M. le président. « Art. 2. - Le conseil d'administration de Réseau ferré national est constitué conformément aux dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 modifiée relative à la démocratisation du secteur public.
« Le président du conseil d'administration est nommé parmi les membres du conseil, sur proposition de celui-ci, par décret.
« Un décret en Conseil d'État fixe les statuts de l'établissement et détermine les modalités de nomination ou d'élection des membres du conseil d'administration. »
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 2 qui nous est présenté maintenant concerne le conseil d'administration et le statut de l'établissement public dont vous avez décidé la création.
Loin d'être uniquement technique, cet article pose de graves problèmes de démocratie, dommageables pour l'avenir du transport ferroviaire public.
Tout d'abord, ce qui, dans cet article, est renvoyé à un décret et tient donc en une ligne, devient un texte de soixante-quatre articles dans l'avant-projet de décret remis par le ministère !
Vu l'importance du sujet, vous comprendrez que nous nous inquiétions du poids du pouvoir réglementaire.
Cet avant-projet de décret suscite de nombreuses interrogations.
En ce qui concerne le mandat d'administrateur, son article 24 est plus restrictif que l'article 23 de la loi de démocratisation du secteur public. Quel est l'intérêt de cette restriction ?
A notre sens, d'une façon générale, les statuts du nouvel établissement public devraient prévoir une meilleure coordination entre les deux EPIC.
C'est une question de démocratie et d'efficacité pour le service public. Comment la SNCF pourrait-elle n'avoir que des relations commerciales avec Réseau ferré de France ?
La maîtrise publique du transport ferroviaire ne peut se fonder sur de telles relations.
C'est dans cet esprit que, lors du débat sur cet article 2, nous formulerons des propositions tendant à renforcer les liens nécessaires entre le nouvel établissement public et la SNCF.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, saisissant l'occasion de la discussion de cet article 2, je voudrais attirer à nouveau votre attention, lors de ce débat concernant la SNCF, sur la délocalisation des services centraux situés sur Paris.
Cette délocalisation envisagée par la direction aurait des conséquences dramatiques à la fois pour l'entreprise et pour l'emploi à Paris.
Elle irait non seulement à l'encontre des intérêts de l'entreprise, mais elle aurait également des conséquences néfastes pour la capitale, qui a déjà subi dans le passé tant de délocalisations, avec pour effets de nombreuses suppressions d'emplois à Paris et peu ou pas de créations d'emplois en province.
Si la délocalisation des services centraux de la SNCF est donc inacceptable sur le fond, elle l'est aussi sur la forme puisque le Gouvernement s'était engagé à geler toutes les opérations projetées par ce service public pendant la réécriture du plan.
L'annonce, le 20 septembre 1996, de l'actuel président de la SNCF de vouloir délocaliser des milliers d'emplois sur les 10 800 qui existent au sein des services centraux parisiens a suscité une opposition déterminée de la part des Parisiens et de leurs élus.
La proposition des élus communistes du conseil de Paris de voter un voeu afin que les activités parisiennes et donc le siège de la SNCF soient maintenus à Paris a rencontré un très large écho. Ce voeu a été adopté par tous les conseillers de Paris, à l'exception de ceux du Front national.
En effet, le départ de milliers d'emplois modifierait de manière profonde la vie économique et sociale des quartiers concernés et amoindrirait les recettes fiscales de la ville.
Ce voeu, adopté sur l'initiative des communistes, a eu pour résultat immédiat l'engagement que le siège général de la SNCF resterait à Paris, ce qui représente six cents emplois parisiens.
Mais l'intérêt de l'entreprise et le maintien de l'unicité mise en cause par l'actuel projet de loi imposent d'aller beaucoup plus loin et de répondre favorablement aux voeux des élus parisiens qui refusent, je le répète, toute délocalisation des emplois de la SNCF. Lors de la question orale sans débat du 29 octobre 1996 posée par ma collègue Nicole Borvo, M. le ministre n'a pris aucun engagement précis à ce sujet.
Quand on connaît la logique des délocalisations effectuées et le cortège de suppressions d'emplois qui les accompagnent dans d'autres secteurs, on peut être tout à fait inquiet quant à la suite des événements.
Si nous sommes partisans d'une véritable décentralisation pour répondre aux besoins des personnels et des usagers, nous nous opposons résolument aux suppressions d'emplois.
