M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 44, présentée par Mme Luc, M. Loridant, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, créant les plans d'épargne retraite (n° 179, 1996-1997). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la motion.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée est chargée d'examiner pour la deuxième fois le texte instituant la création de fonds de pension.
Nous avions déjà déposé, en première lecture, une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. Aucune réponse n'avait été apportée, ni par le rapporteur, ni par le Gouvernement, à nos critiques les plus fondées.
Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale étant, somme toute, peu différent de celui que nous avons déjà examiné en première lecture, il ne nous paraît pas davantage acceptable.
Son irrecevabilité tient, en premier lieu, au fait qu'il déroge au principe d'égalité énoncé par notre Constitution.
Le texte prévoit certes que tous les salariés pourront, s'ils le désirent, adhérer à un plan d'épargne retraite, souscrit par leur employeur, et se constituer ainsi un complément de retraite qui s'ajoutera aux pensions versées par les régimes généraux et complémentaires.
L'aspect alléchant du dispositif tient aux avantages fiscaux proposés : déductibilité à hauteur de 5 % du salaire brut du montant des versements, avec possibilité d'atteindre 20 % du plafond de la sécurité sociale, ce qui signifie qu'environ 30 000 francs pourront être déduits du revenu imposable.
L'immense majorité des salariés n'a donc que peu de chose à attendre de cette réforme, qui ne concernera que ceux qui paient des impôts, soit 50 % des foyers fiscaux, et ne s'adressera en fait qu'aux détenteurs de revenus élevés, lesquels sont déjà les principaux bénéficiaires de la prétendue réforme fiscale dont on nous rebat les oreilles en ce moment.
En effet, des foyers aisés, pourront avantageusement placer une grande partie des économies réalisées grâce à la baisse de l'impôt sur le revenu sur un plan d'épargne retraite, ce qui entraînera une nouvelle baisse de leur revenu imposable, et donc du montant de leurs impôts.
En revanche, l'économie d'impôt réalisée par les foyers aux revenus moyens ne suffira pas à faire face aux prélèvements supplémentaires que constituent l'augmentation du prix des carburants et l'accroissement du taux de la CSG et du RDS prélevés sur les plans d'épargne logement ou d'épargne retraite.
La proposition de loi créant l'épargne retraite établit donc l'inégalité devant l'impôt, sur le plan des principes et sur celui des faits, et le dispositif prévu ne se révèle finalement intéressant que pour les bénéficiaires de revenus mensuels compris entre 70 000 et 80 000 francs. Bref, cela ne va pas précisément, monsieur le ministre, dans le sens d'une réduction de la fracture sociale !
En effet, alors que la majorité des salariés voient leur pouvoir d'achat laminé, que la moitié des chômeurs indemnisés perçoivent moins de 4 000 francs par mois, que de nombreuses familles se privent sur l'essentiel, qu'un grand nombre d'entre elles ne peuvent même plus faire face aux dépenses de restaurant scolaire pour leurs enfants fréquentant collèges et lycées, que de nombreux salariés n'adhèrent plus, faute de ressources suffisantes, à un régime de mutuelle complémentaire pour couvrir leurs frais de maladie, comment pourrait-on leur proposer d'adhérer à un plan d'épargne retraite ?
Par ailleurs, cette situation ne peut que s'aggraver avec le développement du travail à temps partiel que le Gouvernement appelle de ses voeux ou l'instauration du « CIP bis », rebaptisé « stage diplômant », qui permet d'embaucher au rabais de jeunes diplômés. L'inégalité de principe et de fait s'amplifiera donc.
Plus largement, c'est la base même du dispositif proposé, le système de retraite par capitalisation, qui contrevient au principe fondamental de l'égalité entre citoyens.
Ce système aggrave, à l'âge de la retraite, les inégalités de la vie active, puisque la différence se creuse en fonction de la part du revenu pouvant être épargnée : sur ce point, l'écart est encore plus grand que celui qui est observé en matière de salaires. Cette proposition de loi favorise donc l'inégalité des retraites, elle est en cela contraire à la Constitution.
