M. le président. « Art. 7. _ L'ensemble des transferts mentionnés aux articles 4, 5 et 6 ne donne lieu à aucun versement de salaire ou honoraire au profit d'agents de l'État, ni à aucune indemnité ou perception d'impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit. »
Sur l'article, la parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 7 qui nous est maintenant soumis recouvre des considérations techniques qui, en elles-mêmes, sont fort logiques.
Bien entendu, nous récusons la philosophie du projet de loi, qui vise à l'éclatement, voire au démantèlement de l'entreprise publique de transport ferroviaire.
Notre souci de maintenir l'unité de l'entreprise, que nous avons manifesté, je crois, à plusieurs reprises, ne saurait être mis en doute, et je voudrais profiter de cette intervention, après l'adoption de l'article 6 qui a eu pour conséquence de segmenter la dette, pour affirmer qu'il me semble, monsieur le ministre, que vous ne mettez pas en oeuvre les mécanismes susceptibles de garantir à la SNCF l'exclusivité de la gestion et de l'exploitation de l'infrastructure.
Tout ce que nous avons dit hier tend à démontrer que, en l'état actuel de sa rédaction, le texte ne permettra pas de résister aux pressions européennes et que, tôt ou tard, des opérateurs privés parviendront à accéder au réseau. L'article de l'Expansion paru ce jour confirme cette appréciation.
C'est d'ailleurs pour cette raison que j'avais lancé, hier, l'idée d'installer un comité de coordination entre les deux EPIC. La nuit portant conseil, je peux aujourd'hui réaffirmer cette proposition.
En effet, le droit des sociétés nous apprend qu'il existe une solution pour garantir l'exclusivité des contrats entre deux établissements, sans avoir recours aux procédures d'appel d'offres : il suffirait de créer un EPIC, holding regroupant le RFF et la SNCF, qui en deviendraient donc des filiales.
Or, sur un contrat précis, quand deux filiales réalisent plus de 90 % de leur chiffre d'affaires l'une avec l'autre, elles sont mécaniquement dispensées d'observer les obligations existant en matière d'appel d'offres. Dans le cas qui nous intéresse, c'est selon nous indubitable !
Voilà donc une solution pour garantir l'exclusivité à la SNCF. Certes, ce montage comporterait également quelques dangers, notamment de filialisation de RFF par région ou de filialisation de la SNCF par activité, mais ces dangers apparaissent déjà, de notre point de vue, au travers de votre projet de loi.
Il nous semble qu'une telle proposition, même si elle ne concerne pas directement l'article 7 dont nous débattons, appelle de votre part, monsieur le ministre, une réponse. En effet, l'inquiétude des cheminots, vous le savez certainement, grandit au fil de l'examen de ce texte, car force est de constater que les garanties annoncées pour la SNCF ne se traduisent pas dans les faits.
Enfin, nous croyons que la reprise de la dette par l'Etat au sein du service annexe ou par le biais d'un fonds de financement est la solution la meilleure, car elle conserve à la SNCF toutes ses missions. Cela ne nous empêche pas de vous interroger sur des sujets essentiels.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur Billard, je vous ai écouté attentivement.
Vous proposez de créer une holding regroupant les deux établissements publics. Or une holding est un organe de concertation et, de consolidation, et en l'occurrence, c'est l'Etat qui jouera ce rôle. (M. le rapporteur pour avis acquiesce.)
M. Claude Billard. Votre réponse ne me satisfait pas, monsieur le ministre. Vous le savez, une telle solution existe en Allemagne !
M. le président. Sur l'article 7, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 59 est présenté par MM. Garcia, Bony, Chervy, Courteau, Fatous, Mélenchon et Peyrafitte, et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 160 est déposé par MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 161 rectifié, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit l'article 7 :
« Pour une durée de vingt ans, l'établissement public visé au pemier alinéa de l'article 1er de la présente loi ne peut verser ni dividende ni contribution exceptionnelle ou volontaire représentative de l'impôt sur les sociétés. »
Par amendement n° 33, M. Haenel, au nom de la commission des finances, propose, dans l'article 7, de remplacer les mots : « , ni à aucune indemnité ou perception d'impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit » par les mots : « et est exempté de toute indemnité, et de tout impôt, droit ou taxe de quelque nature que ce soit ».
La parole est à M. Garcia, pour défendre l'amendement n° 59.
M. Aubert Garcia. M. le rapporteur avait bien raison de souligner le dialogue de sourds qui s'est engagé. Il nous a reproché de ne pas l'écouter. Mais il ne semble pas non plus comprendre nos inquiétudes.