Le Gouvernement refuse de répondre aux exigences exprimées par les usagers : ceux-ci veulent plus de présence humaine dans les gares, plus de régularité, des tarifs plus simples et moins élevés.
Au lieu de répondre immédiatement à ces besoins qui s'expriment partout en créant, là où c'est nécessaire, le nombre de postes de titulaires correspondant, on évoque la « nécessité » d'opérer d'abord et avant tout des suppressions d'emplois dans les services centraux.
Cette logique qui consiste à déshabiller Pierre pour habiller Paul fait l'impasse sur les exigences exprimées par les usagers et qui recoupent largement les propositions formulées par les cheminots depuis des années.
Le projet de délocalisation du siège, s'il n'est pas nouveau, intervient à un moment où, à la suite du mouvement des mois de novembre et décembre 1995, la direction de la SNCF et le Gouvernement s'étaient engagés à ne pas mettre en cause l'unité de l'entreprise.
Vous comprendrez donc notre inquiétude quant à la vente envisagée des locaux du siège de l'enteprise.
Il faudrait, au contraire, que les locaux libérés restent dans le patrimoine de la SNCF et soient mis à la disposition des autres directions nationales au lieu de faire l'objet, une fois de plus, d'une opération financière sur le dos des contribuables.
Je vous demande donc de nouveau, monsieur le ministre, de prendre des engagements précis à ce sujet.
M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi de dix amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par MM. Garcia, Bony, Chervy, Courteau, Fatous, Mélenchon et Peyrafitte, les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 122 est déposé par MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 2.
La parole est à M. Garcia, pour défendre l'amendement n° 54.
M. Aubert Garcia. L'article 2 définit les règles de composition du conseil d'administration du nouvel établissement public ; c'est donc un article fondamental.
La première critique que l'on peut faire concerne sa rédaction lapidaire, qui donne toute latitude au Gouvernement à cet égard puisque sont renvoyés à un décret en Conseil d'Etat les problèmes de statut, les modalités de nomination ou d'élection des membres du conseil d'administration et, surtout, sa composition.
Cela signifie que le Gouvernement peut, en toute liberté, modifier la composition du conseil d'administration, le Parlement n'ayant pas son mot à dire.
Pourtant, les missions de Réseau ferré de France sont des missions de service public qui relèvent de l'intérêt général. La LOTI a fixé la composition du conseil d'administration de la SNCF. Il n'en est pas de même dans le cas présent. A cela, le Gouvernement rétorque, et il a raison, qu'il a rendus publics les projets de décrets précisant le statut du nouvel établissement public.
L'examen de ces projets de décret suscite d'ailleurs trois remarques.
Tout d'abord, le conseil d'administration de Réseau ferré de France est moins important que celui de la SNCF, puisqu'il ne compte que quinze membres contre dix-huit, ce qui a pour conséquence première de réduire le nombre de représentants de chaque catégorie de salariés.
Ensuite, l'Etat est très fortement représenté : six membres de droit plus un commissaire du Gouvernement ayant voix consultative. L'Etat étant responsable des infrastructures, on pourrait comprendre qu'il renforce sa présence dans le conseil d'administration. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Au fond, cet EPIC n'était pas nécessaire, si l'objectif était réellement d'obliger l'Etat à assumer ses responsabilités.
Enfin, on nous dit que cette réforme est faite pour les usagers. Or, je constate que ces usagers - ou « clients », comme on dit maintenant - sont absents : pas un seul de leurs représentants ne figure parmi les personnalités choisies, ce qui n'est pas le cas pour le conseil d'administration de la SNCF.
La deuxième critique est liée à la politique de l'emploi et au statut des salariés.
Le Gouvernement renouvelle la partition qu'il a déjà jouée avec France Télécom : il est rassurant. On jure qu'on ne touchera pas au statut des cheminots. En même temps, on prévoit de multiplier les embauches précaires, on fait coexister au sein de la même entreprise des personnels aux statuts différents. Après, on nous parle de motiver ces mêmes personnels ! Combien d'embauches ? Quels statuts ? Quels types de contrats ? Nous n'avons aucune indication à cet égard !
