(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur l'agriculture.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Rigaudière.
M. Roger Rigaudière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que nous en avons pris l'habitude depuis longtemps, tout débat parlementaire national sur l'agriculture est dominé, dans une large mesure, par des considérations sur la politique agricole commune initiée à l'échelon européen.
Notre discussion aujourd'hui n'échappe pas à la règle puisque l'Agenda 2000 de la Commission de Bruxelles - surnommé, abusivement sans doute, « paquet Santer » - introduit une réforme en profondeur de la politique agricole commune, qu'il s'agisse de ses objectifs, de ses mécanismes ou de son mode de gestion.
Cette réforme pourrait être louable dans ses ambitions mais elle officialise, en matière de soutien communautaire, une logique qui risque d'être préjudiciable à des catégories entières de productions, et donc d'exploitations et de régions agricoles.
Elu d'un département du Massif central, le Cantal, situé au coeur du bassin allaitant, je souhaiterais plus précisément me faire l'écho de la vive inquiétude que suscitent d'ores et déjà dans le milieu de l'élevage bovin traditionnel les perspectives d'une mise en oeuvre de la nouvelle politique agricole commune.
Nous savons tous que l'objet central de la réforme est de consolider la place de l'Union européenne comme grande puissance exportatrice de produits agricoles, et, dans le contexte de totale ouverture des économies et de mondialisation des marchés au sein duquel nous évoluons désormais, nul ne peut mettre en doute l'opportunité d'un tel objectif.
Afin d'y parvenir, il est prévu de supprimer progressivement les soutiens au prix en « laissant filer » ceux-ci à la baisse - moins 30 % pour la viande de boeuf, moins 20 % pour les grandes cultures et moins 10 % pour le lait - le but étant naturellement de garantir la compétitivité de nos produits sur les marchés, tant européens qu'extérieurs à l'Union, et de se trouver ainsi en position de force lorsque débuteront les futures négociations de l'Organisation mondiale du commerce.
On attend en particulier de la baisse des prix le maintien d'un niveau suffisant de protection aux frontières en cas de nouvelles diminutions des tarifs douaniers ainsi qu'une atténuation de la contrainte à l'exportation, puisque les volumes exportés sans restitutions devraient normalement augmenter.
Cette logique paraît limpide et bénéfique et, pourtant, à y regarder de plus près, ce pari de la compétitivité n'est pas sans risque.
Ainsi, même dans un contexte de forte baisse des prix, il est difficile de tabler avec certitude sur une expansion notable de nos exportations vers l'Asie, car les marchés asiatiques, cible avouée de notre effort exportateur à venir, sont une chasse gardée des Etats-Unis et de l'Australie.
Si l'on considère la question des productions exportables et que l'on prend l'exemple précis du lait, il y a également fort à parier que la baisse du prix d'intervention envisagée ne soit pas suffisante pour que l'on puisse exporter sans restitutions, ce qui bridera, de fait, l'effort à l'exportation.
Pour ce qui est du marché intérieur européen, et en considérant maintenant le cas de la viande rouge, il n'est pas certain que la consommation progresse dans les proportions attendues, dans la mesure où les baisses de prix à la production risquent d'être annulées par les coûts des intermédiaires, à savoir les industriels et les distributeurs. Autrement dit, ce n'est donc pas nécessairement au consommateur que bénéficieront ces baisses.
On pourrait citer d'autres exemples qui montreraient, eux aussi, qu'en réalité la logique de baisse des prix est sujette au doute et rend dès lors moins évident l'objectif de compétitivité accrue de nos produits sur les différents marchés.
Mais, ces observations étant faites, je tiens surtout à mettre l'accent sur les vives préoccupations que m'inspire la logique même du « paquet Santer » pour l'agriculture, à savoir l'articulation envisagée entre action sur les prix et soutiens directs.
Comme nous le savons tous, l'idée centrale de la réforme de la politique agricole commune consiste à compenser les baisses de prix consécutives à la « mise en veilleuse » des mécanismes de compensation par des hausses des aides directes versées aux exploitants pour les différents types de productions : en un mot, on attend de ce rééquilibrage le maintien du revenu des agriculteurs.
De fait, les hausses envisagées pour les aides sontsubstantielles, notamment dans le secteur de la viande bovine. Ainsi la prime au maintien du troupeau allaitant et la prime spéciale bovin mâle doivent augmenter de façon notable, et une prime ainsi qu'une aide directe à la vache laitière pourraient faire leur apparition.
A première vue, nous sommes là en présence de garde-fous, susceptibles d'éviter aux éleveurs de faire les frais des baisses de prix sur les marchés.
En réalité, cependant, ce nouveau dispositif risque de s'avérer hautement préjudiciable à certaines catégories de productions - l'élevage bovin extensif en particulier - et, par voie de conséquence, à des zones géographiques entières spécialisées dans ces productions.
Le grand danger contenu dans les propositions de l'Agenda 2000 est, en effet, qu'elles visent à réduire la politique agricole commune à une politique des revenus réalisée au moyen d'aides de plus en plus découplées et uniformes, au mépris de la diversité des systèmes de production et des spécificités territoriales.
En m'efforçant de rester le plus bref possible, je préciserai ma critique à travers trois remarques.
Tout d'abord, est-il besoin de rappeler, alors que ce fait très simple avait déjà été dénoncé lors de la réforme de 1992, que le découplage entre l'acte de prodution et le revenu engendre une logique d'assistanat social qui, psychologiquement, est très mal vécue par les exploitants ? Il est, en effet, humiliant de ne plus réellement vivre des fruits de son travail.
Par ailleurs, on sent bien dans ce découplage entre un acte productif vidé de son sens et la source du revenu une forme de hiatus économique relativement pernicieux. Qu'arrivera-t-il en effet, avec ce système de soutien du revenu par les aides directes, le jour où les prix, abandonnés sans correctifs à la stricte logique du marché, s'effondreront pour une raison ou pour une autre ?
En pareil cas, on ne pourra pas apporter de compensation immédiate et adaptée à travers les aides directes, dont la fonction « naturelle » est de soutenir et d'orienter les productions, et non de réagir aux baisses de prix. Il faut pour cela une souplesse et une réactivité que possédaient les mécanismes d'intervention sur les prix et les marchés, mais dont sont dépourvues les aides directes, tout simplement parce qu'elles ne sont pas faites pour cela.
Bref, on se trompe de levier économique quand on prétend affecter ces aides à une politique des prix, et cela peut être un piège dangereux pour les agriculteurs, qui risquent de voir leurs revenus en pâtir.
Enfin et surtout, le « paquet Santer », en conférant aux aides directes la fonction de maintenir le revenu qui ne devrait pas être la leur, débouche logiquement sur une uniformisation et une forme d'évolution de ces aides qui me paraissent menaçantes.
C'est ainsi que, pour l'élevage, une aide identique serait instaurée pour les vaches laitières et allaitantes, sans que soient prises en considération les conditions réelles de production et, en particulier, la zone géographique dans laquelle se situe l'exploitation.
De plus, la nouvelle répartition des soutiens directs pénalise le cheptel allaitant en réorientant la production vers l'engraissement des mâles, qu'ils soient issus du troupeau allaitant ou du troupeau laitier. L'activité d'engraissement pouvant être beaucoup plus importante, en quantité, au sein du troupeau laitier, c'est sur ce dernier que vont se concentrer les primes. Or, il est douteux que cette orientation soit toujours justifiée, notamment dans le cas de l'élevage laitier intensif.
L'activité de naissage, qui compte beaucoup dans les systèmes extensifs, est oubliée dans cette réorientation des soutiens.
Au total, le nouveau dispositif privilégie clairement les systèmes d'élevage intensifs et industriels ainsi que la viande issue du troupeau laitier.
L'élevage allaitant extensif, pourtant vital dans des zones entières telles que le Massif central, fait figure de sacrifié.
Je crois que l'on mesure bien, à travers cet exemple, les distorsions introduites par la nouvelle logique de la PAC. En l'occurrence, les aides directes sont partiellement détournées de leur vocation initiale, qui était d'apporter un soutien adapté, différencié et important à certaines productions afin de corriger les aléas liés aux structures d'exploitation et au territoire.
Cette approche, qui définit la politique agricole au plein sens du terme, se trouve aujourd'hui remise en question.
Bien entendu, j'espère qu'il est encore temps d'infléchir différemment les orientations du « paquet Santer », en réaffirmant l'importance du lien entre productions et territoire et en en tirant les conséquences pour l'affectation des aides.
Ce lien entre production et territoire est un lien de dépendance réciproque, le territoire, pour continuer à vivre, ayant besoin de voir son activité de production dominante soutenue et encouragée. A l'inverse, l'activité de production ne peut demeurer viable que si sont activement prises en compte les spécificités du territoire où elle s'exerce. Il ne peut y avoir de politique agricole digne de ce nom sans cette vision globale des problèmes.
Cette interdépendance est évidente dans le cas du grand bassin allaitant, dont le sort est lié à celui de l'élevage bovin, et réciproquement.
Il n'est pas abusif en effet de considérer que la survie du bassin allaitant est liée au dynamisme de l'élevage bovin, car celui-ci, bien souvent, y représente la seule activité viable et anime, en aval, un pan entier de la vie économique en faisant entrer en jeu de nombreux intervenants, des entreprises de négoce aux ateliers de découpe, en passant par les activités de transformation et de distribution, les marchés aux bestiaux et les abattoirs.
L'affaiblissement de cette filière économique ne manquerait pas de se traduire rapidement par une accélération des phénomènes de désertification du Massif central et d'ailleurs.
Aussi y aurait-il quelques contre-propositions réalistes à opposer à l'Agenda 2000 pour la sauvegarde de la filière bovine traditionnelle. Je n'en citerai que quelques-unes : d'abord, le maintien de prix élevés, dussent-ils, pour cela, être à nouveau garantis ; ensuite, le renforcement des outils de gestion publique des marchés, qu'il s'agisse des mécanismes d'intervention ou de la gestion des droits à produire ; enfin et surtout, la reconnaissance du rôle spécifique de primes telles que la prime au troupeau allaitant, la prime spéciale bovin mâle et l'instauration d'une prime de base à l'hectare qui ne serait accordée que pour les surfaces supportant une production.
Cette logique qui, pour l'élevage bovin à l'herbe, fait référence à un niveau de chargement à l'hectare a déjà été introduite dans les mécanismes de soutien, mais elle doit être développée, car elle lie judicieusement production et occupation de l'espace. Pour l'élevage extensif, un critère de chargement à l'hectare oscillant entre 0,3 et 1 UGB semblerait judicieux.
Quant aux autres mesures à prendre, qu'elles s'inscrivent ou non dans le périmètre d'action du « paquet Santer », elles illustrent, cette fois, la dépendance de la production vis-à-vis du territoire. Autrement dit, ce sont des soutiens spécifiques à apporter au territoire, mais dans l'intérêt bien compris de l'activité productive elle-même.
En l'occurrence, il s'agit pour l'élevage extensif de percevoir les bénéfices d'une politique d'atténuation des handicaps menée en faveur des zones de montagne et des zones défavorisées.
Ainsi, il semblerait indispensable de maintenir la prime à l'herbe, voire de revaloriser son montant afin de compenser les contraintes environnementales nouvelles.
Il faut également veiller à ce que les soutiens du type indemnité spéciale de montagne conservent leur vocation spécifique et ne soient donc pas noyés dans un ensemble de simples mesures agri-environnementales.
Plus généralement enfin, il ne faudrait surtout pas que nous assistions à un début de démantèlement de la politique rurale de l'Union européenne - je songe notamment à la diminution d'un tiers de la superficie du zonage 5b - pas plus qu'à une remise en cause des objectifs qui ont sous-tendu jusqu'à présent la politique de la montagne. En disant cela, je me réfère au tout nouveau concept écologique de « zone à haute valeur naturelle », qui prendrait éventuellement le pas sur la notion traditionnelle et économique de « handicaps géographiques » qui, elle, a fait ses preuves.
En conclusion, monsieur le ministre, je dirai que le scepticisme que m'inspire la nouvelle réforme de la politique agricole commune n'est en rien dicté par une conception frileuse ou conservatrice du devenir de notre agriculture.
