M. le président. « Art. 1er. - Le quatrième alinéa de l'article premier de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut émettre des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi. »
Sur l'article, la parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez pu constater, dans les rapports pour avis sur le budget de la famille que j'ai eu l'honneur de présenter au nom de la commission des affaires sociales, combien j'avais dénoncé le rôle hélas ! souvent néfaste des médias, notamment de la télévision, dans la représentation qu'ils donnent de la famille, et j'avais d'ailleurs présenté un certain nombre de suggestions. Dans ces conditions, vous le comprendrez, je ne peux laisser se dérouler ce débat sans attirer l'attention sur la nécessité d'inclure des dispositions concernant la famille dans un texte où est donné au CSA le pouvoir de faire des recommandations et où sont rappelées les règles de déontologie qui doivent être respectées par les programmes.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean Chérioux. J'avais déjà noté avec satisfaction les dispositions instituées respectivement par l'article 4, pour les chaînes publiques, et par l'article 5, pour les chaînes privées, de la loi du 1er février 1994, laquelle ouvre la possibilité de saisir le CSA aux associations familiales reconnues par l'UNAF ainsi qu'à un certain nombre d'autres organisations professionnelles et syndicales.
Cette disposition très importante était venue renforcer l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 permettant notamment au CSA de veiller à la protection de l'enfance et de l'adolescence dans la programmation des émissions diffusées par un service de communication audiovisuelle.
Mais la protection de l'enfance et de l'adolescence ne peut être menée à bien si l'on ne donne pas une dimension plus grande à la défense des valeurs familiales. (M. Machet acquiesce.) En effet, quand on voit tout ce qui se passe aujourd'hui en matière de pédophilie, il est important de se mobiliser sur ce sujet.
M. Louis Mercier. Très bien !
M. Jean Chérioux. C'est pourquoi, parmi les missions données au CSA, dans le cadre de l'article 1er du texte que nous examinons, il me paraît indispensable de faire référence de manière expresse au respect des valeurs familiales. Il s'agit non pas, bien entendu, d'imposer un modèle familial - là n'est pas mon propos - mais d'exiger le respect de la notion traditionnelle de famille dans notre pays telle qu'elle existe dans le code civil, dans le code de la santé publique et dans le code de la famille et de l'aide sociale, c'est-à-dire la famille légitime et la famille naturelle.
Il ne s'agit en aucune façon d'imposer à quiconque un modèle familial. Chacun est libre de mener sa vie comme il l'entend ! En revanche, il est indispensable de faire respecter l'opinion et le comportement de ceux qui sont attachés aux valeurs familiales traditionnelles, et d'empêcher qu'on ne puisse tourner systématiquement en dérision, comme cela se fait, hélas ! trop souvent, le modèle de famille qui est encore reconnu par notre législation.
MM. Jacques Machet et Louis Mercier. Très bien !
M. Jean Chérioux. Or cela est par trop fréquent et, si vous le permettez, je donnerai un exemple, qui est d'ailleurs loin d'être parmi les plus scandaleux. Il s'agit de ce présentateur de télévision, dont la valeur s'apprécie certainement plus en termes d'audimat qu'en fonction de son talent, qui, croyant sans doute faire de l'esprit, accueillait dans son émission une mère de famille de six enfants en s'exclamant : « Je n'avais encore jamais eu l'occasion de voir une mère lapine en chair et en os. » C'est sans doute plus attristant que grave, mais cela illustre bien l'état d'esprit qui règne trop souvent sur nos ondes. C'est pourquoi je crois utile de le rapporter.
J'ajouterai que, dans une société qui se veut civilisée, la maternité doit être un objet de respect, et non un sujet de dérision.
Certains diront que cette notion de respect des valeurs familiales revêt un caractère imprécis sur le plan juridique. Je leur répondrai qu'elle n'est pas plus imprécise que les notions de respect de la dignité humaine, de caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée auxquels se réfère à juste titre l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986.
C'est dans cet esprit qu'un certain nombre de mes collègues et moi-même avons rédigé l'amendement n° 65 rectifié, qui tend à inclure dans le texte de cet article 1er la notion de valeur familiale. J'ajouterai que c'est aussi l'objet de l'amendement n° 66 rectifié, que nous présenterons à l'article 4.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en complétant ainsi le texte de la loi de 1986, nous ferons oeuvre utile. En effet, bien des drames, bien des difficultés seraient évités si la famille, cellule de base de notre société, bénéficiait d'une meilleure protection dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Par amendement n° 65 rectifié, M. Chérioux et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent :
I. - Avant le premier alinéa de l'article 1er, d'insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, après les mots : "par le respect de la dignité de la personne humaine", sont insérés les mots : "des valeurs de la famille,". »
II. - En conséquence, de faire précéder le début du premier alinéa de cet article de la mention : « II. - ».
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, j'ai déjà défendu cet amendement en intervenant sur l'article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. L'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 pose le principe de la liberté de la communication audiovisuelle et prévoit les limites qui peuvent être apportées à l'exercice de la liberté de la communication. Ces limites sont énumérées et très limitées puisqu'il s'agit essentiellement du respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, bien sûr, de l'ordre public.
Vous le constatez, il s'agit de notions juridiquement très précises et caractérisées dans notre droit positif ou par la jurisprudence. Or la notion de « valeurs de la famille » n'a pas aujourd'hui ce contenu juridique clair et précis.