J'ai presque envie de dire que notre collègue M. Renar m'a « volé » mon intervention, puisque j'avais moi aussi l'intention de me référer à l'article de l'Expansion qu'il a longuement cité.
L'article 7 concerne les transferts en capital entre la SNCF et RFF, qui ne donneront lieu à aucune contrepartie. Nous demandons, par coordination, la suppression de cet article, comme nous l'avons fait pour l'article 4, qui prévoit le transfert des actifs physiques, et pour l'article 6, qui est relatif à l'inscription de la dette de RFF à l'égard de la SNCF.
M. le président. L'amendement n° 160 est-il soutenu ?...
Nous allons donc passer à l'amendement suivant.
M. Ivan Renar. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais je souhaite défendre l'amendement n° 160.
M. le président. Je vais vous donner la parole, monsieur Renar, mais vous m'accorderez que je suis tout de même assez indulgent, contrairement à ce qui m'a été plus ou moins reproché tout à l'heure !
M. Emmanuel Hamel. Cette indulgence vous grandit, monsieur le président ! (Sourires.)
M. Ivan Renar. Je partage le propos de notre collègue M. Hamel.
Le ciel vous le rendra, vous le savez bien, monsieur le président.
M. le président. Laissez-moi donc me débrouiller avec le Seigneur, dans la mesure où j'y crois ! (Nouveaux sourires.)
Vous avez la parole, monsieur Renar.
M. Ivan Renar. Cet amendement vise, par cohérence avec nos précédentes propositions, à supprimer l'article 7.
En effet, cet article fait explicitement référence aux articles 4, 5 et 6 dont nous rejetons le contenu, puisqu'ils constituent le coeur du projet de loi en organisant le transfert de l'infrastructure de la SNCF à RFF et celui de la dette de la SNCF.
Nous ne pouvons, ici, que réaffirmer notre opposition de fond à ces propositions.
Nous sommes résolument opposés à la séparation entre exploitation et infrastructure, qui remet en cause l'unicité de l'entreprise.
Cela a déjà été dit et je n'insiste pas. Cette séparation risque de n'être que le prétexte, malgré les dénégations du Gouvernement, à une ouverture au privé de l'exploitation de certaines lignes, à l'accès des tiers au réseau prévu par le traité de Maastricht.
Nous ne pouvons valider, pas plus dans l'article 7 que dans un autre article, un tel dispositif.
De même, nous ne pouvons accepter les modalités du transfert de la dette de la SNCF au passif du nouvel établissement gestionnaire de l'infrastructure.
Nous ne pouvons laisser croire, comme le fait l'article 6, que l'Etat reprend la dette de la SNCF, alors qu'il n'apporte que 8 milliards de francs, contre 208 milliards de francs de dette !
Ce que nous avons refusé dans le reste du texte, nous ne pouvons l'approuver, même incidemment, en acceptant l'article 7.
C'est pourquoi nous proposerons à la Haute Assemblée, en cohérence avec notre opposition générale au texte, de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 161 rectifié.
M. Guy Fischer. Deux de nos amendements précédents prévoyaient des délais plus brefs durant lesquels l'établissement public dénommé « Fonds de financement du réseau ferré national » ne pourrait verser ni dividende ni contribution exceptionnelle ou volontaire représentative de l'impôt sur les sociétés.
Le délai de vingt ans que nous proposons est conforme à l'amortissement moyen des voies ferrées, et semble donc présenter un réel intérêt.
L'exemple fourni par France Télécom illustre la pratique de l'Etat, qui consiste à utiliser les fonds des sociétés publiques afin de financer une politique de remise en cause de l'emploi, par le recours massif aux aides à l'emploi, quand il ne s'agit pas de participer, sous prétexte d'intégration européenne, à la déréglementation de l'ensemble des services publics de notre pays.
Réseau ferré national impose des financements lourds. La durée moyenne des voies est de dix-huit ans et 29 000 kilomètres de réseau sur les 37 000 que gère la Société nationale des chemins de fer français devraient être renouvelés.
Si l'on ajoute ce renouvellement aux 134 milliards de francs de dette transférés, on comprend mieux les raisons qui nous conduisent à vouloir éviter qu'une relative embellie de Réseau ferré de France fasse l'objet de versements de dividendes ou de contributions exceptionnelles ou volontaires.