Comme nombre de mes collègues qui partagent mes interrogations, je suis tout à fait partisan d'une agriculture moderne et performante, compétitive sur les marchés et dynamique à l'exportation.
Simplement, je souhaite que cette agriculture continue à être bien répartie dans l'espace naturel de notre pays, que son développement demeure harmonieux d'une branche à l'autre, que sa gestion continue à intégrer des exigences liées à l'aménagement du territoire, au développement rural et aux zones fragiles, et, enfin, que ses productions satisfassent les aspirations de nos concitoyens en matière de qualité, d'authenticité et d'environnement.
Je tenais à vous dire, monsieur le ministre, que je trouve encourageantes vos déclarations récentes sur les propositions de la Commission relatives à la viande bovine. En effet, vous avez jugées ces propositions « très déséquilibrées au détriment de l'élevage extensif, allaitant et spécialisé », et vous vous êtes déclaré favorable à une « prime liée au sol ».
Pour l'ensemble des raisons que j'ai exposées, nous resterons, pour notre part, très vigilants, et nous jugerons de l'efficacité réelle du Gouvernement à travers sa capacité à faire entendre à Bruxelles vos propres arguments, que je viens de citer. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Pourchet.
M. Jean Pourchet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je reviens sur un projet qui a déjà été discuté, en évoquant d'abord la mise aux normes des bâtiments d'élevage. Je rappellerai que les éleveurs sont aujourd'hui massivement engagés dans le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
Le schéma de financement du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole a placé un sixième des dépenses à la charge de l'Etat, un sixième à la charge des collectivités locales, un tiers à la charge des agences de l'eau et, enfin, un tiers à la charge des éleveurs. Les spécifications imposées, voire excessives, ont conduit à un coût élevé des travaux.
Dans la réalité, les éleveurs sont conscients du fait qu'ils supportent largement plus du tiers du coût des travaux, compte tenu des plafonds de financement et de la non-prise en compte de tous les travaux contribuant à la protection de l'environnement.
Mais il importe aussi de mettre en place une règle dite de réciprocité, visant à limiter, voire à interdire l'implantation de maisons d'habitation à moins de cent mètres des exploitations agricoles, afin de favoriser une bonne cohabitation entre les agriculteurs et leurs voisins. En effet, si les agriculteurs sont contraints de respecter une distance minimale par rapport aux habitations pour l'édification de leurs bâtiments, la réciproque n'est pas obligatoire, et l'on accorde encore des permis de construire pour des habitations qui seront situées à proximité de bâtiments agricoles, le constructeur profitant des équipements et des réseaux desservant l'exploitation. Cela fait naître des litiges entre les agriculteurs et leurs voisins, en raison des nuisances créées par les bâtiments d'élevage.
Au moment où les éleveurs font des efforts sans précédent dans le cadre du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, la mise en place d'un dispositif contribuant à limiter les recours contentieux, tout en garantissant le maintien des exploitations, paraît essentielle.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous voudrez bien m'apporter sur ce point.
Par ailleurs, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même observons avec satisfaction que le Gouvernement a répondu à l'attente des organisations agricoles, tout au moins en partie, s'agissant des retraites les plus faibles.
Ainsi, vous avez fait adopter par l'Assemblée nationale, le 23 octobre dernier, lors de l'examen du projet de budget de l'agriculture pour 1998, un amendement qui est la traduction budgétaire de la revalorisation de certaines pensions agricoles au 1er janvier prochain. Les conjoints ayant travaillé sur l'exploitation, les anciens aides familiaux et ceux d'entre eux qui ont été chefs d'exploitation pendant quelques années seulement en bénéficieront.
Si notre priorité, comme celle des organisations agricoles, va aux conjointes, aux veuves retraitées, aux anciens aides familiaux et aux plus âgés parmi les anciens exploitants qui ont aujourd'hui les plus faibles droits, l'objectif est néanmoins qu'un agriculteur retraité, qui a cotisé toute sa carrière au régime des non-salariés agricoles, bénéficie d'une pension au moins égale à 75 % du SMIC, ce qui représenterait 3 778 francs par mois.
Certains ont dit tout à l'heure qu'il s'agissait d'une somme importante, mais combien cela représente-t-il par rapport aux 35 milliards de francs inscrits pour l'augmentation du SMIC ou au 0,5 % accordé à la fonction publique ?
Cette pension est indispensable pour ceux qui ont travaillé cinquante ans. En effet, ceux qui prennent leur retraite aujourd'hui ont commencé leur vie active à l'âge de quinze ans, parfois même avant, pour la cesser à soixante-cinq ans, voire au-delà, compte tenu de la faiblesse de leur retraite.
Il reste donc encore beaucoup à faire, et je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre l'engagement devant notre Haute Assemblée que la loi d'orientation agricole, prévue pour le printemps prochain, retiendra cet objectif qui relève de la dignité collective de la nation. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le ministre, après avoir entendu vos propos sur la présentation du budget de l'agriculture et de la pêche, je voudrais dire combien je ne partage pas votre optimisme. Une véritable volonté politique se manifeste par des crédits en forte progression, ce qui n'est pas le cas pour certains secteurs de ce budget.
M. Bernard Piras. Ce n'est pas ce que le président François-Poncet a dit ce matin en commission !
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le ministre, vous avez placé ce budget dans le contexte de la réforme de la PAC, ce qui paraît bien naturel, mais dans le même temps, vous avez évoqué les orientations qui sont données par la Commission européenne. Elles sont souvent contradictoires avec vos objectifs ; nous devons réaffirmer à haute voix la spécificité de l'agriculture française dans l'Europe. Les régions en voie de désertification sont des régions d'élevage extensif. Comment, avec une baisse de 30 % du prix d'orientation, pouvons-nous espérer maintenir des éleveurs et installer des jeunes agriculteurs ?
M. René-Pierre Signé. Cela n'a pas encore été accepté !
M. Jean-Paul Emorine. Il faut envisager des aides aux surfaces en herbe. Pour la simplification des dossiers - c'est une de mes suggestions - ...
M. Bernard Piras. Nous menons le même combat !
M. Jean-Paul Emorine. ... les primes pour les vaches allaitantes et les bovins mâles pourraient être globalisées en fonction du nombre d'UGB sur l'exploitation, et surtout au regard du livre des bovins. Parmi vos priorités, vous évoquez l'installation des jeunes et de jeunes hors cadre familial, mais vous faites valoir l'importance des capitaux nécessaires à leur installation, capitaux qui n'auront qu'une faible rentabilité mais qui sont indispensables à leur installation. Les études prévisionnelles d'installation font souvent apparaître de lourds investissements, pour dégager un salaire disponible souvent inférieur au SMIC. A partir du moment où des jeunes pourront avoir comme perspective un meilleur revenu, ils s'installeront. Mais pour cela, il faut redéfinir les conditions de transmission des exploitations, de financement à taux préférentiel ; aujourd'hui, les marchés financiers nous le permettent.
Pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, je souhaiterais que le dispositif de préretraite soit reconduit uniquement pour les agriculteurs qui cèdent leur exploitation à des jeunes voulant s'installer ou qui sont installés depuis moins de cinq ans,...
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Jean-Paul Emorine. ... la participation de l'Union européenne représentant 50 % du coût de la préretraite. En ce qui concerne les retraités agricoles, vous devriez prendre davantage en compte le rôle qu'ils ont assuré dans le cadre de l'aménagement de l'espace rural, et faire en sorte que la revalorisation des plus petites retraites atteigne celle des autres secteurs.
Monsieur le ministre, vous avez exprimé votre volonté de donner les moyens financiers nécessaires à l'aménagement de l'espace rural. Le Fonds de gestion de l'espace rural pourrait être un financement très appréciable, pour les agriculteurs mais aussi pour les collectivités locales. La dotation de 140 millions de francs n'est pas significative de votre volonté.
M. Aubert Garcia. C'est mieux que zéro franc l'an dernier !
M. Jean-Paul Emorine. Dans le cadre de la loi de 1995 relative à l'aménagement et au développement du territoire, la dotation initiale s'élevait à 500 millions de francs, ce qui semble un montant minimal pour atteindre l'objectif que vous vous fixez.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire une proposition sur la mise en oeuvre du Fonds de gestion de l'espace rural. Ce fonds a été institué à la demande de la profession agricole et il doit être utilisé pour améliorer les conditions d'exploitation et d'entretien de nos espaces ruraux. Les agriculteurs doivent être prioritaires, ce que je conçois naturellement. En revanche, les collectivités locales, maîtres d'ouvrage, peuvent faire réaliser les travaux par des agriculteurs, mais souvent, s'agissant de l'entretien de chemins d'exploitation, ces travaux ne peuvent être réalisés par des agriculteurs, bien qu'il visent à améliorer les conditions d'exploitation.
Monsieur le ministre, compte tenu de cette difficulté, les collectivités locales ne pourraient-elles pas confier ce type de travaux à des entreprises ?
En 1994, les débats sur l'aménagement et le développement du territoire ont bien mis en lumière les liens profonds qui unissent nos concitoyens au monde rural. On peut mesurer chaque jour le poids grandissant des activités agricoles et agroalimentaires en termes d'équilibre de la balance extérieure, de maintien de l'emploi ou de préservation de l'environnement.
Quel secteur autre que l'agriculture occupe plus de 80 % du territoire national, tout en représentant, avec ses activités en amont et en aval, 16 % des emplois et en dégageant un excédent commercial supérieur à 50 milliards de francs ?
Existe-t-il un autre domaine d'activité qui symbolise tout à la fois les valeurs permanentes de notre société et les avancées de la construction européenne ?
Aujourd'hui, l'agriculture française est confrontée à une situation difficile. Elle doit s'adapter à la politique agricole commune et aux accords du GATT. Nos producteurs agricoles et nos industriels du secteur agroalimentaire doivent impérativement augmenter leurs parts de marchés dans un monde où la concurrence se fait chaque jour plus vigoureuse.
Tous éprouvent de multiples incertitudes, celles qu'entraîne le prochain élargissement de l'Union européenne, celles qu'inspire l'évolution des marchés agricoles mondiaux.
Mais - c'est là ma conviction profonde - notre secteur agricole et agroalimentaire dispose de ressources considérables qui doivent l'aider à affronter les enjeux d'avenir. Sa principale richesse, ce sont ces hommes et ces femmes qui, par leur créativité et leur ténacité, ont permis en agriculture une augmentation de la productivité et fait de notre pays le deuxième exportateur agroalimentaire mondial.
Notre pays, à travers ses régions, est riche d'histoire, de traditions et de savoir-faire. Les agriculteurs doivent pouvoir profiter au maximum du fruit de leur travail. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RSPE.)
M. René-Pierre Signé. C'est très bien, mais il a oublié le budget de l'année dernière !
M. le président. La parole est à M. Belcour.
M. Henri Belcour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat pour lequel nous sommes réunis aujourd'hui intervient avant d'autres rendez-vous importants pour le monde agricole : l'examen futur par notre assemblée du projet de budget pour l'agriculture, puis du projet de loi d'orientation agricole, sur lequel vous travaillez sans doute actuellement, monsieur le ministre.
Certains pourraient donc être tentés de qualifier le présent dialogue de redondant. Il est, cependant, non dénué d'intérêt, car il permet au Sénat de dresser un constat de la situation dans laquelle se trouve notre agriculture, de faire le point et de dégager ensemble des perspectives d'action pour l'avenir.
Notre pays jouit à la fois d'une vocation agricole qu'il convient de confirmer sans complexe et de solides atouts qu'il nous appartient de sauvegarder avec détermination.
On ne peut néanmoins passer sous silence la crise d'identité qui agite parfois le milieu paysan, sème le trouble et laisse encore et toujours de nombreuses questions sans réponse.
Cette crise revêt, en fait, plusieurs formes.
Tout d'abord, le modèle de développement, tel qu'il a été défini par les lois d'orientation du début des années soixante, après avoir connu des années de succès remarquables, tend à s'essouffler. Alors que des efforts de productivité sont consentis sans cesse, le revenu diminue.
