M. le président. Par amendement n° II-213, MM. Lambert, Poncelet et Schumann, au nom de la commission des finances, proposent d'insérer, avant l'article 68, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le second alinéa du I de l'article 1647 B sexies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Pour les impositions établies au titre de 1997 et des années suivantes, le taux prévu au premier alinéa est porté à 4 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires de l'année au titre de laquelle le plafonnement est demandé excède 500 millions de francs. »
« II. - Le I de l'article 1647 E du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1. Dans le premier alinéa, après les mots : "au titre de 1996", les mots : "et des années suivantes" sont supprimés.
« 2. Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux prévu au premier alinéa est porté à 0,8 % pour la cotisation due au titre de 1997 et des années suivantes. »
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Cet amendement a pour objet de répartir le plus équitablement possible et à produit inchangé le poids de la taxe professionnelle entre les industries de main-d'oeuvre et les autres secteurs industriels, et ce afin d'alléger la charge des premières.
Pour parvenir à ce résultat, l'amendement procède à une double opération.
Tout d'abord, il tend à unifier à 3,5 % le taux du plafonnement par rapport à la valeur ajoutée de la cotisation de taxe professionnelle acquittée par les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 millions de francs. Il fait donc disparaître le taux intermédiaire de 3,8 %.
En effet, il existe actuellement deux taux de plafonnement pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 millions de francs : un taux à 3,5 % pour celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 140 millions de francs et un taux à 3,5 % pour celles dont le chiffre d'affaires est compris entre 140 millions de francs et 500 millions de francs. Il convient, au passage, de souligner que le taux de 4 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 500 millions de francs n'est pas concerné par cet amendement.
Dans le même temps, à titre de compensation en quelque sorte, nous relevons de 0,35 % à 0,80 % le taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée acquittée par les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs. Ainsi, les plus petits contributeurs à la taxe professionnelle ne sont pas concernés par la cotisation minimale.
Je rappelle que l'augmentation de cette cotisation minimale a été réclamée à l'unanimité par les maires de France lors de leur assemblée générale qui s'est tenue, voilà quelques semaines, à la porte de Versailles. Nous nous inscrivons, par conséquent, dans la démarche qui a été souhaitée par les élus locaux.
M. René Régnault. Pour eux, pas pour l'Etat !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. D'après les informations que nous possédons actuellement, ce relèvement du taux de la cotisation minimale compense intégralement la perte de recettes induite par la disparition du taux plafond intermédiaire de 3,8 % et l'unification à 3,5 % du taux plafond applicable aux entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 millions de francs.
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que cet amendement est destiné à défendre l'emploi, en ce qu'il vise à alléger les charges, en particulier la taxe professionnelle, qui pèsent sur les entreprises de main-d'oeuvre.
C'est si vrai que j'ai demandé aux services du ministère des finances d'apprécier les conséquences de l'application d'une telle disposition pour les entreprises de main-d'oeuvre de mon département. A cet égard, je tiens à remercier très sincèrement les services de Bercy de leur objectivité. J'ai ainsi pu constater que toutes les entreprises de main-d'oeuvre du département dont j'ai l'honneur de présider le conseil général bénéficieront, si le dispositif que je propose est adopté, d'une diminution de leur taxe professionnelle.
Cet amendement nous permet d'atteindre un double objectif, d'une part, il répond au voeu exprimé par tous les maires de France et, d'autre part, il allège la taxe professionnelle versée par les entreprises de main-d'oeuvre qui ont une faible valeur ajoutée, étant entendu que bien des entreprises à forte valeur ajoutée ont une taxe professionnelle très faible ; l'augmentation qu'elles auraient à subir serait manifestement supportable alors que le taux de 3,8 % pénalise très fortement les entreprises de main-d'oeuvre. Or il convient aujourd'hui d'alléger ces dernières charges si l'on veut protéger l'emploi, ce qui me paraît être la priorité de la politique que nous défendons tous.