Irrecevable, ce texte l'est sous un autre angle, puisqu'en s'attaquant au régime de retraite par répartition il contredit le préambule de la Constitution de 1946, qui stipule que la nation doit garantir « à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle ». En effet, le dispositif proposé est, comme je l'ai montré, inégalitaire, mais surtout il sape les bases du système de retraite mis en place après la guerre.
Bien sûr, l'auteur de cette proposition de loi tente souvent d'en cacher l'objectif véritable et M. Thomas peut ainsi déclarer qu'« il faut pérenniser ce système de répartition auquel nous sommes très attachés. L'épargne retraite est un supplément qui vient consolider ce système ».
Dans ce cas, pourquoi la quasi-totalité des grandes organisations syndicales, que ce soit la CGT, la CFTC, la CGC ou Force ouvrière, se sont-elles opposées, et pour la première fois de manière unitaire, à l'institution des fonds de pension ?
Elles savent que ce nouvel étage ajouté à l'architecture du système de retraite risque de mettre en difficulté les deux autres, à savoir le régime général et, surtout, le régime complémentaire.
En effet, en dépit des propos rassurants des promoteurs des fonds de pension, les systèmes de retraite par répartition et par capitalisation entreront en concurrence : l'employeur n'aura-t-il pas intérêt à souscrire au plan d'épargne retraite - il sera alors dispensé de verser des cotisations sociales - plutôt qu'à accorder une augmentation de salaire ? En outre, qui dans ces conditions acceptera de voir ses cotisations augmenter ? La proposition de loi remet donc en question, en plus des deux principes d'égalité évoqués, l'égalité des retraites.
Dans les circonstances actuelles, la mise en oeuvre du texte entraînera une perte de 6 milliards de francs de cotisations par an pour les trois branches de la sécurité sociale et de 3 milliards de francs pour les régimes de retraite complémentaire. Le déficit de la branche vieillesse ne peut que se creuser - et vous le savez, monsieur le ministre - à cause des exonérations de charges prévues par la proposition de loi.
Pour échapper à cette perspective, le Sénat, suivi d'ailleurs par l'Assemblée nationale, a voté en première lecture un amendement présenté par le président de la commission des affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade, et tendant à contenir le montant de l'abondement de l'employeur sous la limite d'exonération de 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 139 944 francs.
Cela ne réduira cependant que de 100 millions de francs la perte, estimée à 6 milliards de francs, que subira le régime obligatoire.
Comme le faisait remarquer mon ami Alain Bocquet, président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, rien n'empêchera, après avoir approuvé, dans un premier temps, le principe général de la création des fonds de pension, d'augmenter discrètement, dans les années à venir, le taux d'exonération dont bénéficieront les souscripteurs ! En l'occurrence, la bombe visant le système de retraite par répartition sera à retardement, monsieur le ministre.
Contrairement à ce que proclament la majorité et le Gouvernement, la création des fonds de pension tendra non pas à assurer des vieux jours paisibles aux retraités, mais avant tout à drainer une partie des sommes destinées à financer les dépenses socialement utiles vers les marchés financiers, la spéculation, la guerre économique et monétaire.
Il suffit de lire - et d'autres que moi l'ont cité - le rapport de M. Marini pour s'en convaincre : n'est-il pas indiqué très clairement que « le maintien de la compétitivité de la place de Paris en Europe dépend largement du succès de cette réforme » ?
L'argument évoqué est l'investissement pour l'emploi. Mais quelles garanties avons-nous que ces fonds serviront effectivement à cette fin ? Depuis quand l'emploi est-il une préoccupation des marchés financiers ?
Il semble plutôt que les indices boursiers - on vient de le voir aux Etats-Unis - baissent quand le nombre de créations d'emplois augmente trop vite !
