(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur les collectivités locales.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Dulait.
M. André Dulait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux dernières décennies ont été marquées par la décentralisation. Celle-ci a connu un indéniable succès, entraînant une réelle rupture avec toute l'histoire de France, trop longtemps confondue avec une idée jacobine du gouvernement.
Dans les faits, il convient de reconnaître que les choses sont loin d'être aussi évidentes, et les élus locaux se heurtent toujours à de nombreuses difficultés, comme le titrent avec humour nos collègues, Jean-Paul Delevoye et Daniel Hoeffel : Messieurs de l'Etat, encore un effort !.
Je ne reviendrai pas sur les points essentiels qui posent problème : clarification des compétences, transfert des moyens et renforcement de la démocratie locale, autant de questions fondamentales examinées de manière approfondie et pertinente par nos collègues dans leur excellent rapport consacré à la décentralisation.
Ces réflexions rejoignent les préoccupations exprimées lors du colloque national sur la décentralisation, organisé par le département des Bouches-du-Rhône à l'occasion du quinzième anniversaire des lois de 1982. Elles témoignent, toutes tendances confondues, de l'existence d'un mouvement réel des collectivités locales vers plus d'autonomie et de responsabilité et, corrélativement, des difficultés toujours plus grandes pour les élus d'exercer leur mandat, en particulier au sein des petites communes.
Les élus s'inquiètent notamment des contraintes juridiques croissantes qui pèsent sur eux et qui conduisent un certain nombre de leurs collègues à se désengager de la vie publique locale.
Ils souhaitent que le rôle des collectivités locales soit renforcé dans de nombreux domaines, et sont favorables au développement de l'intercommunalité.
Enfin, les réformes prioritaires consistent dans la poursuite de la politique de l'aménagement du territoire et la refonte de la fiscalité locale.
Le Gouvernement dispose donc encore de vastes chantiers de réformes à conduire dans un environnement budgétaire malheureusement toujours plus difficile.
Aujourd'hui, si nos collectivités territoriales répondent au mieux à l'attente de leurs administrés, c'est au prix de contraintes sans cesse nouvelles et qui s'accumulent.
Une insuffisante péréquation financière entre les territoires, l'exigence pesante de normes nationales et européennes sur les équipements publics, l'environnement, le fonctionnement des services public, ajoutées au nécessaire effort de solidarité, amènent une forte tension sur les budget locaux.
Mais cette tension peut se transformer en une véritable dérive lorsque la responsabilité de la collectivité et de ses élus est par ailleurs mise en jeu.
Emerge alors une notion nouvelle : celle de la vulnérabilité des collectivités territoriales. Elle se révèle ponctuellement, épisodiquement, au gré des actions contentieuses. Nous découvrons ainsi le nombre et l'importance des risques de toute nature qui pèsent sur nos collectivités, sans qu'elles y soient suffisamment sensibilisées, sans qu'elles aient pu en évaluer la teneur et s'en garantir, malgré les offres d'assurances les plus diverses qui leur sont proposées, certains risques d'ailleurs étant difficilement assurables.
Cette vulnérabilité, cette fragilité sortent du seul cadre financier pour concerner celui, plus global, de la responsabilité administrative et pénale, voire personnelle des élus ; les sources de risques sont de plus en plus nombreuses, et ne peuvent être réduites au seul problème comptable.
Un article d'un quotidien auquel vous répondiez, monsieur le ministre, le mentionnait ce matin. Cette notion du risque pris par les collectivités est un élément qu'il va falloir de plus en plus prendre en compte. Vous l'évoquiez à propos des sociétés d'économie mixte ; c'est l'un des éléments sur lesquels il nous faudra être vigilants.
La loi a par ailleurs prévu un double contrôle de la gestion des collectivités locales avec le contrôle de légalité par les services de l'Etat et le contrôle juridictionnel des chambres régionales des comptes qui examinent la régularité des comptabilités publiques.
Nous constatons donc que, si la pérennité d'une collectivité locale ne peut par essence être remise en cause, la notion de vulnérabilité multiforme prend régulièrement de l'importance et constitue une réelle menace, comme au sein d'une entreprise.
Nous avons tous à l'esprit des exemples concrets dans nos départements dans les domaines les plus divers, à propos de l'environnement, avec la pollution, les catastrophes naturelles, ou dans le domaine social avec la paupérisation, la marginalité - vandalisme, dégradations, diverses - et bien sûr, dans le domaine financier - rupture de recettes, dérive de gestion.
Je prendrai un autre exemple, celui du patrimoine qui est également un secteur où, à côté des risques « classiques », du type des incendies ou des accidents, apparaissent tant pour la collectivité que pour ses élus de nouveaux dangers, de nouvelles difficultés liés au renforcement des normes et aux exigences compréhensibles de nos concitoyens.
Comme l'a rappelé notre président René Monory dans un récent article de presse : « Les collectivités locales sont aussi en mesure de créer la richesse. Pourquoi ne pas considérer les communes comme des entreprises dont les élus assumeraient la responsabilité avec, au centre de leurs préoccupations, la poursuite de l'intérêt général en ce qui concerne aussi bien le cadre de vie que les conditions d'accueil des activités économiques, en particulier dans les domaines porteurs d'avenir de la formation et des nouvelles technologies, qui offrent les plus grandes perspectives de croissance dans les prochaines décennies ?
« Il faut que les collectivités décentralisées puissent aussi, sur le terrain et sans intervention de l'administration centrale, gérer les fonds importants affectés à l'emploi, en les réservant par priorité à ceux qui créent de l'activité supplémentaire. C'est d'une véritable révolution culturelle qu'il s'agit. La décentralisation est en marche, elle doit poursuivre son mouvement. »
Mais cette implication souhaitée et nécessaire des collectivités locales s'accompagne inévitablement d'un accroissement des risques. En vertu des lois de décentralisation, les collectivités s'administrent, se gèrent librement et, l'erreur étant humaine, certains choix peuvent se révéler dramatiques.
C'est la raison pour laquelle, afin de poursuivre l'engagement indispensable des collectivités, qui répond à l'attente de nos concitoyens et aux besoins d'une gestion de proximité capable de créer de la richesse - et nous avons dit, au long de cette journée, combien l'investissement à l'échelon des collectivités locales était important pour l'ensemble de nos concitoyens ainsi que pour l'Etat - il me paraît urgent de prémunir tant les élus que nos citoyens contre la démultiplication des risques car, si la gestion « en bon père de famille » a vécu, la décentralisation moderne peut présenter des risques non négligeables de gestion à comparer « au risque management » des entreprises.
Une réflexion sur ce sujet relativement neuf ne pourrait-elle pas être conduite, à l'image de ce que le soutien des grandes mutuelles d'assurance et des entreprises PME-PMI a initié dans mon département. Je le cite, pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais c'est celui que je connais le mieux !
Je souhaite qu'avec la création, sur l'initiative de notre conseil général, d'un centre de prévention des risques nous offrions une démarche stratégique de développement fondée sur l'analyse de l'information, les mesures des risques encourus et des propositions d'action sur les questions les plus diverses, qu'il s'agisse de la sécurité routière, des jeunes, des associations ou encore des PMI et des SEM, notamment.
Cette réflexion pourrait aboutir à la création d'un « observatoire des risques publics » qui serait chargé de répertorier les sources de risques au travers d'un audit global de vulnérabilité, de les analyser et de proposer à la fois des mesures d'information, de sensibilisation et, bien évidemment, de rechercher les meilleures actions possibles de prévention.
Tous les contrôles qui sont effectués jusqu'à présent le sont a posteriori et n'aident véritablement pas les communes ni même les départements dans la mesure où on leur demande d'agir en amont. Un observatoire de ce type aurait tout à fait sa place dans une réflexion globale sur le rôle des collectivités locales en matière d'investissement et de création d'emplois.
Ce serait parallèlement, et avec la création des deux offices parlementaires chargés de l'évaluation des politiques publiques et de l'évaluation de la législation et la mise en place du haut conseil des normes demandée par l'Association des maires de France, faire oeuvre utile dans notre volonté de donner à nos institutions locales et à leurs représentants les moyens de se consacrer plus sereinement à leurs missions essentielles d'intérêt général et de service public.
Pour ma part, je suis convaincu, monsieur le ministre, qu'en garantissant les collectivités locales et leurs habitants contre les risques encourus en matière de gestion, en insistant sur le respect des règles prudentielles, nous ouvrons la voie à de nouvelles perspectives de développement.
Enfin, pour reprendre une métaphore employée par M. Fourcade, si les communes sont assiégées depuis les quatre points cardinaux, c'est à la recherche d'une boussole que je vous demande d'aller, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il me soit permis de dire, étant donné l'intimité de notre débat, qu'au moment où le rideau tombe sur la dernière séance de l'Olympia, le nôtre se lève sur la seconde partie d'un débat qui, effectivement, est très important.
L'avenir, ou mieux encore, le devenir des collectivités locales, au milieu desquelles les communes, est, au coeur de notre débat, l'occasion opportune de faire un bilan de l'application des lois, des textes qui les gouvernent.
Il s'agit, en quelque sorte, d'un droit de suite au débat qui, voilà quelques semaines, ici même, traitait de l'intercommunalité, premier maillon du contrat de confiance entre les collectivités locales et l'Etat. C'est pourquoi j'y reviendrai longuement, même si ce n'est peut-être pas l'essentiel du sujet de ce soir.
Il convient aujourd'hui, dans une autre dimension du problème, de les analyser au regard de certaines difficultés pratiques - vous en avez, monsieur le ministre, souligné un certain nombre - mais en se plaçant, cette fois, du côté des collectivités locales.
Elles vous savent profondément gré de l'attention que vous leur portez à l'occasion de la concertation que vous avez lancée. Elle est dans le droit-fil et la logique des règles fixées par le Président de la République et répond à votre souhait personnel d'associer au plus près les collectivités locales à votre réflexion, sur le chemin des réformes annoncées, des réformes attendues et, dans certains cas, des réformes guettées.
Puisant enseignement dans mon département, l'Indre, je peux témoigner du fait que les élus locaux, et plus précisément les maires ruraux, seront attentifs aux trois objectifs suivants.
Premier objectif : l'affirmation ou la réaffirmation qu'une communauté de communes, structure que vous souhaitez privilégier, ne portera pas atteinte à la libre administration des communes qui la composent.
Deuxième objectif : l'assurance qu'une communauté de communes ne sera pas réduite aux acquis d'une DGF aubaine ou d'une promesse à la hussarde d'une subvention. J'en ai le triste exemple chez moi. La communauté ne doit pas davantage se confondre avec une « communauté réduite aux aguets » de la localisation de l'éventuel équipement communautaire, dirigée par des élus communautaires qui ne sont pas proches du terrain.
Troisième objectif : l'urgente nécessité de réviser le mécanisme qui permet au préfet de définir le périmètre de la communauté, en dressant la liste des communes intéressées, alors que certaines d'entre elles ne le sont pas forcément pour ce qui les concerne.
Pour illustrer mon propos, je souhaite revenir sur quatre arrêts qui ont été rendus récemment le 2 octobre 1996 par le Conseil d'Etat et qui, dans mon département, ont littéralement mis le feu aux poudres !
Acceptez de penser que, si je prends ces arrêts à témoin dans ce débat, ce n'est pas par souci de je ne sais quel pédantisme juridique ; c'est par la volonté de souligner ce qu'ils ont de révélateur et de nouveau.
Nouveau ; car c'est en effet la première fois que le Conseil d'Etat était amené à se prononcer sur l'application des dispositions de la loi relative à l'administration territoriale de la République du 6 février 1992.
Notamment, le Conseil d'Etat était saisi par des communes de Charente de demandes d'annulation de l'arrêté fixant la liste des communes intéressées par le projet de communauté de communes de Jarnac et de l'arrêté portant création de cette communauté de communes.