M. Maurice Schumann. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Cet amendement est important.
M. le président de la commission des finances souhaite donc réduire, si j'ai bien compris, de 3,8 % à 3,5 % le taux de plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 140 millions de francs et 500 millions de francs. Il propose, par ailleurs, de financer cette baisse par une hausse de 0,35 % à 0,8 % du taux de la cotisation minimale sur la valeur ajoutée.
Je comprends parfaitement son souci d'alléger le poids de la taxe professionnelle supportée par les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 140 millions de francs et 500 millions de francs. Ces entreprises, qui ne sont plus tout à fait de petites et moyennes entreprises mais qui ne sont pas encore de grandes entreprises, sont souvent, comme l'a rappelé M. le président de la commission des finances, des entreprises de main-d'oeuvre.
Cela dit, cette proposition nous paraît mériter un examen complémentaire.
Tout d'abord, nous débattons des articles de la deuxième partie de la loi de finances. En conséquence, cette disposition ne pourrait s'appliquer qu'à compter de 1998.
M. Maurice Schumann. C'est juste !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Nous disposons donc, monsieur Schumann, d'un peu de temps pour étudier les conséquences pratiques d'une telle proposition.
Si, a priori, elle devrait être, du point de vue budgétaire, équilibrée - il est bien sûr possible de peaufiner les calculs - il faut bien mesurer la signification du relèvement très substantiel de la cotisation minimale, qui serait plus que doublée puisqu'elle passerait de 0,35 % à 0,8 %. Or, à l'heure actuelle, nous ne connaissons pas encore les effets de la cotisation minimale. En effet, le système qui a été adopté l'année dernière est entré en application pour la première fois cette année. Les entreprises étant tenues de faire leur déclaration d'ici à la fin du mois de décembre 1996 et nombre d'entre elles ne l'ayant pas encore fait, nous encaisserons la cotisation minimale d'ici à la fin du premier trimestre de l'année prochaine.
Nous ne savons pas actuellement combien la cotisation minimale nous rapportera et, surtout, quelles sont les entreprises qui, en pratique, y seront assujetties. Si certains secteurs n'appellent peut-être pas une attention particulière, comme les banques ou les compagnies d'assurance, d'autres, comme le secteur agroalimentaire ou celui des activités de location, seraient très fortement touchés par une augmentation aussi forte de la cotisation minimale.
Par conséquent, prévoir une augmentation qui revient à plus que doubler la cotisation minimale, alors même que nous ne connaissons pas les effets de celle-ci et que, de toute manière, le régime proposé ne serait applicable qu'en 1998, me paraît un exercice un peu hasardeux.
A plusieurs reprises, monsieur le président de la commission des finances, vous nous avez invités à la sagesse et appelés à procéder à toutes les simulations nécessaires et à mener toutes les études prélables avant de légiférer. Or le domaine que nous évoquons est peut-être l'un de ceux pour lesquels nous devrions nous donner un petit délai supplémentaire, d'autant que, en matière de taxe professionnelle, l'expérience montre que des simulations insuffisantes risquent d'entraîner un certain nombre de difficultés.
Cela dit, sur le principe, le Gouvernement n'est pas opposé à un abaissement du taux de plafonnement de la taxe professionnelle, abaissement qui serait compensé par une augmentation de la cotisation minimale, d'autant que, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président de la commission des finances, l'association des maires de France en a émis officiellement le voeu.
Toutefois, je peux difficilement accepter les chiffres que vous proposez. Il serait, en effet, dommage de prévoir dès maintenant dans la loi des chiffres qui, dans trois ou six mois, risqueraient d'avoir des effets économiques positifs pour certaines branches mais des conséquences si négatives pour d'autres que nous devrions revenir en arrière.
Le ministère de l'économie et des finances s'est engagé, devant l'association des maires de France, à créer un groupe de réflexion sur la taxe professionnelle afin de pouvoir présenter des propositions - la commission des finances du Sénat pourrait en avoir la primeur - avant le débat d'orientation budgétaire qui se tiendra au printemps prochain.