Enfin - et ce sera ma conclusion - la réforme aboutit à mettre en place trois acteurs : l'Etat, la SNCF et Réseau ferré de France. Comment leur action sera-t-elle coordonnée ? Rien ne laisse entendre, à la lecture de la composition du conseil d'administration, une volonté de mise en cohérence, si ce n'est la présence très forte de l'Etat. Mais, jusqu'alors, il n'a pas joué son rôle. Pouquoi le ferait-il maintenant ?
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 122.
M. Guy Fischer. Cet amendement s'insère dans notre logique initiale. Vous connaissez, en effet, notre opposition au dispositif proposé par le Gouvernement.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des critiques que nous avons formulées au cours de la discussion de l'article 1er, car les cinq petites minutes qui nous sont imparties pour défendre le présent amendement ne nous le permettent pas.
Nous ne croyons pas que le dispositif présenté permette à la fois de désendetter la ou les entreprises publiques de transports ferroviaires de ce pays, et d'assurer leur développement durable.
Il aurait sans doute mieux valu accepter la création du « fonds de financement de Réseau ferré national » que nous avons proposé au début de l'article 1er, ce qui nous aurait permis de faire l'économie de la structure de décision et de direction qui nous est suggérée à l'article 2.
Même, dans la logique du Gouvernement qui sous-tend l'article 1er qui a été adopté hier, la rédaction de cet article 2 n'est pas satisfaisante.
M. Pons a en effet déclaré, à plusieurs reprises, que le nouvel établissement public serait un établissement sui generis, c'est à dire un EPIC à statut particulier.
Or, en l'occurrence, il nous semble que, au regard de la mission qui lui est confiée, le nouvel EPIC ne devrait pas avoir un conseil d'administration de type classique, tel que le définit la loi de 1982 relative à la démocratisation du secteur public.
Nous insistons pour qu'un tiers des membres de ce conseil d'administration soit des représentants directs de la SNCF qui, comme on nous l'a certifié, devrait être le seul opérateur autorisé à exploiter le réseau.
Si tel est vraiment le cas, il n'y a donc aucun réel obstacle à l'acceptation de notre proposition qui contribuerait à lier, d'une manière quelque peu organique, les deux établissements publics que vous nous dites vouloir complémentaires.
Nous estimons, pour notre part, qu'il ne serait pas souhaitable que le nouvel EPIC chargé de l'infrastructure s'attache trop à des intérêts propres, qui pourraient être déconnectés de l'intérêt général en matière de transports ferroviaires.
Cette instance reste l'oeil rivé sur le montant et le niveau de perception des péages et redevances ; il y a fort à parier que l'objectif principal est non pas le développement du transport ferroviaire dans notre pays, mais plutôt le remboursement de la dette qui, dès sa création, « plombe » véritablement les comptes du nouvel établissement.
Il est donc particulièrement important de repousser le trop classique dispositif instituant le conseil d'administration de cet établissement chargé de l'infrastructure.
En adoptant cet amendement, le Sénat accepterait donc de surseoir à ce type d'organe dirigeant, ce qui permettrait, en attendant la fin de la navette parlementaire, de consulter les salariés de la SNCF sur cette question qui, au demeurant, est tout de même cruciale.
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements présentés par MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 1230 a pour objet :
I. - Dans le premier alinéa de l'article 2, remplacer les mots : « Réseau ferré national », par les mots : « Fonds de financement du réseau ferré national ».
II. - En conséquence, dans chaque article de remplacer les mots : « Réseau ferré national », par les mots : « Fonds de financement du réseau ferré national. »
Cet amendement n'a plus d'objet en raison de l'adoption, hier, de l'amendement n° 42.
L'amendement n° 124 tend, après le premier alinéa l'article 2, à insérer les alinéas suivants :
« Il est constitué de :
« - cinq représentants de l'Etat,
« - quatre personnalités choisies en raison de leur compétence, dont un député, un sénateur et deux représentants des collectivités territoriales,
« - deux représentants des usagers du transport ferroviaire,
« - trois représentants élus du personnel de l'établissement public visé au premier alinéa de l'article premier de la présente loi,
« - sept représentants de la Société nationale des chemins de fer français dont cinq élus par son personnel. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Le conseil d'administration du nouvel établissement public gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire du pays est appelé à se constituer conformément aux dispositions de la loi de 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
Soulignons d'ailleurs - mais ce n'est là qu'un élément parmi d'autres du débat - que les cent cinquante à deux cents salariés du futur EPIC auraient, dans le cadre du projet de décret associé à cet article 2, la faculté d'être représentés par cinq voix au conseil d'administration.