Le Conseil d'Etat a rejeté leurs demandes et, à cette occasion, rappelé les termes de la loi, mettant ainsi en évidence sa portée fort contraignante.
Quelle était l'argumentation de ces communes, dont on va voir qu'elles ont été enrôlées de force ? Pour l'essentiel, leur refus de faire partie de cette communauté de communes sous la contrainte. En effet, elles ne faisaient pas partie des communes à l'origine du projet et, surtout, elles envisageaient de se regrouper dans un autre établissement public de coopération intercommunale.
Que leur a répondu le Conseil d'Etat ? Tout simplement qu'il existait, aux termes de la loi ATR, deux procédures de création de communauté de communes : une procédure dite « permanente » et une procédure mise en oeuvre dans le cadre du schéma départemental de coopération intercommunale.
A la suite de quoi le Conseil d'Etat a rappelé qu'il n'y a qu'un seul cas et une seule procédure qui permette à des communes de participer à une autre communauté que celle dans laquelle elles ont été enrôlées : c'est dans le seul cadre du schéma départemental de coopération intercommunale. Le projet de Jarnac n'ayant pas été élaboré dans ce cadre, le premier moyen employé était inopérant : comprenez que leur argument était dénué de toute efficacité !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, voici ce que dit le commissaire du Gouvernement dans cette affaire : « On peut certes s'interroger sur les raisons qui ont conduit le législateur à instaurer une clause de sauvegarde pour la seule procédure temporaire alors que l'autonomie communale est autant menacée lorsqu'est mise en oeuvre la procédure permanente de création d'une communauté de communes ».
A la lumière de ces dernières explications, qui coûteront finalement à ces trois communes de Charente le prix de la libre administration, nous voyons manifestement quelle tournure devra d'ores et déjà prendre la réforme de l'intercommunalité dont vous parlerez jeudi prochain au Gouvernement. Au demeurant, le commissaire du Gouvernement a entendu montrer la carence du législateur lorsqu'il a précisé au Conseil d'Etat que, sur ce point, il n'avait pas « à éprouver ce genre d'état d'âme », ce qui naturellement nous conduit à certaines réactions, à certaines modifications et à certains espoirs de changement, comme l'ont rappelé avant moi Paul Girod et Jean Puech.
J'en viens au deuxième moyen utilisé par ces communes : elles soutenaient que les décisions du préfet étaient contraires à la Constitution, et précisément à son article 72, en ce qu'elles portaient atteinte au principe inscrit dans la Constitution de la libre administration des collectivités territoriales.
Bien entendu, le Conseil d'Etat, qui n'a pas, dit-on, à apprécier la conformité de la loi à la Constitution, a fait fi de ce dernier argument.
En revanche, beaucoup plus sérieusement, nos trois communes ont invoqué l'article 66 de la loi ATR, selon lequel « le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d'élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité ».
Le Conseil d'Etat a, là aussi, écarté cet argument en se référant aux dispositions de la loi relative à la majorité qualifiée. Dois-je vous faire grâce, sur ce point, des conclusions du commissaire du Gouvernement devant lesquelles je reste, comme vous je pense, pantois ? « L'énoncé du principe de libre administration signifie que la décision du représentant de l'Etat est précédée par l'intervention d'assemblées élues et ne peut aller contre l'expression majoritaire ».
Manifestement, je ne peux - pas plus que mes collègues, je crois - souscrire à l'interprétation que nous livre ici le Conseil d'Etat. Elle me paraît en tout point contraire non seulement au principe constitutionnel ci-dessus rappelé et le fait que le Conseil d'Etat refuse, sur ce point, d'intervenir est un autre débat - mais aussi à l'intention véritable du législateur. C'est dire que les législateurs que nous sommes ne doivent pas tolérer cette ambiguïté qui conditionne la libre administration communale au respect de l'expression majoritaire.
Vous aurez ainsi mieux compris mon inquiétude et ma désapprobation face à ces décisions très importantes.
Monsieur le ministre, je pense que cette série d'arrêts est la parfaite illustration de la mise en place de solutions juridiques trop contraignantes, dont les effets dévastateurs n'ont pas pu être souhaités par le législateur. J'ajoute qu'ils ont parfois pour conséquence, comme ici, de passer outre la légitimité démocratique des représentants de la commune - légitimité qu'il n'y a pas lieu de dévaloriser, dans ce cadre, face à un acte du préfet - et de remettre en cause le principe de la libre administration des collectivités locales exprimé notamment dans les articles 66 et 68 de la loi du 6 février 1992.
A cet égard, je crois que vous avez parfaitement perçu les craintes et les difficultés - toutes d'ailleurs ne sont par parvenues au juge administratif ! - de certaines collectivités à l'aube de leur intégration dans les futures communautés de communes lorsque vous avez suggéré de retenir une structure qui « pourrait se construire sur la base des règles les moins contraignantes ». Il est en effet à craindre que toute disposition pouvant apparaître comme réductrice de l'exercice de la liberté des collectivités territoriales ne soit, dans un réveil des suspicions, fussent-elles illégitimes, un frein supplémentaire à la réforme qu'avec vous nous appelons de tous nos voeux.
La réforme qui se met en place prévoit la clarification des compétences nouvellement transférées de l'Etat aux collectivités locales. Elle ne doit pas réveiller une autodéfense agressive de telle ou telle collectivité locale qui se sentirait menacée dans l'exercice de ses prérogatives.
Aussi est-il nécessaire de rechercher, comme vous l'indiquez, les règles les moins contraignantes, condition indispensable à la confiance sollicitée.
Nous avons vu la différence de régime, au demeurant peu justifiable, entre la procédure permanente de création de communautés de communes et la procédure de création intégrée au schéma départemental de coopération intercommunale.
Autre bizarrerie de la loi sur laquelle j'attire votre attention : si l'avis de l'assemblée départementale est systématiquement requis dans le droit commun de la création, que je crois moins contraignante, du syndicat ou du district, pour la définition du périmètre, cet avis n'est pas prévu dans le droit commun de la création de la communauté de communes pour la fixation de ce périmètre, ce qui me paraît manquer de ce que j'appellerai « une certaine cohérence démocratique ».
Monsieur le ministre, vous le rappeliez dans votre réponse du 13 mars dernier : il y a deux approches à ne pas confondre, disiez-vous : une approche centrée sur l'aménagement du territoire, la mise en commun de moyens et de réflexions, et une approche institutionnelle, destinée à améliorer ou à construire les solidarités. Dès lors, je ne suis pas certain que, devant le Sénat, devant les élus locaux que nous sommes pour la plupart, comme vous, vous tiriez toutes les conséquences de ce constat. Or ce constat, monsieur le ministre, se dessine au fur et à mesure de nos réflexions, des échos quotidiens qui remontent de nos communes : ne sommes-nous pas en train de mettre le doigt sur l'incompatibilité croissante qui risque d'opposer sur le terrain et dans les faits les objectifs prioritaires d'aménagement du territoire et les objectifs de réforme, de simplification, de modernisation et de solidarité des collectivités territoriales ?
C'est la survie des petites communes qui est en cause. Au fil des ans, et du fait même de la désertification rurale, par absence de réelle politique d'aménagement du territoire, elles ont successivement perdu leur population, leurs écoles, leurs bureaux de poste. Elles n'accepteront pas de perdre demain leur mairie. Elles souhaitent garder leur carte d'identité et ne pas figurer, presque anonymes, sur le passeport d'une autre collectivité.
Laissez-les vivre, se défendre, s'associer, coopérer librement comme elles le font, comme elles l'ont déjà fait.
Gérées par une armée de bénévoles, elles sont, en dépit de tous les transferts de charges, les plus économes des collectivités locales. Ne les laissez pas ouvertes, blessées, inquiètes et désespérées devant les propos de ces imprécateurs qui, au nom de je ne sais quelle logique de simplification, tonitruent contre l'Europe, l'Etat, la région, le département, les communes : « Il y a un échelon de trop », en pensant, bien sûr et sûrement, à ces 36 000 communes de France, qui sont en Europe notre histoire, notre originalité et, finalement, notre identité nationale dans notre démocratie, dans une décentralisation sur laquelle il n'est naturellement pas question de revenir.
Il est de fait qu'au-delà de mon propos sur une intercommunalité très mal vécue et à revoir se pose, dans un objectif de clarification et de simplification des compétences, le problème des relations entre les différents acteurs de notre vie territoriale : communes, départements, régions, Etat.
Aucun élu ne peut se soustraire à cette réflexion : elle témoigne de la nécessité de donner à la France une nouvelle silhouette juridique. Si un instant - audacieux ou imprudent face à cette silhouette, cela revient au même - j'oppose l'immense capharnaüm des aides européennes, nationales, départementales, régionales, des mécanismes compliqués de subvention, de tous les horizons à l'imbroglio des zonages nationaux et européens, si rien n'est fait, au nom de la clarification des compétences, et en ce domaine pour que chacune des collectivités locales n'empiète pas sur la liberté de l'autre, alors, c'est sûr, monsieur le ministre, nous vivrons une mauvaise décentralisation, une mauvaise déconcentration. Nous risquerions de quitter le bureau de Descartes. Bonjour Kafka ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants).
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décentralisation a aujourd'hui quinze ans d'âge, l'âge de l'adolescence, à la fois bien proche et encore éloigné de l'âge de la maturité. Nous devons, mes chers collègues, saisir toutes les occasions qui s'offrent à nous de réfléchir sur les promesses de sa croissance : c'est, me semble-t-il, le rôle du Sénat. Nous vous remercions, monsieur le ministre, d'accepter cette occasion-là.
La grande loi fondatrice du 2 mars 1982 a établi les droits et les libertés des communes, des départements et des régions. Tous les analystes de bonne foi verront là une seconde naissance de la démocratie locale en France.
Le législateur de 1982 a dit aux citoyennes et aux citoyens élus du suffrage universel qu'ils tiraient de leur qualité de représentants directs du peuple la plus forte légitimité qui soit, et les a placés, de ce fait, aux côtés des représentants de la nation, qu'il faut se garder de confondre avec l'Etat.
Les élus locaux se sont vu alors reconnaître le pouvoir de décider : on a bien voulu considérer qu'ils étaient probablement mieux à même d'identifier l'intérêt local, et de le défendre.
Au fond, et pour faire bref, les élus locaux ne sont vraiment devenus majeurs que parce qu'ils ont été majoritaires à estimer que l'Etat employait plus d'énergie à maintenir ses tutelles paralysantes qu'à aider réellement à l'avancement des affaires publiques communales, départementales et régionales. Par voie de conséquence, ils sont devenus les interlocuteurs quotidiens de leurs administrés.
C'est en ce sens, me semble-t-il, que la décentralisation a marqué le renouveau de la démocratie locale.
Ce fut pour nous une manière de retrouver nos grands aînés, Lamartine et Tocqueville, pour qui chaque portion du territoire devait vivre une vie politique multipliant à l'infini, pour les citoyens, les occasions d'agir ensemble, de s'intéresser ensemble au bien public, de sentir tous les jours qu'ils dépendent les uns des autres, qu'ils vivent en société.
Mais les choses ne sont pas si simples et, après quinze années de persévérance et d'efforts pour améliorer le dispositif initial, nous voyons aujourd'hui revenir le temps des mauvais procès et de la tentation centralisatrice.
Celle-ci est un vieux réflexe plongeant ses racines dans notre tradition institutionnelle centralisatrice. Mais je la juge d'autant plus dangereuse qu'elle se pare aujourd'hui des atours de la modernité. Elle vise à séduire pour mieux réduire.
Il s'agit d'abord de séduire le citoyen pour le persuader de l'incurie des pouvoirs locaux, de leur manque de scrupules ou d'honnêteté et, au total, de leur incapacité fondamentale à oeuvrer pour l'intérêt général. Trop souvent, de mauvais procès sont intentés par des administrations à l'encontre des collectivités locales.
