M. le président. « Art. 6 bis. _ La mise en place de plans d'épargne retraite est subordonnée à la conclusion d'un contrat entre un employeur, un groupement d'employeurs, d'une part, et un organisme mentionné à l'article 9, d'autre part. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 4, M. Marini, au nom de la commission, propose de compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le contrat instituant le plan d'épargne retraite prévoit les conditions et la périodicité d'un réexamen. Le réexamen doit avoir lieu au moins tous les cinq ans.
« Les engagements du plan d'épargne retraite sont soit exprimés, pour la période qui précède la constatation des droits, en unités de compte constituées de valeurs mobilières ou d'actifs offrant une protection suffisante de l'épargne investie et figurant sur une liste dressée par décret, soit définis conformément aux dispositions du chapitre premier du titre IV du livre IV du code des assurances.
« Lorsque le souscripteur d'un plan d'épargne retraite décide de changer de fonds d'épargne retraite, la contre-valeur des actifs représentatifs des droits et obligations attachés à ce plan est intégralement transférée, sans pénalité, vers le nouveau fonds d'épargne retraite dans un délai et selon des modalités fixées par décret. »
Cet amendement est assorti de cinq sous-amendements.
Le sous-amendement n° 22, présenté par MM. Massion, Autain et Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés, vise à la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 4, à remplacer les mots : « d'un réexamen. » par les mots : « du réexamen du choix du fonds d'épargne retraite et du prestataire de services d'investissement. »
Le sous-amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Massion, Autain et Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés, tend à remplacer le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 4 par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le souscripteur d'un plan d'épargne retraite a résilié le plan qui le lie à un fonds d'épargne retraite, les adhérents au fonds continuent de bénéficier des participations aux bénéfices ou aux excédents dans les conditions prévues initialement par le plan sans que celles-ci puissent être inférieures à la moyenne des participations dont bénéficient les adhérents de l'ensemble des autres plans du fonds.
« Lorsqu'un nouveau plan est immédiatement souscrit en remplacement du précédent, toutes les provisions représentatives des engagements pris au titre du précédent plan sont transférées avec l'ensemble des droits y afférents vers le nouveau fonds d'épargne retraite dans un délai maximum de six mois à compter de la date de résiliation du plan précédent. Les actifs transférés sont au moins égaux à la valeur de réalisation des placements correspondant aux engagements. Aucune indemnité ou perte de participations aux bénéfices ou aux excédents ne peut être mise à la charge de l'adhérent ni déduite de la valeur actuelle des rentes acquises au moment du transfert.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du deuxième alinéa du présent article aux plans d'épargne retraite auxquelles adhèrent plusieurs entreprises. »
Le sous-amendement n° 23, présenté par MM. Massion, Autain et Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés, a pour objet, dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 4, de supprimer les mots : « soit exprimés, pour la période qui précède la constatation des droits, en unités de compte constituées de valeurs mobilières ou d'actifs offrant une protection suffisante de l'épargne investie et figurant sur une liste dressée par décret, soit ».
Le sous-amendement n° 42, présenté par M. Badré, vise à compléter le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 4 pour compléter cet article par les mots : « ou de la section 4 du chapitre II du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale. » Le sous-amendement n° 24, présenté par MM. Massion, Autain et Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés, tend à compléter le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 4 par une phrase ainsi rédigée : « Dans tous les cas, les documents à caractère contractuel ou publicitaire relatifs aux plans d'épargne retraite doivent présenter de manière claire et accessible la nature de l'opération ainsi que l'étendue des engagements que prend le fonds d'épargne retraite vis-à-vis des adhérents. »
Par amendement n° 67, le Gouvernement propose de compléter l'article 6 bis par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonds d'épargne retraite ne peuvent s'engager à servir des prestations définies en fonction du salaire de l'adhérent. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Philippe Marini, rapporteur. Sur les sujets traités par cet amendement, et qui sont substantiels, je me livrerai tout d'abord à une mise au point ou, tout au moins, à un rappel.
Nous pouvons considérer qu'il existe actuellement, dans les pratiques assurancielles, cinq types de garanties susceptibles d'être apportées au souscripteur par un fonds d'épargne retraite. Si je les classe sur une échelle risque-rentabilité, ces garanties sont les suivantes.
On trouve, en premier lieu, les contrats à prestations définies en fonction du salaire. Ce sont les régimes dits de l'article 39 du code général des impôts, plus connus sous le nom de « retraites chapeaux ». Ils offrent au salarié le risque minimum. Mais, en réalité, ce risque est transféré sur l'entreprise.