Licencier, supprimer des emplois, baisser les salaires, diminuer le pouvoir d'achat des prestations sociales, tel est le prix de la course au profit maximal et de la réduction des déficits par réduction des dépenses publiques ou des dépenses sociales.
Et il faut dire que le marché est porteur ! Voilà quelques semaines, à propos de la présente proposition de loi, le journal Les Echos ne titrait-il pas : « Un marché estimé de 30 à 50 milliards : une opportunité pour la bourse ! » ?
Avec cette proposition de loi, c'est bien un pas de plus vers la privatisation de la sécurité sociale qui est fait.
Quant au sort des retraités, ce qui est arrivé aux salariés du groupe Maxwell doit nous faire réfléchir lorsque nous prenons des exemples à l'étranger.
Cette proposition de loi est donc contraire à la Constitution parce qu'elle s'oppose à l'un de ses principes de base, celui de l'égalité des citoyens.
Mais il est plus curieux de voir la majorité passer outre à une disposition qu'elle a récemment votée lors d'une révision constitutionnelle.
En effet, comme l'avait remarqué mon ami Jean-Luc Bécart, le 12 décembre dernier, l'article 34 de la Constitution a été complété le 27 février 1996 par la disposition suivante : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses... »
L'article 1er de la loi organique du 22 juillet 1996 précise que seules les lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu de ce principe.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'était prononcé contre l'inscription dans la Constitution de ces lois de financement et contre la loi organique correspondante.
Nous avions d'ailleurs voté contre la première loi de financement, qui imposait une logique de restriction des soins à la sécurité sociale.
Dans ce contexte, il est pour le moins curieux que, par le biais du texte instaurant les plans d'épargne retraite, la majorité passe outre au nouvel article 34 de la Constitution.
Lors de la première lecture, nous avions souhaité, pour le moins, un débat sur cet argument qui nous paraît irréfutable.
Qu'avons-nous eu pour toute réponse ? Les sarcasmes de M. Marini parlant d'« analyse essentiellement idéologique » et une réponse pour le moins laconique de M. Lamassoure, ce simple mot : « défavorable ».
Pourtant, en toute logique - nous nous étions d'ailleurs opposés à cette extension de l'irrecevabilité financière prévue par la loi organique - les dispositions d'exonérations fiscales auraient dû être présentées lors de la loi de financement.
Mes chers collègues, pouvez-vous contester que l'instauration de fonds de pension ne pourrait qu'aggraver le déséquilibre de la sécurité sociale ?
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Oui, on le conteste !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Comme nous le disions en première lecture, « si certains ici contestent cette perte de ressources, le débat doit s'engager ».
Comme trop souvent, ce débat, vous l'avez refusé. Et l'on parle de revaloriser le rôle du Parlement !
Dès lors, nous ne pouvons que vous proposer, chers collègues, de voter notre motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à la proposition de loi créant les plans d'épargne retraite. (M. Loridant applaudit.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains de décevoir Mme Beaudeau car mon intervention sera brève.
Nous avons véritablement de la peine à communiquer. En effet, au sein de la commission comme de la majorité sénatoriale, nous estimons avoir développé, de la façon la plus claire et la plus pédagogique possible, les considérations qui nous semblent devoir conduire à l'adoption de ce texte. Nous croyons avoir expliqué clairement que notre pays doit sortir d'une atmosphère totalement dépendante des prélèvements obligatoires et d'un comportement vertical consistant à toujours imposer les mêmes prestations, les mêmes cotisations, les mêmes voies, les mêmes solutions à tous, quelle que soit la situation concrète de chacun.
Mme Joëlle Dusseau. C'est cela, le principe de la solidarité nationale, monsieur le rapporteur !
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous avons cru avoir montré que ce texte ouvre un espace de liberté et prépare l'avenir, ce que vous ne pouvez nier...
Mme Joëlle Dusseau. Vous vous enfoncez par rapport au discours officiel.