Les moyens mobilisés au service de cette cause sont impressionnants. Les professeurs de vertu, les redresseurs de torts affluent. C'est que la dénonciation de la pression fiscale, qui ne pourrait s'expliquer selon eux que par les turpitudes des élus locaux, constitue un thème très vendeur de papier ou de temps d'antenne.
Je suis aussi scandalisé par les élucubrations caricaturales de tel mauvais pamphlétaire qui crie : « Au secours, nos élus nous ruinent ! » que par les propos inconvenants du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui n'a pas hésité à affirmer, sur une chaîne de télévision et à une heure de grande audience, que la décentralisation avait multiplié la corruption et transformé les élus locaux en corrompus.
M. André Dulait. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Dans l'un et l'autre cas, le niveau de l'attaque est consternant, mais il s'agit, je le répète, de séduire les citoyens pour les détourner des affaires publiques locales.
Cependant, dans le même temps, il s'agit aussi de réduire les élus locaux et leur volonté d'autonomie.
On se garde bien d'expliquer au citoyen que la hausse de la pression fiscale locale répond, pour une part de plus en plus importante, à la nécessité de financer les charges transférées par l'Etat.
On n'explique surtout pas que le prétendu « pacte de stabilité financière » que l'Etat a imposé aux collectivités lui permet essentiellement de se poser à bon compte en modèle, puisqu'il ne fait que tenter de stabiliser ses propres dépenses en augmentant indirectement les charges des collectivités locales, portant par là une grave atteinte au principe fondamental de la décentralisation selon lequel tout transfert de charge devrait s'accompagner du transfert des ressources correspondantes.
On devrait pourtant dire à l'opinion que l'augmentation des dépenses locales n'est pas due à l'incurie des élus, mais qu'elle est liée, au moins pour partie, à la stratégie de l'Etat, qui reporte sur elles le poids des efforts qu'il ne fait plus.
Que dire, par ailleurs, des contrôles exercés sur les collectivités ?
S'agissant du contrôle de légalité des actes, de deux choses l'une : soit l'Etat, faute des moyens adéquats, n'accomplit qu'incomplètement son travail, et il est inquiétant de songer à s'en remettre à lui plus encore ; soit les élus locaux connaissent bien leur affaire puisque, dans la plupart des cas, le contrôle de légalité n'aboutit qu'à relever des broutilles.
Je ne ferai qu'évoquer le glissement des chambres régionales des comptes vers le contrôle d'opportunité, ou encore le rôle extraordinairement paralysant de ces commissions de sécurité - car il faut bien en dire tout de même quelques mots - qui, en réalité, n'ont aujourd'hui qu'une obsession : éviter de prendre la moindre responsabilité pour préserver leur propre sécurité.
En revanche, dès qu'il s'agit de rechercher la responsabilité d'un maire pour quelques poissons morts dans un ruisseau longeant une station d'épuration, quel zèle ! On n'a pas hésité à aller jusqu'à la condamnation pénale infamante, à grands renforts de mises en examen médiatisées !
Je n'étonnerai personne en disant que, si l'on voulait décourager les vocations et éloigner les élus locaux - après les citoyens - des affaires publiques, on ne s'y prendrait pas autrement !
M. André Dulait. Eh oui !
M. Jean-Marc Pastor. Quinze ans après l'avènement de la décentralisation - même si j'ai pris bonne note, monsieur le ministre, de vos propos introductifs rassurants -, on semble avoir pris en France le parti de l'abattre, pour revenir à la négation du fait local et replacer les affaires publiques dans le giron exclusif de l'Etat, en imposant aux collectivités locales de nouvelles responsabilités et de nouvelles normes de gestion qui piègent trop souvent les élus locaux.
Un Etat n'est rien d'autre que l'instrument d'action d'une communauté de citoyens. Il doit naturellement assumer un certain nombre de missions fondamentales, mais il a également le devoir de s'adapter aux exigences de cette communauté. Or, nous le savons bien, l'Etat est en crise depuis plus de vingt ans, en crise organisationnelle, politique et culturelle.
Le lien entre l'Etat et le citoyen est aujourd'hui rompu. Le citoyen n'a plus une idée claire de la répartition des compétences. Que l'Etat se consacre enfin à ses véritables missions, qu'il en déconcentre l'exécution, mais qu'il admette que les collectivités locales sont majeures et qu'il les laisse fonctionner en conséquence, selon les règles fondamentales de la décentralisation.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Plutôt que de s'arc-bouter sur un passé révolu et de se perdre en incantations sur le retour de la centralisation, il me paraît préférable, monsieur le ministre, de réformer enfin l'Etat jusque dans la conception qu'il a de l'intérêt général. Il pourrait alors jouer un rôle d'orientation et de régulation, sans que celui-ci soit nécessairement conçu comme radicalement antagoniste des droits et libertés des communes, départements et régions.
En d'autres termes, l'Etat que j'appelle de mes voeux serait celui qui reconnaîtrait que le niveau local représente un formidable gisement d'initiatives, rendu encore plus efficace par un surcroît de péréquation et de transparence ainsi que par une réforme de la fiscalité, dont le caractère indispensable a déjà été souligné à cette tribune. A cet égard, une réforme des bases locatives cadastrales nous semble devoir constituer la première étape.
Il faut en finir avec le faux débat sur le nombre prétendument excessif de nos communes. Dans un raisonnement arithmétique trop simpliste, on peut éventuellement voir un peu de vérité, mais le monde ne se réduit pas en équations !
L'attachement des Français à leur identité communale est une réalité sociologique, culturelle et politique. C'est le socle de notre démocratie locale qui, me semble-t-il, mérite le respect. Pourquoi vouloir le nier, alors que l'essentiel est ailleurs ? Pourquoi persister à développer des analyses organiques quand l'étude des fonctions se révèle beaucoup plus pertinente ?
La commune représente désormais un lieu de projets, une formidable rampe de lancement : qui mieux qu'elle peut fédérer, orienter, valoriser les énergies des citoyens, des associations, des entrepreneurs ? De quel meilleur levier - et c'est un levier qui a fait ses preuves - dispose-t-on pour impulser le développement économique et garantir la cohésion sociale, sans négliger le rôle de la coopération intercommunale ?
La décentralisation, ce n'est ni l'incompétence ni la gabegie. La décentralisation, c'est l'initiative et la démocratie. Et l'Etat ne peut aller contre la démocratie : son rôle est plus de soutenir, d'appuyer les énergies et les élus locaux que de déployer son appareil administratif pour paralyser, instruire de mauvais procès et accuser.
Revenons à la démocratie et à ses exigences pour reconnaître, avec Tocqueville, qu'en ôtant la force et l'indépendance de la commune « on n'y trouve que des administrés, mais point de citoyens ». La pertinence de la formule vaut évidemment aussi pour les départements et les régions. Toujours en paraphrasant le maître, on peut affirmer que « les institutions locales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science : elles la mettent à la portée du peuple, elles lui en font goûter l'usage paisible, et l'habituent à s'en servir ».
Puissions-nous, monsieur le ministre, contribuer ensemble à la préservation de cette bonne habitude par l'instauration d'une nouvelle confiance entre l'Etat et les collectivités locales et, ensemble, savoir la transmettre à nos concitoyens ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées de l'Union centriste. MM. Gerbaud et Puech applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. La déclaration que vous avez faite, monsieur le ministre, démontrerait, s'il le fallait, votre volonté et celle du Gouvernement, de vous rapprocher des multiples préoccupations qui sont aujourd'hui celles des élus locaux et de leur proposer, à travers des dispositions concrètes, de s'inscrire toujours davantage dans un esprit de partenariat loyal et constructif.
A cet égard, le débat qu'a voulu le Gouvernement nous paraît d'une évidente utilité et complète fort opportunément celui qui a suivi l'excellent exposé fait ici même, le mois dernier, par notre éminent collègue M. Daniel Hoeffel autour du thème de l'intercommunalité. Tout ce qui a été dit à cette tribune depuis quelques heures en porte témoignage.
Il est vrai que ceux qui ont la charge de gérer et d'animer nos collectivités locales ont besoin de signaux forts.
Fantassins de la République, ils se trouvent au coeur de la tourmente quand, dans une opinion publique de plus en plus sensible, s'ouvre le débat sur le tracé d'une route, d'une ligne de TGV, d'un canal, sur la création ou le prolongement d'une piste d'atterrissage, sur le choix du site d'implantation d'une usine d'incinération des ordures ménagères, d'une station d'épuration, d'un centre de tri ou d'un centre d'enfouissement technique, sur la prévision de fermeture d'une classe ou de réduction d'un service public.
Ces mêmes élus locaux sont placés aux avant-postes quand une entreprise connaît des difficultés, et ils sont confrontés quotidiennement à la rencontre de leurs concitoyens en difficulté, ceux qui sont à la recherche d'un emploi, d'un logement, de manifestations de solidarité.
C'est encore auprès d'eux qu'on vient se plaindre des problèmes d'insécurité, de toxicomanie, de violence urbaine.
Il leur appartient, dans ce contexte, de mettre en place les premiers secours, les secours d'urgence, de s'impliquer, d'inventer, d'expérimenter, dans un domaine où l'opinion publique n'est pas toujours acquise d'emblée et où l'évaluation des résultats est difficile à réaliser d'une manière objective.
Il leur faut également assumer d'une façon de plus en plus prégnante des responsabilités en matière de sécurité, d'hygiène, de protection de l'environnement, sans disposer toujours des moyens techniques et financiers nécessaires, alors que chaque incident qui se produit ici ou là se traduit, dans notre société ultramédiatisée, par une vague d'exigences nouvelles.
On ne peut passer sous silence les contrôles de plus en plus rigoureux, parfois de plus en plus tatillons, qui sont exercés par les services préfectoraux et par les chambres régionales des comptes. Certes, il s'agit là de la contrepartie à payer pour les compétences acquises du fait des lois de décentralisation. Cependant, il faut redire ici avec force que l'idée selon laquelle les irrégularités seraient aujourd'hui plus nombreuses que par le passé n'est pas corroborée par les faits. C'est le contrôle qui est plus vigilant. Et encore les irrégularités se situent-elles dans la forme plus souvent que sur le fond.
Aussi faut-il comprendre la frustration des élus qui, à l'issue d'un contrôle portant sur trois ou quatre années de gestion, soit des milliers d'actes, de très nombreuses réussites, des paris gagnés, n'ont à rendre publics que les rares points qui ont échappé à leur vigilance ou qui se sont soldés par un échec, donnant ainsi un vision négative et terriblement réductrice de leur action.
A ces difficultés viennent s'ajouter les problèmes financiers consécutifs à la baisse de l'activité économique, au poids des contraintes réglementaires, à l'accroissement des contingents d'aide sociale et à cette situation paradoxale : si les exigences à l'égard du service public n'ont jamais été aussi importantes, jamais la protestation contre les prélèvements obligatoires n'a été aussi vive.
Alors que je travaillais à l'élaboration du budget de ma ville, les entreprises du bâtiment et des travaux publics m'exhortaient à ne pas alourdir leurs charges fiscales, tout en me demandant de ne pas ralentir l'effort d'investissement de la ville. C'est tout le paradoxe !
Mais, par-delà le poids de ces difficultés, je devrais, en vérité, parler aussi de la passion avec laquelle les élus locaux s'efforcent de remplir leur mission, de leur ingéniosité, de leur pugnacité.
Je devrais parler, enfin, de leur bonheur quand, ici et là, la réussite vient récompenser leurs efforts.
C'est pourquoi ils seront sensibles au message que vous avez voulu leur délivrer, monsieur le ministre, et aux dispositions concrètes qui visent à accroître l'efficacité de la relation unissant l'Etat et les collectivités territoriales.
