M. le président. Par amendement n° 72, Mme Dusseau propose d'insérer, après le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-19, un alinéa ainsi rédigé :
« La rémunération des titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'étude après le baccalauréat est fixée à au moins 1,1 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Avant de présenter mon amendement, il ne me paraît pas inutile, monsieur le président, de revenir très brièvement sur la séance d'hier soir, notamment sur le début de la session ordinaire.
Notre assemblée a alors commencé à procéder à ce que j'ai appelé la « dilution » du projet de loi par l'extension systématique de la faculté d'embauche aux SEM, aux organismes visés à l'article L. 411-2 du code du travail, aux embauches à l'étranger, aux artisans...
C'était une première tactique. Il faut avouer que vous l'avez suivie avec beaucoup de constance et, quelquefois, je pense à M. Marini - avec même beaucoup d'astuce.
La deuxième tactique concerne l'extension des dispositions du projet de loi à d'autres bénéficiaires. Vous avez, bien sûr, argumenté sur le fond, mes chers collègues, en énonçant des catégories sociales qui avaient de bonnes raisons pour susciter l'intérêt. Vous avez cité les handicapés, les personnes âgées de vingt-six à trente ans, les cadres, quel que soit leur âge...
Pour chaque catégorie, les raisons avancées étaient extrêmement justifiées. Mais l'accumulation des catégories bénéficiaires est bien le fait d'une tactique délibérée tendant à ce que le projet de loi soit détourné de son objectif initial.
Nous avons fait mieux, mes chers collègues : à la fin de la séance - il faut dire qu'il était une heure du matin - la vigilance habituelle du Sénat a été prise en défaut. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Ainsi, il a voté à deux minutes d'intervalle, d'une part, l'obligation faite au Gouvernement de verser 80 % du SMIC chargé et, d'autre part, une disposition contradictoire aux termes de laquelle l'Etat devait prendre à sa charge un montant supérieur en fonction de la qualification des personnes. Enfin, pour être d'une cohérence absolue, il a refusé l'amendement de Mme Dieulangard qui laissait aux collectivités locales la possibilité d'augmenter leur part pour des personnes ayant une qualification !
M. Roland Huguet. Eh oui !
Mme Joëlle Dusseau. Je dois dire, mes chers collègues, que vous m'avez habituée à plus de clairvoyance et de cohérence dans vos votes. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Louis Boyer. Et vous, à plus de brièveté ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Joëlle Dusseau. J'en viens à mon amendement. (Ah ! sur les mêmes travées.) Je suis sûre, malgré vos exclamations, que vous avez bien entendu mon message, qui était en tout cas nécessaire.
Par cet amendement n° 72, je propose que, pour les jeunes qui auraient un niveau bac + 4 - vous savez que, selon les critères de l'ANPE, cela correspond au statut à 1,1 fois le SMIC de cadre - la rémunération soit fixée obligatoirement au minimum. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Votre préoccupation ayant déjà reçu satisfaction grâce à un amendement de M. Gouniac, la commission s'est déclarée défavorable au vôtre, madame Dusseau.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je comprends bien l'esprit qui a présidé au dépôt de cet amendement, mais je ne peux qu'y être défavorable, le Gouvernement ayant déjà donné un avis favorable à un amendement précisant que le salaire pouvait dépasser le SMIC.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 72, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 127, M. Fischer, Mmes Borvo, Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Derian, Duffour, Lefebvre, Loridant, Mme Luc, MM. Minetti, Pagès, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent, après le troisième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-19 du code du travail, d'insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« Les organismes chargés d'élaborer les projets mentionnés à l'article L. 322-4-18 doivent être agréés par l'Etat. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Le texte proposé pour l'article L. 322-4-18 dispose que « l'Etat peut conclure avec les collectivités territoriales, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public des conventions pluriannuelles prévoyant l'attribution d'aides pour la mise en oeuvre de projets d'activités répondant aux exigences d'un cahier des charges établi en concertation avec les partenaires lovaux ».
L'amendement que nous proposons prévoit un alinéa additionnel indiquant que « les organismes chargés d'élaborer les projets mentionnés à l'article L. 322-4-18 doivent être agréés par l'Etat ».
Notre souhait est simple : nous voulons que le dispositif d'emploi des jeunes bénéficie d'une sécurité maximale. Il y va de l'intérêt des jeunes au premier chef, mais aussi de l'intérêt des usagers, donc du secteur public.
