'application d'un taux réduit augmenterait leur volume d'activité et 65 % pensent qu'elle augmenterait par la suite le nombre de leurs employés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons tous que la préoccupation première des Français et du Gouvernement est l'emploi. Le Gouvernement a pris déjà nombre de mesures depuis la rentrée parlementaire illustrant sa détermination en ce domaine. Il n'en demeure pas moins que la relance des activités des entreprises de restauration permettrait la création de nombreux emplois et aurait des incidences directes sur d'autres filières comme les produits de qualité.
La restauration traditionnelle est l'un des fleurons de notre patrimoine culturel et touristique, et notre département, la Gironde, en est une belle illustration : nous avons besoin de ces restaurants de qualité. Si les conditions d'existence de ce secteur ne changent pas, je crains que nous n'assistions à un développement de la restauration rapide avec un déclin progressif de la restauration traditionnelle.
Il semble qu'il y ait, au niveau européen, une réelle prise de conscience de ce problème, puisque le commissaire chargé de la fiscalité envisage une expérience pilote « pour stimuler la création de petits emplois » ; les pays de l'Union européenne intéressés pourraient obtenir l'autorisation d'appliquer un taux réduit de TVA à certains secteurs de services, en particulier pour les petites entreprises de restauration. Cet encouragement fiscal permettrait notamment « la récupération d'activités confinées dans l'économie au noir ».
Par ailleurs, le 10 juin dernier, le Parlement européen s'est prononcé en faveur d'un taux unique de TVA pour la restauration et, d'une manière générale, pour toutes les prestations à forte intensité de main-d'oeuvre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ces projets trouvent-ils un écho favorable au sein du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, la différence de taux de la taxe sur la valeur ajoutée que vous signalez entre la restauration et certaines ventes à emporter est un sujet qui a fait l'objet, comme vous le savez, de discussions nombreuses dans un passé récent.
Je commencerai, si vous le permettez, par examiner les deux voies possibles.
La première consisterait, comme vous le proposez, monsieur le sénateur, à abaisser le taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à la restauration, c'est-à-dire 20,6 %, pour l'aligner sur celui qui est applicable aux ventes à emporter, soit 5,5 %.
Mais cette solution n'est pas possible à l'heure actuelle. En effet, la directive européenne du 19 octobre 1992 relative au rapprochement des taux de taxe sur la valeur ajoutée prévoit que les Etats membres qui, au 1er janvier 1991, appliquaient le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée à la restauration doivent continuer à l'appliquer.
Seuls les Etats membres qui, à cette date, soumettaient la restauration au taux réduit ont ainsi été autorisés à la maintenir à titre transitoire.
A moins d'un changement, cette voie est donc sans issue sur le plan communautaire. Au demeurant, son coût budgétaire serait élevé, de l'ordre de 20 milliards de francs.
La seconde voie consisterait, à l'inverse, à porter le taux applicable aux ventes à emporter de 5,5 % à 20,6 %. Cette voie est compatible avec le droit européen, mais elle pose deux problèmes.
Tout d'abord, le taux de 5,5 % concerne une variété de situations. Ce taux vise les ventes de produits alimentaires ou de plats préparés effectuées par les traiteurs, les fast-foods, les sandwicheries, etc. Il ne serait donc pas possible de limiter cette mesure aux seules ventes faites par les fast-foods.
Ensuite, cette mesure, qui se traduirait inévitablement par une augmentation des prix, pénaliserait la clientèle, qui est plutôt constituée de jeunes et de personnes de condition modeste.
Dès lors, le Gouvernement ne souhaite pas s'engager dans cette voie, pas plus que vous, j'imagine, monsieur le sénateur. Mais les textes de Bercy ont une saveur qui leur est propre et que je ne saurais vous celer ! (Sourires.)
Le Gouvernement le souhaite d'autant moins qu'elle m'apparaît, en tout état de cause, comme une mauvaise réponse à une bonne question.
En fait, la restauration et la vente à emporter sont deux opérations différentes, et il n'est pas anormal qu'elles soient soumises à des taux de taxe sur la valeur ajoutée différents.
En revanche, il faut éviter que des établissements ne bénéficient du taux réduit pour des ventes de plats à emporter qui seraient, en fait, consommés sur place. Il y aurait là une source de distorsion de concurrence, au détriment des restaurateurs, qui serait inacceptable.
Aussi, M. Sautter a demandé à ses services de veiller à ce que le taux réduit soit exclusivement appliqué aux seules opérations de vente à emporter, tout particulièrement dans les établissements qui procèdent à la fois à des ventes à emporter et à des ventes à consommer sur place. Des contrôles seront effectués, et si des abus sont constatés ils seront sanctionnés.
En tout état de cause, monsieur le sénateur, je puis vous assurer que les pouvoirs publics sont attentifs à la situation de la restauration française et qu'ils veilleront à ce que le secteur bénéficie de conditions équitables pour l'exercice de son activité.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ce qui était, je crois, votre première prestation au Sénat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Je vous remercie à mon tour. C'est la raison pour laquelle j'étais un peu intimidé.
M. Bernard Dussaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le secrétaire d'Etat, bien sûr, je prends acte de la volonté des pouvoirs publics non pas d'harmoniser les taux de TVA - j'ai bien compris que c'était difficile - mais de faire appliquer la loi, ce qui est très difficile aussi, surtout lorsque, au sein d'un même établissement, deux taux de TVA sont en vigueur ; les McDonald's en sont un exemple évident.
La seconde voie que vous avez indiquée ne me paraît pas souhaitable, car il est évidemment hors de question de porter le taux de TVA applicable aux ventes à emporter à 20,6 %.
Je souhaite néanmoins que toutes les pistes soient explorées afin que l'on parvienne à un maximum d'égalité dans ce domaine.

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