Je voudrais évoquer encore, d'une manière très précise, un point qui me paraît important, et qui concerne nos collaborateurs de la fonction publique territoriale, des collaborateurs qui accompagnent nos efforts, qui ne cessent de défricher avec nous de nouveaux territoires, et dont la motivation et la compétence nous aident à faire face aux défis auxquels nous nous trouvons confrontés.
Leur statut, en vigueur depuis 1984, amendé depuis lors sur un certain nombre de points, a ordonné et clarifié leur situation pour l'essentiel. Il reste, cependant, imparfait et, par voie de conséquence, perfectible.
Je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes conscient et que vous êtes animé du souci constant de répondre avec réalisme aux dysfonctionnements les plus criants. Je souhaite ici m'attarder exclusivement sur celui de la prime de fin d'année ou treizième mois.
Au fil des années, une très grande majorité des collectivités territoriales a institué une prime de fin d'année, représentant tout ou partie d'un treizième mois.
Une telle prime n'étant pas prévue par le statut de la fonction publique, son versement s'est fait à travers des amicales du personnel ou des groupements d'action sociale. Dans mon département, le groupement d'action sociale a été créé en 1965, voilà donc plus de trente ans, et compte 260 collectivités adhérentes pour 2 300 agents, sans parler des amicales des villes plus importantes, regroupant quelque 3 000 agents supplémentaires.
Les chambres régionales des comptes ont relevé le caractère non statutaire de cette prime et considèrent que la procédure employée peut relever de la gestion de fait.
L'article 70 de la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire permet désormais de verser cette prime à condition que cet avantage soit pris en compte dans le budget de la collectivité ou de l'établissement.
La rédaction du texte laisse cependant subsister une ambiguïté quant à l'accès à cet avantage, au sein d'une même collectivité, aux agents engagés postérieurement au 26 janvier 1984. Il va de soi qu'une interprétation restrictive introduirait au sein d'une même collectivité deux régimes de rémunérations différents, ce qui aurait, à l'évidence, des conséquences absolument ingérables.
L'inégalité introduite par le texte entre les collectivités ayant ou non institué une prime de fin d'année avant le 26 janvier 1984 porte en elle d'autres inconvénients majeurs.
Les agents qui ont déjà été défavorisés pendant des années par rapport à une majorité de leurs collègues le seront dorénavant d'une manière pérenne, ce qui ne paraît pas acceptable.
Ce sont également les collectivités ayant appliqué jusqu'à présent les textes en vigueur de la manière la plus scrupuleuse qui se trouvent pénalisées dans la conduite présente et future de leur politique salariale.
La coexistence de deux systèmes de rémunération inégaux constituera inévitablement un frein considérable à la mobilité des agents et toutes les collectivités de création récente, notamment les districts et les communautés de communes, auront, pour l'essentiel, à leur service du personnel qui aura préféré le détachement de sa collectivité d'origine pour conserver ses avantages acquis plutôt que la mutation, alors que la logique voudrait qu'un transfert de compétences soit accompagné d'un transfert de personnel.
Pour toutes ces raisons, il semble évident que les problèmes évoqués plus haut se trouveront posés d'une manière récurrente, seront à l'origine de très nombreux différends et conduiront inévitablement, à plus ou moins long terme, à mettre en place un dispositif clair, cohérent et uniforme. Je vous sais conscient de cette situation, monsieur le ministre.
Je suis persuadé que vous aurez à coeur d'y apporter les solutions attendues tout à la fois par les élus locaux et par les agents de la fonction publique territoriale, solutions qui conditionnent aussi - faut-il le rappeler ? - la bonne gestion de nos collectivités territoriales.
Nous savons, en effet, que ce souci est le vôtre. La déclaration que vous venez de faire devant la Haute Assemblée nous en apporte le témoignage, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Jean-Claude Peyronnet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera d'une part, sur le maintien du service public en milieu rural et, d'autre part, sur la multiplication des normes qui sont de plus en plus contraignantes pour les maires.
Le maintien du service public est indispensable pour nos populations qui, sans être isolées, n'ont pas toujours les moyens de transport nécessaires. Monsieur le ministre, soyons clairs, nous tenons à nos gendarmeries, à nos bureaux de poste, à nos perceptions et à nos antennes de l'équipement.
S'agissant des bureaux de poste, leur maintien semble de plus en plus contesté. Bien souvent, les directions départementales des postes proposent aux mairies des agences mixtes où un local est mis à disposition par la commune.
Ce qui est plus contestable, c'est que pour tenir cette agence la poste demande aussi du personnel communal, qu'elle rétribue certes, pour partie, mais sans prendre d'engagement sur la pérennité de l'emploi et, lorsque l'agence postale ferme, la collectivité doit assumer totalement la charge du personnel devenant inutile. Ce procédé me semble donc inacceptable.
Nous aurons l'occasion de revenir la semaine prochaine sur le maintien du service public en milieu rural, lors du débat, consécutif à la déclaration du Gouvernement, sur l'aménagement du territoire mais, monsieur le ministre, puisque vous êtes en charge de le décentralisation, je tenais à évoquer brièvement cette question devant vous.
Pour les trésoreries publiques, d'autres problèmes se posent. La mise en place de la M 14, qui génère des coûts supplémentaires, procure jusqu'à présent plus d'inconvénients que d'avantages, notamment de nombreux retards dans le règlement des factures, le paiement des salaires ou des emprunts.
J'insiste aussi sur le fait que les personnels des trésoreries publiques n'ont toujours pas reçu la formation suffisante. Mais, sur ce point, j'aurai aussi l'occasion d'interroger M. le ministre du budget lors d'une prochaine séance de questions orales.
Le maintien du service public, ce sont aussi les permanences qui se déroulent dans les chefs-lieux de canton. Là encore, nous avons des inquiétudes. Les recettes buralistes, dont l'activité dépend maintenant des douanes, ont souvent été fermées, les inspecteurs des impôts sont moins présents et l'on pressent que la nouvelle organisation de l'ANPE et des ASSEDIC pourrait entraîner la suppression des permanences décentralisées. Ce serait d'autant plus regrettable qu'elles s'adressent à un public défavorisé peu mobile, qui a, plus que d'autres, besoin de l'assistance des services de l'Etat. La baisse des effectifs des administrations de l'Etat amène des restructurations qui se font le plus souvent au détriment de leur présence sur tout le territoire.
Monsieur le ministre, je vous demande donc avec insistance de veiller à ce maillage indispensable à la vie de nos populations.
J'en arrive - et c'est le plus important pour moi - au second volet de mon intervention, qui a trait à l'excès de réglementation, à la profusion des normes - et je ne suis pas le premier à en parler - qui engendrent des coûts supplémentaires de plus en plus insupportables pour les élus en cette période où les dotations stagnent.
J'aborderai, tout d'abord, la question de la sécurité. Certes, elle n'a pas de prix, nous dit-on, mais elle a un coût, et celui-ci ne fait que croître. Je ne compte plus les protestations des maires de mon département face à une réglementation sans cesse plus contraignante.
En ce qui concerne les déchets ménagers, les collectivités locales vont devoir supporter l'essentiel des investissements sans d'ailleurs savoir dans quelle direction elles doivent vraiment s'orienter ; faut-il privilégier le tri sélectif - certains collègues ont évoqué les problèmes auxquels ils étaient confrontés - et sous quelle forme ?
L'incinération, qui paraissait une piste acceptable voilà quelque temps, semble aujourd'hui être remise en question ; il est vrai que les coûts sont énormes, que les plans départementaux sont déjà dépassés et que les estimations sont contradictoires.
Comment les maires ne seraient-ils pas désorientés ? Va-t-on rouvrir les décharges ? Je suis de ceux qui partagent l'avis de M. Guellec qui, dans son rapport remis à l'Assemblée nationale, estime que « pour les déchets ménagers, l'échéance 2002 n'est pas réaliste ».
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Michel Sergent. Pourrait-on connaître la position du Gouvernement à ce sujet, monsieur le ministre ?
S'agissant de l'assainissement et de la qualité de l'eau, personne ne peut mettre en cause la nécessaire qualité de l'environnement, notamment de l'eau de consommation. Mais, là encore, les coûts sont très importants.
Concernant l'assainissement individuel, d'énormes progrès doivent être réalisés. Les communes rurales n'en auront pas la capacité financière, que ce soit à travers le prix de l'eau ou le budget communal. Même augmentées, les aides des agences de l'eau sont bien insuffisantes.
S'agissant de la qualité de l'eau, comment les maires pourront-ils réaliser les équipements nécessaires pour se situer en-dessous des seuils autorisés ? Je pense aux nitrates, par exemple. Enfin, monsieur le ministre, je sais que les directives européennes sont contraignantes.
M. François Gerbaud. Oh ! que oui.
M. Michel Sergent. Ne nous précipitons donc pas pour les transposer.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Michel Sergent. D'autres pays sont moins rapides que nous. Après tout, certaines régions ont d'énormes difficultés à se situer sous le seuil des cinquante milligrammes par litre en ce qui concerne les nitrates.
Qu'en sera-t-il, mes chers collègues, s'il nous faut descendre rapidement en deçà des dix milligrammes, comme semblent le vouloir les institutions communautaires ?
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est impossible pour l'instant !
M. Michel Sergent. Je partage totalement votre avis, monsieur Poncelet.
L'amiante est aussi un problème grave ; qui pourrait le nier ? Mais, là encore, se pose le problème de la prise en charge par les collectivités, même les plus petites, qui auront à faire face à ce problème.
Tout d'abord, pour financer la détection, les prestations des entreprises agréées sont trop élevées pour les budgets de nos petites communes.
Une injustice est également créée à travers la DGE, puisque les communes non éligibles reçoivent une subvention de 50 % pour les travaux de neutralisation ou d'enlèvement d'amiante, alors que les communes éligibles, elles, ne recevront que 30 %, même si elles n'ont pas eu droit à une allocation au titre de la DGE pour ces travaux. J'ajouterai d'ailleurs que les travaux de détection et d'expertise ne sont pas pris en compte.
J'en viens aux services d'incendie et de secours. Monsieur le ministre, force nous est de reconnaître que la mise en oeuvre de la loi du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours va nous coûter cher, très cher. J'ignore si la comparaison vaut pour d'autres départements, mais je peux vous affirmer que, dans le Pas-de-Calais, pour répondre aux obligations faites par la loi, il nous faudra prévoir une augmentation annuelle de plus de 10 % des budgets communaux ou intercommunaux, et ce pendant plusieurs années.
Là encore, comment tenir un tel rythme ? Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre point de vue à ce sujet.
Le contrôle des équipements sportifs mobiles constitue une nouvelle responsabilité pour les élus locaux. Outre les coûts à assumer, puisque de nouvelles normes ont été décidées en ce début d'année pour ces équipements sportifs ou les aires de jeux, les élus se trouvent trop souvent démunis face, par exemple, aux prescriptions des commissions de sécurité. On a le sentiment qu'aujourd'hui tout le monde « ouvre le parapluie » pour se protéger et que les maires se retrouvent en première ligne face à toutes ces normes.
S'il fallait respecter les prescriptions de sécurité, on pourrait fermer, dans chaque commune, la moitié des établissements recevant du public. Je vous laisse, monsieur le ministre, mes chers collègues, en imaginer les conséquences.
Président de l'association des maires de mon département, je suis souvent interrogé par des maires désemparés face aux autorisations qu'ils doivent donner pour l'ouverture d'établissements de cinquième catégorie au titre de la prévention contre l'incendie.
Depuis le décret de 1995, les commissions d'arrondissement n'ont plus à visiter ces établissements. Or il peut s'agir, malgré tout, de cafés-restaurants situés au rez-de-chaussée d'immeubles d'habitation, de salles de réunions, voire de bals, de dancings, d'établissements d'enseignement ou de culte ou bien d'administrations.
