M. le président. « Art. 6. - Les plans d'épargne retraite peuvent être souscrits par un ou plusieurs employeurs, ou par un groupement d'employeurs, au profit de leurs salariés.
« La souscription peut résulter d'un accord collectif d'entreprise ou d'un accord de branche, professionnel ou interprofessionnel, conclu à un échelon national, régional ou local. Ces accords sont régis par le titre III du livre premier du code du travail, à l'exclusion de ses chapitres III et IV ; ils peuvent déroger au second alinéa de l'article L. 132-13 et au second alinéa de l'article L. 132-23 dudit code. Les plans d'épargne retraite sont proposés à l'adhésion de tous les salariés de l'entreprise et, en cas d'accord de branche, professionnel ou interprofessionnel, à tous les salariés compris dans son champ d'application professionnel et territorial. Les conditions d'adhésion sont alors définies de façon identique pour des catégories homogènes de salariés.
« En cas d'impossibilité de conclure un accord ou à défaut de conclusion d'un accord dans un délai fixé par décret, la souscription peut également résulter d'une décision unilatérale de l'employeur ou d'un groupement d'employeurs constatée par un écrit remis par ceux-ci à chaque salarié. Dans ce cas, les conditions d'adhésion des salariés d'une même entreprise sont identiques.
« A défaut d'intervention, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, d'un accord interprofessionnel national ou d'une décision unilatérale couvrant l'ensemble des salariés compris dans le champ d'application de l'épargne retraite défini à l'article premier, les salariés employés dans une entreprise où ne sont pas proposés de plans d'épargne retraite pourront demander leur adhésion à un plan d'épargne retraite existant. Si, postérieurement à cette adhésion, un plan d'épargne retraite est proposé dans leur entreprise, ils peuvent demander que les droits qu'ils ont acquis soient transférés intégralement et sans pénalité sur ce dernier plan. Un décret fixe les conditions d'application du présent alinéa. »
Le Sénat s'est déjà prononcé sur les amendements n°s 18 rectifié, 19, 49, 50 et 20.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 51, M. Loridant, Mme Beaudeau, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le troisième alinéa de cet article.
Par amendement n° 2, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le début du troisième alinéa de l'article 6 :
« En cas d'impossibilité de conclure un accord collectif d'entreprise ou, à défaut de conclusion d'un tel accord dans un délai d'un an à compter du début de la négociation, la souscription peut... ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 65, présenté par le Gouvernement, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 2, à supprimer les mots : « d'entreprise ».
La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, vous me permettrez tout d'abord de m'associer pleinement au rappel au règlement que vient de faire Mme Beaudeau. En effet, tout ce qui touche à l'indépendance nationale et à l'organisation de notre défense est un élément essentiel. Il est par conséquent choquant que la Haute Assemblée n'ait pas été saisie de ce dossier si important pour l'avenir de notre République.
J'en viens à l'amendement 51, qui découle de notre position de principe quant aux conditions de mise en place de plans d'épargne retraite.
Il vise à exclure la possibilité d'imposer aux salariés, sans consultation de leurs organisations syndicales ou de leurs représentants du personnel, et à défaut d'un accord collectif, l'adhésion à un plan d'épargne retraite.
Il est vrai que l'article 7 de la proposition de loi, adopté conforme par l'Assemblée nationale, fait de l'adhésion comme des versements aux plans des actes volontaires et facultatifs, ce qui reviendrait, dans les faits, à limiter la portée de la décision unilatérale de l'employeur...
Que les choses soient néanmoins claires : puisque l'adhésion des salariés est facultative, de même que leurs versements, pourquoi vouloir à toute force imposer, coûte que coûte, l'existence d'un fonds d'épargne retraite, y compris par la voie d'une décision unilatérale de l'employeur ?
Il convient plutôt de rechercher le versement volontaire librement consenti, parce que librement négocié, dans les formes et les principes fondamentaux de la négociation collective.
C'est le sens de cet amendement, qui vise à supprimer le troisième alinéa de l'article 6.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement concerne la possibilité pour un employeur de souscrire un fonds d'épargne retraite par voie de décision unilatérale.
Mes chers collègues, vous vous en souvenez, lors de la première lecture, nous avions prévu que cette souscription pourrait se faire de deux façons - les deux étant placées de manière symétrique - à savoir, d'une part, par voie d'accord collectif, d'autre part, par décision unilatérale, sachant que l'accord collectif pourrait se concevoir au niveau soit de l'entreprise, soit de la branche, soit d'une profession, ou encore au niveau interprofessionnel.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a subordonné l'éventualité de la décision unilatérale, dans un délai qui devait être fixé par décret, à l'échec de la négociation collective, et ce sans préciser de quel niveau de négociation collective il devait s'agir.