La politique agricole commune, quant à elle, bien qu'incontournable, est parfois perçue plus comme un handicap que comme un atout. Plus globalement, le monde rural sent le décalage entre lui et les villes s'accentuer, en même temps qu'il voit s'accroître la distance entre le terroir et les centres de décision, qu'ils soient nationaux, communautaires ou internationaux.
Au total, les agriculteurs peuvent apparaître à certains moments désorientés, voire démobilisés, faute d'un véritable projet fédérateur pour leur avenir. Je ne mettrai pas là en cause leurs organisations professionnelles, dont le dynamisme reste exemplaire.
Il faut toutefois reconnaître que les difficultés sont nombreuses, que le monde agricole s'avère, pour employer une expression très usitée ces temps-ci, « pluriel » et que, par voie de conséquence, les remèdes miracles sont loin d'être aisés à définir et à appliquer.
Je me bornerai donc, dans mon propos, à évoquer quelques questions en suspens dont la résolution me paraît de plus en plus urgente. Mais je m'efforcerai d'avancer en même temps, au nom de mon groupe politique, des propositions d'action.
En tout premier lieu, et bien que certains de mes collègues s'y soient déjà attardés, je veux revenir sur le volet agricole contenu dans le document d'orientation présenté par le président de la Commission de l'Union européenne, plus communément appelé « Agenda 2000 ».
Il est en effet difficile de ne pas aborder ce sujet à l'approche du Conseil européen prévu au Luxembourg, les 12 et 13 décembre prochain, alors que se préparent les négociations de la future Organisation mondiale prévue pour dans deux ans.
Même si l'on est attaché à la préférence communautaire, comment ne pas se montrer inquiet de ce qui est proposé dans le « paquet Santer » ?
On peut, certes, concevoir que l'affectation de 51 % des crédits européens à l'agriculture peut représenter une lourde charge ; quoi qu'il en soit, on ne saurait accepter sans conditions tout infléchissement en la matière.
Les réformes envisagées pour la politique agricole commune semblent en effet ignorer les exigences particulières de l'élevage en zone herbagère.
L'élevage peut apparaître d'emblée défavorisé par rapport aux autres productions soumises aux organisations communes de marché, pour lesquelles les aides compensatoires à l'hectare sont beaucoup plus élevées.
C'est pourquoi l'Etat a judicieusement mis en place une prime à l'herbe, de manière à participer à la rentabilité des élevages dans les zones réputées difficiles.
Il en est ainsi de mon département, qui, situé à la lisière du Massif central, bénéficie d'une réputation de qualité en matière de production agricole. Grâce à ses élevages de tradition, comme celui des veaux de lait élevés sous la mère, à son industrie laitière et fromagère connue dans le monde entier, cette région s'efforce de répondre encore mieux aux exigences du marché, avec la mise en place de garanties d'origine et le développement de produits biologiques, tout cela en respectant, bien sûr, l'environnement.
C'est pourquoi, à une période où l'on parle plus que jamais de qualité des produits, sur les plans tant gastronomique que sanitaire, il convient de maintenir et d'encourager l'élevage traditionnel, en raison de son rôle à la fois économique et environnemental.
Les organisations professionnelles comme les chambres d'agriculture ont d'ores et déjà procédé à des simulations. Selon elles, le nouveau dispositif envisagé signifierait une perte évaluée entre 1 000 francs et 1 200 francs par tête de bétail, soit environ 40 000 à 50 000 francs pour une exploitation corrézienne moyenne.
Les responsables agricoles ont des propos clairs et nets ; selon eux, l'application en l'état des propositions prévues dans Agenda 2000 constituerait « un véritable désastre ». Aussi attendent-ils instamment de vous, monsieur le ministre, des garanties concernant la pérennisation de la prime à l'herbe, d'une part, mais aussi et surtout un infléchissement des propositions contenues dans le « paquet Santer », d'autre part.
Il ne faut donc pas que le Gouvernement français relâche son soutien et ses actions en faveur de ses agriculteurs. C'est pourquoi nous aimerions savoir quelle attitude vous adopterez lors de ces négociations, monsieur le ministre.
Après les activités, j'en viens à présent aux acteurs, ces hommes et ces femmes auxquels nous devons, grâce à leurs années de labeur infatigable, la place qu'occupe aujourd'hui notre agriculture sur la scène internationale.
Et pourtant, la situation dans laquelle se trouvent les retraités agricoles est - il faut le dire - inadmissible. Qu'on en juge par le montant des pensions, à savoir 2 190 francs par mois en moyenne pour un ancien chef d'exploitation, tandis que l'épouse percevra, elle, 1 147 francs dans les mêmes conditions. La disparité avec les autres catégories socioprofessionnelles est, en ce domaine, plus que flagrante. Peut-on, de nos jours, vivre avec 1 147 francs par mois, même si c'est à la campagne ?
Je prends la Haute Assemblée à témoin ; il s'agit avant tout d'une affaire de dignité, et il est grand temps de porter remède à cette injustice.
Certes, il convient de le rappeler, des efforts ont été consentis par les deux gouvernements précédents. Ce sont ainsi quelque 2,8 milliards de francs en année pleine qui ont été apportés pour revaloriser les retraites agricoles, que ce soit pour réévaluer les montants les plus faibles applicables aux chefs d'exploitation en 1994, ou qu'il s'agisse de la réforme des pensions de réversion réalisée grâce à la loi de modernisation agricole de 1995.
Il faut aussi rappeler que le projet de loi d'orientation pour l'agriculture préparé par M. Philippe Vasseur, votre prédécesseur, monsieur le ministre, comprenait, à la demande du Président de la République, un volet relatif aux retraites des agriculteurs. Ce dispositif avait pour objet la revalorisation progressive des plus faibles d'entre elles, de manière à assurer à la fois aux chefs d'exploitation, à leurs conjoints et aux aides familiaux ayant eu une carrière complète un niveau minimum de revenus comparable à ceux des autres secteurs d'activités.
Il n'en demeure pas moins que de nouveaux progrès sont, à l'évidence, encore nécessaires, notamment pour les pensions les plus faibles ou encore pour celles des conjoints d'exploitant.
J'ai déjà eu l'occasion, pour ma part, de vous interroger à ce sujet par la voie d'une question écrite, monsieur le ministre. Vous avez bien voulu m'indiquer que des propositions d'amélioration étaient à l'étude. Une évolution a été lancée par les précédents gouvernements dans ce domaine. Il vous revient, à présent, de poursuivre cet effort de manière à parvenir à une parité véritable entre celles et ceux qui ont travaillé la terre une vie durant et les autres retraités.
Nous venons de le voir, notre agriculture doit énormément à ses anciens. Pour autant, il ne faut pas perdre de vue l'importance particulière des plus jeunes en matière de relève. L'effort en faveur de l'installation de ces derniers est une nécessité impérieuse, tant pour la pérennité de l'agriculture elle-même dans les zones défavorisées que pour l'équilibre du territoire.
Or, malgré les actions mises en oeuvre au cours des dernières décennies, les installations des jeunes en agriculture n'ont cessé de régresser, passant d'environ 33 000, en 1987, à environ 15 000 en 1995. Ce phénomène, s'il perdure, risque d'affecter de manière profonde tout spécialement l'avenir de l'agriculture de terroir par le défaut de mise en valeur de potentialités naturelles susceptibles de créer à la fois de la richesse et des emplois, sans ignorer - c'est important - les conséquences funestes de la désertification sur la vie locale.
On ne peut, aujourd'hui, réfuter l'impact positif du système des préretraites en matière d'installation des jeunes et d'agrandissement des exploitations récemment mises en place.
Ne pourrait-on envisager une reconduction de ce dispositif, notamment en faveur des exploitants en difficulté ?
Tels sont les principaux points que je tenais à évoquer et sur lesquels, je l'espère, monsieur le ministre, vous serez en mesure de nous apporter des orientations concrètes.
Le groupe sénatorial du Rassemblement pour la République, au seuil d'une renégociation des modalités de la politique agricole commune, a perçu, pour sa part, la nécessité pour notre pays de concevoir des décisions urgentes. Il a donc pris l'initiative - l'un de mes collègues l'a dit tout à l'heure - de déposer une proposition de loi afin de répondre aux préoccupations majeures du monde agricole.
Ainsi, conformément à la volonté du Président de la République, qui a demandé, dès 1995, la mise en chantier d'une grande loi d'orientation agricole, le groupe du RPR du Sénat souhaite que des mesures soient rapidement débattues et adoptées afin d'assurer la sauvegarde d'une agriculture française prospère au sein de l'Union européenne.
En matière de transmission des entreprises agricoles, il propose de fixer les objectifs prioritaires des aides financières de l'Etat, qui doivent avant tout aller vers l'installation des jeunes, mais aussi vers la modernisation, le regroupement et la reconversion partielle ou totale des entreprises en vue d'améliorer leur viabilité.
En matière de fiscalité, il est proposé des mesures visant à inciter à l'investissement dans les coopératives agricoles et à alléger les coûts de transmission des exploitations.
Par ailleurs, s'agissant du statut du conjoint d'exploitant agricole, il est envisagé une amélioration du point de vue social, notamment en matière de droit à la retraite proportionnelle.
Une simplification des formalités administratives pour les emplois saisonniers agricoles est également demandée.
Enfin, le groupe du RPR propose de faire de la politique de qualité un élément essentiel des actions dans le domaine agricole et alimentaire.
Je suis persuadé que nous aurons l'occasion de reparler de tout cela ultérieurement, car nous espérons bien voir cette proposition de loi soumise à l'examen de la Haute Assemblée.
L'agriculture ne saurait être pour notre pays un fardeau désuet qu'il serait contraint de supporter. Il faut, pour cela, lui donner les moyens d'une modernisation accrue, afin de mieux l'adapter à la situation de la demande. Mais il est également impératif d'établir de nouvelles relations entre la nation et les agriculteurs, et surtout de redonner espoir à ces derniers.
En réaffirmant son attachement aux valeurs agricoles, notre Haute Assemblée sera particulièrement attentive à votre action dans ce domaine, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le ministre, je veux d'abord vous remercier d'avoir accepté la tenue de ce débat, qui est maintenant traditionnel au Sénat et qui nous a sûrement permis de mieux comprendre les lignes directrices de votre action au ministère de l'agriculture.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan, a, dès le début de la discussion, dit l'essentiel sur ce que sont, pour nous, les perspectives de l'agriculture française dans les années à venir et souligné les inquiétudes qui sont les nôtres. Je n'y reviens donc pas, si ce n'est pour dire que je partage son opinion.
Dès lors, je me contenterai de reprendre quelques points de votre exposé liminaire, en essayant de voir avec vous si vous apportez toujours la réponse adaptée, compte tenu des objectifs que vous affirmez vouloir atteindre.
Vous avez dit en introduction que l'agriculture avait rempli ses objectifs, qu'il y avait eu des lois d'orientation voilà trente-cinq ans et que, aujourd'hui, aux yeux de l'opinion publique, l'agriculture n'apparaissait plus comme créatrice d'emplois. C'est vrai, mais il faut savoir ce que l'on veut : on ne peut pas avoir la meilleure agriculture du monde, la première en matière d'exportation, celle qui a la plus forte croissance et le plus fort gain de productivité de tous les secteurs économiques du pays, tout cela avec des quotas, et, dans le même temps, laisser supposer qu'elle va créer des emplois. Il y a dans tout cela un équilibre.
Notre agriculture est performante dans un périmètre limité : nous ne pouvons donc pas créer d'emplois.
« La production des denrées alimentaires reste l'objectif. » J'en prends acte.
« Il faut un nouveau contrat où équilibre et ouverture devraient être associés. » Equilibre, bien sûr, mais quel équilibre ? S'agit-il de l'occupation équilibrée du territoire ? Dans la pratique, comment le ministère utilise-t-il le Fonds de développement rural ? Qu'avez-vous fait du Fonds d'intervention pour le développement industriel local, le FIDIL ? Avec sa transformation en Fonds d'intervention pour l'aménagement du territoire - FIAT - qu'y avons-nous gagné ?
Nous regrettons la disparition du FIDIL. Ce fonds commençait à faire la preuve de son efficacité tant comme levier d'énergie et des volontés sur le terrain que comme élément mobilisateur des financements locaux.