Nous ne sommes pas en désaccord avec une perspective de cette nature, mais nous nous interrogeons sur une question de fond qui nous paraît essentielle.
Cette question découle de la nature même du nouvel EPIC - cela vient d'être indiqué - qui ne ressemble à aucun autre de ceux qui existent jusqu'ici dans notre pays.
M. le ministre parle lui-même d'établissement public sui generis pour lequel, à la limite, toute dérogation aux règles généralement admises peut être envisagée.
C'est donc dans ce cadre que nous vous proposons de caractériser dans le projet de loi la composition du futur conseil d'administration de l'établissement public.
Nous portons, dans un premier temps, le nombre des membres du conseil d'administration de quinze à vingt et un.
C'est peut-être là la moindre des choses quand on est, dès la création de l'établissement, en charge de gérer des actifs pour un montant supérieur à 275 milliards de francs la première année et probablement plus de 300 milliards de francs au bout de deux ans d'existence.
Le projet de décret que j'évoquais au début de mon intervention obéit aux principes suivants : les quinze membres du conseil d'administration seraient répartis entre six représentants de l'Etat - parmi lesquels sera probablement choisi le président du conseil, sans qu'il soit éventuellement établi de principe de rotation de la fonction entre les trois collèges d'administrateurs - cinq représentants des salariés - avec toutefois le problème de l'inconnue de la répartition éventuelle de cette représentation entre fonctionnaires mis à disposition, cheminots détachés auprès de l'établissement ou salariés de droit privé - et quatre personnalités qualifiées.
Dans notre proposition, les représentants de l'Etat ne sont plus que cinq.
Les personnalités qualifiées sont au nombre de quatre et comprennent notamment des représentants des élus de la nation, à savoir un député et un sénateur - dont on peut craindre qu'ils aient été éventuellement oubliés dans la répartition préconisée - et deux représentants des collectivités territoriales, ce qui se conçoit au regard des engagements croissants des collectivités locales en matière de transport ferroviaire.
Il est également important que les associations d'usagers des transports soient directement associées à la gestion de l'établissement public.
Dans les faits, cette proposition permet d'accroître de quatre à six membres du conseil d'administration le nombre des personnalités extérieures qualifiées.
Enfin, les personnels disposeraient de huit sièges, trois dévolus aux salariés mêmes du nouvel établissement public et cinq issus du personnel de la SNCF.
Compte tenu des liens particuliers - notamment la convention régissant leurs rapports - entretenus entre la SNCF et le nouvel établissement public, il nous a également semblé naturel de placer, dans le conseil d'administration du gestionnaire d'infrastructure, deux représentants de la SNCF en tant que telle.
Ce choix est guidé par la nécessité de faire en sorte que les décisions du conseil d'administration du nouvel établissement public soient prises en cohérence la plus étroite possible avec la politique de développement du service public de l'exploitant du réseau.
En la matière, un simple transfert éventuel des représentants de l'Etat au conseil d'administration de la SNCF vers celui du nouvel établissement ne peut suffire, à notre sens, à assurer cette cohérence nécessaire, seul outil de convergence des objectifs de l'un et l'autre des deux établissements.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite à adopter cet amendement 124.
M. le président. Par amendement n° 13, M. Gerbaud, au nom de la commission des affaires économiques, propose d'insérer, après le deuxième alinéa de l'article 2, un alinéa nouveau ainsi rédigé :
« Les personnels de Réseau ferré national ont la qualité d'électeurs et sont éligibles aux élections des représentants du personnel au comité d'entreprise, ainsi qu'aux élections des représentants des salariés au conseil d'administration de Réseau ferré national. Par dérogation à l'article 15 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, aucune condition d'ancienneté n'est exigée pour la première élection de ces représentants. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Gerbaud, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Il importe de préciser que, quelle que soit leur origine, tous les membres du personnel de RFF auront la qualité et seront éligibles sans condition d'ancienneté pour les élections des représentants du personnel, ainsi que pour celles des représentants des salariés au conseil d'administration de l'établissement public.
Cet amendement représente à nos yeux un véritable et authentique progrès social. Il devrait, nous semble-t-il, rencontrer l'assentiment des organisations professionnelles.