En deuxième lieu, il existe les contrats en francs dans lesquels, non seulement le nominal est garanti, mais encore l'assureur s'engage à verser un taux minimum, dit « taux technique ». Ce dernier ne peut, selon la réglementation en vigueur, être supérieur à 3,5 %.
En troisième lieu, nous avons les contrats en francs dans lesquels seul le nominal est garanti et pour lesquels il n'y a aucune garantie de taux.
En quatrième lieu, il y a les contrats spécifiques dits de l'article L. 441 du code général des impôts - ce sont les régimes PREFON pour les fonctionnaires et FONPEL pour les élus locaux - qui, par un mécanisme complexe faisant intervenir les notions de valeurs de services et de valeurs d'acquisition, assurent à l'épargnant d'engranger au moins les résultats accumulés au cours d'une année.
En cinquième lieu, il y a les contrats dits en unités de compte, qui ne sont assortis d'aucune garantie mais qui autorisent une totale liberté de gestion - actions ou obligations - et permettent de placer beaucoup plus largement les actifs en titres de capital.
L'intention du Sénat en première lecture était bien d'interdire les régimes à prestations définies ou « retraites chapeaux », qui ont donné lieu à des abus importants ces dernières années, en particulier au profit de cadres dirigeants en passe de partir à la retraite qui souhaitaient se constituer, par ce moyen une retraite importante sans avoir cure du passif social qu'ils laissaient à l'entreprise. Par ailleurs, de grandes entreprises ont pu également se laisser piéger dans ce type de systèmes en faisant à leurs salariés des promesses très difficiles à tenir ensuite.
Sur l'élimination par la loi de ces régimes à prestation définie, le Gouvernement et la commission des finances sont tout à fait d'accord.
En revanche, nous avons une appréciation un peu différente quant au fait de savoir s'il faut autoriser ou non les contrats à taux techniques garantis, ce qui constitue une forme de prestation définie, au sens financier du terme.
Notre position en première lecture était de dire que, pour promettre un taux technique garanti, l'assurance est quasiment contrainte de s'adosser à une gestion majoritairement, voire, exclusivement obligataire. C'est le cas de figure de l'assurance-vie. Or, nous avons souvent affirmé que nous ne voulions pas que les fonds de pension soient de l'assurance-vie à trente ou quarante ans. Nous souhaitons donc éliminer les produits impliquant de façon quasi mécanique un placement obligataire dominant.
Il faut être bien conscient que, sur une épargne longue comme les fonds d'épargne retraite, s'il y a garantie, le rendement sur la durée se rapprochera de la garantie. Moins il y a de garanties explicites, plus le produit peut bénéficier d'une gestion performante. Le constat simple, vérifié dans le passé dans les pays qui ont beaucoup pratiqué les fonds de pension, est qu'il est beaucoup plus dangereux, dans une optique à long terme, d'être investi sur de l'obligataire ou du monétaire que de prendre le bon risque sur des placements longs, exposés, mais justifiés.
Nous avons donc estimé qu'il fallait, dans l'intérêt des adhérents, éliminer les taux techniques garantis, afin de mettre en place une épargne longue profitable à tous, notamment aux entreprises, qui pourront ainsi renforcer leurs fonds propres.
La position du Gouvernement, telle que je l'ai perçue au cours de nos contacts préalables et de la discussion générale, consiste à dire que le seul fait d'allonger ce que l'on appelle d'un terme barbare la « duration » du passif, c'est-à-dire la durée comprise entre le moment où est conclu l'engagement et celui où il se réalise, permettra aux gestionnaires de diversifier leurs engagements plus qu'ils ne le font aujourd'hui.
Par ailleurs, il est vrai que, optiquement du moins, le risque est plus élevé dans un contrat en unités de compte et qu'il est supporté par l'adhérent, non par l'assureur. L'interdiction des placements garantis risquerait de se heurter de plein fouet aux comportements d'épargne de nos concitoyens et à leur aversion bien connue pour le risque économique.
Vous considérez également, monsieur le ministre, que tout dépendra du traitement comptable. Actuellement, dans le cadre du code des assurances, ce traitement privilégie les placements en obligations au détriment des actions et vous vous engagez à le modifier par voie réglementaire.
C'est pourquoi, afin de clarifier le débat, la commission des finances a présenté l'amendement n° 4, qui comporte trois alinéas. Les longues explications que j'ai données concernent le sujet traité par le deuxième alinéa, le premier et le troisième ne contenant que des dispositions de conséquence par rapport à des votes qui ont déjà eu lieu.