Le maire, rarement spécialiste, doit s'assurer de la qualité des matériaux, de la durée de résistance d'une porte coupe-feu, de l'isolation sonore, et j'en passe. C'est pour lui mission impossible. On peut me rétorquer que l'autorisation préalable n'est plus nécessaire et que la déclaration du propriétaire suffit. Mais, en cas d'accident, les tribunaux seront-ils du même avis ?
Par ailleurs, pourquoi, dans ce cas, d'autres services de l'Etat demandent-ils encore au maire une autorisation d'ouverture au titre de la « sécurité incendie » ? Par exemple, les DDASS nous la demandaient pour les restaurants scolaires et les préfectures pour les auto-écoles. Il semble y avoir là, pour le moins, une incohérence.
Je pourrais ajouter toutes les normes qui nous viennent, par exemple, des fédérations sportives et qui nous mettent en difficulté face à nos associations locales. Je pourrais vous parler aussi de ce nouveau coordonnateur de chantier dont on ne perçoit pas très bien l'utilité...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Michel Sergent. ... mais dont on connaît le coût sur tous nos investissements. Je pourrais également vous entretenir des cantines, de la restauration scolaire, des centres de loisirs, de la prévention du bruit et des risques naturels ; la liste pourrait être plus longue.
Monsieur le ministre, les maires en ont assez, car les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs et, aujourd'hui, dans cette société où il faut partout trouver des boucs émissaires, les élus courent des risques de plus en plus importants. Mais à nous aussi, mes chers collègues, de ne pas ajouter des législations de plus en plus contraignantes et parfois inacceptables.
M. René Régnault. Eh oui !
M. Michel Sergent. Nous avons, nous aussi, notre part de responsabilité.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Michel Sergent. Monsieur le ministre, vous nous avez parlé de neutralité financière et de stabilisation des charges, mais pensez-vous que tous ces domaines que je viens d'évoquer puissent permettre cette stabilisation ? Véritablement, je ne le crois pas.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos a pu vous paraître terre à terre dans ce débat concernant les collectivités locales.
M. Emmanuel Hamel. Mais non !
M. Michel Sergent. Mais outre le problème financier, ce sont surtout les préoccupations quotidiennes qui rendent difficiles l'exercice du mandat local.
Soyons des législateurs vigilants et demandons au Gouvernement de ne pas abuser de son pouvoir réglementaire, car si nous n'y prenons garde, ce sont des élus de grande qualité, mais bénévoles et sans beaucoup de moyens, qui se lasseront et qui renonceront à exercer cette formidable mission au service de notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, j'ai envie de vous dire : comme vous avez raison ! J'ai lu dans Le Monde, daté du 15 avril 1997, l'interview au cours de laquelle vous déclarez : « Je suis conscient que le pacte de stabilité sur les recettes... implique, à l'évidence, que l'Etat fasse aussi un effort de stabilité quant aux dépenses qu'il peut imposer aux collectivités ; faute de quoi on les met de fait dans un étau ! »
M. René Régnault. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet. « A l'évidence », dites-vous, et comme vous avez raison ! Pour être évidente, cette évidence-là n'en mérite pas moins d'être analysée si ce n'est pour l'approuver puisqu'une évidence ne se démontre pas, du moins pour en souligner l'ampleur dans la durée, par le rappel de mesures successives dont les effets se sont cumulés et qu'il convient, selon moi, d'inventorier.
Rien n'est plus démonstratif que le concret. Je me suis donc autorisé à faire une étude de cas, que je crois effectivement démonstrative, comme elle aurait pu l'être sur un autre cas. Elle porte sur le conseil général de la Haute-Vienne, que je connais bien pour le présider depuis un nombre « raisonnable » d'années. Vous ne m'en voudrez pas si mon propos est un peu austère, mais la démonstration doit être assez précise pour être convaincante.
Il est de notoriété publique - cela a été clairement démontré, notamment en son temps par le rapport de notre collègue M. Paul Girod - que les départements ont eu une vie financière assez douce, je dirai presque « douillette », dans les premières années de la décentralisation jusqu'à 1987-1988 ou 1989-1990 selon le cas, car cela varie en fonction des départements. La situation s'est surtout dégradée au début des années quatre-vingt-dix. J'ai pris l'année budgétaire 1992 comme point de départ et l'année 1997 comme point d'arrivée.
J'évoquerai successivement l'évolution des dotations de l'Etat, de la fiscalité directe locale et des autres ressources.
Comment ont évolué les dotations de l'Etat ? Pour la DGF et la DGD, on connaît le mécanisme, la loi de finances de 1994 a limité à l'inflation la progression pour 1994 et 1995, avec la prise en compte de 50 %, et non plus des deux tiers, de la croissance à partir de 1996. Au total, cela représente, pour le budget de mon département, une moins-value de 11,3 millions de francs.
Le FCTVA a vu son évolution réglée par la loi de finances rectificative de 1993 et par les textes réglementaires d'application, notamment par le décret du 27 juillet 1994. Il en est résulté une limitation très douloureuse des récupérations pour le compte de tiers non éligibles au FCTVA.
A cela s'ajoute, dans la loi de finances de 1994, l'abaissement du taux de concours de 15,68 % à 14,77 % sur les dépenses réalisées à partir de 1995, avec effet en 1997.
Le résultat est clair : une moins-value de 3,7 millions de francs en 1997 pour la première mesure et de 1,4 million de francs pour la réduction des taux de concours pour 1997, soit au total 5,1 millions de francs.
En ce qui concerne la fiscalité directe, on connaît bien aussi les mécanismes.
Pour la taxe d'habitation, la loi de finances de 1992 a transformé des dégrèvements en faveur des personnes âgées et des bénéficiaires du RMI en exonérations compensées par l'Etat. Cela est très bien, mais le blocage des compensations aux taux de 1992 entraîne une perte de recettes de 2,4 millions de francs.
Pour le foncier bâti, la loi de finances de 1993 a prévu de même des transformations de dégrèvements, notamment en faveur des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans, en exonérations, avec un blocage des taux au niveau de 1991. La moins-value qui en résulte pour le budget de mon département s'élève à 1,1 million de francs.
Il en va de même pour le foncier non bâti et l'exonération de la part départementale sur les terres agricoles avec la franchise de 1 % du produit de la fiscalité directe de l'année n - 1 et le gel des taux au niveau de l'année 1994, ce qui entraîne une moins-value de 4,3 millions de francs.
M. René Régnault. C'est cela le pillage !
M. Jean-Claude Peyronnet. La taxe professionnelle achève le tableau des « quatre vieilles ». Pour ma part, j'ai échappé - tout le monde n'a pas eu cette chance - à la réduction de 2 % du produit de la fiscalité directe s'agissant de la compensation liée à la réduction pour embauche et investissement. Cependant, mon budget a subi le gel de l'actualisation prévue par la loi relative à l'administration territoriale de la République. Cette perte n'est pas élevée, puisqu'elle atteint 400 000 francs. En revanche, la moins-value liée à la réfaction de 15 % - certains ont eu une réfaction de 50 % - de l'évolution des ressources constatées de la taxe professionnelle depuis 1987 représente une perte beaucoup plus importante, à savoir 3 millions de francs.
M. René Régnault. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet. Mon budget a également subi, par la loi de finances de 1996, l'ajustement du niveau global des concours financiers de l'Etat dans le cadre du pacte de stabilité financière qui, on l'a dit, avait quelques effets contestables, au moins au point de départ, soit une perte de 1,9 million de francs.
M. René Régnault. Cela finit par peser !
M. Jean-Claude Peyronnet. Au total, s'agissant de la taxe professionnelle, la moins-value représente 5,3 millions de francs.
Je serai plus bref en ce qui concerne les autres ressources.
Les droits de mutation sur les immeubles d'habitation et les garages ont été réduits de 35 % par la loi de finances de 1995, avec compensation, mais aussi un gel au niveau des montants perçus en 1994. J'estime la perte potentielle pour mon département à 8,3 millions de francs.
Je vous fais grâce, enfin, de la surtaxe des cotisations patronales à la CNRACL - il en a été question - qui me coûte 2,7 millions de francs par an.
Au total, vous n'avez pas manqué, monsieur le ministre, de le calculer avec moi, en valeur 1997, le département de la Haute-Vienne, par rapport aux règles applicables en 1991, si l'on en était resté à ces règles, perd annuellement 40,5 millions de francs, ce qui est considérable.
M. René Régnault. Effectivement !
M. Jean-Claude Peyronnet. Et je n'ajoute pas les 3,8 millions de francs de TVA non récupérable dus à l'augmentation de deux points du taux de TVA sur les dépenses de fonctionnement assujetties. Reste que 40 millions de francs, c'est tout de même 9,5 points de fiscalité directe locale.
Or mon département n'est pas exemplaire, il est dans la moyenne nationale.
M. René Régnault. Malheureusement !
M. Jean-Claude Peyronnet. Vous remarquerez que je n'ai pas porté au débat les charges nouvelles et que je me suis contenté de retracer l'évolution défavorable des recettes.
On a parlé d'effets de ciseaux : augmentation des charges et baisse des recettes. Vous faites état, dans votre interview, monsieur le ministre, du risque de voir les collectivités prises dans un étau. Plus simplement ou plus trivialement, je dirai qu'elles sont de plus en plus « coincées » et qu'elles supportent de moins en moins les leçons que les représentants de l'Etat dans les départements veulent leur asséner en leur montrant, d'un côté, un Etat prétendument vertueux qui diminue les impôts directs - il est facile de baisser de 30 % quand on a augmenté de 120 % ! - et, de l'autre, les collectivités irresponsables, qui continuent d'augmenter la pression fiscale, et qui, du coup, sont montrées du doigt par les représentants de l'Etat, relayés largement en cela par la presse.
M. Alain Vasselle. M. Charasse a montré l'exemple !
M. Jean-Claude Peyronnet. Voilà quelques semaines, j'ai eu l'occasion, au cours d'un autre débat, de vous dire que ce n'est pas par plaisir ni par inconséquence que les élus sont amenés à majorer les taux d'imposition.
J'ajoute que, en raison des réductions de recettes, des augmentations de charges comme les remarques désobligeantes que je viens d'évoquer, le découragement ou la colère, selon les cas, sont grands dans la province parmi les élus locaux. Le Gouvernement me semblerait bien avisé à prendre en compte ce nouvel état d'esprit. Il y va de la crédibilité de l'Etat, qui est nécessaire à la sérénité des relations avec les collectivités locales.
Monsieur le ministre, vous avez la grande ambition de réformer l'Etat. C'est une noble ambition, elle est nécessaire. Vous ne la réaliserez pas contre les élus ni même sans leur adhésion. Pour cela, il convient qu'ils retrouvent la confiance en l'Etat, confiance qui passe elle-même par la confiance dans la parole de l'Etat qui a trop souvent été mise à mal par des initiatives unilatérales, au cours de ces cinq dernières années au moins.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Par tous les gouvernements !
M. René Régnault. Mais cela s'est beaucoup aggravé !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Mesdames, messieurs les sénateurs, ces quelques heures que nous avons passées ensemble à réfléchir sur la situation des collectivités locales et les problèmes que nous devons traiter m'ont paru fort intéressantes. Je vais essayer de répondre ou de me faire l'écho de telle ou telle réflexion par rapport à l'ensemble des suggestions qui ont été formulées par les orateurs.
Je voudrais remercier M. Poncelet et l'ensemble de ceux qui ont souhaité ce débat, fort utile en un moment où, les uns et les autres, nous avons à proposer un certain nombre de solutions pour améliorer le fonctionnement de nos institutions, en particulier nos institutions locales.
Je reprendrai une formule qui a été utilisée par de nombreux orateurs et qui me semble résumer assez bien le sens profond de ce débat : il nous faut recréer une meilleure confiance entre l'Etat et les collectivités locales.