M. Philippe Marini, rapporteur. Madame Dusseau, tout à l'heure, vous m'avez fait grief de vous interrompre.
Mme Joëlle Dusseau. A juste titre !
M. Philippe Marini, rapporteur. J'ai l'impression que la réciproque est vraie à présent ! (Sourires.)
Mme Joëlle Dusseau. C'est exact, monsieur le rapporteur !
M. Philippe Marini, rapporteur. Vous avez constaté que la démonstration arithmétique, en ce qui concerne les cotisants, d'une part, et les ayants droit, d'autre part, nous oblige à faire évoluer les systèmes de protection contre le risque vieillesse. Est-ce vrai ou est-ce faux ? Peut-on imaginer d'accroître sans cesse les prélèvements obligatoires et les cotisations sociales ? Peut-on imaginer de réduire sans cesse la durée de la vie de travail et d'anticiper sans cesse l'âge du départ à la retraite ? Comment peut-on dire qu'on traite nos concitoyens en personnes majeures si on continue à les bercer d'illusions ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est vous qui les bercez d'illusions !
M. le président. Mme Beaudeau, nous sommes dans le cadre d'une motion, vous ne pouvez pas intervenir.
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce matin, je n'ai entendu, sur les travées de la gauche, excusez-moi de le dire, que des interprétations erronées, auxquelles M. le ministre a répondu fort opportunément et très clairement. Alors, de grâce ! mettons en place ces dispositions...
Mme Marie-Claude Beaudeau. En creusant le trou de la sécurité sociale !
M. Philippe Marini, rapporteur. ...qui sont empiriques, qui ont une portée qu'il ne faut pas exagérer...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Enfin !
M. Philippe Marini, rapporteur. ... et nous verrons bien qui elles intéresseront. Concerneront-elles 2 % de nos concitoyens comme dans le cas de la PRÉFON qui est réservée aux fonctionnaires ? Ce taux sera-t-il plus élevé ? Personne ne peut le dire.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Si, vous le savez !
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous n'en savons rien ! Il n'existe aucune simulation digne de foi en ce domaine.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Si, vous le savez !
M. Philippe Marini, rapporteur. Ouvrons un espace de liberté. Madame Beaudeau, vous avez cité certains chiffres alléguant des pertes d'assiette et de cotisations sociales. Cette démarche n'est pas rationnelle ; ces chiffres sont susceptibles d'être démentis parce qu'ils prennent comme hypothèse de travail, tout à fait gratuite, l'effet de substitution qui se produirait entre une augmentation de salaire immédiate et un abondement permettant de faire apparaître, dans un avenir lointain, un supplément de retraite.
Mes chers collègues, c'est vraiment faire peu de cas de la conscience sociale des travailleurs au sein des entreprises. Peut-on imaginer que leurs représentants vont accepter de substituer un franc immédiatement et un franc dans quinze ans, trente ans ou quarante ans ? Soyons sérieux, ne créons pas de mythe, n'entretenons pas des illusions, ne disons pas à nos concitoyens que nous pouvons avoir raison tout seuls dans notre petit canton de l'univers !
Il faut un minimum de réalisme, et celui-ci vous commande, mes chers collègues, de rejeter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Il n'est pas simple de débattre des chemins à emprunter pour construire un avenir meilleur qui contribue à la cohésion sociale.
On oppose prospérité économique et dimension sociale. Mais tous ceux qui croient en l'entreprise - et la plupart des responsables d'entreprise sont dans ce cas - partagent ces convictions. Ils ne peuvent imaginer la prospérité boursière, la santé des marchés dans un champ de ruines social. Nous avons collectivement le devoir de sortir d'une vision aussi manichéenne. Ce qui se met en place a pour finalité l'emploi et la cohésion sociale.
Madame Beaudeau, vous souhaitez le débat. Existe-t-il un lieu plus privilégié que le Parlement pour débattre ? C'est ici que la représentation nationale s'exprime. Or, sur un thème aussi essentiel, votre seule préoccupation, c'est de déclarer que la proposition de loi est irrecevable. Il s'agit là d'une contradiction.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Une chose est évidente : nous ne sommes pas pour la discussion de cette proposition de loi !