Que faisons-nous de la prime à l'herbe ? Dans deux mois, ce régime arrive à son terme et nous ne savons pas ce qu'il en sera du nouveau. Etes-vous prêt à le moderniser, à augmenter la dotation, à revoir ses critères d'accès qui sont quelque peu désuets ?
Que faisons-nous de l'indemnité compensatrice des handicaps naturels ?
Quel devenir envisagez-vous pour l'ISM - indemnité spéciale de montagne - pour la mécanisation agricole de la montagne ? Equilibre encore !
« La croissance des exploitations à forme sociétaire est parfois déraisonnable. » Certes, cela peut arriver, mais il faut en discuter, analyser l'évolution de la politique des structures, voire son adaptation par production, par région.
Etes-vous sûr, monsieur le ministre, que, partout, tous les moyens réglementaires qui sont à votre disposition sont utilisés pour conduire une politique des structures correspondant aux objectifs à atteindre ?
Sur l'équilibre, monsieur le ministre, je voudrais que vous repreniez à votre compte une formule d'un dirigeant agricole contemporain qui dit bien ce qu'elle veut dire : « Nous souhaitons une agriculture qui ne soit ni américaine ni tyrolienne. » Entre ces deux pôles, il y a un juste milieu. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que ce soit votre ligne de conduite dans les prochains mois.
Vous nous dites encore qu'il faudra organiser le rapport de forces au sein des filières. C'est vrai et j'y travaille depuis un certain nombre de décennies. Mais, sur le plan réglementaire, sur le plan législatif sommes-nous prêts ? Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à recodifier l'ensemble des mesures d'organisation économique des trente-cinq dernières années, à ouvrir le chantier de la rénovation nécessaire du statut de la coopération agricole ? Etes-vous prêt à reparler de l'économie contractuelle entre les industries agroalimentaires et les productions agricoles, sous l'éclairage nouveau et actuel des rapports entre les industries agricoles de transformation et les distributeurs ?
Par ailleurs, vous insistez - et c'est une formule dont nous avons beaucoup entendu parler au cours des dernières années - sur le fait qu'il faudrait que des jeunes qui ne sont pas issus du milieu agricole s'installent. Bien sûr, tous les gens qui n'ont pas trop réfléchi à cette question vous approuveront, avec beaucoup de générosité, mais je voudrais souligner que le nombre de jeunes concernées ne sera jamais très grand. Je n'ai pas le temps de développer ici ma pensée, mais j'avais affirmé, en 1983, d'une façon sans doute abrupte et un peu caricaturale, je le concède, qu'en agriculture l'avenir des installations était un domaine où brillaient les fils uniques d'agriculteurs riches.
Ces propos sont toujours d'actualité. Si nous voulons installer des jeunes qui ne viennent pas du milieu agricole, il nous faut créer des modalités de transmission des entreprises et d'installation de jeunes ainsi que des conditions fiscales et financières qui n'existent pas aujourd'hui. Alors, parlons de ce que nous connaissons.
Il faudra essayer d'amener à l'agriculture des jeunes qui ne sont pas issus de ce milieu, mais leur nombre ne représentera jamais qu'un pourcentage que l'on pourra compter sur les doigts des deux mains.
Vous nous dites encore, et j'avoue n'avoir pas bien compris le sens de cette expression, que les institutions qui gèrent le monde agricole doivent s'ouvrir. Mon Dieu, pourquoi pas ? Mais si cette formule vise toutes les constructions que notre génération a mises en place pour permettre l'évolution de l'agriculture française et l'amener au niveau qui est le sien aujourd'hui, aussi bien sur le plan économique et social que sur celui des structures, sachez, monsieur le ministre, qu'il faudra, si vous souhaitez ouvrir ces institutions, le faire avec beaucoup de prudence et de doigté, parce qu'elles n'ont pas démérité dans leur forme actuelle et parce que les agriculteurs y sont profondément attachés.
« Renforcer le lien entre la formation et la recherche. » Certes, on ne peut que vous approuver, car cela va de soi dans toute activité qui se développe. Mais l'orientation de l'INRA vous échappe.
Qu'en sera-t-il dans deux mois du programme Aliments demain ?
Pourquoi a-t-on abandonné le programme Agriculture demain ?
Il faudra ajuster les crédits, les actes ou les actions à l'objectif auquel, du reste, je souscris : il nous faut renforcer le lien entre la formation et la recherche. Mais nous n'en prenons pas le chemin.
« Il faut permettre aux produits agricoles de se développer sur des marchés extérieurs. » Vous prêchez des convaincus ! Tous ceux qui croient au développement de l'agriculture exportatrice ne peuvent que vous approuver. Mais cela est-il cohérent avec l'évolution du budget de la SOPEXA ?
Dois-je rappeler que l'industrie agroalimentaire exporte pour 213 milliards de francs, que le solde représente 58,5 milliards de francs, soit 47 % du solde du commerce extérieur français, et que l'on brise un peu les ailes de notre politique à l'exportation ?
Certes, vous nous avez annoncé qu'un audit était en cours. Mais je sais très bien comment les choses vont se terminer : si, au milieu de l'année prochaine, l'audit révélait qu'après tout il était possible de modifier les orientations et de moduler différemment les crédits, ceux qui n'auront pas été inscrits sur les lignes budgétaires de cette année n'existent pas. La SOPEXA disposera ainsi d'un budget amputé de 40 millions de francs : 40 millions de francs sur une dotation de 160 millions de francs, cela représente 25 %. Ce n'est pas ainsi que l'on développe les exportations et que l'on encourage ceux qui exportent.
Vous vous interrogez sur les débouchés des grandes productions. Nous aussi !
Vous êtes inquiet quant aux débouchés de la viande bovine et des céréales. Je partage, avec des nuances, ce sentiment. Je le partage davantage en ce qui concerne la viande bovine que les céréales. Pourquoi ? Parce que, sur le marché mondial des céréales, les prix français sont compétitifs et il existera toujours un marché mondial des céréales.
En revanche, s'agissant de la viande bovine, j'ai de grandes inquiétudes que vous semblez partager. C'est sur ce secteur qu'il faudra faire porter nos efforts.
La viande bovine souffre actuellement de plusieurs handicaps. Je vous en citerai trois.
Premièrement, l'abaissement du prix des céréales dans un espace géographique fermé - c'est le cas en Europe - avantage toujours la viande blanche.
Deuxièmement, la diététique ne va pas dans le sens de l'augmentation de la consommation de viande rouge ; nous perdons chaque année 1,2 à 1,5 % de consommation de viande rouge depuis dix ou quinze ans.
Troisièmement - ce dernier handicap est beaucoup plus grave à mon sens - la filière de la transformation de la viande bovine en France ne se modernise pas assez rapidement. Cette filière n'a pas trouvé son équilibre économique. Il n'existe pas d'adéquation permanente entre ce que nous produisons comme en France et ce que nous consommons. En fait, nous produisons pour exporter et nous importons pour consommer. Il y a là un vrai débat, difficile, mais telle est la réalité de la filière de la viande bovine en France.
Vous avez émis, monsieur le ministre, quelques considérations, que je partage, s'agissant du projet de réforme de la politique agricole commune, qui ne vous convient pas.
Vous avez également évoqué quelques autres filières, notamment la filière lait. S'agissant de cette dernière, des propositions ont été présentées à Bruxelles ; elles sont bonnes, vous les approuvez pour partie. La position de la France sur ce point est maintenant bien connue.
S'agissant de la filière des oléagineux, selon un dossier techniquement et politiquement solide, nous manquons de protéines. Il faut se battre !
A côté de la filière des oléoprotéinagineux, un secteur est en développement, celui des biocarburants.
Quelle est notre politique en matière de biocarburant ? Le diester, c'est du colza transformé.
Que faisons-nous, monsieur le ministre, en matière de biomasse ? J'ai relevé dans le document que vous nous avez envoyé, Cinq ans de crédits publics en agriculture , 5 millions de francs de concours publics pour l'AGRICE en 1996.
Je vous rappelle que la Suède a un plan de développement des biomasses qui assurera, en l'an 2000, 10 % de son énergie. Nous n'en sommes pas là, alors que nous notre agriculture est surabondante et productive.
« Le plafonnement des aides est sur la table ». C'est vrai, nous avons tardé à ouvrir ce dossier. Il faudra replacer les choses dans leur contexte français et, notamment, modifier la fiscalité des exploitations et des entreprises agricoles.
Tous les orateurs l'ont dit avant moi, tout cela est vraiment inquiétant. Il est important que la France, premier pays agricole d'Europe, ait, dans les négociations à Bruxelles, une position de « granit ». C'est votre responsabilité, monsieur le ministre.
J'en arrive au projet de budget de l'agriculture pour 1998. Il s'élevait à 174 milliards de francs. Quand nous en avons pris connaissance, il était un peu supérieur après son examen par l'Assemblée nationale. Je ferai un certain nombre de remarques.
Il apparaît tout d'abord qu'après une longue période marquée par une augmentation des dépenses, conséquence logique de la réforme de la PAC, ces dernières tendent à se stabiliser, voire à décroître.
Il convient aussi de souligner la grande fragilité des chiffres qui nous sont communiqués chaque année et qui donnent lieu, régulièrement, à de très forts réajustements sur lesquels on ne revient pas.
Ainsi en est-il, par exemple, des versements de l'Union européenne au bénéfice de l'agriculture française - soit 69,4 milliards de francs en 1998 - dont le calcul est particulièrement aléatoire.
Enfin, il est nécessaire de distinguer les dépenses réellement affectées à l'agriculture de celles - les plus nombreuses - qui ne relèvent pas d'une politique agricole. Il en est ainsi d'un grand nombre de chapitres du budget du ministère de l'agriculture qui n'ont pas de retombées agricoles directes, comme les dépenses affectées au fonctionnement du ministère - 9,747 milliards de francs - ou celles qui sont destinées à l'action éducative et qui relèvent, in fine, du service public de l'enseignement.
De même, il est toujours surprenant de voir comptabilisées au seul usage de l'agriculture un certain nombre de mesures touchant tant à la politique de la forêt qu'à celle de l'aménagement du territoire et qui, finalement, profitent à tous les Français.
M. Paul Raoult. Mais il ne restera plus rien !
M. Marcel Deneux. Il faut, de plus, souligner que l'agriculture est la seule branche d'activité qui se voit imputer des dépenses sociales. A cet égard, les 63 milliards de francs qui correspondraient au versement du BAPSA pour 1998 ne doivent aucunement être considérés comme une aide, mais relèvent tout à fait normalement de la solidarité nationale entre les régimes sociaux.
M. Paul Raoult. L'avez-vous dit l'an dernier ?
M. Marcel Deneux. Bien sûr !
M. Bernard Piras. C'était plus discret !
M. Marcel Deneux. Dès lors, quel jugement porter sur votre projet de budget pour 1998, monsieur le ministre ?
Ce budget est mauvais, si je considère les besoins de la France en 1998, et compte tenu du fait qu'il faut réduire coûte que coûte, même dans les secteurs qui nous paraissent cruciaux, les dépenses publiques. Nous ne pouvons pas continuer à avoir un budget dont les dépenses publiques s'accroissent.
Sur vos quatre priorités, je suis d'accord.
Le bon budget, monsieur le ministre, serait celui qui réduirait des dépenses improductives et qui préparerait l'avenir en favorisant les investissements productifs. Cela est possible puisque votre projet de budget comporte trente-six chapitres ; mais cela ne me paraît pas être le cas car, à y regarder d'un peu plus près, un bon indicateur de l'évolution des crédits de l'Etat en faveur de l'agriculture peut être trouvé dans l'agrégat n° 1 du budget de l'agriculture qui s'intitule « Dépenses en faveur des activités agricoles productives ». C'est là qu'on prépare l'avenir. Or, les crédits consacrés à ce chapitre sont en baisse de 2,2 %. Est-ce bien la préparation de l'avenir que nous attendons ? L'agriculture française a besoin de plus de valeur ajoutée.
Votre tâche est difficile, je le concède. Je sais que votre compétence, alliée à votre expérience, vous permettront de prendre en compte ces diverses réflexions, de les transformer en actions positives en faveur de l'agriculture française et en faveur de tous ceux qui en font leur métier. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Raoult. La conclusion est très bonne !