C'est là, selon moi, une bonne manière de résumer nos échanges. Je vais essayer, pour ce qui me concerne, d'apporter ma contribution à cette recherche d'une plus grande confiance entre l'Etat et les collectivités locales...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est indispensable !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... étant entendu que, pour moi, cela forme un tout. Je dirai simplement, en écho à certaines phrases qui allaient peut-être au-delà de la pensée de certains orateurs, que, selon moi, il ne peut y avoir d'antagonisme entre les collectivités locales et l'Etat tant il est vrai que nous sommes dans une république qui est une et qui assume l'ensemble du destin national. Il n'est sans doute pas inutile de le dire, surtout lorsque s'exprime du haut de la tribune de l'une des chambres du Parlement.
J'évoquerai, en premier lieu, la question de l'évolution des dotations, autrement dit la question financière. Elle a été évoquée par de nombreux orateurs, en particulier par MM. Poncelet, Fourcade, Régnault, Fischer et Peyronnet.
Je voudrais d'abord redire ma conviction - c'est le ministre qui a préparé le budget de 1997 qui l'affirme pour l'avoir constaté à ce moment-là, et M. Poncelet a bien voulu le souligner - que le pacte de stabilité a été et est protecteur des finances des collectivités locales. En effet, à un moment où l'Etat s'impose la contrainte de budgets fixes en francs courants, le pacte de stabilité, qui assure une progression suivant le rythme de l'inflation, est protecteur ; c'est une évidence. Sans cette protection, sans ce pacte, les dotations risquaient inévitablement de ne pas évoluer d'une année sur l'autre. Il n'est pas inutile de le dire.
Je préciserai d'ailleurs à M. Régnault que la comparaison de pourcentages d'augmentation des dotations sur une période de quinze ans pendant laquelle le rythme de l'inflation a évolué considérablement ne me paraît pas satisfaisante. En effet, comparer l'évolution des dotations au milieu des années quatre-vingt avec celle des dotations au milieu des années quatre-vingt-dix ne me semble pas légitime. Il faut, bien entendu, rapporter les chiffres d'évolution à l'inflation pour présenter des données comparables.
En deuxième lieu, je voudrais évoquer la question des charges. Je soulignerai le fait que, un peu dans le même esprit que mon prédécesseur M. Hoeffel, nous avons réactivé d'un commun accord, en particulier avec le Comité des finances locales, tous les dispositifs de suivi des charges. Cela me paraît extrêmement important. En effet, nous avons maintenant mis en place, les uns et les autres - élus locaux, représentants des élus locaux et Gouvernement - les dispositifs permettant d'avoir un suivi de l'évolution des charges qui est considéré par tous comme incontestable et qui, j'en suis sûr, sera un élément durable dans les discussions que pourront mener les collectivités locales avec les gouvernements dans l'avenir.
En troisième lieu, s'agissant toujours des budgets locaux, j'évoquerai la question des masses salariales et les discussions sur l'aspect financier de la fonction publique territoriale.
Conformément à l'engagement que j'avais pris à cette tribune voilà quelques mois, j'ai, pour les salaires de 1997, et pour la première fois, en tant que ministre de la fonction publique, associé véritablement, dans la préparation de la négociation avec les organisations syndicales, les représentants des associations d'élus. Nous avons échangé nos analyses sur la situation, sur la manière dont il fallait concevoir les choses, ce qui m'a conforté dans mon idée d'une nécessaire maîtrise de la masse salariale de la fonction publique et ce qui a abouti, vous le savez, aux décisions prises de manière unilatérale par le Gouvernement d'une augmentation de 0,5 % respectivement aux mois de mars et d'octobre sur l'indice de calcul de la fonction publique.
S'agissant maintenant de la CNRACL, que j'évoquerai peut-être de nouveau d'un mot tout à l'heure, l'utilisation des réserves, des excédents de l'ATI, mesure qui a parfois été un peu décriée, nous permettra de disposer, à la fin de l'année 1997, d'une certaine marge, et le maintien de réserves sera assuré à concurrence d'environ 3,5 milliards de francs. Par ailleurs, l'année 1998, en termes d'équilibre sur l'ensemble de l'année, devrait se présenter dans de bonnes conditions, même si nous risquons - il faut que les chiffres s'affinent au fur et à mesure du déroulement de l'année 1997 - de rencontrer des difficultés au titre de la trésorerie.
Voilà qui démontre que la mesure que j'avais proposée et qui m'avait été présentée ici même par certains sénateurs comme tout à fait insuffisante - on m'avait prédit que nous ne passerions pas l'année 1997 ! - n'était pas si mauvaise que cela : l'année 1997 se terminera avec un excédent, et l'année 1998 me paraît se présenter beaucoup mieux que certains ne le pensaient avec beaucoup de force il y a six mois.
En conséquence, les budgets locaux de 1997 devraient évoluer, en termes de contrainte sur la fiscalité, de manière plus favorable qu'en 1996. L'ensemble des chiffres commence à être connu, et cela permet de ramener à leurs justes proportions un certain nombre de critiques qui se sont élevées, en particulier voilà un instant : monsieur Peyronnet, un certain nombre de mesures que vous avez regrettées datent, me semble-t-il, sous réserve de l'analyse du texte écrit que je ne manquerai pas de faire, de l'année 1992. Mes amis politiques et moi-même ne sommes donc pour rien dans les décisions prises à cette époque,...
M. Jean-Claude Peyronnet. J'ai seulement mis l'Etat en cause !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... telles, par exemple, les mesures concernant la DCTP.
Je voudrais revenir un instant sur les propos tenus en particulier par MM. Fourcade et Paul Girod concernant la DGF des groupements.
Il y a, c'est vrai, une difficulté à terme. M. Paul Girod a indiqué que l'on n'avait peut-être pas perçu en 1992 - tel a été le cas du parlementaire que j'étais à l'époque - le risque que pouvait comporter le système d'incitation.
Aujourd'hui, nous voyons bien apparaître le danger sur l'ensemble du dispositif de la DGF. Je vous proposerai donc, dans le cadre du texte sur l'intercommunalité, un dispositif permettant de moraliser l'incitation financière à travers la DGF pour les groupements, dispositif que je crois raisonnable et applicable dans une période de budget stable et de ressources relativement contraintes.
Je ne suis pas sûr que nous ayons la capacité d'aller beaucoup plus vite. Le dispositif que je proposerai permettrait, à mon sens, de passer la période d'augmentation quantitative des structures intercommunales, et il me semble qu'une réforme éventuelle de l'ensemble du dispositif ne devrait être envisagée qu'au moment où l'on aura le sentiment que l'intercommunalité aura atteint l'essentiel de ses objectifs en termes de couverture territoriale.
Il me paraît plus raisonnable - nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler - d'étudier les choses calmement au moment où l'ensemble du processus de construction de l'intercommunalité sera pour l'essentiel achevé.
Cette progression de la DGF des groupements n'a pas pénalisé, pour l'instant, et ne devrait pas pénaliser les dotations de solidarité, dont M. Huchon a parlé tout spécialement. Cette année, la DSU est en augmentation de 2 % et la DSR de 5 %. On en reste donc à des chiffres qui paraissent satisfaisants.
La question de la compensation des transferts de compétences, le problème des charges nouvelles constituent sans doute le sujet le plus difficile que nous ayons à traiter et que nous aurons à traiter dans les années qui viennent.
Il s'agit non pas tant de la compensation des transferts de compétences, point sur lequel le rapport de M. Paul Girod est parfaitement clair. Les obligations légales ont, pour l'essentiel, été respectées par l'Etat. Les collectivités territoriales, s'agissant des prestations, sont allées au-delà de leurs propres obligations légales et ont dépassé largement ce qui était accompli antérieurement par l'Etat, d'où l'effet de ciseaux que nous connaissons.
Mais je ne pense pas que ce point suscite de difficultés pour l'avenir. M. le Premier ministre a clairement dit que, lorsque nous serons amenés à opérer des corrections de frontières de compétences, il faudra le faire très clairement, en prévoyant des compensations intégrales des transferts de compétences, quel que soit le sens dans lequel se feront ces transferts. Je ne crois donc pas que, à cet égard, nous ayons à craindre des difficultés pour l'avenir.
La question qui se pose davantage, à mon sens, a trait aux normes, notamment dans les domaines techniques, de sécurité et d'environnement.
Je confirme tout à fait les chiffres. Nombre d'intervenants, notamment MM. Fourcade, Vasselle, Hoeffel, et Puech les ont évoqués. L'ensemble des normes concernant l'assainissement et les déchets représente un coût d'environ 200 milliards de francs...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Minimum !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... à dépenser dans les quatre ans.
Cela revient à ajouter un budget des collectivités territoriales - le budget d'investissement s'élève en effet, grosso modo, à 70 milliards de francs - sur quatre années. Je dirai, après nombre d'orateurs, que cela ne me paraît pas réaliste.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Nous sommes donc là véritablement interpellés. Il faut que nous réfléchissions à la manière de surmonter cette difficulté, et c'est ce que fera le membre du Gouvernement que je suis : faut-il revoir le calendrier ? Faut-il s'interroger sur la rédaction même de ces normes ? Est-il vraiment sûr qu'une usine d'incinération soit systématiquement préférable à une décharge contrôlée ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Tout à fait !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je ne suis ni ingénieur ni technicien. Je n'en suis pas moins un homme de bon sens qui a observé quantité de choses au cours de sa vie et qui, en l'espèce, s'interroge. Je le dis en toute modestie car, encore une fois, je ne suis pas un spécialiste : faut-il toujours considérer comme un acquis définitif des choses sous prétexte qu'elles ont été affirmées par d'autres ? En tout cas, je ne partage pas cette optique. Je suis très conscient que nous sommes là en présence d'un vrai sujet. Je suis bien incapable de vous apporter une réponse aujourd'hui. Il n'en demeure pas moins que ces quelques chiffres démontrent bien la nécessité de traiter ce problème.
Pour les autres normes, M. le Premier ministre a pris une décision qui s'impose aux administrations. Certains, au cours de l'après-midi, ont évoqué l'idée de légaliser l'obligation de l'étude d'impact. C'est une idée qui ne me scandalise pas.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Peut-être pourrons-nous en reparler à l'occasion de la discussion de tel ou tel texte législatif. En effet, il me paraît indispensable que celles et ceux qui assument des responsabilités tout à fait légitimes et honorables en matière de normes et de définitions réglementaires aient l'obligation d'évaluer le coût pour les contribuables. Dans mon esprit, cela dépasse le problème des collectivités locales, car la question se pose aussi pour les dépenses de l'Etat, des entreprises et des particuliers. Mais notre société a un tel besoin de sécurité que l'on en arrive à accumuler des normes les unes sur les autres : ce qui, jusqu'à il y a très peu d'années, était considéré comme la bonne manière de mener des travaux et des chantiers est maintenant décrit très précisément dans des textes, des décrets, des arrêtés, etc., ce qui constitue des surcoûts considérables. Le législateur et le Gouvernement ont à mon avis le devoir d'alerter nos concitoyens sur les conséquences de tout cela.
S'agissant de la CNRACL, dont j'ai déjà dit un mot tout à l'heure, je voudrais confirmer le chiffre que j'évoquais, suite aux interrogations de MM. Régnault, Fischer et Paul Girod. Les résultats, à la fin de l'année 1997, devraient être de 3,5 milliards de francs, ce qui, je pense, nous laisse quelques mois pour réfléchir à la manière de traiter de façon efficace l'année 1998.
J'en viens à la réforme de la fiscalité locale. Depuis que j'ai en charge ce département ministériel, vous ne m'avez jamais entendu évoquer de grandes réformes de la fiscalité locale, car je connais les difficultés de la tâche. En revanche, je me suis engagé, avec tous les élus qui m'ont aidé dans la définition du projet, dans une réflexion concrète pour réaliser une meilleure répartition géographique de la taxe professionnelle. Je souhaite pouvoir apporter ainsi ma contribution à la correction d'un des défauts de la fiscalité locale en incitant à la généralisation de la taxe professionnelle d'agglomération qui, j'en suis convaincu, apportera un élément de réponse aux questions que nous nous posons sur la fiscalité locale. Je sais que M. Poncelet va présider le groupe de travail mis en place par M. le ministre de l'économie et des finances à partir d'une ambition plus large, celle de réfléchir à l'impôt lui-même, à ses bases, à ses modes d'évolution. Je pense que ce sera également quelque chose d'important.