Je suis cependant attaché comme vous, monsieur Chérioux, aux valeurs de la famille. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. Jean Chérioux. J'espère qu'il y aura une jurisprudence sur ce point !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 65 rectifié.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Je crois que l'expression « dignité de la personne humaine » devrait pouvoir satisfaire M. Chérioux. En effet, la notion qu'il nous propose est floue : on ne sait pas ce que l'on ouvre et jusqu'où l'on ira !
Je vois bien à quoi notre collègue fait allusion, et je le comprends ; mais je sais aussi que, dans le pays, en ce moment, il y a des utilisateurs de la famille. On ne peut pas entrer dans ce processus !
La dignité humaine, voilà le fond des choses. Cette notion est bien connue, et je pense qu'il faut s'en tenir là.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. J'espère ne pas provoquer d'explosion de la part de mon collègue M. Chérioux avec les éléments que je vais apporter à la discussion : je sais en effet que, parfois, mes arguments le surprennent au point de le faire éclater !
Je crois, moi aussi, que la notion de dignité humaine suffit largement. Il faudrait, en effet, se mettre d'accord sur les valeurs de la famille : qu'appelle-t-on famille ?
Certes, M. Chérioux a bien cité la famille naturelle.
M. Jean Chérioux. Parfaitement !
M. Franck Sérusclat. Il n'empêche que les concubins ne peuvent pas adopter, par exemple.
M. Jean Chérioux. J'ai cité la famille naturelle !
M. Franck Sérusclat. Oui, vous avez parlé de la famille naturelle,...
M. Jean Chérioux. Oui, parfaitement !
M. Franck Sérusclat. ... mais il n'en reste pas moins que, pour les concubins, par exemple, il y a des problèmes.
M. Jean Chérioux. Il y a un code civil !
M. Franck Sérusclat. Je craignais effectivement de faire exploser M. Chérioux. Voilà, c'est fait !
Quoi qu'il en soit, la famille est une notion particulièrement difficile à cerner. Quand on parle des valeurs familiales, desquelles s'agit-il ? Qu'en est-il des divorcés, des remariés, etc. ?
Je crois donc, comme mon collègue et ami Jack Ralite, que faire référence à la dignité de la personne humaine suffit.
Peut-être aurais-je dû oublier cette époque où le mot « famille » était fortement marqué dans une certaine trilogie (Murmures sur les travées du RPR) , mais elle m'a laissé, à moi qui l'ai vécue, des souvenirs extrêmement douloureux.
Pour toutes ces raisons, je pense qu'il serait préférable que l'on s'en tienne au texte du Gouvernement, sans introduire une référence aux valeurs de la famille.
M. André Diligent. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Notre excellent collègue Jack Ralite affirme que la notion de « valeurs familiales » est imprécise et très limitée. Je pourrais en dire autant de celle de « dignité de la personne humaine » ! Voilà deux ou trois siècles, au début du siècle ou encore après-guerre, cette expression n'avait pas la même résonance et, si nous avons fait des progrès dans la prise en considération de cette notion, je vous mets au défi de la définir de façon très précise aujourd'hui.
Ce sont des choses que l'on sait intuitivement, que l'on sent, et j'estime qu'il en va de même pour les valeurs familiales : elles ne sont pas ressenties aujourd'hui comme il y a quelques siècles. Ainsi, aujourd'hui, on constate un retour de ces valeurs, et même les jeunes y trouvent à nouveau un certain intérêt parce que, dans les difficultés que la société traverse actuellement, la famille est un refuge et constitue généralement la première base de la solidarité et de l'espoir. Quand tout va mal, c'est vers elle que l'on se tourne.
C'est la raison pour laquelle la proposition de notre ami Jean Chérioux ne me paraît pas superflue. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je crois que j'ai été clair : il existe des lois, j'y ai fait référence ; nous avons un code civil ainsi qu'un code de la famille, qui définissent ce qu'est la famille actuellement. C'est cela qu'il faut faire respecter ! C'est tout ce que je demande.
Certains ont fait référence à certaines idéologies ; je n'insisterai même pas tant je trouve triste que l'on soit ainsi obligé de s'abriter derrière des arguments de ce genre pour combattre la famille telle que nous la défendons.
Quant à la notion de « dignité humaine », qui semble suffisante pour tout le monde, je constate qu'elle figure actuellement dans les textes en vigueur. Or, malgré cela, je constate aussi que la famille n'est pas respectée à la télévision !
C'est la raison pour laquelle je pense que le législateur se doit de marquer vis-à-vis du CSA qu'il entend protéger la famille. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 1, M. Jean-Paul Hugot, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par l'article 1er pour le quatrième alinéa de l'article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, de remplacer le mot : « émettre » par les mots : « adresser aux fournisseurs de services de communication audiovisuelle ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. L'article 1er attribue au CSA le pouvoir d'émettre des recommandations relatives au respect des principes énoncés par la loi du 30 septembre 1986.
Nous souhaitons dissiper toute ambiguïté sur les destinataires des recommandations que le CSA émettra en application de cette disposition.
Aux seuls fournisseurs de services de communication audiovisuelle, le CSA adressera des recommandations générales ou particulières sur le respect des principes énoncés par la loi ; au Gouvernement, il rendra non des recommandations, mais des avis dans les domaines prévus par la loi, et spécialement sur les projets de loi relatifs à la communication audiovisuelle, comme le prévoit l'article 3 du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Articles additionnels après l'article 1er