Vos explications, monsieur le ministre, vont nous permettre de savoir quelles doivent être les limites du champ des techniques offertes aux plans d'épargne retraite.
Quand nous disions que les plans d'épargne retraite devaient proscrire les prestations définies, nous voulions éviter les « retraites chapeaux » et les taux techniques garantis. En ce qui concerne les autres formes de gestion, nous en acceptions le principe. Au demeurant, il ne nous est jamais apparu opportun de revenir sur le mode de gestion de régimes comme PREFON et FONPEL.
Monsieur le président, mes chers collègues, vous voudrez bien me pardonner le caractère très technique de ces longues explications, mais il m'a paru nécessaire de poser tous les termes du débat.
M. Emmanuel Hamel. Dans vos propos, monsieur le rapporteur, la technique était dominée par l'esprit ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur le ministre, sans doute conviendrait-il, pour simplifier la discussion, que, dès à présent, vous donniez l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 et que vous présentiez l'amendement n° 67.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. En effet, monsieur le président.
L'amendement n° 4 reprend deux principes que le Gouvernement approuve tout à fait.
Tout d'abord, les droits des salariés sont garantis au travers d'un encadrement des conditions de transfert des plans d'un fonds d'épargne retraite vers un autre. Cette disposition est également approuvée par l'Assemblée nationale, qui l'a précisée dans l'article 9 bis.
La rédaction du texte de l'Assemblée nationale en deuxième lecture, reprise de la position du Sénat en première lecture, me paraît particulièrement claire. En outre, elle est parfaitement cohérente avec les dispositions régissant les régimes collectifs de retraite dits « article 83 du code général des impôts », ce qui constitue un avantage qu'il conviendrait de préserver. Il serait donc judicieux de conserver cette rédaction.
Dès lors, l'article 9 bis, dans sa rédaction actuelle, me paraît devoir être préféré aux premier et troisième alinéas du texte présenté par l'amendement n° 4.
J'en viens maintenant au deuxième alinéa.
Le second principe sur lequel nous sommes d'accord avec M. le rapporteur a trait à la garantie des droits des salariés et à une maximisation du rendement des plans au travers de l'interdiction des « régimes chapeaux » et autres systèmes de retraite à prestations définies en fonction du salaire.
Ce point, qui reçoit l'assentiment du Gouvernement, me semblait acquis au travers de la rédaction de l'article 2 du texte. Cela étant, il peut sembler préférable de le dire explicitement en interdisant les plans d'épargne retraite exprimés en fonction de la variable non financière qu'est le salaire plutôt qu'en imposant des plans d'épargne retraite en unités de compte ou sous la forme de régimes collectifs de rente et en excluant les régimes en francs, qui constituent une des modalités appréciées des régimes à cotisations définies.
En conséquence, tout en partageant les préoccupations de la commission, le Gouvernement estime qu'il faudrait donner à ces préoccupations une traduction technique légèrement différente, inspirée des articles 9 et 6 bis, que le Sénat avait adoptés en première lecture.
C'est pourquoi, je propose à M. le rapporteur de bien vouloir retirer l'amendement n° 4, étant entendu que les dispositions des premiers et troisième alinéas sont reprises, dans une rédaction qui nous paraît meilleure, à l'article 9 bis et que le deuxième alinéa pourrait être avantageusement remplacé par l'amendement n° 67 du Gouvernement, qui aboutit au même résultat mais qui nous paraît plus simple.
En effet, l'amendement n° 67 tend à prévoir que les fonds d'épargne retraite ne peuvent s'engager à servir des prestations définies en fonction du salaire de l'adhérent.
M. le président. Monsieur le rapporteur, maintenez vous l'amendement n° 4 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Comme je l'ai laissé entendre, nous nous sommes efforcés, ensemble, d'examiner ce sujet très technique de la manière la plus concrète possible.
Compte tenu de la confirmation que M. le ministre vient d'apporter, je retire l'amendement n° 4 et j'exprime, en tant que rapporteur, un avis favorable sur l'amendement n° 67.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
En conséquence, les sous-amendements n°s 22, 27 rectifié, 23, 42 et 24 n'ont plus d'objet.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 67.
M. Marc Massion. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. M. le rapporteur a parlé précédemment de deux logiques tout à fait différentes. Eh bien, c'est effectivement au nom d'une logique tout à fait différente de celle de M. le ministre que nous voterons contre cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6 bis, ainsi modifié.
(L'article 6 bis, est adopté.)

Article 6 ter