M. le président. Par amendement n° 125, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le troisième alinéa de l'article 2, après les mots : « Conseil d'Etat », d'insérer les mots : « pris après avis des organisations syndicales représentatives du personnel de l'établissement ».
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. L'article 2 du texte que nous examinons indique que : « Le conseil d'administration de Réseau ferré national est constitué conformément aux dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 ». Il est en outre indiqué que « un décret en Conseil d'Etat fixe les statuts de l'établissement ».
C'est une bien curieuse façon de procéder que de demander à notre Parlement de légiférer sur un projet de loi pour lequel l'essentiel des dispositions relèveront du décret en Conseil d'Etat, et ce alors même que les décrets existent.
Que n'avons-nous à débattre sur le fond d'un texte aussi important ?
La composition du conseil d'administration de Réseau ferré de France, ses attributions, la portée des décisions qu'il pourrait être amené à prendre sont autant d'éléments sur lesquels la représentation nationale devrait avoir à se prononcer.
Cette manière de faire est en tout point conforme à la hâte avec laquelle on nous demande d'adopter un texte pour lequel le Gouvernement est peu certain d'obtenir l'assentiment général, à commencer par celui des personnels de la Société nationale des chemins de fer.
La concertation, l'association des personnels sont loin des préoccupations de l'auteur du texte que nous examinons. C'est pourquoi notre amendement tend à préciser que les statuts de l'établissement RFF seront pris par décrets en Conseil d'Etat, après avis des organisations syndicales représentatives du personnel de l'établissement.
Tel est le sens de cet amendement, que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
M. le président. Par amendement n° 14, M. Gerbaud, au nom de la commission des affaires économiques, propose, dans le troisième alinéa de l'article 2, après les mots : « et détermine », d'insérer les mots : « le nombre et ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Gerbaud, rapporteur. C'est un amendement de précision, conforme au cinquième alinéa de l'article 5 de la loi relative à la démocratisation du secteur public. C'est en quelque sorte un amendement rédactionnel.
M. le président. Par amendement n° 3, M. Berchet propose de compléter, in fine, le dernier alinéa de l'article 2 par la phrase suivante : « Ce décret fixe les modalités, le cas échéant dérogatoires aux textes législatifs existants, selon lesquelles les personnels détachés de l'administration ou d'autres établissements publics pourront être électeurs ou éligibles au comité d'entreprise et au conseil d'administration de l'établissement. »
La parole est à M. Berchet.
M. Georges Berchet. Une bonne partie du personnel de RFF, comme cela a été dit, va être formée à partir d'agents détachés de la SNCF.
Il paraît indispensable de leur ouvrir l'accès au comité d'entreprise et au conseil d'administration de RFF. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Par amendement n° 44, M. Cabanel propose de compléter le dernier alinéa de l'article 2 par la phrase suivante : « Ce décret attribue aux représentants des usagers du réseau ferré national au moins la moitié des sièges des personnalités choisies en raison de leur compétence. »
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Il s'agit en l'occurrence de faire une part aux usagers dans le dialogue qui s'établira entre l'Etat et le personnel au sein du conseil d'administration de Réseau ferré de France, cela afin de favoriser un climat de confiance entre le service public du transport ferroviaire et ses usagers.
Les décisions que sera amené à prendre Réseau ferré de France vont être importantes et, qu'elles concernent des voies nouvelles ou la rénovation de certaines voies existantes, induiront des possibilités pour les usagers, voire, en fonction des choix arrêtés, des difficultés.
Sachant qu'il est prévu, dans le décret type qui nous a été présenté, six représentants de l'Etat, quatre personnalités qualifiées choisies en fonction de leurs compétences et nommées par décret et cinq représentants du personnel, je souhaite qu'au moins la moitié des sièges attribués à des personnalités qualifiées soit affectée à des usagers.
Vous me direz qu'il sera peut-être difficile de désigner des usagers. Mais, à partir du moment où la SNCF et Réseau ferré de France seront en rapport avec les régions par des liens conventionnels ils disposeront là d'un vivier d'élus locaux qui pourraient très bien représenter les usagers.