J'ai entendu avec plaisir que nous partagions la même analyse sur le refus du taux unique au plan national. En effet, celui-ci aurait pour conséquence dramatique de faire baisser à 25 % les ressources propres des collectivités locales, qui ne sont déjà qu'à 50 %. Autant dire que la décentralisation perdrait tout contenu politique véritable, car il ne peut y avoir d'exercice des responsabilités locales que si la liberté de dépenser est équilibrée par la liberté, si je puis dire, de lever l'impôt. Sinon, le système serait extraordinairement dangereux, car l'élu local deviendrait un « dépensier », qui irait chercher son argent ailleurs...
En revanche, je suis convaincu que nous devons procéder à la révision des bases cadastrales, dont M. Fourcade a reparlé tout à l'heure. A la suite des observations du Comité des finances locales, le ministre de l'économie et des finances a réexaminé le dossier. Je pense que M. Arthuis pourra vous proposer très prochainement un projet de loi qui sera pour l'essentiel conforme aux orientations souhaitées par le comité des finances locales,...
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... à l'exception d'un élément qui est technique mais qui, pour le ministère chargé de la direction générale des collectivités locales, sera important, à savoir l'intégration en une fois des nouvelles bases. Il en résulterait bien entendu le lissage de la contribution des contribuables.
Cela nécessitera, comme vous l'avez immédiatement compris, que nous mettions au point un système de lissage de l'évolution des dotations aux collectivités locales. Les conséquences de ce dispositif pour les collectivités locales devront être aménagées, comme elles doivent aussi l'être pour les contribuables.
MM. Puech, Eckenspieller et Pastor ont évoqué le problème de l'efficacité du contrôle de légalité.
Dans l'optique de la réforme de l'Etat et des efforts de réorganisation des services déconcentrés, j'ai bien l'intention, avec l'appui de M. le Premier ministre, de faire en sorte que se constituent autour des préfets des cellules de contrôle de légalité dont la compétence et la capacité de traiter les dossiers seront mieux adaptées à la situation réelle dans les départements.
Il est donc nécessaire, en particulier sur le plan juridique, de renforcer les équipes qui, dans les préfectures, sont susceptibles d'aider les préfets à exercer cette fonction tout à fait importante.
Dans la pratique, ce contrôle s'accompagne souvent de ce que nous connaissons depuis bien longtemps - et qui préexistait à la décentralisation - à savoir le conseil préalable des préfets, des sous-préfets et de leurs collaborateurs auprès des élus qui le souhaitent.
Permettez-moi, à cet égard, de citer un chiffre : sur 5 millions d'actes, seuls 2 000 sont déférés devant les tribunaux. Voilà qui remet les choses à leur place quant à la qualité des décisions prises par les collectivités locales, et c'est peut-être une bonne manière de répondre à certaines critiques que l'on peut lire ici ou là et que beaucoup ont stigmatisées au cours du débat.
Il nous faut toutefois améliorer l'ensemble du dispositif, ce qui est possible d'abord en clarifiant le cadre juridique : il est bien évident que plus nous aurons des codes précis, plus la présentation de la législation sera compréhensible, plus les circulaires seront claires, moins les élus seront à la merci d'une irrégularité ou d'une illégalité.
Je souhaite également que nous puissions renforcer la coordination des services déconcentrés et des moyens qui sont mis à leur disposition. Ce sera une façon pour l'Etat d'aider les collectivités territoriales à assumer leurs responsabilités, à mieux assurer l'information préalable, notamment en matière de marchés publics ou d'interventions économiques, et, enfin, comme le souhaitait M. Puech, de faire en sorte que les élus aient effectivement à leur disposition des dispositifs d'information et de conseil.
Nous pourrions y réfléchir, en particulier avec l'association que vous présidez, monsieur le sénateur, pour étudier comment un nouveau mode de relation entre les préfectures et les élus locaux pourrait s'instaurer. Il s'agit non pas de reprendre les vieilles pratiques du contrôle a priori , qui était d'ailleurs plus un conseil a priori et qui offrait une grande sécurité, mais, dans le climat nouveau de liberté des collectivités territoriales, de faire en sorte que l'on n'attende pas le contrôle de légalité ou les observations de la chambre régionale des comptes pour aider les élus à assumer leurs responsabilités.
C'est, au fond, le système d'alerte que M. Dulait appelait tout à l'heure de ses voeux.
En ce qui concerne les chambres régionales des comptes, je crois que tout a été dit. Mme Bergé-Lavigne, MM. Puech, Fourcade, Pastor et Eckenspieller ont évoqué ce sujet, et j'avais d'ailleurs eu l'occasion de présenter quelques commentaires à ce sujet lorsqu'une proposition sénatoriale a été évoquée dans la presse. Je crois que ce que nous avons, en réalité, un peu de mal à supporter en tant qu'élus locaux, c'est que se manifeste une confusion apparente entre la correction des irrégularités et des illégalités et le conseil à la gestion.
Je pense que le groupe de travail que certains de vos collègues ont mis en place avec les magistrats des chambres régionales des comptes devrait permettre, à cet égard, d'apporter des améliorations. Je crois qu'il n'est pas illégitime que les chambres régionales des comptes aillent au-delà du contrôle de légalité, du contrôle de la régularité et de l'aspect financier des problèmes. Les conseils, les critiques sur l'efficacité peuvent être utiles pour les élus et les collectivités locales, mais encore faut-il qu'ils soient présentés comme tels. Je pense qu'il s'agit surtout, dans cette affaire, d'une question de forme : le travail des chambres régionales des comptes ne doit pas être perçu par les responsables des collectivités locales comme un acte systématiquement politique, et l'éventail politique actuel permet, si je puis dire, d'« égaliser les chances ». Il est nécessaire, je crois, de faire le départ entre ce qui relève du contrôle de légalité, de régularité et l'aspect proprement « conseil ».
J'en viens maintenant naturellement, après avoir évoqué les chambres régionales des comptes, à ce que certains d'entre vous ont appelé la « vulnérabilité des élus locaux », c'est-à-dire à l'aspect « responsabilité », une responsabilité de plus en plus souvent pénale.
La remarque que je vais faire sera sans doute peu opératoire, mais elle n'est peut-être pas inutile : nous sommes devant un phénomène qui dépasse de beaucoup les collectivités territoriales. J'observe, comme vous tous sans doute, que nous vivons dans une société qui pénalise à outrance. Alors que, dans le passé - et même dans un passé récent - on en restait à des questions de responsabilité civile, on en vient désormais souvent, et très vite, voire par priorité, à la responsabilité pénale.
Ce phénomène, encore une fois, n'est pas propre aux seules collectivités territoriales, mais il est très préoccupant pour la raison, toute simple mais redoutable, que c'est le meilleur moyen de décourager ceux que j'appellerai « les acteurs », élus locaux, chefs d'entreprise, hauts fonctionnaires de l'Etat, que sais-je encore.
Nous le savons bien, toute action comporte des risques, et c'est bien pour cela que certains sont des acteurs tandis que d'autres le sont moins par tempérament.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Mais les acteurs sont pénalisés !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Si notre société pénalise systématiquement, c'est l'action même qui sera intimidée, et je pense que ce ne sera pas sans dommages pour l'évolution de notre pays, pour sa capacité d'initiative, pour sa dynamique économique et sociale.
Que pouvons-nous faire dans le secteur des collectivités locales ? Sur votre initiative a été pris un texte - la loi du 13 mai 1996 - qui permet d'imposer une appréciation in concreto, comme disent les juristes, des moyens dont dispose l'élu et des difficultés propres aux missions que la loi lui confie.
Nous allons suivre l'évolution de la jurisprudence à cet égard car il est bien clair que nous devons veiller à freiner cette évolution, que je regrette, pour ma part, tout à fait clairement. Chaque fois que cela sera possible, nous aurons toujours intérêt - cela peut paraître paradoxal et peut-être un peu à contre-courant de ce qui s'est passé depuis une quinzaine d'années - à prévoir un garde-fou sous forme de texte administratif plutôt que de laisser à une jurisprudence civile ou pénale le soin d'apprécier les actions des élus locaux.
C'est ce qui m'amène à être personnellement d'une très grande réticence envers une idée qui a été émise par certains selon laquelle il conviendrait de confier le contrôle de légalité aux tribunaux administratifs. Ce serait aller dans le sens de l'évolution que je stigmatisai il y a un instant.
Sur la clarification des compétences, je voudrais simplement dire, en particulier à M. Puech, mais aussi à MM. Ostermann, Hoeffel et Paul Girod que, comme je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises, ma démarche est tout à fait pragmatique. Nous avons eu l'occasion d'étudier ces sujets avec un certain nombre de groupes de travail composés de représentants de l'association des maires de France, de l'association des présidents de conseils généraux, de l'association des présidents de conseils régionaux et de différents départements ministériels et il nous est apparu très clairement qu'il n'était pas envisageable de mettre au point un éventuel texte législatif balayant, en quelque sorte, l'ensemble des compétences des uns et des autres.
La démarche dans laquelle nous devrions, je crois, nous engager - avec, cette fois, une volonté commune d'aboutir - concernerait le secteur sanitaire et social où, à l'évidence, une certaine confusion, voire une juxtaposition des responsabilités entre l'Etat et les conseils généraux est génératrice de dépenses qui pourraient être évitées.
Il faut, selon moi, chaque fois que cela est possible, supprimer la coresponsabilité. C'est un mauvais dispositif, qui a souvent été retenu par souci de ne pas faire de choix politique, mais, finalement, je crois que cela coûte fort cher au fil des années.
Je suis, pour ma part, convaincu que l'Etat, qui se doit de construire avec plus de clarté et de volonté une politique de santé, comme le disent souvent MM. Barrot et Gaymard, aura intérêt à reprendre un certain nombre de compétences en matière sanitaire, compétences qu'il a été probablement un peu présomptueux de déléguer au département.
En revanche, il nous faudra réfléchir à ce qui pourrait être entrepris pour que, dans le domaine social, le département ait une maîtrise plus complète des différents enjeux qui peuvent être traités avec beaucoup d'efficacité sur le terrain grâce à la connaissance précise des réalités locales qu'ont les élus et leurs collaborateurs.
Il est un second domaine dans lequel je crois nécessaire d'avancer, la révision du mode d'intervention des collectivités locales dans le domaine économique pour disposer d'outils à la fois plus modernes et efficaces pour les entreprises et moins dangereux pour les collectivités territoriales. Peut-être pourrons-nous, dans ce domaine aussi, clarifier les compétences et reprendre éventuellement l'idée lancée il y a quelque temps par Daniel Hoeffel, d'une collectivité chef de file qui, pour l'essentiel, instruirait les dossiers de ce secteur.
La déconcentration et la réforme de l'Etat, dont j'ai parlé tout à l'heure, ont été évoquées par différents orateurs. A ce moment de mon propos, je puis simplement vous dire notre détermination d'avancer dans ce domaine. A cette fin, nous allons, par exemple, expérimenter à partir du mois de juin dans un certain nombre de régions et de départements une réorganisation des services déconcentrés pour faciliter la vie des partenaires de l'administration, qu'il s'agisse des entreprises, des particuliers ou des collectivités territoriales.
Dans le même esprit, l'effort qui sera consenti dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 1998 pour globaliser un certain nombre de crédits et les déconcentrer au niveau des préfets ira dans le sens d'un meilleur partenariat entre les collectivités locales et l'Etat, ce dont, je pense, les élus locaux ne pourront que se réjouir !
