M. le président. « Art. 2. - Après le a ter du I de l'article 219 du code général des impôts, il est inséré un a quater ainsi rédigé :
« a quater. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997, le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus ou moins-value provenant de la cession des éléments d'actif, à l'exception des parts ou actions visées aux premier et troisième alinéas du a ter.
« Les moins-values à long terme afférentes à des éléments d'actif désormais exclus du régime des plus et moins-values à long terme en application de l'alinéa précédent, et restant à reporter à l'ouverture du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 1997, peuvent, après compensation avec les plus-values et les résultats nets de la concession de licences d'exploitation continuant à bénéficier de ce régime, s'imputer à raison des 19/33,33e de leur montant sur les bénéfices imposables. Cette imputation n'est possible que dans la limite des gains nets retirés de la cession des éléments d'actifs exclus du régime des plus et moins-values à long terme en application de l'alinéa précédent ; ».
Sur l'article, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. La philosophie qui sous-tend l'article 2 est identique à celle de l'article 1er. Comme en première lecture, j'en préconise donc la suppression, ainsi que nous le propose la commission.
Il est clair, monsieur le ministre, que la politique que vous menez tend à isoler notre pays et ses entreprises. Que vous le vouliez ou non et quelle que soit votre habilité dialectique - qui est grande, de même que votre talent de communicateur - il est clair que ce n'est pas en incitant nos entreprises à travailler moins que l'on dynamisera leurs activités.
Il est non moins clair que ce n'est pas en accroissant les charges de toute nature - et notamment l'impôt sur les bénéfices - que l'on développera l'esprit d'entreprise dans ce pays.
Ce sont des réalités simples !
M. Raymond Courrière. Simplistes !
M. Philippe Marini. Sans doute, aujourd'hui, une partie de l'opinion n'est-elle pas mûre pour les entendre, mais je persiste à croire et à dire que, dans quelques mois, lorsque les preuves auront été faites, la réceptivité de l'opinion publique à l'égard d'une politique d'inspiration toute différente deviendra tout à fait réelle, beaucoup plus qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Cela étant, monsieur le ministre, je dois reconnaître un point d'accord avec vous : il est bon que la gauche soit une vraie gauche, et il est bon que la droite ait confiance en ses valeurs et en ses solutions.
Il me semble que, dans le domaine de l'économie, vous êtes, monsieur le ministre, face à une contradiction que vous n'arriverez pas à gérer. En effet, après avoir assumé, au mois de juin dernier, à Amsterdam, tous les engagements de la France dans la construction européenne, vous voulez nous faire croire, tout en proclamant l'objectif de l'euro et le respect des critères de Maastricht, qu'il est concevable de diriger la France vers une structure fiscale d'une essence différente de celle qui a cours chez nos principaux partenaires, qu'il s'agisse de l'Allemagne ou, naturellement, de la Grande-Bretagne - même travailliste, et a fortiori travailliste - ou qu'il s'agisse des pays de l'Europe méditerranéenne, de l'Espagne qui s'est profondément réformée, ou de l'Italie, où même vos homologues ont la sagesse de mener une politique qui, à bien des égards et sur bien des sujets - je pense, notamment, au dossier de l'épargne retraite, sur lequel vous n'osez pas avancer - me paraît préférable à la vôtre pour entrer dans la zone euro.
Naturellement, cela peut susciter votre ironie, monsieur le ministre, je le comprends bien. Quoi qu'il en soit, je ne partage pas la mythologie que vous avez rappelée tout à l'heure. Mais à chacun ses fidélités, à chacun ses conceptions ! Je persiste à penser, pour ma part, que les grands rendez-vous sociaux du passé que vous avez évoqués ont plutôt été à l'origine de régressions pour notre pays que de réels progrès.
M. Raymond Courrière. C'est ce que disait Pétain en 1940 !
M. Philippe Marini. Je le répète, chacun sa culture, chacun sa fidélité, et je ne vous critiquerai pas d'être ce que vous êtes ; mais j'espère que vous-même et vos amis accepterez que d'autres voix s'élèvent et que d'autres logiques soient exprimées au sein de cette assemblée, pour secouer ce qui pourrait, à certains égard, apparaître comme une sorte de consensus mou sur des sujets caressant l'opinion dans le bon sens.
Ce n'est certainement pas avec ce type d'approche que l'on préparera l'avenir, mais au contraire grâce à des positions claires et tranchées.
C'est ainsi que la suppression de l'article 2 constituera le premier pas d'une démarche au travers de laquelle, progressivement, au fur et à mesure que la crédibilité se reconstruira, l'opposition montrera qu'elle a d'autres solutions à présenter pour demain ou pour après-demain - mais vous savez bien qu'au Sénat nous avons le temps d'attendre (Sourires.) - dans le cadre d'une autre politique.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne voudrais pas ennuyer le Sénat en intervenant trop longuement, mais je ne peux pas ne pas répondre à M. Marini : il considérerait que c'est discourtois, et il aurait raison.