Si vous me le permettez, monsieur le président, pour simplifier la suite de la discussion, je signale que j'ai déposé à l'article 13 un amendement n° 45, tendant à modifier de la même façon la composition du conseil d'administration de la SNCF. Je suis tout à fait prêt à le retirer si le Gouvernement entend ma voix et accepte cette concertation avec les usagers, y compris par l'intermédiaire de comités qui pourraient être consultés à l'occasion des grands débats relatifs à l'exploitation.
Après la clarification entre infrastructure et exploitation, au moment d'aborder la régionalisation et le projet industriel de la SNCF, il me semble important que le Gouvernement accepte, et le dise, une telle concertation au sein des structures mises en place, en particulier autour des directions régionales.
Tel est le sens de cet amendement n° 44 et de son prolongement, l'amendement n° 45, qui n'est qu'accessoire.
M. le président. Par amendement n° 126, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le dernier alinéa de l'article 2 par la phrase suivante : « Nonobstant tout texte législatif ou réglementaire contraire, ce décret fixe les modalités particulières permettant aux personnels détachés de l'administration ou d'autres établissements publics d'être électeurs ou éligibles au comité d'entreprise et au conseil d'administration de l'établissement public visé au premier alinéa de cet article. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. La défense du service public, sa promotion passent par le respect de droits et d'obligations qui s'appliquent à l'ensemble de ses agents.
Comme nous avons eu l'occasion de l'indiquer, nous sommes surpris du peu de précisions de l'article 2 du projet de loi quand on sait que les avant-projets de décrets existent et que ces derniers pourraient être intégrés dans le corps même du texte que nous examinons, ce qui impliquerait évidemment un autre rôle pour notre Parlement.
L'unicité de l'entreprise SNCF est remise en cause dans le projet de loi que nous examinons ; l'abandon de l'unicité de la structure doit-il imposer une différenciation des statuts des personnels, voire une précarisation accrue à l'instar de modes de gestion privée ? Question essentielle.
L'ensemble des membres du personnel travaillant pour Réseau ferré de France doit pouvoir accéder au comité d'entreprise et au conseil d'administration de cette entreprise.
Le souci que nous avons là est partagé par nombre des membres de la commission.
Nous vous proposons donc de compléter in fine le dernier alinéa de cet article 2 par la phrase suivante : « Nonobstant tout texte législatif ou réglementaire contraire, ce décret fixe les modalités particulières permettant au personnel détaché de l'administration ou d'autres établissements publics d'être électeurs ou éligibles au comité d'entreprise et au conseil d'administration de l'établissement public visé au premier alinéa de cet article. »
Tel est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 54, 122, 124, 125, 3, 44 et 126 ?
M. François Gerbaud, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements n°s 54 et 122, qui me donnent l'occasion de rappeler ce que j'ai dit hier, à savoir, que dans la logique du système, je serai opposé, au nom de la commission, à tous les amendements de suppression.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 124, un conseil de vingt et un membres pour gérer deux cents personnes lui paraissant beaucoup !
Elle est encore défavorable à l'amendement n° 125, les syndicats ayant déjà été consultés.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Berchet, qui, au sein de la commission, est rapporteur pour avis du budget des transports terrestres. M. Berchet est un homme d'une très grande compétence et d'une très grande lucidité, qui connaît admirablement le dossier. L'occasion m'est donnée de lui rendre un hommage particulier.
Son amendement traduit un souci permanent de défense des personnels qui est aussi celui de la commission. Mais comme il est satisfait par l'amendement n° 13, je demande à M. Berchet de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Berchet, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur ?
M. Georges Berchet. Bien volontiers !
M. le président. L'amendement n° 3 et retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. François Gerbaud, rapporteur. J'en viens à l'amendement n° 44 de M. Cabanel.
Les récents dysfonctionnements de la SNCF liés aux intempéries, dont il a vécu un des épisodes, ont montré combien il est nécessaire de tenir compte des usagers, c'est-à-dire non seulement des voyageurs, mais aussi des chargeurs de fret. Les auditions que j'ai conduites au nom de la commission m'ont convaincu, ainsi que l'ensemble des organisations compétentes.
J'avais, un temps, imaginé de préciser ce que devait contenir le décret portant composition de ce conseil : j'y ai renoncé par respect de la séparation entre les domaines respectifs de la loi et du règlement, frontière parfois difficile à fixer dans certains domaines.