Nous devrions disposer de toutes les informations nécessaires relatives à l'application de la cotisation minimale de 1996 vers la fin du mois de février 1997 et donc être en mesure de présenter des propositions précises applicables en 1998, dans l'esprit de ce que propose M. le président Poncelet, avant le débat d'orientation budgétaire de printemps.
En résumé, le Gouvernement approuve la démarche. J'attire toutefois votre attention sur la difficulté que nous avons à préciser les taux. Je vous suggère donc, monsieur Poncelet, de retirer votre amendement et je prends l'engagement que le Gouvernement présentera une proposition concrète chiffrée, en en réservant la primeur à la commission des finances du Sénat, avant le débat d'orientation budgétaire.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je ne conteste pas, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas en mesure de connaître le produit de la cotisation minimale, fixée, l'an dernier, à 0,35 % de la valeur ajoutée.
Les dispositions que je propose, compte tenu du fait qu'elles sont présentées lors de l'examen des articles de la deuxième partie, ne pourraient, dites-vous, qu'être appliquées en 1998. Je serais tenté de vous dire : « Bonne foi pour bonne foi, acceptez mon amendement ! » il ne correspondrait pas à l'analyse que j'ai faite, c'est-à-dire s'il ne parvient pas à instaurer un certain équilibre, nous le modifierions...
M. Maurice Schumann. Voilà ce qu'il faut faire !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... mais j'aurais au moins le mérite de l'avoir fait voter.
Toutefois, puisque, à la fin du mois de février, vous connaîtrez le produit de la cotisation minimale, vous serez en mesure d'établir un rapport précisant le coût de l'opération tendant à abaisser de 3,8 % à 3,5 % le taux de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée pour les entreprises dont le chiffre d'affaires se situe entre 140 millions de francs et 500 millions de francs. Nous verrons ainsi si l'équilibre est atteint et si des secteurs sont plus pénalisés que d'autres.
Pourriez-vous, toutefois, monsieur le ministre, prendre l'engagement de déposer devant le Parlement un rapport avant la fin du mois de mai 1997, c'est-à-dire avant que nous débattions des orientations budgétaires pour 1998 ? En ce cas, et si les chiffres que je vous ai présentés concordent avec la réalité, prenez-vous l'engagement d'accepter l'amendement que je viens de défendre et qui tend à abaisser le taux de la taxe professionnelle de 3,8 % à 3,5 % pour les entreprises de main-d'oeuvre ?
En la matière, il s'agit bien d'engager rapidement un effort en faveur des entreprises de main-d'oeuvre. J'ai les chiffres sous les yeux mais je ne les rappellerai pas dans le détail. Il est prouvé que, tant dans le Nord, monsieur Schumann, que dans les Vosges et dans d'autres départements, ces entreprises bénéficieraient, grâce au dispositif que je propose, d'un allégement sensible de la taxe professionnelle. Cette disposition serait de nature à favoriser tout au moins le maintien de l'emploi, car ces entreprises procèdent à de nombreux licenciements.
Je n'ai pas de raison de douter de votre sincérité, monsieur le ministre. Fin février, je disposerai des chiffres relatifs au produit de la cotisation minimale et, fin mai, j'aurai le rapport sur le coût de l'opération. A ce moment-là, nous verrons si nous pouvons reprendre cet amendement et le représenter lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998. (M. le ministre fait un signe d'approbation.)
Sous le bénéfice de l'accord du Gouvernement, je retire l'amendement n° II-213.
M. le président. L'amendement n° II-213 est retiré.
M. Michel Charasse. C'est dommage !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Après avoir retiré l'amendement n° II-213 et pour traduire les propos que je viens de tenir, je dépose un nouvel amendement, monsieur le président.