Le présent amendement vise à placer ce principe de subordination, que la commission accepte par conséquent, dans le cadre suivant : nous souhaitons d'abord préciser qu'il s'agit bien d'une négociation d'entreprise et, ensuite, fixer le délai dans la loi, et le fixer à un an par symétrie avec la disposition proposée par l'amendement n° 1 voté en fin de matinée.
Enfin, nous souhaitons que, dans le cas où la négociation est rendue impossible, en particulier du fait de l'absence de représentants du personnel, cette condition de subordination ne soit pas maintenue, car elle n'aurait pas de raison d'être.
Tels sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les objectifs que la commission poursuit avec cet amendement n° 2.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 65.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. L'amendement n° 2 vise, comme l'a indiqué M. le rapporteur, à fixer à un an le délai au-delà duquel, en l'absence d'accord, une décision unilatérale de l'employeur peut intervenir pour mettre en place l'épargne retraite.
Le troisième alinéa de l'article 6, tel qu'il a été adopté, laissait le soin à un décret de fixer ce délai.
Le Gouvernement comprend tout à fait le souci de la commission des finances, notamment de son rapporteur, de fixer dès à présent ce délai, qui ne doit pas être trop long et qui paraît ici raisonnable.
Toutefois, la nouvelle rédaction du début du troisième alinéa, proposée par la commission des finances, ne fait référence qu'aux accords d'entreprises alors que, comme il est indiqué dans la suite de l'alinéa, les fonds d'épargne retraite peuvent être également mis en place par une décision unilatérale d'un groupement d'employeurs.
Par souci de cohérence, le Gouvernement a déposé ce sous-amendement n° 65, qui tend à supprimer les mots « d'entreprises » au début du troisième alinéa. Ainsi, le délai d'un an laissé à la négociation collective s'appliquera à tous les niveaux de la négociation - entreprises, branches - et au niveau interprofessionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 65 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Comme vient de l'expliquer M. le ministre, ce sous-amendement vise à rendre le texte plus cohérent. Il élargit le champ de la convention collective. J'y suis donc favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 65, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 51 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 51 et 2 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 51, qui supprimerait la possibilité de mettre en place les plans d'épargne retraite par décision unilatérale.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 2, modifié par le sous-amendement que le Sénat, dans sa sagesse, vient d'adopter.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Marc Massion. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si mes comptes sont justes, c'est, au moins, la quatrième fois que le Gouvernement ou la majorité parlementaire se propose de réécrire l'article 6, dont on peut dire que la principale caractéristique n'est pas la densité.
Cela ne nous étonne pas. Il s'agit en effet de l'article censé définir le rôle des partenaires sociaux dans la mise en place des plans d'épargne retraite.
Cette fois, la proposition est claire : il s'agit ni plus ni moins d'évacuer ceux-ci du dispositif. Il suffira pour ce faire d'attendre une année. Vous avez déjà procédé à cette éviction à l'article 1er ; vous recommencez à l'article 6, mais vous procédez, cette fois, en deux temps.
Premièrement, vous confirmez que l'accord d'entreprise peut déroger à l'accord de branche ou à l'accord interprofessionnel dans un sens moins favorable aux salariés. Concrètement, cela signifie que l'employeur pourra financer le plan à un niveau inférieur à celui qui est prévu par l'accord de branche, voire ne pas participer à ce financement.
Bref, vous voulez bien des partenaires sociaux à condition qu'ils réduisent les droits des salariés.
Je présume que, demain, vous nous proposerez la même chose pour les régimes de retraite complémentaire !
Le président du CNPF, M. Gandois, a récemment annoncé la couleur : « Il faut, dit-il, revoir l'ensemble des accords de branche, parce qu'ils accordent des avantages excessifs aux salariés. »
Dès lors, vous me permettrez de dire que je ne vois pas bien à quoi sert qu'au plus haut niveau de l'Etat on s'affirme comme les garants de la protection sociale.
Deuxièmement, vous décidez, et cette mesure s'inscrit dans la même logique, qu'une fois le délai d'un an écoulé, les partenaires sociaux n'ont plus qu'à disparaître, et que l'employeur pourra faire ce qu'il voudra, c'est-à-dire rien !
En outre, votre texte est difficile à cerner : dans quel cas décidera-t-on que la négociation est devenue impossible ? Lorsque le délai d'un an aura expiré, deviendra-t-il définitivement impossible d'engager une nouvelle négociation ? Quel sens tout cela peut-il avoir, alors qu'un an après la promulgation de la loi tout salarié pourra adhérer au plan de son choix ?