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin de ce débat, je voudrais insister sur le volet montagne de ces mesures budgétaires, en les reliant, d'une part, à la préparation de la loi d'orientation agricole et, d'autre part, à la politique d'aménagement du territoire.
Lorsqu'on vous écoute, monsieur le ministre, la plupart des orientations que vous dégagez en faveur de la politique agricole pourraient paraître conformes aux intérêts des zones de montagne, qui représentent - je le rappelle - près de 23 % de la superficie du pays, près de 8 % de la population française, et près de 17 % des communes.
Vous parlez de la nécessité de replacer le territoire au coeur de la politique agricole, de favoriser la diversité des modes de développement des exploitations, de restaurer le lien entre les agriculteurs et les produits qu'ils élaborent.
Ces axes, je ne peux que les approuver, en tant que représentante d'un département où les agriculteurs se battent pour maintenir non seulement l'activité de production, mais aussi l'occupation du territoire.
Si le dialogue se bâtit autour de ces orientations, nous pourrons parvenir à définir ensemble les voies de l'avenir. Je me permets d'insister cependant sur la nécessité de consulter toutes les parties prenantes et de ne pas sous-estimer les spécificités territoriales, telles celles de la montagne.
Au-delà des mots, nous attendons des actes et des mesures précises. Pris sous cet angle, monsieur le ministre, votre projet de budget demeure insatisfaisant.
L'une des quatre priorités affichées est l'installation des jeunes. Je m'interroge sur la portée de la création du Fonds pour l'installation en agriculture, censé remplacer le Fonds pour l'installation et le développement des initiatives locales, car cette substitution présente un risque de réduction des crédits.
Toujours concernant l'installation des jeunes, je rappelle qu'un autre frein existe ; il s'agit de la limitation des droits à produire, qui devrait être plus favorable pour les zones de montagne, compte tenu de la faible part de ces productions dans l'ensemble national.
La préretraite a été très longuement évoquée par les divers orateurs ; je n'y reviendrai pas. Cependant, en Lozère, cette mesure a permis d'installer plus de vingt agriculteurs chaque année.
En ce qui concerne la politique de la montagne, j'ai le regret de constater que le projet de loi de finances n'apporte aucune amélioration, puisque la part consacrée aux indemnités compensatoires de handicaps naturels passe de 1 650 millions de francs à 1 560 millions de francs. Même en tenant compte des financements du FEOGA et de la diminution des UGB primées, les indemnités par tête ne sont revalorisées que de 1,5 %, soit à peine le niveau de l'inflation.
J'insiste sur le fait que les agriculteurs demandent une augmentation de 20 % du montant de l'ISM.
Je rappelle que, dans son memorandum pour une agriculture de montagne, le gouvernement précédent avait défendu, en 1996, un relèvement du plafond communautaire de 180 écus à 250 écus par UGB ou hectare. Ce relèvement, peu coûteux, puisqu'il ne concernerait pleinement que la haute montagne et la montagne sèche, dont les effectifs primés sont faibles, est indissociable d'une revalorisation de l'ISM dont ne sauraient être exclues les zones confrontées aux plus forts handicaps.
Un aménagement de l'ISM végétale serait parallèlement opportun. Des productions végétales telles que les châtaigneraies ont en effet un rôle à jouer en matière de gestion de l'espace, et elles devraient désormais être éligibles à l'ISM.
S'agissant de l'aide aux bâtiments en zone de montagne, le budget n'offre aucune perspective d'amélioration, car le chapitre « modernisation des exploitations » pour les bâtiments de montagne reconduit en francs courants les dépenses de 1997. Il serait pourtant souhaitable de pérenniser des moyens budgétaires suffisants, car vous connaissez, monsieur le ministre, les surcoûts liés à la montagne : le niveau des crédits indispensables aux bâtiments d'élevage en zone de montagne a ainsi été estimé à 100 millions de francs. Le plafond de la subvention, qui n'a pas été réévalué depuis longtemps, mériterait d'être porté à 100 000 francs.
Par ailleurs - je crois que cela a déjà été dit - depuis 1991, l'aide à la mécanisation a été réduite à la portion congrue, malgré les surcoûts supportés en matière de matériel.
S'agissant de la prime à l'herbe, dont l'importance est réelle dans l'utilisation plus équilibrée de l'espace agricole, l'enjeu actuel est la revalorisation de son montant, afin de rendre la mesure plus incitative pour le maintien et l'entretien des surfaces en herbe, mesure qui s'inscrit tout à fait dans une réelle politique d'aménagement du territoire.
Il est enfin regrettable de constater que le programme pour 1998, destiné aux mesures agri-environnementales, est peu ambitieux. L'enveloppe spécifique ne serait que de 155 millions de francs. Même si ce montant représente une augmentation de 30 % par rapport à 1997, le risque existe de ne pas satisfaire les besoins d'accompagnement des agriculteurs vers de nouvelles méthodes de production dont nous avons pourtant fort besoin dans les zones de montagne.
Je souhaite aussi déplorer, à la suite de mon collègue M. Jean-Paul Emorine, l'évolution du Fonds de gestion de l'espace rural, le FGER. Ce dernier a un impact incontournable sur l'aménagement de l'espace car il contribue à la diversification et au maintien de l'agriculture dans les zones difficiles.
Ce fonds a pourtant souffert de trop d'aléas budgétaires et il me paraît donc nécessaire d'instituer une ressource qui le pérenniserait. Il me semblerait opportun de réfléchir par exemple à la création, comme cela a déjà été proposé, d'une taxe sur les changements d'affectation des terres agricoles.
L'utilité de ce fonds est d'autant plus pertinente que, dans le plan pour l'emploi des jeunes, figure la fonction entretien de l'espace.
Enfin, j'aborderai brièvement la question de l'aménagement du territoire.
Il est urgent que la France définisse une politique forte de cohérence territoriale pour son agriculture et son milieu rural, en renforçant l'équilibre produits - hommes - territoires, afin de la faire valoir au niveau européen.
Nous aurons l'occasion de développer nos arguments sur ce point devant Mme le ministre chargée de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je me permets cependant d'insister auprès de vous, monsieur le ministre, pour que l'agriculture soit intégrée dans la définition d'une véritable politique européenne d'équilibre des territoires.
L'actuel projet de réforme des fonds structurels me paraît inquiétant car nulle part la montagne n'est citée, à quelque titre que ce soit. Les élus de la montagne ont élaboré un mémorandum dans lequel ils insistent sur la nécessité de prendre en compte cinq objectifs majeurs pour une véritable politique de la montagne, et cela à trois niveaux : les politiques générales ; les politiques locales de développement des fonds structurels, où un régime plus spécifiquement montagnard s'impose ; les « programmes intégrés et concertés de massifs », qui paraissent être le bon échelon pour compléter les actions menées sur le plan général et local.
Cela demande un important travail de persuasion et d'explication. Je souhaiterais donc que vous puissiez me dire, monsieur le ministre, quelle attention vous voudrez bien prêter à ces orientations et sur quels points précis vous seriez prêt à prendre nos considérations en compte, voire à engager la négociation avec les autorités européennes.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien apporter à mes observations, et je souhaite, pour ma part, conclure sur une réflexion d'Edgar Pisani, dont je ne doute pas que vous apprécierez la portée : « La France est un pays d'équilibre et doit le rester. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser inoccupés de vastes espaces. Ce n'est pas notre culture, ce n'est pas notre civilisation, ce n'est pas notre intérêt. » (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en choisissant de traiter d'abord des thèmes communautaires, j'entends souligner non seulement l'importance que vous attachez à ces thèmes, mais aussi le caractère prioritaire de cette question pour l'avenir de notre politique agricole.
Vous avez été nombreux à vous émouvoir des propositions de réformes de la PAC telles qu'elles sont représentées par la Commission. J'espère être exhaustif en citant MM. François-Poncet, Huchon, Barraux, de Menou, Minetti, du Luart, Piras, Rigaudière, Emorine, Belcour, et Deneux.
Je vous ai moi-même indiqué dans mon discours d'introduction les vives réserves que soulevaient les propositions de la Commission, et j'y reviendrai dans un instant.
Je voudrais dire cependant qu'il faut aborder cette dure négociation en portant un diagnostic exact sur la situation et sur le projet qui est en cause.
L'adaptation de la PAC ne saurait être refusée par principe. Gardons-nous d'idéaliser la PAC telle qu'elle a fonctionné jusqu'en 1992. Le soutien des prix, qui en constituait le mécanisme essentiel, n'a pas empêché la disparition de plus de la moitié des exploitations agricoles de notre pays en trente ans et l'apparition des graves déséquilibres que nous constatons.
Je dirai également qu'il est difficile de voir dans le projet de la Commission, qui prévoit une croissance du budget agricole de l'Union européenne de plusieurs milliards d'écus, l'expression du libéralisme économique le plus sauvage.
Ces remarques n'atténuent pas les critiques que je porte au projet de la Commission, mais elles signifient que nous ne devons pas nous tromper d'enjeux.
MM. Poncelet, Barraux, du Luart, Rigaudière et Belcour ont fait part de leurs inquiétudes sur la situation de l'élevage bovin, en relation avec les propositions retenues par l'Agenda 2000.
Je considère comme eux que ces propositions sont inacceptables et je rappelle en quelques mots de quoi il s'agit.
La Commission européenne propose une baisse des prix de soutien de 30 % en trois ans, de l'an 2000 à l'an 2002. Dans le même temps, elle propose de supprimer le système des achats à l'intervention existant actuellement, qui conduit les autorités publiques à se porter acquéreurs de viande bovine et à la stocker pour soutenir le marché en période de crise, pour le remplacer par un dispositif de stockage privé inspiré de celui qui existe dans le secteur porcin.
Cette baisse des prix de soutien serait compensée par une augmentation des primes versées aux éleveurs. La prime à la vache allaitante augmenterait de 48 %, en passant de 958 francs à 1 421 francs par animal, tandis que la prime aux engraisseurs de taurillons progresserait de 173 %, passant de 892 francs à 2 432 francs par animal.
Ces chiffres me conduisent à formuler une première remarque : le projet de réforme présenté est lourdement déséquilibré. Il favoriserait l'élevage intensif orienté vers l'engraissement des taurillons, dont la majorité sont issus de l'élevage laitier. A l'inverse, il défavoriserait l'élevage allaitant, qui est une composante essentielle de l'économie des zones agricoles difficiles, donc un facteur important d'occupation équilibrée du territoire.
Seconde remarque : la réforme proposée repose sur l'idée que la baisse des prix permettra de relancer la consommation de viande bovine dans l'Union européenne et d'exporter sans restitutions sur les marchés tiers. Ainsi, nous éviterions la crise annoncée au début du siècle prochain et résultant de l'existence d'un excédent de production non exportable, en raison des contraintes de l'OMC, de plusieurs centaines de milliers de tonnes.
En fait, rien ne prouve qu'une baisse de prix de 30 % à la production se traduirait par une baisse de même ampleur pour le consommateur.
L'expérience récente - je pense à celle de l'année 1996 - montre au contraire que nous pouvons assister à un effondrement des prix à la production sans baisse des prix à la consommation. Si la même chose se reproduisait demain, la réforme n'aboutirait qu'à augmenter les dépenses publiques, tout en mettant en cause le revenu des éleveurs, sans améliorer l'équilibre entre l'offre et la demande.
Par ailleurs, la suppression du système des achats à l'intervention laisserait les pouvoirs publics désarmés face à de nouvelles crises conjoncturelles, le stockage privé pratiqué pour réguler les crises porcines étant inadapté à la durée des cycles de la production bovine.
C'est pourquoi, sans m'opposer à un ajustement nécessaire des prix de la viande bovine face à la compétitivité renforcée des viandes de porc et de volaille, je m'opposerai à la baisse brutale des prix et je soutiendrai le principe du maintien de l'intervention publique.