M. le président. Je suis effectivement saisi d'un amendement n° II-221, présenté par MM. Lambert et Poncelet, au nom de la commission des finances, et tendant à insérer, avant l'article 68, un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le 31 mai 1997, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport analysant les conséquences, en termes de transfert de fiscalité, entre les secteurs économiques, d'un abaissement à 3,5 % du taux du plafonnement de la taxe professionnelle applicable aux entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 140 millions et 500 millions de francs, compensé par un relèvement, à due concurrence, du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée de l'entreprise. »
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je ne peux qu'accepter cet amendement. Le président de la commission des finances m'a pris au mot. Soit !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-221.
M. René Régnault. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. On nous a privés, et c'est fort dommage, d'un débat qui a failli s'ouvrir voilà quelques instants.
Je voudrais, mes chers collègues, prendre acte des propos fort justes qu'a tenus le président de la commission des finances quand il a dit, s'agissant de l'assiette de la taxe professionnelle, qu'il existait des situations pénalisantes auxquelles il conviendrait de porter remède.
Au passage, il a également fait l'éloge, en quelque sorte, d'une disposition à laquelle les socialistes sont très sensibles : il s'agit de la contribution minimale de taxe professionnelle.
Cela dit, lorsqu'on fait référence au congrès de l'association des maires de France qui s'est tenue voilà quelques jours à la porte de Versailles, il faudrait aller jusqu'au bout ! En effet, les maires sont favorables à une contribution minimale de taxe professionnelle, sous réserve que celle-ci ne soit pas confisquée par l'Etat et qu'elle serve, par exemple, à alimenter un fonds de péréquation qui permettrait de rétablir quelque équité entre les collectivités, qui sont traitées de façon très différente.
Aujourd'hui, dans notre pays, l'espérance de taxe professionnelle d'une collectivité à une autre peut varier de 1 à 500. Si le potentiel de richesse par habitant peut connaître de telles variations, c'est dire si nous sommes devant une situation qui est devenue insupportable.
L'heure est venue non pas de bricoler une fois de plus, monsieur le ministre, mais d'engager la réforme de la taxe professionnelle, en modifiant, d'une part, les assiettes - car c'est bien un problème d'assiette qui vient d'être évoqué - d'autre part, la répartition de cette taxe professionnelle et, par conséquent, la péréquation.
Si nous rejetons sommes contre cet amendement, c'est pour vous inviter, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, à aller jusqu'au bout : demandons au Gouvernement de déposer sur le bureau du Sénat, en 1997, un rapport à partir duquel s'engagerait une réforme de la taxe professionnelle qui s'appliquerait en 1998. Je crois savoir que chacun dans cet hémicycle comme sur le terrain attend une telle réforme.
Mais, de grâce ! cessons d'aller de bricolage en bricolage ! Attaquons le problème au coeur et menons la réflexion jusqu'à son terme.
C'est ainsi que nous honorerons à la fois le travail que nous accomplissons et notre assemblée.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. La réforme de la taxe professionnelle est à l'ordre du jour presque depuis 1975, c'est-à-dire depuis sa création, et nous sommes tous, depuis plus de vingt ans, à la recherche de la formule miracle, de la formule qui réservera le traitement le plus favorable aux entreprises qui semblent le plus digne d'estime et de considération de la part des collectivités.
Bien entendu, pour ma part, j'adhère volontiers à la démarche de la commission des finances telle qu'elle a été fort bien exposée par M. Poncelet. Je crois que ce délai de quelques mois pourra être opportunément mis à profit pour réaliser les études nécessaires car, dans cet exercice de répartition, il y aura nécessairement des gagnants et des perdants. Bien entendu, les gagnants seront discrets et les perdants seront bruyants, nous pouvons le prédire, sans trop nous tromper, c'est la règle du genre !
Je souhaite, enfin, formuler une remarque qui peut s'appliquer à différents textes.