Quant à l'intercommunalité, nombre d'entre vous, dont MM. Gerbaud, Hoeffel, Renar, Fourcade et Pastor, en ont parlé, et nous aurons l'occasion d'ici peu d'en débattre ensemble.
Sans aucune ambiguïté, monsieur Gerbaud, le Gouvernement privilégie la liberté dans l'intercommunalité. Il faut que les choses soient bien claires à cet égard. Tous les articles du projet de loi qui sera soumis à votre examen dans quelques semaines mettent en exergue la notion de libre choix dans l'association, dans la fiscalité, dans les compétences. Il convient précisément que l'organisation institutionnelle du territoire soit véritablement capable de relayer la volonté d'initiative, de mouvement, de changement qui, dans notre pays, se manifeste sur le terrain.
Le pouvoir d'appréciation du préfet est, pour moi, un simple garde-fou. L'objet de cette disposition, que je crois nécessaire de conserver, est d'éviter que se constituent des communautés de communes absurdes qui ne se construiraient que pour s'opposer ou pour empêcher. Il faut donc qu'il soit possible de reconnaître que tel ou tel périmètre n'est vraiment pas un projet raisonnable.
Vous avez évoqué des cas concrets, dont un que j'ai pu observer sur le terrain puisque j'étais en Charente lundi dernier. Nous aurons peut-être l'occasion, lors du débat sur l'intercommunalité, de trouver des solutions pour régler de tels problèmes et permettre effectivement à telle ou telle commune d'entrer dans telle communauté de communes ou dans telle autre. Il nous faudra trouver le dispositif adapté.
S'agissant de l'avis des conseils généraux, il faut le maintenir et le généraliser, car il n'était pas prévu dans tous les cas. Dans le cadre de la fusion des structures institutionnelles, il me paraît utile, en effet, que le conseil général se prononce sur la création des structures intercommunales.
M. Puech a évoqué le problème de la représentativité des élus, sujet complexe et qui mérite un débat. Le texte que je vous présenterai dans quelques jours en reste très clairement à la désignation des conseillers communautaires par les conseils municipaux.
Un seul élément me paraît aller dans le sens de vos interrogations, monsieur le sénateur : il me paraît nécessaire - en tout cas, je vous proposerai un texte qui va dans ce sens - de prévoir que les délégués des communes soient des conseillers municipaux. En revanche, j'ai écarté, dans mon projet, l'élection au suffrage universel...
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... qui me paraît prématurée. Nous sommes, en effet, dans une logique de coopération intercommunale et l'élection au suffrage universel relève d'une autre démarche qui, très honnêtement, ne pourrait se concevoir que si le budget de la structure intercommunale dépassait largement le contenu de l'action de chacune des communes additionnée à toutes celles qui font partie de la même structure. Or nous en sommes très loin ! Il faut donc laisser les choses se faire.
Pour ma part, je suis convaincu que nos concitoyens sont très attachés à la structure communale actuelle et que l'introduction de l'élection au suffrage universel à ce moment de la vie institutionnelle de nos collectivités bloquerait le processus de restructuration de l'organisation territoriale.
M. Alain Vasselle. Ne commettons pas la même erreur qu'avec les régions !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Nombre d'entre vous ont évoqué la fonction publique territoriale, en particulier MM. Puech, Ostermann, Eckenspieller et Fourcade. J'indiquerai simplement quelle est la ligne de conduite que j'essaie de suivre.
Dans le système actuel coexistent, vous le savez, trois fonctions publiques : la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, qui obéissent à des règles qui sont comparables les unes aux autres.
Depuis que le statut de la fonction publique territoriale a été mis en place, en particulier au cours de ces quinze ou vingt dernières années, le principe de base a été celui de la parité, c'est-à-dire de la correspondance entre les différentes fonctions publiques. Chaque fois, un certain équilibre a été recherché entre le respect des règles statutaires, bien sûr, et une certaine souplesse d'adaptation aux besoins locaux et au fait que la fonction publique territoriale représente une multitude d'employeurs et non pas un employeur unique.
C'est à la recherche de cet équilibre que s'est attachée la loi de décembre 1994, qui porte le nom de votre collègue M. Hoeffel, et qui a ensuite été mise en application au travers d'un certain nombre de décrets.
Très sincèrement, cet équilibre me paraît bon dans la mesure où il faut bien que nous réfléchissions aux conséquences de ce qui pourrait constituer une rupture de ce principe de parité.
Ce n'est pas pour l'Etat que les problèmes se poseraient. La fonction publique de l'Etat représente une masse de plus de deux millions de fonctionnaires, qui peut continuer à évoluer en fonction des décisions qui seront prises par les gouvernements et les majorités qui se succéderont.
La question de la sortie du système de parité est de savoir si l'on maintient ou non l'homogénéité de la fonction publique territoriale. En effet, ma conviction profonde est que le problème se posera entre les collectivités locales.
Tout à l'heure, l'un des intervenants - M. Huchon, me semble-t-il - a dit que la décentralisation a enrichi les collectivités riches et appauvri les collectivités plus pauvres.
Je mets en garde ceux qui sont favorables au décrochage de la fonction publique territoriale. Dans une telle hypothèse, la fonction publique territoriale n'évoluerait pas, globalement, comme une deuxième fonction publique. Je n'en crois rien ! Il ne faut pas s'imaginer que ce rêve puisse se maintenir. Compte tenu de la multiplicité des employeurs, cela aboutirait, au contraire, à l'éclatement de la fonction publique territoriale, ce qui signifie que les collaborateurs des collectivités territoriales deviendraient concurrents sur le marché du travail. Par conséquent, il faut y réfléchir et aller jusqu'au bout du raisonnement.
Bien entendu, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas introduire des éléments de souplesse dans le système actuel ; j'y reviendrai. Mais je vous mets en garde contre le décrochage, car tel est bien le risque que nous courons.
Que se passera-t-il lorsqu'une petite commune relativement éloignée voudra procéder à un recrutement ? Aujourd'hui, chacun offre à peu près le même salaire et a donc accès approximativement à la même qualité de collaborateurs. Si le système implose ou explose - j'ignore quel est le terme le plus adapté - eh bien ! ce ne sera plus le cas. Certaines collectivités pourront se payer des collaborateurs relativement chers, alors que d'autres ne le pourront pas. Il me paraît nécessaire de le dire.
S'agissant de la fonction publique, je vous rappelle très clairement l'engagement du Gouvernement - un certain nombre de mesures sont d'ores et déjà mises en oeuvre - d'associer beaucoup plus étroitement que par le passé les associations d'élus au pilotage de la politique de fonction publique. Nous avons commencé à en prendre quelque peu l'habitude.
Les différentes associations d'élus avec lesquelles nous travaillons comprennent un certain nombre de spécialistes. C'est indispensable pour une meilleure compréhension des choses. Par ailleurs, nous devons continuer à apporter un certain nombre d'assouplissements à des dispositifs sont difficilement applicables aujourd'hui.
Au mois de décembre dernier, j'ai donné un certain nombre d'instructions aux préfets afin que soit améliorée l'harmonisation du champ d'interprétation des conditions de recours aux contractuels. En effet, dans certains départements, le système était totalement bloqué.
J'ai donc rédigé une lettre d'interprétation à l'intention desdits préfets afin de leur permettre d'appréhender les choses de manière intelligente.
Par ailleurs, le toilettage des statuts particuliers sera poursuivi, pour mieux ajuster les conditions de recrutement.
Enfin, un certain nombre d'assouplissements des règles des quotas et des seuils démographiques doivent être recherchés, car ces deux systèmes n'ont plus la même raison d'être qu'auparavant.
S'agissant des régimes indemnitaires, la loi du 16 décembre 1996 a maintenu, c'est vrai, une ambiguïté ; M. Eckenspieller, me semble-t-il, l'a dit de manière très précise. Il faudra que nous levions cette ambiguïté à l'occasion d'un débat législatif, cette année, afin que l'affaire de 1984 ne soit pas une barrière, les uns pouvant être pris en compte, les autres pas. Cela ne me paraît pas raisonnable.
Par ailleurs, un certain nombre de réflexions sont en cours pour essayer d'aller un peu plus loin en matière de participation et d'intéressement, ce qui pourrait constituer un élément de modernisation de la fonction publique.
Je souhaite revenir maintenant sur un ou deux points qui ont été évoqués par certains.
M. Vasselle a fait allusion à l'article 23 de la loi sur la prise en charge des frais de scolarité. Je vais l'examiner de façon plus précise, mais j'ai le sentiment que ce qu'il souhaite doit être possible.
M. Alain Vasselle. Non, ce n'est pas possible !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Il vous a été dit que cela n'était pas possible ?
M. Alain Vasselle. Oui !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Il faudra donc modifier le dispositif en vigueur, car les modalités de mise en oeuvre du service d'accompagnement relèvent, me semble-t-il, de la seule responsabilité de la mairie. A partir du moment où le service est assuré, il n'est pas normal d'exiger la mise en place d'un système collectif.
Votre suggestion est extrêmement importante, car elle peut permettre de régler le problème de nombreuses petites communes qui n'ont pas la possibilité de créer des structures, telles les cantines collectives ou autres, mais qui peuvent nourrir et garder les enfants.
M. Paul Girod a également évoqué le problème de la compatibilité de trois textes qui devraient venir en discussion devant le Parlement : le texte sur les sociétés d'économie mixte, le texte sur les établissements publics locaux, qui est d'origine parlementaire, et le texte sur le code des marchés publics. Bien sûr, les sujets traités sont proches les uns des autres, mais il ne s'agit pas, me semble-t-il, des mêmes choses.
Le texte sur les sociétés d'économie mixte, que j'ai évoqué au cours de mon propos introductif, vise, pour l'essentiel, à clarifier les relations entre les collectivités locales et les sociétés d'économie mixte, afin d'éviter que les collectivités locales ne soient embarquées dans des situations financières difficiles du fait de la défaillance de telle ou telle SEM. Son objectif est donc de bien définir les responsabilités.
S'agissant de la loi sur les marchés publics, c'est un texte qui a été souhaité à la fois par les élus et par les professionnels des entreprises ; il devrait apporter plus de transparence et de simplification au système actuel.
La proposition de loi relative aux établissements publics locaux, qui a été déposée par l'Assemblée nationale, a pour objet de créer un nouvel outil de gestion au service des collectivités locales qui permet d'individualiser une activité sans risque juridique. En d'autres termes, c'est une manière juridiquement sûre de reprendre des activités qui, au cours de ces vingt ou trente dernières années, étaient souvent exercées par des associations paramunicipales, pour éviter d'utiliser la langue de bois, pratiques qui sont aujourd'hui pourchassées, à juste titre, par les chambres régionales des comptes. Ce texte permet d'apporter une réponse concrète aux élus locaux.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses qu'il me paraissait possible d'apporter aux différentes interventions qui furent extrêmement fournies et riches.
En conclusion, je répéterai simplement ce que je vous indiquais au début de mon propos.
Le Gouvernement est déterminé à poursuivre dans la voie de la décentralisation. Pour cela, il convient d'adapter les structures de l'Etat au phénomène de la décentralisation et d'aider les collectivités locales à parvenir à une meilleure prévisibilité de leur gestion financière malgré les difficultés qu'elles rencontrent.
Je vous réaffirme également mon souci de faire en sorte que le pacte de stabilité concerne non seulement les recettes, mais également les charges. A cette fin, nous devrons travailler ensemble sur les normes.
Enfin, s'agissant de la fonction publique territoriale, autre grand sujet, il ne faut pas trop brusquer les choses. Je vous exprime sinon ma certitude, du moins ma conviction que tout sera fait pour que, dans le cadre de la loi de 1994, nous ayons à la fois assez de souplesse et de rigueur pour assurer la compatibilité de l'unité du dispositif de la fonction publique et son adaptation aux besoins de chaque collectivité territoriale. (Applaudissements.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 307 et distribuée.

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