M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Illettrisme, exclusion, deux mots qui nous interpellent tous très fortement, et en premier lieu les parents, car c'est ou ce devrait être au sein de nos familles que se prépare l'éveil de l'enfant, par l'amour, l'affection et l'apprentissage du respect des autres.
L'école ne peut ni ne doit remplacer la famille. Or, périodiquement, la presse se fait l'écho des chiffres alarmants de l'illettrisme dans notre pays et des difficultés en lecture ou en calcul que rencontrent un nombre croissant de jeunes. Elle use, elle abuse de formules chocs sur le sujet. En voici un petit florilège : « Alerte ! nos écoliers deviennent nuls » ; « Quarante-cinq fautes par page dans une épreuve de français pour un examen d'institut universitaire de technologie » ; « Le tableau noir de l'école ».
N'oublions pas les statistiques régulièrement publiées et qui ont de quoi laisser pantois. Le dernier chiffre en date révèle ainsi que 26 % des écoliers ne savent pas lire ou calculer à la fin du primaire. Est-ce la vérité, monsieur le ministre ? Si tel est le cas, c'est trop, beaucoup trop !
Dans le même temps, des sondages et des études indiquent une élévation du niveau général des élèves.
Mais, au-delà des polémiques, au-delà des chiffres qui souvent ne reflètent qu'imparfaitement la réalité et qui se contredisent, l'illettrisme, même en diminution, est un fait de société d'une immense gravité parce qu'il est surtout facteur d'exclusion.
Je connais, monsieur le ministre, votre détermination à faire reculer l'échec scolaire et à donner aux jeunes tous les moyens de leur réussite.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Machet.
M. Jacques Machet. Les dispositions du nouveau contrat pour l'école répondent en partie à cette préoccupation. Mais il faut aller plus loin et surtout simplifier : trop de directives tuent les directives.
Quelles orientations, monsieur le ministre, comptez-vous donc prendre pour endiguer ce que l'on pourrait qualifier, sans trop forcer le trait, de « fléau social » et d'« insulte à l'égalité des chances » ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que l'illettrisme est un fléau. Je vous donne d'autant plus raison que, vous le savez, avant d'être ministre de l'éducation nationale, j'ai, sous des gouvernements successifs et de tendances contraires, présidé pendant des années le groupe permanent de lutte contre l'illettrisme. J'ai donc eu l'occasion d'évaluer l'importance de ce fléau.
On écrit quelquefois n'importe quoi, c'est exact !
Récemment, j'ai lu un article qui, faisant référence à une enquête, disait qu'il y avait 40 % d'illettrés.
M. Jean Delaneau. Aux Etats-Unis !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Face à ce chiffre ahurissant, je me suis procuré l'enquête en question et j'ai moi-même essayé de répondre aux tests : je me suis retrouvé dans la catégorie « illettrés » ! (Rires.)
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Vous exagérez !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Non, je ne dis que la vérité ! D'ailleurs, je suis prêt à faire faire aux sénateurs qui le souhaiteront les tests en question. (Nouveaux rires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Chiche !
M. le président. Nous n'avons pas le temps aujourd'hui, monsieur le ministre !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est dire, je le répète, que l'on écrit quelquefois n'importe quoi !
Selon les niveaux, entre un sixième et un cinquième des élèves français se trouvent en grande difficulté scolaire, souvent parce qu'ils ne maîtrisent pas les outils fondamentaux qui permettent de construire un savoir ; l'écrit figure parmi ces outils fondamentaux.
Qu'avons-nous fait ? Je citerai trois des mesures principales qui ont été prises.
Tout d'abord, afin d'assurer la prévention la plus précoce possible dans les zones les plus fragiles, nous avons diminué de manière très importante le nombre des élèves de classe maternelle dans les zones d'éducation prioritaire.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous avez diminué le nombre d'enseignants !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. En 1993, le nombre moyen était de trente élèves alors que, à la prochaine rentrée, il sera de vingt-cinq.
M. Jacques Mahéas. Vous avez commencé par l'augmenter !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est dire que la baisse est considérable !
Ensuite, nous avons fait de l'écrit le centre de tous les programmes. A cet effet, nous avons revu tous les programmes de l'école primaire et du début du collège, la suite du collège étant en cours.
Enfin, nous avons institué des études dirigées tous les jours, dans toutes les classes, à l'école primaire, en sixième et en cinquième ; ces études dirigées permettent aux enseignants d'assurer un suivi pédagogique des élèves.
Pour l'instant, une chose n'a pas été faite, sur laquelle vous avez eu raison d'insister, monsieur Machet, parce que c'est une tâche difficile : il s'agit d'entraîner tous les enseignants en charge de la pédagogie de la lecture à une réflexion sur, précisément, les méthodes de transmission des connaissances, pour déterminer si une véritable recherche pédagogique peut nous amener à isoler un certain nombre des éléments qui expliquent cet échec. Je pense que oui.
Au mois de janvier prochain, je lancerai une étude dans ce sens avec tous les enseignants chargés d'apprentissage de la lecture en France, car vous avez raison - ce sera ma conclusion - d'insister sur ce point : l'échec subi en début de scolarité est très difficile à rattraper plus tard. Quelle que soit la raison de cet échec, lorsqu'un élève est engagé dans une situation où il n'arrive pas à maîtriser les outils fondamentaux, il a le plus grand mal à rattraper ce retard. Par conséquent, il vaut mieux éviter que ce retard se crée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)

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