Lorsqu'on évoque le plafonnement par rapport à la valeur ajoutée et que l'on définit cette règle par catégorie d'entreprise et en fonction des chiffres d'affaires, il me paraît important de préciser qu'il s'agit bien de chiffres d'affaires consolidés. En effet, il serait trop facile d'avoir une filiale à 100 % qui serait dimensionnée pour entrer dans telle ou telle tranche d'un barème. Je ne suis pas certain que, dans tous les cas, on puisse procéder à une interprétation qui permette de se situer au niveau économique du groupe pour apprécier la question.
Sous le bénéfice de ces quelques remarques, je m'associe, bien entendu, à l'amendement présenté par M. Poncelet, au nom de la commission des finances.
M. Maurice Schumann. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Schumann.
M. Maurice Schumann. Il va de soi que je me rallie à l'amendement dont nous sommes maintenant saisis, et je remercie le président de la commission des finances de sa persévérance et de son ingéniosité.
Je ne peux me défendre cependant d'exprimer un certain regret.
De quoi s'agissait-il ? Il s'agissait d'arrêter dès maintenant, par l'annonce d'une mesure qui ne serait devenue effective qu'en 1998, l'hémorragie de l'emploi dans les industries de main-d'oeuvre. L'expérience des Vosges, celle du Nord, celle aussi de nombreux autres départements, nous montrent que, dans ce domaine, il convient de ne pas perdre un instant. Nous allons malheureusement perdre quelques mois.
Toutefois, la précision non seulement de l'engagement pris par M. le ministre, mais également de l'amendement rédigé en séance par le président de la commission des finances nous donnent l'espoir qu'enfin une certaine brèche sera ouverte dans un système dont le vice majeur est de pénaliser à la fois l'emploi et l'investissement.
Mais on ne m'empêchera pas de penser qu'il y avait une occasion à saisir tout de suite. Je souhaite qu'elle soit saisie dans un délai qui ne soit pas trop long ; ce délai est d'ailleurs fixé. Pour la première fois, nous avions une proposition précise de réforme de la taxe professionnelle - cette réforme demeure un élément essentiel de la lutte pour l'emploi - qui recueillait l'assentiment unanime, me semble-t-il, des élus concernés au premier chef.
Malgré tout, et, encore une fois, grâce au président de la commission des finances, nous avons fait un pas dans la bonne voie, et cela vaut mieux qu'une résignation qui entraîne de perpétuels ajournements. Par conséquent, je voterai l'amendement présenté par M. Poncelet, qui, je crois pouvoir le dire, serait celui de la commission des finances si elle avait eu l'occasion d'en délibérer.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je voterai naturellement, avec mon groupe, l'amendement qui nous est présenté, en substitution en quelque sorte du précédent, par le président et le rapporteur général de la commission des finances. Mais je souhaiterais que, dans cette affaire, puisque le Gouvernement présentera un rapport, il n'y ait pas de confusion entre la cotisation minimale et le problème des entreprises de main-d'oeuvre.
M. le président Poncelet a rappelé, à juste titre, que l'association des maires de France avait demandé, lors de son dernier congrès, une augmentation de la cotisation minimale. L'année dernière, un premier pas a été fait puisque le taux a été fixé à 0,35 % au congrès des maires, il avait été demandé que ce taux passe à 0,5 %, puis à 1 % ; le pourcentage de 0,5 % et celui de 1 % avaient été acceptés, en deux étapes.
Toutefois, le congrès avait souhaité, monsieur Poncelet, que cette ressource soit affectée au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle pour permettre de préserver les ressources des collectivités locales puisque, dans le même temps, l'Etat retirait ses concours. C'est toute l'histoire de l'enveloppe du pacte de stabilité, entre l'enveloppe normée et l'enveloppe non normée ; je n'insiste pas, car le Sénat est parfaitement informé de cette question.
Or vous nous avez proposé, monsieur Poncelet, une utilisation différente,...
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Michel Charasse. ... qui n'est d'ailleurs pas impossible.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ni coupable !
M. Michel Charasse. Mais encore faudrait-il que nous soyons d'accord sur ce que nous souhaitons affecter au fonds national de péréquation pour préserver l'ensemble des ressources de l'ensemble des collectivités locales et sur ce que nous pouvons attribuer aux entreprises de main-d'oeuvre.