Cet amendement, dans la logique du texte, va à l'encontre des intérêts des assurés. Comme la plupart des modifications proposées, il ne correspond pas à la réalité de la négociation collective dans l'entreprise.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Marini, au nom de la commission.
L'amendement n° 52 est déposé par M. Loridant, Mme Beaudeau, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer le dernier alinéa de l'article 6.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Philippe Marini, rapporteur. L'amendement n° 3 est un amendement de conséquence de l'amendement n° 1, que le Sénat a adopté tout à l'heure.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 52.
M. Paul Loridant. Sans revenir sur l'argumentation que nous avons déjà développée sur l'article 6, je vous invite, mes chers collègues, pour des raisons bien évidemment différentes de celles de M. le rapporteur, à procéder à la suppression du quatrième alinéa de cet article.
Nous souhaitons, en effet, que soit clairement marquée la préférence de la Haute Assemblée pour la mise en place de fonds de pension dans le cadre d'une négociation collective ambitieuse, respectueuse des volontés des parties, sans que l'employeur ait la possibilité d'imposer aux salariés ses vues sur les fonds d'épargne retraite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 52 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je suis un peu embarrassé pour donner un avis parce que cet amendement est formellement identique à celui que je viens de présenter et, de ce point de vue, je ne peux qu'y être favorable, alors que les intentions qui ont présidé à son dépôt sont en totale opposition avec celles de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à ces amendements, mais, bien évidemment, je rencontre le même problème que M. le rapporteur. Je dirai donc que je suis favorable à l'amendement n° 3 malgré les arguments de M. Loridant et favorable à l'amendement n° 52 enrichi de l'argumentation de M. le rapporteur. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 3 et 52, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Par amendement n° 21, MM. Massion, Autain et Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter l'article 6 par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'un salarié est affilié à plusieurs plans d'épargne retraite, il ne peut bénéficer des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de celles de l'article 83 ter , 1°, du code général des impôts qu'au titre d'un seul de ces plans. »
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Sur notre initiative, le Sénat avec raison avait adopté un amendement prévoyant qu'un même salarié ne pouvait bénéficier que d'un seul plan d'épargne retraite.
L'Assemblée nationale, à la demande des assureurs, je suppose, a supprimé cette disposition. Elle doit être rétablie, en tout cas dans son esprit ; nous en avons en effet modifié la forme.
Il s'agit de protéger les finances publiques et la sécurité sociale contre une optimisation des avantages fiscaux et sociaux excessifs que vous avez prévus, laquelle profiterait essentiellement aux détenteurs de haut revenus.
La règle que nous vous proposons de rétablir n'est en aucune manière génante pour les adhérents aux plans puisque leur contenu peut être défini librement, soit dans le cadre de l'entreprise, soit par chaque fonds lorsque les salariés y adhéreront individuellement. Plusieurs plans pourront être souscrits par un même salarié, mais celui-ci ne profitera qu'une fois des avantages fiscaux et sociaux qui lui sont offerts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui lui semble trop restrictif.
En ce qui concerne le dispositif incitatif en matière fiscale ou sociale, il faut rappeler que l'ensemble des versements du salarié entrent dans une enveloppe globale. Ce n'est donc pas parce qu'il existerait plusieurs plans dans une même entreprise que le coût pour les régimes sociaux ou pour le budget de l'Etat en serait plus élevé. En conséquence, il me semble que les préoccupations exprimées par M. Massion n'ont pas lieu d'être.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Mon analyse est identique à celle de M. le rapporteur. Retenir cet amendement n° 21 reviendrait à interdire de fait à un salarié de participer à deux ou plusieurs plans. Or, tout le monde est d'accord, je crois, pour considérer qu'il peut être intéressant de permettre à un salarié de participer à plusieurs plans.
Le souci de M. Massion, si j'ai bien compris, est d'éviter un cumul d'avantages fiscaux et sociaux.
Or, comme vient de le dire M. le rapporteur, la rédaction actuelle de la proposition de loi garantit qu'il n'y aura pas de cumul d'avantages fiscaux : le plafond de l'avantage fiscal prévu à l'article 25, c'est-à-dire la déduction des versements des salariés et de leurs employeurs dans la limite de 5 % de la rémunération brute ou de 20 % du plafond annuel de la sécurité sociale, de même que celui de l'avantage social prévu à l'article 26, s'appliquent globalement à l'ensemble des versements annuels effectués par un même salarié et son employeur ou ses employeurs, et cela quel que soit le nombre de plans d'épargne retraite dont les intéressés peuvent être titulaires en application de l'article 6.
A partir du moment où la rédaction garantit qu'il n'y aura pas cumul d'avantages fiscaux, il ne nous paraît pas opportun de la modifier.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6 bis