C'est pourquoi nous proposons pour l'article 7 la rédaction suivante : « Pour une durée de vingt ans, l'établissement public dénommé "Fonds de financement du réseau ferré national" ne peut verser ni dividende ni contribution exceptionnelle ou volontaire représentative de l'impôt sur les sociétés. »
Tel est l'objet de cet amendement que je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter.
M. le président. Monsieur Fischer, je me permets de vous faire remarquer que vous venez de faire une erreur : vous avez défendu l'amendement n° 161, et non l'amendement n° 161 rectifié.
Je rappelle que l'amendement n° 161 n'a plus d'objet car il s'agit désormais non pas de l'établissement public dénommé « Fonds de financement du réseau ferré national », mais de « l'établissement public visé au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi ». Cela ne change rien sur le fond.
M. Guy Fischer. Excusez-moi, monsieur le président.
Mme Hélène Luc. C'est un jeune sénateur, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. Et un « vieux » président, madame Luc ! (Nouveaux sourires.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 33.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Il s'agit, une fois encore, d'un amendement de précision.
La neutralité fiscale des dispositions de ce texte est très importante. Donc, soyons clairs, non seulement il ne doit pas y avoir prélèvement, mais aucun droit à prélèvement ne peut naître du transfert d'actifs.
Dans ces conditions, il a paru souhaitable à la commission des finances de supprimer non seulement les conséquences de ces droits, mais ces droits eux-mêmes. Tel est l'objet de cet amendement.
La commission des finances souhaiterait que M. le ministre apporte quelques précisions sur ce point pour qu'il n'y ait pas de malentendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 59, 160, 161 rectifié et 33 ?
M. François Gerbaud, rapporteur. Je rappelle que j'ai précisé, au début de la discussion des articles, que la commission s'opposerait systématiquement à tout amendement de suppression d'un article ou d'un alinéa. En effet, on ne peut vouloir une chose et son contraire. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 59 et 160.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 161 rectifié, qui donne une impression de déjà entendu.
S'agissant de l'amendement n° 33, j'attends, comme l'a souhaité M. le rapporteur pour avis, les précisions de M. le ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 59 et 160, qui remettent en cause la portée du projet de loi.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 161 rectifié, car RFF a vocation à recevoir d'importants concours de l'Etat. Il ne s'agit en aucun cas de les reprendre par des prélèvements sur des bénéfices hypothétiques - ce qui serait particulièrement incohérent.
Par l'amendement n° 33, M. le rapporteur pour avis propose, au nom de la commission des finances, une modification rédactionnelle de l'article 7 qui, en l'état actuel, comporte une formulation déjà consacrée par la loi.
Si vous craignez que la rédaction actuelle de l'article 7 ne permette pas d'assurer la neutralité totale des opérations de transfert, je tiens à vous rassurer pleinement sur ce point. Tel qu'il est rédigé, cet article atteint l'objectif de neutralité qui lui est assigné.
Dire qu'il n'y aura aucune perception d'impôt du fait du transfert, cela signifie non seulement qu'aucune somme ne sera réclamée à l'occasion de l'opération, mais aussi que, pour les contribuables concernés, la SNCF et Réseau ferré de France, aucune dette d'impôt ultérieure ne naîtra du fait d'opérations économiques ou juridiques réalisées à cette occasion, qu'il s'agisse, par exemple, de plus-values ou de reprises de provisions.
Ces assurances, monsieur Haenel, me semblent de nature à mettre un terme à toutes les inquiétudes qui ont pu s'exprimer au sein de la commission des finances. Je ne perçois donc pas les raisons qui pourraient justifier que l'on ne s'en tienne pas à des rédactions approuvées et qui ont fait leurs preuves. C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces explications, je vous demande, monsieur le rapporteur pour avis, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, vous venez de nous dire ce que j'attendais ; cela figurera donc au Journal officiel. Aussi, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 33 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 59 et 160, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 161 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'article 7 et adopté.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, je n'ai pas pu expliquer mon vote.
M. le président. Jusqu'à présent, j'ai suffisamment fait preuve d'indulgence. Je comprends que vous avez voté contre l'article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, vous avez dit « personne ne demande la parole ? ». J'ai alors bondi. Que pouvais-je faire de mieux et de plus rapide ?
M. le président. Monsieur Mélenchon, je regrette, mais j'ai marqué une pause avant de mettre aux voix l'article.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, vous empêchez M. Mélenchon de lire son journal ; ce n'est pas sympathique. (Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est un peu fort !

Article additionnel avant l'article 8