Il s'agit d'une démarche qui m'est sympathique. Comme on l'a dit en commission des finances : après tout, pourquoi pas ! D'ailleurs, en allant jusqu'à 0,8 %, M. Poncelet franchit une étape assez rapidement, puisqu'on avait parlé de 0,5 % puis de 1 %.
Pour ma part, je souhaite que le rapport qui sera présenté le moment venu au Parlement soit un peu plus large, de manière que l'on puisse examiner les effets de l'application des taux de 0,8 % et de 1 %, ce qui devrait normalement venir conforter les ressources des collectivités locales, en permettant par ailleurs à l'Etat de faire ses propres économies à ressources inchangées pour les collectivités locales, et savoir quel supplément on peut utiliser pour les entreprises de main-d'oeuvre.
J'ai bien écouté ce qu'a dit M. le ministre, mais je tiens à rappeler, mes chers collègues, que la cotisation minimale de taxe professionnelle est réclamée à des contribuables qui paient trois fois rien, voire rien du tout.
M. Jean-Marie Girault. Absolument !
M. Michel Charasse. Il s'agit d'entreprises extrêmement rentables, qui n'ont rien à voir avec les entreprises de main-d'oeuvre auxquelles s'intéressent MM. Poncelet et Schumann, c'est-à-dire des grandes surfaces, des banques, des institutions financières, des compagnies d'assurance ... bref, il s'agit de contribuables qui, du fait même de la nature de la taxe professionnelle, se trouvent extraordinairement favorisés.
Lorsque le ministre dit : « Attendons de voir », c'est normal ! Si j'étais à sa place, je dirais sans doute la même chose. Mais je ne suis pas prêt à pleurer sur le sort de ces entreprises. D'autant, mes chers collègues, que, l'année dernière, nous avons adopté un système qui instaure un plafonnement. Par conséquent, la cotisation à 0,35 % - voire à 0,5 % ou à 0,8 % - ne rapporte pas grand-chose ! On ne peut pas augmenter - je parle sous votre contrôle - de plus de deux fois la première année et de trois fois la deuxième année, c'est-à-dire que l'on ménage beaucoup les contribuables sous-imposés !
Dans le même temps, mes chers collègues, nous avons voté une disposition selon laquelle, lorsque les entreprises dépassent le plafonnement et que ce dépassement est dû à une augmentation du taux, le plafonnement n'est plus pris en charge par l'Etat. Cela veut dire que le système que nous avons adopté l'année dernière préserve les intérêts de ceux qui ne paient rien et menace de déplafonnement ceux qui paient beaucoup, si la raison du dépassement du plafond est motivée par une augmentation du taux des collectivités locales.
Je souhaiterais que tout cela soit pris en compte dans le rapport, et en particulier que l'on examine la possibilité de sortir du déplafonnement adopté l'année dernière.
Je ne suis pas prêt, pour ma part, à pleurer sur le sort de gens payant trois fois rien. En effet, lorsque l'on demande à quelqu'un qui paie trois fois rien de payer deux fois plus, deux fois zéro, cela fait encore zéro et trois fois zéro, cela fait toujours zéro !
Et si l'on arrivait à déplafonner, alors, cher président Poncelet, il y aurait à la fois de quoi préserver les ressources des collectivités locales en taxant ceux qui ne paient rien, ou pas grand-chose - ce serait d'ailleurs une mesure de justice - et de quoi dégager un supplément pour vos entreprises de main-d'oeuvre.
Je souhaite tout simplement que le rapport du Gouvernement, prévu par l'amendement n° II-221, fasse ressortir l'ensemble de ces éléments et que nous puissions, le moment venu, délibérer en connaissance de cause, en ayant un dispositif de justice à l'intérieur de la taxe professionnelle.