Vous parlez d'isolement de la France. Monsieur le sénateur, j'ai trop de respect pour vous pour penser que vous croyez une seule seconde ce que vous dites ! Si une politique a pu isoler la France, c'est bien celle du gouvernement précédent, qui nous a disqualifiés pour l'euro ! Et l'audit de MM. Bonnet et Nasse, et la lettre adressée par Alain Juppé à Lionel Jospin l'ont montré, la France était disqualifiée et, sans les mesures que je propose ici - elles auraient pu être autres : on peut choisir tel ou tel mode de prélèvement - pour compléter les recettes fiscales que vous avez votées mais qui n'étaient pas au rendez-vous, la France n'aurait pu être au rendez-vous.
De grâce ! monsieur le sénateur : le problème de l'isolement de la France est pour vous une question importante - je comprends qu'elle le soit, et il en serait de même pour moi si c'était le cas - mais ayez l'amabilité de reconnaître que ce sont les mesures que nous vous proposons qui nous remettent dans le jeu et non pas la situation que vous nous avez léguée.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est une caricature !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Marini n'est pas une caricature, c'est un sénateur ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Pas lui, vos propos !
M. Michel Barnier. On n'est pas au théâtre !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez abordé un second point, monsieur Marini, en disant que nous allions dans un sens qui n'était suivi par personne. Mais vous oubliez que la durée du travail est plus faible en Allemagne que chez nous, que les Italiens sont sur le point d'engager une discussion sur les trente-cinq heures...
M. Philippe Marini. C'est une comédie à l'italienne !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. N'ayez pas pour les Italiens le mépris que l'on sent dans votre voix, comme tout à l'heure lorsque vous disiez que le peuple français n'était pas capable de comprendre ce qui se passait : naïf, il se serait laissé berné, et vous espériez que, dans quelques mois, il comprendra. Nous avons, vous et moi, pour être des parlementaires, trop de respect pour les électeurs pour que vos propos n'aient dépassé votre pensée.
Je comprends que vous ayez été échaudé par la sagacité des Français, car c'est la politique fiscale que vous avez approuvée pendant quatre ans qui a conduit la précédente majorité là où l'on sait ; vous avez alors dû constater à quel point les Français savent apprécier correctement la politique qu'on leur fait subir. Il suffit de regarder les réactions qui ont suivi l'annonce du texte que je vous propose et de la mesure qu'il comprend pour s'apercevoir qu'ils n'ont pas porté sur cette mesure un jugement analogue au vôtre. La sagacité qui valait hier me semble donc continuer à valoir aujourd'hui.
Je finis d'un mot, car ce débat que nous pourrions continuer longtemps, nous aurons d'autres occasions de le poursuivre, lors de l'examen de la loi de finances.
Je partage votre sentiment, monsieur Marini : il faut que la gauche soit la gauche et que la droite soit la droite, et vous n'avez aucune raison d'en avoir honte.
M. Philippe Marini. C'est tout le contraire ! Vous travestissez mes propos !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pourquoi vous sentez-vous obligé de dire que vous aimez la gauche quand elle est à l'extérieur, en Grande-Bretagne ou en Italie, de la prendre comme modèle, de regretter que nous ne soyons pas à son image ? Vous aimez la gauche quand elle n'est pas française parce que, en fait, vous ne voulez pas assumer exactement ce que vous êtes.
Ayez le courage de défendre vos positions et peut-être, comme vous le disiez, après-demain, ou après après-demain, le suffrage universel vous sourira-t-il de nouveau !
En tout cas, s'agissant de l'article 2, qui est effectivement la suite naturelle de l'article 1er, la position du Gouvernement reste inchangée. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Par amendement n° 3, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer l'article 2.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Cluzel, rapporteur. Lorsque c'est un rapporteur suppléant qui est face à un ministre dont la perspicacité n'est jamais prise en défaut, il peut se produire ce qui s'est produit à l'instant. Dans mon exposé, j'ai en effet parlé, à propos du dispositif fiscal, de « sa » rétroactivité. Bien entendu, M. le ministre n'a pas manqué de s'infiltrer dans la brèche. J'aurais dû dire, c'est vrai, que certains éléments sont rétroactifs. Je donne acte, donc, à M. le ministre de la justesse de sa rectification.
En revanche, sur l'article 2, je sollicite son adhésion à mon argumentation.
En effet, la suppression du régime de taxation favorable des plus-values est bien une disposition rétroactive, dans la mesure où elle s'applique à des plus-values réalisées avant le 1er janvier 1997, mais dont la taxation avait été reportée.
Il existe quelques cas, notamment celui des plus-values réalisées à la suite d'une expropriation ou d'une opération dite intercalaire comme, par exemple, une fusion d'entreprises ou un échange de titres.
Voilà pourquoi je propose la suppression de l'article 2.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé.

Article 3