Une certaine redéfinition des missions du service public, condition sine qua non de la pérennisation des emplois-jeunes, impose que les acteurs de la mise en oeuvre des projets conclus entre l'Etat et les collectivités territoriales jouissent de toutes les garanties nécessaires. C'est l'expérience acquise au cours des années passées - et les nombreux abus constatés - qui nous conduisent à faire cette proposition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à imposer de nouveau les agréments par le préfet.
Pour notre part, nous prévoyons une consultation préalable par le CODEF, le comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, ou par les missions locales, voire par un comité de pilotage conformément à la proposition de Mme Dieulangard.
Un agrément par une autorité comme le préfet serait évidemment en contradiction avec cette démarche et avec notre volonté de décentralisation de certains dispositifs en place.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'avis du Gouvernement est également défavorable.
Monsieur le sénateur, je tiens à vous indiquer que nous avons d'ores et déjà appelé l'attention des préfets sur la nécessité de veiller scrupuleusement à un respect absolu de l'esprit de la loi.
Il s'est produit trop de détournements sur des dispositifs semblables pour que nous ne soyons pas extrêmement vigilants.
A l'obligation d'un agrément, je préfère la souplesse, sous réserve qu'une attention toute particulière soit portée au respect des conditions légales.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 127, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 111, M. Gournac et les membres du groupe du RPR proposent, après le cinquième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 322-4-19 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La suppression ou la diminution de l'aide attribuée par l'Etat avant le terme de la convention mentionnée à l'article L. 322-4-18 constitue une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Il s'agit d'un amendement important pour les finances locales, sujet lui-même important.
En raison du principe de l'annualité budgétaire, l'Etat peut revenir à tout moment sur le montant ou sur le principe même de son aide. Dans cette hypothèse, les employeurs - collectivités territoriales, associations ou autres - seraient confrontés à de graves difficultés financières. En effet, ils ne seraient sans doute pas capables de faire face à la brusque montée en charge de leur part de financement. Par exemple, les collectivités locales devraient renoncer à des dépenses d'investissement ou alourdir leurs prélèvements fiscaux.
Afin que ces employeurs n'aient pas à faire face à une situation inextricable, mon amendement vise à prévoir que la suppression ou la diminution de l'aide avant le terme de la convention constitue une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Madame le ministre, vous serez sans doute choquée que le Sénat puisse mettre en doute la parole du Gouvernement. Pourtant, de nombreux exemples, qu'il s'agisse d'engagements financiers, de l'exonération des impôts sur les immeubles neufs ou d'autres, nous ont déjà montré que l'Etat pouvait reculer au moment de mettre en oeuvre ce qui avait été prévu. Dès lors, notre collègue est fondé à considérer qu'il convient de préciser que la suppression ou même toute diminution de l'aide de l'Etat doit constituer une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail.
Je pensais qu'une telle clause était évidente, mais, peut-être vaut-il mieux faire figurer cette précision dans le texte. C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'avis est défavorable, car il appartient au juge d'apprécier les causes réelles et sérieuses de la rupture.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 111.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je vais voter cet amendement, car je ne suis pas insensible aux raisons qu'a invoquées M. Gournac. (Exclamations sur les travées du RPR.)
S'agissant d'un dispositif dont l'application s'étale sur cinq ans, il faut envisager toutes les hypothèses. Il en est une que je répugne à envisager. Mais, après tout, M. Chirac nous a montré qu'il était imprévisible ! (Sourires.) Imaginons donc que, une nouvelle fois, des élections législatives aient lieu avant l'échéance normale - ce n'est pas absolument impossible - et que l'ancienne majorité revienne au pouvoir. Je ne veux pas y croire, mais ce n'est pas impossible !
M. Michel Mercier. Ce serait justifié !
M. Raymond Courrière. C'est invraisemblable !
Mme Joëlle Dusseau. Dans un tel cas, un nouveau gouvernement serait formé, qui pourrait ne pas se reconnaître dans ce projet de loi - cela s'est vu dans le passé ! - et qui ne se sentirait pas tenu par les engagements du gouvernement actuel.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai l'amendement de M. Gournac. (Exclamations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 111, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 322-4-19 du code du travail.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 322-4-20 DU CODE DU TRAVAIL