M. Cabanel fait ici cependant une percée très intéressante, qui s'inscrit dans la logique de l'article 21 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982, article qui prévoit déjà la représentation des usagers au sein du conseil d'administration de la SNCF ; il y a fait allusion. La commission est donc favorable à l'amendement n° 44.
En revanche, elle est défavorable à l'amendement n° 126, qui est satisfait par son amendement n° 13.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 54 et 122, ainsi que sur les amendements n°s 124, 13, 125, 14, 44 et 126 ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°s 54 et 122, qui remettent en cause le texte.
Il est également défavorable à l'amendement n° 124.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 13, car ce dernier permet de confirmer que tous les personnels du nouvel établissement public pourront, sans exception, être électeurs et élus aux élections des représentants des salariés. En outre, ces élections pourront être organisées sans attendre l'écoulement du délai réglementaire, ce qui nous paraît être une bonne chose.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 125. Je rappellerai encore une fois qu'une concertation approfondie a entourées la préparation des textes relatifs à la réforme. Mme Idrac et moi-même avons reçu, à de très nombreuses reprises, les représentants des organisations syndicales. Il ne me paraît pas opportun de prolonger par une disposition formaliste cette concertation, d'autant qu'une telle disposition ne serait pas conforme à la tradition de notre droit administratif.
Le Gouvernement, en revanche, est favorable à l'amendement n° 14.
Pour ce qui est de l'amendement n° 44, je comprends parfaitement les motivations qui ont amené M. Cabanel à le déposer et qui ont conduit la commission à l'examiner dans un sens favorable. Cependant, le Gouvernement est plus réservé.
En effet, monsieur Cabanel, c'est au conseil d'administration de la SNCF qu'ont véritablement leur place les représentants des voyageurs et des chargeurs : il n'est pas souhaitable de créer une confusion sur leur véritable interlocuteur, qui ne sera pas directement Réseau ferré de France.
Monsieur Cabanel, je sais toute l'attention que vous portez à ces problèmes d'information, qui sont également un objet de préoccupation pour le Gouvernement.
Ainsi, s'agissant du transport aérien, Mme Idrac et moi avons pris l'initiative de créer un comité des usagers qui veille à la bonne information de ces derniers.
Dans cet esprit, nous pouvons donc poursuivre une réflexion : mais envisager une représentation des usagers au sein du conseil d'administration de Réseau ferré de France me paraît devoir poser plus de problèmes qu'en résoudre.
Aussi, monsieur le sénateur, le Gouvernement vous saurait gré de retirer cet amendement, sinon il sera obligé d'émettre un avis défavorable.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 126.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 54 et 122, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 125, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieurs Cabanel, l'amendement n° 44 est-il maintenu ?
M. Guy Cabanel. J'ai fait l'objet d'une sollicitation et j'avoue que je suis déchiré. En effet, si je retire mon amendement, nous laisserons passer une chance d'institutionnaliser le dialogue.
Cet amendement n'est pas le fruit d'événements récents, mais il résulte de l'état de la société française qui est bloquée, société dans laquelle le dialogue avec les usagers me paraît nécessaire. Je pense que, au sein du conseil d'administration de Réseau ferré de France, les grands débats sur les choix de voies nouvelles, par exemple, mériteraient d'avoir lieu en présence de représentants des usagers.
Certes, il est difficile de prévoir une représentation des usagers, mais, comme on le disait à l'instant, à partir du moment où l'on s'engage dans la régionalisation de la SNCF, il est plus facile de faire appel aux élus locaux.
Autant je n'éprouverai pas de difficultés à retirer l'amendement n° 45, autant j'ai des regrets concernant l'amendement n° 44.
Je le répète, j'ai peur que nous ne laissions passer l'occasion d'ouvrir une petite fenêtre à la disposition du Gouvernement, puisque celui-ci désigne par décret à la fois les représentants de l'Etat et les quatre personnalités choisies en raison de leurs compétences.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je comprends parfaitement votre position, monsieur Cabanel, mais nous avons prévu dans le décret, dont vous avez reçu l'avant-projet, la présence de deux élus au sein du conseil d'administration de Réseau ferré de France ; les élus sont aussi des usagers.
M. Guy Cabanel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Je voudrais être certain qu'il y aura bien deux élus, car je ne me souviens pas en avoir vu la mention.
Quoi qu'il en soit, à regret, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 44 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 126, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3