M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Michel Charasse. J'ai conclu ! J'allais m'arrêter là, monsieur le président. Nos souhaits coïncident ! (Sourires.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. J'ai bien compris ce qu'a exprimé très clairement notre collègue Michel Charasse ; mais la démarche que je poursuis est inspirée de la priorité que nous devons donner à l'emploi. J'ai lu les déclarations des uns et des autres : sur toutes les travées a été exprimée la volonté de faire rapidement des efforts au bénéfice de l'emploi.
M. Charasse s'intéresse par priorité, me semble-t-il, à corriger l'inégalité entre les collectivités locales par le relèvement de la cotisation minimale alimentant le fonds de péréquation. Si cette démarche doit certes être entreprise, j'ai néanmoins considéré que le plus urgent au titre de l'emploi était de réparer une inégalité entre les entreprises qui, elles, créent l'emploi.
Il est vrai, comme l'a dit lui-même M. Charasse, que certaines entreprises à forte valeur ajoutée paient une très faible taxe professionnelle. Il serait donc urgent que celles-ci consentent un effort supplémentaire, même s'il faut corriger légèrement le plafond, au bénéfice de l'atténuation de la taxe professionnelle versée par les entreprises de main-d'oeuvre. On sait quel prix on attache à la création d'emplois et surtout au maintien de l'emploi. On peut concilier les deux ; mais si une priorité doit être donnée, c'est celle de l'emploi qu'il faut privilégier.
M. Maurice Schumann. Très bien !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je dirai d'une phrase à notre collègue M. Régnault, reprenant en cela l'expression de M. Marini, que, dès que la taxe professionnelle a été instituée, il y a eu immédiatement contestation. Certes, ceux qui ont bénéficié d'un avantage par rapport à la patente qui existait auparavant se sont tus !
M. Michel Charasse. Il fallait la conserver !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Mais, à l'époque, le Gouvernement, confronté à la réaction de parlementaires estimant que certaines entreprises cotiseraient davantage par le biais de la nouvelle taxe professionnelle qu'elles ne le faisaient auparavant, a créé une commission d'études et annoncé qu'il mettrait à la disposition de ceux qui les demanderaient tous les éléments nécessaires. Ce fut la commission Aurillac, dont le rapporteur fut notre ancien collègue André Voisin.
Cette commission a bâti une taxe professionnelle ayant uniquement pour base la valeur ajoutée, ce qui a donné lieu, bien sûr, à des turpitudes plus graves et à des inégalités plus importantes encore que la taxe que nous avions bâtie. C'est la raison pour laquelle, dès son instauration et depuis lors, des corrections successives ont dû être apportées à cette taxe.
Mais à ce jour, monsieur Régnault, personne n'a encore pu proposer une base de substitution aux bases actuelles ; M. Charasse le sait d'ailleurs très bien puisqu'il a reçu des propositions auxquelles il n'a pas donné suite, ce que je comprends d'ailleurs.
C'est la raison pour laquelle je propose aujourd'hui une correction allant dans le sens d'une réparation de l'inégalité qui existe entre les entreprises et qui pénalise celles qui ont une forte main-d'oeuvre par rapport à celles qui ont une faible main-d'oeuvre et une forte valeur ajoutée.
Telle est l'idée que j'ai développée.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je regrette que l'on sorte de la voie assez claire que nous avait tracée la commission des finances pour aller vers des choses de plus en plus complexes.
Comme l'a très bien rappelé M. Marini, dès le début, la taxe professionnelle a été une réforme malheureuse.
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Yann Gaillard. Je rappelle que, à l'époque de sa création, le directeur général des impôts a « sauté » et que l'on a retiré de la direction générale des impôts le service de législation fiscale. C'est dire le côté terriblement difficile de cette affaire !
M. Michel Charasse. Vengeance mesquine !
M. Yann Gaillard. J'ai toujours beaucoup de considération pour les exposés de notre collègue Michel Charasse, mais je tremble un peu quand je l'entends parler de déplafonnement, car, chaque fois qu'il est procédé à cette opération, il en résulte des heures de discussion !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-221, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 68.

Article 68