M. le président. « Art. 65. - La dernière phrase du deuxième alinéa du a du 5 de l'article 158 du code général des impôts est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Cet abattement ne peut excéder 24 000 francs pour l'imposition des revenus de 1997, 20 000 francs pour l'imposition des revenus de 1998 et 16 000 francs pour l'imposition des revenus de 1999. Il est fixé à 12 000 francs pour l'imposition des revenus perçus à compter du 1er janvier 2000. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-145 est présenté par Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° II-164 est déposé par M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° II-145.
M. Claude Billard. L'article 65 de ce projet de loi de finances est l'un des éléments du dispositif mis en place par le Gouvernement pour faire croire, en dépit de l'évidence, à une répartition plus équitable de l'impôt sur le revenu selon les capacités contributives des contribuables.
Si l'article 59 porte sur le devenir du barème de l'impôt progressif, l'article 65 vient corriger l'impression a priori favorable qui pourrait se dégager des intentions affichées par le Gouvernement. En effet, ce dernier nous invite à nous attaquer aux dispositions du code général des impôts concernant les retraités.
On nous propose en effet de prolonger sur la durée le processus enclenché en première partie avec l'article 6 et de continuer de réduire le plafond des 10 % appliqués aux pensions et retraites.
Prenons un exemple chiffré pour bien mesurer les conséquences du dispositif mis en place.
Nous prendrons l'exemple d'un retraité disposant d'un revenu annuel de 150 000 francs nets.
Les enfants de ce retraité sont aujourd'hui salariés et il bénéficie donc d'un quotient familial d'une part et demie.
En 1997, son revenu net imposable sera de 108 000 francs.
Une fois appliqué le quotient familial, son impôt se monte donc à 7 790 francs.
En l'an 2000, son revenu brut est de 159 200 francs.
Pour estimer le montant de ce revenu, nous sommes partis d'une hypothèse dans laquelle le montant de la pension était revalorisé tous les ans de 1,5 %, en suivant simplement le mouvement de la hausse des prix.
Son revenu imposable net sera donc alors de 117 760 francs.
Sa cotisation d'impôt sera donc de 6 337 francs.
Cependant, son revenu imposable est majoré d'un peu plus de 3 000 francs du fait des dispositions de l'article 65.
Circonstance aggravante pour notre retraité : il est contribuable divorcé et il est donc concerné par la mesure que nous avons évoquée lors de l'examen de l'article 59.
Or, son impôt de 6 337 francs avec une part et demie serait de 17 689 francs avec une part de quotient familial.
Sa cotisation d'impôt sera donc de 7 689 francs au bout de la réforme, soit pratiquement la même somme que celle qu'il devait acquitter en 1997.
Il est donc à peu près manifeste que le Gouvernement a choisi de limiter le plafond des 10 % accordés aux retraites et pensions pour une raison assez compréhensible : le nombre des retraités va augmenter et le niveau moyen des prestations servies va également augmenter, car vont progressivement se retrouver en fin d'activité - notamment avec les dispositifs de préretraite progressive - les couches nombreuses du baby boom qui ont travaillé pendant le nombre d'annuités requis.
Première opposition de principe donc de notre groupe à cette façon de faire : les 10 % d'abattement pour frais professionnels sur les salaires sont transposés aux pensions et retraites, parce que ces pensions et retraites sont, d'abord et avant tout, des salaires différés.
Les pensions et retraites sont par ailleurs des revenus clairement identifiés, leur montant dépendant d'un calcul effectué sur la base de dispositions législatives claires, et établi par des organismes gestionnaires bien connus. Un retraité ne dissimule pas plus qu'un salarié la réalité de son revenu imposable.
Dans les faits, cela revient à déconnecter les retraites qui seront servies demain du lieu où elles se sont naturellement constituées, c'est-à-dire l'entreprise.
On ne peut, par exemple, oublier les grands choix les plus récents opérés par le pouvoir en matière de retraite : alignement de la progression des pensions sur l'indice des prix, modification du calcul du salaire de référence et, aussi, imputation sur les prestations de nouvelles cotisations, singulièrement la CSG et la CRDS.
Les retraités ont d'ailleurs aujourd'hui la légitime impression d'être en quelque sorte montrés du doigt et accusés de tous les maux, à commencer par celui de vouloir jouir d'une retraite pleine et heureuse.
Encore aujourd'hui, la majorité des retraités sont non imposables au titre de l'impôt sur le revenu.
L'évolution de la période récente amène en fait à penser que le Gouvernement souhaite faire payer aux retraités du régime général de demain une partie du coût de sa réforme de l'impôt sur le revenu.
Une fois de plus, le choix opéré par le pouvoir nous paraît condamnable, et nous vous proposons donc de le rejeter.
M. le président. La parole est à M. Régnault, pour défendre l'amendement n° II-164.
M. René Régnault. Il est proposé, dans cet amendement, que le plafond applicable à l'abattement de 10 % concernant les pensions ne soit pas abaissé, comme il l'a été en vertu de l'article 6 du présent projet de loi de finances.
Il n'est pas juste de faire porter exclusivement sur les régimes dérogatoires, à portée sociale, le poids de la réforme portant élargissement de l'assiette de l'impôt sur le revenu, comme l'entend le Gouvernement.
C'est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Défavorable également. Nous avons eu un long débat sur cette disposition à l'occasion de l'examen de la première partie de la loi de finances ; il n'est pas nécessaire d'y revenir.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-145 et II-164, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 65.

(L'article 65 est adopté.)

Article 66