M. Emmanuel Hamel. Il faut discuter pour progresser !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Madame Beaudeau, vous dites qu'il faut débattre et vous invitez le Sénat à ne pas se prononcer sur cette proposition de loi, au motif qu'elle serait irrecevable. Je vous laisse à vos contradictions, madame le sénateur.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous savez bien qu'il n'y en a pas ; vous avez été vous même parlementaire, monsieur le ministre !
M. le président. Madame Beaudeau, je vous ai déjà demandé de ne pas interrompre l'orateur car nous sommes dans le cadre d'une motion !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Le Gouvernement souhaite que le Sénat veuille bien entrer dans la discussion pour parfaire ce texte, afin qu'il réponde à l'attente et aux espérances de nos compatriotes.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et le trou de la sécurité sociale ?
M. le président. Madame Beaudeau, vous n'avez pas la parole !
Je vais mettre aux voix la motion n° 44.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le rapporteur, j'ai été choquée par vos propos. Nos concitoyens doivent cesser de se bercer d'illusions par rapport à l'âge de la retraite, dites-vous,...
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est vous qui les bercez d'illusions !
Mme Joëlle Dusseau. ... et vous évoquez le débat sur la retraite à cinquante-cinq ans.
M. Philippe Marini, rapporteur. Absolument !
Mme Joëlle Dusseau. Mais qui, actuellement, met à la rue les salariés à cinquante ans ? Qui les déclare, à cinquante-deux ou à cinquante-trois ans, inaptes à travailler ? Moi ? Non, bien entendu, ce sont les entreprises.
M. Jean Chérioux. Ce ne sont pas les entreprises, c'est la situation économique !
Mme Joëlle Dusseau. Non, ce n'est pas la situation économique, ce sont les entreprises !
M. Philippe Marini, rapporteur. Eh bien, tuez les entreprises, la solution sera là !
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de ne pas interrompre les orateurs, car nous sommes dans le cadre d'une motion.
Mme Joëlle Dusseau. Je ne veux pas tuer les entreprises !
Je ne puis accepter que l'on dise que l'on berce d'illusions les salariés à propos de la retraite à cinquante-cinq ans alors que, dans le même temps, on les met massivement au chômage. Ainsi, quand ils sont âgés de cinquante-quatre ou de cinquante-cinq ans et qu'ils recherchent un emploi, on leur dit : de toute façon, vous n'avez aucune chance d'en trouver. Lorsqu'ils sont bénéficiaires du RMI et qu'ils sont âgés de cinquante-cinq ou cinquante-six ans - et combien nous en avons recensé ! - on leur dit : ce n'est pas la peine de chercher un travail, restez au RMI jusqu'à la retraite.
C'est cela la réalité, monsieur Marini ! Vous parlez de réalisme. Eh bien, moi, je vous renvoie à la réalité de la société à l'heure actuelle !
Il faut, dites-vous, sortir d'un système dans lequel les mêmes prestations sont versées aux différentes personnes. Mais c'est cela le principe de la solidarité ; c'est cela le principe de la sécurité sociale ; c'est cela le principe de l'égalité.
Vous confirmez que vous voulez sortir de ce système.
M. Jean Chérioux. On le supprime !
Mme Joëlle Dusseau. Vous souhaitez donc vous orienter vers un système qui apportera toujours plus d'argent aux privilégiés.
Lorsque vous dites que l'on ne pourra pas continuer à payer les retraites et qu'il faut trouver une solution, qui figure dans la présente proposition de loi, laquelle ne concerne - et vous l'avez vous-même reconnu - que des cadres aisés, vous illustrez parfaitement votre propos.
Pour cet ensemble de raisons, je voterai contre cette proposition de loi. Aussi, je voterai la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 44, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Nous passons donc à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 1er