Une véritable adaptation des règles de fonctionnement de la PAC dans le secteur bovin suppose également que l'Union européenne réfléchisse à d'autres mécanismes de maîtrise de la production que ceux qui résulteraient de la simple baisse des prix. M. Barraux a évoqué l'idée de rendre les génisses destinées à l'abattage éligibles à la prime à la vache allaitante. Cette suggestion me semble intéressante. Sa mise en oeuvre serait de nature à inciter les éleveurs à entretenir un cheptel moins important de vaches mères, et, par voie de conséquence, à favoriser la réduction de la production de viande bovine.
Enfin, je veillerai à ce que l'élevage allaitant extensif bénéficie d'une juste compensation des éventuelles baisses de prix, en recourant au relèvement à un niveau approprié des primes aux éleveurs concernés.
S'agissant du secteur laitier, j'estime que la proposition de la Commission européenne manque de cohérence. M. Deneux a évoqué ce point : elle consiste à maintenir les quotas laitiers, à baisser les prix de soutien du lait de 10 % et à compenser cette baisse de prix par une prime d'environ 1 000 francs par vache laitière.
J'ajoute que la Commission propose une autre mesure qui affectera directement les éleveurs laitiers, à savoir la suppression de l'aide au maïs ensilage.
Si le maintien des quotas laitiers me paraît être une sage décision, en revanche, je ne conçois pas l'utilité d'une baisse des prix qui pénaliserait l'ensemble de la production dans le seul but de permettre d'en exporter une très faible partie sans subventions sur les marchés extérieurs à l'Union européenne.
En outre, cette nouvelle aide aux vaches laitières serait très coûteuse, alors qu'elle ne suffirait pas à compenser la perte de revenus des producteurs qui seront affectés non seulement par la baisse des prix, mais aussi par la suppression de l'aide au maïs ensilage. Il m'apparaît ainsi à la fois plus simple, moins coûteux et plus logique de ne pas baisser les prix, de maintenir l'aide au maïs ensilage et de ne pas instaurer une nouvelle aide aux vaches laitières.
Toutefois, un assouplissement des règles actuelles concernant les quotas laitiers est nécessaire pour permettre notamment d'améliorer nos performances à l'exportation. C'est à cela que je souhaite que la Commission travaille, et uniquement à cela.
En ce qui concerne les grandes cultures, la Commission propose une série de mesures qui affectent à la fois le secteur des céréales et celui des oléagineux et protéagineux.
J'estime que la proposition d'aligner les aides de toutes les productions sur les aides céréalières est susceptible de déstabiliser l'équilibre entre les grandes cultures. De ce point de vue, je suis très réservé sur le niveau des aides pour la culture des graines oléagineuses.
Cette proposition risque de mettre en péril à la fois les revenus des producteurs et l'indépendance de notre approvisionnement en matière d'alimentation animale. Il y a là une concession anticipée aux exigences américaines.
L'amélioration des propositions de la Commission sur cette dernière question sera, pour moi, un élément essentiel dans la négociation.
J'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avoir convaincu de ma détermination à défendre les intérêts de notre agriculture dans les négociations à venir. J'ai bien entendu le sentiment que vous avez exprimé sur cette question, j'ai compris votre volonté d'être tenus informés, associés, à de telles discussions, ainsi que votre détermination à apporter au Gouvernement le concours de votre Haute Assemblée pour soutenir de telles ambitions.
La France, et cela a été dit, premier pays agricole de l'Union européenne, a une responsabilité particulière dans cette négociation. Soyez assurés que j'en ai parfaitement conscience et que j'entends assumer pleinement cette responsabilité.
Plusieurs d'entre vous - MM. François-Poncet et Piras - ont évoqué le rééquilibrage des aides aux grandes cultures.
J'ai en effet, dès l'été, souhaité une plus grande équité dans la répartition de ces aides. Une concertation a donc été conduite en septembre, à l'issue de laquelle j'ai arrêté un dispositif de rééquilibrage. La première phase sera mise en oeuvre pour la récolte 1999, après laquelle un bilan sera fait.
Les étapes suivantes s'intégreront dans la réforme qui résultera des négociations sur le « paquet Santer ».
En avançant, avec prudence et progressivité, dans la voie d'une diminution des écarts entre les différents niveaux d'aides, y compris celles qui sont destinées aux cultures sèches et irriguées, je pense répondre aux souhaits d'une très large majorité d'agriculteurs ainsi qu'à la volonté de l'opinion publique.
Pour répondre à M. François-Poncet, je précise que, ce faisant, je ne condamne pas, bien au contraire, l'irrigation bien conduite, pratiquée légitimement dans les régions qui en ont besoin.
J'en viens au secteur des industries agroalimentaires, un des thèmes principaux traités par M. Signé. C'est un secteur clé de notre économie nationale et j'entends le dynamiser en donnant une forte priorité au développement d'une politique de qualité.
Cette politique doit être prise sous ses deux acceptions : qualité au sens organoleptique et qualité sanitaire des produits. En effet, la qualité est un argument de vente : la qualité organoleptique pour séduire et conserver le consommateur, la qualité sanitaire pour le rassurer et permettre les ventes à l'exportation.
Il n'est pas nécessaire de justifier longuement cette priorité donnée à la qualité, ne serait-ce qu'en raison des crises récentes de l'encéphalopathie spongiforme bovine ou des contaminations dues aux listeria.
Dans ce cadre, le projet de loi concernant la qualité sanitaire des aliments - et je réponds sur ce point à M. Deneux - va être prochainement réexaminé par le Gouvernement. Toutefois, avant de reprendre ce projet, il me semble nécessaire d'avoir une vision plus claire de l'organisation de la sécurité sanitaire en France.
La proposition de loi concernant les agences de sécurité sanitaire est, vous le savez, en cours d'examen et sera bientôt, je l'espère, discutée par l'Assemblée nationale. Le dispositif de ces agences sera clairement établi ; le projet de loi sur la qualité sanitaire des aliments pourra être alors redéposé.
M. Poncelet a rappelé son souci de préserver les productions traditionnelles, en particulier les fromages. C'est également un souci constant de mon ministère, qui suit avec beaucoup d'attention l'évolution des projets de textes au sein du Codex alimentarius. Lors de la réunion de juin dernier de la commission du Codex, la proposition des Etats-Unis de rendre la pasteurisation quasi obligatoire n'a pas été adoptée, notamment grâce à la mobilisation par la France des Etats membres de l'Union européenne.
De plus, je reste vigilant pour qu'à l'occasion de l'établissement des codes d'usage en matière de l'hygiène du lait et des produits laitiers l'acquis communautaire reste effectif.
Afin de répondre à mon objectif de promotion des produits de qualité, que j'estime être une base essentielle du développement du secteur agroalimentaire, le chapitre « promotion et contrôle de la qualité » voit ses crédits augmenter de plus de 20 % cette année.
La prime d'orientation agricole permet, comme vous le savez, le soutien des investissements physiques des entreprises à l'aval des productions agricoles : stockage-conditionnement, transformation. Cette prime diminue essentiellement par un effet mécanique de l'étalement dans le temps des contrats Etat-régions décidé par le précédent Gouvernement.
Le FEOGA est une aide communautaire pour ces mêmes entreprises. La mobilisation de ces fonds communautaires est conditionnée à l'attribution et au versement d'une aide d'origine nationale, et l'essentiel est préservé puisque la mobilisation de la section Orientation du FEOGA au profit des investissements à l'aval de l'agriculture sera assurée.
De plus, j'appelle votre attention sur le fait que la dotation disponible pour les fruits et légumes venant de la section Orientation du FEOGA est très large. Aussi, les projets présentés peuvent être aidés pourvu qu'ils répondent aux orientations arrêtées dans le cadre communautaire d'appui et dans le document de programmation approuvé par la Commission qui définissent les conditions d'intervention du fonds européen sur la période 1994-1999.
MM. Barraux, de Menou, Mathieu et François sont intervenus sur le dossier de la SOPEXA.
Les crédits inscrits au titre de cette société baissent de 20 % cette année. On me permettra de faire remarquer qu'il s'agit d'un problème récurrent et de noter que le budget global de la SOPEXA n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Je ne méconnais pas que des actions importantes réalisées par la SOPEXA pourraient être compromises si des moyens alternatifs de financement n'étaient pas trouvés ; j'ai entendu M. Deneux sur ce point.
En tout état de cause, j'ai demandé au président et au directeur général de la SOPEXA d'élaborer un projet de contrats d'objectifs avec mon ministère, en concertation avec les familles professionnelles concernées. L'élaboration de ce contrat d'objectifs fournira l'occasion d'intensifier la concertation et permettra à chacun de faire valoir ses préoccupations. Elle permettra aussi d'examiner si les types d'actions habituellement engagées sont les mieux adaptés ou si des réorientations s'imposent.
Parallèlement à la demande du Gouvernement, une mission d'analyse approfondie de la SOPEXA est conduite conjointement par l'inspection générale des finances et celle de l'agriculture. Ses conclusions sur l'adéquation entre les objectifs et les moyens de la société devront être remises avant la fin de cette année.
Je n'oublie pas, bien évidemment, les concours qu'apporte la SOPEXA à de nombreuses petites et moyennes entreprises désireuses d'être présentes sur les marchés extérieurs.
M. Poncelet m'a interrogé sur la politique de la forêt.
J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer que j'ai souhaité dissocier le volet forestier de la loi d'orientation agricole.
J'ai reçu les représentants des organisations syndicales et professionnelles de la forêt et du bois. Nous allons, ensemble, reprendre le travail réalisé sur ce projet de loi forestière, au long de l'année qui vient, considérant que, déjà, beaucoup de matériaux ont été accumulés sur ce projet.
Sur deux priorités, les incendies de forêt et la restauration des terrains en montagne, où la prévention a pour objet d'assurer la sécurité des personnes et des biens, j'ai tenu à maintenir les moyens qui permettent de respecter les objectifs affichés.
Par ailleurs, dans le domaine du boisement, de l'équipement des forêts et du renforcement de la filière, les crédits prévus au budget de l'Etat sur le fonds forestier national permettront de respecter l'intégralité des actions prévues aux contrats de plan et de poursuivre les actions engagées au niveau national, je veux parler des programmes « compétitivité plus » et « bois énergie ».
On m'a également interrogé sur les modes de vente des produits de l'ONF.
Quelle est la situation actuelle ?
Les coupes de bois sont vendues, en règle générale, par l'ONF selon la procédure de l'appel d'offres - adjudication par enchères descendantes - en faisant jouer la concurrence et en assurant la publicité des offres. Des ventes amiables, prenant la forme de contrat de commercialisation, peuvent avoir lieu dans des conditions bien définies par le code forestier. Ces ventes revêtent, à l'heure actuelle, un caractère dérogatoire lié à l'urgence ou à l'accumulation d'invendus.
En général, l'ONF vend des bois sur pied, qui sont abattus et débardés par les exploitants forestiers directement ou par l'intermédiaire de sous-traitants. Ceux-ci sont attachés à cette pratique. L'ONF tente de diversifier ses modes de vente pour écouler ses produits, et je sais que cela ne va pas sans susciter des interrogations chez les professionnels. Une ouverture, autorisant l'ONF à recourir plus fréquemment aux contrats de commercialisation, paraît souhaitable ; il y a accord sur ce point des principaux partenaires. Cette mesure aura un effet d'entraînement sur les ventes privées.
Enfin, M. Poncelet s'inquiète aussi de l'enrésinement des fonds de vallée en zone de montagne.
Le code rural précise que les modes d'aménagement foncier, dont fait partie la réglementation des boisements, sont conduits « en veillant au respect et à la mise en valeur des milieux naturels, du patrimoine rural et des paysages ».
Un décret d'application en cours d'élaboration va élargir les motifs d'interdiction ou de réglementation des boisements, ainsi que le champ des décisions préfectorales intervenant dans les périmètres réglementés.
Ces améliorations, ainsi que les allégements de procédure qui ont déjà été réalisés, devraient permettre aux collectivités concernées, qui ont l'initiative de la création de périmètres de réglementation de boisement à travers les commissions communales d'aménagement foncier, d'exercer un contrôle accru sur l'évolution de leur territoire.
