M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Ma question, ou plutôt mes trois questions s'adressent, en l'absence de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale, à M. le secrétaire d'Etat à la recherche. Elles sont relatives aux problèmes posés par l'application des lois sur la bioéthique.
Ma première question, qui était la seule que j'avais envisagé initialement de poser, monsieur le secrétaire d'Etat, fait écho à l'appel qui a été lancé par les gynécologues obstétriciens de l'Assistance publique, hôpitaux de Paris, sur le diagnostic préimplantatoire.
Cette technique récente qui s'applique à un embryon humain obtenu par fécondation in vitro permet d'éviter à un couple la transmission à sa descendance de maladies génétiques actuellement incurables, comme la myopathie ou la mucoviscidose.
Les praticiens estiment, à juste titre, que les conditions posées par la loi pour encadrer le diagnostic sont assez précises pour ne plus justifier davantage de retard dans la publication de son décret d'application. Or j'observe que, malgré l'engagement pris ici même, le 30 octobre 1996, par M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale de publier avant la fin de l'an dernier les trente décrets d'application prévus par cette loi, quinze seulement l'ont été à ce jour.
C'est peu ! d'autant que nous sommes parvenus à mi-chemin de la durée d'application prévue pour cette loi, son échéance étant fixée en 1999. Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, la date à laquelle vous comptez publier le décret relatif au diagnostic préimplantatoire ?
Ma deuxième question est évidemment liée à la publication des résultats des recherches sur le clonage. Ces développements nouveaux de la science, dont on vient de parler, posent la question de savoir comment organiser au mieux notre législation sur la bioéthique.
On constate en effet que deux thèses s'affrontent en ce qui concerne le clonage : celle selon laquelle les principes posés par les lois de 1994 permettent d'interdire le clonage humain et celle pour laquelle, au contraire, les dispositions de ces lois doivent être, le cas échéant, précisées.
On voit donc qu'il existe deux méthodes pour légiférer en matière de bioéthique : ou bien l'on pose un ensemble de principes forts et assez larges pour éviter d'avoir à y revenir à chaque découverte scientifique nouvelle ; ou bien l'on tente, au contraire, de prévoir dans la loi tous les progrès possibles.
Ne pensez-vous pas, à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en 1994 le législateur a d'une certaine manière hésité entre ces deux méthodes et qu'il faille en tirer les conséquences, sans attendre peut-être l'échéance de 1999 ?
Ma troisième question - ce sera la dernière - concerne la saisine par le chef de l'Etat du Comité consultatif national d'éthique.
Cette saisine est-elle conforme à la mission du comité ? Vous venez de répondre par avance à mon collègue que c'était le cas.
Permettez-moi cependant d'exprimer mon désaccord. Certes, la loi prévoit que le comité a pour mission de donner des avis sur les problèmes éthiques et de formuler des recommandations, mais elle ne prévoit sûrement pas, comme le laisse entendre la saisine du Président de la République, que le comité puisse s'interroger sur la validité juridique de la loi. Vous savez, en effet, que le Sénat avait, à l'unanimité, entendu encadrer strictement les missions du comité...
M. Jean Chérioux. C'est exact !
M. François Autain. ... et préserver ainsi les compétences du législateur.
Je constate que cette volonté n'est pas respectée aujourd'hui, et je le regrette.
Il existe pourtant en France d'autres instances que le Comité consultatif national d'éthique pour répondre aux questions juridiques posées par le chef de l'Etat. Je pense évidemment au Conseil d'Etat.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Autain.
M. François Autain. J'en ai terminé, monsieur le président, et j'attends la réponse de M. le ministre ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, pour répondre à votre dernière question, la saisine du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé par M. le Président de la République est une démarche dont personne ne peut contester la légitimité et le caractère parfaitement responsable.
Il s'agit en effet d'examiner si notre dispositif normatif nous prémunit contre tout risque d'utilisation de cette nouvelle technique, qui est révolutionnaire, au vu des principes éthiques fondamentaux, autrement dit au regard de la dignité de la personne humaine.
Quoi de plus légitime, monsieur le sénateur, que le Président de la République s'intéresse aux repères éthiques qui fondent notre société ? Dans cette affaire, ne doit-on pas affirmer haut et fort la primauté de l'éthique sur toute autre considération ?
Vous vous êtes aussi interrogé sur la nécessité d'une adapatation rapide de la loi. Le législateur, en instituant les lois sur la bioéthique, en 1994, avait certes prévu l'évolution des techniques et la possibilité que de nouvelles questions éthiques se posent. Ces lois ont donc, c'est très clair, vocation à être réexaminées, l'échéance ayant été fixée en 1999.
L'analyse en cours par le comité d'éthique permettra de dire s'il convient ou non de déplacer cette échéance. Dans tous les cas, il est essentiel que cette démarche s'inscrive, monsieur le sénateur, dans un débat non polémique, serein, rigoureux et sans précipitation excessive.
Vous avez également abordé la question des décrets d'application des lois sur la bioéthique. Le calendrier de promulgation des nombreux décrets d'application doit respecter une logique et une chronologie qui exigent un important travail de préparation.
Les décrets concernant le diagnostic préimplantatoire nécessitaient, par exemple, la mise en place de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal. Les décrets sont en cours d'élaboration par les services du ministère de la santé, en étroite collaboration avec la commission.
Ces techniques sont, vous le savez, extrêmement complexes et elles en sont encore au stade de la recherche. Il est donc nécessaire de mener des réflexions approfondies sur le type précis d'encadrement que l'on devra imposer à ce diagnostic. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

RÉPRESSION DES ATTEINTES SEXUELLES
CONTRE DES MINEURS