Je souligne enfin que les opérations de boisement et de reboisement bénéficient aujourd'hui des progrès importants des connaissances réalisés en matière de peuplement. Ceux-ci permettent de prendre en compte la biodiversité dans la gestion forestière. Par ailleurs, la palette des essences subventionnées par le Fonds forestier national retient cette préoccupation.
M. Poncelet m'a aussi interrogé sur la diminution de la taxe forestière concernant les sciages. Sur cet aspect fiscal, qui requiert un développement assez précis, je me propose de répondre par écrit à l'intervenant.
J'en viens au chapitre de l'agriculture et de l'aménagement du territoire dans le cadre de la loi d'orientation agricole.
La politique de développement de l'espace rural, qui représente 85 % du territoire national, est une composante de la politique d'aménagement et de développement du territoire. A ce titre, elle a pour objet d'assurer, à chaque citoyen et à chaque entrepreneur, l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire rural. J'ai noté que M. Minetti y était particulièrement sensible. M. Rigaudière est aussi intervenu sur ce thème.
M. Minetti tient à la revalorisation de l'image des agriculteurs. Je partage cette ambition, tout comme, je le crois, la Haute Assemblée. Il importe effectivement d'insister sur la complexité, ainsi que sur la modernité de ce métier. Je suis sensible à la préoccupation de la représentation nationale à cet égard. Je souhaite que notre politique puisse y répondre pleinement. J'entends poursuivre la réflexion quant aux voies à suivre pour atteindre ce but.
Cinq objectifs majeurs peuvent être assignés à la politique de développement de l'espace rural : maintenir et développer l'activité agricole et forestière, améliorer l'accessibilité matérielle et immatérielle, assurer une présence de services au public, gérer l'espace et, bien évidemment, créer de nouvelles activités économiques.
Ces objectifs sont au coeur de la future loi d'orientation agricole et guident, parallèlement, la position du ministère de l'agriculture et de la pêche dans les négociations en cours sur la réforme de la PAC et des fonds structurels communautaires.
A cet égard, les diverses procédures qui concourent à l'aménagement rural doivent pouvoir être mises en cohérence et en synergie. Cela concerne notamment les programmes « européens » de développement des zones rurales, qui représentent actuellement un enjeu financier très important - au titre de l'objectif 5 b - auxquels sont actuellement éligibles 53 % du territoire français, ainsi que les plans de développement rural relevant de l'objectif 1 et les programmes d'initiative communautaire, en particulier LEADER.
De mon point de vue, la préparation du projet de loi d'orientation agricole et l'élaboration de la position française au niveau de l'Agenda 2000 constituent deux occasions majeures de remplir cet objectif de synergie et de cohérence.
Mme Bardou, MM. Rigaudière et Deneux ont attiré mon attention sur la politique de la montagne.
Dans le cadre des travaux relatifs à la loi d'orientation agricole, mais aussi des travaux communautaires visant à réformer la PAC, j'aurai à coeur de définir une politique spécifique en faveur des zones défavorisées, tout particulièrement de la montagne.
Ainsi que le soulignait Mme Bardou, l'agriculture et la forêt, qui ont largement contribué à modeler les paysages de montagne et à faire vivre cet espace doivent continuer à jouer un rôle prédominant dans le développement de la montagne. Il me paraît indispensable de mobiliser au bénéfice de ces zones un ensemble cohérent de moyens publics.
Cette politique doit reposer sur la valorisation de la spécificité des productions de montagne. Il faudra à cet égard que nous procédions à l'inventaire des problèmes juridiques concernant l'utilisation du terme « montagne » et que nous apportions les solutions qui s'imposent à l'occasion de la préparation de la loi d'orientation. Il me paraît nécessaire de ne pas travailler seulement dans le cadre législatif national. Nous devons être plus offensifs sur ce sujet sur le plan européen, en utilisant mieux les outils communautaires qui sont à notre disposition pour mettre enfin en place une véritable reconnaissance, une véritable protection européenne de nos produits de montagne.
M. Aubert Garcia. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Les politiques de développement agricole s'appliquent bien en montagne : l'installation y est dynamique, avec 19 % de projets agréés ; la modernisation des bâtiments s'effectue avec des taux très privilégiés. Je serai bien sûr très attentif à cet aspect « montagne » et au maintien des indemnités compensatoires de handicaps naturels dans le cadre de l'Agenda 2000. J'ai déjà eu l'occasion d'intervenir sur cette question en conseil agricole.
La politique de la montagne doit aussi s'appuyer sur des instruments permettant de compenser les handicaps naturels spécifiques de ces zones.
Lors du conseil des ministres de l'agriculture à Luxembourg, j'ai eu l'occasion d'insister sur la nécessité de conserver les mesures déjà existantes qui ont fait leur preuve. Tel est le cas des aides aux zones défavorisées, qui, en assurant la compensation des handicaps naturels, permettent le maintien d'un tissu rural actif et dynamique.
Je pense enfin, ainsi que l'ont souligné M. Poncelet et Mme Bardou, qu'il est essentiel de maintenir des aides aux investissements compte tenu des surcoûts engendrés par les conditions naturelles difficiles. C'est pourquoi l'effort du ministère de l'agriculture et de la pêche en faveur des bâtiments d'élevage sera maintenu en 1998. En revanche, je ne partage pas l'idée d'une globalisation des crédits consacrés aux bâtiments d'élevage. Je crois, bien au contraire, qu'il convient de continuer à gérer distinctement les deux enveloppes, celle qui est consacrée aux bâtiments d'élevage et celle qui est destinée à la mise en oeuvre du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA. A défaut, le risque serait grand de voir cette dernière engloutir la première.
Je ferai deux parenthèses pour répondre à des questions précises concernant, d'une part, la sécheresse dans l'Allier et, d'autre part, la sélection animale.
Je sais les difficultés d'approvisionnement en fourrages que connaissent les éleveurs de certains départements du Massif central et, ainsi que l'a souligné M. Barraux, j'ai souhaité y répondre en débloquant une aide exceptionnelle de 10 millions de francs afin de prendre en charge une partie des frais de transport des fourrages. Cette aide viendra compléter les 10 millions de francs mis à disposition par UNIGRAINS.
Les départements les plus touchés, c'est-à-dire ceux qui bénéficieront en priorité de cette aide exceptionnelle, sont les suivants : la Haute-Loire, qui est la plus touchée, une partie de la Loire, du Puy-de-Dôme, du Cantal, de l'Ardèche, du Rhône et de l'Allier.
Tout sera mis en oeuvre pour que le paiement de cette aide aux éleveurs intervienne avant le printemps de 1998.
Je partage le souci exprimé par MM. Signé et Poncelet en ce qui concerne l'érosion, au cours de ces dernières années, des crédits consacrés à l'amélioration et à la sélection. Ces crédits, figurant au chapitre 44-50, permettent de soutenir des organismes dont le rôle est essentiel pour assurer l'identification, la traçabilité des bovins, des caprins, des ovins et des porcins, ainsi que l'amélioration génétique du cheptel. Ce sont des actions déterminantes pour assurer la compétitivité de l'élevage français.
Je suis conscient que les réductions brutales qui ont eu lieu au début de l'année 1997 ont pu créer pour certains de ces organismes, je pense en particulier aux UPRA - Union pour la promotion des races animales - de grandes difficultés.
J'ai voulu rompre avec cette tendance en reconduisant, au niveau de la loi de finances de 1997, les crédits consacrés à ces actions en 1998. Je veillerai à préserver cette dotation sur la gestion de l'exercice 1998.
Je considère, en outre, qu'il est devenu nécessaire de mieux définir quelles doivent être les actions prioritaires dans ce domaine, afin de leur garantir un financement stable et régulier. J'ai donc l'intention de mener avec les professionnels concernés une réflexion sur ce sujet dans les mois à venir.
MM. de Menou et Pourchet, notamment, m'ont interrogé sur les programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, les PMPOA, que j'évoquais voilà quelques instants pour réaffirmer mon attachement aux objectifs visés par ces programmes.
Il est indispensable de continuer à accompagner les éleveurs qui améliorent leurs bâtiments d'élevage et leurs pratiques de fertilisation. Les crédits que consacre mon ministère à ces actions seront donc reconduits en 1998.
Toutefois, face aux difficultés croissantes de mise en oeuvre de ces programmes, en particulier dans ces zones d'excédents structurels qu'évoquait M. de Menou, il est apparu indispensable d'aménager le dispositif des PMPOA. En liaison avec Mme Voynet, des propositions ont été faites aux organisations professionnelles agricoles afin de rétablir un traitement plus juste entre les élevages et d'accélérer les programmes de résorption.
Une série de réunions avec les organisations professionnelles vont permettre de travailler à partir des orientations suivantes : un durcissement des conditions de régularisation des élevages sur la base des effectifs constatés au 1er janvier 1994, une limitation des surfaces d'épandage et un abaissement des seuils de traitement ; un plafonnement des aides publiques, en vue de permettre à des élevages de taille modeste d'accéder aux financements publics dès lors qu'ils se trouvent dans des zones sensibles ; l'ouverture de possibilités d'extension d'élevages familiaux ainsi que d'installation de jeunes agriculteurs, dans le cadre des « marges » définies par les programmes de résorption. Les élevages qui se sont développés depuis le 1er janvier 1994 et qui entrent dans l'une des deux catégories, jeunes agriculteurs ou élevages familiaux, pourront aussi être régularisés.
M. Pourchet a soulevé le délicat problème de la distance entre les élevages et les habitations. A cet égard, je ne peux que rappeler l'existence du cadre juridique que constitue la réglementation relative aux installations classées. Toutefois, rien n'interdit au voisinage, parfois incommodé par les inévitables problèmes liés à l'activité d'élevage, de se tourner vers les tribunaux.
Dans l'attente de la réforme de la PAC, j'ai proposé à la Commission européenne de reconduire la prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs, dite « prime à l'herbe », dans le cadre du dispositif communautaire agri-environnemental.
M. Henri Belcour. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. La prime à l'herbe vient en effet à échéance cette année. Comme vous le savez, elle fait l'objet de vives critiques de la part de la Commission, qui considère qu'elle ne répond pas aux objectifs des mesures agri-environnementales.
Je l'ai dit à Bruxelles, ces critiques ne sont pas justifiées et je suis, pour ma part, très attaché à la prime à l'herbe.
Alors qu'entre 1979 et 1993 les surfaces en prairies se sont réduites de 20 % en France, elles se sont stabilisées depuis l'instauration de la prime à l'herbe. Depuis 1994, les alpages et les zones de faible production ont même vu leur superficie légèrement progresser, pour dépasser 2 millions d'hectares, et 100 000 éleveurs ont ainsi bénéficié de cette aide en 1997, pour une superficie de 4,5 millions d'hectares. Je tiens à rappeler que la moitié de ces éleveurs se trouve en zone de montagne.
J'aurais souhaité, comme vous, que la prime à l'herbe puisse être revalorisée cette année, afin de favoriser les élevages herbagers, qui en ont tant besoin. Mais une telle revalorisation aurait mis en péril la prime à l'herbe : depuis 1994, la part des autres mesures agri-environnementales - les plans de développement durable, l'agriculture biologique - n'a cessé de se réduire, jusqu'à devenir nulle en 1996 et 1997.
Les discussions qui ont eu lieu entre la Commission européenne et mes services m'ont convaincu de la nécessité de rééquilibrer le dispositif si l'on veut pérenniser la prime à l'herbe.
J'ai donc proposé qu'elle soit reconduite en l'état. Je vous demande de considérer qu'il s'agit d'une décision provisoire. Il faudra, en effet, dans le cadre de la réforme de la PAC, intégrer dans les modalités de soutien des marchés des instruments qui encouragent les modes d'exploitation liés à l'espace, et je pense en particulier à des aides liées au sol, comme la « prime à l'herbe ». Il me paraît essentiel d'intégrer ces objectifs dans les organisations communes de marché, afin d'inciter les éleveurs à développer des systèmes de production herbagers.
M. Emorine, en particulier, a évoqué le fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, notamment pour indiquer qu'il juge insuffisant le niveau de sa dotation dans le projet de budget pour 1998.
Je dois d'abord rappeler que le gouvernement précédent avait purement et simplement annulé cette dotation budgétaire, qui avait été ensuite rétablie lors du débat budgétaire. (Eh oui ! sur les travées socialistes.)
J'ai choisi, quant à moi, d'en faire un instrument essentiel de la politique d'aménagement rural. En effet, le FGER doit prendre place dans la réflexion sur la politique de développement rural. Le FGER sera, dans la loi d'orientation agricole, l'instrument d'une agriculture qui s'étend sur tout le territoire, qui s'expérimente en montagne et qui prend en charge des problèmes d'érosion ou de gestion de la ressource en eau, ou encore qui intègre des préoccupations paysagères.
Avec 140 millions de francs, j'ai donc quasiment maintenu la dotation dans le projet de loi de finances pour 1998. A ces crédits s'ajouteront d'ailleurs les crédits reportés de la gestion 1997, ce qui nous permettra de faire face largement aux besoins recensés.
Sur le fond, le FGER est un élément central de la politique d'aménagement et d'ancrage territorial que je souhaite promouvoir. La majeure partie de ses actions concerne ainsi l'entretien d'espaces atteints par la déprise agricole, l'amélioration du cadre de vie et le débroussaillage en paysage rural.
Le FGER est également un élément important de partenariat avec les collectivités locales. Les commissions départementales de gestion de l'espace, les CODEGE, sont précisément le lieu de concertation et de dialogue avec les élus.
Sur la question de l'installation, sont intervenus, notamment, MM. Barraux, Minetti, Piras et Deneux.
Les moyens consacrés à la politique d'aide à l'installation dans le projet de budget pour 1998 me semblent être à la mesure des enjeux que je retiens dans le cadre de la loi d'orientation agricole.
Le projet de budget pour 1998 traduit donc un effort substantiel en faveur des jeunes candidats à l'installation : les crédits dévolus à la dotation aux jeunes agriculteurs sont reconduits ; les crédits dévolus aux stages à l'installation sont majorés de près de 30 %, marquant un volontarisme politique que je souhaite imprimer en collaboration avec la profession agricole.
C'est dans cet esprit que j'ai mis en place le fonds d'installation en agriculture, doté de 160 millions de francs. Il s'insère dans une politique globale, celle des PIDIL, les programmes pour l'installation des jeunes en agriculture et le développement des initiatives locales. Il vient en renforcer les actions qui incitent à l'installation, qu'il s'agisse des actions de parrainage ou des audits d'exploitation.
Le fonds d'installation en agriculture prolonge donc cette vocation structurelle qui est d'aider les jeunes à prendre une décision d'installation en toute connaissance de cause : la prime doit inciter les exploitants sans successeur désigné à favoriser l'installation d'un jeune agriculteur. La transmission d'exploitation ainsi favorisée s'inscrit dans les orientations de la charte pour l'installation et du projet départemental. Il s'agit d'aider une installation qui ne se serait pas réalisée spontanément.
J'ai évoqué le chiffre de 3 000 installations. C'est bien sûr un objectif, sachant que 9 000 installations sont aujourd'hui aidées. C'est aussi un objectif qui correspond aux moyens financiers dont je dispose.
MM. Minetti, Pourchet, Barraux, Raoult et d'autres ont abordé la question des retraites.
Sans revenir sur ce que j'ai dit cet après-midi, j'indique que les mesures de revalorisation financées en 1998 permettront à un retraité conjoint ayant participé à l'exploitation durant trente-sept années et demie de percevoir, en 1998, 23 750 francs, au lieu des 18 650 francs prévus initialement.
J'ajoute que 700 000 retraités agricoles non imposables bénéficieront, en 1998, de la suppression de leur actuelle cotisation maladie de 2,8 % sur leur pension, sans devoir, en contrepartie, acquitter la CSG.
Ces mesures constituent, je le répète, une première étape.
Aujourd'hui, lorsque les conjointes travaillent sur l'exploitation, elles sont de plus en plus nombreuses à choisir d'être co-exploitantes ou associées de société. Ces deux statuts reconnaissent pleinement leur activité et leur permettent de bénéficier, notamment au titre de l'assurance vieillesse, des mêmes droits que le chef d'exploitation.
Quant aux conjointes qui n'exercent pas d'autre activité professionnelle extérieure et n'ont pas opté pour l'un de ces statuts, elles bénéficient d'une présomption de participation aux travaux de l'exploitation qui leur ouvre droit à la retraite forfaitaire.
Je reconnais que le problème est bien celui d'une amélioration de leur statut, de manière que celui-ci réponde mieux à leurs aspirations légitimes. Des réflexions sont actuellement menées sur les avancées possibles à ce sujet.
M. Raoult est intervenu sur l'enseignement et la recherche pour reconnaître la priorité qui en est faite dans ce projet de budget.
Comme je l'ai dit dans mon propos introductif, nous disposons d'un appareil de formation remarquable, qui présente des atouts reconnus et appréciés, le rendant attractif au sein du dispositif national de formation initiale et continue. Son maillage territorial mérite également d'être souligné : au total, plus de 1 500 centres sont répartis sur tout le territoire national et bien ancrés dans le monde rural.
Il m'est apparu dès lors indispensable de faire de l'enseignement agricole l'une des trois priorités fortes de mon projet de budget pour 1998. Les fonds qui seront consacrés au secteur éducatif connaîtront donc une progression très sensible - de près de 5 % -, pour atteindre un montant de 6,438 milliards de francs.
Par ailleurs, les crédits publics de recherche intéressant le domaine de l'agriculture et de l'agro-alimentaire atteignent près de 3,840 milliards de francs, en augmentation de près de 3 %, ce qui nous permet de disposer d'un outil de recherche public bien adapté et de promouvoir des projets innovants avec différents partenaires.
Enfin, M. Raoult a particulièrement mis l'accent sur la création du fonds social lycéen dans l'enseignement agricole : c'est en effet une mesure tout à fait significative, qu'il m'a paru très important de mettre en place. Géré au plus près des familles, ce fonds permettra de faire face aux situations sociales difficiles et d'assurer une plus grande égalité des chances entre tous les élèves.
L'enseignement agricole prend ainsi toute sa place dans la priorité nationale reconnue à l'éducation par le Premier ministre.
M. Serge Mathieu a abordé de façon quasi exhaustive la situation de la filière viticole, et je veux m'efforcer de répondre à diverses questions qu'il a posées.
Concernant la campagne 1997, même si le volume de production est légèrement inférieur à celui de 1996, je crois que nous pouvons nous réjouir, avec l'ensemble des viticulteurs, de la qualité globale des vendanges : cela stimule les perspectives commerciales des entreprises, non seulement sur le marché intérieur, mais aussi à l'exportation.
Cependant, l'avenir de cette filière, notamment la pérennité des plantations viticoles, est également ma préoccupation et, dès le mois de juillet, j'ai obtenu des autorités communautaires un dispositif de gestion des droits de plantation qui nous permet d'optimiser notre quota.
Je souhaite bien entendu que les professionnels aboutissent à un accord pour faire en sorte que les droits ainsi préservés soient effectivement utilisés.
M. Serge Mathieu a évoqué aussi l'ensemble des questions relatives aux charges et à la fiscalité applicables à la viticulture.
Je suis, sur ces questions, en concertation permanente avec mon collègue chargé du budget, pour rappeler la nécessité d'une meilleure adéquation des systèmes en vigueur aux spécificités de la viticulture : je pense notamment à la fiscalité sur les stocks à rotation lente et aux déductions pour investissements.
Concernant le débat sur le vin et la santé publique, je sais que les professionnels sont engagés activement dans une démarche pédagogique visant à expliquer les conditions dans lesquelles la consommation modérée de vin est non seulement un élément fort de convivialité, mais aussi, semble-t-il, un atout pour la santé ; certains travaux scientifiques l'attesteraient.
Ce travail d'information commence à porter ses fruits dans les deux directions souhaitées : la lutte contre l'alcoolisme et l'information objective des consommateurs.
Enfin, M. Serge Mathieu a bien voulu saluer l'action que j'ai conduite cet été en matière de distillation préventive, de soutien à l'approvisionnement des débouchés « non-vins », ainsi qu'en faveur de l'amélioration qualitative des vignobles et de leur restructuration.
Je lui confirme que c'est avec la même détermination que je m'efforce de répondre aux autres préoccupations des professionnels de ce secteur, à commencer par le financement des investissements dans les caves, notamment coopératives, ou l'évolution du statut des syndicats d'appellation. Il en va, nous le savons, de l'avenir de notre viticulture.
MM. François-Poncet, de Menou et Huchon sont intervenus notamment sur l'organisation commune du marché des fruits et légumes. Ils ont évoqué la mise en place des dispositions prévues dans le cadre de la nouvelle OCM.
Comme vous le savez, celle-ci a été négociée en 1996 et les textes ont été définitivement approuvés début 1997. La mise en application française de ce nouveau cadre européen est en cours de réalisation, et nous avons la volonté de faire franchir à ce secteur très important de l'économie agricole une nouvelle étape en matière d'organisation.
C'est la raison pour laquelle, en concertation étroite avec les représentants des organisations professionnelles concernées, j'ai souhaité donner une chance à tous ceux qui s'engageraient clairement et rapidement dans les schémas proposés par la nouvelle OCM.
Il n'a donc pas été procédé à une sélection a priori des dossiers qui nous sont présentés, dès lors que le respect scrupuleux des textes communautaires apparaissait dans les dossiers transmis.
Bien entendu, l'OCM mettant en jeu des financements européens, les contrôles les plus stricts seront réalisés dès la première année, et aucune complaisance ne sera de mise à l'égard de ceux qui ne respecteraient pas intégralement les objectifs fixés.
Complémentairement, nous avons engagé une réflexion sur l'organisation des structures d'encadrement régionales et nationales des organisations de producteurs.
En effet, une adaptation de ces structures au nouveau dispositif européen s'avère nécessaire. Comme les professionnels responsables, je souhaite que la prochaine campagne de fruits et légumes, qui s'inscrira pleinement dans cette nouvelle OCM, bénéficie des opportunités réelles apportées par le nouveau cadre européen.
M. François-Poncet s'est également interrogé sur l'opportunité de traiter certaines filières spécialisées selon la même logique que celle qui sous-tend le paquet Santer. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, des aides à l'hectare pour les fruits et légumes ? La question mérite certes réflexion.
Je dirai simplement, à ce stade des négociations du paquet Santer, que les intérêts de la France dans ce débat ne nous conduisent pas à augmenter le nombre des sujets et des produits en discussion.
Concernant les fruits et légumes, force est de constater que la nouvelle OCM vient juste d'être adoptée. La question de l'opportunité d'un changement des règles du jeu se pose donc. Par ailleurs, il me semble difficile de justifier un soutien à cette filière au titre d'un différentiel de prix par rapport aux marchés mondiaux, mais la question, je le répète, mérite réflexion.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'arrive au terme de ma réponse à vos questions. Il ne m'a, bien évidemment, pas été possible de répondre à toutes celles que vous avez soulevées. Au demeurant, le débat budgétaire est devant nous.
A cet égard, j'ai entendu le jugement sévère qu'a porté M. Soucaret sur le projet de budget de mon ministère. Je lui ai déjà fait remarquer qu'il s'agissait d'une appréciation militante. S'il est sévère pour un budget qui progresse de 1,2 %, je tremble à l'idée de ce qu'il a pu dire voilà deux ans quand le budget reculait de 2,1 % et il y a un an quand il reculait de 3,8 % !
M. René-Pierre Signé. Il a la mémoire courte !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Au terme de ces heures de discussion, j'ai le sentiment que nous venons d'ouvrir un débat d'orientation et non pas seulement un débat prébudgétaire. Je me réjouis de voir l'intérêt que la Haute Assemblée porte à nos agricultrices, à nos agriculteurs, à notre agriculture.
Comme vous, je considère que le monde agricole et agro-alimentaire, qui joue un rôle essentiel dans notre économie, est aussi une composante primordiale de notre culture, déterminante pour l'équilibre de notre territoire.
Nous aurons à nouveau l'occasion d'échanger nos vues dans quelques semaines lors de la discussion du projet de loi de finances et dans quelques mois lors du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, dont l'ambition, je m'y applique, sera à la hauteur de vos attentes. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 74 et distribuée.

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